Language of document : ECLI:EU:T:2010:492

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT

DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

29 novembre 2010 (*)

« Aide à la restructuration accordée par l’Autriche en faveur du groupe Austrian Airlines – Privatisation du groupe Austrian Airlines – Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑511/09,

Niki Luftfahrt GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me H. Asenbauer, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. K. Gross et B. Martenczuk, en qualité d’agents, assistés de Me G. Quardt, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

République d’Autriche, représentée initialement par Mme C. Pesendorfer, puis par M. G. Hesse, Mme Pesendorfer, MM. E. Riedl et M. Fruhmann, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet l’annulation de la décision de la Commission C (2009) 6686 final, du 28 août 2009, déclarant compatible avec le marché commun, sous réserve du respect de certaines conditions, l’aide à la restructuration accordée par l’Autriche en faveur du groupe Austrian Airlines dans le cadre de sa privatisation [aide C 6/2009 (ex N 663/2008)].

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Austrian Airlines AG est une compagnie aérienne établie à Vienne (Autriche), dont 41,56 % des parts étaient détenues par l’État autrichien par l’intermédiaire du holding publique Österreichische Industrieholding AG (ci-après « ÖIAG »). ÖIAG était ainsi le principal actionnaire dans Austrian Airlines.

2        Le 13 août 2008, ÖIAG a publié dans la presse autrichienne et internationale des avis invitant les investisseurs potentiels à manifester leur intérêt pour l’acquisition de ses parts dans Austrian Airlines.

3        À l’issue de la procédure de privatisation, le 21 octobre 2008, seule la société Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa ») a présenté une offre de rachat des parts concernées.

4        La transaction conclue entre ÖIAG et Lufthansa prévoit ce qui suit :

–        Lufthansa verse à ÖIAG un prix d’achat de 366 287,75 euros,

–        ÖIAG reçoit un bon de récupération susceptible en cas de retour à meilleure fortune, de donner lieu à un paiement supplémentaire pouvant atteindre 162 000 000 euros,

–        ÖIAG, par une structure de titrisation, verse une subvention de 500 000 000 euros que Lufthansa utilisera pour augmenter le capital d’Austrian Airlines.

5        Par courrier électronique du 21 décembre 2008, la République d’Autriche a notifié cette mesure à la Commission.

6        Par décision de la Commission C (2009) 6686 final, du 28 août 2009 [aide C 6/2009 (ex N 663/2008)], (ci‑après la « décision attaquée »), il a été déclaré que ladite mesure constitue une aide à la restructuration accordée par l’Autriche en faveur du groupe Austrian Airlines. Cette aide a été jugée compatible avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c) du traité CE, sous réserve du respect de certaines conditions.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2009, la requérante a introduit, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, CE, le présent recours tendant à l’annulation de cette décision.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 avril 2010, la République d’Autriche a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 15 juin 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 avril 2010, Lufthansa a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 avril 2010, Austrian Airlines a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2010, ÖIAG a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12      Les demandes en intervention de Lufthansa et d’Austrian Airlines ont été signifiées aux parties à la cause le 4 mai 2010, et celle d’ÖIAG le 19 mai 2010, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

13      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 7 mai 2010 la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’objections à l’encontre des demandes en intervention de Lufthansa et d’Austrian Airlines.

14      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 26 mai 2010, la requérante a soulevé des objections à l’encontre des demandes en intervention de Lufthansa et d’Austrian Airlines, et demandé au Tribunal de condamner Lufthansa et Austrian Airlines aux dépens afférents à la procédure d’intervention.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 juin 2010 la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’objections à l’encontre de la demande en intervention d’ÖIAG.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 juin 2010, la requérante a soulevé des objections à l’encontre de la demande en intervention d’ÖIAG, et demandé au Tribunal de condamner ÖIAG aux dépens afférents à la procédure d’intervention.

 En droit

17      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de la Communauté, ou entre États membres, d’une part, et institutions de la Communauté, d’autre part, a le droit d’intervenir.

18      En l’espèce, il y a lieu d’examiner successivement si Lufthansa, Austrian Airlines et ÖIAG justifient d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

 Arguments des parties

 Sur la demande en intervention de Lufthansa

19      Lufthansa soutient qu’elle justifie d’un intérêt à la solution du litige en tant que partie à la transaction concernant le rachat des parts détenues par ÖIAG dans Austrian Airlines, dans la mesure où l’aide à la restructuration autorisée par la décision attaquée consiste en une des composantes de cette transaction, à savoir la contribution d’ÖIAG à l’augmentation du capital d’Austrian Airlines. L’annulation de la décision attaquée et, partant, une restitution de l’aide concernée, aurait des incidences directes sur la transaction précitée, dont l’autorisation de la Commission constituerait une condition d’exécution. Or, pour Lufthansa la reprise des parts d’ÖIAG sans l’aide concernée serait inconcevable économiquement.

20      La requérante fait remarquer que dans la mesure où, selon la décision attaquée, la bénéficiaire de l’aide est Austrian Airlines, et non pas Lufthansa (thèse à laquelle la requérante ne souscrit pas), seule Austrian Airlines, et non pas Lufthansa, pourrait avoir un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

21      S’agissant de la situation contractuelle de Lufthansa, la requérante fait valoir que Lufthansa ne prétend pas que l’annulation de la décision attaquée aurait pour conséquence une résolution du rachat d’Austrian Airlines, et qu’en tout état de cause Lufthansa n’a pas produit les contrats régissant ce rachat.

 Sur la demande en intervention d’Austrian Airlines

22      Austrian Airlines soutient qu’elle justifie d’un intérêt à la solution du litige en tant que bénéficiaire de l’aide à la restructuration que la décision attaquée a déclaré compatible avec le marché commun.

23      La requérante estime que, pour des raisons exhaustivement développées dans sa requête et dans le mémoire en réplique, contrairement à ce qui est exposé dans la décision attaquée, c’est en effet Lufthansa, et non pas Austrian Airlines, qui est la bénéficiaire de l’aide et, partant, c’est tout au plus la première et non pas la dernière société qui pourrait avoir un intérêt direct et actuel de la solution du litige.

24      La requérante soutient, en outre, qu’un intérêt légitime séparé d’Austrian Airlines ne peut pas exister, étant donné que celle-ci est une filiale à 100 % de Lufthansa.

25      Finalement la requérante fait remarquer que l’aide concernée n’était pas censée être réglée à Austrian Airlines mais plutôt à la société ÖLH Österreichische Luftverkehrs-Holding GmbH, qui aurait dû, dans un délai de huit mois après le parachèvement de la transaction, transférer le montant de l’aide à travers une augmentation du capital d’Austrian Airlines, ce qui n’aurait pas été fait en réalité.

 Sur la demande en intervention d’ÖIAG

26      ÖIAG soutient qu’elle justifie d’un intérêt à la solution du litige en tant que partie ayant vendu les parts détenues dans Austrian Airlines et octroyé l’aide concerné. Étant juridiquement et politiquement responsable à l’égard de son propriétaire – l’État autrichien, elle aurait un intérêt éminent d’ordre politique, juridique et économique à pouvoir exposer dans le cadre de la procédure devant le Tribunal le caractère correct et conforme au droit communautaire de la procédure de privatisation d’Austrian Airlines.

27      En outre, en tant que partie à la transaction concernant le rachat de ses parts détenues dans Austrian Airlines, ÖIAG aurait un intérêt économique et juridique actuel et direct au maintien de la décision attaquée autorisant l’aide à la restructuration, qui serait explicitement évoquée dans le contrat de rachat de parts en tant que condition de sa conclusion.

28      La requérante fait valoir qu’en tant que propriétaire unique d’ÖIAG, c’est en effet l’État autrichien, et non pas ÖIAG, qui a octroyé l’aide et qui doit prendre les mesures nécessaires pour que les conditions imposées par la décision attaquée soient respectées. Ainsi, dans le meilleur des cas, ce serait l’État autrichien qui pourrait être concerné par la solution du litige.

29      S’agissant de la situation contractuelle d’ÖIAG, la requérante fait valoir qu’ÖIAG ne prétend pas que l’annulation de la décision attaquée aurait pour conséquence une résolution de la vente d’Austrian Airlines, et qu’en tout état de cause ÖIAG n’a pas produit les contrats régissant cette vente.

 Appréciation du président

30      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt (ordonnances de la Cour du 25 novembre 1964, Lemmerz-Werke/Haute Autorité, 111/63, Rec. p. 883, et du 12 avril 1978, Amylum e.a./Conseil et Commission, 116/77, 124/77 et 143/77, Rec. p. 893, points 7 et 9 ; ordonnance du Tribunal du 4 février 2004, Coöperatieve Aan- en Verkoopvereniging Ulestraten, Schimmert en Hulsberg e.a./Commission, T‑14/00, Rec. p. II‑497, point 11, et la jurisprudence citée).

31      En l’espèce, il convient de rappeler, tout d’abord, que la requérante demande l’annulation de la décision attaquée qui qualifie d’aide à la restructuration d’Austrian Airlines et déclare compatible avec le marché commun la reprise par Lufthansa des parts détenues par ÖIAG dans Austrian Airlines à un prix négatif résultant de la différence entre le prix d’achat de 366 287,75 euros, et la subvention de 500 000 000 euros, que le vendeur ÖIAG s’oblige à verser aux fins de l’augmentation du capital d’Austrian Airlines.

32      Ensuite, il y a lieu de relever que, dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission aurait dû déclarer l’aide en cause incompatible avec le marché commun.

33      L’objet du présent litige concerne donc la qualification d’aide compatible avec le marché commun d’une transaction dont Lufthansa et ÖIAG sont parties. Ainsi, dans l’éventualité où le Tribunal soit amené à retenir la conclusion en annulation de la requérante sur la base dudit moyen, l’autorisation de la transaction litigieuse par la décision attaquée sera annulée. Un arrêt du Tribunal dans ce sens pourrait ensuite avoir comme conséquence l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission, déclarant la transaction en cause incompatible avec le marché commun et ordonnant le recouvrement de l’aide.

34      Il en résulte que, en tant que parties à la transaction litigieuse, Lufthansa et ÖIAG disposent d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour. Par conséquent, il y a lieu d’accueillir leurs demandes en intervention.

35      S’agissant de la demande d’intervention d’Austrian Airlines, il convient de préciser, en premier lieu, que celle-ci a été identifiée dans la décision attaquée comme la bénéficiaire de l’aide en cause. Or, selon la jurisprudence, le bénéficiaire d’une aide d’État, dans le cadre d’un litige qui concerne cette aide, justifie d’un intérêt à la solution de ce litige (ordonnance du Tribunal du 17 novembre 1995, Salt Union/Commission, T‑330/94, Rec. p. II‑2881, point 10, et la jurisprudence citée).

36      La requérante soutient néanmoins que, contrairement à ce qui est exposé dans la décision attaquée, Austrian Airlines n’est pas le vrai bénéficiaire de l’aide. Dans sa requête elle fait valoir, en outre, que le vrai bénéficiaire est Lufthansa, que celle-ci n’est pas une entreprise en difficulté et n’est donc pas éligible pour recevoir une aide à la restructuration. Par conséquent, la Commission aurait dû conclure que l’aide n’est pas compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

37      Il résulte de ce qui précède, que la question de savoir si Austrian Airlines est le vrai bénéficiaire de l’aide en cause concerne le fond du litige et ne saurait, dès lors, être tranchée au stade préliminaire de l’examen de la demande en intervention d’Austrian Airlines. Il en résulte, en outre, que la compatibilité avec le marché commun d’une transaction ayant pour but de financer l’augmentation du capital d’Austrian Airlines, pourrait bien dépendre de la qualification de cette société comme bénéficiaire de l’aide, et que ladite société justifie, de ce fait, d’un intérêt direct et actuel à défendre une telle qualification et à soutenir les conclusions de la Commission devant le Tribunal. Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la demande en intervention d’Austrian Airlines.

38      La communication au Journal officiel, visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 27 mars 2010, les demandes d’intervention de Lufthansa et d’Austrian Airlines, introduites le 27 avril 2010, et la demande d’intervention d’ÖIAG, introduite le 7 mai 2010, ont été présentées dans le délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits des intervenants seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, du règlement de procédure.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal statue sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. Dès lors, il convient, à ce stade, de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Lufthansa AG est admise à intervenir dans l’affaire T‑511/09 à l’appui des conclusions de la Commission.

2)      Austrian Airlines AG est admise à intervenir dans l’affaire T‑511/09 à l’appui des conclusions de la Commission.

3)      Österreichische Industrieholding AG est admise à intervenir dans l’affaire T‑511/09 à l’appui des conclusions de la Commission.

4)      Une copie de toutes les pièces de procédure sera signifiée, par les soins du greffier, aux parties intervenantes.

5)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour exposer, par écrit, les moyens et arguments à l’appui de leurs conclusions.

6)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 novembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’allemand.