Language of document : ECLI:EU:T:2010:509

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

9 décembre 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale NATURALLY ACTIVE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif intrinsèque – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage − Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑307/09,

Liz Earle Beauty Co. Ltd, établie à Ryde, île de Wight (Royaume-Uni), représentée initialement par M. M. Cover, puis par Mme K. O’Rourke, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 11 mai 2009 (affaire R 27/2009-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal NATURALLY ACTIVE comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé, lors du délibéré, de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 décembre 2007, la requérante, Liz Earle Beauty Co. Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal NATURALLY ACTIVE.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, des classes 3, 5, 16, 18, 35 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « cosmétiques ; lotions, crèmes, gels et préparations pour la peau ; lotions, crèmes et préparations protectrices pour la peau ; crèmes, huiles, lotions et préparations démaquillantes et hydratantes ; crèmes, huiles, lotions et préparations de bronzage, de protection contre le soleil et solaires ; crèmes et préparations après-soleil ; préparations de bronzage et de coloration pour la peau ; préparations contre les coups de soleil à des fins non médicales ; savons ; gels douche ; huiles essentielles ; lotions, crèmes et préparations pour le soin du visage, du corps et des ongles ; préparations pour le bain ; préparations de rasage ; démaquillants, lotions toniques ; parfums ; maquillage ; préparations de soin pour les yeux ; préparations exfoliantes » ;

–        classe 5 : « pommades contre les coups de soleil » ;

–        classe 16 : « imprimés, à savoir brochures, cartes et bons ; livres et publications » ;

–        classe 18 : « sacs de lavage, sacs et coffrets à cosmétiques, sacs de plage, sacs à main, sacs à porter à l’épaule, sacs à cordon, porte-monnaie, portefeuilles, ‘vanity cases’, sacs à maquillage, sacs en toile ; pochettes pour miroirs » ;

–        classe 35 : « services de vente au détail liés aux cosmétiques, lotions, crèmes, gels et préparations pour la peau ; lotions, crèmes et préparations protectrices pour la peau ; crèmes, huiles, lotions et préparations démaquillantes et hydratantes ; crèmes, huiles, lotions et préparations de bronzage, de protection contre le soleil et solaires ; crèmes et préparations après-soleil ; préparations de bronzage et de coloration pour la peau ; préparations contre les coups de soleil à des fins non médicales ; savons, gels douche, huiles essentielles, lotions, crèmes et préparations pour le soin du visage, du corps et des ongles ; préparations pour le bain ; préparations de rasage ; démaquillants ; lotions toniques ; parfums ; maquillage ; préparations de soin pour les yeux » ;

–        classe 44 : « soins d’hygiène et de beauté pour hommes et femmes ; traitements cosmétiques pour le corps, le visage et les cheveux ; conseils en matière de beauté ; consultations en matière de cosmétiques ; consultations en matière de beauté ; traitements thérapeutiques de beauté ; conseils nutritionnels et diététiques ; services d’information, de conseil et de consultation afférents aux services susmentionnés ».

4        Par décision du 4 novembre 2008, l’examinateur a, en vertu de l’article 38 du règlement n° 40/94 (devenu article 37 du règlement n° 207/2009), rejeté la demande d’enregistrement de marque communautaire pour l’ensemble des produits et des services énumérés au point précédent, sur le fondement des dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenus, respectivement, article 7, paragraphe 1, sous b), et article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009], au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque. En outre, l’examinateur a considéré que la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009] n’avait pas été apportée.

5        Le 23 décembre 2008, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 40/94 [devenus articles 59 à 66 du règlement n° 207/2009], contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 11 mai 2009 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

7        En substance, la chambre de recours a constaté que le signe verbal NATURALLY ACTIVE n’était qu’une simple indication promotionnelle de caractère élogieux. Le fait que la marque demandée ne soit pas descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 ne signifierait pas que la marque ait un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. En ce qui concerne le prétendu caractère distinctif acquis par l’usage, la chambre de recours a estimé que la requérante aurait dû démontrer que le signe verbal en cause avait acquis un tel caractère non seulement au Royaume-Uni et en Irlande, mais également dans tous les autres États membres. Or, la requérante n’aurait pas apporté une telle preuve. Par conséquent, la chambre de recours a considéré que le motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 était applicable en l’espèce et qu’il n’était pas établi que la marque demandée ait acquis, selon l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et déclarer qu’il doit être procédé à la publication et à l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

9        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      La requérante soulève deux moyens, tirés respectivement d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

11      L’OHMI conteste le bien-fondé des moyens présentés par la requérante. Il soutient également que le premier chef de conclusions est irrecevable pour autant qu’il vise à ce que le Tribunal déclare qu’il doit être procédé à la publication et à l’enregistrement de la marque demandée. Enfin, l’OHMI conteste la recevabilité de certaines annexes.

 Sur la recevabilité des annexes A.5 et A.8

12      En annexe A.5 à la requête, la requérante a soumis des éléments de preuve sur le lectorat et le tirage des magazines dans lesquels les prix décernés à ses produits avaient été annoncés. En annexe A.8, la requérante a fourni des informations sur la société QVC provenant du site Internet www.qvcuk.com. Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

 Sur la recevabilité de la deuxième partie du premier chef de conclusions

13      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal non seulement d’annuler la décision attaquée, mais également de déclarer qu’il doit être procédé à la publication et à l’enregistrement de la marque demandée. Or, selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal de faire une telle déclaration, qui, vu son contenu, équivaudrait en l’espèce, en substance, à une injonction. Il incombe, en effet, à l’OHMI de tirer les conséquences du dispositif et des motifs du présent arrêt [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12].

14      Partant, il y a lieu de rejeter comme irrecevable le premier chef de conclusions pour autant qu’il vise à ce que le Tribunal déclare qu’il doit être procédé à la publication et à l’enregistrement de la marque demandée.

 Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

–       Arguments des parties

15      En premier lieu, la requérante fait valoir que l’expression « naturally active » (naturellement actif) est une combinaison inhabituelle de deux mots anglais et non une combinaison utilisée de manière ordinaire en anglais. Afin de parvenir à la conclusion contenue dans la décision attaquée, selon laquelle les produits en cause sont « quelque chose qui agit ou fonctionne de façon non artificielle », des précisions supplémentaires seraient nécessaires pour le consommateur. L’usage des termes « naturally active » résulterait en quelque sorte du fait que les avantages des produits sont dérivés des ingrédients naturels employés. Il ne saurait être attendu de la part du consommateur moyen de savoir que, dans de nombreux produits de beauté, même lorsque des ingrédients naturels sont utilisés de manière prédominante, des additifs artificiels sont souvent employés afin d’extraire leurs bienfaits. Par conséquent, l’expression « naturally active » ne serait pas une indication promotionnelle.

16      En deuxième lieu, la requérante précise que l’expression « naturally active » est inhabituelle en anglais, parce qu’elle ne serait pas une expression significative en elle-même et que le consommateur aurait besoin d’autres explications quant à sa signification et au contexte dans lequel elle est employée. La requérante soutient qu’il en découle qu’elle est à la fois frappante et mémorisable pour le consommateur. L’expression ne serait en aucune manière élogieuse et n’encouragerait pas les consommateurs à acheter les produits pour un motif autre que le fait que l’expression « naturally active » serait une marque reconnue des produits de la requérante.

17      En troisième lieu, la requérante soutient que l’expression ne saurait être comprise lorsqu’elle figure uniquement dans le signe verbal NATURALLY ACTIVE. Ce serait seulement au moyen de la description du contexte des produits que le grand public pourrait comprendre cette expression. Par conséquent, l’expression ne saurait être considérée comme banale. Le grand public percevrait le signe verbal en cause comme une indication que les produits proviennent spécifiquement de l’activité de la requérante dans le secteur de la cosmétique et de la beauté. Selon la requérante, ce point peut être démontré par la multitude de prix décernés aux produits comportant le signe verbal NATURALLY ACTIVE par les journaux et magazines visés en annexe à la requête.

18      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante. Il fait valoir, en substance, que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif et que l’expression « naturally active » est tellement générale que ce motif de refus pourrait s’appliquer à tous les produits et les services concernés.

–       Appréciation du Tribunal

19      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

20      Selon la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et la jurisprudence citée).

21      Ainsi, les signes visés par cet article sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 26, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, Rec. p. II‑1915, point 24]. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés [arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 65] ou qui sont susceptibles de l’être [arrêt du Tribunal du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), T‑216/02, Rec. p. II‑1023, point 34].

22      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception d’un public concerné qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services (arrêts LITE, point 21 supra, point 27, et EUROCOOL, point 13 supra, point 38), en particulier parce que la perception de la marque par le public concerné est influencée par son niveau d’attention, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 42].

23      C’est à la lumière de ces considérations que la légalité de la décision attaquée doit être appréciée.

24      S’agissant, tout d’abord, de la détermination du public pertinent, la chambre de recours a affirmé, sans être contredite par la requérante sur ce point, que les produits et les services visés par la marque demandée sont destinés au consommateur moyen, qui est normalement informé, attentif et avisé, et que le signe verbal NATURALLY ACTIVE se composant de deux mots anglais, il y a lieu de considérer que les consommateurs pertinents sont les européens anglophones (European English speakers).

25      En revanche, dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante conteste le fait que le public constitué des européens anglophones comprenne des personnes n’ayant qu’une connaissance très rudimentaire de l’anglais. Partant, elle conteste, implicitement, l’affirmation de la chambre de recours, au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle le motif de refus existe « dans tous les autres pays dans lesquels l’anglais de base peut être compris, c’est-à-dire dans tous les pays de l’Union européenne ».

26      Sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal, dans le cadre du premier moyen, de se prononcer sur la notion exacte d’« européens anglophones », il convient de relever que le nombre de pays dans lesquels l’anglais de base peut être compris est plus élargi que celui des pays dans lesquels l’anglais est la langue maternelle. En effet, le Tribunal a déjà confirmé qu’une compréhension de base de la langue anglaise par le grand public, en tout cas, des pays scandinaves, des Pays-Bas et de la Finlande, est un fait notoire [arrêt du Tribunal du 26 novembre 2008, New Look/OHMI (NEW LOOK), T‑435/07, non publié au Recueil, point 23]. Cela vaut également pour Malte, où l’anglais est l’une des langues officielles, et pour Chypre. Par conséquent, le public pertinent comprend, au moins, les consommateurs de ces pays.

27      En outre, il ressort de la jurisprudence qu’un signe verbal composé de mots de langue anglaise dont la combinaison est grammaticalement correcte peut avoir un sens non seulement pour un public anglophone, mais aussi pour un public ayant des connaissances suffisantes de l’anglais [arrêts du Tribunal LIVE RICHLY, point 21 supra, point 76, et du 12 mars 2008, Suez/OHMI (Delivering the essentials of life), T‑128/07, non publié au Recueil, point 22].

28      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en incluant dans le public pertinent les consommateurs d’autres pays que ceux dans lesquels l’anglais est la langue maternelle, et notamment les consommateurs des pays dans lesquels une connaissance de l’anglais de base est un fait notoire.

29      S’agissant de la signification de la marque demandée, la chambre de recours a constaté, au point 20 de la décision attaquée, que ladite marque, NATURALLY ACTIVE, était composée de termes anglais qui signifient « quelque chose qui agit ou fonctionne de façon non artificielle » et que, partant, sur le plan conceptuel, la marque demandée constituait une indication promotionnelle indiquant au consommateur une caractéristique désirable des produits et des services en cause.

30      À cet égard, il convient de relever que la marque demandée se compose de deux mots ordinaires ayant un sens déterminé. L’adverbe « naturally » signifie « d’une manière naturelle ou normale » et l’adjectif « active » signifie « qui agit ou provoque une réaction ». En outre, la syntaxe du signe verbal en cause est grammaticalement correcte.

31      La requérante soutient que l’expression « naturally active » est une combinaison inhabituelle, qu’elle n’est pas une expression significative en elle-même et que des explications plus détaillées sont nécessaires pour que le consommateur comprenne que l’effet bénéfique des produits tient à la présence d’ingrédients naturels ou d’origine végétale. Cette affirmation doit être rejetée. Comme la chambre de recours l’a estimé à juste titre, la signification du signe verbal en cause est manifeste pour tous les produits et les services qui visent les cosmétiques et les soins de beauté.

32      L’adverbe « naturally » sera compris comme faisant référence à des ingrédients naturels. En effet, les preuves documentaires fournies par la requérante montrent que les références à la nature et aux substances naturelles sont courantes en cosmétique. Par exemple, le magazine de santé Natural Health décerne des prix appelés « Natural Health Beauty ». De même, les prix de beauté 2007 décernés par le magazine Harper’s comportent une catégorie spécifique pour les produits cosmétiques « naturels/biologiques ». L’adjectif « active » indique que les produits et les services de soins pour la peau produisent des effets. Par conséquent, la combinaison de ces deux mots anglais ordinaires donne un sens manifeste à l’expression « naturally active ». Dans le contexte des produits et des services cosmétiques, cette expression véhicule l’idée que ceux-ci permettent d’obtenir un résultat qui est généré par des substances naturelles.

33      Contrairement à l’affirmation de la requérante, la combinaison figurant dans le signe verbal NATURALLY ACTIVE ne sera donc pas perçue comme inhabituelle par les consommateurs, mais comme une expression ayant la signification indiquée par la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée. En effet, le signe verbal en cause ne contient rien d’aisément mémorisable en termes de jeu de mots, rime, message subliminal ou syntaxe inhabituelle. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, qui conteste la signification littérale évidente de la marque demandée, celle-ci contient simplement une information destinée à encourager les consommateurs à acheter les produits et les services concernés.

34      Ce message est évident et il sera compris par le public pertinent sans effort intellectuel particulier. À l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater que la marque demandée est banale, puisqu’il s’agit d’une simple indication promotionnelle, dont le message est tellement général qu’il peut s’appliquer à tous les produits et les services en rapport avec les cosmétiques et les soins de beauté. Or, les termes génériques élogieux ne peuvent être réservés à une seule entreprise, puisqu’il relève de l’intérêt général de ne pas restreindre indûment leur disponibilité aux concurrents offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, Rec. p. II‑2793, points 95 et 96].

35      Enfin, cette signification du signe verbal visé par la marque demandée trouve également confirmation dans la manière dont la requérante l’utilise sur ses propres produits, dans des expressions comme « naturally active ingredients » (ingrédients naturellement actifs), « naturally active skincare » (soin de la peau naturellement actif) ou « naturally active bodycare » (soin du corps naturellement actif), qui figurent notamment sur certains des produits qui ont reçu les prix mentionnés par la requérante (voir, par exemple, la représentation des produits cosmétiques de la requérante aux pages 38, 39 et 43 de l’annexe à la requête, où ces indications figurent sur les produits). Dans la mesure où la requérante utilise elle-même souvent les mots « naturally active » en combinaison avec un substantif comme « ingredients » ou « skincare », il est évident que le public pertinent percevra le contenu sémantique du signe verbal en cause comme indiquant au consommateur une caractéristique du produit et non comme une indication de l’origine commerciale des produits. Le nombre de prix décernés aux produits comportant le signe verbal NATURALLY ACTIVE par des journaux et des magazines anglais n’a d’ailleurs aucune pertinence pour trancher la question de savoir si la marque demandée revêt un caractère distinctif.

36      Par conséquent, en ce qui concerne les produits et les services relevant des classes 3, 5, 35 et 44, la chambre de recours était fondée à refuser l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

37      Pour ce qui est des produits relevant des classes 16 et 18, qui ne contiennent ni n’utilisent aucun ingrédient actif, les considérations qui précèdent ne sont pas directement transposables. Néanmoins, s’agissant des « imprimés, à savoir brochures, cartes et bons ; livres et publications », compris dans la classe 16, il y a lieu de considérer qu’il s’agit notamment d’imprimés, de livres et de publications qui sont destinés à assurer la promotion de produits cosmétiques et que, par conséquent, l’expression « naturally active » sera comprise comme faisant référence à la caractéristique de produits cosmétiques qui y sont souvent mentionnés et représentés. Une telle motivation concernant les « publications sur ce sujet » est indiquée au point 25 de la décision attaquée. Partant, c’était à bon droit que la chambre de recours a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 16.

38      En revanche, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 18, à savoir les « sacs de lavage, sacs et coffrets à cosmétiques, sacs de plage, sacs à main, sacs à porter à l’épaule, sacs à cordon, porte-monnaie, portefeuilles, ‘vanity cases’, sacs à maquillage, sacs en toile ; pochettes pour miroirs », force est de constater que la décision attaquée ne contient aucune motivation expliquant pourquoi le signe verbal en cause est, également à leur égard, dépourvu de caractère distinctif. En particulier, la simple affirmation, figurant au point 25 de la décision attaquée, selon laquelle « [u]ne indication promotionnelle aussi générale ne saurait constituer une indication d’une origine commerciale donnée et […], partant, la marque ne peut être acceptée pour l’un quelconque des produits et [des] services visés par la demande » est trop générale et ne respecte pas la règle, énoncée au point 22 ci-dessus, selon laquelle le caractère distinctif doit être apprécié « par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé ».

39      À cet égard, la Cour a rappelé, d’une part, que l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, que la décision par laquelle l’OHMI refuse l’enregistrement d’une marque doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir ordonnance de la Cour du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, non encore publiée au Recueil, point 37, et la jurisprudence citée).

40      Il est vrai que, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’OHMI peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, Rec. p. I‑1455, point 37). Toutefois, cette faculté ne saurait notamment porter atteinte à l’exigence essentielle que toute décision refusant le bénéfice d’un droit reconnu par le droit de l’Union puisse être soumise à un contrôle juridictionnel destiné à assurer la protection effective de ce droit et qui, de ce fait, doit porter sur la légalité des motifs de ce refus. En particulier, la Cour a affirmé que, même au cas où les produits ou les services concernés relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice, ce fait n’est pas suffisant en soi pour conclure à une homogénéité suffisante, ces classes contenant souvent une grande variété de produits ou de services qui ne présentent pas nécessairement entre eux un tel lien suffisamment direct et concret (voir ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 39 supra, points 39 et 40, et la jurisprudence citée).

41      Or, en l’espèce, la décision attaquée ne répond pas à ces exigences, dès lors qu’il n’a été procédé à aucune distinction entre catégories de produits homogènes visés par la demande d’enregistrement. En effet, la chambre de recours aurait dû au moins faire une distinction entre, d’une part, les produits et les services qui sont directement liés aux cosmétiques et, d’autre part, les produits compris dans la classe 18.

42      Dans son mémoire en réponse et dans sa réponse à une question écrite du Tribunal concernant la motivation de la décision attaquée, l’OHMI fait également valoir que, s’agissant des produits de la classe 18, la marque demandée NATURALLY ACTIVE sera comprise soit comme faisant référence à la qualité des produits cosmétiques, soit comme un message se rapportant à l’utilisateur de ces produits, et que le signe verbal en cause véhicule l’idée que ces produits sont destinés à des « personnes ‘naturellement’ ou véritablement actives ». Or, dans le cas de produits comme les sacs de lavage et les coffrets à cosmétiques, il n’est pas du tout évident que le public pertinent perçoive l’expression « naturally active » en ce sens. En particulier, les produits relevant de la classe 18, et notamment les porte-monnaie, les portefeuilles et les pochettes pour miroirs, peuvent être remplis d’autre chose que de cosmétiques. En outre, l’explication de l’OHMI supposerait que, en ce qui concerne uniquement les produits de la classe 18, il serait fait référence aux destinataires et non aux produits eux-mêmes. En tout état de cause, une motivation suffisante à cet égard fait défaut dans la décision attaquée.

43      Il importe de rappeler, à ce titre, que le défaut de motivation constitue un moyen d’ordre public, de sorte que le Tribunal doit vérifier si la chambre de recours a examiné et motivé à suffisance l’absence de caractère distinctif du signe en cause par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement dudit signe en tant que marque communautaire a été refusé [arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD), T‑405/07 et T‑406/07, Rec. p. II‑1441, point 56, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour, CFCMCEE/OHMI, point 39 supra, point 41].

44      Il ressort de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où y est refusé l’enregistrement comme marque communautaire du signe verbal NATURALLY ACTIVE pour les produits en cause relevant de la classe 18.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

–       Arguments des parties

45      La requérante reconnaît que, conformément à la jurisprudence, le caractère distinctif acquis par l’usage doit être démontré dans tous les États membres dans lesquels l’existence du motif de refus a été établie. Ainsi, les consommateurs pertinents seraient les européens anglophones, comme constaté au point 18 de la décision attaquée. La chambre de recours n’aurait cependant produit aucun élément justifiant son affirmation selon laquelle le motif de refus est présent dans tous les États membres. La requérante soutient que les européens anglophones ne sauraient inclure les personnes n’ayant qu’une connaissance très rudimentaire de l’anglais.

46      En ce qui concerne la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, la requérante affirme que les lettres de l’entreprise QVC, du magazine féminin She et de l’entreprise Atelier sont des avis objectifs de sociétés importantes, qui montrent que celles-ci considèrent le signe verbal NATURALLY ACTIVE comme lié à une marque de la requérante. Enfin, la déclaration de M. S. T., lequel travaille pour la requérante, ne constituerait pas un avis personnel, mais comporterait des éléments factuels relatifs à l’entreprise et à ses activités, notamment en ce qui concerne l’usage de longue date du signe verbal NATURALLY ACTIVE ainsi que l’intensité géographique et l’importance des investissements effectués pour le promouvoir.

47      L’OHMI conteste le bien-fondé des arguments de la requérante et soutient que la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage n’a pas été apportée.

–       Appréciation du Tribunal

48      L’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 prévoit que « [l]e paragraphe 1, [sous b) à d)], n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait ».

49      Il ressort de la jurisprudence que, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, point 27]. La partie de la Communauté visée au paragraphe 2 dudit article peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 83). Par conséquent, le caractère distinctif acquis par l’usage doit être démontré dans tous les États membres dans lesquels l’existence du motif de refus a été établie (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Bovemij Verzekeringen, C‑108/05, Rec. p. I‑7605, point 28).

50      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 18 de la décision attaquée, que les consommateurs pertinents étaient les européens anglophones (European English speakers). Ensuite, elle a estimé, au point 33 de la décision attaquée, que la requérante aurait dû démontrer que le signe verbal en cause avait acquis un caractère distinctif non seulement dans les pays anglophones de l’Union européenne, mais aussi dans tous les autres pays dans lesquels l’anglais de base peut être compris, c’est-à-dire dans tous les pays de l’Union européenne.

51      La requérante conteste uniquement cette dernière affirmation et fait valoir que le public constitué des européens anglophones ne saurait comprendre des personnes n’ayant qu’une connaissance très rudimentaire de l’anglais.

52      Or, à supposer même que la chambre de recours ait donné une interprétation trop large de la notion d’« européens anglophones », il est évident, et la requérante n’a d’ailleurs jamais affirmé le contraire, que le public pertinent n’est pas uniquement constitué des ressortissants du Royaume-Uni et d’Irlande de langue maternelle anglaise.

53      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un signe verbal composé de mots de la langue anglaise dont la combinaison est grammaticalement correcte peut avoir un sens non seulement pour un public de langue maternelle anglaise, mais aussi pour un public ayant des connaissances suffisantes de l’anglais (voir arrêt NEW LOOK, point 26 supra, point 20, et la jurisprudence citée). Comme constaté au point 26 ci-dessus, le Tribunal a déjà confirmé qu’une compréhension de base de la langue anglaise par le grand public, en tout cas, des pays scandinaves, des Pays-Bas et de la Finlande, était un fait notoire (arrêt NEW LOOK, point 26 supra, point 23). Cela vaut également, comme il a été souligné au même point, pour Malte, où l’anglais est l’une des langues officielles, et pour Chypre.

54      Or, s’agissant de tous ces pays, la requérante n’a jamais fourni la moindre preuve que la marque demandée y ait acquis un caractère distinctif par l’usage. En particulier, les lettres et les déclarations mentionnées au point 46 ci-dessus et les preuves d’usage déposées auprès de l’OHMI ne visent que le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne.

55      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen de la requérante.

56      Au vu de la conclusion évoquée au point 44 ci-dessus, il convient d’annuler partiellement la décision attaquée et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, la demande de la requérante n’étant accueillie que pour certains des produits concernés, il y a lieu de décider que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que deux tiers des dépens de l’OHMI et que ce dernier supportera un tiers de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 11 mai 2009 (affaire R 27/2009-2) est annulée dans la mesure où y est refusé l’enregistrement comme marque communautaire du signe verbal NATURALLY ACTIVE pour les sacs de lavage, les sacs et coffrets à cosmétiques, les sacs de plage, les sacs à main, les sacs à porter à l’épaule, les sacs à cordon, les porte-monnaie, les portefeuilles, les « vanity cases », les sacs à maquillage, les sacs en toile et les pochettes pour miroirs, relevant de la classe 18 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Liz Earle Beauty Co. Ltd supportera ses propres dépens ainsi que deux tiers des dépens de l’OHMI. Ce dernier supportera un tiers de ses dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.