Language of document : ECLI:EU:T:2012:472

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 septembre 2012(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale LE LANCIER – Marques nationales verbale et figuratives antérieures EL LANCERO – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Rejet de l’opposition »

Dans l’affaire T‑265/09,

Enrique Serrano Aranda, demeurant à Murcie (Espagne), représenté initialement par Mes J. Calderón Chavero et T. Villate Consonni, puis par Me Calderón Chavero, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M W. Verburg et Mme S. Bonne, puis par Mme Bonne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Burg Groep B V, étalie à Bergen (Pays-Bas),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 27 mars 2009 (affaire R 366/2008-1), relative à une procédure d’opposition entre M. Enrique Serrano Aranda et Burg Groep B V,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe le Tribunal le 10 juillet 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2009,

à la suite de l’audience du 16 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 septembre 2003, Burg Groep B V a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins, modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal LE LANCIER.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Vinaigre ; moutarde ; sel ; sauces (condiments) ; épices ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 43/2004, du 25 octobre 2004.

5        Le 18 janvier 2005, le requérant, M. Enrique Serrano Aranda, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus. À l’appui de son opposition, le requérant invoquait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        L’opposition était fondée sur les enregistrements antérieurs suivants :

–        la marque espagnole verbale EL LANCERO enregistrée sous le numéro 838 740 et désignant des produits de la classe 30 ;

–        les marques espagnoles figuratives antérieures reproduites ci-après, enregistrées sous les numéros 941 979, 943 767 et 1 806 835, respectivement le 20 avril 1981, le 5 février 1981 et le 20 octobre 1994, désignant des produits des classes respectivement 30, 31 (« Produits agricoles, horticoles et forestiers, fruits et légumes frais, semences, aliments pour les animaux ») et 29 :

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7        Par décision du 14 décembre 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition, estimant qu’il n’existait aucun risque de confusion entre les marques antérieures et la marque demandée.

8        Le 14 février 2008, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 27 mars 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours dans son intégralité. Premièrement, elle a confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle l’usage sérieux des marques antérieures n’a été démontré que pour les fruits et légumes frais relevant de la classe 31, visés par la marque espagnole antérieure enregistrée sous le numéro 943 767 (ci-après la « marque antérieure »). Deuxièmement, elle a estimé, que les signes en conflit ne comportaient pas le degré de similitude requis. D’une part, elle a considéré, que la similitude visuelle était très limitée eu égard à la présence de l’élément figuratif et fortement distinctif dans la marque antérieure. D’autre part, elle a reconnu une certaine similitude phonétique, mais a rejeté l’existence d’une identité conceptuelle dans la mesure où la majeure partie du public pertinent ne saurait attribuer un contenu sémantique à la marque demandée, du fait de ses connaissances limitées en langue française. Troisièmement, s’agissant de la similitude des produits, elle a considéré que le requérant n’avait pas pu établir un quelconque lien entre les produits visés par les marques en conflit et que, au regard de leur nature, de leur destination et de leur utilisation, ces produits étaient manifestement différents. Pour l’ensemble de ces raisons, elle a estimé qu’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, ne pouvait pas être établi.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        accueillir l’opposition et ordonner le rejet de la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      Le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce que la chambre de recours a conclu à tort à l’inexistence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure. Elle aurait, d’une part, mal apprécié leurs similitudes phonétique, visuelle et conceptuelle et, d’autre part, méconnu la complémentarité des produits visés par les marques en conflit.

13      L’OHMI conteste le bien-fondé de l’ensemble des arguments du requérant.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009), il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce. Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte, notamment de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II-93, point 42, et la jurisprudence citée].

17      Avant d’examiner les arguments avancés par les parties à la lumière de ces principes, premièrement, il convient de relever, que le requérant ne conteste pas, dans le cadre du présent recours, le constat de la division d’opposition, auquel s’est ralliée la chambre de recours, selon lequel seul l’usage sérieux des produits visés par la marque antérieure a pu être établi (voir point 9 ci-dessus). Il est donc constant que ce n’est qu’au regard des fruits et des légumes frais relevant de la classe 31, visés par ladite marque, qu’il convient de procéder à l’examen des arguments du requérant dans le cadre du présent litige.

18      Deuxièmement, il convient de souligner que le requérant ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle le public ciblé, par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, correspond au consommateur moyen en Espagne. Ce dernier est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, dans la mesure où il est constant que les produits relevant des classes 29, 30 et 31, visés par les marques en conflit, sont des produits de consommation courante, fournis à un prix modeste. Ce constat n’étant pas entaché d’erreur, il y a lieu de le prendre en considération lors de l’examen du présent recours.

 Sur la comparaison des produits

19      Aux points 44 et 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits visés par les marques en conflit étaient différents, tant par leur nature, que par leur destination et leur utilisation. Tandis que les produits visés par la marque antérieure sont des produits frais, périssables et non transformés, les produits visés par la marque demandée servent d’assaisonnement pour d’autres aliments et sont conditionnés pour permettre un usage futur.

20      Le requérant soutient, en substance, que les produits visés par les marques en conflit sont intimement liés dans la mesure où la consommation des produits visés par la marque antérieure impliquerait nécessairement la consommation des produits visés par la marque demandée.

21      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

22      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

23      En l’espèce, les produits visés par les marques en cause sont, d’une part, des fruits et des légumes frais pour la marque antérieure et, d’autre part, des huiles et des graisses comestibles ainsi que du vinaigre, de la moutarde, du sel, des sauces (condiments) et des épices pour la marque demandée (voir points 3 et 6 ci-dessus).

24      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, la chambre de recours n’a pas attaché une importance injustifiée au fait que les produits visés par les marques en conflit appartiennent à des classes différentes au sens de l’arrangement de Nice. Il ressort en effet des points 42 à 46 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en considération, bien que de manière sommaire, l’ensemble des éléments disponibles concernant la nature, la destination et l’utilisation des produits, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus. L’argument du requérant doit donc être rejeté comme étant non fondé.

25      Ensuite, il convient d’apprécier la similitude des produits visés par les marques en conflit, premièrement, quant à leur nature, à leur destination et à leur utilisation et, deuxièmement, quant à leur complémentarité.

 Sur la nature, l’utilisation et la destination des produits

26      S’agissant, en premier lieu, de la nature des produits en cause, il convient de relever que les produits visés par les marques en conflit appartiennent, comme le fait valoir le requérant, au secteur alimentaire. Toutefois, ce constat n’est pas suffisant pour conclure que le public pertinent percevra les produits en cause comme ayant la même origine commerciale.

27      En effet, les produits protégés par la marque antérieure, pour lesquels un usage sérieux a été démontré (voir point 17 ci-dessus), sont en particulier des tomates, des salades, des concombres et des melons. Ce sont donc des produits frais, périssables et non transformés, dont la fraîcheur est une caractéristique importante et visible pour le consommateur, quelque soit leur conditionnement.

28      En revanche, les produits couverts par la marque demandée sont généralement conditionnés de manière à être consommés dans un futur plus ou moins lointain et ne sont pas des produits frais. Les produits visés par la marque antérieure et par la marque demandée sont donc différents quant à leur nature.

29      S’agissant, en second lieu, de leur destination et de leur utilisation, il convient de relever, premièrement, que les produits visés par la marque antérieure sont des produits de consommation immédiate qui ne nécessitent pas l’accompagnement d’autres produits, bien que cela reste une possibilité, en particulier pour les légumes. Deuxièmement, les produits visés par la marque demandée ne sont pas de nature à être consommés seuls, de manière autonome, mais visent principalement à assaisonner d’autres aliments. Ces derniers ne se limitent d’ailleurs pas nécessairement à ceux offerts par le requérant. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que leur destination et leur utilisation étaient différentes. Par ailleurs, il y a lieu de relever, ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI, que les produits visés par les marques en conflit ne sont pas substituables.

30      À la lumière des appréciations opérées aux points 26 à 29 ci-dessus, il y a donc lieu de considérer que, quand bien même ces produits appartiendraient tous deux au secteur alimentaire et seraient destinés aux mêmes consommateurs, la chambre de recours a conclu à juste titre que ces produits étaient différents, en ce qui concerne leur nature, leur destination et leur utilisation, et ne se feraient pas concurrence.

 Sur la complémentarité des produits

31      Au point 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère complémentaire des produits visés par les marques en conflit.

32      Le requérant soutient, en substance, que les produits que la marque demandée vise à protéger sont complémentaires de ceux protégés par la marque antérieure, car ils seraient d’usages simultanés. Ce constat serait corroboré par le fait, d’une part, que des crudités préemballées incluent souvent des assaisonnements et, d’autre part, que certains producteurs commercialisent tant des légumes en conserves que les assaisonnements qui les complètent.

33      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

34      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication des deux produits incombe à la même entreprise [arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 60, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057].

35      Il y a lieu de relever que plusieurs éléments tendent en effet à montrer qu’un certain degré de complémentarité entre ces produits peut exister, comme le soutient le requérant.

36      En effet, les produits visés par les marques en conflit sont souvent d’utilisations simultanées dans la mesure où les produits visés par la marque demandée ne sauraient être consommés seuls et constituent principalement un accompagnement, en particulier, mais de manière non exclusive, pour les produits visés par la marque antérieure. Il n’est donc en l’espèce pas possible d’exclure que, pour une partie du public pertinent, l’utilisation d’un assaisonnement soit jugé indispensable ou à tout le moins important pour la consommation de légumes frais, et que lesdits consommateurs jugent habituel et normal d’utiliser lesdits produits ensemble.

37      Selon le requérant, ce caractère complémentaire des produits visés par les marques en conflit serait démontré par le fait que les crudités préemballées, comme les salades préparées à l’avance pour la vente à emporter, incluent souvent des assaisonnements. Même si cette affirmation n’est étayée par aucune donnée objective, l’ensemble des éléments avancés par le requérant permet d’établir, contrairement à ce que soutient l’OHMI, que l’existence d’un certain degré de complémentarité entre les produits visés par les marques en cause ne saurait en l’espèce être écarté.

38      Toutefois, il importe de souligner que l’existence d’un certain degré de complémentarité, tel que visé aux points 36 et 37 ci-dessus, ne suffit pas pour conclure que ces produits seraient intimement liés, ainsi que le soutient le requérant (voir point 20 ci-dessus).

39      En effet, d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel certains producteurs espagnols produisent concomitamment des produits relevant des mêmes classes que les produits visés par la marque antérieure et la marque demandée, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas avancé d’éléments concrets lors de la procédure devant la chambre de recours. En ce qui concerne les preuves apportées lors de la présente procédure, il y a lieu de relever que, en toute hypothèse et indépendamment de la question de la recevabilité soulevée par l’OHMI, la production d’un nombre limité d’extraits de sites Internet n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une pratique commerciale courante selon laquelle les entreprises de ce secteur d’activité commercialiseraient concomitamment les produits visés par les marques en cause. Ces extraits ne sont pas non plus susceptibles de démontrer que cette pratique, à la supposer établie, soit identifiée et perçue comme courante par les consommateurs. L’argument du requérant doit donc être rejeté comme étant non fondé.

40      Ensuite, s’agissant de l’argument selon lequel les produits visés par les marques en conflit sont distribués dans les mêmes points de vente, en particulier des supermarchés, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été jugé que le fait que deux catégories de produits puissent être vendues dans les mêmes établissements commerciaux, tels que des grands magasins ou des supermarchés, n’est pas particulièrement significatif, dès lors que l’on peut trouver dans ces points de vente des produits de nature très diverse, sans que les consommateurs leur attribuent automatiquement une même origine [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, Rec. p. II‑4297, point 43]. De surcroît, ainsi que le fait valoir l’OHMI, la vente en supermarché n’équivaut pas nécessairement à la vente dans des espaces strictement adjacents. Le requérant n’ayant pas fourni davantage d’éléments d’appréciation au Tribunal, il y a lieu de considérer que la vente des produits visés par les marques en conflit aura lieu dans des espaces de distribution dotés d’une certaine proximité géographique, sans qu’il en découle une complémentarité évidente, du point de vue des consommateurs, entre les produits visés par les marques en cause. Partant, l’argument du requérant concernant le mode de commercialisation des produits visés par les marques en conflit doit aussi être rejeté comme étant non fondé.

41      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, eu égard à l’existence d’un certain degré de complémentarité entre les produits visés par les marques en conflit, il existe une similitude faible, au sens du règlement n° 207/2009, entre lesdits produits.

 Sur la comparaison des signes

42      Le requérant considère que la chambre de recours a conclu à tort que la marque demandée et la marque antérieure n’étaient pas similaires sur les plans conceptuel, phonétique et visuel. Il estime notamment que la chambre de recours a commis une erreur, d’une part, en sous-estimant la capacité du consommateur moyen espagnol à faire un rapprochement conceptuel entre les marques en conflit du fait de la différence de langue et, d’autre part, en analysant la marque antérieure comme une marque comprenant un élément verbal et un élément figuratif.

43      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

44      Il convient donc de vérifier si l’analyse de l’impression d’ensemble des signes en cause, à la suite de la comparaison sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, retenue par la chambre des recours, n’est pas entachée d’erreur.

 Sur la similitude visuelle

45      S’agissant de la similitude visuelle, le requérant soutient dans ses écrits qu’aucun élément figuratif ne compose la marque antérieure. Il estime en outre que, en toute hypothèse, l’élément figuratif analysé par la chambre de recours ne serait pas décisif dans l’impression d’ensemble et ne contribue qu’à renforcer l’identité conceptuelle.

46      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

47      Il convient, à titre liminaire, de constater qu’il ressort clairement des éléments fournis par l’OHMI dans sa réponse (annexe B1) que, contrairement à ce que soutient le requérant dans ses écrits, la marque antérieure EL LANCERO, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 31 pour lesquels un usage sérieux a été démontré, est une marque complexe composée de l’élément verbal « el lancero » et d’un élément figuratif représentant un lancier, c’est-à-dire un cavalier avec une lance (voir point 6 ci-dessus). Le fait que la marque antérieure est une marque complexe a été confirmé par le requérant, en réponse aux questions orales du Tribunal, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

48      Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si l’analyse de l’impression visuelle d’ensemble de la marque figurative EL LANCERO et de la marque verbale LE LANCIER, retenue par la chambre des recours, n’est pas entachée d’erreur.

49      En l’espèce, la chambre de recours est parvenue, au point 38 de la décision attaquée, à la conclusion que l’élément figuratif était l’élément le plus important de la marque antérieure sur le plan visuel et qu’il avait un caractère distinctif eu égard aux produits visés par la marque antérieure. Elle a fondé son appréciation sur la considération, d’une part, que cet élément figuratif avait une taille proéminente dans l’ensemble en question et, d’autre part, qu’il renforçait de manière conséquente le caractère distinctif de la marque antérieure dans la mesure où le concept de lancier n’a pas de lien logique évident avec les fruits et légumes frais. La chambre de recours reconnaît qu’il existe une certaine similarité entre les éléments verbaux des marques en conflit, mais elle conclut que, eu égard au caractère proéminent de l’élément figuratif de la marque antérieure, les marques opposées ne peuvent être considérées comme similaires que dans une faible mesure sur le plan visuel.

50      À cet égard, il y a lieu de constater, d’abord, que le Tribunal a déjà précisé que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI − France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 51].

51      Ensuite, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 43). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

52      Par ailleurs, quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 35].

53      Tout d’abord, eu égard à l’impression visuelle d’ensemble produite par la marque antérieure, l’élément figuratif est apte à attirer et à retenir davantage l’attention que l’élément verbal du signe, principalement en raison de ses dimensions. Il s’ensuit que l’élément figuratif peut être considéré comme le composant le plus important de la marque demandée.

54      Ensuite, il y a lieu de constater que, s’agissant des éléments verbaux, qui ne peuvent être considérés comme négligeables, les mots « lancier » et « lancero » sont composés effectivement de six lettres tous les deux et qu’une certaine similarité visuelle ne saurait être niée. Cependant, les articles « el » et « le », tout comme les syllabes « ero » et « ier », sont différents. En conséquence, il n’existe qu’une similitude limitée des éléments verbaux.

55      En présence, d’une part, d’un élément figuratif proéminent et distinctif, et, d’autre part, d’éléments verbaux présentant une similitude visuelle limitée, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les marques en conflit présentent, prises dans leur ensemble, une similitude faible.

 Sur la similitude phonétique

56      Au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il existait une certaine similitude phonétique entre les marques en conflit.

57      Le requérant soutient, en substance, que les différences entre les expressions « el lancero » et « le lancier » ainsi que les différences de langues ne sont pas de nature à remettre en cause leur quasi-identité phonétique.

58      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

59      En l’espèce, comme le relève à juste titre la chambre de recours au point 39 de la décision attaquée, les deux expressions contiennent quatre syllabes et une même consonne centrale « c », ce qui tend à créer une certaine similitude phonétique. Cependant, les articles définis « el » et « le » diffèrent, ainsi que les trois dernières lettres du second élément verbal de chacune des deux marques en cause. En outre, ainsi que le soutient à juste titre l’OHMI, il convient de prendre en considération le fait que l’expression « le lancier » sera prononcée à l’espagnole par le consommateur moyen, ce qui est de nature à atténuer la similitude phonétique.

60      Les arguments du requérant, exposés au point 57 ci-dessus, doivent donc être rejetés comme étant non fondés. Dès lors, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a estimé à bon droit que les marques en conflit présentent une certaine similitude phonétique.

 Sur la similitude conceptuelle

61      Au point 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude conceptuelle entre les marques en conflit en raison du fait que, notamment, le public pertinent ne serait pas capable de comprendre la signification de l’expression « le lancier ».

62      S’agissant de la similitude conceptuelle, le requérant soutient, en substance, qu’il existe une similitude absolue entre les marques en conflit dans la mesure où les expressions « el lancero » et « le lancier » ont, bien que dans des langues différentes, la même signification. En outre, le fait qu’il n’y ait pas de lien logique entre les produits concernés et ces expressions accentue le risque de confusion.

63      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

64      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l’appréciation de la similitude conceptuelle, le public pertinent est composé de consommateurs moyens en Espagne et qui sont, pour l’essentiel, hispanophones (voir point 18 ci-dessus).

65      S’agissant de la compréhension qu’aura le public pertinent de la marque demandée, il convient de rappeler que la connaissance d’une langue étrangère ne peut en général être présumée [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 2008, Zipcar/OHMI – Canary Islands Car (ZIPCAR), T‑36/07, non publié au Recueil, point 45].

66      En l’espèce, il est constant que le consommateur moyen espagnol a une connaissance limitée de la langue française. Certes, les expressions « el lancero » et « le lancier » ont la même signification en espagnol et en français. Toutefois, force est d’abord de constater que le dossier ne contient aucun élément permettant d’établir qu’une part significative du public pertinent dispose de connaissances suffisantes de la langue française pour faire le rapprochement entre ces deux expressions verbales. Ensuite, même à supposer que le public pertinent dispose de certaines connaissances de la langue française, il y a lieu de souligner, ainsi que le fait valoir l’OHMI, que l’expression « le lancier » ne fait pas partie du vocabulaire de base de cette langue et que, malgré la similitude existant entre cette expression et l’expression « el lancero », il subsiste des différences importantes qui empêchent un rapprochement conceptuel immédiat dans la perception du public pertinent.

67      Enfin, il convient de relever que, certes, le fait que ces expressions n’aient aucun lien logique avec les produits visés peut tendre à renforcer leur caractère distinctif. Cependant, dans le cas d’un consommateur espagnol normalement informé et raisonnablement attentif et avisé disposant de connaissances limitées en français, le caractère distinctif n’est pas suffisant pour permettre un rapprochement conceptuel entre les marques en conflit.

68      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend le requérant, le public pertinent n’attribuera pas, en règle générale, un contenu sémantique à la marque demandée, ce qui implique qu’il ne sera pas en règle générale en mesure de procéder à une comparaison conceptuelle des marques opposées [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mai 2011, Space Beach Club/OHMI – Flores Gómez (SpS space of sound), T-144/10, non encore publié au Recueil, point 63].

69      Eu égard aux appréciations formulées aux points 61 et 68 ci-dessus, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré à bon droit qu’il n’y a pas de similitude conceptuelle, dans la perception du public pertinent, contribuant à créer un risque de confusion entre les marques en conflit.

70      Dans la mesure où il a été établi une absence de similitude conceptuelle et l’existence d’une similitude limitée sur le plan phonétique et sur le plan visuel, il y a lieu de constater l’existence d’une similitude faible, au sens du règlement n° 207/2009, entre les marques en conflit appréciées dans leur ensemble.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

71      La chambre de recours a considéré que, dans la mesure où les produits sont différents et que les signes en conflit présentent un faible degré de similitude, il n’existe pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

72      Le requérant conteste l’analyse de la chambre de recours en soutenant que l’identité conceptuelle absolue et les quasi-identités visuelle et phonétique compensent le manque de similitude des produits. Partant, il existerait en l’espèce un risque de confusion.

73      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

74      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

75      Il y a de même lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 26).

76      En l’espèce, compte tenu de la similitude limitée tant des produits (voir point 69 ci-dessus) que des marques en conflit (voir point 41 ci-dessus), il convient de conclure, à l’instar de la chambre de recours, qu’il n’existe pas de risque de confusion.

77      Il convient, dès lors, de rejeter le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sans que le Tribunal ait à se prononcer sur l’irrecevabilité, soulevée par l’OHMI, du deuxième chef de conclusions du requérant. Partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Enrique Serrano Aranda est condamné aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur la comparaison des produits

Sur la nature, l’utilisation et la destination des produits

Sur la complémentarité des produits

Sur la comparaison des signes

Sur la similitude visuelle

Sur la similitude phonétique

Sur la similitude conceptuelle

Sur l’appréciation globale du risque de confusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : le néerlandais.