Language of document : ECLI:EU:T:2005:440

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 décembre 2005 (*)

« Fonctionnaires – Concours général – Questions à choix multiples – Exactitude des réponses du formulaire de correction – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T-92/04,

Marta Cristina Moren Abat, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me G. Lebitsch, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. H. Krämer, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du jury du concours COM/A/1/02 attribuant à la requérante, pour la phase de présélection, un nombre de points insuffisant pour lui permettre d’être admise aux épreuves ultérieures dudit concours,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme P. Lindh et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1       Le 25 juillet 2002, la Commission a publié l’avis de concours général sur épreuves COM/A/1/02, organisé en vue de la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs (carrière A 7/A 6), dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et de l’environnement (JO C 177 A, p. 13).

2       Selon le point B de cet avis, le concours consistait en trois tests de présélection, a), b) et c), une épreuve écrite, d), ainsi qu’en une épreuve orale, e).

3       Le point B 1 de l’avis de concours précisait que les tests de présélection étaient composés d’une série de questions à choix multiples. En particulier, le test a) visait à évaluer les connaissances spécifiques dans le domaine du concours choisi par le candidat. Constitué de 40 questions, il était noté de 0 à 40 points, avec un minimum requis de 20 points.

4       La requérante s’est portée candidate à ce concours, en choisissant le domaine de l’environnement, pour lequel, aux termes du point B 2 de l’avis de concours, seuls les candidats ayant obtenu les 480 meilleures notes pour l’ensemble des tests de présélection seraient invités à soumettre une candidature complète.

5       La requérante a participé aux tests de présélection le 21 mars 2003.

6       Dans le domaine de l’environnement, la question n° 2 du test a) était formulée ainsi :

« Le niveau sonore d’une conversation normale est :

a)       inférieure à 30 dBA ;

b)       situé entre 30 et 45 dBA ;

c)       situé entre 45 et 65 dBA ;

d)       situé entre 70 et 80 dBA. »

7       Selon le formulaire de correction, la réponse exacte était la proposition c).

8       La question n° 8 était rédigée de la façon suivante :

« Laquelle des affirmations suivantes n’est pas vraie ?

a)       les gènes se présentent par paires ;

b)       certains gènes sont dominants ;

c)       toutes les cellules possèdent deux ensembles de chromosomes ;

d)       un gène se compose d’ADN. »

9       Selon le formulaire de correction, la réponse exacte était la proposition c).

10     La question n° 26 était libellée comme suit :

« Pour ce qui concerne les sols fertilisés au fumier de ferme, on peut affirmer que, d’une manière générale :

a)      la fraction d’humus provenant des résidus végétaux est inférieure à celle du fumier de ferme ;

b)      l’humus se décompose rapidement ;

c)      les deux fractions de l’humus (provenant des végétaux et des animaux respectivement) sont égales ;

d)      il n’y a pas de fraction d’humus d’origine végétale. »

11     Selon le formulaire de correction, la réponse exacte était la proposition a).

12     La question n° 27 se présentait ainsi :

« La pollution de l’eau par le phosphore est provoquée essentiellement par :

a)       des pluies trop abondantes ;

b)      les activités agricoles ;

c)       la désintégration et l’érosion naturelles des minéraux contenant du phosphore ;

d)       les activités de l’industrie et des ménages. »

13     Selon le formulaire de correction, la réponse exacte était la proposition d).

14     La question n° 37 s’énonçait comme suit :

« Qu’est-ce qui n’est pas un précurseur de la formation d’ozone (O3) au niveau du sol ?

a)       les composés organiques volatils ;

b)       les oxydes d’azote (NOx) ;

c)       l’oxyde nitreux (N2O) ;

d)       le monoxyde de carbone (CO). »

15     Selon le formulaire de correction, la réponse exacte était la proposition c).

16     Enfin, aux termes de la question n° 38 :

« Laquelle des sources suivantes n’émet pas d’oxydes d’azote ?

a)       les voitures particulières ;

b)       les centrales électriques à production combinée chaleur/électricité fonctionnant au gaz naturel ;

c)       l’élevage du bétail ;

d)       les micro-organismes aérobies. »

17     Selon le formulaire de correction, la réponse exacte était la proposition d).

18     Par lettre du 22 avril 2003, le président du jury du concours a informé la requérante qu’elle n’était pas admise à l’épreuve écrite d) du concours (ci-après la « décision attaquée »), dès lors qu’elle avait obtenu la note de 60,884 points sur 100 pour les tests a), b) et c), alors que les 480 meilleurs candidats avaient obtenu, au minimum, la note de 62,562 points. Le jury l’a également informée que la question n° 40 du test a) avait été annulée.

19     Par lettre du 9 mai 2003, la requérante a sollicité le réexamen de la décision de rejet de sa candidature, au motif que les questions nos 2, 8, 26, 27 et 37 du test a) comportaient des inexactitudes.

20     Le 28 mai 2003, le président du jury, après avoir examiné les questions contestées, a informé la requérante qu’elles ne seraient pas annulées.

21     Le 17 juillet 2003, la requérante a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce, contre la décision du jury de ne pas l’admettre à la phase suivante du concours.

22     L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante, par décision du 30 janvier 2004.

 Procédure et conclusions des parties

23     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2004, la requérante a introduit le présent recours.

24     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       juger le recours recevable et bien fondé ;

–       annuler la décision attaquée ;

–       annuler la décision de l’AIPN du 30 janvier 2004, portant rejet de sa réclamation ;

–       condamner la Commission aux dépens.

25     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

26     Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

27     En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

28     La Commission fait valoir que la requête n’est pas conforme aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, selon lequel la requête doit contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués.

29     Au lieu d’exposer elle-même dans la requête les éléments de fait et de droit sur lesquels elle fonde son recours, la requérante renverrait de manière générale aux annexes de la requête, dont elle suppose le contenu connu. Dès lors, son argumentation relative aux questions nos 2, 8, 26, 27, 37 et 38 du test de présélection a) ne serait pas immédiatement intelligible. La Commission ajoute qu’il ne revient pas au Tribunal ni à elle-même de chercher dans les annexes, faute d’informations précises dans la requête, les preuves qui sont censées corroborer les affirmations de la requérante.

30     La requérante soutient que sa requête est recevable. À cet égard, les annexes de la requête n’auraient qu’une fonction probatoire. La requérante ajoute que, en invoquant l’irrecevabilité du recours, la Commission tente de détourner l’attention de ses propres manquements, puisqu’elle ne peut rien opposer aux arguments et aux preuves présentées au sujet des questions litigieuses du test a).

 Appréciation du Tribunal

31     Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et de déterminer, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154, et du 3 mars 2004, Vainker/Parlement, T‑48/01, non encore publié au Recueil, point 151 ; ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, points 20 à 22).

32     En l’espèce, la requérante conteste clairement, dans sa requête, plusieurs questions du test de présélection a) en prétendant que le formulaire de correction comporte des inexactitudes. Elle en déduit que le jury du concours a usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée et a violé le principe d’égalité de traitement. En outre, si la requérante opère un renvoi, lors de l’examen de chacune des questions litigieuses, aux annexes correspondantes, l’argumentation sur laquelle elle se fonde pour critiquer l’appréciation du jury ressort, certes sommairement, du texte de la requête elle-même.

33     Des considérations qui précèdent, il résulte que la requête satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c ), du règlement de procédure et que le recours doit être déclaré recevable.

 Sur le fond

 Arguments des parties

34     La requérante fait valoir qu’elle a introduit sa réclamation après avoir consulté des scientifiques, afin de présenter l’état actuel des connaissances scientifiques dans la matière concernée. Ceux-ci auraient confirmé les informations tirées d’ouvrages spécialisés, de directives communautaires, d’études ou d’extraits du site Internet de la Commission, reproduits en annexe au recours, attestant que le formulaire de correction était inexact pour plusieurs questions du test a).

35     La requérante prétend que des erreurs ont été commises dans le formulaire de correction du test a) (question n° 38), que plusieurs réponses étaient possibles (questions nos 2 et 8) ou qu’il n’existait pas de bonne réponse (questions nos 26, 27 et 37).

36     S’agissant de la question n° 2, la requérante considère que les réponses c) et d) étaient possibles, car celle-ci n’indique pas les conditions dans lesquelles le résultat serait obtenu. Ladite question omettrait également de mentionner la distance à laquelle la conversation est écoutée, alors qu’il ressortirait des manuels de base que la pression acoustique est inversement proportionnelle à la distance.

37     Concernant la question n° 8, la requérante estime qu’elle pouvait répondre en optant pour les propositions a), c) et d), car ces affirmations ne peuvent être qualifiées de généralement vraies. S’agissant de la réponse a), même les manuels scolaires de biologie préciseraient que toutes les bactéries ne présentent qu’un ensemble de chromosomes simples, de sorte que les gènes ne se présentent pas par paires. S’agissant de la réponse c), la requérante affirme que les organismes qui ont deux ensembles de chromosomes forment des cellules reproductrices ne possédant qu’un ensemble de chromosomes simples. Enfin, le génome des virus serait constitué d’ARN et non d’ADN, ce qui aurait plaidé en faveur de la réponse d).

38     Pour ce qui est de la question n° 26, la requérante soutient qu’il n’existe aucune réponse correcte possible dans la mesure où il manquerait d’importants paramètres pour y répondre. Par ailleurs, seule une très faible fraction du fumier de ferme serait transformée en humus.

39     À propos de la question n° 27, la requérante indique que toutes les réponses sont erronées, car le phosphore ne se rencontre pas dans la nature. La décision du jury de considérer la réponse d) comme exacte serait arbitraire, en ce qu’elle serait fondée sur une interprétation a posteriori de la question comme visant le phosphate alors que celle-ci n’en faisait pas mention.

40     Concernant la question n° 37, la requérante considère que l’oxyde nitreux peut produire de l’oxyde d’azote par dissociation. Tous les gaz cités participeraient donc à la formation d’ozone au niveau du sol.

41     S’agissant de la question n° 38, la requérante affirme que la réponse d) est erronée, car les ouvrages scientifiques désignent clairement les micro-organismes aérobies comme des émetteurs d’oxydes d’azote. La requérante renvoie aux annexes de la requête qui, outre des explications détaillées et des références scientifiques, contiennent des citations tirées de manuels prouvant l’erreur évidente du jury. Elle indique également qu’un fonctionnaire vétérinaire de la direction générale « Agriculture » a vérifié s’il existait des références scientifiques quant à la possibilité d’émission d’oxydes d’azote par l’élevage de bétail. La requérante en déduit qu’elle a prouvé que le formulaire de correction était erroné et que la réponse c), qu’elle a cochée, était exacte.

42     Pour les six questions susvisées du test a), la requérante prétend que le jury et l’AIPN ne se sont pas fondés sur l’état actuel des connaissances scientifiques. Or, la marge d’appréciation d’un jury de concours devrait, pour que le concours puisse être qualifié d’objectif et de conforme au principe d’égalité de traitement, rester dans les limites de l’état desdites connaissances. À défaut, le jury procéderait à une sélection arbitraire des candidats.

43     La Commission rétorque qu’il appartient à la requérante d’exposer et de prouver qu’elle a commis une erreur de droit dans le cadre des questions à choix multiples litigieuses, ce que la requérante n’a pas fait. Selon elle, ni les questions contestées ni le contenu des réponses correspondantes ne présentent d’irrégularités ou d’erreurs.

 Appréciation du Tribunal

44     Selon une jurisprudence constante, le jury d’un concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre de ce concours. Il n’appartient au juge communautaire de censurer ce contenu qu’au cas où celui-ci sort du cadre indiqué dans l’avis de concours ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve du concours (arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 22, et arrêt du Tribunal du 9 novembre 2004, Vega Rodríguez/Commission, T‑285/02 et T‑395/02, non encore publié au Recueil, point 35).

45     Ainsi, dans le cadre d’épreuves constituées par des questions à choix multiples, il n’appartient pas au Tribunal de substituer sa propre correction à celle du jury de concours. Il ne conviendrait de censurer une question, éventuellement au vu des réponses proposées pour celle-ci, que s’il apparaissait que cette question était manifestement inappropriée au regard de la finalité du concours en cause (arrêt Vega Rodríguez/Commission, précité, point 36).

46     En l’espèce, la requérante évoque, dans sa requête, plusieurs questions du test de présélection a) et soutient, en substance, que le jury du concours a commis une erreur manifeste d’appréciation, en ce que les réponses à ces questions, considérées comme exactes selon le formulaire de correction, ne correspondent pas à l’état actuel des connaissances scientifiques.

47     Force est de constater que cette argumentation ne remet pas en cause le caractère approprié des questions au regard de la finalité du concours, mais l’exactitude scientifique des réponses considérées comme correctes par le jury.

48     À cet égard, il convient de relever que le Tribunal ne saurait substituer son appréciation à celle du jury sur des questions de nature technique.

49     Eu égard à ce qui précède, le recours doit être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

50     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

51     En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu pour chaque partie de supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 8 décembre 2005.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’allemand.