Language of document : ECLI:EU:T:2013:357

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

4 juillet 2013 (*)

« Confidentialité – Contestation par une partie intervenante »

Dans l’affaire T‑151/11,

Telefónica de España, SA, établie à Madrid (Espagne),

et

Telefónica Móviles España, SA, établie à Madrid (Espagne),

représentées par Mes F. González Díaz et F. Salerno, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Valero Jordana et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Muñoz Pérez, puis par Mme S. Centeno Huerta, Abogados del Estado,

et

Corporación de Radio y Televisión Española, SA (RTVE), représentée par Mes A. Martínez Sánchez, A. Vázquez-Guillén Fernández de la Riva et J. Rodríguez Ordóñez, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet un recours en annulation contre la décision n° 2011/1/UE de la Commission européenne du 20 juillet 2010 relative au régime d’aide C 38/09 (ex NN 58/2009) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public de radio et de télédiffusion espagnol (RTVE) (JO 2011, L 1, p. 9)

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 mars 2011, les requérantes, Telefónica de España, SA et Telefónica Móviles España, SA, ont introduit un recours visant l’annulation de la décision n° 2011/1/UE de la Commission européenne du 20 juillet 2010 relative au régime d’aide C 38/09 (ex NN 58/2009) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public de radio et de télédiffusion espagnol (RTVE) (JO 2011, L 1, p. 9) (ci-après la « décision attaquée »).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2011, le Royaume d’Espagne a demandé à être admis à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission.

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juin 2011, la RTVE a demandé à être admise à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission.

4        Par ordonnances du 30 juin 2011 et du 22 septembre 2011, respectivement, le Royaume d’Espagne et la RTVE ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

5        Par lettre déposée le 22 septembre 2011, le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention.

6        Par lettres déposés au greffe du Tribunal le 7 décembre 2011 et le 25 janvier 2012, la RTVE a déposé, respectivement, son mémoire en intervention et son mémoire en intervention complémentaire.

7        Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 8 mars 2012, les requérantes ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention de la RTVE et ont demandé le traitement confidentiel, à l’égard du Royaume d’Espagne et de la RTVE, de certains éléments contenus dans ces observations en vertu de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

8        Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 10 et 11 avril 2012, respectivement, la RTVE et le Royaume d’Espagne ont contesté les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes.

 Sur les demandes de traitement confidentiel

 Objet des demandes

9        Les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes concernent les éléments suivants :

–        au point 35 de leurs observations, l’indication des montants investis pour le déploiement du réseau en fibre optique et pour l’activité de télévision ;

–        au point 36, troisième phrase de leurs observations, les informations détaillées concernant l’incidence de la mesure en ce qui concerne :

–        les prévisions de couverture de foyers par la fibre dans différentes villes espagnoles (première phrase) ;

–        le retard dans l’utilisation d’une nouvelle technologie (deuxième phrase) ;

–        la migration vers une plateforme de télévision payante plus avancée (troisième phrase) ;

–        au point 37 de leurs observations, l’indication des informations mises à jour concernant les montants investis par Telefónica dans l’activité de télévision au cours des années 2010 à 2012.

 Sur le bien-fondé des demandes de confidentialité

10      Les demandes de traitement confidentiel ont été présentées sur la base de l’article 116, paragraphe 2, phrase 2, du règlement de procédure, lequel dispose que « l’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties », mais que « [l]e président peut cependant, à la demande d’une partie, exclure de cette communication des pièces secrètes ou confidentielles ».

11      Cette disposition pose pour principe que tous les actes de procédure signifiés aux parties doivent être communiqués aux intervenants et ne permet qu’à titre dérogatoire d’exclure certaines pièces ou informations secrètes ou confidentielles de cette communication (ordonnances du Tribunal du 4 avril 1990, Hilti/Commission, T‑30/89, Rec. p. II‑163, publication par extraits, point 10 ; et du président de la quatrième chambre du Tribunal du 22 février 2005, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, Rec. p. II‑621, publication par extraits, point 18).

12      À cet égard, en premier lieu, les instructions au greffier du Tribunal, telles que modifiées le 17 mai 2010 (JO L 170, p. 53) prévoient, à l’article 6, paragraphe 2, qu’une demande de traitement confidentiel doit être présentée conformément aux dispositions des instructions pratiques aux parties, dont il ressort notamment que la partie qui présente une demande de confidentialité doit préciser les pièces ou les informations visées et indiquer, avec une précision suffisante, les raisons de leur caractère confidentiel (voir ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 3 mai 2011, SKW Stahl-Metallurgie Holding et SKW Stahl-Metallurgie Holding, T‑384/09, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

13      En deuxième lieu, lorsqu’une partie présente une demande au titre de l’article 116, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement de procédure, le président se prononce uniquement sur la confidentialité des pièces et informations pour lesquelles la demande de traitement confidentiel est contestée (ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, point 11 supra, point 36).

14      La contestation de la confidentialité par l’intervenant doit porter sur des éléments précis des pièces de procédure qui sont restés occultés et indiquer les motifs pour lesquels celui-ci estime que la confidentialité à l’égard de ces éléments doit être refusée. Partant, une demande de traitement confidentiel doit être accueillie pour autant qu’elle porte sur des éléments qui n’ont pas été contestés par l’intervenant, ou qui ne l’ont pas été de manière explicite et précise (ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 14 octobre 2009, vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, T‑353/08, non publiée au Recueil, point 10).

15      En troisième lieu, dans la mesure où une demande présentée au titre de l’article 116, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement de procédure est contestée, il appartient au président, dans un premier temps, d’examiner si chacune des pièces et informations dont la confidentialité est contestée et à propos desquelles une demande de traitement confidentiel a été présentée, revêt un caractère secret ou confidentiel (ordonnances Hynix Semiconductor/Conseil, point 11 supra, point 38, et vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, point 14 supra, point 15).

16      C’est au regard du caractère secret ou confidentiel de chacune des pièces et informations visées qu’il convient d’apprécier l’exigence de motivation de la demande de confidentialité à laquelle est soumise la partie requérante. En effet, il y a lieu de faire une distinction entre, d’une part, les informations qui sont par nature secrètes, telles que les secrets d’affaires d’ordre commercial, concurrentiel, financier ou comptable, ou confidentielles, telles que les informations purement internes, et, d’autre part, les pièces ou informations susceptibles de revêtir un caractère secret ou confidentiel pour un motif qu’il appartient au demandeur de rapporter (voir ordonnances Hynix Semiconductor/Conseil, point 11 supra, point 34, et la jurisprudence citée, et vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, point 14 supra, point 16).

17      Ainsi, le caractère secret ou confidentiel des pièces ou informations, pour lesquelles n’est apportée aucune motivation autre que celle consistant en la description de leur contenu, ne sera admis que pour autant que ces informations puissent être considérées comme secrètes ou confidentielles de par leur nature (ordonnance vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, point 14 supra, point 17).

18      En quatrième lieu, lorsque son examen le conduit à conclure que certaines des pièces et informations dont la confidentialité est contestée sont secrètes ou confidentielles, le président procède, dans un second temps, à l’appréciation et à la mise en balance des intérêts en présence, pour chacune de celles-ci (ordonnances Hynix Semiconductor/Conseil, point 11 supra, point 42, et vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, point 14 supra, point 24).

19      Ainsi, lorsque le traitement confidentiel est demandé dans l’intérêt de la partie requérante, contrairement à son allégation selon laquelle les parties intervenantes ne disposent pas des mêmes droits d’accès au dossier que les parties principales, le président met en balance, pour chaque pièce ou information visée, le souci légitime de la partie requérante d’éviter que ne soit portée une atteinte sérieuse à ses intérêts et le souci tout aussi légitime des intervenants de disposer des informations nécessaires à l’exercice de leurs droits procéduraux (ordonnances Hilti/Commission, point 11 supra, point 11 ; Hynix Semiconductor/Conseil, point 11 supra, point 44, et vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, point 14 supra, point 25).

20      En toute hypothèse, la partie requérante doit envisager, eu égard au caractère contradictoire et public du débat judiciaire, la possibilité que certaines des pièces ou informations secrètes ou confidentielles qu’elle a entendu produire au dossier apparaissent nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des intervenants et, par suite, doivent être communiquées à ces derniers (ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, point 11 supra, point 46).

21      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner les demandes de traitement confidentiel présentées en l’espèce.

22      En premier lieu, il convient de retenir que, eu égard au fait que le Royaume d’Espagne et la RTVE ont soulevé des objections à l’égard de l’ensemble des éléments pour lesquels les requérantes demandent un traitement confidentiel, il convient d’examiner le bien-fondé desdites demandes pour l’ensemble des éléments mentionnés au point 9 ci-dessus.

23      En second lieu, s’agissant du caractère des données mentionnées au point 9 ci-dessus, même si les requérantes n’ont apporté aucune motivation autre que la description de leur contenu, il convient de retenir que, sur la base des informations soumises par les requérantes, il ne peut pas être exclu que ces données soient secrètes ou confidentielles par leur nature.

24      En troisième lieu, s’agissant, d’une part, des intérêts des requérantes, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 19 ci-dessus qu’il convient de prendre en compte leur souci légitime d’éviter que la divulgation des éléments mentionnés au point 9 ci-dessus porte atteinte à leurs intérêts.

25      En ce qui concerne la divulgation desdits éléments au Royaume d’Espagne, les requérantes se bornent à avancer qu’elles subiraient un grave préjudice sans donner aucune indication permettant de déterminer la nature de celui-ci ou son ampleur.

26      S’agissant du préjudice subi causé par la divulgation desdits éléments à la RTVE, les requérantes invoquent que celui-ci résulte du fait qu’il s’agit d’une concurrente directe. À cet égard, il convient de retenir que, certes, la divulgation d’informations secrètes concernant la stratégie commerciale d’une entreprise à une entreprise concurrente peut porter gravement atteinte à ses intérêts. Toutefois, dans ce contexte, il convient de prendre en compte que, d’une part, la RTVE est chargée de l’accomplissement d’une mission de service public, financée presque uniquement par des sources de financement public et est soumise à des contrôles concernant l’accomplissement de sa mission de service public et à des contrôles budgétaires, et, d’autre part, ses activités commerciales ont été limitées de manière substantielle par la ley 8/2009, de 28 de agosto, de financiación de la Corporación de Radio y Televisión Española, Boletín Oficial del Estado 210, du 31 août 2009, p. 74003 (loi n° 8/2009 du 28 août 2009 relative au financement de la RTVE. Les requérantes n’ont pas exposé en quoi, eu égard à ces circonstances particulières, un préjudice subi de la divulgation des éléments mentionnés au point 9 à la RTVE doit être considéré comme grave.

27      D’autre part, quant aux intérêts respectifs du Royaume d’Espagne et de la RTVE, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 19 ci-dessus qu’il convient de prendre en compte leur souci légitime de disposer des informations nécessaires à l’exercice de leurs droits procéduraux.

28      Dans ce contexte, il convient de rappeler que les intérêts des parties intervenantes à la divulgation peuvent prévaloir lorsque des éléments pour lesquels un traitement confidentiel est demandé leur sont nécessaires afin d’être pleinement en mesure de faire valoir leurs droits et d’exposer leur thèse devant le Tribunal (ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 13 janvier 2005, Deutsche Post/Commission, T‑266/02, non publiée au Recueil, point 37). Par ailleurs, une divulgation peut s’avérer nécessaire lorsque les éléments pour lesquels le traitement confidentiel est demandé portent sur un point de controverse entre les parties qui ne peut pas être considéré comme n’ayant pas de pertinence pour le litige en cause (voir, en ce sens, ordonnance Deutsche Post/Commission, T‑266/02, précitée, point 48).

29      En l’espèce, les points 35 à 37 des observations des requérantes, où sont mentionnés les éléments pour lesquels elles demandent un traitement confidentiel, s’inscrivent dans une partie desdites observations où elles visent à démontrer que sa position sur le marché a été sensiblement affectée par l’entrée en vigueur de la loi n° 8/2009 et que ladite loi est disproportionnée.

30      À cet égard, il convient de constater que, non seulement, ces observations visent directement à remettre en cause des arguments avancés par la RTVE dans son mémoire en intervention et dans son mémoire en intervention complémentaire, mais que ces observations portent sur la question de savoir si la position des requérantes a été sensiblement affectée par la loi n° 8/2009. Or, cette question est un point de controverse entre les requérantes et les intervenantes, non seulement dans le cadre du bien-fondé du recours, mais également en ce qui concerne la recevabilité de certains moyens avancés par les requérantes. Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il s’agit d’un point à l’égard duquel autant les requérantes que les intervenantes avancent des éléments de faits visant à démontrer que leur propre position est fondée et la position adverse ne l’est pas.

31      Dès lors, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, il ne peut pas être considéré qu’une connaissance des éléments mentionnées au point 9 ci-dessus, sur lesquels elles se fondent pour démontrer que leur position a été affectée de manière disproportionnée par la loi n° 8/2009, n’est pas nécessaire pour permettre aux intervenantes d’être en mesure de faire valoir leurs droits et d’exposer leur thèse devant le Tribunal.

32      Par ailleurs, il convient de retenir que, dans la version confidentielle de leurs observations soumise au Tribunal, les requérantes se sont limitées à indiquer, au soutien de chaque élément mentionné au point 9 ci-dessus, un note en bas de page identique indiquant « Source : données internes de Telefónica ». Or, l’absence d’indications concrètes concernant lesdites sources plaide également en faveur d’un refus du traitement confidentiel de ces données afin que les éléments avancés par les requérantes puissent faire l’objet d’un débat contradictoire entre les requérantes et les intervenantes.

33      Eu égard à ces circonstances, les demandes de traitement confidentiel des requérantes à l’égard du Royaume d’Espagne et de la RTVE doivent être rejetées.

34      Enfin, dans l’hypothèse où les requérantes invoqueraient également que, indépendamment de l’atteinte à leurs intérêts résultant de la divulgation des informations mentionnées au point 9 ci-dessus aux intervenantes, le seul fait que lesdites informations soient divulguées à l’extérieur de l’entreprise leur porterait atteinte, il convient, d’une part, de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 18, paragraphe 4, des instructions au greffier du Tribunal, une partie peut demander que des données soient tenues confidentielles dans des documents afférents à l’affaire auxquels le public a accès si des raisons légitimes le justifient et, d’autre part, de constater que les requérantes n’avancent pas qu’il existe un risque que les parties intervenantes divulguent lesdites informations à de tierces parties.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Les demandes de traitement confidentiel sont rejetées.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 4 juillet 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’espagnol.