Language of document : ECLI:EU:C:2021:876

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 octobre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4 – Demande de consentement à des poursuites pour d’autres infractions que celles ayant justifié la remise – Article 28, paragraphe 3 – Demande de consentement à une remise ultérieure de la personne concernée à un autre État membre – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à une protection juridictionnelle effective – Droit de la personne concernée d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution – Modalités »

Dans les affaires jointes C‑428/21 PPU et C‑429/21 PPU,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas), par décisions du 14 juillet 2021, parvenues à la Cour le 14 juillet 2021, dans les procédures relatives à l’exécution des mandats d’arrêt européens émis contre 

HM (C‑428/21 PPU),

TZ (C‑429/21 PPU)

en présence de :

Openbaar Ministerie,

LA COUR (première chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. S. Rodin, N. Jääskinen (rapporteur), J.‑C. Bonichot et M. Safjan, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 septembre 2021,

considérant les observations présentées :

–        pour l’Openbaar Ministerie, par Mme C. McGivern et M. K. van der Schaft,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et C. S. Schillemans ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mme M. Lane, en qualité d’agent, assistée de Mme G. Mullan, BL,

–        pour le gouvernement français, par Mme A. Daniel, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid ainsi que par MM. M. Wasmeier et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 octobre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, ainsi que de l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »), et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci–après la « Charte »).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de l’exécution, aux Pays‑Bas, de deux mandats d’arrêt européens émis, respectivement, dans l’affaire C‑428/21 PPU, par les autorités judiciaires hongroises contre HM, ressortissant d’un pays tiers, et, dans l’affaire C‑429/21 PPU, par les autorités judiciaires belges contre TZ, ressortissant néerlandais, à la suite de la demande de consentement formulée par chacune de ces autorités judiciaires, la première au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 et, la seconde, au titre de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 5, 6 et 12 de la décision-cadre 2002/584 sont libellés comme suit :

« (5)      L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)      Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire. 

[...]

(12)      La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la [Charte], notamment son chapitre VI. [...] »

4        L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », dispose :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. »

5        Les articles 3, 4 et 4 bis de ladite décision-cadre énumèrent les motifs de non-exécution obligatoire (article 3) et facultative (articles 4 et 4 bis) du mandat d’arrêt européen. L’article 5 de la même décision-cadre prévoit les garanties à fournir par l’État membre d’émission dans des cas particuliers. L’article 8 de la décision-cadre 2002/584 porte sur le contenu et la forme du mandat d’arrêt européen.

6        Aux termes de l’article 11 de cette décision-cadre, intitulé « Droits de la personne recherchée » :

« 1.      Lorsqu’une personne recherchée est arrêtée, l’autorité judiciaire d’exécution compétente informe cette personne, conformément à son droit national, de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise à l’autorité judiciaire d’émission.

2.      Une personne recherchée qui est arrêtée aux fins de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, a le droit de bénéficier des services d’un conseil et d’un interprète conformément au droit national de l’État membre d’exécution. »

7        L’article 13 de ladite décision-cadre, intitulé « Consentement donné à la remise », prévoit :

« 1.      Si la personne arrêtée indique qu’elle consent à sa remise, ce consentement et, le cas échéant, la renonciation expresse au bénéfice de la “règle de la spécialité”, visée à l’article 27, paragraphe 2, sont donnés devant l’autorité judiciaire d’exécution, conformément au droit interne de l’État membre d’exécution.

2.      Tout État membre adopte les mesures nécessaires pour que le consentement et, le cas échéant, la renonciation visés au paragraphe 1 soient recueillis dans des conditions faisant apparaître que la personne les a exprimés volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent. À cette fin, la personne recherchée a le droit de se faire assister d’un conseil.

3.      Le consentement et, le cas échéant, la renonciation visés au paragraphe 1 sont consignés dans un procès-verbal, selon la procédure prévue par le droit interne de l’État membre d’exécution.

[...] »

8        L’article 14 de la même décision-cadre, intitulé « Audition de la personne recherchée », dispose :

« Si la personne arrêtée ne consent pas à sa remise de la manière prévue à l’article 13, elle a le droit d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution, conformément au droit de l’État membre d’exécution. »

9        L’article 15 de la décision-cadre 2002/584 est ainsi libellé :

« 1.      L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2.      Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3.      L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

10      L’article 19 de cette décision-cadre, intitulé « Audition de la personne dans l’attente de la décision », dispose, à son paragraphe 2 :

« L’audition de la personne recherchée est exécutée conformément au droit de l’État membre d’exécution et dans les conditions arrêtées d’un commun accord par l’autorité judiciaire d’émission et l’autorité judiciaire d’exécution. »

11      Aux termes de l’article 27 de ladite décision-cadre, intitulé « Poursuite éventuelle pour d’autres infractions » :

« 1.      Chaque État membre peut notifier au secrétariat général du Conseil que, dans ses relations avec d’autres États membres qui ont procédé à la même notification, le consentement est réputé avoir été donné pour qu’une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction commise avant sa remise, autre que celle qui a motivé sa remise, sauf si, dans un cas particulier, l’autorité judiciaire d’exécution en dispose autrement dans sa décision statuant sur la remise.

2.      Sauf dans les cas visés aux paragraphes 1 et 3, une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise.

3.      Le paragraphe 2 ne s’applique pas dans les cas suivants :

[...]

f)      lorsque la personne a expressément renoncé, après sa remise, à bénéficier de la règle de la spécialité pour des faits spécifiques antérieurs à sa remise. La renonciation est faite devant les autorités judiciaires compétentes de l’État membre d’émission et est consignée conformément au droit interne de cet État. Elle est rédigée de manière à faire apparaître que la personne concernée l’a faite volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent. La personne a le droit, à cette fin, de se faire assister d’un conseil ;

g)      lorsque l’autorité judiciaire d’exécution qui a remis la personne donne son consentement conformément au paragraphe 4.

4.      La demande de consentement est présentée à l’autorité judiciaire d’exécution, accompagnée des informations mentionnées à l’article 8, paragraphe 1, ainsi que d’une traduction comme indiqué à l’article 8, paragraphe 2. Le consentement est donné lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l’obligation de remise aux termes de la présente décision-cadre. Le consentement est refusé pour les raisons mentionnées à l’article 3 et, sinon, il ne peut l’être que pour les raisons mentionnées à l’article 4. La décision est prise au plus tard trente jours après réception de la demande.

[...] »

12      L’article 28 de la même décision-cadre, intitulé « Remise ou extradition ultérieure », dispose :

« 1.      Chaque État membre peut notifier au secrétariat général du Conseil que, dans ses relations avec d’autres États membres qui ont procédé à la même notification, le consentement pour la remise d’une personne à un État membre, autre que l’État membre d’exécution, en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis pour une infraction commise avant sa remise est réputé avoir été donné, sauf si, dans un cas particulier, l’autorité judiciaire d’exécution en dispose autrement dans sa décision de remise.

2.      En tout état de cause, une personne qui a été remise à l’État membre d’émission en vertu d’un mandat d’arrêt européen peut, sans le consentement de l’État membre d’exécution, être remise à un autre État membre que l’État membre d’exécution en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis pour une infraction commise avant sa remise, dans les cas suivants :

[...]

b)      lorsque la personne recherchée accepte d’être remise à un État membre autre que l’État membre d’exécution en vertu d’un mandat d’arrêt européen. Le consentement est donné aux autorités judiciaires compétentes de l’État membre d’émission et est consigné conformément au droit interne de cet État. Il est rédigé de manière à faire apparaître que la personne concernée l’a donné volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent. La personne recherchée a le droit, à cette fin, de se faire assister d’un conseil ;

c)      lorsque la personne recherchée ne bénéficie pas de la règle de la spécialité, conformément à l’article 27, paragraphe 3, points a), e), f) et g).

3.      L’autorité judiciaire d’exécution consent à ce que la personne concernée soit remise à un autre État membre conformément aux règles suivantes :

a)      la demande de consentement est présentée conformément à l’article 9, accompagnée des informations mentionnées à l’article 8, paragraphe 1, ainsi que d’une traduction comme indiqué à l’article 8, paragraphe 2 ;

b)      le consentement est donné lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l’obligation de remise aux termes de la présente décision-cadre ;

c)      la décision est prise au plus tard trente jours après réception de la demande ;

d)      le consentement est refusé pour les raisons mentionnées à l’article 3 et, sinon, il ne peut l’être que pour les raisons mentionnées à l’article 4.

[...] »

 Le droit néerlandais

13      La décision-cadre 2002/584 a été transposée dans le droit néerlandais par la Wet tot implementatie van het kaderbesluit van de Raad van de Europese Unie betreffende het Europees aanhoudingsbevel en de procedures van overlevering tussen de lidstaten van de Europese Unie (Overleveringswet) [loi mettant en œuvre la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (loi sur la remise)], du 29 avril 2004 (Stb. 2004, no 195), telle que modifiée en dernier lieu par la loi du 17 mars 2021 (Stb. 2021, no 155).

 Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

 L’affaire C428/21 PPU

14      Le 25 mai 2020, la juridiction de renvoi, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays–Bas), a autorisé la remise à la Hongrie de HM, ressortissant d’un pays tiers, en vue de poursuites pénales, dans cet État membre, pour des faits qualifiés de « blanchiment du produit du crime ». HM a été effectivement remis à la Hongrie le 25 juin 2020, où il se trouve depuis lors en détention.

15      Le 13 avril 2021, une autorité judiciaire hongroise a adressé à la juridiction de renvoi une demande, au titre de l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584, aux fins d’obtenir son consentement à ce que HM soit poursuivi, en Hongrie, pour d’autres infractions que celles ayant motivé sa remise, notamment pour d’autres faits constitutifs de blanchiment du produit du crime qui auraient été commis par l’intéressé avant ladite remise.

16      Selon la juridiction de renvoi, qui est l’autorité judiciaire d’exécution dans cette affaire, la demande de consentement contient les informations prévues à l’article 8, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, de même qu’un procès-verbal d’audition de HM par une autorité judiciaire hongroise. Lors de cette audition, celui-ci, assisté d’un avocat, aurait déclaré ne pas vouloir renoncer à bénéficier de la règle de la spécialité, conformément à l’article 27, paragraphe 3, sous f), de cette décision-cadre.

17      Tout en relevant que la décision-cadre 2002/584 ne contient aucune règle relative à la procédure à suivre par l’autorité judiciaire d’exécution saisie d’une demande de consentement visée à l’article 27 de cette décision-cadre, la juridiction de renvoi relève que le droit d’être entendu fait partie des droits de la défense, qui sont inhérents au droit à une protection juridictionnelle effective.

18      Or, étant donné que HM se trouve actuellement en détention en Hongrie, il n’a pas été convoqué pour s’exprimer au sujet de la demande de consentement adressée à la juridiction de renvoi et n’était, lors de l’examen de la demande par cette juridiction de renvoi, ni présent ni représenté, que ce soit par l’avocat qui l’avait assisté dans le cadre de la procédure antérieure concernant l’exécution du mandat d’arrêt européen ou par un autre avocat.

19      Ainsi, la juridiction de renvoi se pose la question de savoir dans quel État membre et de quelle manière la personne remise doit pouvoir exercer son droit d’être entendue lorsqu’une autorité judiciaire de l’État membre d’émission saisit l’autorité judiciaire d’exécution d’une demande de consentement visée à l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584.

20      Dans ce contexte, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, de la [décision-cadre 2002/584], lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective, doit-il être interprété en ce sens que :

–        c’est dans l’État membre d’émission qu’une personne remise doit pouvoir exercer son droit d’être entendue en relation avec une demande de consentement à l’extension des infractions, lorsque l’autorité judiciaire de cet État membre l’entend au sujet d’une éventuelle renonciation à bénéficier de la règle de la spécialité, conformément à l’article 27, paragraphe 3, sous f), de la décision-cadre 2002/584 ; ou que

–        c’est dans l’État membre qui a antérieurement procédé à la remise que cette personne doit pouvoir exercer son droit d’être entendue, auprès de l’autorité judiciaire d’exécution, dans le cadre de la procédure relative à l’octroi du consentement sur l’extension des infractions ?

2)      Si c’est dans l’État membre qui a antérieurement procédé à la remise que la personne remise doit pouvoir exercer son droit d’être entendue en relation avec une demande de consentement à l’extension des infractions au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la [décision-cadre 2002/584], de quelle manière cet État membre doit-il le lui permettre ? »

 L’affaire C429/21 PPU

21      Le 26 janvier 2021, la juridiction de renvoi a autorisé la remise au Royaume de Belgique de TZ, ressortissant des Pays–Bas, en vue de poursuites pénales, en Belgique, pour des faits qualifiés de « vols organisés ou avec arme ». TZ a été effectivement remis à cet État membre, où il se trouve depuis lors en détention.

22      Le 3 mai 2021, une autorité judiciaire belge a adressé à la juridiction de renvoi une demande de consentement à une remise ultérieure de TZ à la République fédérale d’Allemagne, au titre de l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, en vue de poursuites pour d’autres infractions, à savoir des vols organisés ou avec arme qui auraient été commis au cours de l’année 2020. La demande de consentement contient les informations visées à l’article 8, paragraphe 1, de cette décision-cadre ainsi que la traduction visée au paragraphe 2 du même article.

23      La juridiction de renvoi, en qualité d’autorité judiciaire d’exécution dans la présente affaire, relève que TZ se trouve actuellement en détention en Belgique. Il n’a pas été convoqué et n’était ni présent ni représenté lors de l’examen par la juridiction de renvoi de la demande émanant de l’autorité judiciaire belge.

24      Ainsi, la juridiction de renvoi se pose, en substance, la même question que celle visée au point 19 du présent arrêt en ce qui concerne le droit de la personne remise d’être entendue dans le cadre d’une demande de consentement fondée sur l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584.

25      Dans ce contexte, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 28, paragraphe 3, de la [décision-cadre 2002/584], lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective, doit-il être interprété en ce sens que :

–        c’est dans l’État membre d’émission, auprès d’une autorité judiciaire de cet État membre, dans le cadre de la procédure sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par la suite par un autre État membre pour des faits commis avant la remise, qu’une personne remise à l’État membre d’émission qui fait l’objet de ce mandat d’arrêt européen doit pouvoir exercer son droit d’être entendue en relation avec une demande de consentement à une remise ultérieure, au titre de l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584 ; ou que

–        c’est dans l’État membre qui a antérieurement procédé à la remise que cette personne doit pouvoir exercer son droit d’être entendue, auprès de l’autorité judiciaire d’exécution, dans le cadre de la procédure relative à l’octroi du consentement sur la remise ultérieure ?

2)      Si c’est dans l’État membre qui a antérieurement procédé à la remise que la personne remise doit pouvoir exercer son droit d’être entendue en relation avec une demande de consentement à une remise ultérieure au titre de l’article 28, paragraphe 3, de la [décision-cadre 2002/584], de quelle manière cet État membre doit-il le lui permettre ? »

26      Par décision du président de la Cour du 30 juillet 2021, les affaires C‑428/21 PPU et C‑429/21 PPU ont été jointes.

 Sur la procédure préjudicielle d’urgence

27      La juridiction de renvoi a demandé que les présents renvois préjudiciels soient soumis à la procédure d’urgence prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

28      À l’appui de sa demande, la juridiction de renvoi relève que les questions préjudicielles concernent une matière visée au titre V de la troisième partie du traité FUE et que HM et TZ sont actuellement privés de liberté.

29      En ce qui concerne, d’une part, la situation de HM, cette juridiction observe que la réponse de la Cour aux questions préjudicielles aura une incidence directe et décisive sur la durée de la détention de l’intéressé en Hongrie, dans la mesure où, notamment, en cas de rejet de la demande de consentement à l’extension des infractions, au titre de l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584, l’autorité compétente de l’État membre d’émission ne serait pas autorisée à le placer en détention provisoire pour les infractions visées par cette demande.

30      S’agissant, d’autre part, de la situation de TZ, la juridiction de renvoi souligne le fait que cette personne est privée de liberté dans l’attente de la décision de cette juridiction relative à la demande de consentement de remise ultérieure à l’autorité judiciaire allemande en vue de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par celle-ci.

31      À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que les présents renvois préjudiciels portent sur l’interprétation de la décision-cadre 2002/584, qui relève des domaines visés au titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ils sont donc susceptibles d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107 du règlement de procédure.

32      S’agissant, en second lieu, du critère relatif à l’urgence, selon la jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu de prendre en considération la circonstance que la personne concernée dans l’affaire au principal est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal (voir, notamment, arrêt du 28 novembre 2019, Spetsializirana prokuratura, C‑653/19 PPU, EU:C:2019:1024, point 22 et jurisprudence citée).

33      En l’occurrence, d’une part, HM et TZ sont actuellement privés de liberté. En effet, ainsi qu’il ressort des points 18 et 23 du présent arrêt, HM et TZ sont détenus, respectivement, en Hongrie et en Belgique, après avoir été remis à ces États membres sur la base de mandats d’arrêt européens émis par ces derniers. D’autre part, étant donné que les questions posées par la juridiction de renvoi portent sur la nécessité ou non d’entendre la personne concernée quant à l’existence de motifs pouvant justifier le refus du consentement de l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution à l’extension des infractions ayant initialement justifié la remise ou à une remise ultérieure de cette personne à un autre État membre, la décision de la Cour pourrait avoir une conséquence immédiate sur le sort de la détention provisoire de HM et de TZ.

34      Dans ces conditions, le 29 juillet 2021, la première chambre de la Cour a décidé, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre les présents renvois préjudiciels à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur les questions préjudicielles

35      Par ses deux questions dans chacune des affaires jointes, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, ainsi que l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, lus à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne remise à l’autorité judiciaire d’émission en exécution d’un mandat d’arrêt européen bénéficie du droit d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution lorsque cette dernière est saisie, par l’autorité judiciaire d’émission, d’une demande de consentement au titre de ces dispositions de ladite décision-cadre et, dans le cas d’une réponse affirmative, de quelle manière le droit de la personne concernée d’être entendue se concrétise.

36      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler, à titre liminaire, les fondements juridiques du système établi par la décision-cadre 2002/584, tels qu’ils ressortent de cette décision-cadre et de la jurisprudence de la Cour.

37      D’abord, il importe de souligner que tant le principe de confiance mutuelle entre les États membres que le principe de reconnaissance mutuelle, qui repose lui-même sur la confiance réciproque entre ces derniers, ont, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, étant donné qu’ils permettent la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures. Plus spécifiquement, le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit [arrêt du 17 décembre 2020, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), C‑354/20 PPU et C‑412/20 PPU, EU:C:2020:1033, point 35 ainsi que jurisprudence citée].

38      Dans ce contexte, la décision-cadre 2002/584 tend, par l’instauration d’un système simplifié et efficace de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, à faciliter et à accélérer la coopération judiciaire en vue de contribuer à réaliser l’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres [arrêt du 29 avril 2021, X (Mandat d’arrêt européen – Ne bis in idem), C‑665/20 PPU, EU:C:2021:339, point 37 et jurisprudence citée].

39      En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2002/584, lu à la lumière de son considérant 5, cette décision-cadre a pour objet de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition, signée à Paris le 13 décembre 1957, par un système de remise entre les autorités judiciaires des personnes condamnées ou soupçonnées aux fins de l’exécution de jugements ou de poursuites, ce dernier système étant fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle [voir, notamment, arrêt du 11 mars 2020, SF (Mandat d’arrêt européen – Garantie de renvoi dans l’État d’exécution), C‑314/18, EU:C:2020:191, point 37 et jurisprudence citée].

40      Ce principe, qui constitue, selon le considérant 6 de la décision-cadre 2002/584, la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire en matière pénale, trouve son expression à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre, qui consacre la règle en vertu de laquelle les États membres sont tenus d’exécuter tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de ladite décision-cadre [arrêt du 29 avril 2021, X (Mandat d’arrêt européen – Ne bis in idem), C‑665/20 PPU, EU:C:2021:339, point 38 et jurisprudence citée].

41      Il s’ensuit que les autorités judiciaires d’exécution ne peuvent, en principe, refuser d’exécuter un tel mandat que pour les motifs, exhaustivement énumérés, de non-exécution prévus par la décision-cadre 2002/584. Par conséquent, alors que l’exécution du mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution est conçu comme une exception, qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêt du 29 avril 2021, X (Mandat d’arrêt européen – Ne bis in idem), C‑665/20 PPU, EU:C:2021:339, point 39 et jurisprudence citée].

42      Ensuite, s’agissant, plus particulièrement, des articles 27 et 28 de la décision-cadre 2002/584, visés par les demandes de décision préjudicielle, la Cour a déjà jugé que, si ces dispositions confèrent aux États membres certaines compétences précises lors de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, celles-ci, dès lors qu’elles édictent des règles dérogatoires au principe de reconnaissance mutuelle énoncé à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre, ne sauraient être interprétées d’une manière qui aboutirait à neutraliser l’objectif poursuivi par ladite décision-cadre, consistant à faciliter et à accélérer les remises entre les autorités judiciaires des États membres eu égard à la confiance mutuelle qui doit exister entre ceux-ci [arrêt du 24 septembre 2020, Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof (Principe de spécialité), C‑195/20 PPU, EU:C:2020:749, point 35 et jurisprudence citée].

43      Enfin, la Cour a souligné que la décision-cadre 2002/584, lue à la lumière des dispositions de la Charte, ne saurait être interprétée de manière à remettre en cause l’effectivité du système de coopération judiciaire entre les États membres dont le mandat d’arrêt européen, tel que prévu par le législateur de l’Union, constitue l’un des éléments essentiels [voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, X (Mandat d’arrêt européen – Ne bis in idem), C‑665/20 PPU, EU:C:2021:339, point 58 et jurisprudence citée].

44      La Cour a ainsi jugé que, afin notamment d’assurer que le fonctionnement du mandat d’arrêt européen ne soit pas paralysé, l’obligation de coopération loyale, inscrite à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, doit présider au dialogue entre les autorités judiciaires d’exécution et les autorités judiciaires d’émission. Dès lors, en vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions qui découlent des traités [voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft (Conditions de détention en Hongrie), C‑220/18 PPU, EU:C:2018:589, points 104 et 109 ainsi que jurisprudence citée].

45      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient de déterminer, en premier lieu, si la personne remise à l’autorité judiciaire d’émission en exécution d’un mandat d’arrêt européen a, comme le considère la juridiction de renvoi, le droit d’être entendue lorsque, sur le fondement respectivement de l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci, une demande de consentement est adressée par cette autorité à l’autorité judiciaire d’exécution en vue soit de poursuites pour d’autres infractions que celles ayant justifié sa remise, soit d’une remise ultérieure de cette personne à un autre État membre.

46      À cet égard, il y a lieu de relever que la décision-cadre 2002/584 prévoit, à son article 14, que toute personne arrêtée qui ne consent pas à sa remise a le droit d’être entendue, l’article 19 de cette décision-cadre prévoyant des règles portant spécifiquement sur une telle audition. En revanche, ladite décision-cadre ne contient aucune disposition particulière concernant le droit, pour la personne remise dans le contexte de l’une ou de l’autre des demandes de consentement visées au point précédent, d’être entendue.

47      Or, il ressort de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, lu en combinaison avec son considérant 12, que celle-ci respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 TUE et reflétés dans la Charte, notamment les dispositions de son chapitre VI. L’article 47 de la Charte, qui figure dans ce chapitre, consacre le droit à une protection juridictionnelle effective.

48      Le droit d’être entendu faisant partie des droits de la défense, inhérents au droit de bénéficier d’une protection juridictionnelle effective [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, points 203 et 205 ainsi que jurisprudence citée], il ne saurait en aucun cas être déduit du fait que la décision-cadre 2002/584 ne reconnaît pas expressément à la personne concernée le droit d’être entendue dans le contexte d’une demande de consentement au titre de l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, de cette décision-cadre ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci, que cette personne serait, dans de telles circonstances, privée de ce droit fondamental.

49      En effet, ainsi que la Cour l’a déjà rappelé, la décision d’accorder le consentement prévu à l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 est distincte de celle relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen et déploie, pour la personne concernée, des effets distincts de ceux de cette dernière décision [arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 60]. Il doit en aller de même des effets du consentement visé à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision-cadre, relatif à la remise ultérieure de la personne concernée à un autre État membre.

50      À cet égard, il convient de noter, d’une part, que, conformément à ces dispositions, le consentement de l’autorité judiciaire d’exécution est donné lorsque l’infraction sur laquelle il porte entraîne elle-même l’obligation de remise aux termes de ladite décision-cadre. En outre, le consentement est refusé pour les mêmes motifs de non-exécution obligatoires ou facultatifs que ceux prévus pour le mandat d’arrêt européen aux articles 3 et 4 de la même décision-cadre [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 61].

51      D’autre part, bien que, lorsqu’il est demandé à l’autorité judiciaire d’exécution de donner son consentement au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci, la personne concernée a déjà été remise à l’autorité judiciaire d’émission en exécution d’un mandat d’arrêt européen, il n’en demeure pas moins que la décision de consentement est, tout comme celle relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen, de nature à porter atteinte à la liberté de cette personne [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 62]. En effet, une décision de consentement aura notamment pour conséquence que ladite personne pourra être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour avoir commis une infraction autre que celle sur laquelle portait le mandat d’arrêt européen, dans le cadre de l’exécution duquel elle a pu faire valoir ses droits fondamentaux, dont celui d’être entendue.

52      Ainsi, étant donné que la mesure envisagée contre elle l’affecterait défavorablement, il y a lieu de considérer que la personne concernée doit bénéficier du droit d’être entendue lorsqu’une demande de consentement est formulée par les autorités judiciaires de l’État membre d’émission au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci.

53      Il convient, partant, de déterminer, en deuxième lieu, auprès de quelle autorité la personne concernée peut faire valoir son droit d’être entendue lorsqu’intervient une telle demande de consentement.

54      Même si, conformément à l’article 27, paragraphe 3, sous f), et à l’article 28, paragraphe 2, sous b), de la décision-cadre 2002/584, l’autorité judiciaire d’émission est tenue d’entendre la personne concernée afin de recueillir la renonciation éventuelle de cette personne à la règle de spécialité prévue à l’article 27, paragraphe 2, de cette décision-cadre ou le consentement de ladite personne à une remise ultérieure à un autre État membre en vertu de l’article 28, paragraphe 2, de celle-ci, il appartient, néanmoins, à l’autorité judiciaire d’exécution de donner son consentement à une telle extension des poursuites à d’autres infractions ou à une telle remise ultérieure, en application de l’article 27, paragraphe 4, et de l’article 28, paragraphe 3, sous d), de ladite décision-cadre.

55      Cette dernière autorité doit ainsi apprécier, au regard notamment des motifs de non-exécution obligatoires ou facultatifs prévus aux articles 3 et 4 de la décision-cadre 2002/584, si l’extension éventuelle des poursuites à d’autres infractions ou une remise ultérieure à un autre État membre peut être autorisée.

56      Il en résulte que c’est par l’autorité judiciaire d’exécution que la personne remise doit être entendue lorsqu’une demande de consentement est formulée par les autorités judiciaires de l’État membre d’émission au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci.

57      En conséquence, il y a lieu de déterminer, en troisième et dernier lieu, les modalités d’exercice de ce droit, telles qu’elles découlent du droit de l’Union.

58      À cet égard, ainsi que cela a été souligné lors de l’audience devant la Cour, il y a lieu de s’assurer que ces modalités soient propres à garantir à la fois la réalisation de l’objectif poursuivi par la décision-cadre 2002/584, qui est notamment de faciliter et d’accélérer les remises entre les autorités judiciaires des États membres, ainsi qu’il ressort du point 42 du présent arrêt, et le respect des droits fondamentaux de la personne remise.

59      Or, la décision-cadre 2002/584 ne contient aucune disposition portant spécifiquement sur de telles modalités.

60      Ainsi, dans la mise en œuvre de la décision-cadre 2002/584, les États membres conservent, conformément à leur autonomie procédurale, la faculté d’adopter à cet égard des règles qui peuvent s’avérer différentes d’un État membre à l’autre. Toutefois, ceux-ci doivent veiller à ce que ces règles ne fassent pas échec aux exigences découlant de cette décision-cadre, en particulier quant à la protection juridictionnelle, garantie par l’article 47 de la Charte, qui la sous-tend (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2021, PI, C‑648/20 PPU, EU:C:2021:187, point 58).

61      Par ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 53 de ses conclusions, en l’absence de règles spécifiques prévues par le droit de l’Union, les modalités d’exercice du droit de la personne concernée d’être entendue dans le cadre d’une demande de consentement formulée par les autorités judiciaires de l’État membre d’émission peuvent être réglées d’un commun accord entre les autorités judiciaires d’émission et d’exécution, dans le respect du principe d’autonomie procédurale.

62      Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le droit d’être entendu, qui fait partie inhérente du droit à une protection juridictionnelle effective, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure en cause [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 205 et jurisprudence citée].

63      Lorsqu’une demande de consentement est formulée par les autorités judiciaires de l’État membre d’émission au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci, la possibilité de faire connaître son point de vue de manière utile et effective, consacrée à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, bien que n’impliquant pas le droit, pour la personne concernée, de comparaître en personne devant l’autorité judiciaire d’exécution lorsque celle-ci envisage de consentir à la demande de l’État membre d’émission, nécessite toutefois que cette personne ait eu la possibilité matérielle de faire valoir toutes ses éventuelles observations et objections devant l’autorité judiciaire d’exécution quant à la demande de consentement.

64      En effet, en vue de l’interprétation de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, il convient de prendre en considération, en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de celle-ci, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

65      Or, il ressort de cette jurisprudence que l’article 6, paragraphe 1, de ladite convention ne trouve pas à s’appliquer aux procédures d’extradition, dont fait notamment partie la procédure d’exécution du mandat d’arrêt européen, dans la mesure où ces procédures n’emportent pas une contestation sur les droits et obligations de caractère civil d’un requérant ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale (voir, en ce sens, Cour EDH, 7 octobre 2008, Monedero Angora c. Espagne, CE:ECHR:2008:1007DEC004113805, § 2, et du 4 septembre 2014, Trabelsi c. Belgique, CE:ECHR:2014:0904JUD000014010, § 160 ainsi que jurisprudence citée).

66      Dans ce cadre, il importe également de rappeler que la décision de l’autorité judiciaire d’exécution de consentir à la demande formulée par l’autorité judiciaire d’émission au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci doit être prise, au plus tard, trente jours après réception de cette demande. Ainsi, il convient de s’assurer que la personne concernée soit entendue, de manière utile et effective, ainsi qu’il ressort du point 62 du présent arrêt, sans toutefois remettre en cause la logique qui sous-tend la décision-cadre 2002/584 ou encore les objectifs de celle-ci, visant à accélérer les procédures de remise (voir, par analogie, arrêt du 30 mai 2013, F, C‑168/13 PPU, EU:C:2013:358, point 73).

67      Dans ces conditions, et eu égard à cet impératif de célérité qui sous-tend la décision-cadre 2002/584, le droit d’être entendu par l’autorité judiciaire d’exécution peut être concrètement mis en œuvre dans l’État membre d’émission, dans lequel se trouve la personne remise, sans la participation directe de l’autorité judiciaire d’exécution.

68      Ainsi, rien ne s’oppose à la solution envisagée par la juridiction de renvoi, qui consisterait à ce que la personne concernée fasse valoir sa position auprès de l’autorité judiciaire d’émission au regard de l’extension éventuelle des poursuites à d’autres infractions que celles ayant justifié sa remise ou au regard de sa remise ultérieure à un autre État membre, par exemple lorsque cette autorité l’entend sur une éventuelle renonciation à bénéficier de la règle de la spécialité, conformément à l’article 27, paragraphe 3, sous f), de la décision-cadre 2002/584, ou dans le cadre de la procédure relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par la suite par un autre État membre pour des faits commis avant sa remise à l’État membre d’émission. Si cette position est consignée dans un procès-verbal et communiquée par la suite par l’autorité judiciaire d’émission à l’autorité judiciaire d’exécution, celle-ci doit être considérée par l’autorité judiciaire d’exécution, en principe, comme ayant été recueillie par les autorités judiciaires d’émission dans le respect des exigences posées par l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte. En effet, ainsi qu’il ressort du point 37 du présent arrêt, selon le principe de confiance mutuelle, les États membres doivent considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que les autres États membres respectent le droit de l’Union, et tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit.

69      Il convient de rappeler par ailleurs que les dispositions des articles 27 et 28 de la décision-cadre 2002/584 reflètent respectivement celles des articles 14 et 15 de la convention européenne d’extradition, signée à Paris le 13 décembre 1957 (arrêt du 19 septembre 2018, RO, C‑327/18 PPU, EU:C:2018:733, point 57). Or, il ressort notamment de l’article 14 de cette convention qu’une demande de consentement en vue de poursuites pour d’autres infractions doit être accompagnée d’un « procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de l’extradé ».

70      Dès lors qu’il appartient à l’autorité judiciaire d’exécution d’assurer le respect des droits de la défense, cette dernière doit procéder à l’examen de la demande de consentement au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci sur le fondement des informations contenues dans ladite demande et en tenant dûment compte de la position de la personne concernée.

71      Dans l’hypothèse où l’autorité judiciaire d’exécution considérerait qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants, notamment quant à la position de la personne concernée, pour lui permettre de prendre en toute connaissance de cause – et dans le plein respect des droits de la défense de cette dernière – sa décision relative à la demande de consentement en question, il lui incombera de recourir, par analogie, aux dispositions de l’article 15, paragraphe 2, de cette décision-cadre, en invitant l’autorité judiciaire d’émission à lui fournir d’urgence des informations complémentaires sur la position de la personne concernée.

72      Toutefois, il appartient à l’autorité judiciaire d’exécution et à l’autorité judiciaire d’émission de veiller à ce qu’une telle demande d’informations complémentaires et sa mise en œuvre ne portent pas atteinte à l’objectif de la décision-cadre 2002/584 visant à faciliter et à accélérer les procédures de remise et, plus spécifiquement, que la décision relative à la demande de consentement puisse être prise par l’autorité judiciaire d’exécution dans le respect du délai de trente jours, prévu à l’article 27, paragraphe 4, de cette décision-cadre et à l’article 28, paragraphe 3, sous c), de celle-ci.

73      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, ainsi que l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, lus à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne remise à l’autorité judiciaire d’émission en exécution d’un mandat d’arrêt européen bénéficie du droit d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution lorsque cette dernière est saisie, par l’autorité judiciaire d’émission, d’une demande de consentement au titre de ces dispositions de cette décision-cadre, cette audition pouvant avoir lieu dans l’État membre d’émission, les autorités judiciaires de ce dernier étant en ce cas tenues de veiller à ce que le droit d’être entendue de la personne concernée s’exerce de manière utile et effective, sans la participation directe de l’autorité judiciaire d’exécution. Il appartient toutefois à l’autorité judiciaire d’exécution de veiller à ce qu’elle dispose d’éléments suffisants, notamment quant à la position de la personne concernée, pour lui permettre de prendre en toute connaissance de cause – et dans le plein respect des droits de la défense de cette dernière – sa décision relative à la demande de consentement formulée au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci, et d’inviter, le cas échéant, l’autorité judiciaire d’émission à lui fournir d’urgence des informations complémentaires.

 Sur les dépens

74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 27, paragraphe 3, sous g), et paragraphe 4, ainsi que l’article 28, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, lus à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne remise à l’autorité judiciaire d’émission en exécution d’un mandat d’arrêt européen bénéficie du droit d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution lorsque cette dernière est saisie, par l’autorité judiciaire d’émission, d’une demande de consentement au titre de ces dispositions de cette décisioncadre, cette audition pouvant avoir lieu dans l’État membre d’émission, les autorités judiciaires de ce dernier étant en ce cas tenues de veiller à ce que le droit d’être entendue de la personne concernée s’exerce de manière utile et effective, sans la participation directe de l’autorité judiciaire d’exécution. Il appartient toutefois à l’autorité judiciaire d’exécution de veiller à ce qu’elle dispose d’éléments suffisants, notamment quant à la position de la personne concernée, pour lui permettre de prendre en toute connaissance de cause – et dans le plein respect des droits de la défense de cette dernière – sa décision relative à la demande de consentement formulée au titre de l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 ou de l’article 28, paragraphe 3, de celle-ci, et d’inviter, le cas échéant, l’autorité judiciaire d’émission à lui fournir d’urgence des informations complémentaires.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.