Language of document : ECLI:EU:T:2013:553

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

23 octobre 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire figurative Baby Bambolina – Marque nationale antérieure non enregistrée Bambolina – Motif relatif de refus – Absence d’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑581/11,

Dimian AG, établie à Nuremberg (Allemagne), représentée par Mes P. Pozzi et G. Ghisletti, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Bayer Design Fritz Bayer GmbH & Co. KG, établie à Michelau (Allemagne), représentée par Me J. Pröll, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 août 2011 (affaire R 1822/2010-2), relative à une procédure de nullité entre Dimian AG et Bayer Design Fritz Bayer GmbH & Co. KG,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

Composé, lors du délibéré, de M. A. Dittrich (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 novembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2012,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 octobre 2007, l’intervenante, Bayer Design Fritz Bayer GmbH & Co. KG, a présenté une demande auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vue de l’enregistrement, en tant que marque communautaire, du signe figuratif reproduit ci-après :

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2        Cette marque a été enregistrée par l’OHMI le 8 septembre 2008 pour les produits relevant de la classe 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport ; marionnettes, poupées, lits de poupées, maisons de poupées, vêtements de poupées, animaux en peluche ; jeux électroniques autres que ceux conçus pour être utilisés seulement avec récepteur de télévision ; balles de jeu, jouets pour animaux domestiques, véhicules-jouets ; voitures pour poupées, voitures de sport pour poupées ; poussettes pour poupées ».

3        Le 9 juillet 2009, la requérante, Dimian AG, a présenté à l’OHMI une demande visant à faire déclarer la nullité de cette marque communautaire figurative (ci-après « la marque contestée »), pour tous les produits couverts par celle-ci, en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1) et de l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphe 2, sous c), du même règlement.

4        La requérante a fondé sa demande en nullité sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque verbale non enregistrée Bambolina, utilisée dans la vie des affaires en République tchèque, au Danemark, en Allemagne, en Estonie, en Grèce, en Espagne, en France, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Autriche, en Pologne, en Slovénie, en Slovaquie, en Finlande, en Suède et au Royaume-Uni, pour des « Poupées et accessoires pour poupées tels que landaus et poussettes pour poupées » compris dans la classe 28 (ci-après « la marque antérieure ») ;

–        la marque verbale non enregistrée Bambolina, notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris ») dans les pays susmentionnés, pour des « Poupées et accessoires pour poupées tels que landaus et poussettes pour poupées » compris dans la classe 28.

5        Le 30 juillet 2010, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité. Elle a estimé que la requérante n’avait pas prouvé que la marque antérieure était encore utilisée dans la vie des affaires au moment du dépôt de la demande en nullité. Elle a, en outre, considéré que la requérante n’avait pas démontré que la marque était notoirement connue dans l’un des pays pertinents.

6        Le 20 septembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 3 août 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante.

8        La chambre de recours a, en substance, considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante n’établissaient pas à suffisance de droit l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale.

9        Plus particulièrement, la chambre de recours a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle il incombait au demandeur en nullité appuyant sa demande sur un signe antérieur, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, de démontrer que le signe en cause était utilisé dans la vie des affaires, non seulement jusqu’à la date de dépôt de la demande de la marque communautaire contestée, mais également pendant la période ultérieure allant jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité.

10      La chambre de recours a constaté que, si une déclaration sous serment, un contrat de fourniture et des factures avaient été produits pour la période comprise entre le lancement de la marque antérieure en 2004 et le dépôt de la demande de marque contestée, le 29 octobre 2007, les éléments de preuve pour la période allant du 29 octobre 2007 au 9 juillet 2009, date du dépôt de la demande en nullité, étaient beaucoup plus limités. Le fait que les éléments de preuve étaient limités pour cette période ne pouvait pas être compensé par les éléments de preuve concernant la période comprise entre 2004 et 2007, car l’usage de la marque antérieure entre 2004 et 2007 était en lui-même assez limité.

11      La chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage d’une marque dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 ne pouvait être apportée sur la base de probabilités ou de présomptions, mais qu’elle devait reposer sur des éléments concrets et objectifs.

12      Elle a relevé que les éléments de preuve concernant la période allant du 29 octobre 2007 au 9 juillet 2009 consistaient seulement en des catalogues ou en des pages volantes de catalogues.

13      En ce qui concerne le propre catalogue de la requérante, la chambre de recours a relevé qu’il ne s’agissait pas d’un élément de preuve provenant d’une source indépendante et que sa production ne permettait pas de savoir s’il avait été réellement distribué, où il avait pu l’être, ou en quelle quantité.

14      En ce qui concerne les autres catalogues que la requérante avait produits, la chambre de recours a considéré qu’ils ne démontraient pas que des ventes avaient eu lieu. En outre, une partie substantielle des éléments de preuve aurait été entachée par des doutes légitimes concernant le fait de savoir si des pages volantes présentant les produits, non numérotées et non datées, correspondaient réellement à la page de couverture spécifique du catalogue qu’elles suivaient. Enfin, aucun élément de preuve n’aurait été produit pour la période postérieure à janvier 2009.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

18      La requérante fait, en substance, valoir que, contrairement à ce qu’a affirmé la chambre de recours, les catalogues qu’elle avait produits pour les années 2008 et 2009 étaient suffisants afin de prouver l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale.

19      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

20      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas le rejet de la demande en nullité, en ce qu’elle était fondée sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous c), du même règlement. Le présent recours ne s’appuie pas sur la marque verbale non enregistrée Bambolina, notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, mentionnée au point 4, deuxième tiret, ci-dessus. Comme le relève l’OHMI à juste titre, c’est dans le but d’affirmer l’utilisation du signe invoqué dans la vie des affaires, et non dans celui de démontrer la notoriété de la marque Bambolina au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, que la requérante fait valoir, au point 23 de la requête, que ladite marque était largement connue du public pertinent, du moins en Allemagne, en Italie et en Espagne.

21      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, une marque communautaire est déclarée nulle, sur demande présentée auprès de l’OHMI, lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement et que les conditions énoncées dans ce dernier paragraphe sont remplies.

22      Il convient de rappeler que, conformément à ces dispositions, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires peut demander la nullité d’une marque communautaire lorsque ceux-ci remplissent les conditions suivantes : une utilisation dans la vie des affaires, une portée qui n’est pas seulement locale, l’acquisition, par leur titulaire, du droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente et l’acquisition du droit aux signes en question conformément au droit de l’État membre où les signes ont été utilisés avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire. Ces conditions sont cumulatives. Ainsi, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, la demande en nullité fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne peut aboutir [voir arrêt du Tribunal du 14 septembre 2011, K-Mail Order/OHMI – IVKO (MEN’Z), T‑279/10, non publié au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée].

23      Les conditions relatives à l’usage dans la vie des affaires et à la portée du signe invoqué doivent être interprétées à la lumière des standards uniformes du droit de l’Union européenne qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par le règlement n° 207/2009 (arrêt MEN’Z, point 22 supra, point 20).

24      En ce qui concerne l’exigence selon laquelle la portée du signe invoqué ne doit pas seulement être locale, son examen exige de tenir compte, en premier lieu, de la dimension géographique de la portée du signe, c’est-à-dire du territoire sur lequel il est utilisé pour identifier l’activité économique de son titulaire, ainsi que cela ressort d’une interprétation littérale de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009. Il convient de tenir compte, en second lieu, de la dimension économique de la portée du signe, qui est évaluée au regard de la durée pendant laquelle il a rempli sa fonction dans la vie des affaires et de l’intensité de son usage, au regard du cercle des destinataires parmi lesquels le signe en cause est devenu connu en tant qu’élément distinctif, à savoir les consommateurs, les concurrents, voire les fournisseurs, ou encore au regard de la diffusion qui a été donnée au signe, par exemple, par voie de publicité ou sur Internet. Aussi, afin d’établir l’importance effective et réelle du signe invoqué sur le territoire concerné, il convient de ne pas se limiter à des appréciations purement formelles, mais d’examiner l’impact de ce signe sur le territoire en cause après qu’il a été utilisé en tant qu’élément distinctif (voir arrêt MEN’Z, point 22 supra, point 21, et la jurisprudence citée).

25      La Cour a ainsi précisé que la portée d’un signe ne saurait être fonction de la seule étendue géographique de sa protection, car, s’il en était ainsi, un signe dont l’étendue de la protection n’est pas purement locale pourrait, de ce seul fait, faire obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire et ce alors même qu’il ne serait utilisé dans la vie des affaires que d’une manière marginale. Il en découle que, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe, celui qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale (arrêt de la Cour du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, Rec. p. I‑2131, points 158 et 159).

26      Il convient, en outre, de relever que le droit antérieur invoqué à l’appui d’une opposition doit encore exister au moment de l’introduction de cette opposition. En effet, la règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), prévoit expressément que, dans l’hypothèse où une opposition est fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, l’opposant doit apporter la preuve, non seulement de l’acquisition et de l’étendue de la protection de ce droit antérieur, mais également de la permanence dudit droit. Par analogie, le droit antérieur invoqué à l’appui d’une demande en nullité doit encore exister au moment de l’introduction de cette demande.

27      Cela implique, normalement, que le signe en cause doit encore être utilisé au moment de l’introduction de l’opposition ou de la demande en nullité. En effet, c’est justement l’utilisation de ce signe dans la vie des affaires qui constitue le fondement de l’existence de droits à ce signe.

28      En l’espèce, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si, et dans quelles circonstances, la protection d’une marque non enregistrée peut continuer après la fin de la période d’utilisation effective de cette marque. En effet, la requérante n’a avancé aucun argument permettant de conclure que, en l’espèce, la protection de la marque antérieure était susceptible de continuer après une éventuelle fin de la période d’utilisation effective de cette marque non enregistrée.

29      Ensuite, il y a lieu de rappeler que, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe, celui qui est invoqué à l’appui d’une demande en nullité doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale (arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 25 supra, point 159). Il appartient donc à un demandeur en nullité d’apporter la preuve d’une utilisation effective et suffisamment significative, et non seulement de prouver que l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale est probable. Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage d’une marque antérieure ne pouvait être apportée par des probabilités et des présomptions, mais devait reposer sur des éléments concrets et objectifs qui démontraient une utilisation effective et suffisante de la marque (voir, en ce sens, s’agissant de la nécessité d’apporter des éléments de preuve concrets et objectifs, arrêt MEN’Z, point 22 supra, point 29).

30      Enfin, il convient de relever que l’appréciation de la condition relative à l’usage dans la vie des affaires d’un signe doit être effectuée de façon séparée pour chacun des territoires où le droit qui est invoqué au soutien de la demande en nullité est protégé. La portée du signe ne peut donc être déduite d’une appréciation cumulative de l’utilisation du signe dans plusieurs territoires pertinents (voir, en ce sens, arrêt Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, point 25 supra, point 163).

31      Dans la requête, la requérante a souligné qu’elle avait fourni, lors de la procédure devant l’OHMI, les éléments de preuve suivants relatifs à la période comprise entre 2008 et 2009 :

–        le catalogue Grosse Spielwelt Hiver 2007/2008 (Allemagne) ;

–        le catalogue Spielwelt du 31 août 2008 (Allemagne) ;

–        le catalogue Auchan 2008 (Italie) ;

–        le catalogue El Duende de los juguetes Navidad 2008 (Espagne) ;

–        le catalogue Don Dino Navidad 2008 (Espagne) ;

–        le catalogue Juguetes Siutin 2008 (Espagne) ;

–        le catalogue Nadal Reis 2008/2009 (Espagne).

32      Les éléments de preuve invoqués par la requérante concernent donc l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

33      Il y a donc lieu d’examiner, pour chacun de ces territoires, si les éléments de preuve fournis par la requérante sont suffisants pour démontrer l’usage dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité, à savoir le 9 juillet 2009.

34      En premier lieu, en ce qui concerne l’Allemagne, la requérante a présenté plusieurs pages de deux catalogues pour apporter la preuve de l’utilisation de la marque antérieure dans la vie des affaires en 2008 et en 2009, entre la date de dépôt de la demande de la marque contestée et la date de dépôt de la demande en nullité.

35      Ainsi que la chambre de recours l’a relevé, la requérante n’a pas donné d’informations sur le nombre de commandes passées grâce à ces catalogues.

36      La requérante souligne qu’il résulte de la déclaration sous serment du président de son conseil d’administration (ci-après la « déclaration sous serment »), fournie au cours de la procédure devant l’OHMI, qu’en 2007, elle a vendu environ 30 000 articles sous la marque antérieure en Allemagne. Elle fait valoir que, s’il est vrai que des catalogues ne prouvent pas, en tant que tels, que les produits y figurant ont été réellement vendus, au vu du nombre d’articles vendus sous la marque antérieure en 2007, le fait que de tels produits ont également été vendus pendant les années suivantes ne serait pas uniquement une hypothèse.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne suffit pas que la marque antérieure ait fait l’objet d’une quelconque utilisation. Au contraire, elle doit avoir été effectivement utilisée d’une manière suffisamment significative (voir le point 25 ci-dessus).

38      À supposer même que les pages de catalogues fournies par la requérante suffisent à démontrer que certaines ventes ont été réalisées pendant la durée de validité de ces catalogues, elles ne sauraient en aucun cas suffire, à elles seules, pour démontrer que, pendant les années 2008 et 2009, des ventes du même ordre de grandeur qu’en 2007 ont été réalisées.

39      En outre, il convient de relever que, afin d’apprécier le caractère suffisamment significatif de l’utilisation de la marque antérieure, le volume des ventes effectuées est certes un élément pertinent, mais le rapport entre le volume général des ventes du produit en cause dans le pays concerné et le volume des ventes effectuées pour ce produit et dans ce pays sous la marque antérieure l’est également [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 janvier 2013, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUD), T‑225/06 RENV, T‑255/06 RENV, T‑257/06 RENV et T‑309/06 RENV, non encore publié au Recueil, point 59].

40      Les pages de catalogues fournies par la requérante concernant les années 2008 et 2009 ne permettent pas d’établir le volume des ventes réalisées sous la marque antérieure pendant ces années, ni, à plus forte raison, le rapport entre ce volume et le volume général des ventes des produits concernés en Allemagne.

41      Ensuite, s’agissant de la durée de validité des catalogues dont certaines pages ont été fournies, il convient de relever ce qui suit.

42      En ce qui concerne, premièrement, le catalogue Grosse Spielwelt pour l’hiver 2007/2008, la chambre de recours a relevé, à juste titre, au point 22 de la décision attaquée, que la dernière page qui avait été produite par la requérante indiquait que ce catalogue était valable jusqu’à la fin de janvier 2008.

43      En ce qui concerne, deuxièmement, le catalogue Spielwelt invoqué par la requérante, la chambre de recours a relevé, au point 21 de la décision attaquée, que, sur la page de couverture de ce catalogue, il était indiqué que ce catalogue était valable jusqu’au 31 août 2008.

44      À cet égard, la requérante fait valoir que des catalogues circulent habituellement sur le marché jusqu’à ce que soit publié le catalogue de l’année suivante. Selon elle, il serait manifeste que le catalogue Spielwelt du 31 août 2008 a été disponible sur le marché jusqu’aux premiers mois de l’année 2009.

45      Pourtant, cette affirmation est contredite par le contenu de ce catalogue. En effet, il résulte des éléments de preuve fournis par la requérante que la page de couverture de ce catalogue porte la mention « valable jusqu’au 31 août 2008 ». Le 31 août 2008 ne constitue donc pas la date de la publication ou du début de validité de ce catalogue, mais la date de fin de sa validité.

46      Il s’ensuit qu’aucun des catalogues invoqués par la requérante en tant qu’éléments de preuve concernant le marché allemand ne se rapporte à la période postérieure au 31 août 2008. Il existe donc un laps de temps de plus de dix mois entre la date limite de validité du dernier catalogue dont certaines pages ont été fournies par la requérante et la date d’introduction de la demande en nullité.

47      Il convient, en outre, de relever que la déclaration sous serment ne fournit aucune indication sur le volume des ventes réalisées après 2007.

48      En ce qui concerne le propre catalogue de la requérante pour l’année 2008, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué, sans être contredite sur ce point par la requérante, qu’il s’agissait d’un élément de preuve qui ne provenait pas d’une source indépendante et que sa production ne permettait pas de savoir s’il avait été réellement distribué, où il a avait pu l’être, ou en quelle quantité.

49      La requérante fait, en outre, valoir que, compte tenu des éléments de preuve qu’elle a fournis pour les années 2004-2007, les éléments de preuve fournis pour les années 2008 et 2009 doivent être considérés comme suffisants pour démontrer l’utilisation dans la vie des affaires de la marque antérieure, dont la portée n’était pas seulement locale.

50      À cet égard, il y a lieu de relever que, à part les chiffres des ventes pour l’année 2007, la requérante ne s’appuie, dans sa requête, sur aucun élément concret contenu dans les éléments de preuve qu’elle a fournis relatifs aux années 2004-2007 qui permettrait, selon elle, de tirer des conclusions quant à l’utilisation de la marque pendant les années 2008 et 2009. Il a déjà été constaté au point 38 ci-dessus que les pages de catalogues fournies par la requérante concernant les années 2008 et 2009 ne permettaient pas de conclure que, pendant ces années, des ventes du même ordre de grandeur qu’en 2007 avaient été réalisées. La requérante ne s’appuie donc sur aucun élément qui pourrait permettre de considérer que la faiblesse des éléments de preuve fournis pour les années 2008 et 2009 est compensée par les éléments de preuve relatifs aux années précédentes.

51      Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve fournis par la requérante, relatifs au territoire allemand, pris dans leur ensemble, ne peuvent pas être considérés comme suffisants pour démontrer une utilisation suffisamment significative de la marque antérieure en 2008 et en 2009 jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité.

52      Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante s’appuyant sur la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI, du 14 décembre 2004, dans l’affaire R 519/2003-2, dans laquelle la deuxième chambre de recours a relevé, au point 22, qu’il n’était pas exclu que des catalogues puissent suffire, à eux seuls, à démontrer l’usage sérieux d’une marque enregistrée et que tout dépendait des circonstances de l’espèce.

53      À cet égard, il y a lieu de souligner que les éléments de fait à la base de la décision de la deuxième chambre de recours dans l’affaire R 519/2003‑2 diffèrent de ceux à la base de la présente affaire. En effet, outre que l’affaire R 519/2003‑2 concernait la preuve de l’usage sérieux d’une marque enregistrée et non la preuve de l’utilisation dans la vie des affaires d’une marque non enregistrée dont la portée n’est pas seulement locale, les catalogues présentés dans cette affaire comprenaient une référence à la position sur le marché du détenteur de la marque et indiquaient que, selon une source indépendante, sa part de marché était de 27,6 %.

54      En revanche, en l’espèce, les pages de catalogues présentées par la requérante pour les années 2008 et 2009 ne comprennent aucune indication quant à sa position sur le marché et notamment quant à ses parts de marché.

55      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a, à tort, absolument exclu, dans la décision attaquée, que des catalogues puissent suffire à prouver l’utilisation d’une marque, il convient de relever qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question abstraite de savoir si la présentation de catalogues ne peut en aucun cas suffire à apporter la preuve d’une utilisation suffisamment significative d’un signe antérieur, dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Il suffit de constater que, en l’espèce, les éléments de preuve fournis par la requérante ne suffisent pas à démontrer une utilisation suffisamment significative de la marque antérieure pendant les années 2008 et 2009, ainsi qu’il résulte des considérations figurant aux points 38 à 51 ci-dessus.

56      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’Italie, la requérante a présenté plusieurs pages d’un catalogue de la société Auchan pour apporter la preuve de l’utilisation dans la vie des affaires de la marque antérieure entre la date de dépôt de la demande de la marque contestée et la date de dépôt de la demande en nullité.

57      Selon la déclaration sous serment, environ 19 000 articles ont été vendus sous la marque antérieure en Italie en 2007. Cette déclaration sous serment n’indique pourtant pas les chiffres des ventes réalisées en 2008 et en 2009.

58      À supposer même que les pages de catalogue fournies par la requérante puissent démontrer que certaines ventes ont été réalisées pendant la durée de validité de ce catalogue, elles ne sauraient en aucun cas suffire à démontrer que, pendant les années 2008 et 2009, des ventes du même d’ordre de grandeur qu’en 2007 ont été réalisées.

59      Les pages de catalogue fournies par la requérante ne permettent pas d’établir le volume des ventes réalisées sous la marque antérieure pendant les années 2008 et 2009 ni, à plus forte raison, le rapport entre ce volume des ventes et le volume général des ventes des produits concernés en Italie.

60      En ce qui concerne la date limite de validité du catalogue en cause, la chambre de recours a relevé, à juste titre, au point 23 de la décision attaquée, que la dernière page produite faisait référence à des prix, à des produits et à un mode de financement qui étaient valables jusqu’au 14 décembre 2008.

61      L’affirmation de la requérante selon laquelle il est manifeste que ce catalogue a été disponible sur le marché jusqu’aux premiers mois de l’année 2009 n’est nullement étayée et est contredite par le contenu de ce catalogue, qui indique la date de fin de sa validité.

62      Il s’ensuit qu’il existe un laps de temps de presque sept mois entre la date de fin de validité du seul catalogue dont certaines pages ont été fournies par la requérante concernant le territoire italien et la date de dépôt de la demande en nullité.

63      Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve fournis par la requérante ne démontrent pas à suffisance de droit que la marque antérieure a été utilisée d’une manière suffisamment significative sur le territoire italien jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité.

64      En troisième lieu, en ce qui concerne le territoire espagnol, la requérante a présenté plusieurs pages de quatre catalogues pour apporter la preuve de l’utilisation dans la vie des affaires de la marque antérieure entre la date de dépôt de la demande de la marque contestée et la date de dépôt de la demande en nullité.

65      Selon la déclaration sous serment, la requérante a vendu environ 18 000 articles sous la marque antérieure sur le marché espagnol en 2007.

66      Pourtant, cette déclaration n’indique pas les chiffres des ventes pour les années 2008 et 2009 et la seule présentation de pages de quatre catalogues ne permet pas, à elle seule, de conclure avec certitude que, pendant les années 2008 et 2009, des ventes du même ordre de grandeur qu’en 2007 ont été réalisées. Ces documents ne permettent pas d’établir le volume des ventes réalisées sous la marque antérieure pendant les années 2008 et 2009, ni, à plus forte raison, le rapport entre ce volume des ventes et le volume général des ventes des produits concernés en Espagne.

67      En ce qui concerne la durée de validité de ces catalogues, il convient de relever ce qui suit.

68      S’agissant du catalogue Juguetes Situin, la chambre de recours a relevé, à juste titre, au point 24 de la décision attaquée, que la dernière page de ce catalogue mentionnait que les prix étaient valables jusqu’au 6 janvier 2008. L’affirmation de la requérante selon laquelle ce catalogue aurait été valable jusqu’aux premiers mois de l’année 2009 manque donc en fait.

69      En ce qui concerne les catalogues Don Dino Navidad 2008 et Nadal Reis 2008/2009, la chambre de recours a relevé, à bon droit, au point 25 de la décision attaquée, qu’il s’agissait de catalogues pour Noël et pour l’Épiphanie et qu’ils n’étaient donc manifestement pas destinés à promouvoir des ventes après janvier 2009. La simple affirmation de la requérante selon laquelle ces catalogues ont été valables respectivement jusqu’à l’hiver de 2009 et jusqu’à l’hiver de 2010 n’est pas de nature à établir que ces catalogues ont été valables après janvier 2009.

70      Enfin, s’agissant du catalogue El Duende de los juguetes Navidad 2008, il convient de relever que la première page de ce catalogue indique qu’il a été valable du 14 novembre au 14 décembre 2008.

71      Il s’ensuit que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve concernant l’utilisation de la marque antérieure sur le territoire espagnol pour la période postérieure à janvier 2009. Il existe un laps de temps de plus de cinq mois entre la date limite de validité du dernier catalogue concernant le marché espagnol dont certaines pages ont été fournies par la requérante et la date de dépôt de la demande en nullité.

72      Dans ces circonstances, les éléments de preuve concernant le marché espagnol ne peuvent pas être considérés comme suffisants pour établir l’existence d’une utilisation suffisamment significative de la marque antérieure en 2008 et en 2009 jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité.

73      Il résulte de tout ce qui précède que, en ce qui concerne tous les territoires pertinents, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve d’une utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité.

74      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dimian AG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka      

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.