Language of document : ECLI:EU:T:2014:103

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

13 février 2014 (*)

« Référé – Procédure de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Publication de documents concernant l’inscription d’une substance active – Rejet de la demande visant à obtenir le traitement confidentiel de certaines informations – Demande de sursis à exécution – Recevabilité – Urgence – Fumus boni juris – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑578/13 R,

Luxembourg Pamol (Cyprus) Ltd, établie à Nicosie (Chypre),

Luxembourg Industries Ltd, établie à Tel-Aviv (Israël),

représentées par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. von Rintelen et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision de la Commission, communiquée aux requérantes par lettre de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 8 octobre 2013, rejetant leur demande de traitement confidentiel de certaines informations contenues dans le rapport d’examen par les pairs et l’addendum final concernant l’inscription de la substance active phosphonates de potassium, introduite en application de l’article 14 de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), et du règlement (UE) n° 188/2011 de la Commission, du 25 février 2011, portant modalités d’application de la directive 91/414 en ce qui concerne la procédure d’évaluation des substances actives qui n’étaient pas sur le marché deux ans après la date de notification de ladite directive (JO L 53, p. 51),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La présente ordonnance en référé s’inscrit dans un cadre juridique fixé par la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), par le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 (JO L 309, p. 1) et par le règlement (UE) n° 188/2011 de la Commission, du 25 février 2011, portant modalités d’application de la directive 91/414 en ce qui concerne la procédure d’évaluation des substances actives qui n’étaient pas sur le marché deux ans après la date de notification de ladite directive (JO L 53, p. 51).

2        La directive 91/414 vise à harmoniser les règles d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs substances actives dans l’Union européenne. Elle prévoit qu’un produit phytopharmaceutique ne peut être commercialisé dans un État membre que si, notamment, sa substance active, après avoir été évaluée au niveau de l’Union au regard des critères énoncés dans la directive 91/414, a été inscrite à l’annexe I de cette dernière.

3        En l’espèce, la première requérante, Luxembourg Pamol (Cyprus) Ltd – une filiale de la seconde requérante, Luxembourg Industries Ltd, qui conçoit, produit et vend, notamment, des herbicides, des fongicides et des insecticides –, s’est adressée, en août 2002, à la République française afin d’obtenir, conformément à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 91/414, l’inscription de la substance active « phosphonates de potassium » (ci-après la « substance en cause ») à l’annexe I de cette directive.

4        Par décision du 2 septembre 2003, la Commission des Communautés européennes a confirmé, en application de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 91/414, que le dossier présenté par la première requérante pouvait être considéré comme satisfaisant aux exigences en matière de données et d’informations énoncées aux annexes II et III de la directive 91/414.

5        L’État membre désigné comme rapporteur, la République française, a été chargé de l’examen détaillé du dossier. Le 1er février 2005, il a présenté un projet de rapport d’évaluation qui devait être examiné par les États membres et par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

6        L’EFSA est une agence européenne instituée par le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1). L’EFSA, qui jouit de la personnalité juridique, a pour mission principale de fournir des avis scientifiques et une assistance scientifique et technique à la politique et à la législation de l’Union dans tous les domaines ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Elle constitue une source indépendante d’informations sur toutes les questions relevant de ces domaines et veille à ce que le public reçoive rapidement une information fiable, objective et compréhensible dans les domaines qui relèvent de sa mission.

7        À la suite d’un accord général entre la Commission et l’EFSA portant sur la réalisation d’examens par les pairs, l’EFSA a organisé un tel examen pour le projet de rapport d’évaluation de la substance en cause en consultant des experts techniques de plusieurs États membres.

8        Invitées par lettre du 15 février 2005 au nom de l’EFSA à retirer les données sensibles du projet de rapport d’évaluation avant sa divulgation à des tiers, les requérantes ont transmis une version du projet de rapport d’évaluation dans laquelle elles avaient supprimé les données qu’elles considéraient comme sensibles. En réponse, l’EFSA les a informées que leurs demandes de suppression de parties du texte seraient examinées.

9        En 2010, l’EFSA a informé les requérantes de son intention de publier sur son site Internet le projet de rapport d’évaluation concernant la substance en cause et leur a demandé de vérifier les dossiers, qui avaient été préparés suivant les propositions de 2005 relatives à la suppression des données sensibles. Par lettre du 3 juin 2010, les requérantes ont transmis une version du projet de rapport d’évaluation, dans laquelle elles avaient supprimé les données qu’elles considéraient comme sensibles. Le 4 octobre 2010, l’EFSA a publié le projet de rapport d’évaluation sur son site Internet.

10      Après l’entrée en vigueur du règlement nº 188/2011 et conformément à son article 11, paragraphe 6, l’EFSA a, en juillet 2011, demandé à l’État membre rapporteur que les requérantes lui communiquent des informations qui n’avaient pas été présentées pour l’élaboration du projet de rapport d’évaluation et qui pourraient être susceptibles d’infléchir les conclusions de l’évaluation. En conséquence, l’État membre rapporteur a rédigé un addendum au projet de rapport d’évaluation, dans lequel figuraient les informations qui n’avaient pas été présentées précédemment pour l’élaboration dudit projet. En octobre 2011, l’EFSA a communiqué l’addendum aux États membres et aux requérantes, tout en demandant à celles-ci de fournir des informations complémentaires en vue de finaliser l’évaluation des risques.

11      Par courriel du 19 novembre 2012, l’EFSA a transmis aux requérantes une copie de ses conclusions sur l’évaluation des risques liés à la substance en cause, pour leur permettre de demander la suppression d’informations confidentielles avant la publication sur son site Internet. Par courriel du 26 novembre 2012, les requérantes ont informé l’EFSA qu’elles ne soumettaient aucune demande de confidentialité concernant ces conclusions.

12      Le 16 décembre 2012, l’EFSA a présenté à la Commission ses conclusions sur l’évaluation des risques liés à la substance en cause, utilisée en tant que pesticide. Ces conclusions ont été examinées, en même temps que le projet de rapport d’évaluation, par les États membres et par la Commission au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale.

13      Le 11 janvier 2013, l’EFSA a invité les requérantes à indiquer s’il y avait lieu de supprimer certaines informations figurant dans le rapport d’examen par les pairs et l’addendum final concernant la substance en cause (ci-après les « documents litigieux »). Par courrier du 25 février 2013, les requérantes ont présenté de nombreuses demandes de confidentialité. La majorité de ces demandes a été rejetée par courriel de l’EFSA du 29 mars 2013, dans lequel a été souligné le caractère non confidentiel, notamment, des informations relatives à la teneur de la substance en cause, à la méthode d’analyse de cette substance et aux méthodes d’analyse des résidus, des informations scientifiques concernant la base de l’évaluation et des évaluations des risques réalisées ainsi que des informations se trouvant déjà dans le domaine public.

14      Eu égard au désaccord avec les requérantes, l’EFSA – tenue, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 188/2011, de publier le projet de rapport d’évaluation, à l’exception d’informations confidentielles au sens de l’article 14 de la directive 91/414 – a demandé à la Commission, par lettre du 13 mai 2013, de se prononcer sur le caractère justifié des demandes de confidentialité présentées par les requérantes. Par courrier du même jour, l’EFSA a informé les requérantes que ces questions de confidentialité avaient été transmises à la Commission pour consultation.

15      La Commission a répondu à l’EFSA par lettre du 8 juillet 2013. En substance, la Commission s’est référée aux principes sur lesquels l’EFSA s’était déjà fondée dans des affaires similaires et a confirmé que ces principes, résumés dans les « orientations générales relatives aux informations susceptibles d’être supprimées dans les projets de rapport d’évaluation avant transmission à des tiers », jointes à la lettre du 15 février 2005 (voir point 8 ci-dessus), reflétaient l’approche commune de l’EFSA et de la Commission au regard des dispositions de l’article 14 de la directive 91/414.

16      Par lettre du 8 octobre 2013, l’EFSA a informé les requérantes que la Commission lui avait fourni une réponse à la question de savoir si leurs demandes de confidentialité étaient justifiées et leur a indiqué, en réponse à leur souhait de pouvoir en discuter lors d’une réunion avec elle, que cette question relevait, en vertu de l’article 14 de la directive 91/414, de la responsabilité de la Commission, de sorte qu’une telle réunion n’était pas considérée comme appropriée. Dans ladite lettre, l’EFSA a, en outre, exprimé son intention de procéder à la publication de la version partiellement expurgée des documents litigieux, qui avait été transmise aux requérantes le 29 mars 2013 (voir point 13 ci-dessus).

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2013, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision de la Commission portant rejet de leurs demandes de confidentialité, telle que communiquée par la lettre de l’EFSA du 8 octobre 2013 (ci-après la « décision attaquée »). À l’appui de leur recours, elles reprochent à la Commission d’avoir apprécié erronément ces demandes, en violant l’article 14 de la directive 91/414, l’article 339 TFUE, l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

18      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir, en application de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur la présente demande en référé ou, en tout état de cause, sur le recours principal ;

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée avec effet à la date de son entrée en vigueur ;

–        accorder toute autre mesure provisoire jugée appropriée et tenir une audition si nécessaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      Par ordonnance du 8 novembre 2013, le président du Tribunal a accordé, en vertu de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, le sursis à exécution demandé par les requérantes.

20      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 20 novembre 2013, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        mettre fin au sursis à exécution prononcé par l’ordonnance du 8 novembre 2013 ;

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

21      Les requérantes ont répondu aux observations de la Commission par mémoire du 6 décembre 2013. La Commission a pris définitivement position sur celui-ci par mémoire du 16 décembre 2013. Faisant suite à une mesure d’organisation de la procédure, les requérantes ont, le 28 janvier 2014, complété le dossier de la présente affaire de référé.

 En droit

22      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal.

23      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales. Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner, d’abord, les questions de recevabilité soulevées par la Commission.

 Sur la recevabilité

24      Selon la Commission, la demande en référé est irrecevable pour deux raisons : en premier lieu, elle ne satisferait pas aux exigences de forme applicables à une demande de mesures provisoires, telles que prévues à l’article 104, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure ; en second lieu, elle serait irrecevable dans la mesure où le recours au principal sur lequel elle se greffe devrait être déclaré manifestement irrecevable.

25      En ce qui concerne la première fin de non-recevoir, la Commission fait valoir que les requérantes ne précisent pas quelles informations concrètes devraient être considérées comme confidentielles, la demande en référé demeurant extrêmement vague sur ce point. Elle ajoute que la demande renvoie à des documents joints en annexe au recours principal, qui ne lui auraient pas été communiqués en temps utile. Par conséquent, elle aurait été privée du droit de se défendre et de préparer efficacement ses observations sur la demande en référé.

26      À cet égard, il convient de rappeler qu’une demande en référé doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels une telle demande se fonde doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible de son texte même, ce texte pouvant être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces jointes en annexe [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, non publiée au Recueil, point 10, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

27      Quant à la présente demande en référé, il apparaît qu’elle expose, sur 28 pages, le cadre juridique et factuel du litige, le fumus boni juris, l’urgence et la mise en balance des différents intérêts en présence. S’agissant des documents litigieux, les requérantes indiquent, au point 16 de la demande en référé, qu’elles ont demandé la confidentialité pour les catégories de données suivantes : premièrement, savoir-faire protégé concernant l’expertise scientifique mobilisée pour élaborer le dossier relatif à la substance en cause, deuxièmement, informations sur la méthode de fabrication, troisièmement, informations sur la substance en cause, y compris la spécification de ses impuretés, de la matière de départ et du produit, ainsi que sur les méthodes d’analyse des impuretés présentes dans la substance fabriquée, quatrièmement, noms et coordonnées des auteurs d’études portant sur les animaux vertébrés, cinquièmement, informations sur les résultats de l’analyse de cinq lots et, sixièmement, données personnelles.

28      Afin d’expliciter ces demandes de confidentialité par catégories, les requérantes renvoient à la requête principale jointe en annexe à leur demande en référé. En outre, elles font état des volumineux documents litigieux, dont une version partiellement expurgée par l’EFSA (voir point 16 ci-dessus) est jointe en annexe A 1 à la requête principale. De plus, les requérantes renvoient à leurs demandes de confidentialité visant les documents litigieux, présentées par courrier du 25 février 2013 (voir point 13 ci-dessus) et jointes en annexe A 3 à la requête principale, ainsi qu’à une liste de nombreux justificatifs spécifiques, reprise dans cette même annexe.

29      Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché aux requérantes de ne pas avoir précisé, dans le texte de la demande en référé, les informations spécifiques dont elles réclamaient un traitement confidentiel. En effet, elles devaient tenir compte des Instructions pratiques aux parties devant le Tribunal (JO L 68, du 7 mars 2012, p. 23), qui fixent le nombre de pages maximal d’une demande en référé à 25 pages, ce qui ne leur laissait pas d’autre choix que de résumer, dans celle-ci, leurs demandes de confidentialité par catégories, tout en renvoyant à des annexes pour les nombreuses données concrètes prétendument confidentielles.

30      Le juge des référés ne peut donc que constater que, au regard des circonstances particulières de l’espèce, l’indication de l’objet du litige et la présentation sommaire des moyens invoqués pour justifier le sursis à exécution sollicité, y compris la présence d’un résumé des six catégories de données prétendument confidentielles, suffisent pour permettre au texte de la demande en référé de satisfaire aux critères prévus à l’article 104, paragraphe 3, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. S’agissant des doutes exprimés par la Commission quant au caractère suffisamment concret de cette demande, ils feront l’objet de l’examen au fond de cette demande.

31      Dans la mesure où les requérantes renvoient à des documents qui sont annexés, non à la demande en référé, mais seulement au recours principal sur lequel elle se greffe, le juge des référés estime qu’il serait formaliste de refuser d’en tenir compte pour les besoins spécifiques de la présente procédure de référé. En effet, il convient de constater que les requérantes ont transmis ces documents par télécopie, ce qui peut expliquer qu’ils n’aient été, en raison de leur volume extraordinaire (plus de 900 pages), déposés qu’une seule fois, et ce en annexe au recours principal. De plus, le juge des référés peut accéder aisément et rapidement aux documents en cause. Enfin, la situation procédurale est caractérisée par l’identité des parties, des agents et des avocats, ainsi que par le fait que le recours principal et la demande en référé ont été déposés devant le Tribunal le même jour (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T‑37/91, Rec. p. II‑1901, point 47, et du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, Rec. p. II‑2237, points 95 et 96). En tout état de cause, les annexes A 1 et A 3 en cause ont ultérieurement été versées, sur invitation du juge des référés, également au dossier de la procédure de référé, aux fins de compléter ce dossier.

32      Il est vrai que la Commission n’était pas en mesure de se prononcer sur les documents annexés au recours principal lorsqu’elle a rédigé ses observations du 20 novembre 2013, puisque ce recours ne lui avait pas encore été signifié à cette date. Il convient de constater cependant que, à la suite d’une régularisation du recours, celui-ci ainsi que les documents qui y sont annexés sont parvenus à la Commission le 6 décembre 2013. Par conséquent, elle a été en mesure d’en tenir compte dans son mémoire du 16 décembre 2013 ; en tout état de cause, elle a omis de demander au Tribunal l’octroi d’une prorogation du délai fixé pour le dépôt de ce mémoire. Il apparaît, dès lors, qu’une prise en considération, par le juge des référés, des documents annexés au recours principal que les requérantes ont invoqués dans la demande en référé n’est de nature à entraver ni le principe du contradictoire ni la célérité requise en matière de référé, de sorte qu’il serait formaliste de refuser d’en tenir compte. C’est dans le contexte de l’examen de la condition relative à l’urgence qu’il conviendra de vérifier si la référence à ces documents est susceptible d’étayer et de compléter utilement la demande en référé sur des points spécifiques.

33      Il s’ensuit que la première fin de non-recevoir ne saurait être retenue.

34      Au soutien de la seconde fin de non-recevoir, la Commission fait valoir que le recours principal dirigé contre elle et tendant à obtenir l’annulation de la lettre de l’EFSA du 8 octobre 2013 est manifestement irrecevable. En effet, cette lettre ne pourrait être imputée à la Commission, mais constituerait un acte de l’EFSA, dont les actes administratifs produisant des effets juridiques vis-à-vis de tiers sont attaquables par un recours en annulation. Or, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 188/2011, il incomberait à l’EFSA de publier les projets de rapports d’évaluation, à l’exception des informations pour lesquelles un traitement confidentiel a été demandé et justifié par le demandeur conformément à l’article 14 de la directive 91/414. Dans la mesure où ledit article 14 attribue un rôle à la Commission, l’EFSA aurait demandé son opinion sur les demandes de confidentialité des requérantes. La Commission n’ayant pas accepté la justification fournie à l’appui de ces demandes, l’EFSA aurait adopté la lettre du 8 octobre 2013 sur cette base.

35      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé. Cependant, quand l’irrecevabilité manifeste du recours principal est soulevée, la partie sollicitant les mesures provisoires doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité de ce recours, sur lequel se greffe la demande en référé, afin d’éviter qu’elle puisse, par la voie du référé, obtenir le sursis à l’exécution d’un acte dont elle se verrait par la suite refuser l’annulation, son recours étant déclaré irrecevable lors de son examen au fond dans la procédure principale. Un tel examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours principal est nécessairement sommaire, compte tenu du caractère urgent de la procédure de référé (voir ordonnance du président du Tribunal du 29 août 2013, Iran Liquefied Natural Gas/Conseil, T‑5/13 R, non publiée au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée).

36      Ainsi, dans le cadre d’une procédure de référé, la recevabilité du recours principal ne peut être appréciée que de prime abord et le juge des référés ne doit déclarer une demande en référé irrecevable que si la recevabilité du recours principal correspondant peut être totalement exclue. À défaut, statuer sur la recevabilité du recours principal au stade du référé lorsque celle-ci n’est pas prima facie totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant dans l’affaire principale (voir ordonnance Iran Liquefied Natural Gas/Conseil, précitée, point 27, et la jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il convient de rappeler, d’une part, que l’EFSA avait demandé à la Commission, par lettre du 13 mai 2013, de se prononcer sur le caractère justifié des demandes de confidentialité présentées par les requérantes, tout en informant celles-ci, par courrier du même jour, que les questions de confidentialité soulevées avaient été transmises à la Commission pour consultation, et, d’autre part, que la lettre de réponse de cette dernière du 8 juillet 2013 faisait état des principes de confidentialité reflétant l’approche commune de l’EFSA et de la Commission au regard des dispositions de l’article 14 de la directive 91/414 (voir points 14 et 15 ci-dessus). Ensuite, dans sa lettre du 8 octobre 2013, l’EFSA a informé les requérantes de cette réponse de la Commission à leurs demandes de confidentialité, en précisant que la question de savoir si ces demandes étaient justifiées relevait, en vertu de l’article 14 de la directive 91/414, de la responsabilité de la Commission (voir point 16 ci-dessus).

38      Eu égard à ces formules choisies par l’EFSA, il ne paraît pas manifestement erroné d’interpréter sa lettre du 8 octobre 2013 en ce sens que, si elle se proposait de procéder, elle-même, à la publication matérielle des documents en question sur son site Internet, elle se considérait comme liée par le rejet, de la part de la Commission, des demandes introduites par les requérantes et visant à occulter les éléments qu’elles qualifiaient de confidentiels. Par ailleurs, une telle interprétation ne semble pas contredite par les dispositions applicables.

39      En effet, si l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 188/2011 autorise l’EFSA à publier les documents litigieux, cette disposition exclut toute publication d’informations pour lesquelles un traitement confidentiel a été demandé et justifié par le demandeur « conformément à l’article 14 de la directive 91/414 ». Aux termes de l’article 14, premier alinéa, de la directive 91/414, s’agissant d’une demande d’inscription d’une substance active à l’annexe I de cette directive, c’est la Commission qui veille à ce que les indications secrètes fournies par le demandeur restent confidentielles, si celui-ci en fait la demande et si « la Commission [...] accepte la justification fournie par le demandeur ».

40      Il semble donc que l’article 14 de la directive 91/414 – un texte juridique de rang supérieur à celui du règlement nº 188/2011 qui ne comporte que les modalités d’application de ladite directive – habilite, en matière d’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414, la Commission, et non l’EFSA, à se prononcer en dernier ressort sur la protection d’informations prétendument confidentielles. Il n’apparaît pas, prima facie, manifestement exclu d’interpréter ces textes en ce sens que l’EFSA, lorsqu’elle publie de telles informations, doit respecter la décision que la Commission aura adoptée sur la demande de confidentialité introduite par l’opérateur concerné.

41      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la Commission selon lequel la seule raison pour laquelle le rôle de l’EFSA n’a pas été reconnu par la directive 91/414 est que l’EFSA n’avait pas encore été instituée lors de l’adoption de ladite directive. En effet, si le législateur avait été du même avis que la Commission, rien ne l’aurait empêché de modifier ledit article 14 en conférant à l’EFSA un rôle plus important aux côtés de la Commission ou en lieu et place de cette dernière. S’il est vrai que l’EFSA s’est entre-temps vu conférer un tel rôle par les articles 12 et 63 du règlement n° 1107/2009, ce règlement est à cet égard apparemment dénué de pertinence en l’espèce, puisque son article 80, paragraphe 1, sous a), dispose que la directive 91/414 continue de s’appliquer en ce qui concerne la procédure et les conditions d’autorisation de la substance en cause. Or, le législateur n’a pas amendé la procédure applicable, alors qu’il en avait la possibilité.

42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure, à première vue, qu’il n’existe pas d’éléments permettant d’établir l’irrecevabilité manifeste du recours principal, en ce que celui-ci vise à l’annulation de la décision attaquée. Il s’ensuit que la seconde fin de non-recevoir ne saurait davantage être retenue.

43      Il convient donc de procéder à l’examen au fond de la demande en référé.

 Sur le fond

44      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

45      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

46      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

 Sur le fumus boni juris

47      Selon une jurisprudence constante, la condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas, dès lors que l’un des moyens avancés révèle l’existence de questions juridiques complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties révèle l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), non encore publiée au Recueil, point 67, et la jurisprudence citée].

48      En l’espèce, les requérantes font valoir que la décision attaquée est illégale, notamment, en ce que la Commission a fait une application erronée de l’article 14 de la directive 91/414, qui protège la confidentialité des secrets d’affaires couverts par le secret professionnel, droit fondamental consacré par l’article 339 TFUE, l’article 7 de la charte des droits fondamentaux et l’article 8 de la CEDH. En effet, par la décision attaquée, la Commission aurait mis en œuvre de façon rigide sa politique de transparence et de confidentialité au titre de la directive 91/414, sans tenir compte des particularités du cas d’espèce.

49      Elles rappellent que l’article 14 de la directive 91/414 ne définit pas les secrets industriels et commerciaux, mais énumère ce qui n’est pas confidentiel, à savoir, notamment, les dénominations et la teneur des substances actives et la dénomination du produit phytopharmaceutique, les données physico-chimiques concernant la substance active et le produit phytopharmaceutique, le résumé des résultats des essais destinés à établir l’efficacité du produit et son innocuité pour l’homme, les animaux, les végétaux et l’environnement, ainsi que les méthodes d’analyses.

50      Selon les requérantes, ce sont les « orientations générales relatives aux informations susceptibles d’être supprimées dans les projets de rapport d’évaluation avant transmission à des tiers » (voir point 15 ci-dessus) qui mentionnent les éléments suivants en tant que données confidentielles ou informations d’intérêt commercial : premièrement, l’identité et la teneur des impuretés dans le matériel technique, y compris la nature et la teneur des isomères inactifs ; deuxièmement, les méthodes d’analyse correspondantes ; troisièmement, les rapports d’analyse des lots et, quatrièmement, le savoir-faire de la société, y compris les stratégies d’enregistrement du produit, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). Serait à prendre en considération également le « successeur » de l’article 14 de la directive 91/414, à savoir l’article 63 du règlement n° 1107/2009, qui codifierait la pratique administrative résumée dans les « orientations » susmentionnées et refléterait ainsi une conception commune selon laquelle certaines données relatives à la teneur de la substance active, en particulier en ce qui concerne les impuretés, ainsi que les données physico-chimiques concernant la substance active, constituent des secrets industriels ou commerciaux qui donnent lieu à un traitement confidentiel. Ces indications couvertes par le secret professionnel devraient être protégées par le juge de l’Union.

51      S’agissant des demandes de confidentialité qu’elles ont présentées en l’espèce, les requérantes rappellent que l’EFSA en a rejeté la plus grande partie, notamment toutes celles qui portaient sur leur savoir-faire ou leur stratégie d’enregistrement, au motif que la teneur de la substance en cause et la méthode d’analyse de cette substance n’étaient pas confidentielles (voir point 13 ci-dessus), tout en négligeant les distinctions à opérer pour protéger les données concernant certaines impuretés et les méthodes d’analyse correspondantes. En outre, l’EFSA aurait nié le caractère confidentiel des méthodes d’analyse des résidus, des informations scientifiques à la base de l’évaluation et des évaluations des risques réalisées. Ainsi, les informations scientifiques à la base de l’évaluation et des évaluations des risques constitueraient les paramètres des études.

52      Dans la mesure où l’EFSA a refusé la protection d’informations qui se trouvaient déjà dans le domaine public, les requérantes soulignent qu’elles ne demandent nullement que des informations publiques soient, en tant que telles, tenues confidentielles. Elles invoqueraient le caractère confidentiel du seul fait que [Confidentiel](1). Il s’agirait là du savoir-faire protégé des requérantes que les « orientations » susmentionnées considéreraient, elles-mêmes, comme confidentiel.

53      Les requérantes soulignent que ce savoir-faire, mobilisé pour concevoir et exécuter un plan d’affaires, constitue un secret d’affaires, dont la divulgation permettrait à leurs concurrents d’accéder aux méthodes et à l’expertise liées à l’enregistrement de la substance en cause. En effet, les données dont elles demandent la confidentialité révéleraient [Confidentiel]. Dans la mesure où l’EFSA a l’intention de publier des études qui ont été considérées comme non acceptables et que les requérantes devaient donc recommencer, ces dernières s’opposent à la publication de telles études, qui ne sont pas publiées et qui n’ont pas été utilisées pour l’évaluation du produit. En effet, en donnant aux concurrents des requérantes un accès immédiat et gratuit à ces études et approches non acceptées par l’EFSA, cette divulgation leur permettrait de les éviter et d’économiser ainsi du temps et des ressources.

54      La Commission, pour sa part, dénonce le caractère général et vague de l’argumentation avancée par les requérantes. Elle estime que celles-ci auraient dû expliquer, dans la demande en référé, en quoi le refus de l’EFSA de traiter certaines indications comme des informations confidentielles pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4 du règlement nº 1049/2001. Au lieu de cela, les requérantes soutiendraient qu’elles ne comprennent pas pourquoi des études qui n’ont pas servi pour l’évaluation du produit devraient être divulguées. Selon la Commission, de tels critères ne sont pas appropriés pour répondre à la question de savoir si la divulgation d’informations porte atteinte à des intérêts commerciaux. Lorsque les requérantes indiquent qu’elles demandent non que des informations publiques soient tenues confidentielles, mais plutôt que [Confidentiel] reste confidentiel, elles ne préciseraient toujours pas quelles sont les informations spécifiques visées par leur demande de confidentialité.

55      La Commission ajoute que le dossier présenté pour l’inscription de la substance en cause est caractérisé par le fait que [Confidentiel].

56      S’agissant de l’utilisation [Confidentiel], les requérantes précisent que les informations publiques relatives à l’évaluation des risques liés à la substance en cause ne permettent pas, à elles seules, de comprendre comment les données en question ont été utilisées. Le fait que [Confidentiel] ne révélerait pas les arguments scientifiques avancés par les requérantes pour justifier l’utilisation et la pertinence de telles données pour satisfaire aux exigences en matière de données aux fins de leur dossier d’enregistrement relatif à la substance en cause.

57      À cet égard, il y a lieu de constater que, s’agissant des documents litigieux, les requérantes indiquent, aux points 16 et 32 de la demande en référé, qu’elles ont demandé la confidentialité, au titre de l’article 14 de la directive 91/414, pour les catégories de données suivantes :

–        leur savoir-faire protégé concernant l’expertise scientifique mobilisée pour élaborer le dossier relatif à la substance en cause, en d’autres termes la stratégie d’enregistrement en ce qui concerne cette substance, dont la divulgation compromettrait leurs intérêts commerciaux ;

–        des informations sur la méthode de fabrication ;

–        des informations sur la substance en cause, y compris la spécification de ses impuretés, de la matière de départ et du produit, ainsi que sur les méthodes d’analyse des impuretés présentes dans la substance active fabriquée ;

–        les noms et coordonnées des auteurs d’études portant sur les animaux vertébrés ;

–        des informations sur les résultats de l’analyse de cinq lots ;

–        des données personnelles.

58      Ces demandes de confidentialité par catégories se réfèrent aux documents litigieux, joints en annexe A 1 à la requête principale, qui comportent environ 900 pages. Elles sont concrétisées par la demande de confidentialité visant lesdits documents, présentée par les requérantes le 25 février 2013 (voir point 13 ci-dessus) et jointe en annexe A 3 à la requête principale, ainsi que par une liste d’environ 300 justificatifs spécifiques sur 40 pages, reprise dans cette même annexe A 3.

59      Quant à cette liste de justificatifs, elle consiste en un tableau qui identifie – dans les documents litigieux – les pièces, pages et sections référencées, tout en fournissant les motifs pour lesquels les informations en question devraient être tenues secrètes. À titre d’exemple, il y est indiqué que, dans les « commentaires sur le rapport d’évaluation », aux pages 3 et 5 (1/7 et 3/7), les observations du Royaume des Pays-Bas sur le projet de rapport d’évaluation, section B1-B5, à la colonne 2 du tableau, contiennent des informations sur la substance active qui sont réputées confidentielles en vertu de l’article 63, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1107/2009.

60      À la lecture de ces pièces de procédure, il s’avère que les demandes de confidentialité faisant l’objet du litige, à l’exception de celles relatives aux noms et aux coordonnées des auteurs d’études et aux données personnelles, portent sur des données physico-chimiques, biologiques et pharmaceutiques. Dès lors, ces demandes – ainsi que d’ailleurs la thèse opposée défendue par la Commission – soulèvent des questions scientifiques et techniques complexes. Cela est notamment vrai en ce qui concerne le point de savoir si [Confidentiel] peut être qualifié de confidentiel, en ce qu’une telle stratégie, consistant à [Confidentiel], est susceptible d’être considérée comme une invention scientifique utilisée aux fins du dossier d’enregistrement relatif à la substance en cause.

61      La question de savoir si la Commission a commis des erreurs en rejetant la majorité de ces demandes de confidentialité à caractère scientifique nécessite donc un examen minutieux et approfondi, qu’il y aura lieu d’effectuer dans le cadre de la procédure principale, d’autant plus que cet examen portera sur un volume considérable d’informations prétendument confidentielles (voir point 58 ci-dessus) et que la problématique juridique posée par le caractère prétendument confidentiel de certains éléments du dossier présenté pour l’évaluation d’une substance active nécessaire afin d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique fabriqué sur la base de cette substance n’a pas encore fait l’objet d’un contrôle par le juge de l’Union et soulève, dès lors, des questions inédites.

62      En ce qui concerne la question du caractère confidentiel des noms et des coordonnées des auteurs d’études ainsi que des données personnelles, elle ne saurait utilement faire l’objet d’un examen isolé par le juge des référés, mais il devra y être répondu en fonction du sort qui sera réservé, dans le cadre de la procédure principale, aux données de fond susceptibles de constituer des secrets économico-scientifiques. En effet, n’apparaissent dignes d’être protégés en tant qu’éléments confidentiels que des noms, des coordonnées et des données personnelles qui se rapportent à de tels secrets.

63      S’agissant enfin de déterminer les règles de droit pertinentes pour l’examen à effectuer par le juge du fond, ne saurait être prima facie qualifiée de manifestement erronée la thèse des requérantes selon laquelle, d’une part, les « orientations générales relatives aux informations susceptibles d’être supprimées dans les projets de rapport d’évaluation avant transmission à des tiers » reflètent l’approche commune de l’EFSA et de la Commission au regard de l’article 14 de la directive 91/414 et, d’autre part, l’article 63 du règlement n° 1107/2009 devrait être pris en considération en vue d’interpréter ledit article 14, en ce que cet article 63, malgré l’inapplicabilité du règlement n° 1107/2009 au cas d’espèce, codifie la pratique administrative. Or, il n’apparaît prima facie pas que l’application de ces dispositions aura pour conséquence manifeste le rejet du recours principal introduit par les requérantes.

64      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater, sans préjudice de la valeur des arguments avancés par la Commission, dont le bien-fondé fera l’objet d’un examen par le juge du fond, que la présente affaire soulève des questions inédites et complexes qui ne sauraient, à première vue, être considérées comme manifestement dénuées de pertinence, mais dont la solution mérite un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale.

65      Il y a donc lieu d’admettre l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur la mise en balance des intérêts

66      Selon une jurisprudence bien établie, la mise en balance des différents intérêts en présence consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à en obtenir l’octroi prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte litigieux en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir ordonnance du président du Tribunal du 11 mars 2013, Pilkington Group/Commission, T‑462/12 R, non encore publiée au Recueil, point 28, et la jurisprudence citée).

67      S’agissant de la condition selon laquelle la situation juridique créée par une ordonnance de référé doit être réversible, il y a lieu de relever que la finalité de la procédure de référé se limite à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond. Par conséquent, cette procédure a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe, de sorte que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire en ce sens qu’elle ne saurait ni préjuger du sens de la future décision au fond ni la rendre illusoire en la privant d’effet utile (voir ordonnance Pilkington Group/Commission, précitée, point 29, et la jurisprudence citée).

68      Il s’ensuit nécessairement que l’intérêt défendu par une partie à la procédure de référé n’est pas digne de protection dans la mesure où cette partie demande au juge des référés d’adopter une décision qui, loin de présenter un caractère purement provisoire, aurait pour effet de préjuger du sens de la future décision au fond et de la rendre illusoire en la privant d’effet utile. C’est d’ailleurs pour cette même raison que la demande en référé invitant le juge des référés à ordonner la divulgation d’informations prétendument confidentielles détenues par la Commission a été déclarée irrecevable en ce que l’ordonnance faisant droit à cette demande aurait été susceptible de neutraliser par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement sur le fond (voir ordonnance Pilkington Group/Commission, précitée, point 30, et la jurisprudence citée).

69      En l’espèce, le Tribunal sera appelé à statuer, dans le cadre du litige principal, sur le point de savoir si la décision attaquée – par laquelle la Commission a rejeté les demandes de confidentialité des requérantes, permettant ainsi la publication sur le site Internet de l’EFSA d’informations prétendument confidentielles contenues dans les documents litigieux – doit être annulée, notamment, pour méconnaissance de la nature confidentielle de ces informations en ce que leur publication serait constitutive d’une violation de l’article 14 de la directive 91/414, de l’article 339 TFUE, de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux et de l’article 8 de la CEDH. À cet égard, il est évident que, pour conserver l’effet utile d’un arrêt annulant la décision attaquée, les requérantes doivent être en mesure d’éviter que la Commission ne permette une publication illicite, par l’EFSA, desdites informations. Or, un arrêt d’annulation serait rendu illusoire et privé d’effet utile si la présente demande en référé était rejetée, ce rejet ayant pour conséquence de permettre à l’EFSA la publication immédiate des informations en cause et donc de facto de préjuger du sens de la future décision au fond, à savoir un rejet du recours en annulation.

70      Il s’ensuit que l’intérêt de la Commission à voir rejeter la demande en référé doit céder devant l’intérêt défendu par les requérantes, d’autant plus que l’octroi des mesures provisoires sollicitées ne reviendrait qu’à maintenir, pour une période limitée, le statu quo ayant existé depuis plusieurs années, alors que la Commission, loin d’affirmer qu’une publication intégrale des documents litigieux répondait à un besoin impérieux de protéger la santé publique ou les intérêts spécifiques d’opérateurs économiques déterminés, s’est limitée à invoquer le principe général de transparence, le droit d’accès du public aux documents des institutions ainsi que la tâche de l’EFSA consistant à veiller à ce que le public et les parties intéressées reçoivent une information rapide dans les domaines qui relèvent de sa mission.

 Sur l’urgence

71      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’existence d’un fumus boni juris vient d’être admise en l’espèce. Il s’ensuit que l’introduction tant du recours principal que de la demande en référé ne saurait être qualifiée de manœuvre dilatoire de la part des requérantes visant à abuser de leur droit à la protection d’informations confidentielles et à retarder, sans motif légitime, la publication des documents litigieux. En outre, au terme de la mise en balance des différents intérêts en présence, il est apparu que l’intérêt de la Commission devait céder devant celui défendu par les requérantes.

72      Le juge des référés estime que les considérations qui viennent d’être exposées ne sauraient rester sans influence sur l’appréciation de l’urgence (voir, en ce sens, ordonnance Autriche/Conseil, précitée, point 110).

73      Afin de démontrer l’urgence, les requérantes font valoir que les produits fondés sur la substance en cause occupent actuellement [Confidentiel] dans [Confidentiel] leur gamme de produits. Luxembourg Industries en aurait vendu aux [Confidentiel] au cours de la dernière décennie, ainsi qu’en [Confidentiel] sous différentes marques depuis 2010 et 2013, respectivement. En tant que seul fongicide, et non engrais, fondé sur la substance en cause dans l’Union, elles s’attendraient à ce que les produits fondés sur la substance en cause deviennent leur plus solide pilier commercial, dont la réussite déterminerait leur avenir.

74      Les requérantes affirment qu’une divulgation des secrets d’affaires contenus dans les documents litigieux entraînera un préjudice imminent et irréversible, en donnant à leurs concurrents, notamment à ceux actifs dans le secteur des engrais, un accès immédiat, irréversible et gratuit à leur stratégie d’enregistrement en ce qui concerne la substance en cause, que ces concurrents pourraient reproduire sans coût, ainsi qu’aux études et aux approches non acceptées par l’EFSA, qu’ils pourraient donc éviter, économisant ainsi du temps et des ressources. S’agissant de la problématique des engrais, les requérantes soulignent que, en raison des multiples noms (phosphonates, phosphites) sous lesquels la substance en cause est connue et de la confusion courante avec l’engrais qu’est le phosphate, dont la base est également le phosphore, les producteurs et les distributeurs de la substance en cause peuvent, à l’heure actuelle, commercialiser des fongicides en tant qu’engrais et éviter les exigences réglementaires coûteuses applicables aux fongicides, tout en exploitant l’avantage commercial associé aux revendications relatives aux pesticides. Vu que les États membres s’apprêtent à mettre un terme à de tels contournements, les concurrents des requérantes devraient faire enregistrer leurs produits en tant que produits phytopharmaceutiques aussitôt que possible, afin de pouvoir continuer à les commercialiser dans l’Union. Dans ce processus, l’accès à la stratégie d’enregistrement des requérantes leur donnerait un avantage concurrentiel notable, en leur communiquant la feuille de route à suivre pour préparer rapidement et à moindre coût leur dossier, que les concurrents pourraient tout simplement reproduire pratiquement sans coût.

75      Renvoyant aux certificats de leur commissaire aux comptes, joints en annexe à la demande en référé, les requérantes indiquent avoir réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de [Confidentiel] avec leurs produits fondés sur la substance en cause, ce qui représente environ [Confidentiel] de leur chiffre d’affaires mondial. Elles ajoutent que, par analogie avec le succès rencontré par la substance en cause sur des marchés étrangers, elles s’attendent à une croissance de leurs chiffres de ventes, sur la base des engagements d’achat pris par des clients au sein de l’Union, et à une valeur actuelle nette dans la région de [Confidentiel]. Une publication des informations confidentielles provoquerait donc, à leur détriment, des changements irréversibles sur le marché de la substance en cause et des produits fondés sur cette substance, en permettant à leurs concurrents d’obtenir une autorisation rapide et à moindre coût pour leurs propres produits. Ainsi, une exécution immédiate de la décision attaquée non seulement réduirait le chiffre d’affaires des requérantes, mais compromettrait aussi leur plan d’affaires.

76      Les requérantes précisent que, sur la base de leur expérience et des connaissances communes en matière de stratégie commerciale, la divulgation d’un savoir-faire confidentiel donnant accès aux résultats d’efforts intensifs en matière de recherche et développement et permettant donc à leurs nombreux concurrents de réduire leur prix de vente, qui ne devraient pas incorporer ces coûts, pourrait avoir pour effet que les volumes des ventes de produits fondés sur la substance en cause par les requérantes diminuent de [Confidentiel] à la suite de l’enregistrement de produits concurrents en tant que pesticides. Or, un préjudice prévisible d’une telle ampleur serait manifestement grave.

77      Selon les requérantes, une publication des documents litigieux mettrait des données commerciales précieuses gratuitement à la disposition de leurs concurrents qui seraient en mesure d’obtenir rapidement et à moindre coût l’enregistrement de leurs produits en tant que pesticides, en utilisant le savoir-faire des requérantes sous la forme de la stratégie d’enregistrement de la substance en cause. Par conséquent, les concurrents bénéficieraient d’un avantage concurrentiel indu sur les requérantes sur le marché de la substance en cause. Les requérantes ne pourraient, si leur recours principal était accueilli, récupérer ni le montant de leurs pertes ni celui de leurs investissements, y compris les dépenses de recherche et développement à hauteur de [Confidentiel] ainsi que [Confidentiel] investis dans la construction d’une nouvelle usine de production. La décision attaquée aurait donc un effet préjudiciable grave et irrémédiable sur le chiffre d’affaires et la part de marché des requérantes, ainsi que sur la situation du marché concernant la substance en cause.

78      Enfin, les requérantes soutiennent que, dans l’hypothèse où le préjudice allégué se produirait, elles ne seraient éventuellement pas en mesure de l’identifier ou de le chiffrer avec une précision suffisante, de sorte qu’un recours en indemnité ne saurait permettre de le réparer. En effet, il serait impossible d’identifier le nombre et la qualité de toutes les personnes qui auraient connaissance des informations publiées et d’apprécier l’impact concret qu’une publication de celles-ci pourrait avoir sur les intérêts commerciaux et économiques des requérantes.

79      La Commission, pour sa part, rétorque que les requérantes, au lieu d’expliquer, dans la demande en référé, en quoi le refus de l’EFSA de traiter certaines indications comme des informations confidentielles pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à leurs intérêts commerciaux, se sont contentées d’avancer une argumentation extrêmement générale et vague. De plus, leurs allégations de préjudice fondées sur la survenance d’événements futurs et incertains seraient de nature purement hypothétique et ne sauraient, dès lors, justifier l’octroi des mesures provisoires demandées. En tout état de cause, elles n’auraient démontré ni que, en l’absence de ces mesures, elles se trouveraient dans une situation susceptible de mettre en péril leur existence, ni qu’il leur serait impossible, en raison d’obstacles de nature structurelle ou juridique, de reconquérir, notamment par des mesures appropriées de publicité, une fraction appréciable des parts de marché qu’elles risqueraient de perdre.

80      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue. Il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, points 36 et 37).

81      Lorsqu’une entreprise saisit le juge des référés en vue de prévenir la divulgation d’informations prétendument couvertes par le secret professionnel, la mesure dans laquelle la divulgation de telles informations cause un préjudice grave et irréparable dépend d’une combinaison de circonstances, telles que, notamment, l’importance sur les plans professionnel et commercial des informations pour l’entreprise qui les fournit et l’utilité de celles-ci pour d’autres entreprises présentes sur le marché qui sont susceptibles d’en prendre connaissance et de les utiliser par la suite [voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 42, et ordonnance du vice-président de la Cour du 28 novembre 2013, EMA/AbbVie, C‑389/13 P(R), non publiée au Recueil, point 42].

82      En l’espèce, le préjudice invoqué résultant de la publication d’informations prétendument confidentielles, il importe de relever que le juge des référés, aux fins d’apprécier l’existence d’un préjudice grave et irréparable, doit partir de la prémisse selon laquelle les informations prétendument confidentielles le sont effectivement, conformément aux allégations formulées par les requérantes aussi bien dans leur recours principal que dans le cadre de la procédure de référé (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 38).

83      En outre, ainsi que les requérantes l’ont admis elles-mêmes, le préjudice invoqué présente un caractère économique et financier en ce qu’il porterait atteinte à leurs activités de production et de commercialisation de la substance active. Or, s’agissant de la gravité d’un tel préjudice, il a été jugé qu’un préjudice financier objectivement considérable peut être considéré comme « grave », sans qu’il soit nécessaire de le mesurer systématiquement au chiffre d’affaires de l’entreprise qui craint de le subir [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), non encore publiée au Recueil, points 32 et 33].

84      En l’espèce, le préjudice allégué par les requérantes consiste dans le fait que, lorsque les informations prétendument confidentielles seront publiées sur le site Internet de l’EFSA, une annulation ultérieure de la décision attaquée, pour violation de l’article 339 TFUE et du droit fondamental à la protection du secret professionnel, n’inverserait pas les effets découlant de la publication de ces informations. En effet, tous les concurrents des requérantes, notamment ceux actifs dans le secteur des engrais, pourraient immédiatement accéder aux informations en cause et les exploiter librement, alors que les requérantes seraient privées d’une protection juridictionnelle effective si les informations litigieuses étaient communiquées avant que le litige au fond ne soit résolu.

85      Il y a lieu de constater que le préjudice ainsi invoqué présente le degré de gravité requis. En effet, en partant de la prémisse selon laquelle les informations en question, contenues dans un dossier déposé pour l’évaluation d’une substance active nécessaire afin d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique fabriqué sur la base de cette substance, sont couvertes par le secret professionnel, leur publication occasionnerait nécessairement un préjudice important aux requérantes, du fait qu’il s’agit d’éléments commerciaux spécifiques concernant, premièrement, des informations reflétant le savoir-faire scientifique des requérantes, obtenu grâce à des investissements intensifs en matière de recherche et de développement, mobilisé pour élaborer leur stratégie d’enregistrement de la substance en cause, deuxièmement, des informations sur la méthode de fabrication de cette substance, sur la spécification de ses impuretés, de la matière de départ et du produit, ainsi que sur les méthodes d’analyse des impuretés présentes dans ladite substance, troisièmement, des informations sur les résultats de plusieurs analyses, quatrièmement, les noms et coordonnées des auteurs d’études animales et, cinquièmement, des données personnelles relatives aux éléments scientifiques susmentionnés (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, précitée, point 47). En outre, les requérantes ont démontré qu’elles avaient effectué d’importants investissements pour développer la substance en cause et que les produits fondés sur cette dernière occupaient une place importante dans la gamme de leurs produits.

86      En tout état de cause, il convient de rappeler que, d’une part, l’existence d’un fumus boni juris a été justifiée, en l’espèce, par le fait que les demandes de confidentialité présentées par les requérantes soulevaient des questions scientifiques et techniques complexes qui nécessitaient un examen approfondi devant être effectué dans le cadre de la procédure principale (voir points 60 à 62 ci-dessus). D’autre part, il a été relevé que la confidentialité de toutes les informations sur lesquelles portaient ces demandes devait être présumée pour les besoins de la procédure de référé (voir point 82 ci-dessus).

87      Or, une information de nature économique n’est considérée comme confidentielle que si sa publication risque de léser gravement les intérêts commerciaux et financiers de celui qui en est le titulaire, c’est-à-dire de lui causer un préjudice sérieux (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 71, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 65). Dans ces circonstances, l’appréciation de la question de savoir si une publication des informations litigieuses – complexes et présumées confidentielles – causerait aux requérantes un préjudice « simple » ou « grave » ne saurait être détachée de l’examen approfondi à effectuer par le juge du fond dans la procédure principale. Eu égard à son rôle accessoire par rapport à celui du juge du fond, le juge des référés est donc tenu de présumer, pour les besoins de la présente procédure, non seulement la confidentialité des informations litigieuses, mais également le caractère grave du préjudice susceptible d’être causé aux requérantes par ladite publication.

88      Par conséquent, il n’est pas besoin d’examiner les différents chiffres présentés par les requérantes visant à démontrer la gravité du préjudice allégué (voir point 83 ci-dessus), chiffres que la Commission considère comme insuffisants pour établir que les requérantes subiraient un préjudice grave et se trouveraient dans une situation susceptible de mettre en péril leur existence si les mesures provisoires demandées n’étaient pas accordées.

89      S’agissant du caractère irréparable de ce préjudice, il est évident que l’annulation de la décision attaquée par le Tribunal ne saurait inverser les effets de la publication sur le site Internet de l’EFSA d’une version des documents litigieux contenant des informations prétendument confidentielles, dès lors que la prise de connaissance de celles-ci par les personnes ayant consulté ce site n’en serait pas effacée.

90      En outre, selon une jurisprudence bien établie, un tel préjudice d’ordre pécuniaire est considéré comme irréparable s’il ne peut pas être chiffré, c’est-à-dire lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE ne saurait par conséquent permettre de le réparer (voir, en ce sens, ordonnances EDF/Commission, précitée, point 60, et Commission/Pilkington Group, précitée, points 52 et 54).

91      S’agissant d’une publication sur Internet des données litigieuses en l’espèce, à savoir d’informations scientifiques et commerciales spécifiques concernant, notamment, la stratégie d’enregistrement et la méthode de fabrication de la substance en cause, les méthodes d’analyse des impuretés présentes dans cette substance ainsi que les résultats de plusieurs analyses qui y sont relatives, il apparaît que ces informations seraient particulièrement utiles pour les concurrents des requérantes sur le marché de l’Union, sans que le cercle de ces concurrents puisse être limité aux entreprises établies dans l’Union et en situation de concurrence actuelle. En effet, le site Internet de l’EFSA est accessible dans le monde entier, de sorte que des entreprises établies dans des pays tiers pourraient, en fonction de l’utilité que les informations litigieuses auraient pour elles, être amenées à s’engager dans une concurrence avec les requérantes dans l’Union et ailleurs, en profitant de ces informations.

92      Il convient d’ajouter que le site Internet de l’EFSA est accessible à un nombre illimité de personnes. Par conséquent, il est, de toute évidence, impossible d’identifier le nombre et la qualité des personnes – qu’il s’agisse de concurrents, de fournisseurs ou de clients des requérantes, d’analystes financiers ou d’individus relevant du grand public – qui pourraient prendre connaissance des informations litigieuses devenues publiques et les exploiter d’une manière préjudiciable aux requérantes. Ces dernières se trouveraient ainsi, dans l’hypothèse d’une publication desdites informations sur Internet, en situation de vulnérabilité générale et devraient s’attendre à toutes sortes de préjudices.

93      Il s’avère, dès lors, impossible d’apprécier l’impact concret qu’une publication des informations prétendument confidentielles pourrait avoir sur les intérêts économiques et financiers des requérantes. Il s’ensuit que le préjudice qu’elles risqueraient de subir en cas de publication desdites informations sur Internet ne peut être chiffré de manière adéquate.

94      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que la condition relative à l’urgence est remplie en l’espèce, la survenance probable, pour les requérantes, d’un préjudice grave et irréparable étant établie à suffisance de droit.

95      En conséquence, toutes les conditions étant réunies à cet effet, il y a lieu de faire droit à la demande en référé en tant qu’elle vise à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée. De plus, afin d’attribuer à ce sursis à exécution l’effet utile recherché, il convient d’enjoindre à la Commission de ne pas permettre la publication, par l’EFSA, d’une version des documents litigieux qui soit plus détaillée que celle revêtue des occultations apportées dans le courrier des requérantes du 25 février 2013, telles que reprises à l’annexe A 3 du recours principal.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de la décision de la Commission, communiquée à Luxembourg Pamol (Cyprus) Ltd et à Luxembourg Industries Ltd par lettre de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 8 octobre 2013 et rejetant leur demande de traitement confidentiel de certaines informations contenues dans le rapport d’examen par les pairs et l’addendum final concernant l’inscription de la substance active phosphonates de potassium.

2)      Il est enjoint à la Commission européenne de ne pas permettre la publication, par l’EFSA, d’une version du rapport d’examen par les pairs et de l’addendum final concernant l’inscription de la substance active phosphonates de potassium, qui soit plus détaillée que celle revêtue des occultations apportées dans le courrier de Luxembourg Pamol (Cyprus) et de Luxembourg Industries du 25 février 2013, telles que reprises à l’annexe A 3 du recours principal.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 13 février 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


** Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.