Language of document : ECLI:EU:T:2011:729

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

12 décembre 2011 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de la Syrie – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Défaut d’urgence – Absence de préjudice grave et irréparable »

Dans l’affaire T‑579/11 R,

Tarif Akhras, demeurant à Homs (Syrie), représenté par M. S. Ashley, Mme S. Millar, solicitors, MM. D. Wyatt, QC, et R. Blakeley, barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme M.-M. Joséphidès, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en substance, une demande de mesures provisoires et de sursis à l’exécution de la décision 2011/522/PESC du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 228, p. 16), du règlement (UE) n° 878/2011 du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant le règlement (UE) n° 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 228, p. 1), de la décision 2011/628/PESC du Conseil, du 23 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 247, p. 17) et du règlement (UE) n° 1011/2011 du Conseil, du 13 octobre 2011, modifiant le règlement n° 442/2011 (JO L 269, p. 18), dans la mesure où ces textes visent le requérant,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Tarif Akhras, est un citoyen syrien et un homme d’affaires. Sa résidence légale se trouve à Homs (Syrie). Après être devenus la cible d’agressions et de menaces de mort, le requérant et les membres de sa famille ont quitté Homs, le 10 octobre 2011, pour se réfugier d’abord à Damas (Syrie), puis en dehors de la Syrie. Pour des raisons de sécurité, leur lieu de séjour actuel est gardé secret.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroit dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, il a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes (physiques ou morales) et des entités qui leur sont liées, sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273/PESC du Conseil du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p.11) En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4        Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273, ne figure pas celui du requérant.

5        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) nº 442/2011 du 9 mai 2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p. 11). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. L’annexe II dudit règlement – qui comprend une liste de noms de personnes, d’entités et d’organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables – est identique à celle figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi les treize noms mentionnés dans l’annexe II de ce règlement, ne figure pas celui du requérant. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement en question, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et examine, par ailleurs, la liste y figurant à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6        Par décision 2011/522/PESC du 2 septembre 2011 (JO L 228, p. 16), le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue, notamment, d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités profitant du régime ou appuyant celui-ci, en particulier aux personnes et aux entités qui financent le régime ou qui lui apportent un soutien logistique. Par conséquent, le champ d’application de la décision 2011/273 a été étendu aux « personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et [aux] personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe ». En vertu de l’article 2 de la décision 2011/522, les noms de quatre personnes physiques et de trois entités, « énumérées à l’annexe de [cette] décision », ont été ajoutés à la liste figurant dans l’annexe de la décision 2011/273. Parmi ces noms, se trouve celui du requérant, avec la mention « date d’inscription : 2.09.2011 » et les « motifs » suivants :

« Fondateur du groupe Akhras (matières premières, commerce, transformation et logistique), Homs. Apporte un soutien économique au régime syrien. »

7        Par règlement (UE) nº 878/2011 du 2 septembre 2011 (JO L 228, p. 1), le Conseil a modifié le règlement nº 442/2011 en étendant l’annexe II de ce dernier règlement à « des personnes et entités bénéficiant de l’appui du régime ou le soutenant, ou des personnes et entités qui leur sont associées ». En vertu de l’article 2 du règlement nº 878/2011, l’annexe II du règlement nº 442/2011 est modifiée conformément à l’annexe I du règlement nº 878/2011, cette dernière annexe comportant le nom du requérant et indiquant la même date d’inscription et les mêmes « motifs » que ceux repris dans la décision 2011/522.

8        Le 23 septembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/628/PESC modifiant la décision 2011/273 (JO L 247, p. 17) et, le 13 octobre 2011, il a adopté le règlement (UE) nº 1011/2011 modifiant le règlement nº 442/2011 (JO L 269, p. 18). Conformément au considérant 6, à l’article 3 et à l’annexe II de la décision 2011/628 ainsi qu’à l’article 2 du règlement nº 1011/2011, les informations relatives au requérant figurant dans l’annexe de la décision 2011/273 et l’annexe II du règlement nº 442/2011 ont été mises à jour comme suit :

« Nom : Tarif Akhras ;

Informations d’identification : Date de naissance : 1949 ; lieu de naissance : Homs, Syrie ;

Motifs : Fondateur du groupe Akhras (matières premières, commerce, transformation et logistique), Homs. Apporte un soutien économique au régime syrien ;

Date d’inscription : 2.9.2011 »

9        Estimant que le Conseil l’avait soumis à tort aux mesures restrictives instaurées par les décisions 2011/522 et 2011/628 ainsi que par les règlements nos 878/2011 et 1011/2011 (ci-après les « actes contestés ») et lui avait fait le reproche erroné d’apporter un soutien économique au régime syrien, le requérant s’est adressé, par lettres des 12, 18, 19 et 24 octobre 2011, au Conseil en lui demandant de lui fournir une motivation spécifique et concrète de ce reproche et de suspendre les mesures restrictives à son égard. Ces lettres sont restées sans réponse de la part du Conseil.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 2011, le requérant a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation des actes contestés, dans la mesure où leurs annexes font mention de son nom, et au constat d’inapplicabilité de la décision 2011/273 ainsi que du règlement no 442/2011, dans la mesure où ces actes, tels que modifiés, ordonnent le gel des fonds et ressources économiques lui appartenant. À l’appui de son recours, il dénonce, notamment, l’illégalité de la mention de son nom dans les actes contestés, en ce qu’il n’aurait jamais apporté un soutien économique ou autre au régime syrien. En outre, il fait grief au Conseil d’avoir omis de lui indiquer les motifs appropriés justifiant une telle mention, l’affirmation vague selon laquelle il soutiendrait le régime syrien ne lui permettant pas de se défendre.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir, en application de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à l’exécution des actes contestés en ce qui le concerne jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur la présente demande en référé ou, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal ;

–        ordonner au Conseil de rendre public, au moyen d’un communiqué de presse et d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, le sursis à l’exécution des actes contestés, et ce dans les 24 heures suivant la signification de l’ordonnance du Tribunal.

12      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 21 novembre 2011, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

13      Après le dépôt par le Conseil de ses observations, le requérant a été autorisé à répliquer sur ces dernières, ce qu’il a fait par mémoire déposé le 24 novembre 2011. Ensuite, le Conseil y a répondu par mémoire déposé le 29 novembre 2011.

 En droit

14      Il ressort d’une lecture combinée de l’article 278 TFUE et de l’article 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un tel acte ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

15      En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

16      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

17      De plus, les mesures demandées doivent être provisoires en ce sens qu’elles ne neutralisent pas par avance les conséquences de la décision principale à rendre ultérieurement (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 22, et ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 41), la procédure de référé ayant un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe et ne visant qu’à garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 14 juillet 2011, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11 R, non publiée au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée).

18      Enfin, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 26 mars 2010, SNF/ECHA, T‑1/10 R, non publiée au Recueil, point 66, et du 17 décembre 2010, Uspaskich/Parlement, T‑507/10 R, non publiée au Recueil, point 31).

19      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

20      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

21      En l’espèce, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que les actes contestés ont été adoptés en vue de faire pression sur les autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression violente des manifestations en Syrie (voir point 2 ci-dessus). Dans ce cadre, le Conseil a pris notamment des mesures restrictives, de nature économique et financière, contre des personnes et entités profitant du régime ou appuyant celui-ci (voir point 6 ci-dessus).

22      Or, force est de constater que la demande en référé n’est pas fondée sur l’impact négatif que les actes contestés risqueraient d’avoir sur les activités économiques et financières du requérant, en raison du gel de ses fonds et de ses ressources économiques. Le requérant se limite, pour justifier l’urgence de sa demande, à invoquer la menace imminente, provoquée par ces actes, qui pèserait sur sa vie et sa sécurité personnelle ainsi que sur celles de sa famille.

23      Le requérant affirme avoir fait l’objet des actes contestés au motif erroné qu’il apportait un soutien économique au régime syrien. Cette allégation complètement fausse se serait propagée à travers toute la Syrie, notamment à Homs, et aurait incité les opposants du régime syrien à perpétrer des violences graves sur sa personne et sur celle des membres de sa famille, lesquelles auraient trouvé leur point culminant dans des menaces de mort adressées à son fils et à lui, dans la tentative d’assassinat par un homme armé dont il a fait l’objet et dans la tentative d’assassinat de son beau-fils (ci-après les « agressions »). Il soutient que, en conséquence, lui et sa famille ont quitté la Syrie. Bien qu’ils soient désormais davantage en sécurité dans leur nouveau lieu de résidence, cette sécurité ne serait que toute relative, puisqu’ils resteraient exposés au même risque d’agressions si jamais ce lieu venait à être connu des personnes qui les menaceraient. Par ailleurs, il indique que, si lui et les membres de sa famille retournaient en Syrie, comme ils en ont parfaitement le droit, leurs vies se retrouveraient à nouveau en grand danger.

24      En ce qui concerne le lien de causalité entre la mention de son nom dans les actes contestés et le préjudice qu’il allègue, le requérant expose que, lorsqu’une telle mention concerne de véritables partisans du régime, l’appartenance audit régime de ces personnes est bien connue de la part de leurs compatriotes, si bien que ladite mention ne les exposera pas aux représailles des opposants politiques. En revanche, lorsqu’une telle mention concerne une personne qui n’est pas un partisan du régime, cette mention entraînerait pour la personne concernée un nouveau risque grave, à savoir celui d’être victime de représailles de la part des opposants audit régime. Or, selon le requérant, il est difficile de trouver une personne encore moins susceptible d’être un partisan du régime syrien que lui, ses activités professionnelles ayant éveillé l’intérêt hostile du régime et ayant même été sérieusement entravées par ce dernier. Il indique que, au mois de juillet 2011, le régime syrien a ordonné l’arrêt du journal dirigé par lui, au motif qu’il contenait des critiques sur certaines questions considérées comme sensibles par le régime.

25      Le requérant estime ainsi qu’il n’est pas suffisant de suspendre les actes contestés, mais que cette suspension doit également être rendue publique, afin d’en informer « les personnes qui en veulent à [sa] vie ». Une suspension des actes contestés pourrait donc contribuer, grâce à une publicité appropriée, à faire cesser les agressions, dont lui et sa famille seraient victimes, et garantir ainsi la pleine efficacité de l’arrêt au fond.

26      En annexe à la demande en référé, le requérant présente une déposition de témoin qu’il a rédigée en personne, une déclaration faite le 25 septembre 2011 devant la police syrienne concernant la tentative d’assassinat de son beau-fils et des rapports de la police syrienne, des 17 et 26 septembre ainsi que du 4 octobre 2011, relatifs à des attaques dirigées contre plusieurs de ses camions.

27      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue. Il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86].

28      Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué par le requérant présente effectivement un caractère grave, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation du requérant et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. Le requérant est ainsi tenu de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation dont il prétend qu’elle justifie l’octroi de ces mesures [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non publiée au Recueil, points 32, 57 et 61, confirmée sur pourvoi par ordonnance du président de la Cour du 16 décembre 2010, Almamet/Commission, C‑373/10 P(R), non publiée au Recueil, point 24].

29      En l’espèce, le requérant fonde ses affirmations selon lesquelles il est exposé à un préjudice grave et irréparable, sur la survenance d’agressions qui auraient été dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication des actes contestés, pour en conclure que de telles agressions pourraient se reproduire, selon toute probabilité, à tout moment dans l’hypothèse où la demande en référé serait rejetée.

30      Or, s’agissant des agressions qui auraient été perpétrées en Syrie, force est de constater que les affirmations du requérant reposent essentiellement sur la seule déposition de témoin qu’il a lui-même rédigée.

31      En outre, en ce qui concerne le lien de causalité entre les actes contestés, d’une part, et les agressions dirigées contre le requérant et sa famille en Syrie, d’autre part, il ressort uniquement du point 54 de cette déposition de témoin que celui-ci prétend que de telles agressions ont été commises peu de temps après la large couverture médiatique dont les sanctions adoptées à son égard avaient fait l’objet, cette information ayant notamment été relatée par des chaînes de télévision sans discontinuer pendant trois jours. Le requérant s’abstient toutefois de produire un DVD, un enregistrement audio ou une retranscription, ne serait-ce que partielle, des émissions télévisées en cause pour démontrer leur véracité et leur contenu. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le requérant n’a fourni aucun élément de preuve démontrant la réalité de la « large couverture médiatique » des actes contestés et établissant que lesdites émissions étaient de nature à déclencher les agressions alléguées précisément à l’encontre du requérant et de sa famille.

32      Quant aux rapports de la police syrienne et à la déclaration faite devant cette police, présentés par le requérant, ils constituent certes des éléments de nature à démontrer que les agressions qui y sont mentionnées ont réellement été commises. Toutefois, ils ne permettent pas d’établir que ces agressions ont été provoquées par la seule mention du nom du requérant dans les actes contestés. Le juge des référés ne peut donc raisonnablement exclure qu’elles aient été perpétrées dans le contexte de la situation de quasi-guerre civile et d’anarchie qui règne depuis des semaines en Syrie et qui est susceptible de favoriser la montée de la criminalité en général.

33      Quant à l’affirmation du requérant selon laquelle ses activités professionnelles ont éveillé l’intérêt hostile du régime syrien qui a, en juillet 2011, ordonné l’arrêt du journal dirigé par le requérant, au motif qu’il contenait des critiques sur certaines questions considérées comme sensibles par le régime (voir point 24 ci-dessus), elle n’est pas étayée par des preuves. En effet, le requérant n’a avancé aucun élément susceptible de prouver l’influence capitalistique et rédactionnelle qu’il aurait, en tant que propriétaire et directeur, exercée sur ledit journal, les détails entourant la prétendue fermeture de ce journal ou les questions qui auraient été censurées par les autorités syriennes. Il n’a donc pas établi que, avant que son nom ne soit mentionné dans les actes contestés, il avait en réalité été le « contraire d’un partisan » du régime syrien et que sa stigmatisation, aux yeux des opposants à ce régime, ne pouvait donc provenir que de cette mention.

34      En tout état de cause, dans les circonstances prévalant depuis un certain temps en Syrie, caractérisées par des émeutes de plus en plus violentes s’apparentant à une guerre civile, il apparaît plausible que les agressions perpétrées contre le requérant et sa famille aient pour origine première – et, partant, déterminante – des dénonciations du requérant, en tant que soutien du régime syrien, émanant du cercle des adversaires de ce régime, dénonciations qui peuvent avoir été parallèlement portées à la connaissance de l’Union.

35      En effet, ainsi que le requérant l’admet dans sa déposition de témoin, il occupait une position prééminente en Syrie en tant que homme d’affaires prospère, président de la chambre de commerce de Homs, membre de direction de la fédération des chambres de commerce syriennes et membre d’une famille liée par le mariage au régime syrien, la fille de son cousin étant l’épouse du président de la République arabe syrienne. Dans ces conditions, il ne semble pas surprenant que le requérant ait été identifié et pris pour cible, par les adversaires du régime syrien et dans le contexte de quasi-guerre civile, comme une personne profitant de ce régime et appuyant celui-ci.

36      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’a pas suffisamment étayé, par des éléments de preuve, ses affirmations relatives à la survenance des agressions dirigées contre lui et sa famille en Syrie à la suite de la publication des actes contestés. Il n’a notamment pas établi que ces actes constituaient la cause déterminante desdites agressions et, partant, constituent la cause déterminante du risque de nouvelles agressions qu’il invoque.

37      Or, à défaut d’éléments de preuve suffisants, le juge des référés ne saurait admettre l’urgence invoquée, en se contentant des affirmations unilatérales du requérant. En effet, compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi de mesures provisoires (voir point 14 ci-dessus), de telles mesures ne peuvent être accordées que si lesdites affirmations produisent une image fidèle et globale de la situation, dont il prétend qu’elle justifie l’octroi de ces mesures, et reposent sur des éléments de preuve (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 57, et la jurisprudence citée).

38      À titre surabondant, il convient d’ajouter que, s’agissant des agressions dirigées contre une personne faisant l’objet d’une mesure restrictive de nature économique et financière, telles que celles incriminées en l’espèce, la perpétration de tels actes de violence est manifestement étrangère au but visé par l’auteur de ladite mesure. Elle est le fait autonome de criminels pour lesquels la mesure restrictive ne sert que de prétexte. Or, dans la mesure où le requérant admet avoir occupé une position prééminente en Syrie (voir point 35 ci-dessus) et avoir entre-temps été stigmatisé en Syrie et à l’étranger, il paraît improbable, notamment dans la situation de quasi-guerre civile et d’anarchie qui règne actuellement en Syrie, que les criminels s’apprêtant à reproduire les agressions en cause contre lui et sa famille se laissent impressionner par la publication d’une ordonnance de référé, dont il ressortirait par ailleurs que la désignation du requérant dans les actes contestés ne disparaîtrait que provisoirement, à la suite d’un examen purement sommaire du juge des référés et contre la volonté explicite du Conseil ayant le droit de former un pourvoi contre cette ordonnance.

39      La condition relative à l’urgence faisant donc défaut en l’espèce, il n’apparaît pas justifié d’accorder les mesures provisoires sollicitées.

40      Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que – ainsi que le requérant l’a relevé en renvoyant aux similitudes entre le cas d’espèce et l’affaire à l’origine de l’arrêt du Tribunal du 8 juin 2011, Bamba/Conseil (T‑86/11, non encore publié au Recueil) – la condition relative au fumus boni juris apparaît remplie, étant donné que le motif de la désignation du requérant, indiqué dans les actes contestés, semble prima facie aussi vague et général que celui qui a amené le Tribunal à constater, dans l’arrêt précité, une violation du devoir de motivation et, partant, à annuler le règlement et la décision attaqués devant lui.

41      En effet, la condition relative à l’urgence et celle relative au fumus boni juris sont cumulatives, de sorte qu’une demande en référé doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir point 15 ci-dessus), compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi d’une mesure provisoire par le juge des référés (voir point 14 ci-dessus).

42      Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 58 de l’arrêt Bamba/Conseil, précité, l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose que les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci par la Cour. En outre, au point 59 de ce même arrêt, le Tribunal a aligné, pour des raisons de sécurité juridique, la date d’effet de l’annulation de la décision attaquée à celle relative au règlement attaqué, ces deux actes infligeant à M. Bamba des mesures identiques.

43      Il s’ensuit que même une annulation des actes contestés au terme de la procédure principale n’aurait pas pour effet immédiat et automatique la suppression du nom du requérant figurant dans lesdits actes, notamment dans l’hypothèse – qui s’est d’ailleurs réalisée dans l’affaire Bamba/Conseil, précitée – où le Conseil introduirait un pourvoi contre l’arrêt d’annulation. Dans les circonstances particulières de ce contentieux spécifique, régi par l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, et compte tenu du caractère accessoire de la procédure de référé par rapport à la procédure principale (voir point 17 ci-dessus), l’existence d’un certain fumus boni juris ne justifie donc pas, en tant que telle, l’octroi des mesures provisoires demandées.

44      Pour toutes les raisons qui précèdent, il y a lieu de rejeter la présente demande en référé.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 12 décembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.