Language of document : ECLI:EU:T:2014:1050

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

10 décembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BIOCERT – Marque nationale verbale antérieure BIOCEF – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑605/11,

Novartis AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par Me M. Douglas, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Dr Organic Ltd, établie à Swansea (Royaume-Uni),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 28 septembre 2011 (affaire R 1030/2010‑4), relative à une procédure d’opposition entre Novartis AG et Dr Organic Ltd,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2012,

à la suite de l’audience du 28 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 août 2008, Dr Organic Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BIOCERT.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Substances et préparations diététiques ; produits de soins de santé médicinaux ; compléments alimentaires diététiques ; compléments nutritionnels pour les êtres humains ; vitamines ; minéraux (compléments nutritionnels) ; acides aminés (compléments nutritionnels) ; plantes et herbes à usage médical ou vétérinaire ; préparations à base d’herbes à usage médical ; extraits d’animaux et de plantes, y compris huiles à usage médical ou vétérinaire ; préparations chimiques à usage médical ou vétérinaire ; produits naturopathiques et homéopathiques ; toniques ; additifs alimentaires à base de minéraux ; boissons minérales ; boissons vitaminées ; substances nutritives et éléments nourrissants ; sprays, timbres et autres préparations médicinales à application locale ; préparations médicinales de soin de la peau ; produits et substances pharmaceutiques ; ceintures anti-rhumatismes ; bandages, emplâtres, pansements et enveloppements ; enveloppements corporels et de massage ; bains d’oxygène ; boue pour bains ; boues médicinales ; huiles médicinales ; eaux thermales ; sels d’eaux minérales ; collyres ; bains de bouche médicinaux ; produits amincissants ; antiseptiques ; désinfectants ; détergents à usage médical ; produits hygiéniques ; compléments alimentaires liquides ».

4        Le 20 avril 2009, la requérante, Novartis AG, a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour tous les produits visés par la demande d’enregistrement.

5        L’opposition était fondée sur la marque verbale antérieure BIOCEF, enregistrée en Autriche le 26 juin 1991 sous le numéro 136273 pour des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques ».

6        Par décision du 7 avril 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition formée par la requérante dans son entièreté. Elle a considéré que le public pertinent distinguerait les signes en conflit eu égard à la différence entre les éléments « cef » et « cert ».

7        Le 7 juin 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

8        Par décision du 28 septembre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a fondé sa décision sur les considérations suivantes :

–        les produits couverts par les marques sont soit identiques, soit similaires ;

–        le public pertinent est composé de professionnels issus du domaine médical et pharmaceutique et de consommateurs finaux membres du grand public en Autriche, qui font preuve d’un degré d’attention accru en ce qui concerne les produits pharmaceutiques ;

–        les deux marques contiennent le mot « bio », une abréviation commune en allemand du mot « biologique » et présentent ainsi une signification descriptive. Dès lors, l’attention des consommateurs se concentrera sur les éléments « cert » et « cef ». « Bio » étant un élément descriptif, il est insuffisant pour établir une similitude conceptuelle entre les marques en conflit ;

–        eu égard au caractère distinctif moyen de la marque BIOCEF, aux faibles similitudes visuelles et phonétiques entre les signes en conflit et au degré accru d’attention du public pertinent, il n’existe pas de risque de confusion, même pour des produits identiques.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante avance deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

12      Le Tribunal estime utile de commencer l’examen du recours par le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

13      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du même règlement, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

14      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 32 et jurisprudence citée].

15      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a correctement établi, sans être contestée par la requérante, les produits visés par les signes en conflit sont identiques ou similaires. En outre, le caractère distinctif de la marque antérieure est de niveau moyen.

16      La requérante reproche toutefois à la chambre de recours d’avoir erronément apprécié le niveau d’attention du public pertinent, la similitude des signes en conflit ainsi que le risque de confusion.

 Sur le public pertinent

17      Selon la jurisprudence, s’agissant du degré d’attention du public pertinent, aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le territoire pertinent était celui de la République d’Autriche, État d’enregistrement de la marque antérieure, et que le public pertinent était composé de professionnels issus du domaine médical et pharmaceutique et de consommateurs finaux membres du grand public. Elle a également considéré que le niveau d’attention du consommateur moyen variait en fonction du produit pharmaceutique concerné. Cependant, elle a estimé que, même dans le cas des produits vendus sans ordonnance, le degré d’attention était accru, puisque l’usage desdits produits influait sur la santé.

19      La requérante concède que les produits pharmaceutiques sont susceptibles, en fonction de leur substance active et de leur dosage, d’avoir un impact considérable sur l’état de santé du consommateur. Cependant, il ne serait pas exact que le consommateur fasse toujours preuve d’un degré d’attention élevé. Elle fait valoir qu’il existe des produits pharmaceutiques, couverts par la marque antérieure, qui sont vendus librement dans les pharmacies, drogueries ou supermarchés. Dès lors, le présent litige porterait également sur des produits pharmaceutiques agissant sur des troubles mineurs, tels que les maux de tête légers, l’écoulement nasal, les coups de soleil légers, les piqûres d’insecte ou les flatulences. De plus, il existerait des produits pharmaceutiques peu coûteux, achetés par le consommateur par routine. Enfin, le consommateur pourrait également acheter les produits pharmaceutiques par l’internet ou par téléphone, en étant distrait par l’environnement. Elle fait alors valoir que le niveau d’attention du consommateur est moyen.

20      Il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, d’une part, les professionnels de la médecine font preuve d’un degré élevé d’attention lors de la prescription de médicaments et, d’autre part, s’agissant des consommateurs finaux, dans les cas où des produits pharmaceutiques sont vendus sans ordonnance, il y a lieu de supposer que ces produits intéressent les consommateurs qui sont censés être raisonnablement bien informés, attentifs et avisés, dès lors que ces produits affectent leur état de santé et que ces consommateurs sont moins susceptibles de confondre les diverses versions desdits produits. En outre, même dans l’hypothèse où une ordonnance médicale serait obligatoire, les consommateurs sont susceptibles de faire preuve d’un degré d’attention élevé lors de la prescription des produits en cause, eu égard au fait que ce sont des produits pharmaceutiques [arrêts du 21 octobre 2008, Aventis Pharma/OHMI – Nycomed (PRAZOL), T‑95/07, EU:T:2008:455, point 29, et du 8 juillet 2009, Procter & Gamble/OHMI-Laboratorios Alcala Farma (oli), T‑240/08, EU:T:2009:258, point 50]. Ainsi les médicaments, délivrés sur ordonnance médicale ou non, peuvent être regardés comme bénéficiant d’un degré d’attention accru de la part des consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés [arrêts du 15 décembre 2009, Trubion Pharmaceuticals/OHMI – Merck (TRUBION), T‑412/08, EU:T:2009:507, point 28, et du 15 décembre 2010, Novartis/OHMI – Sanochemia Pharmazeutika (TOLPOSAN), T‑331/09, Rec, EU:T:2010:520, point 26].

21      Dès lors, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, le public pertinent est en toute hypothèse susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne, même en ce qui concerne les produits pharmaceutiques qui peuvent être achetés sans ordonnance (voir, en ce sens, arrêt TOLPOSAN, point 20 supra, EU:T:2010:520, point 27).

22      De même, le fait que le consommateur final puisse éventuellement se procurer sur l’internet un médicament vendu sans ordonnance, sans le conseil d’un pharmacien ou d’un médecin, n’est pas de nature à diminuer son niveau d’attention lors de l’achat d’un tel produit (arrêt TOLPOSAN, point 20 supra, EU:T:2010:520, point 28).

23      Au demeurant, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, aux fins de l’appréciation du niveau d’attention du public pertinent, il convient de prendre en compte la perception du consommateur moyen raisonnablement attentif et avisé. Dès lors, les éléments de l’environnement susceptibles de distraire le consommateur ne sauraient être pris en compte lors de cette appréciation.

24      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de confirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle le consommateur moyen montre un niveau d’attention accru lors du choix des produits pharmaceutiques.

 Sur la comparaison des signes

25      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec, EU:T:2002:261, point 30, et du 10 décembre 2008, MIP Metro/OHMI – Metronia (METRONIA), T‑290/07, EU:T:2008:562, point 41].

26      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35, et du 4 mars 2009, Professional Tennis Registry/OHMI – Registro Profesional de Tenis (PTR PROFESSIONAL TENNIS REGISTRY), T‑168/07, EU:T:2009:51, point 28].

–       Observations liminaires

27      La chambre de recours a considéré que l’élément « bio » était descriptif quant aux produits concernés par les signes en conflit.

28      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec, EU:T:2006:157, point 35, et du 27 février 2008, Citigroup/OHMI – Link Interchange Network (WORLDLINK), T‑325/04, EU:T:2008:51, point 66].

29      En outre, il y a lieu de relever que, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 25), il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il identifiera des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec, EU:T:2004:292, point 51, et RESPICUR, point 17 supra, EU:T:2007:46, point 57].

30      S’agissant de l’élément « bio », le Tribunal a déjà jugé, dans le contexte de l’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, que celui-ci est descriptif dans le domaine pharmaceutique, en confirmant l’analyse de l’OHMI selon laquelle ledit terme indique ou implique « la vie ou [les] organismes vivants » [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2008, ratiopharm/OHMI (BioGeneriX), T‑48/07, EU:T:2008:378, point 25].

31      Une telle constatation est aussi exacte dans le cadre du présent litige portant sur une appréciation au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et dans le contexte particulier de la langue allemande. En effet, la signification du préfixe « bio » selon le dictionnaire allemand Duden confirme que ce dernier est couramment utilisé dans les mots allemands pour mentionner la biologie et renvoie à la vie ou aux organismes vivants.

32      Dès lors, la chambre de recours a retenu à juste titre que l’élément « bio » était descriptif en ce qui concerne les produits en cause.

–       Sur l’aspect visuel de la comparaison

33      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, en raison de la signification descriptive de l’élément « bio », l’attention des consommateurs se concentrerait sur les éléments « cef » et « cert », qui coïncident par la combinaison des lettres « c » et « e », mais diffèrent par les lettres supplémentaires « r » et « t », pour l’un, et « f », pour l’autre. Dans leur impression visuelle globale, la similitude entre les signes serait, dès lors, faible.

34      La requérante fait valoir que l’élément « bio » ne saurait être ignoré dans l’analyse de la similitude. Ainsi, les deux signes commençant par la combinaison des lettres « b », « i », « o », « c » et « e », il existerait, sur le plan visuel, un degré élevé de similitude entre eux.

35      Selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe peut être prise en compte (arrêt MATRATZEN, point 25 supra, EU:T:2002:261, point 35).

36      En premier lieu, en l’espèce, il convient de constater que, si l’élément « bio » est descriptif à l’égard des produits couverts par les marques en cause, il n’en reste pas moins que, selon la jurisprudence, le caractère distinctif faible d’un élément d’une marque n’implique pas nécessairement que ce dernier ne sera pas pris en considération par le public pertinent. Ainsi, il ne saurait être exclu que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, un tel élément occupe une position autonome dans l’impression globale produite par la marque concernée dans la perception du public pertinent [arrêt du 10 juillet 2012, Clorox/OHMI – Industrias Alen (CLORALEX), T‑135/11, EU:T:2012:356, point 35]. De même, malgré son faible caractère distinctif, un élément d’une marque qui est descriptif est susceptible d’attirer l’attention du public pertinent, en raison de sa longueur et de sa position au début de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, McNeil/OHMI – Alkalon (NICORONO), T‑580/11, EU:T:2013:301, point 63].

37      Tel est le cas en l’espèce s’agissant de l’élément commun « bio », qui détermine, dans une mesure non négligeable, l’impression globale produite par les deux signes en conflit. En effet, cet élément représente la moitié des lettres de la marque antérieure et quatre septièmes de celles de la marque demandée. De surcroît, il est situé au début des deux signes, partie qui est en principe susceptible de retenir davantage l’attention du public [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Celtipharm/OHMI – Alliance Healthcare France (PHARMASTREET), T‑411/12, EU:T:2013:304, point 25 et jurisprudence citée].

38      En second lieu, il convient de relever que les signes en conflit coïncident non seulement en raison de leurs trois premières lettres, qui composent l’élément « bio », mais également en ce qui concerne leurs quatrième et cinquième lettres, « c » et « e ». Ainsi, cinq des sept lettres de la marque demandée figurent exactement dans le même ordre que dans la suite formée par cinq des six lettres de la marque antérieure.

39      S’il est vrai que les deux dernières lettres de la marque demandée, « r » et « t », diffèrent de la dernière lettre de la marque antérieure, « f », cette seule différence ne neutralise pas la similitude importante découlant de l’identité des cinq premières lettres au sein de deux signes ayant une longueur très semblable (voir, en ce sens, arrêt NICORONO, point 36 supra, EU:T:2013:301, point 67).

40      Ainsi, il y a lieu d’infirmer la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle les signes en cause sont faiblement similaires du point de vue visuel, et de conclure que, au contraire, ces signes présentent, à tout le moins, un degré de similitude moyen dudit point de vue.

–       Sur l’aspect phonétique de la comparaison

41      S’agissant de l’aspect phonétique de la comparaison, la chambre de recours a considéré que, en raison du caractère descriptif de l’élément « bio », les consommateurs accorderont une plus grande attention aux éléments distinctifs « cert » et « cef », qui diffèrent en ce sens que le son doux produit par la lettre « f » de la marque antérieure contraste avec le son dur produit par les consonnes « r » et « t » de la marque demandée. Partant, la chambre considère qu’il existe un faible degré de similitude phonétique.

42      La requérante conteste ce raisonnement par des arguments présentant une similitude avec ceux avancés à l’égard de la comparaison visuelle des signes. Elle soutient que la similitude entre les signes en conflit est de degré élevé.

43      En premier lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 36 et 37 ci-dessus, il y a lieu de tenir compte, également lors de l’évaluation de la similitude phonétique, de l’élément « bio ».

44      En second lieu, il doit être observé que cet élément commun est situé au début des deux signes en conflit, qui est en principe susceptible de retenir davantage l’attention du public (voir point 37 ci-dessus). Ensuite, il convient de noter que ledit public prononcera de la même manière la voyelle « c », par laquelle commence, dans chacune des marques en conflit, la syllabe qui suit l’élément « bio ». Par ailleurs, la longueur des deux signes est très semblable.

45      Certes, il y a lieu de relever que le public pertinent autrichien ne prononcera pas de manière identique la voyelle « e », commune aux éléments « cert » de la marque demandée et « cef » de la marque antérieure. En effet, la prononciation de la combinaison des lettres « e » et « r » en allemand ressemble, en particulier en Autriche, plutôt à une semi-voyelle dont la valeur phonétique est proche de « a » ou de « ea ». En outre, la longueur de la seule voyelle présente dans les éléments « cert » et « cef » diffère considérablement.

46      Cependant, ces derniers facteurs ne s’opposent pas à la conclusion selon laquelle, sur le plan phonétique, les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, qui les avait qualifiés de faiblement similaires.

–       Sur l’aspect conceptuel de la comparaison

47      En ce qui concerne l’aspect conceptuel de la comparaison, la chambre de recours a considéré que les signes coïncidaient par l’élément « bio » qui, cependant, en raison de son caractère descriptif, ne suffisait pas pour établir une similitude conceptuelle. En ce qui concerne les seconds éléments des signes, le public autrichien pertinent ne serait pas en mesure de discerner une signification pour « cert » ou « cef ». Dès lors, la comparaison conceptuelle demeurerait neutre.

48      Dans son mémoire en réplique, la requérante estime également que la comparaison conceptuelle est neutre.

49      Il y a lieu de constater que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 36 et 37 ci-dessus, il doit être tenu compte, également lors de l’évaluation de la similitude conceptuelle, de l’élément « bio », commun aux signes en conflit, qui renvoie à l’idée de « biologique » pour le public pertinent.

50      Compte tenu de l’absence d’autres contenus conceptuels identifiables dans les marques en cause, le caractère descriptif dudit élément n’exclut pas une similitude conceptuelle entre elles, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêts CLORALEX, point 36 supra, EU:T:2012:356, point 41, et NICORONO, point 36 supra, EU:T:2013:301, point 69).

51      Dès lors, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, les signes en conflit présentent un certain degré de similitude conceptuelle.

 Sur le risque de confusion

52      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

53      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, eu égard au caractère distinctif moyen de la marque antérieure, à la faible similitude entre les signes en conflit et au niveau accru d’attention du public pertinent, aucun risque de confusion n’existait entre les signes en conflit, même en ce qui concerne des produits identiques.

54      Il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a correctement estimé que le caractère distinctif de la marque antérieure est de degré moyen. En effet, même si l’élément « bio » est descriptif à l’égard des produits concernés, l’élément « cef » ne sera pas perçu par le public pertinent comme une abréviation utilisée pour des « céphalosporines » (une classe d’antibiotiques), et n’est, dès lors, pas évocateur de la composition ou de l’usage desdits produits. Les constatations de la chambre de recours à cet égard ne sont d’ailleurs pas contestées par la requérante.

55      Ainsi que cela résulte des points 33 à 51 ci-dessus, il existe, entre les signes en conflit, à tout le moins, un degré moyen de similitude sur le plan visuel et un degré moyen de similitude sur le plan phonétique, ainsi qu’un certain degré de similitude sur le plan conceptuel. Cependant, la similitude conceptuelle entre les marques en conflit résulte uniquement de leur élément commun « bio » et ce même élément joue un rôle également en ce qui concerne les similitudes visuelle et phonétique. Dès lors, ces similitudes doivent être mises en perspective avec le fait que ledit élément revêt un caractère distinctif faible, dans la mesure où il décrit certaines caractéristiques des produits visés [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Bode Chemie/OHMI – Laros (sterilina), T‑114/12, EU:T:2013:551, point 32].

56      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque, mais qu’il y a lieu d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (voir ordonnance du 30 janvier 2014, Industrias Alen/The Clorox Company, C‑422/12 P, Rec, EU:C:2014:57, point 43 et jurisprudence citée).

57      Certes, dans certaines circonstances, l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut être dominée par un ou plusieurs de ses composants, de sorte que, si tous les autres composants de la marque sont négligeables, l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Toutefois, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence relative à des situations exceptionnelles que seul l’élément distinctif d’une marque composée d’un élément descriptif et d’un élément distinctif serait décisif pour l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion (voir ordonnance Industrias Alen/The Clorox Company, point 56 supra, EU:C:2014:57, point 44 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, il doit être observé que la constatation de l’existence d’un risque de confusion en l’espèce ne reviendrait pas à reconnaître à la requérante un monopole sur l’élément « bio », étant donné que l’existence d’un risque de confusion aboutit uniquement à la protection d’une certaine combinaison d’éléments sans toutefois protéger en tant que tel un élément descriptif faisant partie de cette combinaison (voir, en ce sens, ordonnance Industrias Alen/The Clorox Company, point 56 supra, EU:C:2014:57, point 45 et jurisprudence citée).

59      Deuxièmement, il convient de rappeler que les similitudes visuelle et phonétique entre les marques en conflit ne découlent pas seulement de la présence dans les marques en conflit de l’élément « bio », mais également d’autres facteurs mis en avant notamment aux points 37 à 39 et 44 ci-dessus, tels que la longueur presque identique des signes et la coïncidence de leurs cinq premières lettres. De plus, les lettres identiques figurent dans la partie initiale de chacune desdites marques.

60      Dans ces circonstances, et compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits, du caractère distinctif moyen de la marque antérieure prise dans son ensemble, il y a lieu de constater qu’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit, et ce même si le public dispose d’un niveau d’attention accru.

61      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit au second moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le premier moyen.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 28 septembre 2011 (affaire R 1030/2010‑4) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 décembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.