Language of document : ECLI:EU:T:2008:211

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 juin 2008 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des sorbates – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Calcul du montant des amendes – Obligation de motivation – Gravité et durée de l’infraction – Circonstances aggravantes – Principe non bis in idem – Coopération durant la procédure administrative – Accès au dossier – Durée de la procédure »

Dans l’affaire T‑410/03,

Hoechst GmbH, anciennement Hoechst AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée initialement par Mes M. Klusmann et V. Turner, puis par Mes Klusmann, Turner et M. Rüba, et enfin par Mes Klusmann et Turner, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. W. Mölls, Mmes O. Beynet et K. Mojzesowicz, puis par M. Mölls et Mme Mojzesowicz, en qualité d’agents, assistés de Me A. Böhlke, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à l’annulation, pour ce qui concerne la requérante, de la décision 2005/493/CE de la Commission, du 1er octobre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Chisso Corporation, Daicel Chemical Industries Ltd, Hoechst AG, The Nippon Synthetic Chemical Industry Co. Ltd et Ueno Fine Chemicals Industry Ltd (Affaire COMP/E‑1/37.370 – Sorbates) (résumé au JO 2005, L 182, p. 20), ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante à un niveau approprié,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, F. Dehousse et D. Šváby, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 février 2007,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Par décision 2005/493/CE, du 1er octobre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Chisso Corporation, Daicel Chemical Industries Ltd, Hoechst AG, The Nippon Synthetic Chemical Industry Co. Ltd et Ueno Fine Chemicals Industry Ltd (Affaire COMP/E‑1/37.370 – Sorbates, ci-après la « Décision »), la Commission a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à une entente sur le marché des sorbates.

2        Les entreprises destinataires de la Décision sont Chisso Corporation, Daicel Chemical Industries Ltd (ci-après « Daicel »), The Nippon Synthetic Chemical Industry Co Ltd (ci-après « Nippon Synthetic »), Ueno Fine Chemicals Industry Ltd (ci-après « Ueno »), toutes établies au Japon, et la requérante, Hoechst AG, devenue ultérieurement Hoechst GmbH, établie en Allemagne.

3        La période retenue pour la durée de l’infraction s’étend du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996 (pour Chisso, Daicel, Ueno et Hoechst) et du 31 décembre 1978 au 30 novembre 1995 (pour Nippon Synthetic).

4        Le terme « sorbates », au sens de la Décision, désigne des conservateurs chimiques (agents antimicrobiens) qui ont la capacité de retarder ou d’empêcher le développement de micro-organismes, tels que les levures, les bactéries, les moisissures ou les champignons. Ils sont utilisés essentiellement dans les produits alimentaires et les boissons. Les sorbates servent parfois également à préserver d’autres caractéristiques des produits alimentaires, tels que le goût, la couleur, la texture et la valeur nutritive. Par ailleurs, les sorbates servent à stabiliser d’autres types de produits, tels que les produits pharmaceutiques et cosmétiques ainsi que les produits alimentaires pour animaux de compagnie et pour animaux d’élevage (considérant 56 de la Décision).

5        Selon la Décision, on distingue trois types de sorbates. Premièrement, l’acide sorbique est le produit de base, dont dérivent d’autres sorbates. La production de cette substance est techniquement complexe et ses applications en sont limitées en raison de sa faible solubilité dans l’eau. Deuxièmement, le sorbate de potassium est utilisé lorsque l’on souhaite une solubilité élevée dans l’eau. Troisièmement, le sorbate de calcium sert à revêtir le papier d’emballage du fromage en France et en Italie. L’acide sorbique représente près de 30 % des ventes de sorbates en Europe occidentale, le sorbate de potassium en représente 70 % et le sorbate de calcium en représente une part résiduelle (considérants 57 à 61 de la Décision).

6        Au moment des faits, il existait sept grands fournisseurs de sorbates au niveau mondial : deux entreprises étaient européennes (Hoechst et Cheminova A/S) ; une entreprise était américaine (Monsanto, devenue ultérieurement Eastman Chemical Company) ; les quatre entreprises restantes étaient japonaises (Chisso, Daicel, Nippon Synthetic et Ueno) (considérant 64 de la Décision).

7        Jusqu’à la cession, en septembre 1997, de sa branche d’activités dans le secteur des sorbates à l’une de ses filiales à 100 % (Nutrinova Nutrition Specialities & Food Ingredients GmbH, ci-après « Nutrinova »), Hoechst était le principal opérateur sur le marché mondial (plus de 20 % en 1995) et sur le marché européen (plus de 45 % en 1995). Hoechst était suivie par Chisso, Daicel, Nippon Synthetic et Ueno (chacune de ces entreprises représentant entre 9,5 et 15 % du marché mondial et entre 4 et 15 % du marché européen pour la même année) [considérants 65 et 70 (tableau I de la Décision)].

8        Selon les considérants 4 et 5 de la Décision, les avocats de Chisso ont rencontré des représentants des services de la Commission, le 29 septembre 1998, afin d’exprimer la volonté de Chisso de coopérer dans le cadre de la communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 ») au sujet d’une entente mondiale sur le marché de l’acide sorbique.

9        Le 27 octobre 1998, l’avocat de Nutrinova a également contacté les services de la Commission pour exprimer sa volonté de coopérer dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996.

10      Le 29 octobre 1998, lors d’une réunion entre les avocats de Hoechst et de Nutrinova et les services de la Commission, une description orale du marché concerné, des producteurs, des parts de marché, de la procédure aux États-Unis et des activités de l’entente, a été effectuée.

11      Le 13 novembre 1998, Chisso a décrit oralement aux services de la Commission les activités de l’entente et a fourni des éléments documentaires.

12      Le 9 décembre 1998, les services de la Commission ont recueilli le témoignage oral du représentant de Chisso dans l’entente, qui a fourni des explications et des clarifications sur les documents remis le 13 novembre 1998.

13      Le 21 décembre 1998, Nutrinova a remis un mémoire sur le marché des sorbates.

14      Les 19 mars et 28 avril 1999, Nutrinova a remis un mémoire exposant les activités anticoncurrentielles affectant le marché des sorbates ainsi que des éléments documentaires.

15      Le 20 avril 1999, Chisso a remis une déclaration confirmant et développant le compte rendu oral effectué lors de la réunion du 13 novembre 1998.

16      Sur cette base, la Commission a adressé, les 26 mai et 17 juin 1999, des demandes de renseignements à Daicel, à Nippon Synthetic et à Ueno, au titre de l’article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204) (considérant 6 de la Décision).

17      Le 15 juillet 1999, le 24 octobre 2001 et le 21 février 2002 respectivement, Nippon Synthetic, Ueno et Daicel ont exprimé leur volonté de coopérer dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996. Elles ont répondu aux demandes de renseignements adressées par la Commission (considérants 7, 10 et 11 de la Décision).

18      La Commission a adressé, par la suite, d’autres demandes de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17, la dernière datant du 13 décembre 2002 (considérant 21 de la Décision).

19      Entre 1998 et 2001, des poursuites ont été engagées aux États-Unis et au Canada concernant des pratiques de fixation de prix dans le secteur des sorbates. Daicel, Hoechst, Nippon Synthetic et Ueno (pour la procédure aux États-Unis) et Daicel, Hoechst, et Ueno (pour la procédure au Canada) se sont vu infliger des amendes (considérants 30 à 32 de la Décision).

20      Le 20 décembre 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE et a adressé une communication des griefs aux entreprises destinataires de la Décision (considérant 22 de la Décision).

21      Le 24 avril 2003, les entreprises destinataires de la Décision ont pris part à l’audition devant la Commission (considérant 29 de la Décision).

22      Le 1er octobre 2003, la procédure administrative a abouti à l’adoption par la Commission de la Décision.

23      Aux termes de l’article 1er du dispositif de la Décision, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et, à compter du 1er janvier 1994, l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, pendant les périodes indiquées ci-après, à un accord complexe, unique et continu et à des pratiques concertées dans le secteur des sorbates, dans le cadre desquels elles sont convenues de fixer des objectifs de prix et de s’allouer des quotas en volume, de définir un système d’information et de contrôle et de ne pas fournir de technologie aux candidats à l’entrée sur le marché :

a)      Chisso, du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996 ;

b)      Daicel, du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996 ;

c)      Hoechst, du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996 ;

d)      Nippon Synthetic, du 31 décembre 1978 au 30 novembre 1995 ;

e)      Ueno, du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996.

24      À l’article 2 du dispositif de la Décision, la Commission a ordonné que les entreprises énumérées à l’article 1er mettent immédiatement fin, si elles ne l’avaient pas déjà fait, aux infractions visées à ce même article et s’abstiennent désormais de tout acte ou comportement décrit à l’article 1er, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

25      Sur la base des constatations factuelles et des appréciations juridiques effectuées dans la Décision, la Commission a infligé aux entreprises en cause des amendes dont le montant a été calculé en application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), ainsi que dans la communication sur la coopération de 1996.

26      À l’article 3 du dispositif de la Décision, la Commission a infligé les amendes suivantes :

a)      Daicel : 16 600 000 euros ;

b)      Hoechst : 99 000 000 euros ;

c)      Nippon Synthetic : 10 500 000 euros ;

d)      Ueno : 12 300 000 euros.

27      Le montant de l’amende infligée à Hoechst prend, notamment, en compte le rôle de meneur de l’entente qu’elle aurait joué conjointement avec Daicel, ainsi que le comportement récidiviste qu’elle aurait eu (considérants 363 à 373 de la Décision). Hoechst a toutefois bénéficié d’une réduction de 50 % du montant de l’amende au titre de sa coopération dans le cadre de la procédure administrative (considérants 455 à 466 de la Décision).

28      S’agissant de Chisso, la Commission a considéré qu’elle avait été la première à apporter des éléments de preuve déterminants dans le cadre de l’enquête. À ce titre, cette entreprise a bénéficié d’une immunité totale et ne s’est pas vu infliger d’amende (considérants 439 à 447 de la Décision).

29      La Décision a été notifiée à Hoechst le 9 octobre 2003, par lettre datée du 8 octobre 2003.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2003, Hoechst a introduit le présent recours.

31      Le 16 décembre 2004, le Tribunal a rejeté la demande en intervention présentée par Chisso (ordonnance du Tribunal du 16 décembre 2004, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑4451).

32      Le 2 mars 2006, la Commission a été invitée à répondre à une question posée par le Tribunal et à fournir, premièrement, des documents figurant dans le dossier d’instruction, dans la forme rendue accessible pour Hoechst et, deuxièmement, une version non confidentielle ou un résumé non confidentiel utilisables de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes. La Commission a répondu à cette demande dans les délais impartis. S’agissant de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, la Commission a précisé que Chisso acceptait que les versions originales desdits documents soient utilisées aux seules fins de la procédure devant le Tribunal.

33      Le 5 avril 2006, la réponse et les documents fournis par la Commission ont été signifiés à Hoechst.

34      Le 18 mai 2006, Hoechst a été invitée à présenter ses observations sur la réponse de la Commission. En particulier, Hoechst a été invitée à préciser en quoi la non-divulgation de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, dans la forme transmise par la Commission devant le Tribunal, l’avait empêchée de prendre connaissance de documents qui étaient susceptibles d’être utiles à sa défense et avait, de la sorte, violé ses droits de la défense. Par lettre du 16 juin 2006, Hoechst a répondu à cette question dans le délai imparti.

35      Le 12 juillet 2006, la Commission a été invitée à présenter ses observations sur certains points de la réponse de Hoechst. Par lettre du 5 septembre 2006, la Commission a présenté ses observations dans le délai imparti.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 février 2007.

38      Au cours de l’audience, le Tribunal a ordonné à la Commission, sur la base de l’article 65, sous b), et de l’article 67, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, de produire, dans un délai de trois semaines à compter de la date d’audience, les notes internes relatives aux entretiens téléphoniques, qui avaient eu lieu de septembre 1998 à avril 1999 entre ses services et Chisso.

39      L’ordonnance du Tribunal, actée au procès-verbal d’audience, a été signifiée aux parties le 13 février 2007.

40      La Commission a déféré à la demande du Tribunal dans les délais impartis.

41      Conformément à l’article 67, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, les documents transmis par la Commission n’ont pas été communiqués à la requérante pendant la vérification, par le Tribunal, de leur caractère confidentiel ainsi que de leur pertinence pour la solution du litige.

42      Le 30 avril 2007, la procédure orale a été close.

43      Le 11 mai 2007, les parties ont été informées de la décision du Tribunal de retirer du dossier les notes internes visées au point 38 ci-dessus et de les renvoyer à la Commission.

44      Hoechst conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la Décision pour ce qui la concerne ;

–        à titre subsidiaire, ramener le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la Décision à un niveau approprié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner Hoechst aux dépens.

 En droit

46      Le recours de Hoechst repose sur treize moyens.

47      Il y a lieu de relever à cet égard que, contrairement à ce que soutient la Commission, la lecture des arguments avancés permet de déterminer la portée des moyens avancés par Hoechst au soutien de ses conclusions.

48      Ainsi, les premier et quatrième moyens visent à obtenir l’annulation de la Décision, dans son ensemble, pour ce qui concerne Hoechst.

49      Le treizième moyen vise, quant à lui, à obtenir une annulation partielle du dispositif de la Décision, à savoir son article 2, pour ce qui concerne Hoechst.

50      Les autres moyens avancés visent, quant à eux, à obtenir une réduction de l’amende.

I –  Sur les moyens tendant à l’annulation de la Décision dans son ensemble pour ce qui concerne Hoechst

51      Par son premier moyen, Hoechst conteste le refus de la Commission de lui accorder un accès à des documents à décharge. Dans le cadre de son quatrième moyen, Hoechst met en avant le fait que le dossier du conseiller-auditeur est incomplet.

A –  Sur le premier moyen, tiré du refus d’accès à des documents à décharge

1.     Résumé de la procédure administrative et de la Décision

52      Lors d’une réunion qui s’est tenue le 13 novembre 1998 entre Chisso et la Commission, l’un des fonctionnaires de la Commission en charge du dossier a assuré à cette entreprise qu’« un avertissement loyal [lui] serait donné si une autre entreprise essayait de devancer Chisso au titre de la communication sur la coopération ».

53      Le 9 décembre 1998, les services de la Commission ont recueilli le témoignage oral du représentant de Chisso dans l’entente.

54      Le 5 mars 1999, Nutrinova a demandé, lors d’un entretien téléphonique avec les services de la Commission, qu’une réunion soit organisée. Cette demande n’a pas été suivie d’effet.

55      Le 20 décembre 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE et a adressé une communication des griefs aux entreprises destinataires de la Décision. À cette même date, lesdites entreprises ont eu accès au dossier, sous la forme de deux CD-ROM contenant une copie complète des documents, à l’exclusion des secrets d’affaires et des autres informations confidentielles (considérants 22 et 23 de la Décision).

56      Le compte rendu de la réunion du 13 novembre 1998, établi par la Commission, figurait dans le dossier.

57      Par lettre en date du 22 janvier 2003, adressée au conseiller-auditeur, Hoechst a demandé, avec Nutrinova, par l’intermédiaire de leurs conseils, à avoir accès aux documents internes se rapportant aux contacts téléphoniques entre la Commission et Chisso, entre septembre 1998 et la fin du mois d’avril 1999. Elles demandaient également à avoir accès à une lettre de Chisso en date du 17 décembre 2002, figurant au dossier dans une version non confidentielle.

58      S’agissant des documents internes se rapportant aux contacts téléphoniques entre la Commission et Chisso, les conseils de Hoechst et de Nutrinova rappelaient les termes du compte rendu de la réunion du 13 novembre 1998 et précisaient ce qui suit :

« C’est un point essentiel pour nos clients de savoir si, et dans quelle mesure, des contributions ont été provoquées par des fonctionnaires de la Commission pendant que nos clients étaient en train de coopérer avec elle. »

59      S’agissant de la lettre de Chisso en date du 17 décembre 2002, les conseils de Hoechst et de Nutrinova relevaient en particulier qu’une annexe à cette lettre, à savoir une lettre du 26 mars 1999, était intitulée « [À] la Commission concernant la coopération de Chisso avec la direction générale de la concurrence ». Ils ajoutaient ce qui suit :

« Tous les arguments relatifs à la coopération de Chisso ou – de façon plus importante – toutes les allusions qui se rapporteraient aux contacts que Chisso a eus à cette époque avec les fonctionnaires de la Commission pourraient être particulièrement pertinents pour la défense de nos clients. »

60      Par lettre en date du 24 février 2003, le conseiller-auditeur n’a pas accédé aux demandes formulées dans la lettre en date du 22 janvier 2003.

61      Le conseiller-auditeur a précisé, à cet égard, que les notes concernant les conversations téléphoniques entre Chisso et la Commission étaient des documents internes et, à ce titre, non accessibles. En l’absence de preuve contraire décisive, il y aurait lieu de présumer que la Commission a réalisé une analyse objective des informations utiles pour Hoechst. Par ailleurs, s’agissant de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 (et de celle du 26 mars 1999 reprise en annexe à cette lettre), le conseiller-auditeur relevait que Chisso avait demandé à ce que ces documents soient traités de façon confidentielle.

62      Le 7 mars 2003, Hoechst a réitéré, avec Nutrinova, par l’intermédiaire de leurs conseils, les demandes contenues dans la lettre du 22 janvier 2003, dans le cadre de leur réponse à la communication des griefs. Plus particulièrement, Hoechst a insisté, avec Nutrinova, pour obtenir un accès au dossier en développant des arguments relatifs à l’inégalité de traitement qui aurait eu lieu durant la procédure.

63      Le 23 septembre 2003, le conseiller-auditeur a présenté son rapport final dans cette affaire (JO 2005, C 173, p. 5). Dans ce rapport, il a relevé notamment :

« […] j’ai informé les parties par lettre en date du 24 février 2003 que l’accès supplémentaire au dossier ne serait pas accordé à cette étape de la procédure. J’ai expliqué que les notes des conversations téléphoniques entre les parties et les fonctionnaires de la Commission sont des documents internes de la Commission et en principe, non communicables. Dans ce cas particulier, la Commission avait exceptionnellement rendu accessibles quelques-unes des notes internes et y avait fait référence dans la communication des griefs, afin d’expliquer les faits et les dates des réunions que la Commission avait tenues avec les différents destinataires. En ce qui concerne les lettres de Chisso, ce[tte] derni[ère] avait demandé le traitement confidentiel de ces lettres et un accès aux résumés non confidentiels de celles-ci avait été fourni. »

64      Une note en bas de page insérée sous cet alinéa précisait :

« [L’avocat] de Chisso, par la suite après l’audition et en réponse à ma demande visant à reconsidérer la nature confidentielle de la lettre envoyée à la Commission le 26 mars 1999, a confirmé son point de vue selon lequel ce document [contenait des] secrets d’affaires et ainsi était en soi confidentiel. »

65      Le conseiller-auditeur a ensuite relevé dans son rapport final :

« [À la] suite [d]es réclamations introduites par Hoechst et Nutrinova, j’ai prêté une attention particulière aux conclusions de la Commission sur la question de la clémence dans le projet de décision. J’ai également examiné les notes internes des services de la Commission dans la mesure où [celles]-ci existent. Les inquiétudes exprimées par Hoechst et Nutrinova sont en grande partie rendues sans objet par les conclusions exposées dans le projet de décision sur la question de la clémence. De plus, je suis satisfait que les actions des services de la Commission vis-à-vis des parties n’ont eu aucun impact sur les résultats du cas sur cette question. Je confirme également qu’aucun accès supplémentaire au dossier n’a été exigé afin de satisfaire les droits de la défense de Hoechst. Ni les documents internes de la Commission ni les documents donnés par Chisso ne fournissent [de] preuve à charge ou à décharge supplémentaire qui serait exigée pour être mise à la disposition de Hoechst. »

66      Le 1er octobre 2003, la Commission a adopté la Décision et a répondu, dans ses considérants 26 et 27, aux demandes formulées par Hoechst de la façon suivante :

« 26. En ce qui concerne les documents ou parties de documents fournis par Chisso et pour lesquels elle a demandé la protection en tant que ‘secrets d’affaires’, le fait de ne pas les communiquer aux autres parties protège les intérêts commerciaux légitimes de cette société. Cette protection empêche les autres parties d’obtenir des renseignements stratégiques sur les intérêts commerciaux de Chisso et sur l’exploitation et le développement de ses activités, conformément à l’article 20 du règlement n° 17 et à la communication de la Commission relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d’accès au dossier dans les cas d’application des articles 85 et 86 du traité CE, des articles 65 et 66 du traité CECA et du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil.

27. Deuxièmement, en ce qui concerne l’accès aux documents internes de la Commission, conformément à une jurisprudence bien établie, la Commission n’est pas obligée, pour assurer le respect des droits de la défense, de donner accès à ses documents internes pendant la procédure. De surcroît, en ce qui concerne les contacts avec les entreprises dans le cadre de leur coopération, la Commission considère que le raisonnement de Hoechst est fondé sur des prémisses fondamentalement erronées. Un accès supplémentaire aux documents internes de la Commission n’améliorerait en rien les droits de la défense des entreprises ni ne contribuerait à déterminer quelle était la première entreprise à lui fournir des preuves déterminantes. En fait, la présente appréciation se fera exclusivement sur la base des documents fournis par les entreprises et auxquels les parties ont eu accès. »

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

67      Hoechst indique que ce n’est qu’à la lecture de la communication des griefs qu’elle a remarqué que, au début de la procédure, plus ou moins parallèlement à elle, Chisso avait coopéré avec la Commission en invoquant la communication sur la coopération de 1996. Dans le même temps, les documents auxquels Hoechst a eu accès lui auraient permis de découvrir des irrégularités dans la procédure administrative. Hoechst souligne à cet égard qu’elle remet en cause, dans le huitième moyen, le fait que les premiers éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ont été fournis par Chisso le 13 novembre 1998.

68      Dans le cadre de son premier moyen, premièrement, Hoechst conteste le refus d’accès à des documents internes relatifs aux contacts entre la Commission et Chisso. Deuxièmement, Hoechst conteste le refus d’accès à une lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes. Troisièmement, Hoechst met en avant le fait que la Commission n’aurait pas accédé à sa requête d’exécuter de nouvelles enquêtes. Par ailleurs, Hoechst demande que des mesures d’organisation de la procédure soient prises.

 Sur le refus d’accès à des documents relatifs aux contacts entre la Commission et Chisso

69      La Commission aurait refusé à Hoechst l’accès à certains documents transmis par Chisso ainsi qu’à des notes rédigées par la Commission concernant les rencontres et les contacts téléphoniques avec Chisso. Si Hoechst avait pu les consulter, elle aurait pu se faire une idée complète des contacts entre la Commission et Chisso et aurait pu, par conséquent, prouver plus facilement que c’était elle, et non Chisso, qui avait été la première, dans le temps et quant au contenu, à produire des preuves déterminantes de l’existence de l’entente et qui aurait donc dû obtenir une réduction de son amende. Hoechst aurait aussi pu mieux démontrer que les actes de coopération de Chisso avaient été influencés par des informations de la Commission.

70      Renvoyant aux arrêts du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission (T‑36/91, Rec. p. II‑1847, point 69), du 28 avril 1999, Endemol/Commission (T‑221/95, Rec. p. II‑1299, point 65), et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission (T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 334), Hoechst souligne que le droit de consulter le dossier est l’une des garanties fondamentales du droit communautaire en matière de procédure, destinées à protéger les droits de la défense des destinataires d’une communication des griefs. Le droit d’accès au dossier devrait notamment garantir un exercice effectif du droit d’être entendu, puisqu’il donnerait la possibilité de connaître et d’apprécier les preuves utilisées par la Commission dans sa communication des griefs, et si possible de les réfuter dans la réponse. Le devoir de la Commission serait de donner accès, en principe, à la totalité du dossier. Il n’en irait autrement que pour les documents internes de la Commission, ainsi que pour les pièces contenant des secrets d’affaires de tiers.

71      Hoechst indique également que le principe d’égalité des armes implique que la Commission ne puisse pas décider seule si, et dans quelle mesure, elle accordera l’accès aux pièces qu’une partie pourrait utiliser comme éléments à décharge. Il y aurait une atteinte aux droits de la défense s’il était possible de démontrer que la procédure administrative aurait pu avoir une autre issue dans l’hypothèse où Hoechst aurait obtenu l’accès aux documents à décharge concernés. Pour les pièces ne se trouvant pas dans le dossier, Hoechst devrait avoir demandé expressément à consulter les pièces en question.

72      En l’espèce, Hoechst aurait souligné très clairement que toutes les notes concernant des entretiens téléphoniques ayant eu lieu de septembre 1998 à avril 1999 entre les représentants de la Commission et Chisso étaient importantes pour sa défense, car elles pouvaient être des documents à décharge, en permettant de démontrer le manque d’impartialité dans la conduite de la procédure à cette époque.

73      Les parties du dossier qui ont pu être consultées par Hoechst permettraient de constater une inégalité de traitement à son détriment par rapport à Chisso.

74      Premièrement, la Commission aurait accordé à Chisso, en automne 1998, ce qu’elle refusait simultanément à Hoechst, à savoir la reconnaissance de dépositions orales de témoins comme actes de coopération. Dans le même temps, la Commission aurait activement invité Chisso à des réunions avec elle, alors qu’elle refusait les mêmes réunions à Hoechst. En particulier, une note interne de la Commission du 9 novembre 1998 indiquerait que « [l]es avocats [de Chisso avaie]nt au moins été d’accord pour tenir les réunions convenues, à la suite d’appels de la direction générale de la concurrence ». Ces appels téléphoniques répétés de la Commission révéleraient la manière partisane dont celle-ci aurait conduit la procédure.

75      Deuxièmement, il serait en outre établi que pendant cette période déterminante de la procédure, c’est-à-dire à la fin de 1998, Chisso aurait obtenu illégalement la promesse de la part de la Commission qu’elle serait « avertie » si d’autres entreprises la devançaient en matière de coopération. De tels avertissements partiaux seraient non seulement illicites en eux-mêmes, mais également pertinents pour la défense de Hoechst. En effet, cette défense dépendrait essentiellement du point de savoir si, et dans quelle mesure, la Commission a donné à Chisso de tels « avertissements » ou indications au sujet de l’état de la coopération fournie par Hoechst. De plus, selon une jurisprudence constante, le principe de bonne administration comprendrait l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 99). Même à supposer que Chisso n’ait pas été avertie par la Commission, cela laisserait intact le grief tiré du fait que cette dernière s’est en tout état de cause déclarée prête à donner un tel avertissement. Cette seule violation du principe de bonne administration suffirait à justifier l’octroi à Hoechst d’un droit d’accès élargi au dossier afin de préserver ses droits de la défense.

76      Dans ces conditions, tous les documents ayant trait aux contacts entre les avocats de Chisso et les fonctionnaires de la Commission en charge de cette affaire seraient importants pour la défense de Hoechst, en tant que documents à décharge. Hoechst aurait exposé ce point de vue à plusieurs reprises, tant par écrit (à l’attention du conseiller-auditeur et du chef de division de la Commission responsable de l’affaire) que lors de l’audition du 24 avril 2003.

77      Or, le conseiller-auditeur a rejeté ces demandes, par la lettre du 24 février 2003 adressée aux conseils de Hoechst et de Nutrinova, en précisant notamment ce qui suit :

« En l’absence de preuves contraires décisives, il faut supposer que la Commission a apprécié de façon objective les informations qui sont utiles à vo[s] client[s] à cet égard. Votre lettre ne contient aucune preuve convaincante du contraire. En outre, la raison (citée ci-dessus) donnée pour cette demande d’accès supplémentaire au dossier n’est pas une raison appropriée pour accorder l’accès aux pièces ; plus précisément, elle n’est pas pertinente pour la question de l’application de la communication sur la coopération à ce cas. »

78      Ces arguments montreraient que le conseiller-auditeur, dont les actes sont imputables à la Commission, aurait méconnu ses compétences et ses devoirs en tant que gardien du respect des droits de la défense. Conformément à la jurisprudence, on pourrait seulement attendre d’une partie qui demande un plus ample accès au dossier qu’elle établisse par des arguments pertinents quels documents peuvent présenter un intérêt pour sa défense et pour quelle raison (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 70 supra, point 335). L’appréciation de l’intérêt pour la défense devrait se placer dans la perspective de la partie qui se défend et ni l’agent de la Commission en charge de l’affaire ni le conseiller-auditeur ne seraient compétents pour décider quels documents peuvent servir à la défense en tant que documents à décharge.

79      Se référant également à l’arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T‑30/91, Rec. p. II‑1775, points 81 et 83), Hoechst souligne que lorsqu’une affaire nécessite de porter des appréciations économiques difficiles et complexes, la Commission doit faire en sorte que les destinataires d’une décision puissent avoir la même connaissance des faits qu’elle-même et que les autres parties concernées. Ce principe vaudrait également pour les documents internes de la Commission portant sur les contacts avec Chisso, auxquels Hoechst a demandé à avoir accès afin de préserver ses droits. Renvoyant à l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission (T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 40), Hoechst indique que les documents internes de la Commission doivent être communiqués lorsque des indices sérieux ont été fournis montrant que les circonstances exceptionnelles de l’espèce l’exigent. L’accès à des documents internes de la Commission devrait être autorisé lorsqu’ils servent à prouver une violation du principe de légalité par la Commission (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 156/84, Rec. p. 1899, point 11).

80      S’agissant de la référence faite par le conseiller-auditeur à l’application en l’espèce de la communication sur la coopération de 1996, Hoechst relève qu’il ne peut pas appartenir au conseiller-auditeur de prévoir la future motivation de la décision de la Commission et de fonder ses décisions de procédure sur cette future motivation. Il ne pourrait ni savoir ni décider quels seront les motifs adoptés par le collège des membres de la Commission, et il n’aurait ni la compétence ni le droit de décider seul de l’intérêt que peuvent présenter, pour la défense, des documents potentiellement à décharge (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 70 supra, point 339).

81      Dans ce contexte, Hoechst demande au Tribunal l’adoption de mesures d’organisation de la procédure consistant à ordonner à la Commission de la mettre ainsi que le Tribunal en mesure de consulter, dans leur version intégrale, tous les documents se trouvant dans le dossier, ou se trouvant autrement en la possession de la Commission, et permettant de savoir quel était le contenu des contacts entre les avocats de Chisso et les représentants de la Commission entre septembre 1998 et avril 1999. Par ailleurs, à titre de mesure d’instruction, Hoechst demande que soient cités comme témoins les deux fonctionnaires de la Commission en charge de l’affaire à l’époque.

 Sur le refus d’accès à une lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes

82      Hoechst indique qu’elle a déjà fait valoir, avant l’adoption de la Décision, qu’une lettre des avocats de Chisso du 17 décembre 2002, se trouvant dans le dossier, mais dont le contenu était presque entièrement masqué, aurait dû figurer non masquée dans le dossier. Hoechst aurait souligné que les annexes de cette lettre, y compris une lettre du 26 mars 1999, qui, selon le résumé de son contenu, traitait de la coopération de Chisso avec la Commission, étaient d’un grand intérêt pour sa défense.

83      Dans la mesure où ce document, comme il pourrait en être déduit du dossier accessible, ne se rapportait qu’à des contenus ou à des questions juridiques relatifs à la coopération de Chisso et à son appréciation, Hoechst considère qu’il n’existe pas de juste motif permettant d’en empêcher la consultation.

84      Hoechst ajoute que la lettre de Chisso pourrait contenir des éléments à charge (par exemple, dans le cas où Chisso l’aurait accusée d’avoir été un meneur de l’entente) et la Commission aurait dû alors y donner accès immédiatement et spontanément. Inversement, en cas d’indices de discriminations telles que les irrégularités de procédure de la Commission signalées précédemment, la lettre de Chisso pourrait avoir un effet à décharge. Dans ce cas, cette lettre aurait dû être transmise au plus tard à la demande de Hoechst.

85      Dans ce contexte, il serait indifférent qu’une des parties à la procédure ait demandé ou non le traitement confidentiel des documents en question. La Commission devrait examiner d’office et objectivement le caractère confidentiel des éléments de son dossier. Hoechst précise à cet égard que l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 prévoit que la Commission ne peut donner suite qu’à des demandes justifiées de traitement confidentiel de secrets d’affaires.

86      Selon Hoechst, seules des données commerciales telles que les chiffres d’affaires ou les parts de marché de périodes non historiques auraient pu justifier de masquer – mais seulement en partie – la lettre de Chisso.

87      Se référant à l’arrêt Endemol/Commission, point 70 supra (point 65), Hoechst souligne que la protection d’informations confidentielles doit être mise en balance avec les droits de la défense des destinataires de la communication des griefs. Les destinataires de la communication des griefs devraient être mis en mesure de déterminer, en connaissance de cause, si les documents décrits sont susceptibles d’être pertinents pour leur défense (arrêt ICI/Commission, point 70 supra, point 104). En l’espèce, Hoechst soutient que la possibilité de se défendre s’en est trouvée restreinte dans la mesure où elle n’a pas pu clarifier certaines questions déterminantes en matière de procédure et de faits.

88      En particulier, dans la mesure où Hoechst conteste le fait que Chisso a été la première à fournir des éléments de preuve déterminants, la lettre de Chisso du 26 mars 1999 qui, comme le montrerait son résumé, portait sur la coopération de Chisso avec la Commission, aurait éventuellement permis de tirer des conclusions quant au contenu et à la date des actes d’une telle coopération, en particulier avant le 29 octobre 1998.

89      Dans ce contexte, Hoechst demande au Tribunal l’adoption de mesures d’organisation de la procédure consistant à ordonner à la Commission de mettre à la disposition du Tribunal et de Hoechst la lettre des avocats de Chisso à la Commission, du 17 décembre 2002, dans sa version intégrale avec ses annexes. Par ailleurs, à titre de mesure d’instruction, Hoechst demande que soient cités comme témoins, par l’intermédiaire de la Commission, les deux fonctionnaires en charge de l’affaire à l’époque.

90      Dans sa lettre du 16 juin 2006, en réponse à une question écrite du Tribunal par laquelle elle avait été invitée à présenter des observations complémentaires sur les documents transmis antérieurement par la Commission, dont notamment la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes (voir point 34 ci-dessus), Hoechst fait valoir que des éléments de preuves ont été écartés et que des irrégularités ont entaché la procédure administrative.

91      S’agissant des éléments de preuve qui auraient été écartés, premièrement, Hoechst considère que la lettre des conseils de Chisso à la Commission, du 11 janvier 1999, dont la consultation serait à présent possible pour la première fois, constitue un document à décharge.

92      Cette lettre montrerait que, le 3 novembre 1998, soit plusieurs jours après la demande d’immunité de Hoechst, Chisso aurait cherché à obtenir confirmation qu’aucune autre entreprise n’offrait sa coopération avant elle.

93      Cela prouverait que, à cette date, Chisso n’avait pas présenté de demande d’immunité auprès de la Commission. Chisso n’aurait présenté une demande d’immunité qu’à partir du 11 janvier 1999, comme il ressortirait des termes mêmes de cette lettre. Il ne serait cependant pas possible de suppléer à un défaut de demande d’immunité. Cet élément n’aurait pas été relevé dans la Décision et serait de nature à confirmer que Hoechst avait été la première entreprise à coopérer avec la Commission.

94      Deuxièmement, Hoechst estime que la lettre de Chisso à la Commission, du 26 mars 1999, constitue également un document à décharge.

95      Selon Hoechst, cette lettre montre que, au moment de son envoi, les déclarations écrites que la Commission avait demandées à Chisso n’avaient toujours pas été présentées.

96      Tout d’abord, Hoechst relève, à cet égard, que des délais supplémentaires ont été accordés à Chisso de façon informelle, ce qui ne serait pas prévu par la communication sur la coopération de 1996.

97      Ensuite, s’il manquait encore des pièces à la date du 26 mars 1999, il ne serait pas possible de considérer, contrairement à ce qui serait exposé au point 458 de la Décision, que la Commission disposait de la preuve de l’existence de l’entente sur la base de la coopération fournie par Chisso. La Commission aurait donc donné des engagements illicites à Chisso et les aurait également tenus en lui accordant ultérieurement une immunité d’amende.

98      Hoechst rappelle également qu’elle a fourni à la Commission des éléments de preuve documentaires le 19 mars 1999, alors même que ses employés risquaient encore d’être pénalement poursuivis aux États-Unis et que la communication sur la coopération de 1996 exigeait seulement de prouver l’existence de l’entente, ce que Hoechst aurait fait dès le 29 octobre 1998.

99      S’agissant des irrégularités qui entacheraient la procédure administrative, Hoechst souligne que la Commission, au point 461 de la Décision, a refusé d’admettre qu’elle avait été la première à coopérer au motif qu’elle disposait de documents sans les produire, alors qu’il aurait été convenu que, compte tenu de la procédure pendante aux États-Unis, Hoechst aurait pu fournir ces documents à un stade ultérieur.

100    Dans le même temps, comme le démontrerait la lettre du 26 mars 1999, la Commission aurait manifestement accordé des « délais supplémentaires » à Chisso pour présenter des documents. Par ailleurs, les documents produits par Chisso en avril 1999 auraient pu être fournis plus tôt. Dès lors, la coopération de Chisso aurait dû être écartée pour les mêmes motifs que ceux retenus à l’encontre de Hoechst.

101    Or, aucun défaut de coopération n’aurait été reproché à Chisso en dépit d’une situation strictement comparable. Cela constituerait une inégalité de traitement au détriment de Hoechst.

 Sur la demande d’exécution de nouvelles enquêtes

102    Hoechst indique que, dans sa lettre du 22 janvier 2003 adressée au conseiller-auditeur, elle avait demandé à ce que des enquêtes supplémentaires soient réalisées dans les locaux de la Commission par le biais d’interrogations de témoins. Cette demande, sans pour autant faire l’objet d’un refus de la part du conseiller-auditeur ou de la Commission, serait restée sans suite, puisque l’enquête demandée n’aurait apparemment pas été réalisée. Dans la mesure où cette enquête était déterminante pour le contenu de la Décision, pour les raisons exposées dans le présent moyen, la Commission aurait commis une violation du principe de bonne administration.

b)     Arguments de la Commission

 Sur le refus d’accès à certains documents

103    La Commission souligne que Hoechst ne nie pas qu’un accès à certains documents puisse en principe être refusé, dès l’instant où ces documents sont internes ou contiennent des secrets d’affaires.

104    Dans ce contexte, premièrement, la Commission précise que le conseiller-auditeur a accordé une « attention particulière » à ses conclusions dans son projet de décision, relatives à la question du bénéfice d’un traitement favorable en matière d’amende. Il aurait « également » examiné les notes internes de la Commission avant de se déclarer convaincu que « les actions des services de la Commission vis-à-vis des parties n’[avaient] eu aucun impact sur les résultats du cas sur cette question ».

105    Deuxièmement, la Commission indique que les premiers éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ont été fournis par Chisso lors de la réunion du 13 novembre 1998. La détermination de l’entreprise qui a été la première à fournir des preuves décisives à la Commission se serait opérée exclusivement sur la base des documents produits par les entreprises, auxquels les parties ont eu accès. Dès lors, l’avertissement promis à Chisso lors de cette réunion du 13 novembre 1998 n’aurait logiquement pas pu influer sur la détermination de l’entreprise qui a été la première à coopérer. Il en découlerait simultanément que les critiques concernant le déroulement de la procédure après cette date ne pouvaient pas avoir la moindre importance à cet égard. Cela vaudrait également pour les griefs relatifs au refus d’accès à la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 et à ses annexes.

106    Troisièmement, Hoechst n’aurait pas davantage réussi à faire naître des doutes sérieux sur l’objectivité de la conduite de la procédure par la Commission, susceptibles de justifier un accès élargi à ses documents internes.

107    La Commission indique, à cet égard, que la possibilité offerte à Chisso, le 9 décembre 1998, de présenter ses observations par oral a uniquement servi à expliquer les preuves écrites présentées le 13 novembre 1998. En revanche, la réunion proposée par Hoechst au téléphone le 5 mars 1999 aurait visé à substituer un témoignage oral à des preuves écrites existantes.

108    En ce qui concerne le « refus » d’accepter la réunion proposée par Hoechst, la Commission indique qu’il s’agissait davantage, de sa part, d’un rappel général des conditions d’application de la communication sur la coopération de 1996 que d’un refus définitif de tout nouveau contact avec Hoechst. La Commission précise également que sa position reposait sur une appréciation provisoire, d’une part, de la volonté de coopération de Hoechst, qui n’aurait pas été disposée à collaborer totalement avant l’issue des procédures pénales et civiles pendantes aux États-Unis, et, d’autre part, de la valeur probante des informations transmises jusqu’à cette date par Hoechst à la Commission. Comme Hoechst n’aurait pas annoncé qu’elle était disposée, au moment de la rencontre demandée, à coopérer totalement avec la Commission et à donner des informations d’une nature différente de celles qu’elle avait déjà fournies, cela n’aurait eu aucun sens, ni pour la Commission ni pour Hoechst, d’organiser une nouvelle rencontre.

109    En ce qui concerne le fait que la Commission aurait activement invité Chisso à des réunions et organisé celles-ci, la Commission précise qu’elle s’est contentée, par son appel téléphonique, de réagir à une initiative de Chisso. Il aurait été convenu, lors de la réunion du 29 septembre 1998, que les avocats prendraient l’initiative d’une nouvelle réunion avec la Commission dans un délai de deux semaines. Comme ceux-ci ne se seraient pas manifestés dans le délai convenu, la Commission aurait repris contact pour vérifier si les avocats souhaitaient encore la rencontrer.

110    La Commission ajoute que le bon fonctionnement de l’institution concernée dans le domaine de la concurrence dépendrait notamment de l’efficacité de la communication sur la coopération et donc de la confiance des entreprises qui coopèrent en la confidentialité des contacts qu’ils établissent à cet égard. Il conviendrait donc de réfuter l’affirmation de Hoechst selon laquelle son intérêt à établir l’existence d’éventuels vices de procédure primerait le bon fonctionnement de l’institution. Dans ce contexte, l’arrêt Solvay/Commission, point 79 supra, ne serait d’aucune utilité à Hoechst pour surmonter l’absence de circonstances exceptionnelles en l’espèce. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Solvay/Commission n’aurait pas porté sur des notes internes de la Commission, mais seulement sur des documents confidentiels d’une partie. Par ailleurs, les faits sur lesquels il aurait été statué dans cet arrêt seraient très différents de ceux de la présente affaire, qui ne porterait pas sur des appréciations économiques difficiles et complexes.

111    Enfin, renvoyant à l’arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 70 supra (point 340), la Commission souligne que, lorsque des documents qui auraient pu contenir des éléments à décharge n’ont pas été communiqués à une partie, une violation des droits de la défense ne pourra être constatée que s’il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l’hypothèse où cette partie aurait eu accès aux documents en question au cours de cette procédure. Cela serait toutefois exclu en l’espèce en ce qui concerne le fait que Chisso a été la première entreprise à coopérer par sa contribution du 13 novembre 1998.

112    Dans sa réponse du 5 septembre 2006, à une question écrite du Tribunal, la Commission a fait les commentaires suivants sur les observations complémentaires de Hoechst communiquées le 16 juin 2006 (voir points 34 et 90 à 101 ci-dessus).

113    S’agissant, premièrement, de la lettre de Chisso en date du 11 janvier 1999, la Commission indique que ce document était déjà accessible durant la procédure administrative, de sorte qu’il ne saurait en aucun cas être qualifié d’élément de preuve auquel elle n’avait pas donné accès.

114    En tout état de cause, la Commission précise que le titre E, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996 oblige les entreprises à « prendre contact » avec sa direction générale de la concurrence. Bien que, dans la version allemande de cette disposition, le terme « demandeur » (Antragsteller) soit utilisé dans ce contexte, il ne serait pas nécessaire d’introduire une demande formelle. Hoechst n’aurait d’ailleurs pas, elle-même, formulé une « demande » dans sa lettre du 27 octobre 1998.

115    Concernant la question de savoir quelle est l’entreprise qui a été la première à coopérer au sens du titre B de la communication sur la coopération de 1996, la Commission considère que ce n’est pas la date de la « demande » qui est déterminante. L’important serait de savoir quelle entreprise « est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ». Par ailleurs, les termes employés dans la lettre du 11 janvier 1999 montreraient que Chisso présumait manifestement que sa coopération avait déjà commencé.

116    S’agissant, deuxièmement, de la lettre de Chisso en date du 26 mars 1999, la Commission souligne que ce document porte uniquement sur des questions relatives aux délais qui avaient été imposés à Chisso, et non à Hoechst, pour produire d’autres documents, à un moment où Chisso avait déjà rempli les conditions d’application du titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 grâce à sa contribution du 13 novembre 1998. Hoechst ferait donc une erreur lorsqu’elle prétend que ce document est à sa décharge. Cela ne saurait être le cas, puisqu’il ne porterait sur aucune des raisons pour lesquelles Hoechst ne peut bénéficier du titre B de la communication sur la coopération de 1996, qui sont indiquées aux considérants 455 à 464 de la Décision, et que la Commission rappelle.

117    Le fait que Chisso soit considérée comme étant la première entreprise à avoir coopéré ne reposerait pas sur les observations transmises par cette dernière le 20 avril 1999, mais sur les documents fournis le 13 novembre 1998. Les prolongations de délai n’auraient donc pas eu pour effet d’attribuer rétroactivement la primeur de la coopération à Chisso.

118    Si l’intention de Hoechst est d’affirmer qu’il ressort de ce document que Chisso ne remplissait pas davantage les conditions d’application du titre B, sous d), de la communication sur la coopération de 1996, la Commission considère que son argument ne peut être accueilli, puisque nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 373). Qui plus est, même si Chisso devait effectivement perdre le bénéfice du titre B de la communication sur la coopération de 1996, cela n’aurait aucune répercussion sur Hoechst.

119    La Commission ajoute que les éléments nécessaires aux fins d’appliquer le titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 sont ceux qui sont déterminants pour prouver l’existence de l’entente. Contrairement à l’opinion de Hoechst, les éléments qui mettent seulement la Commission en mesure de procéder à une vérification ne seraient pas suffisants.

120    Il serait exact que les informations fournies oralement ne sont pas exclues a priori. Toutefois, elles ne seraient pas pertinentes en elles-mêmes dans le cadre de l’application du titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 et ne le deviendraient qu’à partir du moment où elles seraient enregistrées sur des supports adéquats (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 505).

121    L’établissement d’un procès-verbal à ce propos par la Commission aurait dû lui être expressément demandé (arrêt BASF/Commission, point 120 supra, point 502), en tout cas aussi longtemps que cela n’était pas proposé par la Commission dans le cadre de sa pratique administrative. En outre, le procès-verbal ne pourrait contribuer à prouver l’existence de l’entente que si la Commission pouvait établir l’authenticité de la déclaration.

122    S’agissant, troisièmement, des irrégularités qui auraient entaché la procédure administrative, Hoechst tirerait de la lettre du 26 mars 1999 que Chisso ne remplissait pas non plus les conditions d’application du titre B, sous d), de la communication sur la coopération de 1996. Cet argument devrait être rejeté au motif que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui.

123    En outre, la question de savoir si les conditions d’application du titre B, sous d), de la communication sur la coopération de 1996 sont remplies doit, selon la Commission, être tranchée cas par cas. L’un des éléments importants dans ce contexte serait de savoir si le comportement de l’entreprise concernée a entraîné un retard de la procédure loin d’être négligeable. Si l’on considère la procédure dans son ensemble, il serait évident que tel n’était pas le cas en l’espèce. La Commission souligne également que Hoechst n’a transmis la deuxième partie de ses observations qu’en avril 1999, quelques jours après le dépôt par Chisso de ses propres déclarations (qualifiées de tardives par Hoechst).

124    Enfin, la Commission conteste certaines affirmations factuelles contenues dans les observations de Hoechst.

 Sur la demande d’exécution de nouvelles enquêtes

125    La Commission fait valoir qu’une enquête a bel et bien eu lieu, mais qu’elle n’a pas donné de résultats favorables à Hoechst. Le fonctionnaire en charge de l’affaire à l’époque aurait notamment été interrogé et aurait confirmé que Chisso n’avait pas reçu d’avertissement concernant l’éventualité qu’elle soit devancée en matière de coopération. Il n’y aurait pas eu de mise en garde de Chisso à cet égard. La Commission renvoie sur ce point au considérant 458, in fine, de la Décision.

3.     Appréciation du Tribunal

126    À titre liminaire, il convient d’observer que Hoechst invoque, à plusieurs reprises dans le cadre du premier moyen, une violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement, au soutien de la violation du droit d’accès au dossier. Ces arguments sont par ailleurs de nouveau développés dans le cadre des huitième et neuvième moyens, qui tendent à obtenir une réduction de l’amende.

127    Dans ces conditions, le Tribunal considère qu’il convient d’examiner d’abord ces arguments avant d’analyser, de façon plus spécifique, la violation du droit d’accès au dossier alléguée par Hoechst.

a)     Sur la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement

128    Il convient de rappeler que, lors d’une procédure administrative devant la Commission, celle-ci est tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso Española/Commission, T‑348/94, Rec. p. II‑1875, point 56).

129    Parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, Rec. p. II‑1, point 86, et ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 75 supra, point 99).

130    S’agissant du principe d’égalité de traitement, la Commission ne saurait, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par des entreprises, méconnaître ce principe général du droit communautaire, qui, selon une jurisprudence constante, est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 237, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 453).

131    En l’espèce, premièrement, pour ce qui est de l’allégation de Hoechst selon laquelle la Commission aurait accordé à Chisso, en automne 1998, ce qu’elle lui refusait dans le même temps, à savoir la reconnaissance de contributions orales comme des actes de coopération, et pour les raisons exposées aux points 572 à 578 ci-après, il y a lieu de considérer, d’une part, que, dans la Décision, la Commission retient finalement les contributions orales de Hoechst comme des actes de coopération et, d’autre part, en tout état de cause, que le fait que la Commission ait eu l’intention de ne pas prendre en considération certaines contributions orales résultait de l’incertitude quant à la coopération effective de Hoechst au début de la procédure. Les arguments de Hoechst à cet égard doivent donc être rejetés.

132    Deuxièmement, s’agissant de la note interne de la Commission du 9 novembre 1998, relative notamment à la réunion du 29 octobre 1998, qui précise que « les avocats [...] ont au moins été d’accord pour tenir les réunions convenues, à la suite d’appels de la [direction générale de la concurrence] », il y a lieu de considérer que les entretiens téléphoniques intervenus à l’initiative des services de la Commission découlaient du fait que ces services avaient déjà rencontré, le 29 septembre 1998, les avocats de Chisso, sans qu’il y ait lieu de déterminer si l’identité de Chisso avait été, ou non, officiellement dévoilée. Comme la Commission le relève dans sa note interne du 1er octobre 1998, il avait été convenu que les avocats reprendraient contact avec les services de la Commission dans un délai de quinze jours. Le fait que, dans ce contexte, les services de la Commission les aient relancés, n’est pas de nature à mettre en doute la régularité de la procédure à cet égard.

133    Troisièmement, s’agissant du fait que les demandes d’enquêtes supplémentaires de Hoechst seraient restées sans suite, il y a lieu de constater que la demande de Hoechst, matérialisée par une lettre du 22 janvier 2003 adressée au conseiller-auditeur, s’inscrivait dans le cadre d’une demande d’accès aux documents internes relatifs aux contacts téléphoniques intervenus entre la Commission et Chisso, de septembre 1998 à avril 1999. Plus précisément, Hoechst invitait le conseiller-auditeur à enquêter sur lesdits contacts téléphoniques. Or, il résulte du rapport final du conseiller-auditeur que, « [à la] suite [d]es réclamations introduites par Hoechst et Nutrinova », ce dernier avait « examiné les notes internes des services de la Commission dans la mesure où [celles]-ci exist[aient] ». L’affirmation de Hoechst selon laquelle sa demande serait restée sans suite manque donc en fait.

134    Quatrièmement, concernant l’allégation selon laquelle une attitude partiale ou une inégalité de traitement aurait existé dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération de 1996, il y a lieu de relever que la Commission indiquait, dans une note interne du 9 novembre 1998 renvoyant aux premières réunions tenues avec Chisso et Hoechst, ce qui suit :

« Nous ne les avons bien évidemment pas informés [c’est-à-dire les avocats de Chisso] que d’autres entreprises fourniss[aient] également des informations, ni informé ces autres entreprises que [...] Chisso a[vait] déposé une demande d’immunité. »

135    Or, il résulte du compte rendu de la réunion du 13 novembre 1998 qui s’est tenue entre Chisso et la Commission, que l’un des fonctionnaires en charge de la présente affaire a indiqué qu’« un avertissement loyal serait donné si une autre entreprise essayait de devancer Chisso au titre de la communication sur la coopération ».

136    Il en résulte, d’une part, que, le 9 novembre 1998, la Commission affichait clairement son intention de ne pas divulguer aux entreprises coopérantes, en particulier à Hoechst, le fait que d’autres entreprises avaient entrepris des démarches auprès de ses services pour obtenir une immunité d’amende alors que, d’autre part, le 13 novembre 1998, soit quelques jours plus tard, elle assurait Chisso qu’elle serait avertie si d’autres entreprises essayaient de la devancer en matière de coopération.

137    Ces éléments amènent le Tribunal à considérer que, en l’espèce, la Commission a méconnu les principes de bonne administration et d’égalité de traitement. Le Tribunal tient à souligner à cet égard que, même si l’affirmation du fonctionnaire en cause lors de la réunion du 13 novembre 1998 ne démontre pas que la promesse faite à Chisso a été réellement mise en œuvre par la suite, elle constitue néanmoins un manquement aux deux principes susmentionnés.

138    Il y a lieu de relever, à ce stade, que Hoechst ne conclut pas à l’annulation de la Décision dans la mesure où la Commission aurait violé les principes de bonne administration et d’égalité de traitement. Toutefois, dès lors que la violation desdits principes a été invoquée au soutien de celle du droit d’accès au dossier, qui sera analysé ci-après, et dans la mesure où les arguments de Hoechst sont de nouveau développés dans le cadre des huitième et neuvième moyens portant sur l’application de la communication sur la coopération de 1996, il convient de s’interroger quant à l’incidence du manquement constaté au point 137 ci-dessus sur le contenu de la Décision.

139    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever que l’illégalité constatée au point 137 ci-dessus n’est pas de nature à remettre en cause l’infraction constatée dans la Décision qui repose, au demeurant, sur des preuves documentaires. Hoechst n’a d’ailleurs avancé aucun argument en ce sens.

140    En deuxième lieu, s’agissant de la coopération des entreprises, il ressort du considérant 440 de la Décision, ce qui suit :

« Lors d’une réunion qui s’est tenue le 13 novembre 1998, Chisso a décrit oralement les activités de l’entente et a fourni des preuves écrites [...] La Commission considère que, à cette occasion, Chisso a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente constatée par la présente décision. »

141    Il s’ensuit que la Commission s’est fondée uniquement sur la description orale des activités de l’entente et sur les preuves écrites transmises lors de la réunion du 13 novembre 1998, et non plus tard, afin de conclure que Chisso avait été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente.

142    Dans ces conditions, à supposer même que Chisso ait été amenée à coopérer davantage avec la Commission, après le 13 novembre 1998, la Commission n’aurait pas pu aboutir à un résultat différent dans la Décision s’agissant de l’application de la communication sur la coopération de 1996, sous réserve de l’examen des huitième et neuvième moyens avancés par Hoechst qui visent à démontrer que, sur le fond, les éléments transmis par Chisso le 13 novembre 1998 n’étaient pas déterminants. Il en irait de même si Hoechst avait été amenée à coopérer davantage, après le 13 novembre 1998, en ayant eu connaissance de la coopération de Chisso.

143    Dès lors, il y a lieu de considérer que l’illégalité constatée au point 137 ci-dessus n’est pas de nature à affecter la validité de la Décision s’agissant, d’une part, de la constatation de l’infraction et, d’autre part, de la primeur de la coopération de Chisso.

144    Indépendamment de la question de l’incidence de l’illégalité constatée au point 137 ci-dessus sur le droit d’accès au dossier qui sera examinée ci-après, et donc de la question de l’incidence de celle-ci sur la validité de la Décision dans son ensemble, et dans la mesure où les arguments avancés par Hoechst sont de nouveau développés dans le cadre des huitième et neuvième moyens visant à obtenir une réduction de l’amende en cause, le Tribunal réserve, à ce stade, sa position quant à une éventuelle réformation de ladite amende.

b)     Sur la violation du droit d’accès au dossier

145    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le droit d’accès au dossier, corollaire du principe du respect des droits de la défense, implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 68, et la jurisprudence citée).

146    S’agissant des éléments à charge, l’entreprise concernée doit démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise devait être écarté comme moyen de preuve à charge. S’agissant des éléments à décharge, l’entreprise concernée doit établir que leur non-divulgation a pu influencer, au détriment de celle-ci, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents à décharge pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans la décision éventuelle, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le niveau de l’amende. La possibilité qu’un document non divulgué ait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission ne peut être établie qu’après un examen provisoire de certains moyens de preuve faisant apparaître que les documents non divulgués ont pu avoir – au regard de ces moyens de preuve – une importance qui n’aurait pas dû être négligée (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, points 73 à 76, et la jurisprudence citée).

147    De plus, il y a lieu de souligner qu’il ne saurait appartenir à la seule Commission, qui notifie les griefs et prend la décision infligeant une sanction, de déterminer les documents utiles à la défense de l’entreprise concernée. Toutefois, il lui est permis d’exclure de la procédure administrative les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication des griefs et qui ne sont, par conséquent, d’aucune pertinence pour l’enquête. Un requérant ne peut utilement invoquer comme moyen d’annulation le défaut de communication de pièces non pertinentes (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 126, et la jurisprudence citée).

148    Enfin, il convient de rappeler qu’une violation du droit d’accès au dossier ne pourrait entraîner une annulation totale ou partielle d’une décision de la Commission que si l’accès irrégulier au dossier d’instruction au cours de la procédure administrative avait empêché la ou les entreprises concernées de prendre connaissance de documents qui étaient susceptibles d’être utiles à leur défense et avait, de la sorte, violé leurs droits de la défense. Tel serait le cas si la divulgation d’un document avait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent dans l’hypothèse où l’entreprise concernée aurait pu s’en prévaloir au cours de ladite procédure (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, points 101 et 131).

149    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si le droit d’accès de Hoechst au dossier a été violé en l’espèce s’agissant, d’une part, de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes et, d’autre part, des documents internes relatifs aux contacts téléphoniques intervenus entre la Commission et Chisso, de septembre 1998 à avril 1999.

 Sur la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes

150    Premièrement, il convient de relever que la Commission a décidé d’intégrer la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, dans une version non confidentielle, au dossier d’instruction accessible aux entreprises parties à la procédure. Dès lors, la Commission considérait nécessairement que ces documents étaient pertinents pour l’enquête.

151    Deuxièmement, la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, n’a pas été utilisée par la Commission dans la Décision afin d’établir que les entreprises concernées avaient commis une infraction. Il ne s’agit dès lors pas d’éléments de preuve à charge.

152    Troisièmement, il convient de constater que Hoechst a effectivement eu accès à la version non confidentielle de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes. Toutefois, ces documents, dans la forme rendue accessible à Hoechst durant la procédure administrative, étaient constitués de 101 pages, dont la quasi-totalité étaient blanches et biffées par la mention « Secrets d’affaires ». Aucune version non confidentielle plus compréhensible, ni même un résumé du contenu de ces documents, n’a été fournie durant la procédure administrative. Seule une liste reprenant la date des documents en cause, l’expéditeur et le destinataire ainsi que, le cas échéant, l’objet, étaient mentionnés dans la lettre de Chisso du 17 décembre 2002. Dans ces conditions, la version non confidentielle de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, dans la forme rendue accessible à Hoechst durant la procédure administrative, s’apparente, en fait, à une absence de divulgation des pièces en question lesquelles, dans la mesure où elles faisaient partie du dossier, étaient pertinentes pour l’enquête.

153    Quatrièmement, il y a lieu de souligner qu’un accès plus adéquat à la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, a été demandé à plusieurs reprises par Hoechst au cours de la procédure administrative. Cet accès lui a été refusé, selon les termes du considérant 26 de la Décision, au motif que Chisso en avait demandé le traitement confidentiel. Or, la Commission ne saurait se référer, de manière générale, à la confidentialité pour justifier le refus total de divulgation des pièces de son dossier (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 1017). En effet, le droit des entreprises et associations d’entreprises à la protection de leurs secrets d’affaires doit être mis en balance avec la garantie du droit d’accéder à la totalité du dossier (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciment », T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 147).

154    Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu de la demande expresse de Hoechst en ce sens, la Commission aurait pu préparer, ou faire préparer, une version non confidentielle des documents en cause ou, le cas échéant, si cela s’avérait difficile, établir une liste des documents concernés ainsi qu’un résumé non confidentiel suffisamment précis de leur contenu.

155    Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu de considérer que l’accès de Hoechst à la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, n’a pas été organisé de façon régulière par la Commission.

156    Toutefois, il convient de rappeler qu’une violation du droit d’accès au dossier ne peut entraîner une annulation totale ou partielle d’une décision de la Commission que si l’accès irrégulier au dossier d’instruction au cours de la procédure administrative a empêché la ou les entreprises concernées de prendre connaissance de documents qui étaient susceptibles d’être utiles à leur défense et a, de la sorte, violé leurs droits de la défense.

157    C’est dans ces circonstances que le Tribunal a adopté les mesures d’organisation de la procédure reprises aux points 32 à 35 ci-dessus et que Hoechst a pu présenter des observations complémentaires sur les documents complets qui avaient ainsi été portés à sa connaissance.

158    Il y a lieu de relever, à cet égard, à titre liminaire, que certains documents contenus dans le dossier d’instruction, en particulier une lettre de Chisso du 11 janvier 1999, ont été produits à la demande du Tribunal dans la mesure où la Décision s’y référait pour constater que Chisso avait fourni, lors de la réunion du 13 novembre 1998, une description orale des activités de l’entente ainsi que des éléments de preuve. Il est par ailleurs constant que ces documents faisaient partie du dossier d’instruction accessible aux parties à la procédure, ce que confirme la Commission dans ses observations sans que ce point ne soit contesté par Hoechst. Dans ces conditions, Hoechst n’est pas fondée à soutenir une violation du droit d’accès au dossier à cet égard.

159    S’agissant de la lettre de Chisso du 17 décembre 2002, avec ses annexes, les observations complémentaires de Hoechst portent spécifiquement sur une de ces annexes, à savoir une lettre de Chisso en date du 26 mars 1999.

160    Il convient de souligner, à cet égard, que la position finale de la Commission quant au fait de savoir quelle entreprise avait été la première à fournir des éléments déterminants a été arrêtée, en l’espèce, au moment de l’adoption de la Décision. À aucun moment de la procédure, la Commission n’a fait savoir aux entreprises si elles bénéficiaient, ou non, d’une immunité d’amende. Dans ces conditions, la non-divulgation de la lettre de Chisso du 26 mars 1999 ne pouvait pas avoir d’incidence sur les droits de la défense de Hoechst durant la procédure administrative.

161    En tout état de cause, il y a lieu de préciser que la lettre de Chisso du 26 mars 1999 ne saurait modifier la conclusion de la Commission selon laquelle Chisso a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente, indépendamment de la question de savoir si cette conclusion était fondée ou non. En effet, la lettre de Chisso du 26 mars 1999 vise à expliquer les retards de cette entreprise pour fournir un « exposé des faits ». Cela ne saurait atténuer le fait que, lors de la réunion du 13 novembre 1998, et selon la Commission, Chisso a fourni une description orale des activités de l’entente ainsi que des éléments de preuve écrits. De même, le fait que la Commission ait pu accorder des délais supplémentaires à Chisso pour fournir des éléments factuels complémentaires, à la suite de la réunion du 13 novembre 1998, ne saurait avoir d’incidence sur le fait qu’elle a été la première à coopérer, dès l’instant où cette conclusion se fonde sur les seuls éléments produits lors de ladite réunion.

162    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen soulevé par Hoechst, pour ce qui concerne la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes.

 Sur les documents internes relatifs aux contacts téléphoniques intervenus entre la Commission et Chisso, de septembre 1998 à avril 1999

163    À titre liminaire, il y a lieu de relever que Hoechst a demandé à avoir accès, durant la procédure administrative, aux seuls documents internes relatifs aux contacts téléphoniques entre la Commission et Chisso, intervenus de septembre 1998 à avril 1999. Cela ressort, en particulier, d’une lettre adressée par Hoechst au conseiller-auditeur le 22 janvier 2003, et cela a été confirmé lors de l’audience.

164    Il y a lieu de rappeler, ensuite, que le droit d’accès au dossier implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense, sous réserve, notamment, des documents internes de la Commission (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 68).

165    La restriction d’accès à de tels documents est justifiée par la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de la Commission dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité. Les documents internes de la Commission ne sauraient être rendus accessibles que si les circonstances exceptionnelles de l’espèce l’exigent, sur la base d’indices sérieux qu’il appartient à la partie intéressée de fournir (voir arrêts du Tribunal Ciment, point 153 supra, point 420, et la jurisprudence citée, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 40).

166    En l’espèce, pour les raisons exposées aux points 128 à 144 ci-dessus, les arguments avancés par Hoechst concernant une violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement ont été rejetés, sauf pour ce qui concerne l’assurance qui a été donnée à Chisso, lors de la réunion du 13 novembre 1998, qu’elle serait avertie si une autre entreprise essayait de la devancer dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996.

167    Or, comme il a été indiqué au point 143 ci-dessus, l’illégalité constatée à cet égard n’est pas de nature à affecter la validité de la Décision s’agissant, d’une part, de la constatation de l’infraction et, d’autre part, de la détermination de l’entreprise qui a été la première à coopérer et donc de l’octroi de l’immunité d’amende.

168    Dès lors, il y a lieu de considérer qu’aucun indice sérieux n’existe, au sens de la jurisprudence précitée, qui justifierait un accès de Hoechst aux documents internes en cause. Pour cette raison, le moyen de Hoechst, en ce qu’il concerne la violation du droit d’accès aux documents internes relatifs aux contacts téléphoniques intervenus entre la Commission et Chisso, de septembre 1998 à avril 1999, doit être rejeté.

169    À titre surabondant, et dans un souci de manifestation de la vérité compte tenu de la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement relevée précédemment, il a été ordonné à la Commission, sur la base de l’article 65, sous b), et de l’article 67, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, de produire les documents internes en cause aux fins de vérification par le Tribunal. Conformément à l’article 67, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, les documents transmis par la Commission n’ont pas été communiqués à la requérante pendant la vérification, par le Tribunal, de leur caractère confidentiel ainsi que de leur pertinence pour la solution du litige.

170    Dans le cadre de cette vérification, le Tribunal a considéré que les documents internes en cause ne contenaient pas à l’évidence d’éléments de preuve pertinents pour la solution du litige. En conséquence, compte tenu de la confidentialité normalement attachée à ce type de documents, le Tribunal a décidé de les retirer du dossier et de les renvoyer à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 78, et, par analogie, ordonnance du Tribunal du 10 décembre 1997, NMH Stahlwerke e.a./Commission, T‑134/94, T‑136/94 à T‑138/94, T‑141/94, T‑145/94, T‑147/94, T‑148/94, T‑151/94, T‑156/94 et T‑157/94, Rec. p. II‑2293, points 40, 44 et 45).

171    Pour l’ensemble de ces raisons, et sans qu’il y ait lieu de recourir aux mesures d’organisation ou d’instruction complémentaires demandées par Hoechst dès l’instant où le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier, le premier moyen doit être rejeté.

B –  Sur le quatrième moyen, tiré du caractère incomplet du rapport final du conseiller-auditeur

1.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

172    Hoechst rappelle qu’elle a adressé plusieurs critiques au conseiller-auditeur concernant le déroulement de la procédure administrative et notamment le fait que, premièrement, il ne lui aurait pas été permis de coopérer au moyen de témoignages oraux alors que cette forme de coopération aurait été admise pour Chisso ; deuxièmement, elle se serait vu refuser de nouvelles réunions avec des agents de la Commission alors que de telles rencontres auraient été proposées à Chisso et, troisièmement, il aurait été illégalement promis à Chisso de l’avertir si d’autres parties tentaient de la « devancer » dans la coopération.

173    Dans la mesure où ces critiques auraient été passées sous silence dans le rapport final du conseiller-auditeur, le collège des membres de la Commission qui a adopté la Décision n’aurait pas été correctement informé de la violation des droits de la défense de Hoechst.

174    Selon Hoechst, le conseiller-auditeur a considéré à tort – et sans motivation particulière – que le fait que les critiques exposées précédemment soient fondées ou non était sans importance. Se référant à l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 75 supra (point 104), Hoechst souligne qu’il est possible que le manque d’objectivité dans la conduite de la procédure n’influence pas la régularité d’une décision d’une façon marquante et contraire aux droits de la défense, si ce manque d’objectivité ne résulte que d’une « partialité en pensées » de l’agent de la Commission. En revanche, Hoechst considère qu’une autre appréciation juridique doit être retenue lorsque, comme dans la présente affaire, il y a des répercussions dans des actes de procédure favorisant unilatéralement une partie.

175    Hoechst en conclut que le conseiller-auditeur aurait dû vérifier ces éléments et les exposer dans son rapport final, pour transmettre aux membres de la Commission responsables de l’adoption de la Décision une image fidèle du déroulement de la procédure.

b)     Arguments de la Commission

176    Le rapport final du conseiller-auditeur aurait pour fonction de compléter le projet de décision présenté aux membres de la Commission.

177    Se référant à l’article 15, premier alinéa, de la décision 2001/462/CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21, ci-après le « mandat »), la Commission considère que, en l’espèce, le rapport final du conseiller-auditeur remplit pleinement sa fonction. Il montrerait que le droit des parties à être entendues n’a pas été enfreint, sous quelque aspect que ce soit. Par ailleurs, renvoyant à l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra (point 53), la Commission considère que, dans le rapport final, le conseiller-auditeur n’était pas tenu d’aborder les détails des griefs d’ordre procédural.

178    Dans le rapport final, le conseiller-auditeur irait même au-delà du strict minimum en mentionnant lesdits griefs et en indiquant pour quelle raison ils ne sont pas déterminants. Ainsi, le rapport mentionnerait que des « vices de procédure » ont été allégués, notamment des « discriminations en comparaison avec Chisso sur toute une série de points liés à la coopération ». En outre, le conseiller-auditeur préciserait qu’il a profité de ces critiques pour consacrer une « attention particulière » aux conclusions de la Commission à ce propos dans le projet de décision. Il aurait été inutile de fournir plus de précisions dans le rapport final, d’autant que la Décision elle-même traiterait aussi des critiques en question (considérants 453 et 458).

2.     Appréciation du Tribunal

179    Au titre de l’article 1er du mandat, la Commission nomme un ou plusieurs conseillers-auditeurs « pour veiller à l’exercice du droit d’être entendu dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission ».

180    L’article 13, paragraphe 1, du mandat précise :

« Le conseiller-auditeur fait rapport au membre de la Commission chargé de la concurrence sur l’audition et sur les conclusions qu’il en tire, quant au respect du droit d’être entendu. Les observations contenues dans ce rapport portent sur les aspects procéduraux, notamment la divulgation des documents et l’accès au dossier, les délais de réponse aux communications des griefs et le déroulement de l’audition. »

181    Selon l’article 15, premier alinéa, du mandat :

« Le conseiller-auditeur, sur la base du projet de décision à soumettre au comité consultatif sur l’affaire en question, élabore par écrit un rapport final, sur le respect du droit d’être entendu, au sens de l’article 13, paragraphe 1. Ce rapport examine aussi si le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels les parties ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue. »

182    Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du mandat, « [l]e rapport final du conseiller-auditeur est joint au projet de décision soumis à la Commission, de manière à ce que celle-ci, lorsqu’elle prend une décision dans un cas déterminé, soit pleinement informée de tous les éléments pertinents en ce qui concerne le déroulement de la procédure et le respect du droit d’être entendu ».

183    En l’espèce, il suffit de constater que les arguments avancés par Hoechst au soutien de son moyen, qui reprennent ceux déjà invoqués dans le cadre du premier moyen relatif au droit d’accès au dossier, ne permettent pas de considérer que le droit de Hoechst d’être entendu n’aurait pas été respecté dans le cadre de la procédure administrative menée par la Commission.

184    S’agissant de la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement, constatée au point 137 ci-dessus, il y a lieu de souligner que ladite violation ne concerne pas le droit de Hoechst d’être entendu, au sens du mandat.

185    Au demeurant, le conseiller-auditeur précise, dans son rapport final, que « les actions des services de la Commission vis-à-vis des parties n’ont eu aucun impact sur les résultats du cas sur [la clémence] ». Cela rejoint la conclusion du Tribunal, dans le cadre de l’examen du premier moyen, selon laquelle l’illégalité constatée au point 137 ci-dessus n’est pas de nature à affecter la validité de la Décision s’agissant, notamment, de la détermination de l’entreprise qui a été la première à coopérer.

186    Au surplus, il y a lieu de relever que, dans la Décision, la Commission reprend, au considérant 453, les griefs procéduraux avancés par Hoechst et qu’elle y répond, en particulier au considérant 458. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu, comme le fait Hoechst, que le collège des membres de la Commission n’aurait pas été suffisamment informé.

187    Pour l’ensemble de ces raisons, le quatrième moyen doit être rejeté.

II –  Sur le treizième moyen, tendant à l’annulation de l’article 2 de la Décision pour ce qui concerne Hoechst

A –  Arguments des parties

1.     Arguments de Hoechst

188    Hoechst soutient que les constatations de la Commission reprises au considérant 298 de la Décision, selon lesquelles l’entente a pris fin au plus tard en novembre 1996, font perdre son fondement factuel à l’injonction contenue à l’article 2 de la Décision.

189    Si, sept ans après la fin de l’entente, la Commission voulait encore prononcer une injonction de cessation d’infraction, il faudrait des indices suffisants de continuation de l’infraction. Sinon, il s’agirait d’une mesure fondée sur un pur soupçon, ce qui serait contraire à l’article 3 du règlement n° 17. Outre l’atteinte que cela porterait à la réputation du destinataire de la Décision, cela pourrait lui causer des difficultés liées à des actions civiles que des tiers pourraient intenter contre lui.

190    De plus, l’illégalité de l’article 2 de la Décision serait évidente, puisque Hoechst se serait séparée, en 1996, de sa branche d’activités dans le secteur des sorbates, branche d’activités qu’elle aurait cédée en 1997 dans sa totalité à une société tierce entièrement étrangère à son groupe, Celanese AG.

191    Hoechst en conclut que l’article 2 de la Décision devrait être annulé dans la mesure où il la concerne.

2.     Arguments de la Commission

192    La Commission indique que, à l’instar de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 153 supra, l’article 2 de la Décision contient une réserve explicite, à savoir « si elles ne l’ont pas déjà fait ». Elle rappelle que le Tribunal avait constaté, dans cette affaire que, « [e]n ce qui concerne le moyen soulevé par Hoechst […] il suffi[sait] de relever que l’article 2 de la décision s’adress[ait] explicitement aux entreprises ‘encore actives dans le secteur du PVC’ » et que « [d]ès lors, l’argumentation au soutien de cette conclusion [était] manifestement dépourvue de tout fondement » (point 1247).

193    En l’espèce, la Commission soutient qu’elle n’était pas tenue d’établir définitivement si l’infraction qui avait eu lieu à une certaine époque s’était poursuivie encore au moment où la Décision avait été adoptée ou si elle avait déjà pris fin. La Commission souligne, par ailleurs, que les parties avaient réussi à agir dans le plus grand secret durant presque deux décennies (considérant 306 de la Décision) et que l’article 2 de la Décision était une injonction de cessation à titre préventif (considérant 307 de la Décision). La cession de la branche d’activités de Hoechst dans le secteur des sorbates n’aurait pas empêché la Commission d’adresser une injonction aux termes de laquelle l’obligation de mettre fin aux infractions ne visait l’entreprise que « si elle ne l’a[vait] pas déjà fait ».

B –  Appréciation du Tribunal

194    À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il résulte clairement de la requête que, par son treizième moyen, Hoechst demande l’annulation de l’article 2 du dispositif de la Décision dans la mesure où il la concerne.

195    Sur le fond, il convient de constater que l’article 2 du dispositif de la Décision contient, en fait, deux injonctions.

196    Dans un premier temps, cette disposition exige que les entreprises concernées mettent immédiatement fin, si elles ne l’ont pas déjà fait, aux infractions visées à l’article 1er du dispositif de la Décision. Sur ce point, dans la mesure où Hoechst n’exerçait plus d’activités dans le secteur des sorbates au moment de l’adoption de la Décision, l’argumentation avancée à l’encontre de cette disposition est manifestement dépourvue de tout fondement dès lors que Hoechst, bien qu’elle compte parmi les entreprises énumérées à l’article 1er du dispositif de la Décision, n’était pas concernée, en fait, par l’injonction en cause (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 153 supra, point 1247). Cette circonstance rend également inopérants les arguments avancés par Hoechst quant à l’atteinte à sa réputation ou quant à l’éventualité que des tiers intentent contre elle des actions civiles.

197    Dans un second temps, l’article 2 du dispositif de la Décision exige que les entreprises énumérées s’abstiennent désormais de tout acte ou comportement décrit à l’article 1er, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

198    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 peut comporter l’interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations dont l’illégalité a été constatée, mais aussi celle d’adopter un comportement futur similaire. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt Ciment, point 153 supra, points 4704 et 4705, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, le pouvoir de la Commission de prononcer des injonctions doit se faire en fonction de la nature de l’infraction constatée (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 45 ; arrêts du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T‑228/97, Rec. p. II‑2969, point 298, et du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, Rec. p. II‑3929, point 82).

199    En l’espèce, la Commission a constaté, à l’article 1er du dispositif de la Décision, que Hoechst, avec d’autres entreprises, avait enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et, à compter du 1er janvier 1994, l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, pendant une période très longue de surcroît, à un accord complexe, unique et continu et à des pratiques concertées dans le secteur des sorbates, dans le cadre desquels elles étaient convenues de fixer des objectifs de prix et de s’allouer des quotas en volume, de définir un système d’information et de contrôle et de ne pas fournir de technologie aux candidats à l’entrée sur le marché. Hoechst ne conteste pas la Décision à cet égard. Dans ces conditions, en enjoignant aux entreprises concernées de s’abstenir à l’avenir, dans le cadre du marché des sorbates, de toute mesure susceptible d’avoir un objet ou un effet équivalent, la Commission n’a pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

200    Le fait que Hoechst n’exerçait plus d’activités dans le secteur des sorbates au jour de l’adoption de la Décision ou que la Commission relève au considérant 298 de la Décision que l’entente avait pris fin au plus tard en novembre 1996 ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, une injonction comme celle de l’espèce est, par nature, préventive et ne dépend pas de la situation des entreprises concernées au moment de l’adoption de la Décision.

201    Pour l’ensemble de ces raisons, le treizième moyen doit être rejeté.

III –  Sur les moyens tendant à la réduction de l’amende de Hoechst

202    Le Tribunal estime qu’il convient de procéder à un examen des moyens tendant à la réduction de l’amende de Hoechst dans un ordre différent de celui de la requête. De même, certains moyens ont été regroupés, aux fins de l’analyse, dès lors qu’ils concernaient la même problématique de fond.

A –  Sur le douzième moyen, tiré de la durée excessive de la procédure

1.     Résumé de la procédure administrative

203    Il ressort des éléments factuels contenus dans la Décision, et non contestés par Hoechst, que la première demande de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17 a été adressée par la Commission le 26 mai 1999 à Daicel, à Nippon Synthetic et à Ueno (considérant 6 de la Décision).

204    D’autres demandes de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17 ont été adressées par la suite, notamment entre les mois de mai et de novembre 2002 (considérants 12 à 18 de la Décision).

205    Le 20 décembre 2002, la Commission a adressé une communication des griefs aux entreprises destinataires de la Décision (considérant 22 de la Décision).

206    Le 24 avril 2003, les entreprises destinataires de la Décision ont pris part à l’audition devant la Commission (considérant 29 de la Décision).

207    Le 1er octobre 2003, la Commission a adopté la Décision.

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

208    Hoechst reproche à la Commission d’avoir enfreint le principe du respect d’un délai raisonnable de la procédure. Se référant à l’arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 170), Hoechst souligne que ce principe fait partie des principes généraux du droit communautaire et tire son origine (à travers l’article 6, paragraphe 2, UE) de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

209    En l’espèce, Hoechst précise que le laps de temps entre la première demande de renseignements adressée à Daicel, à Nippon Synthetic et à Ueno le 26 mai 1999 et la communication des griefs, en date du 20 décembre 2002, dépasse 42 mois. Pendant ce temps, la Commission serait restée complètement inactive durant presque 31 mois, à savoir entre la demande de renseignements du 25 octobre 1999 et celle du 14 mai 2002, ou, en tout cas, jusqu’à l’entrevue avec Daicel du 21 février 2002.

210    Eu égard au caractère punitif de l’amende, une telle durée de l’enquête et des délibérations ne pourrait être acceptable qu’en présence de circonstances exceptionnelles. Hoechst considère toutefois que de telles circonstances ne sont pas caractérisées dans la présente affaire.

211    Hoechst en déduit que la durée de la procédure administrative a dépassé les limites du raisonnable. Dans ces conditions, se référant à l’arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, points 48 et suivants), Hoechst estime que des raisons d’économie de la procédure exigent que le grief tiré d’une durée excessive de la procédure conduise à l’annulation de la Décision dans la mesure où cette dernière fixe le montant de l’amende.

212    Hoechst ajoute que le régime de prescription prévu par le règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), ne s’oppose pas au grief pris de la durée excessive de la procédure. Hoechst souligne, à cet égard, que les règles de prescription ne protègent pas l’entreprise d’une procédure excessivement longue, puisque le début d’une instruction interromprait la prescription (article 2 du règlement n° 2988/74).

b)     Arguments de la Commission

213    La Commission indique, tout d’abord, que le moyen avancé par Hoechst est voué à l’échec du simple fait qu’il vise le montant de l’amende et non la Décision dans son ensemble. La Commission précise, à cet égard, que seule la règle de prescription du règlement n° 2988/74 est décisive.

214    Si le dépassement d’un délai raisonnable, en particulier lorsqu’il entraîne la violation des droits de la défense des intéressés, justifiait l’annulation d’une décision constatant une infraction aux règles de concurrence, il ne saurait en être de même lorsque c’est le montant des amendes infligées par la Commission dans cette décision qui est contesté, dès lors que le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes est régi par le règlement n° 2988/74, qui prévoit un délai de prescription à cet égard.

215    Se référant aux arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission (48/69, Rec. p. 619, points 46 à 49), Geigy/Commission (52/69, Rec. p. 787, points 20 à 22), et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, points 139 à 141), la Commission souligne que, en présence du règlement n° 2988/74, toute considération liée à l’obligation pour la Commission d’exercer son pouvoir d’infliger des amendes dans un délai raisonnable doit être écartée.

216    La Commission indique, ensuite, par souci d’exhaustivité, que le dépassement du délai raisonnable, à supposer qu’il soit prouvé, ne peut justifier l’annulation de la décision que si la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 74). Or, en l’espèce, Hoechst n’aurait pas expliqué en quoi sa défense avait été entravée par le traitement prétendument lent de l’affaire par la Commission.

217    De plus, la durée excessive de cette phase de la procédure administrative ne serait pas, en elle-même, de nature à porter atteinte aux droits de la défense, puisque les intéressés ne feraient l’objet d’aucune accusation formelle d’infraction aux règles de concurrence jusqu’à la réception de la communication des griefs de sorte qu’ils n’ont pas non plus besoin de s’en défendre (arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, point 216 supra, point 78).

218    Enfin, la Commission estime que la durée « totale » de la procédure n’a pas dépassé une durée raisonnable (arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, T‑67/01, Rec. p. II‑49, point 43).

3.     Appréciation du Tribunal

219    Il y a lieu de relever, d’abord, comme le souligne la Commission, que le présent moyen vise, selon les propres termes de la requête, à obtenir « l’annulation de la Décision dans la mesure où cette dernière fixe le montant de l’amende ». Ce moyen vise donc, en substance, à obtenir l’annulation ou, à tout le moins, la réduction de l’amende qui a été infligée à Hoechst.

220    Or, si le dépassement d’un délai raisonnable peut justifier, sous certaines conditions, l’annulation d’une décision constatant une infraction aux règles de concurrence, il ne saurait en être de même lorsque est contesté le montant des amendes infligées par cette décision dès lors que le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes est régi par le règlement n° 2988/74, lequel a institué à cet égard un délai de prescription (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 321).

221    En effet, il ressort du deuxième considérant du règlement n° 2988/74 que le principe de la prescription a été introduit pour assurer la sécurité juridique. Selon ce même considérant, « une réglementation à cet effet, pour être complète, doit s’appliquer tant au pouvoir d’infliger des amendes ou sanctions qu’au pouvoir d’exécuter les décisions par lesquelles des amendes, sanctions ou astreintes sont infligées ; [...] une telle réglementation doit fixer les délais de prescription, la date à partir de laquelle la prescription court et les mesures par lesquelles la prescription est interrompue ou suspendue, [et] à cet égard, il faut tenir compte, d’une part, des intérêts des entreprises et associations d’entreprises et, d’autre part, des exigences de la pratique administrative ». Ainsi, s’agissant du pouvoir de la Commission d’infliger des amendes, l’article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2988/74 prévoit que le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce qui concerne les infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt CMA CGM e.a./Commission, point 220 supra, points 322 et 323).

222    En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, dudit règlement, la prescription court à compter du jour où l’infraction a été commise ou, pour les infractions continues ou continuées, à compter du jour où l’infraction a pris fin. La prescription est toutefois susceptible d’être interrompue ou suspendue, conformément, respectivement, aux articles 2 et 3 du règlement n° 2988/74. Constituent notamment des actes interrompant la prescription, selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2988/74, les demandes de renseignements écrites de la Commission, l’engagement d’une procédure par la Commission et la communication des griefs. L’interruption de la prescription prend effet le jour où l’acte est notifié à au moins une entreprise ou à une association d’entreprises ayant participé à l’infraction. En vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74, la prescription court à nouveau à partir de chaque interruption, la prescription étant toutefois acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou une sanction. La prescription en matière de poursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes.

223    Il en résulte que le règlement n° 2988/74 a institué une réglementation complète régissant en détail les délais dans lesquels la Commission est en droit, sans porter atteinte à l’exigence fondamentale de sécurité juridique, d’infliger des amendes aux entreprises faisant l’objet de procédures d’application des règles communautaires de concurrence. À cet égard, il convient de souligner que, en matière d’amendes dans le cadre de l’application des règles communautaires de concurrence, il résulte de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/74 que la prescription est, en tout état de cause, acquise, sous réserve d’une éventuelle suspension, après dix ans lorsque la prescription est interrompue conformément à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, de sorte que la Commission ne saurait, sous peine que la prescription ne soit acquise, retarder indéfiniment sa décision quant aux amendes (arrêt CMA CGM e.a./Commission, point 220 supra, point 324).

224    En présence de cette réglementation, toute considération liée à l’obligation pour la Commission d’exercer son pouvoir d’infliger des amendes dans un délai raisonnable doit être écartée (arrêt CMA CGM e.a./Commission, point 220 supra, point 324 ; voir également, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1972, ICI/Commission, point 215 supra, points 46 à 49 et Geigy/Commission, point 215 supra, points 20 à 22).

225    En l’espèce, il est constant que les infractions en cause étaient continues. Par ailleurs, la Commission a considéré, sans que cet élément soit contesté par Hoechst, que les infractions constatées avaient cessé au plus tard à la fin du mois d’octobre 1996. Dès lors, compte tenu des actes interruptifs de prescription intervenus ultérieurement, notamment les demandes de renseignements adressées au titre de l’article 11 du règlement n° 17 et la communication des griefs, et compte tenu du fait que le délai total entre la fin du mois d’octobre 1996 et l’adoption de la Décision le 1er octobre 2003 n’a pas dépassé dix ans, la prescription n’était pas acquise lorsque la Commission a adopté la Décision, circonstance que Hoechst n’a nullement contestée dans le cadre de la présente instance (voir, en ce sens, arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, point 216 supra, point 90).

226    Pour ces raisons, le présent moyen soulevé par Hoechst, en ce qu’il vise « l’annulation de la Décision dans la mesure où cette dernière fixe le montant de l’amende », doit être rejeté.

227    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le dépassement d’un délai raisonnable, à le supposer établi, ne justifierait pas nécessairement l’annulation de la Décision. En effet, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que dans le cas d’une décision constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement n° 17 (arrêts du Tribunal Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 153 supra, point 122 ; du 14 février 2001, Sodima/Commission, T‑62/99, Rec. p. II‑655, point 94, et Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, point 216 supra, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 42 à 44).

228    Or, Hoechst n’a pas soutenu qu’un dépassement éventuel du délai raisonnable dans la présente affaire a porté atteinte à ses droits de la défense. En outre, à supposer que la requête de Hoechst puisse être interprétée en ce sens, l’argumentation développée à cet égard devrait être considérée comme générale et ne serait pas de nature à établir la réalité d’une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 227 supra, point 59).

229    Pour l’ensemble de ces raisons, le douzième moyen doit être rejeté.

B –  Sur le troisième moyen, tiré de l’occultation à tort de certains motifs de la Décision

1.     Résumé de la Décision

230    Au considérant 37 de la Décision, la Commission précise :

« […] Le chiffre d’affaires total réalisé par Chisso sur le plan mondial en 2002 a été de 117,711 milliards de [yens japonais] (973,4 millions d’euros). »

231    Au considérant 42 de la Décision, la Commission indique :

« […] Le chiffre d’affaires total réalisé par Daicel sur le plan mondial en 2002 a été de 271,341 milliards de [yens japonais] (2,2439 milliards d’euros). »

232    Au considérant 50 de la Décision, la Commission précise :

« […] Le chiffre d’affaires total réalisé par Nippon [Synthetic] sur le plan mondial en 2002 a été de 38,872 milliards de [yens japonais] (321,5 millions d’euros). »

233    Au considérant 55 de la Décision, la Commission indique :

« […] Le chiffre d’affaires total réalisé par Ueno sur le plan mondial en 2002 a été de 25,034 milliards de [yens japonais] (199,5 millions d’euros). »

234    Le tableau I de la Décision est présenté de la façon suivante :

Taille et importance relative sur le marché des sorbates

Entreprise

Chiffre d’affaires (en millions d’euros) et parts de marché estimées sur le plan mondial pour les sorbates en 1995

Chiffre d’affaires (en millions d’euros) et parts de marché estimées dans l’EEE pour les sorbates en 1995

Chisso

[…] (plus de 9,5 % et moins de 15 %)

[…] (plus de 4 % et moins de 15 %)

Daicel

[…] (plus de 9,5 % et moins de 15 %)

[…] (plus de 4 % et moins de 15 %)

Hoechst

42,4 (23,6 %)

21,6 (48 %)

Nippon Synthetic

[…] (plus de 9,5 % et moins de 15 %)

[…] (plus de 4 % et moins de 15 %)

Ueno

[…] (plus de 9,5 % et moins de 15 %)

[…] (plus de 4 % et moins de 15 %)

Cheminova, Eastman Chemical et autres

[…] (moins de 30 %)

[…] (moins de 16 %)

Total

180 (100 %)

45 (100 %)


235    Enfin, le considérant 352 de la Décision est rédigé comme suit :

« Le tableau I [de la Décision] montre que, en 1995, Hoechst était de loin le plus grand producteur de sorbates sur le marché mondial, avec une part de marché de 23,6 % (48 % dans l’EEE). Cette entreprise est par conséquent placée dans le premier groupe. Daicel, Chisso, Nippon [Synthetic] et Ueno détenaient toutes des parts de marché variant entre 9,5 et 15 % (entre 4 et 15 % dans l’EEE). Elles se retrouvent donc dans le deuxième groupe. »

236    Le signe « […] » dans les considérants 37, 42, 50 et 55 et dans le tableau I de la Décision correspond à un passage masqué, par la Commission, pour des raisons de confidentialité, selon les explications données dans la Décision.

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

237    Hoechst soutient que, dans une décision définitive comportant l’imposition d’une amende, au plus tard dans sa version notifiée, il ne doit plus y avoir de passages masqués contenant des preuves ou des appréciations de fait ou de droit. Dans le cas contraire, il y aurait atteinte aux droits de la défense. Hoechst précise que l’obligation de communiquer la motivation de la Décision vaut pour le destinataire de cette décision. La situation serait fondamentalement différente de l’intérêt général à la préservation de la confidentialité des éléments que peuvent avoir les parties à la procédure, par rapport aux tiers.

238    En l’espèce, les considérants 37, 42, 50 et 55 de la Décision contiendraient des passages masqués. Surtout, dans le tableau I de la Décision, les parts de marché de l’année déterminante (1995) seraient masquées de façon telle que Hoechst ne pourrait reconstituer que sa propre part de marché, et non les conditions du marché applicables aux autres entreprises concernées. Dans la mesure où, au considérant 352 de la Décision, le calcul du montant de départ de l’amende serait déterminé par la taille des entreprises et par les conditions de marché telles qu’elles ont été définies au tableau I de la Décision, Hoechst et le Tribunal seraient dans l’impossibilité de comprendre de manière suffisante un point essentiel de la Décision. Par ailleurs, des données relatives à l’année 1995 seraient des données historiques qui ne pourraient plus être confidentielles, même dans la version publique de la décision paraissant au Journal officiel de l’Union européenne. Le fait qu’un traitement confidentiel ait été demandé et accordé durant la procédure administrative serait sans incidence sur la question de savoir si les passages occultés en cause sont encore justifiés dans le cadre de la Décision adoptée et notifiée, comme semble le considérer la Commission dans sa lettre du 30 octobre 2003. Hoechst s’interroge sur la justification de garder confidentielles de telles données, précisément à son égard, dès l’instant où elle a cédé sa branche d’activités dans le secteur des sorbates depuis longtemps et s’est retirée du marché en cause.

239    Même si la Commission n’a pas l’obligation d’effectuer un calcul arithmétique du montant des amendes, cela ne signifierait pas qu’elle n’a pas la faculté de le faire. En revanche, si la Commission procède à de tels calculs, elle serait tenue de les communiquer aux destinataires de la décision.

240    Par ailleurs, se référant en particulier à l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra (points 219, 227 et suivants), Hoechst considère que tout destinataire d’une décision infligeant une amende a droit à un traitement non discriminatoire respectant le principe d’égalité de traitement dans le cadre d’un calcul des amendes reposant sur une catégorisation réalisée en fonction des parts de marché. Il serait évident que les erreurs intervenant dans ce processus intéresseraient non seulement les entreprises qui, dans la seconde catégorie, ont été condamnées à payer des amendes trop élevées, mais aussi celles de la première catégorie à qui des amendes trop élevées ont peut-être été infligées. Le caractère disproportionné des bases de calcul pour les entreprises qui ont été classées dans la première catégorie d’amendes pourrait être la conséquence directe du montant relativement faible des bases de calcul utilisées dans la seconde catégorie, et inversement.

241    Hoechst souligne, par ailleurs, qu’aucun des passages masqués n’a été remplacé par des résumés ou par des tournures suffisamment précises qui lui auraient permis de comprendre exactement les motifs de la Décision.

242    Hoechst indique également qu’elle a contesté, par lettre du 10 octobre 2003 adressée au conseiller-auditeur et à la Commission, le fait que les passages mentionnés de la Décision étaient masqués à tort. La Commission aurait réagi à cette demande par une lettre de refus reçue par Hoechst le 10 novembre 2003. Hoechst aurait répondu par lettre du 11 novembre 2003 et la Commission, par lettre en date du 17 novembre 2003, aurait indiqué à Hoechst que la décision notifiée était complète. Si la Commission devait soutenir qu’elle a adopté une décision destinée uniquement à Hoechst, il conviendrait de demander les procès-verbaux de la réunion de la Commission du 1er octobre 2003 pour connaître le nombre et la forme des décisions adoptées à cette date dans la présente affaire. Cela serait indiqué notamment, car la Commission se serait écartée de sa façon habituelle de procéder dans des procédures semblables, ce qui influerait sur la régularité formelle de la Décision. Toutefois, même dans ce cas, l’occultation des considérants précédemment cités aurait été injustifiée.

243    Hoechst en conclut que la Décision est entachée d’un grave défaut de motivation, lequel constitue également une atteinte aux droits de la défense dans le cadre du calcul de son amende, dans la mesure où il ne serait pas possible de reconstituer les prémisses de fait sur lesquelles la Commission se fonde. Hoechst souligne à cet égard que le Tribunal, dans l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra, a vérifié de manière précise la catégorisation de la Commission et a corrigé de nombreuses erreurs de calcul. Ce faisant, le Tribunal aurait considéré que des différenciations de parts de marché de 2 % constituaient un motif suffisant d’annulation des décisions initiales de la Commission relatives à la répartition en catégories et au montant de départ des amendes. La Commission serait donc strictement liée par les critères de fixation du montant des amendes retenus durant la procédure administrative, dont l’application non discriminatoire serait soumise à un contrôle judiciaire individuel complet.

b)     Arguments de la Commission

244    Selon la Commission, les intérêts légitimes des entreprises concernées à la protection de leurs secrets d’affaires ne doivent pas uniquement être pris en considération durant la procédure administrative ainsi qu’au moment de la publication de la décision conformément à l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17, mais aussi lors de sa notification. Cette dernière ne serait pas constitutive d’une dérogation.

245    Les passages occultés aux considérants 37, 42, 50 et 55 et au tableau I de la Décision comporteraient des informations relatives aux entreprises parties à la procédure, lesquelles auraient demandé à bénéficier d’un traitement confidentiel, ce qui aurait été accepté par la Commission durant la procédure administrative. Le fait que Hoechst soit destinataire de la Décision ne priverait pas les autres destinataires de leur intérêt légitime au maintien de la confidentialité. La Commission souligne que Hoechst elle-même, par lettre du 16 décembre 2003, demandait d’occulter les chiffres d’affaires et les parts de marché la concernant dans la version de la Décision destinée à la publication et, le cas échéant, de les remplacer par une fourchette de chiffres d’affaires suffisamment large.

246    Il serait indifférent de savoir si la Commission aurait pu remettre cette position en question dans le cadre des préparatifs de l’adoption de la Décision, au motif que les informations en question ne constituaient plus des secrets d’affaires. Selon la Commission, la Décision, telle qu’elle a été adoptée et notifiée à Hoechst, satisfait aux prescriptions de l’article 253 CE en matière de motivation.

247    Tout d’abord, se référant à l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 208 supra (points 463 et 464), et à l’arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 70 supra (point 1 558), la Commission souligne que l’obligation de motivation d’une décision imposant une amende est respectée dès lors que la Commission indique les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction. Il ne serait même pas nécessaire de faire figurer dans la décision les calculs éventuellement réalisés pour appliquer ces éléments d’appréciation.

248    En tout état de cause, même s’il fallait fournir ce type de précisions, la Commission aurait pleinement respecté cette exigence. En l’espèce, la Commission aurait commencé par procéder à des constatations générales sur la gravité de l’infraction et par présenter les aspects particuliers de l’entente, dont il apparaît qu’il s’agit d’une infraction très grave (considérant 344 de la Décision), pour laquelle l’amende prévisible s’élève à 20 millions d’euros au moins (considérant 354 de la Décision). Ensuite, en soulignant les différences considérables dans la position des entreprises sur le marché, la Commission aurait expliqué qu’il fallait adapter ce montant en fonction de l’importance relative des intéressés sur le marché concerné et donc en fonction de leur capacité à porter un préjudice important à la concurrence (considérants 345 et 346 de la Décision). Les éléments dont elle a tenu compte pour procéder à cet ajustement, notamment pour répartir les entreprises en deux groupes, seraient indiqués dans la Décision aux considérants 349 à 353.

249    Il en résulterait, compte tenu des données figurant au tableau I de la Décision, que la part de marché de Hoechst se situerait à un niveau nettement plus élevé que celle des autres parties à la procédure. Cette différence aurait conduit au classement de Hoechst dans le premier groupe. À cet égard, il ressortirait des considérants 352 et suivants de la Décision que, en raison de la position de Hoechst sur le marché, la Commission aurait commencé par elle lorsqu’elle a calculé le montant de départ des amendes pour chaque entreprise. Le montant de départ des amendes pour les autres entreprises aurait été fixé dans un second temps. Il serait plus faible, puisque ces entreprises occupaient une position moins forte que Hoechst sur le marché. Hoechst ne contestant pas qu’elle était de loin l’entreprise la plus importante sur le marché, les données précises sur les parts de marché des autres entreprises ne contribueraient pas à justifier le montant de départ de l’amende imposée à Hoechst. Elles pourraient uniquement revêtir de l’importance du point de vue des autres entreprises, puisqu’elles leur permettraient de savoir exactement où elles se situent par rapport à Hoechst.

250    En outre, Hoechst serait parfaitement en mesure de déterminer elle‑même l’écart entre sa position et celle des entreprises du deuxième groupe compte tenu de la présentation du tableau I de la Décision. Les parts de marché précises des entreprises du deuxième groupe seraient uniquement intéressantes dans l’optique d’une différenciation supplémentaire au sein de la seconde catégorie, à laquelle il a cependant été décidé de renoncer, comme il a été expliqué au considérant 353 de la Décision. La Commission indique que cet élément ne fait pas grief à Hoechst.

251    S’agissant de la référence faite à l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra, la Commission considère que Hoechst cherche à déduire d’une possible erreur de traitement concernant des entreprises classées dans la seconde catégorie, qu’elle aurait elle-même fait l’objet d’une discrimination. La Commission souligne à cet égard que le Tribunal a conclu, dans cette affaire, qu’une entreprise devait être classée dans une autre catégorie et s’est limité à la classer différemment tout en conservant les catégories établies dans la décision de la Commission. L’erreur de classement d’une entreprise dans une catégorie entraînerait donc seulement le reclassement de cette entreprise dans une autre catégorie et non l’annulation du classement de l’ensemble des entreprises.

252    La Commission maintient donc qu’une éventuelle discrimination à l’intérieur de la seconde catégorie ne saurait être susceptible de comporter de discrimination à l’égard de Hoechst en tant qu’entreprise de la première catégorie.

3.     Appréciation du Tribunal

253    À titre liminaire, compte tenu des termes employés par Hoechst dans ses écritures, il y a lieu de considérer que le présent moyen vise, en substance, à faire constater un défaut de motivation s’agissant des considérants 37, 42, 50 et 55 et du tableau I de la Décision. Ainsi, Hoechst précise que le fait d’avoir masqué des passages de la Décision constitue une violation du devoir de la Commission de doter ses décisions d’une motivation compréhensible. Cela mettrait Hoechst ainsi que le Tribunal dans l’impossibilité de comprendre de manière suffisante un point essentiel de la Décision. Ce défaut de motivation devrait être analysé, selon Hoechst, en rapport avec le considérant 352 de la Décision qui a trait au classement des entreprises concernées en différentes catégories aux fins de la détermination du montant de départ de l’amende. En conséquence, Hoechst soutient que le défaut de motivation relevé précédemment a entraîné une violation des droits de la défense.

254    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où le défaut de motivation avancé par Hoechst concerne des éléments ayant permis à la Commission de mesurer la gravité de l’infraction, le présent moyen tend, en substance, à obtenir une réduction du montant de l’amende infligée.

255    Tout d’abord, il convient de relever que l’article 21 du règlement n° 17, qui prévoit la publication de certaines décisions, impose à la Commission l’obligation de tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

256    Ensuite, il convient de rappeler que la motivation d’une décision individuelle doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi du contexte dans lequel cet acte a été adopté (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63).

257    Les exigences de la formalité substantielle que constitue cette obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, point 73, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 208 supra, point 463).

258    En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si les passages masqués relevaient, ou non, de secrets d’affaires, il y a lieu d’observer que les considérants 37, 42, 50 et 55 et le tableau I de la Décision, lus à la lumière du considérant 352 de celle-ci, satisfont à l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission.

259    Premièrement, il convient de relever que le considérant 352 de la Décision contient des éléments d’appréciation qui ont permis à la Commission de classer les entreprises concernées en deux catégories, dans le cadre de la détermination du montant de départ des amendes, compte tenu de la gravité de l’infraction.

260    Au considérant 352 de la Décision, la Commission précise ainsi que Hoechst était de loin le plus grand producteur de sorbates sur le marché mondial. Elle mentionne également la place de Hoechst sur le marché des sorbates de l’EEE. En conséquence, la Commission a conclu que Hoechst devait être classée dans la première catégorie d’entreprises.

261    Pour arriver à cette conclusion, la Commission a pris pour base les parts de marché mondial indiquées pour l’année 1995 au tableau I de la Décision, parts de marché qui ont été obtenues à partir des données sur le chiffre d’affaires mondial afférent au produit concerné (considérant 351 de la Décision).

262    Ce sont les passages masqués du tableau I de la Décision qui sont contestés par Hoechst.

263    Or, le tableau I de la Décision contient, de façon suffisamment compréhensible, les éléments d’appréciation qui ont permis à la Commission d’asseoir la conclusion tirée au considérant 352 de la Décision.

264    Il y a lieu de rappeler que la conclusion du considérant 352 de la Décision repose, comme il a été indiqué précédemment, sur les parts de marché mondial afférentes au produit concerné pour l’année 1995.

265    À cet égard, le tableau I de la Décision contient des fourchettes de parts de marché, pour l’année 1995, qui ont permis à la Commission de distinguer deux types d’entreprises : les entreprises japonaises, premièrement, qui avaient des parts de marché se situant entre 9,5 et 15 % en 1995 et Hoechst, deuxièmement, dont la part de marché excédait 20 %. Ces éléments d’appréciation, lus à la lumière de la conclusion de la Commission au considérant 352 de la Décision, sont suffisamment compréhensibles.

266    Par ailleurs, même si les chiffres d’affaires des entreprises concernées ont été masqués dans le tableau I de la Décision, il est possible d’en déterminer l’étendue par rapport aux fourchettes de chiffres d’affaires contenus dans ledit tableau. En effet, le tableau I de la Décision contient une ligne intitulée « Total » qui reprend les chiffres d’affaires et les parts de marché additionnés des entreprises concernées. Sur cette base, une fourchette des chiffres d’affaires de chacune des entreprises concernées peut être calculée.

267    Pour ces raisons, sans préjudice de la question de savoir si la Commission a commis une erreur à cet égard, question qui sera examinée dans le cadre du cinquième moyen, il y a lieu de retenir que le tableau I et le considérant 352 de la Décision contiennent les éléments d’appréciation qui ont permis à la Commission de mesurer la gravité de l’infraction.

268    S’agissant des considérants 37, 42, 50 et 55 de la Décision, il convient de relever que ceux-ci ne sont pas visés par le considérant 352 de la Décision, seul considérant invoqué par Hoechst ayant trait à la gravité de l’infraction et au classement des entreprises concernées en plusieurs catégories.

269    Par ailleurs, Hoechst n’a pas indiqué en quoi ces considérants contiendraient des éléments d’appréciation qui ont été utilisés par la Commission pour apprécier la gravité, voire la durée de l’infraction. Hoechst se borne à indiquer que les considérants 37, 42, 50 et 55 de la Décision contiennent des passages masqués.

270    Dans ces conditions, rien ne permet de penser que les éléments masqués des considérants 37, 42, 50 et 55 de la Décision devraient conduire à considérer que la Commission a méconnu, en l’espèce, l’obligation de motivation qui pèse sur elle au sens de la jurisprudence précédemment citée.

271    En tout état de cause, les passages masqués des considérants 37, 42, 50 et 55 de la Décision recouvrent, en partie, les mêmes données que celles figurant au tableau I de la Décision. En effet, les considérants 37, 42, 50 et 55 de la Décision contiennent des données relatives, respectivement, à Chisso, à Daicel, à Nippon Synthetic et à Ueno et correspondent au considérant 46 de la Décision pour ce qui est de Hoechst. Or, d’après la version de la Décision notifiée à Hoechst, laquelle fait l’objet du présent recours, le considérant 46 de la Décision contient notamment, s’agissant de Hoechst, des données relatives aux chiffres d’affaires mondial et au niveau de l’EEE pour l’année 1995, réalisés sur le marché des sorbates, données qui correspondent à celles figurant au tableau I de la Décision. Dès lors, pour les raisons exposées aux points 263 à 267 ci-dessus, un défaut de motivation ne saurait être retenu à cet égard.

272    En outre, il convient de relever que la motivation du classement de Hoechst dans la première catégorie n’est entachée d’aucun vice dès lors que Hoechst ne conteste pas qu’elle possédait, en 1995, une part de marché mondial plus importante que celle des autres entreprises concernées. Dès lors, une éventuelle erreur dans le classement des autres entreprises dans la seconde catégorie est inopérante.

273    Au vu de ces éléments, le défaut de motivation de la Décision avancé par Hoechst doit être rejeté. Il en découle également que la violation des droits de la défense, qui résulterait de ce prétendu défaut de motivation, ne saurait être retenue.

274    S’agissant, enfin, des allégations de Hoechst selon lesquelles la Commission aurait notifié aux entreprises concernées une décision qui, dans sa forme, présentait des différences, il suffit de relever que ces différences de forme sont liées à la protection des secrets d’affaires des entreprises concernées. Toutefois, le fait que des éléments de la Décision aient pu être masqués, pour des raisons de confidentialité, lors de la notification finale aux entreprises concernées ne permet pas de considérer que son adoption souffre d’une quelconque irrégularité à cet égard. En tout état de cause, Hoechst n’a avancé aucun élément circonstancié permettant de considérer que la Décision, telle qu’elle a été notifiée aux entreprises concernées, contiendrait, notamment, des différences de motivation. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de Hoechst visant à obtenir la production des procès-verbaux de la réunion du collège des membres de la Commission du 1er octobre 2003.

275    Pour l’ensemble de ces raisons, le troisième moyen doit être rejeté.

C –  Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans la détermination du montant de base de l’amende

1.     Résumé de la Décision

276    Au considérant 321 de la Décision, la Commission retient que le montant de base de l’amende est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

277    Premièrement, pour déterminer la gravité de l’infraction, la Commission se fonde sur la nature de l’infraction (considérants 323 à 326 de la Décision), sur l’incidence réelle de l’infraction sur le marché des sorbates de l’EEE (considérants 327 à 342 de la Décision) et sur la taille du marché géographique pertinent (considérant 343 de la Décision).

278    S’agissant de la nature de l’infraction, la Commission retient que l’infraction en cause a principalement consisté en des pratiques de fixation des prix et de partage du marché. Par ailleurs, la Commission souligne que les accords collusoires étaient, pour l’essentiel, conçus, dirigés et encouragés à un niveau très élevé dans les entreprises concernées et étaient mis en œuvre au seul profit des producteurs participants, au détriment de leurs clients et, au final, du grand public (considérant 323 de la Décision).

279    S’agissant de l’incidence réelle de l’infraction sur le marché des sorbates, la Commission indique notamment que la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. La Commission précise toutefois que, en l’espèce, l’infraction a eu une incidence réelle sur le marché des sorbates de l’EEE (considérant 327 de la Décision).

280    La Commission conclut que, en l’espèce, l’infraction peut être qualifiée de très grave (considérant 344 de la Décision).

281    Ensuite, la Commission opère un traitement différencié des entreprises en fonction de leur position sur le marché des sorbates, pour l’année 1995 (considérants 345 à 355 de la Décision). La Commission précise que, en 1995, Hoechst était de loin le plus grand producteur de sorbates sur le marché mondial, avec une part de marché supérieure à 20 % (supérieure à 45 % dans l’EEE). Pour cette raison, Hoechst a été placée dans le premier groupe. Daicel, Chisso, Nippon Synthetic et Ueno détenaient toutes des parts de marché variant entre 9,5 et 15 % (entre 4 et 15 % dans l’EEE). Elles ont été placées dans le deuxième groupe (considérant 352 de la Décision).

282    Au considérant 354 de la Décision, la Commission précise que l’amende susceptible d’être infligée pour des infractions très graves est supérieure à 20 millions d’euros.

283    Dans ces conditions, au considérant 355 de la Décision, la Commission fixe le montant de départ des amendes à 20 millions d’euros pour les entreprises du premier groupe (Hoechst) et à 6,66 millions d’euros pour les entreprises du deuxième groupe (Daicel, Chisso, Nippon Synthetic et Ueno).

284    Enfin, pour que l’amende ait un effet dissuasif suffisant sur les grandes entreprises et pour tenir compte du fait que celles-ci disposent de connaissances et d’infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, la Commission procède à un ajustement supplémentaire du montant de départ dans le cas de Hoechst. Au considérant 357 de la Décision, la Commission relève, à cet égard, qu’il y a lieu de majorer le montant de départ de l’amende, calculé sur la base du critère de l’importance relative sur le marché concerné, afin de tenir compte « de la taille et des ressources globales de l’entreprise ». Dans ces conditions, le montant de départ de l’amende pour Hoechst est majoré de 100 % et porté à 40 millions d’euros.

285    Deuxièmement, pour ce qui est de la durée de l’infraction, la Commission relève que Chisso, Daicel, Hoechst et Ueno ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996. Ces entreprises auraient donc commis une infraction de longue durée de 17 ans et 10 mois. La Commission en conclut que le montant de départ doit être augmenté de 175 % (considérant 359 de la Décision).

286    Tenant compte de la gravité et de la durée de l’infraction, le montant de base de l’amende est fixé, pour Hoechst, à 110 millions d’euros (considérant 361 de la Décision).

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

287    Dans son cinquième moyen, Hoechst conteste la nature ainsi que la durée de l’infraction qui ont été retenues par la Commission, en l’espèce, pour déterminer le montant de l’amende.

288    Hoechst indique, à titre liminaire, que le montant de l’amende calculé avant la prise en compte de sa coopération, à savoir 198 millions d’euros, correspond à presque cinq fois le volume global du marché dans l’EEE pour 1995, constaté au tableau I de la Décision, à savoir 44,6 millions d’euros. Une telle amende serait complètement disproportionnée.

289    Par ailleurs, Hoechst souligne que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre du règlement n° 17 pour fixer le montant de l’amende, mais l’exercice de ce pouvoir d’appréciation n’est pas entièrement libre en raison des principes généraux du droit communautaire ainsi que des lignes directrices que la Commission doit respecter dans le calcul de l’amende (Hoechst renvoie en particulier à l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Daesang et Sewon Europe/Commission, T‑230/00, Rec. p. II‑2733, point 38).

 Sur la nature de l’infraction

290    À titre liminaire, se référant en particulier au point 1 A des lignes directrices et à l’arrêt Daesang et Sewon Europe/Commission, point 289 supra (point 38), Hoechst précise que le montant de base de l’amende est fixé selon la gravité et la durée de l’infraction. La gravité de l’infraction serait déterminée selon une série de critères désignés dans les lignes directrices. Feraient partie de ces critères la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché et l’étendue géographique de celui-ci, ainsi que la capacité économique effective des entreprises à créer un dommage important aux concurrents et aux consommateurs.

291    Sur le fond, Hoechst soulève quatre griefs à l’encontre de la nature très grave de l’infraction retenue dans la Décision. Premièrement, Hoechst considère que l’appréciation de la gravité de l’infraction lui attribue, à tort, des effets préjudiciables. Deuxièmement, elle estime qu’aucun de ses dirigeants au plus haut niveau n’a participé à l’infraction. Troisièmement, Hoechst soutient que la Commission a commis une erreur de droit en répartissant les entreprises en différentes catégories. Quatrièmement, elle critique le multiplicateur à finalité dissuasive qui a été utilisé par la Commission.

–       Sur les effets de l’infraction

292    Hoechst indique que la Commission suppose que l’entente en cause a porté préjudice aux consommateurs. Cette supposition serait un motif essentiel ayant conduit à infliger une lourde sanction aux entreprises concernées. Hoechst renvoie, à cet égard, aux considérants 333 à 336 et 340 à 341 de la Décision ainsi qu’à un communiqué de presse de la Commission du 1er octobre 2003.

293    En particulier, Hoechst considère que les effets prétendument nocifs de l’entente en cause ont été retenus comme l’un des trois éléments (nature de l’infraction, impact et étendue de l’entente à l’ensemble de l’EEE) ayant servi à déterminer la gravité de l’infraction (considérant 344 de la Décision). Comme aucune pondération de ces éléments n’apparaîtrait dans la Décision, Hoechst en conclut qu’un tiers du montant total de l’amende a été fixé sur la base des effets prétendument nocifs de l’entente en cause. Or, la Commission n’aurait pas réussi à apporter la preuve d’un impact négatif de l’infraction en l’espèce.

294    Ainsi, les considérants 105, 109, 333 à 337 et 342 de la Décision ne contiendraient aucune preuve de l’impact négatif de l’infraction.

295    S’agissant du considérant 105 de la Décision, Hoechst considère que le fait que, pendant de longues périodes, les prix cibles n’aient pas été atteints, devrait plutôt être considéré comme un indice ou une preuve que les accords sur les prix n’ont pas fonctionné. Cela ressortirait en particulier des considérants 163 à 188 de la Décision. Par ailleurs, Hoechst se réfère aux éléments contenus aux considérants 210, 217, 224 et 228 de la Décision et souligne que, pendant cinq années consécutives, aucune augmentation des prix cibles n’a été obtenue.

296    S’agissant du considérant 109 de la Décision, il reposerait uniquement sur une estimation de Chisso.

297    Quant aux considérants 333 et 334 de la Décision, Hoechst souligne que la Commission reconnaît que les effets de l’entente sur le marché en cause dans cette affaire ne peuvent pas se mesurer avec précision. Toutefois, la Commission constate également que l’accord en cause a eu sans aucun doute des conséquences concrètes pour le marché des sorbates de l’EEE. Les explications données par la Commission à cet égard seraient loin d’être probantes. En particulier, Hoechst ne voit pas comment une baisse concertée des prix, invoquée par la Commission, pourrait avoir des effets nocifs pour la concurrence, et encore moins comment elle pourrait servir de preuve d’un préjudice porté à des tiers. Hoechst souligne, par ailleurs, qu’un impact effectif ne pourrait être retenu que si, premièrement, il était établi que les prix cibles étaient supérieurs aux prix hypothétiques du marché, et, deuxièmement, si ces prix avaient été atteints au moins en partie. Or, ces éléments ne seraient pas présents en l’espèce.

298    Pour ce qui est du considérant 335 de la Décision, Hoechst soutient que le fait que les volumes de ventes inscrits dans le tableau du considérant 112 de la Décision (tableau II) coïncident avec les quotas convenus pourrait fournir un indice sur le bon fonctionnement des accords s’il n’y avait pas eu de « quantités grises », à savoir des quantités vendues et non déclarées aux membres de l’entente. Or, en l’espèce, de telles « quantités grises » auraient existé, notamment chez Hoechst. Par ailleurs, Hoechst considère que la Commission aurait dû prouver, en outre, que ces concordances de volumes avaient abouti à une raréfaction artificielle de l’offre et, ainsi, à des prix abusifs à l’égard des acheteurs.

299    Concernant le considérant 336 de la Décision, il serait erroné de présumer que les producteurs de sorbates étaient en mesure de contrôler non seulement le marché des sorbates, mais aussi en grande partie celui des agents de conservation. Hoechst indique à cet égard qu’il n’existe précisément pas de marché unique des agents conservateurs.

300    S’agissant, enfin, des considérants 337 et 342 de la Décision, il serait contradictoire d’affirmer, d’une part, que les accords en cause ont été mis en œuvre pendant la période d’infraction et, d’autre part, que l’existence de facteurs externes, qui peuvent avoir influencé eux aussi l’évolution des prix du produit, fait qu’il est difficile de tirer des conclusions sur l’importance relative de toutes les causes possibles. La conclusion reprise au considérant 341 de la Décision, selon laquelle la mise en œuvre délibérée de l’accord aurait eu un impact concret sur le marché des sorbates, serait, dans ces conditions, erronée.

–       Sur la participation de dirigeants de haut niveau aux accords anticoncurrentiels

301    La Commission estime que les accords anticoncurrentiels ont été conçus, dirigés et encouragés par les dirigeants des entreprises concernées au plus haut niveau (considérant 323 de la Décision).

302    Selon Hoechst, cette affirmation est contraire à l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission au titre de l’article 253 CE. En particulier, la Commission aurait dû établir quels facteurs étaient à la base de sa conclusion (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Brugg Rohrsysteme/Commission, T‑15/99, Rec. p. II‑1613, point 210).

303    Il serait par ailleurs inexact que les personnes ayant participé à l’entente auraient été des dirigeants au plus haut niveau, du moins en ce qui concerne Hoechst. Renvoyant aux motifs de l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 75 supra (points 33 à 38), Hoechst souligne que ses deux collaborateurs de rang le plus élevé, visés au considérant 96 de la Décision, occupaient le poste de directeurs des ventes de l’un des huit à douze domaines commerciaux de Hoechst. Ils auraient été chacun subordonnés à un directeur du secteur et à un directeur des ventes du secteur commercial concerné, tous deux appartenant encore à un niveau inférieur au niveau directorial. Les autres collaborateurs désignés dans la Décision auraient été des cadres de rang inférieur ou n’auraient eu aucune fonction d’encadrement.

304    Enfin, même si des collaborateurs d’autres entreprises concernées devaient être considérés comme des dirigeants au plus haut niveau, cela ne pourrait pas entraîner une majoration du montant de base de l’amende pour Hoechst. En effet, la gravité de l’infraction de Hoechst ne saurait dépendre de la situation des employés des autres entreprises qui ont pris part à l’infraction.

–       Sur la répartition des entreprises en catégories

305    Hoechst indique d’abord que la différenciation des montants de départ, fixés à 20 millions d’euros pour Hoechst et à 6,6 millions d’euros pour toutes les autres entreprises concernées, n’est pas acceptable au regard de la nature de l’infraction, qui est identique pour toutes les entreprises.

306    Par ailleurs, se référant à l’arrêt CMA CGM e.a./Commission, point 220 supra (points 405 et suivants), Hoechst souligne que la répartition des entreprises en catégories, dans le cadre du calcul du montant de départ, devrait avant tout respecter le principe d’égalité de traitement.

307    En l’espèce, la Commission aurait établi une gradation des montants de départ des entreprises selon leur capacité supposée de porter atteinte à la concurrence et selon leur contribution au dommage prétendument causé à la concurrence (considérant 349 de la Décision). Elle aurait choisi comme critère de mesure la part de marché de chaque entreprise sur le marché mondial des sorbates (considérant 350 de la Décision).

308    À cet égard, premièrement, Hoechst relève que les quatre producteurs japonais détenaient chacun des parts de marché allant jusqu’à 15 %, ce qui pourrait constituer, en les additionnant, une part du marché mondial équivalant à plus du double de celle de Hoechst. Compte tenu de la solidité de l’entente des producteurs japonais à l’exportation et de leur comportement toujours parfaitement concerté dans les réunions de l’entente, Hoechst aurait eu une importance secondaire dans l’évolution du marché mondial. Ainsi, se fondant sur la fourchette des parts de marché des producteurs japonais, Hoechst estime que le montant de base aurait dû être, pour ces producteurs, de 1,61 à 2,54 fois plus élevé que pour elle. Cela aurait correspondu, en supposant une amende appropriée pour les producteurs japonais (et en comptant Chisso), à un montant de base situé entre 10,4 et 16,65 millions d’euros, et donc – toutes autres choses restant inchangées – à une réduction d’amende entre 16,58 et 47,52 millions d’euros pour Hoechst.

309    Deuxièmement, en tout état de cause et même à considérer la part de marché de chaque producteur japonais pris séparément, le calcul de l’amende pour 1 % de part de marché correspondrait à un montant de départ situé entre 0,44 et 0,7 millions d’euros. Hoechst aurait été désavantagée, car, si la Commission avait appliqué les mêmes critères pour elle, son montant de départ aurait dû se situer entre 10,38 et 16,52 millions d’euros. Toutes autres choses demeurant égales, il y aurait dès lors un excédent d’amende compris entre 17,3 et 47,62 millions d’euros.

310    Troisièmement, une comparaison avec d’autres décisions récentes montrerait que la Commission s’est écartée, en l’espèce, de ses principes relatifs à la fixation d’amendes par catégories. Hoechst renvoie à cet égard à la décision 2006/460/CE de la Commission, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de SGL Carbon AG, Le Carbone-Lorraine SA, Ibiden Co., Ltd, Tokai Carbon Co., Ltd, Toyo Tanso Co., Ltd, GrafTech International, Ltd, NSCC Techno Carbon Co., Ltd, Nippon Steel Chemical Co., Ltd, Intech EDM BV et Intech EDM AG (Affaire COMP/E-2/37.667 – Graphites spéciaux), qui a donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, point 118 supra. Dans cette décision, la Commission avait notamment fixé des amendes d’un montant de départ de 20 millions d’euros pour une entreprise ayant eu une part de marché comprise entre 30 et 40 % et de 14 millions d’euros pour une entreprise ayant eu une part de marché comprise entre 21 et 27 %. Par ailleurs, dans la même décision, en raison d’une autre entente portant sur le graphite spécial extrudé, les deux entreprises sanctionnées, dont la part de marché était comprise entre 25 et 35 %, s’étaient vu infliger des amendes d’un montant de départ de 15 millions d’euros chacune. Hoechst offre comme preuve la version non confidentielle de cette décision (après publication) ainsi que le témoignage d’un fonctionnaire de la Commission. Tenant compte de ces principes, Hoechst estime que le montant de base qui a été retenu pour elle dans la présente affaire aurait dû être beaucoup moins élevé (24,75 ou 29,7 millions d’euros selon que le montant de départ est de 14 ou de 15 millions d’euros, toutes autres choses demeurant égales).

–       Sur le facteur de majoration pour tenir compte de la taille et des ressources globales de Hoechst

311    La Commission aurait de nouveau fait subir à Hoechst une inégalité de traitement lorsqu’elle a multiplié son montant de départ de 20 millions d’euros par un facteur de groupe égal à deux. D’autres entreprises concernées par la Décision auraient été et seraient encore de grandes entreprises opérant au niveau international. Par ailleurs, la forte diminution de la taille de Hoechst, qui s’est produite entre-temps et qui a ramené son chiffre d’affaires de groupe à 9 milliards d’euros environ pour l’année de référence 2002 ainsi que sa restriction à une activité de holding et la vente à des tiers de sa branche d’activités dans les sorbates, rendraient caduque la justification d’une majoration extrême de l’amende. En tout état de cause, selon Hoechst, ce n’est pas un facteur de deux qui aurait dû être utilisé comme multiplicateur.

 Sur la durée de l’infraction

312    Hoechst considère que la majoration pour la durée de l’infraction de 175 %, décidée par la Commission, est exorbitante et disproportionnée.

313    Premièrement, les majorations en raison de la durée de l’infraction qui dépassent 100 % seraient fondamentalement contraires à la méthode de calcul des amendes établie par la Commission dans les lignes directrices. Hoechst note que les facteurs liés à la gravité de l’infraction permettent la fixation d’un montant de base qui, dans une seconde étape, est adapté selon la durée de l’infraction. Sur ce dernier aspect, le point 1 B des lignes directrices ne prévoirait cependant qu’une « forte majoration » du montant de base, et non la fixation d’un montant entièrement nouveau dans un ordre de grandeur totalement différent de celui du montant de base.

314    Deuxièmement, la majoration en raison de la durée de l’infraction tiendrait compte, une seconde fois, de la gravité de l’infraction. Hoechst souligne, à cet égard, que les ententes sur les prix et les volumes sont typiquement des infractions de longue durée. Par conséquent, si la Commission place ces ententes dans la catégorie la plus élevée des « infractions très graves », elle ne pourrait pas prendre en compte une seconde fois ce caractère grave de l’infraction dans le cadre de son appréciation de la durée de l’infraction.

315    Troisièmement, Hoechst met fondamentalement en doute le fait qu’une majoration directement proportionnelle, qui s’élève de façon statique à 10 % par année, puisse être appliquée sur une longue période pour sanctionner une entente. Hoechst souligne à cet égard que, dans le cadre de délits de longue durée considérés comme une infraction unique, tous les systèmes de sanctions prévoient des facteurs de majoration de la peine dont le niveau diminue exponentiellement au fur et à mesure que la durée augmente. Cette approche respecterait d’ailleurs le principe de proportionnalité. En effet, s’il est juste que les faits délictueux remontant loin dans le passé se prescrivent à un certain moment, alors la mesure de la sanction ne pourrait ignorer ce même principe. Hoechst ajoute, que même si le « principe du lien de continuité », consacré à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988/74, était encore appliqué en droit communautaire, il ne pourrait pas conduire à des majorations sans fin des amendes infligées.

316    Enfin, la majoration appliquée serait disproportionnée en comparaison avec la pratique antérieure de la Commission.

317    Hoechst renvoie tout d’abord à la décision 98/273/CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/35.733 – VW) (JO L 124, p. 60), dans laquelle la Commission aurait décidé qu’une majoration de 10 % pour chaque année d’infraction n’est appropriée que si la gravité de l’infraction demeurait égale sur toute la durée de celle-ci. En l’espèce, aucune constatation prouvant ou démontrant un tel fait n’aurait été avancée, ce qui serait contraire à l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission.

318    Hoechst renvoie ensuite à plusieurs décisions dans lesquelles la Commission aurait majoré le montant de base à partir de la deuxième année seulement, dans la mesure où les lignes directrices ne prévoient une majoration que pour les périodes d’infraction dépassant une durée considérée comme « moyenne ». En particulier, Hoechst fait référence à la majoration opérée dans la décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 – Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), et renvoie également à l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang Corporation/Commission (T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 137). Hoechst en conclut qu’une majoration de 165 % seulement était envisageable en l’espèce.

b)     Arguments de la Commission

319    À titre liminaire, et pour répondre aux arguments développés par Hoechst en introduction de son cinquième moyen, la Commission souligne que la comparaison entre l’amende et le chiffre d’affaires global des sorbates sur le marché de l’EEE en 1995 n’est pas valable. En effet, le chiffre d’affaires réalisé en une année sur le marché ne serait pas révélateur des répercussions négatives qu’une entente ayant duré plus de 17 ans peut avoir eues. Par ailleurs, le montant de l’amende avant la prise en compte de la coopération de Hoechst s’expliquerait en l’espèce par toute une série de facteurs. De plus, 20 millions d’euros correspondraient au montant de départ minimal envisagé dans les lignes directrices en cas d’infractions très graves. Cette somme serait également conforme à la pratique décisionnelle de la Commission. Enfin, la Commission souligne que le montant de départ spécifique ne constitue qu’un montant intermédiaire qui, dans le cadre de l’application de la méthode définie par les lignes directrices, fait ensuite l’objet d’adaptations en fonction de la durée de l’infraction et des circonstances aggravantes ou atténuantes constatées (arrêt Cheil Jedang Corporation/Commission, point 318 supra, point 95).

 Sur les effets de l’infraction

320    Selon la Commission, elle pouvait considérer comme incontesté le fait que les prix imposés par l’entente étaient en principe au moins supérieurs aux prix du marché, en tout cas chez Hoechst. La Commission souligne à cet égard que Hoechst a eu l’occasion de commenter les conclusions figurant aux considérants 105, 109 et 288 de la Décision, qui correspondent aux points 78, 82 et 265 de la communication des griefs. Dans cette communication des griefs, la Commission aurait aussi signalé qu’elle tiendrait compte des « répercussions sur le marché » en conformité avec les lignes directrices (points 291 et 295). Dans sa réponse à la communication des griefs, Hoechst se serait contentée de déclarer, au sujet de ces répercussions, qu’elles étaient dépourvues de pertinence pour établir l’existence de l’infraction. Hoechst aurait aussi explicitement déclaré, dans sa réponse, qu’elle ne contestait pas les faits substantiels de l’entente sur les sorbates, tels qu’ils étaient décrits dans la communication des griefs de la Commission (considérants 29 et 451 de la Décision).

321    La Commission souligne ensuite que, en l’espèce, les entreprises concernées avaient fixé des objectifs de prix que les clients étaient disposés à payer (considérant 102 de la Décision). Ces prix ne correspondraient pas à une libre détermination par chaque membre de l’entente. Hoechst ne nierait d’ailleurs pas sérieusement que les mécanismes de surveillance instaurés auraient effectivement permis d’atteindre globalement les objectifs de prix ou du moins que les parties se seraient activement efforcées d’y parvenir (considérants 331 et 334 de la Décision). Selon la Commission, les prix cibles devaient systématiquement être utilisés comme base de négociation (considérant 104 de la Décision). Parfois, les participants auraient constaté expressément que les objectifs de prix avaient été respectés (considérant 205 de la Décision).

322    La Commission aurait toutefois laissé en suspens la question de l’écart entre les prix imposés par l’entente et ceux auxquels on aurait pu s’attendre dans une situation de concurrence normale (considérants 333 et 340 à 342 de la Décision). Il ne serait pas indiqué dans la Décision que les prix avaient augmenté de manière continue, mais uniquement que les objectifs de prix avaient été fixés de manière à pouvoir atteindre des prix plus élevés que ceux du marché. Selon la Commission, cela pouvait inclure des baisses de prix, dont l’effet était cependant seulement d’atténuer les répercussions de la baisse des prix du marché pour les membres de l’entente (considérant 224 de la Décision).

323    En ce qui concerne les conséquences de l’entente sur le volume des ventes, Hoechst ne remettrait pas concrètement en cause les chiffres figurant au tableau II de la Décision. L’affirmation de Hoechst (contraire au considérant 419 de la Décision) selon laquelle il existait des « quantités grises » plus importantes chez d’autres producteurs que chez Ueno, notamment chez elle, serait totalement dépourvue de précision. En outre, le problème des quantités grises ne serait apparu qu’à la fin de 1992, donc vers la fin de l’entente (considérants 112 et 193 de la Décision). La Commission rappelle également que, en l’espèce, l’offre était adaptée à la demande et renvoie aux considérants 108 et 109 de la Décision.

324    Pour ce qui est des remarques de Hoechst relatives aux marchés en cause, la Commission précise qu’elle a simplement rappelé, au considérant 336 de la Décision, que les sorbates étaient les conservateurs les plus utilisés et qu’aucun autre conservateur ne pouvait s’y substituer parfaitement. Il aurait donc été légitime de conclure que les fabricants de sorbates étaient en mesure de contrôler aussi « dans une large mesure » le secteur des conservateurs. La Commission ajoute qu’elle n’a pas définitivement établi s’il existait un marché distinct des sorbates. Même si tel était le cas, la constatation de la Commission resterait valable.

325    Enfin, s’agissant de l’importance des conséquences préjudiciables de l’infraction sur la détermination du montant de l’amende, l’hypothèse de Hoechst selon laquelle ces conséquences compteraient pour exactement un tiers serait dénuée de tout fondement. Le communiqué de presse de la Commission invoqué par Hoechst contiendrait seulement une présentation abrégée de la Décision et ne devrait pas être compris comme signifiant que les répercussions en question ont joué un rôle décisif dans le calcul des amendes. Cet aspect ne serait même pas mentionné dans la partie intitulée « Calcul des amendes » du communiqué. Par ailleurs, il conviendrait d’accorder plus d’importance aux éléments relevant de l’objet d’un comportement qu’à ceux relatifs à ses effets, surtout lorsqu’ils ont trait à des infractions intrinsèquement graves, telles que la fixation des prix et la répartition des marchés (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 636).

 Sur la participation des dirigeants de haut niveau aux accords anticoncurrentiels

326    S’agissant de la motivation de la Décision, la Commission souligne que Hoechst a visiblement compris ce que recouvrait l’expression « au niveau le plus élevé » et que, par ailleurs, la communication des griefs précisait que les accords avaient été conçus, dirigés et encouragés au niveau le plus élevé dans les entreprises concernées. Hoechst n’aurait pas contesté ces constatations et il n’aurait pas été nécessaire d’approfondir ce point.

327    Sur le fond, on ne saurait déduire de l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 75 supra, une définition de la notion de « niveau le plus élevé », applicable à toute situation, et qui exclurait toute personne qui exerce des fonctions moins élevées que celles dont il était question dans cet arrêt. Au considérant 323 de la Décision, la Commission viserait à démontrer que l’entente n’était pas organisée par des collaborateurs subalternes, mais par des personnes se situant à un niveau hiérarchique susceptible de conférer autorité et stabilité à l’entente. Les directeurs des ventes du département concerné de Hoechst rempliraient ces conditions.

 Sur la répartition des entreprises en catégories

328    Hoechst méconnaîtrait le fait que les lignes directrices se fondent sur le poids spécifique de chaque entreprise (point 1 A, quatrième, sixième et septième alinéas). Le fait que les fabricants japonais se sont régulièrement rencontrés avant les réunions communes et habituellement aussi après ces réunions n’en ferait pas forcément une seule et même entreprise.

329    Par ailleurs, la Commission rappelle que, en répartissant les entreprises par catégories, elle a commencé par Hoechst, à qui elle a imposé l’amende minimale recommandée pour les infractions très graves. L’argument de Hoechst visant à soutenir que le montant de départ de l’amende pour les entreprises de la seconde catégorie, qui s’élève à un tiers du montant de départ de la sienne, serait trop faible, ne pourrait être accueilli, puisque nul ne pourrait invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Lögstör Rör/Commission, T‑16/99, Rec. p. II‑1633, point 350). De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission disposerait d’un pouvoir d’appréciation et elle ne saurait être tenue d’appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (arrêt CMA CGM e.a./Commission, point 220 supra, points 252 et 383). Il serait donc sans conséquence que le montant de départ de l’amende pour les entreprises de la seconde catégorie n’ait pas été adapté de manière exactement proportionnelle aux parts de marché des entreprises concernées.

330    S’agissant de la pratique décisionnelle invoquée par Hoechst, la Commission soutient que cette pratique ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, celui-ci étant uniquement défini dans le règlement n° 17, et que les éléments de comparaison ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif dès lors que les données circonstancielles des affaires de concurrence, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés ne sont pas identiques. La Commission renvoie, sur ces points, à l’arrêt JCB Service/Commission, point 218 supra (points 187 et 188). Dès lors, la comparaison effectuée par Hoechst ne serait pas pertinente.

 Sur le facteur de majoration pour tenir compte de la taille et des ressources globales de Hoechst

331    La Commission soutient que la fixation d’un facteur à finalité dissuasive est conforme à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle. La Commission renvoie, en particulier, à l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 75 supra (points 162 et suivants).

332    Ce facteur tiendrait compte de la taille et des ressources de l’entreprise concernée, qui vont de pair avec son importance. En 2002, Hoechst aurait été au moins quatre fois plus importante que Daicel, l’entreprise qui la suit immédiatement en termes de chiffre d’affaires. En revanche, la nature de l’activité de Hoechst au moment de l’adoption de la Décision serait dépourvue de pertinence. Le fait que Hoechst ait cédé sa branche d’activités dans le domaine des sorbates à un tiers aurait déjà été pris en considération lors de la comparaison pertinente de la taille des entreprises en cause.

 Sur la durée de l’infraction

333    Concernant les arguments de Hoechst relatifs à la méthode prévue par les lignes directrices, la Commission indique qu’une majoration de 10 % par année est prévue au point 1 B des lignes directrices, et ce pour sanctionner réellement les restrictions qui ont produit durablement des effets nocifs. La Cour aurait eu l’occasion de souligner encore récemment qu’il est conforme à l’intérêt général d’éviter les pratiques et les accords anticoncurrentiels, de les découvrir ainsi que de les sanctionner (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 54).

334    La Commission souligne, par ailleurs, que la majoration prévue pour la durée de l’infraction n’est pas soumise à un plafond absolu (comme les 100 % avancés par Hoechst) et renvoie, sur ce point, à sa pratique décisionnelle dans plusieurs affaires.

335    De plus, les critères de gravité et de durée de l’infraction coexisteraient de façon autonome. Ensemble, ils permettraient de déterminer le montant de base. Définir la majoration due à la durée de l’infraction en fonction du critère de gravité serait en contradiction avec le caractère autonome des deux critères et donc inapproprié.

336    En outre, contrairement à l’opinion de Hoechst, la catégorie des infractions très graves ne serait nullement réservée aux restrictions horizontales de longue durée. Il conviendrait, dès lors, de tenir pleinement compte de la durée réelle de l’infraction.

337    Les considérations en matière de prescription ne seraient pas plus pertinentes. La prescription en cas d’infractions durables ou continues ne commencerait à courir qu’à la date où l’infraction prend fin.

338    S’agissant de l’argument selon lequel, en tout état de cause, seule une augmentation de 165 % serait envisageable au motif que la première année de l’infraction ne compte pas, la Commission répond que la majoration de 10 % par année est parfaitement conforme aux principes consacrés dans les lignes directrices. Il serait seulement prévu à cet égard que, pour les infractions de courte durée, en général d’une durée inférieure à un an, aucune majoration n’est appliquée (arrêt Cheil Jedang Corporation/Commission, point 318 supra, point 133). Une comparaison du libellé des deuxième et troisième tirets du point 1 B des lignes directrices montrerait que, en cas d’infraction de plus d’une année, l’augmentation est censée s’appliquer « pour chaque année » de l’infraction, donc la première année comprise.

339    Pour ce qui est, enfin, de la pratique décisionnelle invoquée par Hoechst, par laquelle il aurait été imposé une augmentation inférieure à 10 % par année, la Commission relève que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cheil Jedang Corporation/Commission, point 318 supra, présentait la particularité que l’augmentation en raison de la durée s’élevait à 10 % pour certaines entreprises et à moins de 10 % pour d’autres entreprises, de sorte que la décision n’était pas cohérente (point 139 de l’arrêt). La Commission ajoute que le fait qu’elle ait appliqué, dans le passé, un certain taux de majoration du montant de l’amende, en fonction de la durée de l’infraction, ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce taux dans les limites indiquées par le règlement n° 17 et dans les lignes directrices, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 277).

340    En outre, dans les dernières décisions que Hoechst mentionne, la Commission aurait indubitablement augmenté l’amende de 10 % par année pour la durée de l’infraction. Il y aurait lieu, à ce propos, de rejeter l’allégation de Hoechst selon laquelle l’augmentation de 10 % par année est en tout état de cause inadéquate dès lors que l’intensité de l’infraction a varié. D’une part, le passage de la décision cité par Hoechst pour démontrer ce changement dans l’intensité de l’infraction ne permettrait pas la moindre conclusion en ce sens. D’autre part, l’augmentation de l’amende de 10 % par année d’infraction resterait justifiée même si l’intensité de l’infraction a pu varier pendant la période concernée, du moment que l’infraction de nature très grave s’est poursuivie (arrêt Michelin/Commission, point 339 supra, point 278).

3.     Appréciation du Tribunal

341    À titre liminaire, tout d’abord, il convient de constater que le cinquième moyen soulevé par Hoechst repose sur deux branches. La première branche est intitulée « Nature de l’infraction ». La seconde branche est intitulée « Durée de l’infraction ». Toutefois, la première branche vise, en fait, les éléments constitutifs de la « gravité » de l’infraction, qui intègrent la nature de l’infraction. Il y a donc lieu de comprendre que Hoechst conteste, en fait, dans une première branche, les éléments retenus par la Commission quant à la gravité de l’infraction.

342    Ensuite, il convient de rejeter l’argument général de Hoechst selon lequel le montant de son amende, calculé avant l’application de la communication sur la coopération de 1996, serait disproportionné dans la mesure où il correspondrait à presque cinq fois le volume global du marché dans l’EEE, pour l’année 1995, constaté au tableau I de la Décision. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, lors de la détermination du montant de chaque amende, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C‑283/98 P, Rec. p. I‑9855, point 47, et arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 151). Par ailleurs, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le montant de l’amende est déterminé sur la base de la gravité de l’infraction et de sa durée. De plus, ledit montant est le résultat d’une série d’appréciations chiffrées effectuées par la Commission conformément aux lignes directrices. La détermination de ce montant est, notamment, fonction de diverses circonstances liées au comportement individuel de l’entreprise en cause, telles que l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, points 82 et 85). Il ne saurait être déduit de ce cadre juridique que la Commission doit assurer une proportion entre le montant de l’amende, ainsi calculé, et le volume global du marché du produit concerné dans l’EEE, pour une année donnée de l’infraction (en l’occurrence 1995), alors même que l’infraction en cause a duré plus de 17 ans et que le montant de l’amende dépend aussi d’autres circonstances liées au comportement individuel de l’entreprise. Il en résulte que l’argument général de Hoechst à cet égard doit être rejeté.

a)     Sur la gravité de l’infraction

343    Il y a lieu de rappeler que les lignes directrices énoncent, notamment, que l’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions sont ainsi classées en trois catégories, permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves (point 1 A, premier et deuxième alinéas).

344    Il convient de rappeler également que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 208 supra, point 465, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 241).

 Sur l’effet de l’entente sur le marché des sorbates de l’EEE

345    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que les trois aspects de l’évaluation de la gravité de l’infraction, mentionnés au point 343 ci-dessus, n’ont pas le même poids dans le cadre de l’examen global. La nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions qualifiées de « très graves ». À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves dans les lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation d’objectifs de prix ou à l’allocation de quotas de vente en volume peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très grave », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact particulier (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 178).

346    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que Hoechst ne remet pas en cause l’objet infractionnel de l’entente, à savoir la fixation d’objectifs de prix, l’allocation de quotas de vente en volume, la définition d’un système d’information et de contrôle ainsi que l’absence de fourniture de technologie aux candidats à l’entrée sur le marché.

347    Deuxièmement, il y a lieu de constater que, dans la Décision, la Commission a pris en considération l’impact concret de l’entente sur le marché lors de l’évaluation de la gravité de l’infraction. En effet, si la Commission affirme, au considérant 327 de la Décision, qu’il n’est pas nécessaire de prendre en considération des effets concrets lorsque l’objet anticoncurrentiel d’une entente est établi, elle constate néanmoins, aux considérants 333 à 336 de la Décision, l’existence de tels effets en l’espèce, et ce même si elle affirme au considérant 333 qu’il n’est pas possible de les quantifier avec précision. Ces effets résulteraient, en particulier, de la mise en œuvre des accords en cause. La Commission rappelle, à cet égard, aux considérants 330 à 332 de la Décision, renvoyant à la partie I de celle-ci, que les accords en cause ont été soigneusement mis en œuvre. Les considérants 334 et 336, qui ont trait aux effets concrets de l’entente sur le marché renvoient, également, à la mise en œuvre des accords en cause. Au considérant 337 de la Décision, qui renferme la conclusion relative aux développements consacrés à l’impact concret de l’entente sur le marché, la Commission indique que cette « mise en œuvre permanente a eu un effet sur le marché des sorbates ».

348    Or, la conclusion de la Commission quant à la mise en œuvre de l’entente n’est pas contestée par Hoechst devant le Tribunal. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, s’agissant notamment d’une entente sur les prix, il est légitime pour la Commission de déduire que l’infraction a eu des effets, du fait que les membres de l’entente ont pris des mesures pour appliquer les prix convenus. En revanche, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 153 supra, points 743 à 745). Dès lors, les arguments de Hoechst ne sauraient remettre en cause la conclusion de la Commission quant aux effets de l’entente découlant de la mise en œuvre des accords en cause.

349    Au surplus, il y a lieu de relever que l’entente avait pour objet, notamment, de fixer des objectifs de prix. Il convient de rappeler, à cet égard, que la fixation d’un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’elle permet à tous les participants à l’entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. En effet, en exprimant une volonté commune d’appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 81). Il en résulte que, en fixant notamment des objectifs de prix, l’entente en cause a nécessairement affecté le jeu de la concurrence.

350    En outre, le tableau II de la Décision démontre que les quotas de ventes convenus entre les parties à l’entente ont été mis en œuvre, comme la Commission le relève au considérant 335 de celle-ci. Les chiffres repris dans ce tableau ne sont pas contestés par Hoechst qui relève seulement que des « quantités grises » – à savoir des quantités vendues et non déclarées aux membres de l’entente – feraient douter du bon fonctionnement des accords en cause. Or, il ressort des considérants 112 et 193 de la Décision que les discussions des membres de l’entente sur d’éventuelles « quantités grises » portaient sur des volumes de vente des producteurs japonais non repris dans les « statistiques officielles », c’est-à-dire les données, publiées, des exportations desdits producteurs. En particulier, au considérant 335 de la Décision, la Commission relève que de telles « quantités grises » peuvent être attribuées à Ueno. Dès lors, à supposer que de telles « quantités grises » aient eu une incidence sur les chiffres des ventes d’Ueno, ou sur ceux d’autres producteurs japonais, repris dans le tableau II de la Décision, ces mêmes quantités seraient sans incidence sur les chiffres des ventes de Hoechst. Dans ces conditions, l’entente aurait eu, à tout le moins, pour effet de limiter ou de contrôler les débouchés d’un concurrent présent sur le marché de l’EEE. À cet égard, s’agissant des affirmations de Hoechst selon lesquelles elle aurait aussi vendu des « quantités grises » du produit concerné, il suffit de relever qu’elles ne sont supportées par aucun élément objectif, lequel, au demeurant, n’aurait pas été fourni en temps utile à la Commission.

351    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments de Hoechst quant à l’effet de l’entente sur le marché des sorbates de l’EEE.

 Sur la participation de dirigeants de haut niveau de Hoechst à l’entente

352    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la constatation de la Commission selon laquelle les accords collusoires en cause étaient, pour l’essentiel, conçus, dirigés et encouragés à un niveau très élevé dans les entreprises concernées, est reprise dans le cadre de l’appréciation de la nature des infractions en cause.

353    Toutefois, rien ne permet de considérer que cette constatation, si elle s’avérait erronée pour Hoechst, pourrait, à elle seule, remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les infractions en cause, caractérisées notamment par la fixation d’objectifs de prix et par l’allocation de quotas de vente en volume, étaient, par leur nature propre, très graves.

354    En tout état de cause, il suffit de relever que la constatation de la Commission s’appuie à l’évidence sur les listes des employés des entreprises concernées ayant participé aux réunions, qui figurent aux considérants 88, 91, et 96 à 98 de la Décision. S’agissant de Hoechst, au considérant 96 de la Décision, la Commission précise que ses représentants lors des réunions communes étaient, en particulier, des directeurs des ventes ou des responsables des ventes du produit concerné. Le défaut de motivation soulevé par Hoechst doit donc, à cet égard, être rejeté.

355    Il y a lieu de relever également que la liste des employés de Hoechst, reprise au considérant 96 de la Décision, figurait déjà au point 62 de la communication des griefs. Par ailleurs, au point 295 de la communication des griefs, la Commission indiquait clairement qu’elle tiendrait compte du fait que les accords collusoires étaient conçus, dirigés et encouragés à un niveau très élevé dans les entreprises concernées.

356    Ces éléments factuels n’ont pas été contestés par Hoechst durant la procédure administrative.

357    Or, rien ne permet de considérer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que des « directeurs des ventes » appartenaient à un « niveau très élevé » dans l’organisation des entreprises concernées. En particulier, Hoechst se limite à contester cette conclusion en indiquant que les directeurs des ventes sont eux-mêmes subordonnés à d’autres directeurs, sans apporter d’éléments concrets à l’appui de cette affirmation, éléments qui n’auraient de toute façon pas été transmis en temps utile à la Commission. Au demeurant, le fait que les directeurs des ventes soient eux-mêmes subordonnés à d’autres directeurs n’implique pas nécessairement, et en soi, qu’ils n’étaient pas des dirigeants de « niveau très élevé ».

358    S’agissant, enfin, de la référence faite par Hoechst à l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 75 supra (points 33 à 38), il suffit de constater que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait visé le rôle joué par la « direction du groupe » de l’entreprise concernée, ce qui différencie cette affaire de la présente espèce.

359    Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de rejeter les arguments de Hoechst quant à la participation de ses dirigeants de haut niveau à l’entente.

 Sur la répartition des entreprises concernées en catégories

360    À titre liminaire, il importe de rappeler que la différenciation effectuée en ce qui concerne l’entente sur le marché des sorbates consistait à déterminer, conformément au point 1 A, troisième, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices, la contribution individuelle de chaque entreprise, en termes de capacité économique effective, au succès de l’entente en vue de son classement dans la catégorie appropriée (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 118 supra, point 225).

361    Au considérant 349 de la Décision, la Commission précise, à cet égard, que la méthode choisie permet d’estimer la capacité relative de chaque entreprise, sa contribution au préjudice global porté à la concurrence dans l’EEE et sa contribution à l’efficacité de l’entente dans son ensemble.

362    En l’espèce, la Commission a évalué la contribution individuelle des entreprises concernées en se fondant sur la part de marché détenue par chacune d’entre elles en 1995, pour le produit en cause à l’échelle mondiale.

363    Hoechst ne conteste pas le fait que la Commission a réparti les entreprises concernées en catégories, ni la méthode retenue à cet effet. Hoechst avance principalement une inégalité de traitement avec les entreprises japonaises, s’agissant des montants de départ retenus en fonction des catégories.

364    Il convient de rappeler, à cet égard, que, lorsque la Commission procède à une répartition par catégories, elle doit respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts CMA CGM e.a./Commission, point 220 supra, point 406, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra, point 219).

365    Premièrement, il résulte clairement de la Décision que, après avoir conclu que l’infraction en cause était « très grave » (considérant 344 de la Décision), la Commission a considéré que Hoechst était, en 1995, le plus grand producteur de sorbates sur le marché mondial et l’a placée dans la première catégorie d’entreprises (considérant 352 de la Décision). Hoechst ne conteste pas la constatation selon laquelle elle était le plus grand producteur de sorbates, pour l’année 1995, ce qui, au demeurant, est confirmé par les données figurant au tableau I de la Décision. S’agissant de l’argument de Hoechst selon lequel il aurait fallu la comparer aux quatre producteurs japonais, pris ensemble, il y a lieu de rappeler que la Décision, bien que rédigée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard des entreprises destinataires les infractions retenues à leur charge et leur infligeant, le cas échéant, des amendes, ainsi que cela est, en outre, étayé par le libellé de son dispositif, et notamment de ses articles 1er et 3 (ordonnance Hoechst/Commission, point 31 supra, point 16). Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir analysé la situation des entreprises japonaises concernées de façon séparée.

366    Deuxièmement, au considérant 354 de la Décision, la Commission précise que le montant de l’amende susceptible d’être infligée pour des infractions très graves est supérieur à 20 millions d’euros.

367    Troisièmement, au considérant 355 de la Décision, la Commission fixe le montant de départ des amendes à 20 millions d’euros pour les entreprises du premier groupe (Hoechst) et à 6,66 millions d’euros pour les entreprises du deuxième groupe (Daicel, Chisso, Nippon Synthetic et Ueno).

368    Il en résulte que, afin d’opérer un traitement différencié entre les entreprises concernées, la Commission a commencé par fixer, pour les entreprises de la première catégorie (c’est-à-dire Hoechst qui était, selon la Décision, le plus grand producteur de sorbates en 1995), le montant de 20 millions d’euros envisagé par les lignes directrices. La Commission a déterminé, par la suite, sur cette base, le montant retenu pour les entreprises de la seconde catégorie.

369    Rien, dans la Décision, ne permet d’arriver à la conclusion que le montant retenu pour les entreprises de la première catégorie a été fixé en fonction du montant retenu pour les entreprises de la seconde catégorie. De même, rien, dans la Décision, ne permet de considérer que le montant de 20 millions d’euros retenu pour les entreprises de la première catégorie résulterait d’une formule mathématique appliquant un montant d’amende par tranche de chiffre d’affaires, contrairement à ce que semble suggérer Hoechst.

370    Dans ces conditions, à supposer même que le montant de 6,66 millions d’euros retenu pour les entreprises de la seconde catégorie soit trop faible ou que certaines entreprises classées dans cette seconde catégorie auraient dû être classées dans la première catégorie, il s’agirait là d’une illégalité commise en faveur des entreprises de la seconde catégorie.

371    Or, il y a lieu de souligner que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 160, et Lögstör Rör/Commission, point 329 supra, point 350).

372    Enfin, s’agissant de la pratique décisionnelle de la Commission invoquée par Hoechst, il y a lieu de rappeler qu’elle ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 17 et dans les lignes directrices (voir arrêt Michelin/Commission, point 339 supra, point 292, et la jurisprudence citée), et que, par ailleurs, les opérateurs ne peuvent placer une confiance légitime dans le maintien d’une situation existante pouvant être modifiée par la Commission dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (voir arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 33, et la jurisprudence citée, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 344 supra, point 171).

373    Dans ces conditions, et sans qu’il y ait lieu d’accéder à la demande de Hoechst visant à faire citer des témoins dès l’instant où le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier, il convient de rejeter les arguments de Hoechst quant à la répartition des entreprises concernées en catégories.

 Sur le facteur de majoration pour tenir compte de la taille et des ressources globales de Hoechst

374    Pour tenir compte « de la taille et des ressources globales de l’entreprise », le montant de départ de l’amende pour Hoechst a été majoré de 100 % et porté à 40 millions d’euros (considérant 357 de la Décision).

375    Cette majoration vise, selon le considérant 356 de la Décision, à obtenir un effet dissuasif suffisant sur les grandes entreprises et à tenir compte du fait que celles-ci disposent de connaissances et d’infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence.

376    À cet égard, les lignes directrices prévoient que, mis à part la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché et l’étendue géographique de celui-ci, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

377    Il peut également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension sont mieux à même d’apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (point 1 A, cinquième alinéa).

378    En l’espèce, bien que les considérants 356 et 357 de la Décision soient repris sous le titre « Effet dissuasif suffisant », il résulte du considérant 356 de la Décision que la Commission a tenu compte, d’une part, de la nécessité d’assurer un caractère suffisamment dissuasif à l’amende, au sens du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, et, d’autre part, du fait que les entreprises de grande dimension, comme Hoechst, peuvent mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, au sens du point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices, pour appliquer une majoration de 100 % du montant de départ de l’amende.

379    S’agissant du premier élément, à savoir la nécessité d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende, il exige que le montant de l’amende soit modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité. Le Tribunal a ainsi déjà relevé, dans l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra, que, en raison de son chiffre d’affaires global énorme par rapport à celui des autres membres de l’entente, l’une des entreprises concernées dans cette affaire mobiliserait plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, ce qui justifiait, en vue d’un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l’application d’un multiplicateur (point 241). Dans ce cadre, les ressources financières de l’entreprise doivent être évaluées, afin d’atteindre correctement l’objectif de dissuasion, et ce dans le respect du principe de proportionnalité, au jour où l’amende est infligée. À cet égard, pour les mêmes motifs, il y a lieu de noter que, dans le cadre de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, la limite supérieure de l’amende fixée à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée est déterminée en fonction du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédant la décision (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, point 85).

380    Il y a lieu de relever, à cet égard, que, dans la Décision, la Commission ne précise pas quelles données ont été utilisées pour asseoir sa conclusion quant à la nécessité d’assurer un caractère suffisamment dissuasif à l’amende de Hoechst.

381    Dans la Décision, la Commission reprend toutefois les chiffres d’affaires globaux des entreprises concernées pour l’année 2002 (considérants 37, 42, 46, 50 et 55), année qui correspond au dernier exercice social précédant l’adoption de la Décision. La Commission se réfère d’ailleurs à l’année 2002 dans ses écritures devant le Tribunal. Les chiffres d’affaires globaux s’élevaient, pour cette année-là, à 9,2 milliards d’euros pour Hoechst, à 2,243 milliards d’euros pour Daicel, à 973,4 millions d’euros pour Chisso, à 321,5 millions d’euros pour Nippon Synthetic et à 199,5 millions d’euros pour Ueno. Hoechst était donc effectivement, en 2002, de loin la plus grande des entreprises concernées par la Décision. En particulier, son chiffre d’affaires global était au moins quatre fois plus important que la deuxième entreprise concernée, par la taille, à savoir Daicel. Dans ces conditions, la Commission pouvait, à juste titre, rechercher à assurer le caractère dissuasif de l’amende pour Hoechst.

382    S’agissant du deuxième élément pris en compte par la Commission aux fins de la majoration du montant de départ de l’amende, à savoir les infrastructures juridico-économiques dont disposent les entreprises afin d’être mieux en mesure d’apprécier le caractère infractionnel de leur comportement, il y a lieu de souligner, par opposition à ce qui a été exposé précédemment, qu’il vise à punir davantage les grandes entreprises dont il est présumé qu’elles jouissent des connaissances et des moyens structurels suffisants afin d’avoir conscience du caractère infractionnel de leur comportement et d’en évaluer les bénéfices éventuels. Or, il y a lieu de considérer que, dans cette hypothèse, le chiffre d’affaires sur la base duquel la Commission détermine la taille des entreprises en cause, et donc leur capacité à déterminer le caractère et les conséquences de leur comportement, doit se rapporter à leur situation au moment de l’infraction.

383    En l’espèce, dans la Décision, la Commission ne précise pas quelles données ont été utilisées pour asseoir sa conclusion selon laquelle Hoechst pouvait mieux apprécier le caractère infractionnel de son comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence.

384    Toutefois, il est constant que le chiffre d’affaires mondial de Hoechst était de 28,181 milliards d’euros en 1995, c’est-à-dire la dernière année complète avant la fin de l’infraction (considérant 46 de la Décision). Or, il ne saurait être soutenu que, sur cette base, Hoechst ne disposait pas des infrastructures juridico-économiques dont disposent les entreprises de grande dimension, ce que Hoechst ne prétend d’ailleurs pas. Le fait que les autres entreprises concernées aient pu être également, en 1995, des entreprises de grande dimension ne saurait affecter l’appréciation de la Commission à cet égard.

385    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en décidant d’appliquer un facteur de majoration en l’espèce.

386    Les autres arguments avancés par Hoechst ne sauraient remettre en cause cette conclusion. En particulier, le fait que Hoechst a connu une forte diminution de sa taille ayant ramené son chiffre d’affaires à 9 milliards d’euros, en 2002, ou que Hoechst a cédé sa branche d’activités dans le secteur des sorbates avant l’adoption de la Décision n’est pas de nature à influer sur la légalité de l’application du facteur de majoration en l’espèce. En effet, d’une part, la diminution de la taille de Hoechst ne remet pas en cause le fait que son chiffre d’affaires mondial était de 28,181 milliards d’euros en 1995, soit la dernière année complète de l’infraction. D’autre part, la cession de la branche d’activités dans le secteur des sorbates ne remet pas en cause le fait que, en 2002, année qui correspond au dernier exercice social précédant l’adoption de la Décision, Hoechst était la plus grande des entreprises concernées.

387    S’agissant du fait allégué par Hoechst que ce n’est pas un facteur de 100 % qui aurait dû être appliqué en l’espèce, il ne repose sur aucun élément circonstancié. En tout état de cause, premièrement, rien ne permet de considérer que la majoration opérée par la Commission dépasse les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par les lignes directrices. Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que le chiffre d’affaires global de Hoechst, en 2002, était au moins quatre fois plus important que celui de la deuxième entreprise concernée, par la taille, à savoir Daicel. Le facteur retenu par la Commission reflète, à cet égard, la différence de chiffre d’affaires global, en 2002, entre Hoechst et les autres entreprises concernées. En outre, s’agissant du fait que Hoechst disposait, en 1995, de connaissances et d’infrastructures juridico-économiques lui permettant de mieux apprécier le caractère infractionnel de son comportement et les conséquences qui en découlaient, et à supposer que les autres entreprises concernées étaient également, en 1995, des entreprises de grande dimension, il n’y a pas lieu, à cet égard, de distinguer entre deux entreprises dont les chiffres d’affaires justifient en tout état de cause qu’elles soient qualifiées de grandes entreprises disposant de telles infrastructures. Il résulte de ces éléments que le facteur de 100 % appliqué par la Commission ne saurait être considéré, en l’espèce, comme étant disproportionné.

388    Au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter les arguments de Hoechst contestant l’application d’un facteur de majoration de 100 % pour tenir compte de la taille et des ressources globales de l’entreprise.

389    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen.

b)     Sur la durée de l’infraction

390    Conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la durée de l’infraction constitue l’un des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infractions aux règles de concurrence.

391    En ce qui concerne le facteur relatif à la durée de l’infraction, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles le montant de départ retenu au titre de la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré de 50 %, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième tirets).

392    En l’espèce, dans la Décision, la Commission relève au considérant 359, que Chisso, Daicel, Hoechst et Ueno ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, du 31 décembre 1978 au 31 octobre 1996. Hoechst ne conteste pas cet élément, ni le fait que l’infraction en cause a été qualifiée de « longue durée » par la Commission.

393    Il en résulte que, comme la Commission le relève à juste titre dans la Décision, l’infraction en cause a duré 17 ans et 10 mois.

394    Dès lors, la majoration de 175 % appliquée à l’égard de Hoechst n’est pas contraire, en elle-même, aux lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt Cheil Jedang Corporation/Commission, point 318 supra, point 137).

395    S’agissant de l’argument de Hoechst selon lequel les lignes directrices ne prévoient qu’une « forte majoration », et non la fixation d’un montant entièrement nouveau, rien ne permet de considérer que la majoration opérée par la Commission dépasse les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par les lignes directrices. L’emploi des termes « forte majoration » ne permet pas de conclure, comme le soutient Hoechst, que les majorations qui dépassent 100 % seraient contraires à la méthode de calcul prévue par les lignes directrices. Il convient de souligner à cet égard que les pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n° 17 ont pour but de lui permettre d’accomplir la mission, qui lui est confiée par l’article 81 CE, de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun. Dans ce cadre, il est conforme à l’intérêt général d’éviter les pratiques et les accords anticoncurrentiels, de les découvrir ainsi que de les sanctionner (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 54).

396    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, même si le point 1 B, troisième tiret, des lignes directrices ne prévoit pas une majoration automatique de 10 % par an pour les infractions de longue durée, il laisse, à cet égard, une marge d’appréciation à la Commission (voir, en ce sens, arrêt Cheil Jedang Corporation/Commission, point 318 supra, point 134). Or, les arguments avancés par Hoechst au soutien de son moyen ne visent pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. De plus, il convient de souligner que, dans la mesure où les lignes directrices prévoient que les infractions d’une durée supérieure à cinq ans sont à considérer comme des infractions de longue durée, et que de telles infractions justifient d’appliquer une majoration pouvant être fixée pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction, aucune violation du principe de proportionnalité ne saurait être relevée dans la détermination de la durée de l’infraction à laquelle Hoechst a pris part (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Strintzis Lines Shipping/Commission, T‑65/99, Rec. p. II‑5433, point 194).

397    Pour ce qui est du fait avancé par Hoechst que les ententes sur les prix et sur les volumes seraient typiquement des infractions de longue durée et que, dès lors, la majoration pour la durée de l’infraction tiendrait compte une seconde fois de la gravité de l’infraction, il convient de rappeler que, à supposer même que certains types d’ententes soient intrinsèquement conçus pour durer, il importe de faire toujours une distinction, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, entre la durée de leur fonctionnement effectif et leur gravité telle qu’elle résulte de leur nature propre (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 118 supra, point 275). Dès lors, la majoration pour la durée de l’infraction ne tient pas compte, une seconde fois, de la gravité de l’infraction.

398    Concernant la circonstance alléguée que les faits remontant loin dans le passé se prescrivent à un certain moment et que, dès lors, le niveau de la majoration devrait diminuer de manière exponentielle au fur et à mesure du temps, il suffit de rappeler que la majoration opérée par la Commission ne dépasse pas les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par les lignes directrices et que l’action de la Commission n’était pas prescrite en l’espèce au regard du règlement n° 2988/74 (voir point 225 ci-dessus).

399    S’agissant, enfin, de la pratique antérieure de la Commission et notamment du fait que, dans certains cas, elle aurait majoré le montant de départ de l’amende à partir de la deuxième année seulement, il y a lieu de rappeler que cette pratique ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 17 et dans les lignes directrices (voir arrêt Michelin/Commission, point 339 supra, point 292, et la jurisprudence citée), et que, par ailleurs, les opérateurs ne peuvent placer une confiance légitime dans le maintien d’une situation existante pouvant être modifiée par la Commission dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (voir arrêts Delacre e.a./Commission, point 372 supra, point 33, et la jurisprudence citée, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 344 supra, point 171). De plus, les lignes directrices prévoient seulement, pour les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), qu’aucune majoration ne sera appliquée. En revanche, pour les infractions de longue durée, les lignes directrices permettent d’appliquer une majoration de 10 %, « pour chaque année ». Compte tenu des termes employés par les lignes directrices à cet égard, il n’y a aucune raison de considérer que la première année de l’infraction devrait être systématiquement exclue du calcul opéré par la Commission (voir, en ce sens, s’agissant des infractions de moyenne durée, arrêt Cheil Jedang Corporation/Commission, point 318 supra, point 133).

400    Pour l’ensemble de ces raisons, la seconde branche du cinquième moyen doit être rejetée et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

D –  Sur les deuxième et sixième moyens, relatifs au grief tiré du rôle de meneur retenu comme circonstance aggravante dans la Décision

401    Par son deuxième moyen, Hoechst invoque une violation du droit d’être entendu quant au grief tiré du rôle de meneur, retenu comme circonstance aggravante dans la Décision. Par son sixième moyen, Hoechst considère que la majoration fondée sur la qualité de meneur est injustifiée.

402    Il y a lieu d’analyser, d’abord, le deuxième moyen.

1.     Résumé de la Décision

403    Aux considérants 363 à 367 de la Décision, lus à la lumière de ses considérants 92 à 95, la Commission indique que, dans le cas de Hoechst, la gravité de l’infraction est renforcée par le rôle de meneur de l’entente qu’aurait joué cette entreprise.

404    Plus particulièrement, dans la Décision, la Commission relève que Hoechst a été, avec Daicel, un élément moteur important et l’un des membres les plus actifs du cartel, compte tenu notamment de sa position sur le marché. Hoechst aurait ainsi réussi à bénéficier le plus de l’entente et à imposer ses propositions aux producteurs japonais, par exemple en 1992, où elle aurait proposé d’établir une différence de prix entre l’acide sorbique et le sorbate de potassium, proposition suivie par les producteurs japonais en 1994.

405    En outre, dans la Décision, la Commission indique que Hoechst a été chargée, avec Daicel, de planifier et de présider les réunions communes. Elle aurait fait fonction d’hôte pour les réunions en Europe, qu’elle aurait organisées et financées. Hoechst aurait organisé aussi certaines réunions en dehors de la Communauté. Elle aurait eu des contacts réguliers avec Daicel afin d’échanger des informations. De plus, Hoechst aurait pris plusieurs initiatives pour assurer efficacement le contrôle du respect des quotas en volume (par exemple en proposant la création en Suisse d’un organisme neutre chargé de recueillir les chiffres de vente des producteurs japonais ou en ajoutant unilatéralement 600 tonnes à son quota en 1995 en raison de l’existence de « quantités grises »). Par ailleurs, en tant que membre de la Chemical Industrial Products Export Co-operative (CIPEC), Hoechst aurait eu accès aux statistiques sur les exportations japonaises.

406    Hoechst aurait également réussi, selon la Décision, à s’assurer le contrôle de la branche européenne de l’entente, notamment en entretenant des contacts réguliers et exclusifs avec la seule autre entreprise européenne dans ce secteur.

407    Enfin, dans la Décision, la Commission précise que, en novembre 1996, lorsque la dernière réunion commune a eu lieu, Hoechst a tenté, avec Daicel, de convaincre les autres membres de poursuivre les réunions et les accords.

408    Au vu de ces éléments, et pour tenir compte du rôle de meneur joué par Hoechst, la Commission augmente le montant de base de l’amende de 30 % au titre des circonstances aggravantes.

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

409    Hoechst relève que la Commission a tenu compte de sa prétendue position de « comeneur », aux fins de fixer le montant de son amende.

410    Hoechst reproche à la Commission de ne pas l’avoir entendue sur l’appréciation juridique qu’elle allait faire de son prétendu comportement de meneur. En particulier, Hoechst souligne que la Commission ne lui a pas adressé de communication de griefs à ce sujet.

411    Avant l’adoption d’une décision infligeant une amende, la Commission devrait donner aux entreprises l’occasion de se défendre suffisamment par rapport aux griefs qui leur sont faits. Cela signifierait que les reproches en fait et en droit que la Commission a l’intention de leur adresser doivent être communiqués aux futurs destinataires de la décision au moyen d’une communication des griefs (Hoechst renvoie, à cet égard, à l’arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 70 supra, points 193 et 194).

412    En l’espèce, il n’y aurait rien dans la communication des griefs adressée à Hoechst qui indiquerait que la Commission allait retenir la circonstance aggravante de meneur. La Commission n’aurait pas non plus, après l’envoi de sa communication des griefs, fait savoir qu’elle avait l’intention d’étendre ses griefs contre Hoechst en la qualifiant de meneur. Hoechst aurait d’ailleurs souligné que, à défaut de griefs à ce sujet, elle ne voyait pas la nécessité d’aborder la question de la qualification de meneur (Hoechst renvoie à sa réponse à la communication des griefs). Hoechst aurait fait les mêmes remarques lors de l’audition du 24 avril 2003.

413    Cette démarche cachée de la Commission serait d’autant plus incompréhensible que les arguments invoqués à cet égard dans la Décision auraient pu être présentés au moment de la communication des griefs, puisqu’ils ne reposent pas sur des éléments qui ne seraient parvenus qu’ultérieurement à la connaissance de la Commission. Celle-ci aurait donc non seulement violé les droits de la défense de Hoechst, mais également le droit à un procès équitable. Le principe de l’égalité des armes exigerait que les éléments essentiels de la décision ultérieure soient transmis en même temps que la communication des griefs non seulement à l’égard de faits et de moyens de preuve invoqués plus tard, mais également à l’égard de leur appréciation juridique.

414    Il serait évident que si Hoechst avait eu connaissance d’un tel grief à son égard, elle n’aurait pas attendu la procédure judiciaire mais, se serait défendue dès le stade de la procédure administrative. Il serait par ailleurs absurde que les parties concernées présentent des observations pro domo, à titre préventif, sur le fait que les conditions factuelles exigées ne sont pas remplies.

415    Hoechst en conclut que la qualification de meneur, retenue par la Commission dans la Décision ne saurait être maintenue. La majoration de l’amende, fondée sur cette qualification, serait donc illégale. Il en serait de même des arguments avancés dans les considérants de la Décision selon lesquels, en raison de cette position de « meneur », l’application du titre B de la communication sur la coopération de 1996 était juridiquement exclue.

b)     Arguments de la Commission

416    La Commission souligne que les droits de la défense sont respectés dès lors que, dans la Décision, la Commission ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l’exposé des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer. L’exposé des griefs répondrait à cette exigence dès lors qu’il énonce, même sommairement, mais de manière claire, les faits essentiels sur lesquels se base la Commission (la Commission renvoie à l’arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 26 et 94, et à l’arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 70 supra, points 138, 191 et suivants).

417    Selon la Commission, en l’espèce, la communication des griefs contenait déjà une description des circonstances de droit et de fait qui sont entrées en ligne de compte dans la Décision pour le calcul de l’amende. Ainsi, au point 296 de la communication des griefs, la Commission aurait indiqué qu’elle tiendrait compte notamment du « rôle de chaque participant, en particulier du rôle de meneur de certaines entreprises ». Au point 60 de la communication des griefs, il serait expressément reproché à Hoechst d’avoir joué un « rôle de meneur » conjointement avec Daicel lors des réunions communes (la Commission renvoie également au point 64 de la communication des griefs). Au point 282 de la communication des griefs, Hoechst serait présentée comme l’un des « principaux participants » à l’entente.

418    En outre, Hoechst aurait été informée de tous les faits à l’origine de sa qualification de meneur de l’entente au préalable, par le biais de la communication des griefs (notamment aux points 60, 77, 79, 94, 166, 178, 179, 210 et suivants et 282 de la communication des griefs). La Commission vise également les considérants 347 à 367 de la Décision, avec un renvoi aux considérants 92 à 95 de celle-ci.

419    La Commission en conclut que Hoechst avait la possibilité de prendre position sur le grief tiré de son rôle de meneur avant l’adoption de la Décision, ce qu’elle aurait d’ailleurs fait tant dans sa réponse à la communication des griefs que lors de l’audition. Le fait que Hoechst n’ait pas souscrit à ce grief et qu’elle ait cherché à le réfuter dans sa réponse à la communication des griefs ne changerait rien au fait que ce grief lui aurait été fait.

3.     Appréciation du Tribunal

420    Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure de caractère administratif (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-Laroche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 9, et du 2 octobre 2003, Arbed/Commission, C‑176/99 P, Rec. p. I‑10687, point 19 ; arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, point 216 supra, point 32).

421    Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à son égard, tels les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative menée contre elle (voir arrêt Arbed/Commission, point 420 supra, point 20, et la jurisprudence citée).

422    S’agissant plus particulièrement du calcul des amendes, la Commission remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues dès lors qu’elle indique expressément, dans la communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci « de propos délibéré ou par négligence ». Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 344 supra, point 428 ; voir arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 199, et la jurisprudence citée, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon/Commission, point 118 supra, point 139 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21).

423    Il y a également lieu de rappeler que le rôle de « chef de file » joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d’une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent, de ce fait, porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra, point 301, et BASF/Commission, point 120 supra, point 281 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr‑Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, point 291). Conformément à ces principes, le point 2 des lignes directrices établit, sous l’intitulé « Circonstances aggravantes », une liste non exhaustive de circonstances pouvant justifier une augmentation du montant de base de l’amende et comprenant, notamment, le « rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction » (troisième tiret). Dans ce cadre, pour être qualifiée de meneur, l’entreprise en cause doit avoir représenté une force motrice significative pour l’entente (voir, en ce sens, arrêt BASF/Commission, point 120 supra, point 374).

424    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que, même si tous les éléments de fait qui ont été retenus par la Commission dans la Décision pour fonder le grief de meneur étaient déjà présents dans la communication des griefs, ces éléments étaient repris à divers points de cette communication des griefs, sans qu’aucun lien n’ait été établi entre eux, ni que la Commission leur ait donné une quelconque qualification. Ce n’est qu’au stade de la Décision que ces éléments ont été réunis en une partie unique et que le grief de meneur, à l’encontre de Hoechst, est clairement apparu.

425    Plus précisément, seul le point 60 de la communication des griefs, parmi les points visés par la Commission au soutien de sa défense, emploie le terme de « meneur » (« leader » dans la version anglaise et « führende Rolle » dans la version allemande de ladite communication) à l’égard de Hoechst. Toutefois, la phrase concernée, dans son ensemble, se lit de la façon suivante : « Hoechst était, avec Daicel, un meneur des réunions communes qui se tenaient avec les quatre producteurs japonais ». Une phrase similaire était contenue au point 64 de la communication des griefs à l’égard de Daicel (« [Daicel] […] était un meneur des réunions communes avec Hoechst »). Toutefois, la phrase précitée contenue au point 60 de la communication des griefs peut signifier que Hoechst avait eu un rôle particulier dans la tenue des réunions communes – comme le montre au demeurant les autres éléments repris au même point et qui ont trait à l’organisation matérielle desdites réunions – sans toutefois laisser clairement entendre que Hoechst était un « meneur de l’infraction », au sens des lignes directrices. Cette interprétation est d’ailleurs corroborée par le fait que la Commission a modifié la terminologie employée dans le cadre de la Décision. Ainsi, au considérant 92 de la Décision, la Commission retient : « Avec Daicel, Hoechst était en charge de fixer et de présider les réunions communes ». La même modification a été insérée à l’égard de Daicel, la Commission indiquant dans la Décision : « Avec Hoechst, Daicel était en charge de fixer et de présider les réunions communes » (considérant 89). En outre, alors que, dans la Décision, la Commission précise que Hoechst était, avec Daicel, en charge de « fixer » les réunions communes, cette fonction semblait être attribuée, dans la communication des griefs, uniquement à Daicel, comme il ressort du point 64 de ladite communication qui se lit comme suit : « [Daicel] organisait les réunions préparatoires, était en charge de fixer les réunions communes et était un meneur des réunions communes, avec Hoechst ».

426    Deuxièmement, pour ce qui est du fait, relevé au point 77 de la communication des griefs, que Hoechst était « normalement » le premier à annoncer le nouveau prix en Europe, suivi par les producteurs japonais, il convient de souligner que le simple fait, pour le membre d’une entente, d’avoir été le premier à annoncer un nouveau prix ou une augmentation de prix ne saurait être regardé comme étant un indice de son rôle de meneur de l’entente lorsque les circonstances de l’espèce montrent que le prix ou l’augmentation en cause ont été fixés au préalable d’un commun accord avec les autres membres de l’entente et que ces derniers ont également décidé lequel d’entre eux en ferait l’annonce en premier, une telle désignation révélant que le fait d’annoncer le prix ou l’augmentation en premier n’est qu’un acte de stricte observation d’un schéma prédéfini par volonté commune et non une initiative spontanée donnant une impulsion à l’entente (arrêt BASF/Commission, point 120 supra, point 427). En l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 150, 158 et 190 de la communication des griefs, certaines annonces de prix étaient programmées par les membres de l’entente qui prévoyaient, le cas échéant, quelle entreprise ferait l’annonce en premier. Le point 77 de la communication des griefs précité ne permettait donc pas de conclure clairement, au regard des autres éléments contenus dans ladite communication, que les annonces de prix effectuées par Hoechst correspondaient à une initiative spontanée donnant une impulsion à l’entente.

427    Troisièmement, s’agissant du fait, relevé au point 94 de la communication des griefs, que Daicel et Hoechst s’accordaient sur l’agenda des réunions communes, il convient de constater, ainsi qu’il résulte du point 207 de la communication des griefs, que les agendas des réunions communes étaient d’abord élaborés, durant les réunions préparatoires, par les producteurs japonais et proposés, ensuite, à Hoechst. Ces réunions préparatoires permettaient également aux producteurs japonais, comme il ressort du point 204 de la communication des griefs, de s’accorder sur les prix cibles et sur les quotas en volume qui étaient, ensuite, proposés à Hoechst.

428    Quatrièmement, pour ce qui est de la circonstance, constatée au point 166 de la communication des griefs, que Hoechst avait accès, en tant que membre du CIPEC, aux statistiques d’exportation japonaises, alors que les producteurs japonais ne pouvaient pas avoir accès aux statistiques officielles allemandes, elle ne saurait être interprétée, en elle-même, comme signifiant que Hoechst représentait une force motrice pour l’entente.

429    Cinquièmement, concernant les contacts bilatéraux de Hoechst avec les producteurs japonais visés aux points 210 et 211 de la communication des griefs, il y a lieu de relever que, même si ces contacts étaient en grande partie noués avec Daicel, Hoechst entretenait également des relations avec Ueno et Nippon Synthetic, comme le relève le point 211 de la communication des griefs. Pour ce qui est des autres contacts bilatéraux visés aux points 212 et suivants de la communication des griefs, il y a lieu de constater que, comme il résulte notamment des points 219 et 220 de ladite communication, certains de ces contacts résultaient de la volonté de l’ensemble des membres de l’entente, voire des seuls producteurs japonais.

430    Sixièmement, s’agissant de la phrase reprise au point 282 de la communication des griefs, et mise en avant par la Commission, selon laquelle Hoechst était un des acteurs principaux de l’entente, elle doit être replacée dans son contexte. En effet, les points 281 et suivants de la communication des griefs visaient, à l’évidence, à préciser l’étendue des responsabilités de Hoechst, d’une part, et de Nutrinova, d’autre part, dans la mesure où cette dernière entreprise a repris la branche d’activités dans le secteur des sorbates de Hoechst à partir de septembre 1997. Cette phrase ne pouvait pas s’entendre, en tout cas de façon suffisamment précise, comme délimitant un quelconque rôle de meneur joué par Hoechst.

431    Certes, quelques éléments factuels relevés dans la communication des griefs, notamment aux points 79 (proposition d’établir une différence de prix entre l’acide sorbique et le sorbate de potassium), 178 (proposition d’accroître le quota de Hoechst en volume) et 179 (proposition de confier les données des ventes des producteurs japonais à une organisation neutre), reflètent des initiatives occasionnelles de Hoechst. Toutefois, pris dans leur ensemble, les éléments mentionnés par la Commission dans sa communication des griefs, et qui supportent la conclusion qu’elle a tirée dans la Décision sur le rôle de meneur joué par Hoechst, étaient insuffisamment précis quant à leur portée et leur qualification.

432    De plus, même si la Commission a pu laisser entendre, au point 295 de la communication des griefs, qu’elle tiendrait compte du rôle de meneur joué par « certaines entreprises », cette indication n’était pas suffisante, compte tenu de l’imprécision du reste de la communication des griefs, pour permettre à Hoechst de déterminer si elle était, ou non, concernée par une éventuelle qualification de meneur.

433    Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, il convient de considérer que, même si les faits reprochés à Hoechst étaient abordés dans la communication des griefs, la Commission ne leur a pas donné une qualification suffisamment précise pour permettre à la requérante de se défendre utilement.

434    Il y a d’ailleurs lieu de relever à cet égard que, dans sa réponse à la communication des griefs, Hoechst précisait :

« Hoechst/Nutrinova n’a pas joué un rôle déterminant dans l’entente. Le terme de ‘meneur’ repris au point 60 de la communication des griefs n’est pas clair à cet égard [...] La référence au ‘meneur’ au point 60 de la communication des griefs concerne exclusivement le rôle de Hoechst/Nutrinova en tant qu’hôte et organisateur des réunions communes qui se tenaient en Europe. »

435    De même, lors de l’audition qui s’est tenue le 24 avril 2003, les conseils de Hoechst et de Nutrinova déclaraient que cette entreprise remplissait toutes les conditions pour obtenir l’immunité d’amende, en précisant ce qui suit :

« S’agissant du rôle de Hoechst et de Nutrinova en tant qu’hôtes des réunions communes tenues en Europe, il doit être souligné que comme mes clients étaient la seule entreprise européenne à avoir participé à ces réunions communes, il était simplement naturel qu’ils soient responsables de l’organisation des réunions en Europe. Toutefois, cela n’implique aucun rôle de meneur dans l’entente. »

436    Il en résulte que l’imprécision de la communication des griefs quant à la qualification de meneur à l’égard de Hoechst a conduit cette entreprise à se focaliser sur l’organisation des réunions communes, seul thème abordé initialement par la Commission au point 60 de la communication des griefs. À défaut de plus de précision, et compte tenu de la dispersion des autres éléments factuels dans la communication des griefs, Hoechst n’a pas été mise en mesure d’adopter une défense utile sur ce point.

437    Il y a d’ailleurs lieu de rappeler que la Commission avait conscience de l’imprécision du terme de « meneur » employé au point 60 de la communication des griefs. Cela résulte, en particulier, du fait qu’elle a modifié la terminologie employée dans le cadre de la Décision.

438    Pour l’ensemble de ces raisons, le deuxième moyen doit être accueilli. Dès lors, sans qu’il y ait lieu d’analyser le sixième moyen, il convient de réformer la Décision, en tant qu’elle retient la circonstance aggravante de meneur à l’encontre de Hoechst.

439    Les conséquences concrètes de cette réformation seront déterminées ultérieurement.

E –  Sur le septième moyen, tiré du caractère injustifié de la majoration de l’amende pour récidive

1.     Résumé de la Décision

440    Le considérant 363 de la Décision est ainsi rédigé :

« Dans le cas de Hoechst, la gravité de l’infraction est renforcée par les circonstances suivantes :

a)      Hoechst a joué un rôle de meneur de l’entente (considérants 92 à 95) ;

b)      Hoechst a fait l’objet de décisions antérieures concluant à une infraction du même type. »

441    La note en bas de page n° 211 insérée sous le considérant 363 de la Décision se lit comme suit :

« Voir les décisions de la Commission 94/599/CE (PVC II) (JO L 239 du 14.9.1994, p. 14), 89/191/CEE (PVC I) (JO L 74 du 17.3.1989, p. 21), 86/398/CEE (Polypropylène) (JO L 230 du 18.8.1986, p. 1) et 69/243/CEE (Matières colorantes) (JO L 195 du 7.8.1969, p. 11). »

442    Au considérant 368 de la Décision, la Commission indique :

« Il est nécessaire de faire en sorte que le montant de l’amende ait un effet dissuasif suffisant. La Commission note que, dans des décisions antérieures dont Hoechst était destinataire, celle-ci avait été invitée à mettre fin à son comportement anticoncurrentiel et à s’abstenir de le répéter (voir le considérant 363). Cela aurait dû l’amener à accorder une attention particulière au respect du droit communautaire de la concurrence et à s’abstenir de toute violation délibérée. Le fait qu’elle a répété le même comportement montre que les amendes précédentes n’ont pas exercé sur elle un effet suffisamment dissuasif pour qu’elle modifie son comportement. »

443    Répondant aux arguments avancés par Hoechst, la Commission précise au considérant 372 de la Décision :

« En ce qui concerne la qualité de récidiviste de Hoechst, la Commission relève que la dernière décision ordonnant à cette entreprise de mettre fin à son comportement anticoncurrentiel et de s’abstenir de le répéter date de juillet 1994. Après cette décision, Hoechst a continué l’infraction faisant l’objet de la présente procédure pendant plus de deux ans. Cela montre clairement que la décision précédente ne l’a pas dissuadée de continuer de participer à une entente similaire. »

444    Au vu de ces éléments, et pour tenir compte de la qualité de récidiviste de Hoechst, la Commission augmente le montant de base de l’amende de 50 % au titre des circonstances aggravantes (considérant 373 de la Décision).

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

445    Hoechst indique que la Commission a majoré de 50 %, pour récidive, le montant de base de son amende de 110 millions d’euros. Hoechst considère que cette majoration est d’un montant disproportionné et ne voit pas quelle raison permettrait de lui infliger une majoration pour récidive liée à des infractions passées.

446    Premièrement, Hoechst souligne que les anciennes procédures visées au considérant 363 de la Décision [à savoir celles ayant donné lieu respectivement à la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/31.865 – PVC) (JO L 239, p. 14, ci-après la « décision PVC II »), à la décision 89/191/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.866 – PEBD) (JO 1989, L 74, p. 21, ci-après la « décision PVC I »), à la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.149 – Polypropylène) (JO L 230, p. 1), et à la décision 69/243/CEE de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l’article 85 du traité CEE (IV/26.267 – Matières colorantes) (JO L 195, p. 11)], n’ont aucun rapport avec l’affaire en cause. Plus particulièrement, s’agissant de la décision PVC II, Hoechst considère que cette décision ne ferait que répéter la décision PVC I, qui aurait été jugée non avenue par le Tribunal, puis annulée par la Cour. Par ailleurs, les décisions PVC I et PVC II porteraient sur des faits anciens, puisqu’ils auraient pris fin en 1984. Ce serait donc à tort que la Commission chercherait, au considérant 372 de la Décision, à établir une relation entre la décision PVC II et la présente affaire. À cela s’ajouterait le fait que l’ancienne activité de Hoechst dans le secteur des additifs alimentaires n’aurait rien à voir avec des activités dans le secteur du PVC. Hoechst indique également que la Commission aurait entrepris récemment d’instaurer une responsabilité collective de groupe en infligeant des majorations de 10 % par année pour la période située entre la décision infligeant une amende dans une affaire et la fin de l’infraction faisant l’objet d’une autre affaire. Hoechst renvoie, à cet égard, à la décision 2005/471/CE de la Commission, du 27 novembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE à l’encontre de BPB PLC, Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG, Société Lafarge SA et Gyproc Benelux NV (Affaire COMP/E-1/37.152 – Plaques en plâtre) (JO 2005, L 166, p. 8). Cette pratique s’inscrirait dans le cadre de nouvelles infractions commises consciemment par une seule et même direction de groupe, et ce malgré la répression d’un comportement parallèle. Toutefois, en l’espèce, la simultanéité entre la décision PVC II et l’infraction en cause dans la présente affaire découlerait du fait que la Commission n’aurait été en mesure d’adopter la décision PVC II que onze ans après la cessation de l’infraction en cause dans cette dernière affaire.

447    Deuxièmement, les affaires visées par la Commission au considérant 363 de la Décision concerneraient des comportements qui auraient pris fin en 1984 au plus tard. Il s’agirait dès lors de faits prescrits. Hoechst souligne que la décision Matières colorantes est devenue définitive il y a plus de 30 ans par un arrêt de la Cour. Elle serait donc trop ancienne pour permettre de conclure à une récidive. Hoechst ajoute que les faits visés par la décision Polypropylène n’auraient été définitivement jugés qu’en juillet 1999, et ceux visés par les décisions PVC I et PVC II en octobre 2002, donc longtemps après la fin des faits de la présente affaire.

448    Troisièmement, même s’il devait finalement être retenu que différentes infractions commises de façon indépendante dans un groupe et sans lien subjectif entre elles constituent une circonstance aggravante, la majoration appliquée serait disproportionnée. En particulier, le fait que Hoechst fasse partie d’un groupe aurait déjà été pris en compte deux fois par la Commission : une première fois en fixant le montant de départ de l’amende à 20 millions d’euros et une seconde fois en majorant ledit montant de 100 % en raison de la taille du groupe Hoechst. Il ne saurait être équitable d’ajouter encore des majorations. En comparaison, Hoechst aurait à supporter un montant de base pratiquement quatorze fois plus élevé que Daicel, en raison de sa structure de groupe, alors que son chiffre d’affaires n’est que quatre fois plus grand. Hoechst souligne également que dans la procédure ayant donné lieu à la décision Plaques en plâtre, une majoration de 10 % par an avait été infligée pour la période située entre la décision précédente infligeant une amende et la cessation de l’infraction sur le produit concerné. Or, en l’espèce, la majoration appliquée serait de 22 % par an.

449    À titre subsidiaire, Hoechst soutient qu’une majoration pour récidive ne serait pas équitable lorsque l’entreprise concernée coopère totalement durant la procédure administrative. Le but de la sanction ne saurait justifier cette majoration.

b)     Arguments de la Commission

450    Renvoyant aux arrêts Thyssen Stahl/Commission, point 325 supra (point 617), et Michelin/Commission, point 339 supra (point 284), la Commission souligne que la notion de récidive, telle qu’elle est comprise dans un certain nombre d’ordres juridiques nationaux, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires.

451    En l’espèce, les procédures ayant donné lieu aux décisions PVC I, PVC II et Matières colorantes visées dans la Décision auraient toutes concerné des ententes sur des prix ou des quotas. Il s’agirait donc d’infractions semblables à celle faisant l’objet de la présente affaire.

452    Il serait peu important, dans ce contexte, que certaines infractions (comme celle ayant donné lieu à la décision Matières colorantes) soient anciennes. La majoration pour cause de récidive ne servirait pas à aggraver a posteriori des sanctions passées, mais à poursuivre efficacement les cas de récidive. La Commission souligne en particulier qu’elle doit veiller au caractère dissuasif de son action (arrêt Irish Sugar/Commission, point 198 supra, point 245) et que la récidive fait partie des critères pertinents pour déterminer l’amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 91). La Commission ajoute que la continuité de l’entreprise visée par les décisions mentionnées au considérant 363 de la Décision ne ferait aucun doute en l’espèce.

453    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Hoechst, la Commission considère qu’une majoration pour récidive peut être imposée lorsque l’infraction en cause a été commise alors même que la décision sur l’infraction sanctionnée antérieurement n’avait pas encore acquis force de chose jugée. Un avertissement serait donné dès la notification de la décision de la Commission et non seulement lorsque cette décision acquiert force de chose jugée. De même, la majoration du montant de départ en raison de la dimension du groupe de Hoechst ne s’opposerait pas à une majoration du montant de base pour récidive. La majoration imposée en raison de la taille du groupe n’aurait aucun rapport avec la répression d’infractions passées. La prise en compte d’infractions passées ne constituerait donc pas une « double peine ».

454    Il serait également indifférent que Hoechst ait mis fin à ses propres opérations commerciales sur le marché en cause après la cessation de l’infraction, puisqu’elle y aurait été active durant toute l’infraction.

455    Il serait enfin sans incidence que les infractions précédentes aient porté sur d’autres secteurs que celui des sorbates. Les sanctions appliquées aux activités collusoires concernant un produit viseraient à dissuader les entreprises de violer l’interdiction en question, indépendamment du produit en cause.

456    Pour ce qui est du montant de la majoration pour récidive, la Commission rappelle qu’elle dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant de l’amende (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59), et qu’elle n’est pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise. La Commission renvoie à cet égard à plusieurs décisions dans d’autres affaires mettant en œuvre l’article 81 CE, ainsi qu’à l’arrêt Michelin/Commission, point 339 supra (point 292), où des majorations de 50 % ont été appliquées ou autorisées.

457    La comparaison entre la présente affaire et l’affaire ayant donné lieu à la décision Plaques en plâtre serait dépourvue de pertinence dans la mesure où, entre 1969 et 1994, Hoechst aurait été « avertie » à plusieurs reprises, sans en tirer les conséquences qui s’imposaient. Il ne serait dès lors pas exagéré de majorer le montant de base de l’amende de 50 %.

458    Enfin, le recours à la communication sur la coopération de 1996 n’enlèverait pas son caractère de circonstance aggravante à la récidive de Hoechst. Selon la Commission, la communication sur la coopération de 1996 définit les conditions dans lesquelles les entreprises ayant coopéré avec la Commission peuvent voir leur amende réduite. Cette communication ne saurait toutefois pas justifier l’absence de sanction en cas de récidive.

3.     Appréciation du Tribunal

459    Le point 2 des lignes directrices vise, comme exemple de circonstances aggravantes, la « récidive de la même [...] entreprise [...] pour une infraction de même type ».

460    La notion de récidive, telle qu’elle est comprise dans un certain nombre d’ordres juridiques nationaux, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires (arrêts Thyssen Stahl/Commission, point 325 supra, point 617, et Michelin/Commission, point 339 supra, point 284).

461    Une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 91, et du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, non encore publié au Recueil, point 26).

462    La Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, le contexte de celle-ci et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’il soit nécessaire de se rapporter à une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. Le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie dudit pouvoir de la Commission et cette dernière ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un tel constat (arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, point 461 supra, points 37 et 38).

463    En l’espèce, il convient de relever que Hoechst ne conteste pas que les quatre décisions antérieures visées par la Commission dans la Décision pour fonder la récidive la concernaient et recouvraient une infraction de même type que celle de la présente affaire.

464    S’agissant des décisions Matières colorantes (adoptée le 24 juillet 1969) et Polypropylène (adoptée le 23 avril 1986), il y a lieu de relever que l’infraction constatée dans la Décision a débuté dix ans après l’adoption de la décision Matières colorantes et que, s’agissant de la décision Polypropylène, celle-ci a été adoptée pendant la durée de ladite infraction. Par ailleurs, bien que Hoechst ait fait l’objet d’une condamnation dans le cadre de la décision Polypropylène en 1986, elle a continué son comportement infractionnel sur le marché des sorbates, et ce pendant dix ans. La répétition par Hoechst d’un comportement infractionnel témoigne d’une propension de cette dernière à ne pas tirer les conséquences appropriées du constat à son égard d’une infraction aux règles communautaires de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 130 supra, point 355). Compte tenu de ces éléments, Hoechst pouvait s’attendre à ce que la Commission tienne compte des décisions antérieures susvisées dans le cadre d’une possible qualification de récidive en l’espèce. Dès lors, rien ne s’opposait à ce que la Commission se fonde sur les décisions Matières colorantes et Polypropylène aux fins de constater la récidive de Hoechst dans le cadre de la présente affaire.

465    S’agissant de la décision PVC I (adoptée le 21 décembre 1988), il convient de souligner que cette décision a été déclarée inexistante par le Tribunal (arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission, T‑79/89, T‑84/89 à T‑86/89, T‑89/89, T‑91/89, T‑92/89, T‑94/89, T‑96/89, T‑98/89, T‑102/89 et T‑104/89, Rec. p. II‑315), et, finalement, annulée par la Cour (arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555), et cela avant que la Commission n’adopte la Décision dans la présente affaire. Il convient de souligner à cet égard, s’agissant de l’annulation prononcée par la Cour, que l’article 231 CE prévoit que si le recours est fondé, la Cour déclare nul et non avenu l’acte contesté. Par ailleurs, même si la décision PVC II, adoptée par la Commission à la suite de l’annulation de la décision PVC I, reprend en grande partie les éléments factuels de cette dernière décision, elle s’en distingue, notamment, en ce qu’elle retient que l’accord ou la pratique concertée en cause remontait au mois d’août de l’année 1980 environ alors que la décision PVC I précisait que l’accord ou la pratique concertée en cause remontait à environ septembre 1976. Il en va de même du montant des amendes retenues pour Hoechst (1 million d’écus dans la décision PVC I et 1,5 million d’euros dans la décision PVC II). Il en résulte que les deux décisions ne peuvent pas être vues comme étant identiques. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission a commis une erreur en se référant à la décision PVC I, dans la Décision, aux fins de constater la récidive de Hoechst.

466    S’agissant de la décision PVC II, celle-ci a certes été adoptée le 27 juillet 1994, soit pendant la durée de l’infraction, mais a fait l’objet de procédures juridictionnelles qui ont abouti, après la fin de l’infraction en cause dans la présente affaire, aux arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 208 supra, et du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 153 supra. Il convient toutefois de souligner que, au niveau communautaire, et conformément à l’article 256, premier alinéa, CE, la décision PVC II formait titre exécutoire, dès lors qu’elle comportait une obligation pécuniaire à la charge des personnes autres que les États, et ce nonobstant l’introduction du recours en annulation contre cette décision en vertu de l’article 230 CE. En effet, en vertu de l’article 242 CE, un recours formé devant le juge communautaire n’a pas d’effet suspensif [arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, CB/Commission, T‑275/94, Rec. p. II‑2169, points 50 et 51 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, Rec. p. II‑1357, point 121]. Par ailleurs, il est constant que Hoechst n’a pas demandé le sursis à exécution de la décision PVC II en application de l’article 242, deuxième phrase, CE. Enfin, il y a lieu de relever que les arrêts du Tribunal et de la Cour, confirmatifs de surcroît, sont intervenus avant l’adoption de la Décision. Il en résulte que la Commission pouvait se fonder sur la décision PVC II pour constater la récidive de Hoechst.

467    Tenant compte de ces éléments, il y a lieu de conclure que, pour constater la récidive de Hoechst, la Commission pouvait se fonder sur les décisions Matières colorantes, Polypropylène et PVC II, mais pas sur la décision PVC I.

468    Toutefois, l’erreur commise par la Commission à l’égard de la décision PVC I ne saurait remettre en cause la qualification de récidive retenue en l’espèce, ni même le taux de majoration appliqué.

469    S’agissant de la qualification de récidive, celle-ci trouve un appui suffisant sur les décisions Matières colorantes, Polypropylène et PVC II.

470    S’agissant du taux de majoration appliqué en l’espèce, rien n’indique dans la Décision que le constat par la Commission que la récidive découle de plusieurs précédents a donné lieu à une augmentation du montant de l’amende pour circonstance aggravante supérieure à celle qui aurait été déterminée au cas où un seul précédent aurait été identifié (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Danone/Commission, point 130 supra, point 366).

471    Par ailleurs, pour ce qui est de l’argument de Hoechst selon lequel la majoration appliquée serait disproportionnée, y compris par rapport aux autres entreprises visées dans la Décision, il suffit de rappeler que, dans la fixation du montant de l’amende, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation et qu’elle n’est pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise. De plus, la Commission doit, en vue de déterminer le montant de l’amende, veiller au caractère dissuasif de son action. Or, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base de l’amende. En effet, la récidive constitue la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive. En l’espèce, rien ne permet de considérer que l’augmentation du montant de base de l’amende de 50 % afin d’orienter le comportement de Hoechst vers le respect des règles de concurrence du traité est disproportionnée (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, point 339 supra, point 293).

472    Dès lors, il y a lieu de considérer que la qualification de récidive retenue en l’espèce ainsi que le taux de majoration appliqué sont bien fondés.

473    Les autres arguments soulevés par Hoechst ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

474    S’agissant du fait que l’ancienne activité de Hoechst dans le secteur des additifs alimentaires n’aurait rien à voir avec ses activités dans le secteur du PVC, il y a lieu de souligner que les lignes directrices visent la récidive de la même entreprise « pour une infraction de même type ». Dans ces conditions, dès l’instant où une entreprise commet une infraction de même type, même si le secteur économique concerné est différent, une circonstance aggravante peut être retenue par la Commission. L’argument de Hoechst à cet égard ne saurait, dès lors, être retenu.

475    Pour ce qui est du fait que la Commission aurait entrepris, dans une autre affaire antérieure à la Décision, d’instaurer une responsabilité collective de groupe en infligeant des majorations de 10 % par année pour la période située entre la décision infligeant une amende dans une affaire et la fin de l’infraction d’une autre affaire, il y a lieu de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 17 et dans les lignes directrices (voir arrêt Michelin/Commission, point 339 supra, point 292, et la jurisprudence citée), et que, par ailleurs, les opérateurs ne peuvent placer une confiance légitime dans le maintien d’une situation existante pouvant être modifiée par la Commission dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (voir arrêts Delacre e.a./Commission, point 372 supra, point 33, et la jurisprudence citée, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 344 supra, point 171).

476    Enfin, comme le souligne la Commission, le recours à la communication sur la coopération de 1996 n’enlèverait pas son caractère de circonstance aggravante à la récidive de Hoechst. Dès lors, l’argument avancé par Hoechst, selon lequel une majoration pour récidive ne serait pas équitable lorsque l’entreprise concernée coopère totalement durant la procédure administrative, est inopérant.

477    Pour l’ensemble de ces raisons, le septième moyen doit être rejeté.

F –  Sur le dixième moyen, tiré de l’application par analogie de la communication sur la coopération de 2002 en vertu d’un « principe de la disposition la plus favorable »

1.     Résumé de la Décision

478    Au point 12.2.3 de la Décision, relatif à l’application de la communication sur la coopération de 1996, la Commission relève que Hoechst considère comme applicable au cas d’espèce la communication de la Commission, de 2002, sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »).

479    Tout d’abord, la Commission rejette les arguments présentés par Hoechst en soulignant que le point 28 de la communication sur la coopération de 2002 prévoit que ladite communication s’applique à compter du 14 février 2002 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise ne s’est prévalue de la communication sur la coopération de 1996. Or, en l’espèce, plusieurs entreprises – y compris Hoechst – auraient contacté la Commission sur la base de la communication sur la coopération de 1996. La communication sur la coopération de 2002 ne serait donc pas applicable (considérants 431 et 432 de la Décision).

480    Ensuite, s’agissant du « principe de la disposition la plus favorable », invoqué par Hoechst, premièrement, la Commission retient que les communications sur la coopération n’affectent pas le cadre juridique constitué par l’article 15 du règlement n° 17. Dès l’instant où le « principe de la disposition la plus favorable » nécessiterait une modification du cadre juridique déterminant le montant des amendes, ce principe ne serait pas applicable au cas d’espèce (considérant 434 de la Décision). De plus, les entreprises concernées qui auraient offert leur coopération à la Commission auraient acquis une confiance légitime dans le fait que cette coopération reposerait exclusivement sur la communication de 1996, qui était la seule applicable à cette époque (considérant 435 de la Décision).

481    Deuxièmement, la Commission souligne que l’approche suivie dans la décision 1999/210/CE de la Commission, du 14 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (Affaire IV/F - 3/33.708 – Bristish Sugar plc, affaire IV/F - 3/33.709 – Tate & Lyle plc, affaire IV/F - 3/33.710 – Napier Brown & Company Ltd, affaire IV/F - 3/33.711 – James Budgett Sugars Ltd) (JO 1999, L 76, p. 1), n’est pas transposable au cas d’espèce dès l’instant où les situations sont différentes. La Commission précise sur ce point que, dans le cas de British Sugar/Tate & Lyle, il n’existait pas encore de régime de clémence lorsque la Commission a décidé d’appliquer, par analogie, les dispositions de la communication sur la coopération de 1996 (considérant 436 de la Décision).

482    Troisièmement, il ne serait pas possible de conclure que la communication sur la coopération de 2002 est globalement plus favorable que la communication sur la coopération de 1996. Le fait que la modification opérée procure ou non un avantage à une entreprise donnée dépendrait fortement de sa situation particulière (considérant 437 de la Décision).

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

483    Hoechst fait valoir qu’elle aurait dû obtenir une immunité en application, par analogie, de la communication sur la coopération de 2002. Hoechst souligne qu’elle a déjà exposé ces arguments dans sa réponse à la communication des griefs.

484    Hoechst indique qu’elle avait déjà commencé à coopérer en automne 1998, à un moment où il n’existait que la communication sur la coopération de 1996. Il faudrait toutefois tenir compte du fait que, selon les principes généraux du droit pénal, la réglementation la plus favorable devrait trouver à s’appliquer. Lorsque la communication sur la coopération de 2002 est plus favorable que la communication sur la coopération de 1996, c’est la première qu’il faudrait appliquer.

485    Selon la communication sur la coopération de 2002, toute entreprise ayant participé à une entente, donc même un « meneur », pourrait faire une demande d’immunité. Hoechst souligne que l’exclusion d’une forte réduction de l’amende à l’égard des meneurs, selon le titre B de la communication sur la coopération de 1996, n’a pas été reprise par la communication sur la coopération de 2002. Par ailleurs, la communication sur la coopération de 2002 serait plus favorable au premier coopérant en ce sens qu’elle n’exigerait plus de celui-ci que la présentation de preuves permettant à la Commission de prendre une décision ordonnant des vérifications au titre de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Pour que la demande d’immunité aboutisse, il ne serait même pas nécessaire de communiquer toutes les preuves se trouvant à la portée de l’entreprise. La communication de telles preuves pourrait encore avoir lieu oralement, selon une pratique constante de la Commission, si l’entreprise invoque le risque d’une communication de pièces aux États‑Unis.

486    En l’espèce, les renseignements que Hoechst a donnés le 29 octobre 1998 auraient suffi pour lui accorder l’immunité en vertu de la communication sur la coopération de 2002. Hoechst aurait ainsi présenté en premier sa demande formelle d’immunité et fait à l’égard de la Commission, en premier aussi, les déclarations orales nécessaires. Si la communication sur la coopération de 2002 avait été applicable, la Commission aurait, dans ces circonstances, envoyé à Hoechst au début de l’année 1999 une lettre lui accordant une immunité provisoire. Sa demande d’immunité aurait ainsi été couronnée de succès sur la base de la communication sur la coopération de 2002, contrairement à ce que prétend la Commission au point 437 de la Décision.

487    Hoechst indique ensuite que, en tant que principe général du droit, le « principe de la disposition la plus favorable » est applicable tant dans les procédures à caractère pénal que dans les procédures administratives. Hoechst renvoie en particulier au règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), qui prévoit qu’« [a]ucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu’un acte communautaire antérieur à l’irrégularité ne l’a pas instaurée » et que, « [e]n cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s’appliquent rétroactivement ».

488    Hoechst ajoute que le « principe de la disposition la plus favorable » a été appliqué par la Cour dans l’arrêt du 17 juillet 1997, Farmers’ Union e.a. (C‑354/95, Rec. p. I‑4559, points 40 et 41), et qu’il fait partie de la tradition juridique commune aux États membres. Hoechst fournit à cet égard une étude comparative qui a été produite durant la procédure administrative.

489    Hoechst souligne, par ailleurs, que la Commission a reconnu ce principe dans la décision British Sugar/Tate & Lyle, point 481 ci-dessus, en précisant que « la communication [sur la coopération de 1996] n’est directement applicable que pour les actions de coopération ayant eu lieu après la publication de la communication au Journal officiel, le 18 juillet 1996 » et que « [d]ans tous les autres cas de coopération, la communication sera appliquée par extension, ce qui signifie que tout traitement de faveur au sens de la communication [sur la coopération de 1996] sera fonction de la mesure dans laquelle les conditions de coopération, telles qu’elles sont définies dans la communication, auront été remplies ».

490    Le Tribunal aurait confirmé ces principes dans l’arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission (T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, points 157 et suivants).

491    De même, Hoechst indique que, dans la décision 2004/421/CE de la Commission, du 16 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de Wieland Werke AG, Outokumpu Copper Products OY, Outokumpu Oyj, KM Europa Metal AG, Tréfimétaux SA et d’Europa Metalli SpA (Affaire COMP/E‑1/38.240 – Tubes industriels) (résumé au JO 2004, L 125, p. 50, ci-après la « décision Tubes industriels en cuivre »), celle-ci a précisé, que « contrairement au point 23 de la communication de 2002 sur la [coopération], la communication de 1996 sur la [coopération] ne prévoit pas de récompense spécifique pour celui qui demande à bénéficier de mesures de clémence qui révèle des faits auparavant inconnus à la Commission et qui affectent la gravité ou la durée du cartel » et que, « [d]e ce fait, il est approprié de considérer une telle coopération comme faisant partie des facteurs atténuants » (considérant 384 de la décision Tubes industriels en cuivre). En conséquence, la Commission aurait ramené le montant de base de l’amende infligée à une entreprise (Outokumpu) de 38,98 à 22,22 millions d’euros « pour sa coopération efficace hors de la communication de 1996 sur la [coopération] » (considérant 387 de la décision Tubes industriels en cuivre). La Commission aurait indiqué, à cet égard, que « Outokumpu ne d[evait] pas être pénalisée pour sa coopération en lui imposant une amende plus importante que celle qu’elle aurait dû payer en l’absence de coopération » et que, « [p]our cette raison, le montant de base de l’amende d’Outokumpu [était] réduit d’une somme forfaitaire de 22,22 millions d’euros de façon à ce qu’il soit identique au montant hypothétique de l’amende qui aurait été imposé à Outokumpu pour une infraction d’une durée de quatre ans » (considérant 386 de la décision Tubes industriels en cuivre).

492    Hoechst ajoute que, même si l’on voulait partir du principe que la communication sur la coopération de 1996 crée des attentes légitimes de tiers qu’il faudrait protéger, ce point ne jouerait aucun rôle en l’espèce. En effet, seule Chisso pourrait prétendre à la qualité de tiers digne de protection. Cependant, il n’aurait pas été reproché à Chisso d’être un meneur et la qualité d’actes de coopération n’aurait pas été refusée aux contributions orales de Chisso. Au contraire, Chisso aurait eu la possibilité et se serait vu reconnaître le droit de compter sur le fait que les contributions orales et écrites qu’elle apporterait volontairement au cours de l’enquête seraient prises en compte à titre de circonstances atténuantes. La confiance légitime de Chisso n’aurait d’ailleurs pas non plus été trompée si la Commission avait appliqué ces principes à Hoechst et si cela avait conduit à une exemption d’amende en sa faveur en application de l’une ou de l’autre communication sur la coopération (ou en application des deux). Dans les deux cas, les actes de coopération de Hoechst auraient dû entraîner une exemption de l’amende alors que ceux de Chisso, intervenus ultérieurement, auraient dû conduire à une diminution de l’amende.

493    Hoechst en conclut que si la Commission n’avait pas l’obligation d’accorder une immunité d’amende selon la communication sur la coopération de 1996, elle aurait dû le faire en application, par analogie, de la communication sur la coopération de 2002.

494    Hoechst ajoute que, contrairement à la réponse de la Commission à une question posée par le Tribunal, l’application de la communication sur la coopération de 2002 lui aurait permis d’obtenir une immunité.

495    Premièrement, selon Hoechst, Chisso n’avait pas fourni, en octobre/novembre 1998, tous les documents susceptibles d’être présentés. Ce grief ne devrait donc pas être adressé uniquement à Hoechst. Par ailleurs, Hoechst indique que les fonctionnaires de la Commission en charge du dossier n’ont pas immédiatement exigé la présentation des documents annoncés et remis ultérieurement. Ils n’auraient pas non plus exigé, à l’époque, l’établissement d’une liste des documents qui seraient présentés ultérieurement.

496    Deuxièmement, il serait absurde de considérer que les éléments communiqués par Hoechst le 29 octobre 1998 ne suffisaient pas à adopter une décision ordonnant des vérifications en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Hoechst souligne, à cet égard, que la Commission était en mesure de prouver l’existence de l’entente sans avoir besoin d’ordonner une vérification. S’agissant du fait que la Commission n’aurait pas disposé d’éléments spécifiques sur les entreprises concernées (en particulier l’adresse des bureaux), Hoechst relève que la Commission a adressé des demandes de renseignements auxdites entreprises. Elle aurait donc déjà su, à l’époque et grâce à la coopération de Hoechst, à qui adresser de telles demandes de renseignements.

b)     Arguments de la Commission

497    Pour la Commission, l’application du « principe de la disposition la plus favorable » présuppose une modification de la base juridique déterminante pour le prononcé de l’amende. Or, aucune modification de ce genre n’aurait eu lieu. En particulier, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n’aurait pas été modifié par la communication sur la coopération de 2002. Cette dernière définit seulement les critères pour l’octroi d’un traitement préférentiel à certaines entreprises désireuses de coopérer avec la Commission sans pour autant altérer le cadre juridique servant à déterminer les amendes à infliger. La Commission renvoie à cet égard, par analogie, à l’arrêt LR AF 1998/Commission, point 422 supra (point 233).

498    La Commission précise également que, même si elle est liée dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par la communication sur la coopération en vigueur, elle ne le fait qu’aussi longtemps que ces règles sont d’application. La Commission souligne ici que ces règles créent une confiance légitime chez les entreprises en cause. En l’espèce, la confiance légitime des entreprises quant au traitement favorable qui découlerait de la coopération était exclusivement fondée sur la communication sur la coopération en vigueur à l’époque, à savoir la communication sur la coopération de 1996. Dans la mesure où la communication sur la coopération de 1996 n’aurait pas créé une confiance légitime uniquement chez Hoechst, le recours à la communication sur la coopération de 2002 serait exclu.

499    De plus, en l’espèce, il ne s’agirait pas de dispositions pénales matérielles, mais de dispositions susceptibles de justifier la levée d’une sanction. Le « principe de la disposition la plus favorable » ne saurait s’appliquer en ce qui concerne une communication sur la coopération. Tant les anciennes que les nouvelles dispositions partiraient du principe que l’immunité ne pourrait être accordée qu’à une seule entreprise. Une application du « principe de la disposition la plus favorable » aurait pour conséquence que, dans le cas où deux entreprises auraient conclu des accords illégaux et demandé l’immunité, l’une ayant été la première à coopérer en vertu de la communication sur la coopération de 1996 et l’autre en vertu de la communication sur la coopération de 2002, il faudrait obligatoirement accorder l’immunité aux deux entreprises. Cela entraînerait une absence totale de sanction pour les deux parties à l’entente, ce qui ne saurait nullement être l’objet d’une communication sur la coopération.

500    Par ailleurs, la présente affaire se distinguerait de celle ayant donné lieu à la décision 1999/210 (point 481 ci-dessus). À l’époque, la Commission aurait appliqué la communication sur la coopération de 1996 par analogie, dans les procédures en cours durant lesquelles la coopération avait eu lieu avant la publication de cette communication. En l’espèce, selon la Commission, une telle approche n’était pas indiquée, puisque la communication sur la coopération de 2002 contient elle-même, au point 28, des lignes directrices claires concernant le traitement des cas transitoires. Ces lignes directrices garantiraient l’égalité de traitement de toutes les entreprises intéressées.

501    S’agissant de la décision Tubes industriels en cuivre, visée au point 491 ci-dessus et invoquée par Hoechst, la Commission précise qu’elle n’a pas appliqué le « principe de la disposition la plus favorable » en ce qui concerne la communication sur la coopération de 2002. Elle aurait seulement considéré, conformément au point 3, sixième tiret, des lignes directrices, qu’une circonstance justifiant, en vertu du nouveau régime, une récompense particulière constituait une collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 1996.

502    La Commission ajoute, en réponse à une question posée par le Tribunal, que, même en partant de l’hypothèse d’une application de la communication sur la coopération de 2002 au cas d’espèce, Hoechst n’aurait pas pu bénéficier d’une immunité, voire d’une réduction plus importante de l’amende qui lui a été infligée.

503    S’agissant de l’immunité d’amende, premièrement, la Commission relève que Hoechst n’a pas fourni, en octobre/novembre 1998, tous les éléments de preuve dont elle disposait, et cela contrairement au point 13, sous a), de la communication sur la coopération de 2002. Pour les mêmes motifs, le point 13, sous b), de ladite communication n’aurait pas pu trouver à s’appliquer dans la mesure où la Commission n’aurait pas reçu de liste descriptive reflétant exactement la nature des éléments de preuve pertinents. En outre, Hoechst aurait dû s’engager à soumettre ces éléments de preuve à une « date ultérieure convenue ». Dès lors, selon la Commission, en automne 1998, Hoechst ne remplissait pas les conditions prévues au point 13 de la communication sur la coopération de 2002. En partant du constat que Hoechst a fourni en mars et en avril 1999 tous les éléments de preuve dont elle disposait, elle n’aurait pu réunir les conditions prévues au point 13 de la communication sur la coopération de 2002 qu’à ce moment. Or, la Commission aurait déjà disposé de preuves suffisantes pour constater une infraction à l’article 81 CE, ce qui aurait empêché Hoechst, compte tenu du point 10 de la communication sur la coopération de 2002, de pouvoir bénéficier d’une immunité d’amende.

504    Deuxièmement, en l’absence d’informations détaillées sur les personnes représentant les entreprises ayant pris part à l’entente, ainsi qu’à la localisation des bureaux, la Commission n’aurait pas pu, selon le point 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2002, adopter une décision ordonnant des vérifications en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Cela d’autant plus que les autres entreprises impliquées étaient japonaises et que Hoechst aurait déclaré, en outre, qu’il n’existait aucune indication de la participation à l’entente du seul autre opérateur européen.

505    Troisièmement, reprenant le point 456 de la Décision, la Commission estime que Hoechst a fourni, lors de la réunion du 29 octobre 1998, une version imprécise des faits et qu’elle a insisté de façon trompeuse sur le caractère modéré de l’entente. Cette description n’aurait pas pu être considérée comme un « élément de preuve » permettant à la Commission de constater une infraction à l’article 81 CE, au sens du point 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2002.

506    S’agissant de la réduction d’amende, la Commission souligne qu’elle ne peut dépasser 50 % en vertu de la communication sur la coopération de 2002 et peut même être inférieure. Cette réduction tiendrait compte de la date et du degré de valeur ajoutée des éléments de preuve en cause. Sur cette base, la Commission estime que la déclaration trompeuse de Hoechst sur le caractère modéré de l’entente aurait été retenue contre elle, et qu’une réduction inférieure à 50 % aurait été accordée.

3.     Appréciation du Tribunal

507    À titre liminaire, il y a lieu d’écarter une application « par analogie » de la communication sur la coopération de 2002, dès lors que la coopération de Hoechst durant la procédure était régie par la communication sur la coopération de 1996. La présente situation se distingue, à cet égard, des cas visés par Hoechst dans lesquels la communication sur la coopération de 1996 a pu être appliquée, par analogie, à des situations ayant débuté avant l’adoption de ladite communication, mais qui n’étaient soumises à aucune autre règle juridique.

508    Pour autant que le moyen de Hoechst puisse être compris comme soulevant, en fait, un conflit de lois dans le temps, il suffit de constater qu’un tel conflit ne saurait exister. En effet, le point 28 de la communication sur la coopération de 2002 prévoit clairement que ladite communication s’applique à compter du 14 février 2002 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise « ne s’est prévalue de [la communication sur la coopération de 1996] ». Or, en l’espèce, les entreprises concernées, dont Hoechst, se sont prévalues de la communication sur la coopération de 1996.

509    Il y a lieu de relever, au demeurant, que la coopération des entreprises concernées a débuté à la fin de l’année 1998, c’est-à-dire à un moment où seule la communication sur la coopération de 1996 était applicable, mais s’est poursuivie après la publication de la communication sur la coopération de 2002, la dernière demande de renseignements adressée par la Commission datant du 13 décembre 2002. Par ailleurs, il convient de souligner que ce n’est qu’au stade de l’adoption de la Décision que la Commission s’est définitivement prononcée sur la coopération des entreprises concernées et, notamment, sur la question de savoir quelle entreprise pouvait bénéficier, le cas échéant, d’une immunité d’amende. Dès lors, les actes de coopération des entreprises concernées, dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996, ont produit leurs effets après l’adoption de la communication sur la coopération de 2002. Or, s’agissant de situations juridiques qui n’ont pas encore épuisé leurs effets, une règle nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne « en l’absence de dispositions transitoires » (arrêt de la Cour du 21 janvier 2003, Allemagne/Commission, C‑512/99, Rec. p. I‑845, point 46). De telles dispositions transitoires existant en l’espèce, il y a lieu d’en tenir compte et de considérer que la communication sur la coopération de 1996 était applicable.

510    Cette conclusion permet, d’ailleurs, de satisfaire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Il convient de souligner, à cet égard, qu’une communication sur la coopération engendre une confiance légitime dans le fait de pouvoir bénéficier d’un certain pourcentage de réduction (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 344 supra, point 188). Par ailleurs, eu égard au libellé du titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996, celle-ci ne vise à récompenser par une réduction d’amende très importante que l’unique entreprise ayant réellement été la « première » à fournir des éléments déterminants (voir arrêt BASF/Commission, point 120 supra, point 550, et la jurisprudence citée).

511    Au surplus, et sans qu’il y ait lieu de déterminer si le principe invoqué par Hoechst serait susceptible de s’appliquer aux communications de la Commission sur la coopération, il suffit de constater que la communication sur la coopération de 2002 est complexe, en ce sens qu’elle modifie la communication sur la coopération de 1996 sur plusieurs points, tant au niveau des règles de fond que des règles de procédure. Certaines modifications sont plus favorables aux entreprises concernées. D’autres modifications, en revanche, ne le sont pas. De plus, l’application de la communication sur la coopération de 2002 varie en fonction des cas. Il n’est dès lors pas possible de qualifier la communication sur la coopération de 2002 comme étant, globalement, plus favorable que la communication sur la coopération de 1996.

512    Par ailleurs, et de façon spécifique, l’application de la communication sur la coopération de 2002 au cas d’espèce n’aboutirait pas obligatoirement à un résultat plus favorable pour Hoechst.

513    À cet égard, il y a lieu de relever que, pour pouvoir bénéficier d’une immunité d’amende au titre de la communication sur la coopération de 2002, l’entreprise doit fournir « immédiatement » à la Commission tous les éléments de preuve dont elle dispose déjà sur l’infraction présumée, « ou » dans un premier temps, présenter ces informations sous forme hypothétique, auquel cas elle doit soumettre une liste descriptive des éléments de preuve qu’elle se propose de divulguer à une date ultérieure convenue. Cette liste doit refléter exactement la nature et la teneur des éléments de preuve [point 13, sous a) et b), de la communication sur la coopération de 2002].

514    En l’espèce, et pour les raisons exposées aux points 574 à 578 ci-après, il y a lieu de constater que Hoechst n’a pas fourni immédiatement les éléments de preuve dont elle disposait. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Hoechst aurait fourni des éléments qui auraient permis à la Commission de connaître la nature et la teneur des éléments qui étaient en sa possession et qui auraient pu être divulgués ultérieurement.

515    Dès lors, l’application de la communication sur la coopération de 2002 au cas d’espèce n’aurait pas obligatoirement conduit à une immunité d’amende pour Hoechst.

516    Par ailleurs, et dans la mesure où la communication sur la coopération de 2002 prévoit, en dehors de l’immunité, une réduction maximale de l’amende de 50 %, son application n’aurait pas obligatoirement conduit à une réduction de l’amende de Hoechst supérieure à celle qui lui a déjà été octroyée.

517    Pour l’ensemble de ces raisons, le dixième moyen doit être rejeté.

G –  Sur les huitième et neuvième moyens, relatifs à l’application de la communication sur la coopération

518    Par son huitième moyen, Hoechst estime que la Commission a procédé à une appréciation erronée dans sa détermination de l’entreprise qui a été la première à coopérer en l’espèce. Par son neuvième moyen, Hoechst considère que la Commission a procédé à une appréciation erronée du contenu de sa coopération.

519    Il y a lieu d’analyser, d’abord, le huitième moyen.

1.     Résumé de la Décision

520    Il est indiqué, dans le cadre du point 12.2.3 de la Décision, relatif à l’application de la communication sur la coopération de 1996, ce qui suit (considérant 440 de la Décision) :

« Lors d’une réunion tenue le 13 novembre 1998, Chisso a présenté une description orale des activités de l’entente et fourni des preuves écrites […] La Commission considère que Chisso a été, à cette occasion, la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente constatée par la présente décision. Les éléments remis à la Commission le 13 novembre 1998 consistaient, en particulier, en des notes manuscrites concernant un certain nombre de réunions de l’entente. La description orale des activités de l’entente a permis à la Commission de placer les documents dans leur contexte réel. Les informations fournies par Chisso ont permis à la Commission d’établir l’existence et la teneur de la plupart des réunions du cartel et d’identifier les participants, comme il est expliqué dans la Partie I. »

521    S’agissant de Hoechst, il est précisé, au considérant 451 de la Décision, que, « [s]ans avoir été la première entreprise à fournir à la Commission des éléments déterminants, Hoechst a contribué, à un stade précoce, à établir d’importants aspects de l’infraction et, après avoir reçu la communication des griefs, elle n’a pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission fondait ses allégations ».

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

522    Même en admettant l’applicabilité de la communication sur la coopération de 1996, Hoechst soutient qu’elle aurait dû être considérée comme la première entreprise à avoir coopéré avec la Commission et à avoir fourni les preuves essentielles de l’entente.

523    Analysant chronologiquement les faits, Hoechst souligne que les avocats de Chisso ont rencontré la Commission le 29 septembre 1998, dans le cadre d’une autre affaire. Il ressortirait du procès-verbal de cette réunion que les avocats de Chisso auraient évoqué accessoirement qu’ils représentaient aussi une autre entreprise ayant exprimé son désir de coopérer avec la Commission au sujet d’une entente concernant l’acide sorbique.

524    Les avocats de Chisso n’auraient toutefois pas été disposés, ni autorisés, à révéler l’identité de cette entreprise à cette date. Cela ressortirait en particulier des deux notes internes de la Commission datées des 1er et 2 octobre 1998. Le fait que l’auteur des notes internes ait rejoint la réunion après son commencement ne permettrait pas de conclure que l’identité de Chisso avait été révélée auparavant, en particulier auprès du directeur général adjoint de la direction générale de la concurrence de la Commission au moment des faits. Par ailleurs, la mention d’une autre entreprise dans la note interne du 2 octobre 1998 ne constituerait pas une erreur typographique de la Commission et ne viserait donc pas, en fait, Chisso.

525    Hoechst considère également qu’aucune demande n’a été formulée, à cette date, satisfaisant aux exigences du titre E, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996, et qu’aucune preuve n’a été offerte ni transmise lors de cette réunion. De plus, aucun élément de l’infraction n’aurait été décrit et les noms des entreprises participantes n’auraient même pas été communiqués.

526    Le 23 octobre 1998, les avocats de Hoechst et de Nutrinova auraient contacté la Commission par téléphone pour solliciter une réunion.

527    Le 29 octobre 1998, au cours de la réunion avec la Commission, les avocats de Hoechst et de Nutrinova auraient demandé formellement que les entreprises qu’ils représentaient soient traitées comme témoins principaux de la coopération. Ils auraient décrit, dans ce contexte, les éléments essentiels de l’entente sur les sorbates, à savoir les produits concernés, les entreprises impliquées, les comportements anticoncurrentiels et la période en cause. Cette description orale des faits essentiels aurait alors été acceptée par la Commission comme étant un acte de coopération. Une comparaison avec les constatations ultérieures de la Décision montrerait que les informations transmises par Hoechst à cette date avaient été utilisées sans restriction dans celle-ci. En particulier, la Commission n’aurait pas fait dans la Décision de constatations concernant la structure de l’entente qui seraient fondamentalement différentes des informations données par Hoechst le 29 octobre 1998.

528    Le 13 novembre 1998, les avocats de Chisso auraient fait, pour la première fois, un exposé oral au sujet de l’entente sur les sorbates. Ce n’est qu’à cette date que l’identité de Chisso aurait été révélée.

529    Par la suite, Hoechst aurait transmis plusieurs communications écrites à la Commission, à savoir en décembre 1998, en mars et en avril 1999, ainsi qu’à différentes reprises encore ultérieurement. La contribution de Hoechst du 19 mars 1999 aurait été la première contribution écrite confirmant, sous la forme d’une « déclaration de société », les éléments constitutifs de l’entente.

530    La première déclaration de société émanant de Chisso n’aurait été faite que le 20 avril 1999. Aucune des autres entreprises ayant participé à l’infraction n’aurait pris contact avec la Commission pendant cette première phase de la procédure.

531    Ces faits démontreraient que Hoechst a été la première à fournir à la Commission des « éléments de preuve déterminants », au sens de la communication sur la coopération de 1996, et cela oralement.

532    Hoechst ajoute qu’il est conforme à la pratique de la Commission qu’une entreprise soit considérée comme étant la première à coopérer, même si elle fournit tout d’abord des preuves orales, tant que celles-ci satisfont au critère des « éléments déterminants » et qu’elles sont ensuite confirmées par écrit et complétées. Ces preuves orales permettraient déjà à la Commission de faire une enquête et de procéder à des vérifications ou d’envoyer des demandes de renseignements. La forme écrite de la coopération ne serait exigée ni par la communication sur la coopération de 1996 ni par la communication sur la coopération de 2002.

533    Hoechst souligne ici que la Commission a eu une attitude d’obstruction dans la mesure où, premièrement, elle aurait promis d’avertir Chisso si d’autres entreprises la devançaient et où, deuxièmement, elle aurait brusquement refusé de reconnaître les contributions orales comme des actes de coopération, revenant sur son attitude antérieure. Hoechst renvoie, sur ce dernier point, à la lettre de la Commission, en date du 19 janvier 1999, par laquelle elle considérait que Hoechst avait cessé de coopérer, à la lettre adressée par Hoechst le 28 janvier 1999, exprimant son incompréhension à ce sujet, à l’entretien téléphonique qui aurait eu lieu le 5 mars 1999 et au cours duquel la Commission aurait indiqué que le temps des réunions « sans fin » était fini, ainsi qu’à la lettre de la Commission du 29 mars 1999, par laquelle elle aurait refusé de recevoir des témoignages oraux de la part de Hoechst. Cette attitude constituerait une violation du droit à un procès équitable et du principe de bonne administration. Hoechst relève également que, depuis lors, la pratique de la Commission consiste à admettre les demandes et les actes de coopération des entreprises sous forme orale. L’attitude de la Commission donnerait également une impression d’arbitraire dans la mesure où, a contrario, les témoignages oraux de Chisso ont été acceptés.

534    En tout état de cause, même si la Commission – contrairement à sa pratique de l’époque et celle plus récente – ne devait considérer que les renseignements écrits, la communication écrite de Hoechst du 19 mars 1999 aurait été la première pièce écrite remise au nom d’une entreprise et confirmant des indications données oralement.

535    La production de comptes rendus d’entretiens par Chisso le 13 novembre 1998 ne pourrait pas être qualifiée de première coopération écrite dans la mesure où ces documents seraient incompréhensibles et n’auraient un sens qu’à travers l’exposé des faits fourni en premier par Hoechst, le 29 octobre 1998. Le manque de force probante des documents fournis par Chisso ressortirait également du fait que la Commission a estimé nécessaire de procéder à une nouvelle audition de salariés de Chisso le 9 décembre 1998. De plus, les comptes rendus fournis par Chisso ne se référeraient qu’à quelques réunions des années 1995 et 1996. Pour la période bien plus longue allant de 1978 jusqu’en 1994, Chisso n’aurait transmis le 13 novembre 1998 aucun document écrit. En outre, ces « éléments de preuve » ne seraient pas utilisés dans la Décision pour établir l’activité de l’entente. Ils ne seraient dès lors pas « déterminants ».

536    Hoechst souligne, à cet égard, que, dans une note interne de la Commission du 9 novembre 1998, communiquée dans le cadre de l’accès au dossier, il est indiqué que les avocats de Chisso « ont été les premiers à offrir leur coopération et se sont ensuite trouvés devancés par des évènements postérieurs dans le cadre desquels d’autres entreprises ont fourni des informations utiles avant eux ».

537    Hoechst ajoute que la Commission ne peut pas lui reprocher le fait que les explications données sur les accords s’écartent sur certains points des faits repris dans la Décision et, dans le même temps, accepter que les informations fournies par Chisso, qui lui ont valu l’immunité, ne couvrent pas l’ensemble de la durée de l’infraction ni tous les détails de l’entente.

b)     Arguments de la Commission

538    La Commission souligne avant tout, s’agissant de la note interne de la Commission du 9 novembre 1998, invoquée par Hoechst, que l’appréciation informelle des fonctionnaires de la Commission à un stade précoce de la procédure ne saurait préjuger la décision de la Commission elle-même.

539    Pour le reste, la Commission tient à corriger la manière dont Hoechst décrit la succession des faits en l’espèce.

540    Premièrement, s’agissant de la réunion du 29 septembre 1998 – qui concernait deux affaires, dont celle sur les sorbates, et qui s’est tenue entre 16 h 30 et 18 h 30 –, la Commission affirme que les avocats agissaient au nom de Chisso, comme il ressortirait du considérant 4 de la Décision.

541    La Commission rappelle, à cet égard, qu’il existe deux notes internes concernant cette réunion.

542    S’agissant de la note interne datée du 2 octobre 1998, relative à une réunion sur l’acide sorbique, la Commission indique que le directeur général adjoint de la direction générale de la concurrence de la Commission, au moment des faits, a rencontré les avocats de Chisso entre 16 h 30 et 17 h 30. La Commission relève également que cette note interne mentionne la « société Chisso ». Cela prouverait que les avocats de Chisso ont nommément cité leur cliente. S’ils ne l’avaient pas fait, l’auteur de la note n’aurait pas été informé de l’identité de cette entreprise. Le fait que la note interne du 2 octobre 1998 fasse référence à une « entreprise inconnue » ne serait pas contradictoire. Cela indiquerait uniquement sous quelle référence la réunion avec les avocats avait été convenue. Par ailleurs, le fait que cette note mentionne une autre entreprise impliquée dans le cadre d’une autre procédure serait une simple erreur typographique. L’entreprise visée aurait été, en réalité, Chisso.

543    S’agissant de la note interne datée du 1er octobre 1998 (qui recouvre deux affaires dont celle sur l’acide sorbique), la Commission souligne que deux fonctionnaires ont rejoint la réunion à partir de 17 h 30. Le fait que cette note interne mentionne que l’entreprise désireuse de fournir des informations sur une entente dans le domaine des sorbates n’a pas été identifiée se justifierait par la circonstance que Chisso n’a pas été nommée devant les deux fonctionnaires en question, dont un est l’auteur de la note interne.

544    Deuxièmement, il serait erroné d’affirmer que Hoechst a décrit les principaux éléments de l’entente sur les sorbates lors de la réunion du 29 octobre 1998. Hoechst aurait d’ailleurs précisé elle-même dans une lettre du 27 octobre 1998 qu’il s’agissait d’une « première discussion visant à clarifier les autres détails ». Selon la note interne de la Commission du 6 novembre 1998, Hoechst aurait indiqué, dès le début de la réunion, qu’il lui fallait plus de temps pour s’informer suffisamment en détail, en vue de fournir des informations complètes.

545    Les renseignements fournis par Hoechst lors de cette réunion du 29 octobre 1998 auraient été très généraux et les faits décrits dans des termes vagues. Par ailleurs, Hoechst aurait mentionné des réunions semestrielles au cours desquelles aucun accord spécifique n’aurait été conclu. Elle aurait aussi évoqué le caractère informel et convivial des réunions (considérant 456 de la Décision).

546    Dans la partie pertinente de l’exposé des faits de la Décision (considérants 79 à 251), la Commission ne se serait pas référée une seule fois aux déclarations de Hoechst faites le 29 octobre 1998. Les remarques de Hoechst concernant les accords différaient d’ailleurs considérablement des faits indiqués dans la Décision.

547    Troisièmement, la Commission souligne que Hoechst n’était pas disposée, jusqu’au 19 mars 1999, à coopérer pleinement. Cela ressortirait clairement des lettres du 21 décembre 1998 et du 28 janvier 1999 dans lesquelles Hoechst informait la Commission que, en raison des procédures pénales et civiles pendantes aux États-Unis, elle avait décidé de ne pas fournir toutes les informations utiles à ce moment-là, pas plus que les documents ou les preuves de l’entente dont elle disposait. Dans la lettre du 19 janvier 1999, la Commission aurait pourtant précisé que cette attitude constituait un refus de coopérer au sens de la communication sur la coopération de 1996. En agissant de la sorte, Hoechst aurait pris le risque de se voir infliger une amende.

548    Contrairement à ce que semble soutenir Hoechst, la Commission souligne que l’absence de prise en compte des contributions orales n’a pas enfreint la pratique observée à l’époque. Cette pratique n’aurait changé qu’après l’adoption de la communication sur la coopération de 2002.

549    Par ailleurs, s’agissant du grief relatif à l’obstruction durant la procédure, la Commission souligne que, dans sa lettre du 29 mars 1999, invoquée par Hoechst, elle précisait que si cette dernière souhaitait bénéficier de la communication sur la coopération de 1996, elle devait au moins fournir des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve contribuant à confirmer l’existence de l’entente. Ces termes seraient ceux du titre D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération de 1996. La lettre du 29 mars 1999 indiquerait donc que jusqu’alors, Hoechst ne remplissait même pas, de l’avis des fonctionnaires de la Commission, les conditions de ce premier tiret. Il ne ressortirait rien d’autre du compte rendu, établi par les avocats de Hoechst, de certaines parties de l’entretien téléphonique du 5 mars 1999 avec le fonctionnaire de la Commission en charge de l’affaire. Il ne s’agirait pas là d’obstruction, mais de l’exposé correct de la situation conformément à la communication sur la coopération de 1996.

550    Quatrièmement, la Commission fait valoir qu’il est inexact d’affirmer que Chisso a transmis quelques documents, peu nombreux, lors de la réunion du 13 novembre 1998. Dans la note interne du 19 novembre 1998, la Commission évoquerait plusieurs documents portant sur des contacts entre concurrents durant les années 1995 et 1996. Ces documents seraient des ordres du jour de réunions et des notes personnelles. En outre, Chisso aurait remis des tableaux avec les objectifs de prix convenus pour toute la durée de l’entente. Ces preuves écrites, qui ont également été expliquées par oral, auraient revêtu une importance décisive pour la Commission dans l’adoption de la Décision (considérant 440 de la Décision), car elles auraient permis, pour la première fois durant la procédure administrative, de prouver l’infraction commise, même si ces preuves ne couvraient pas toute la durée constatée ni tous les détails de l’entente. L’avertissement promis à Chisso lors de cette réunion ne permettrait pas de déduire que cette entreprise ne remplissait pas encore à l’époque les conditions pour pouvoir bénéficier de l’immunité. Tout au plus pourrait-il être déduit qu’il n’était pas certain que Chisso obtiendrait l’immunité sur la base de ses actes de coopération de l’époque.

551    En revanche, ce ne serait que le 19 mars 1999 que Hoechst aurait fourni à la Commission des informations qui pourraient être considérées comme un début de coopération effective. Toutefois, la communication écrite du 19 mars 1999 ne contiendrait pas de description détaillée des réunions et des procédures de l’entente. Hoechst n’aurait fourni ces détails que le 28 avril 1999, en réponse à des questions précises de la Commission.

3.     Appréciation du Tribunal

552    Il convient de rappeler que le titre B de la communication sur la coopération de 1996 prévoit, parmi d’autres conditions, que l’entreprise qui « est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente » [titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996], bénéficie d’une réduction d’au moins 75 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu’à la non-imposition totale d’amende.

553    Il ressort du texte même du titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 que la « première » entreprise ne doit pas avoir fourni l’ensemble des éléments prouvant tous les détails de fonctionnement de l’entente, mais qu’il lui suffit d’apporter « des » éléments déterminants. Ce texte n’exige pas que les éléments fournis soient, à eux seuls, « suffisants » pour l’élaboration d’une communication des griefs, voire pour l’adoption d’une décision finale constatant l’existence d’une infraction (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 118 supra, point 362). Toutefois, si les éléments visés au titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 ne doivent pas nécessairement être en eux-mêmes suffisants pour prouver l’existence de l’entente, ils doivent néanmoins être déterminants à cette même fin. Il ne doit donc pas s’agir simplement d’une source d’orientation pour les investigations à mener par la Commission, mais d’éléments susceptibles d’être utilisés directement comme base probatoire principale pour une décision de constatation d’infraction (arrêt BASF/Commission, point 120 supra, point 493).

554    Il y a lieu de souligner, également, que des éléments déterminants au sens du titre B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 peuvent aussi être fournis oralement (arrêt BASF/Commission, point 120 supra, point 506).

555    Enfin, il convient de rappeler que la Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation dans l’évaluation du point de savoir si la coopération en cause a été « déterminante » pour lui faciliter sa tâche de constater l’existence d’une infraction et d’y mettre fin, seul un excès manifeste de cette marge d’appréciation étant susceptible d’être censuré (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 118 supra, point 362).

556    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que Chisso avait été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente.

557    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, au considérant 440 de la Décision, la Commission retient que « [l]ors d’une réunion qui s’est tenue le 13 novembre 1998, Chisso a décrit oralement les activités de l’entente et a fourni des preuves écrites » et qu’elle « considère que, à cette occasion, Chisso a été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente constatée par la présente décision ». Il s’ensuit que la Commission s’est fondée uniquement sur la description orale des activités de l’entente et sur les preuves écrites transmises lors de la réunion du 13 novembre 1998, et non plus tard, afin de conclure que Chisso avait été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente.

558    Deuxièmement, il convient de relever que, lors de la réunion du 13 novembre 1998, Chisso a fourni une description orale détaillée des activités de l’entente. Il ressort du compte rendu de cette réunion, établi par la Commission, que Chisso a indiqué quels étaient les participants à l’entente, la durée de celle-ci, 19 dates de réunions avec leur localisation géographique, l’objet et le fonctionnement de l’entente. Sur ces deux derniers points, Chisso précisait, notamment, que les entreprises concernées avaient conclu des accords sur les prix et sur les volumes de sorbates et que, pendant la durée de l’entente, elles avaient conscience que leurs activités étaient illégales. Chisso précisait également la méthode de fixation des quotas et les problèmes éventuellement rencontrés, le déroulement des réunions et des réunions préparatoires entre les producteurs japonais, le nom des employés de Chisso ayant participé aux réunions ainsi que celui de certains employés des autres entreprises concernées, la teneur des contacts entre Hoechst et Daicel et le système de suivi des réunions et la méthode de fixation des prix cibles.

559    Troisièmement, il convient de souligner que, outre une description orale détaillée des activités de l’entente, Chisso a également fourni, lors de la réunion du 13 novembre 1998, des éléments documentaires figurant dans le dossier d’instruction (156 pages au total). Plus particulièrement, Chisso a transmis des notes détaillées (notes manuscrites en japonais avec leur traduction en anglais) prises lors des réunions de l’entente du printemps et de l’automne des années 1995 et 1996 (qui reflétaient le niveau des prix cibles fixés entre les membres de l’entente), les agendas de ces réunions, les cartes de visite des personnes ayant participé aux réunions ainsi que les volumes des quotas de ventes convenus pour les années 1992 à 1995.

560    Contrairement à ce que soutient Hoechst, ces documents ont été utilisés par la Commission, puisque plusieurs pages sont visées dans la Décision, dans le cadre, en particulier, du déroulement et des résultats concrets des réunions communes (voir, notamment, les notes en bas de page nos 82, 140, 141, 144 et 150 de la Décision). Dès lors, ces documents ont été pertinents pour prouver, au sens de la communication sur la coopération de 1996, l’« existence de l’entente ».

561    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Hoechst, ces documents étaient suffisamment clairs, malgré le fait qu’un employé de Chisso, qui avait participé aux réunions communes, soit venu donner des précisions lors d’une réunion tenue le 9 décembre 1998 avec les services de la Commission. En effet, comme il résulte du compte rendu de cette réunion, établi par la Commission, les précisions données au sujet de ces documents ne relevaient pas de leur compréhension générale, mais de certains détails liés, notamment, à l’utilisation d’abréviations.

562    Quatrièmement, il convient de relever que Hoechst a rencontré les services de la Commission le 29 octobre 1998, soit avant Chisso, pour décrire oralement les réunions en cause. En particulier, Hoechst mentionnait les participants aux réunions, la durée approximative de ces réunions (de la fin des années 70/début des années 80 jusqu’aux années 1995/1996), la fréquence des réunions et leur objet.

563    Toutefois, il y a lieu de souligner que, lors de cette réunion, Hoechst n’a fourni aucun document écrit appuyant ses déclarations. À cet égard, le représentant de Hoechst mentionnait, selon le compte rendu établi par la Commission et non contesté par Hoechst, « les grandes difficultés que Nutrinova a eues pour retrouver tous les détails pertinents de ces réunions ».

564    Par ailleurs, dans le même compte rendu, il est indiqué que « [l]’objet de ces réunions n’était pas de répartir les clients ou de fixer les prix, au sens strict du terme » et qu’« [a]ucun système de suivi n’existait » ou encore que l’avocat de Hoechst « était catégorique sur le fait que le niveau des accords lors de ces réunions était modéré et atypique d’une entente portant sur des fixations de prix ou de répartition de clients ».

565    De même, dans le compte rendu de la réunion du 29 octobre 1998 établi par Hoechst, il est précisé que « [l]es discussions entre Hoechst/Nutrinova et les Japonais ne portaient pas sur des répartitions de clients, des ententes sur des appels d’offres ou des fixations de prix au sens strict du terme ».

566    À aucun moment, lors de cette réunion du 29 octobre 1998, Hoechst n’a précisé que les réunions communes avaient pour objet d’allouer des quotas de vente en volume, pour l’Europe, aux entreprises concernées, ni qu’un système de suivi des réunions avait été mis en place, comme il a pourtant été conclu dans la Décision, à l’article 1er de son dispositif, sur la base de la communication des griefs, sans que ces éléments aient été contestés par Hoechst. S’agissant des quotas de vente, Hoechst mentionnait seulement, dans le compte rendu précité, sous l’indication « taux d’accroissement », que « les concurrents avaient des discussions sur la manière dont ils voyaient l’accroissement du marché et qui serait capable de fournir l’augmentation de la demande ».

567    Enfin, Hoechst précisait, dans son compte rendu de la réunion du 29 octobre 1998, que « [l]es réunions n’étaient pas organisées de façon systématique et [que] les ordres du jour étaient très similaires ».

568    Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, premièrement, Chisso a fourni, lors de la réunion du 13 novembre 1998, une description détaillée des activités et du fonctionnement de l’entente. Deuxièmement, la description de Chisso était appuyée par des éléments documentaires qui ont été pertinents pour prouver l’existence de l’entente. Troisièmement, il résulte de la réunion du 29 octobre 1998 que Hoechst a, certes, fait une présentation des réunions en cause, mais que cette présentation, d’une part, était moins détaillée que celle de Chisso, d’autre part, qu’elle ne reflétait pas correctement l’objet et le fonctionnement de l’entente en cause et, enfin, qu’elle n’était appuyée par aucun élément documentaire.

569    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que Chisso avait été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente.

570    Aucun des arguments soulevés par Hoechst ne saurait remettre en cause cette conclusion.

571    S’agissant du fait que la Commission a promis à Chisso, lors de la réunion du 13 novembre 1998, de l’avertir si d’autres entreprises la devançaient, et comme il a déjà été indiqué dans le cadre de l’analyse du premier moyen, cette circonstance ne saurait affecter la constatation du fait que Chisso a été la première entreprise, lors de cette réunion, à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente.

572    S’agissant du fait que la Commission aurait refusé brusquement de reconnaître les contributions orales de Hoechst comme des actes de coopération, en particulier les éléments apportés par Hoechst durant la réunion du 29 octobre 1998, il convient de relever que, au considérant 5 de la Décision, la Commission retient expressément que, le 29 octobre 1998, lors d’une réunion entre les avocats de Hoechst et de Nutrinova et les services de la Commission, une description orale du marché concerné, des producteurs, des parts de marché, de la procédure aux États-Unis et des activités de l’entente a été effectuée. Nulle part dans la Décision, il n’est précisé que la contribution orale de Hoechst lors de la réunion du 29 octobre 1998 n’aurait pas été prise en compte. Le fait que la Commission ait pu estimer, à un moment de la procédure, que la coopération de Hoechst ne satisfaisait pas aux exigences de la communication sur la coopération de 1996 ne modifie pas la conclusion selon laquelle la contribution orale de Hoechst, lors de la réunion du 29 octobre 1999, a finalement été prise en compte dans le cadre de la Décision.

573    En tout état de cause, il y a lieu de relever que Hoechst fait référence, dans ses écritures, à une lettre de la Commission du 19 janvier 1999 dans laquelle elle précisait ce qui suit :

« Les services de la Commission peuvent uniquement prendre acte de votre changement de position et du fait que Nutrinova n’entend plus désormais coopérer suivant la communication sur la coopération [...] Les informations sur les sorbates, telles qu’elles ont été produites par Nutrinova jusqu’à présent ne peuvent pas être considérées comme ayant été fournies dans le cadre de cette communication. »

574    Il convient de relever à cet égard que, lors de la réunion du 29 octobre 1998 avec les services de la Commission, Hoechst espérait pouvoir fournir une contribution écrite pour la fin de l’année 1998. Or, dans une lettre du 21 décembre 1998, à laquelle répond justement la Commission dans la lettre du 19 janvier 1999, Hoechst indiquait, outre qu’une coopération par le biais de témoignages oraux n’était pas envisageable, ce qui suit :

« Malheureusement, nous ne pouvons pas tenir notre promesse de vous fournir un rapport complet des faits avant la fin de l’année [...] Avec la procédure américaine encore pendante, il nous a été indiqué par notre conseiller aux États-Unis qu’une divulgation complète à la Commission, comme envisagée initialement lors de nos entretiens en octobre, compromettrait sérieusement les intérêts de Nutrinova (ainsi que ceux de certains de ses membres) aux États-Unis. »

575    Il en résulte que Hoechst indiquait clairement son impossibilité de coopérer davantage, à ce stade de la procédure, avec la Commission, que ce soit par le biais d’une coopération écrite ou de témoignages oraux. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pu considérer, à ce stade de la procédure, que Hoechst ne coopérait pas pleinement et que, dans ces conditions, les actes de coopération antérieurs pouvaient, le cas échéant, être considérés comme insuffisants dans le cadre de la communication sur la coopération de 1996.

576    La position de Hoechst a été réitérée, par la suite, dans une lettre du 28 janvier 1999 dans laquelle elle précisait :

« Nutrinova, bien qu’elle désire toujours coopérer entièrement et immédiatement avec la Commission, ne peut pas le faire à présent sans créer des risques sérieux et insupportables pour elle-même et pour ses actuels et/ou anciens employés au regard du droit américain. »

577    Le fait que la Commission, lors d’un entretien téléphonique du 5 mars 1999 ou par lettre en date du 29 mars 1999, ait précisé qu’une nouvelle contribution orale ne serait pas suffisante, résultait de l’incertitude quant à la coopération de Hoechst à ce stade de la procédure et visait à attirer l’attention de Hoechst sur le fait que, pour pouvoir bénéficier de la communication sur la coopération de 1996, elle devait apporter plus d’éléments probants quant à l’existence de l’entente.

578    Il résulte de ces considérations que, dans la Décision, la Commission retient finalement les contributions orales de Hoechst comme des actes de coopération et que, en tout état de cause, la position de la Commission durant la procédure administrative résultait de l’incertitude quant à la coopération effective de Hoechst au début de la procédure, Hoechst ayant précisé, au demeurant, et dans un premier temps, que des témoignages de ses employés devant la Commission n’étaient pas envisageables.

579    Pour l’ensemble de ces raisons, les arguments avancés dans le cadre du huitième moyen doivent être rejetés.

580    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner le neuvième moyen soulevé par Hoechst dans la mesure où, à défaut d’être la première entreprise à avoir fourni des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente, Hoechst ne pouvait espérer obtenir une réduction d’amende plus importante que celle qui lui a été octroyée au regard du titre D de la communication sur la coopération de 1996, à savoir 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

581    Toutefois, il convient de relever que certaines irrégularités procédurales peuvent parfois justifier une réduction de l’amende même si elles ne sont pas susceptibles d’aboutir à l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 211 supra, points 26 à 48, et arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, point 216 supra, points 436 à 438).

582    En l’espèce, il y a lieu de tenir compte de la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération de 1996, constatée au point 137 ci-dessus, violation qui a également été invoquée par Hoechst dans le cadre des huitième et neuvième moyens. Dès lors, eu égard à l’importance du respect par la Commission desdits principes dans le cadre des procédures administratives, et au titre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal décide de réduire l’amende infligée à Hoechst de 10 %.

583    Les conséquences concrètes de cette réformation seront déterminées ultérieurement.

H –  Sur le onzième moyen, tiré de la violation du principe non bis in idem

1.     Résumé de la Décision

584    Aux considérants 314 à 316 de la Décision, la Commission précise, en substance, que l’exercice par les États-Unis (ou tout pays tiers) de leur compétence à l’encontre d’une entente ne saurait en aucune façon limiter ou exclure la compétence de la Commission au titre du droit communautaire de la concurrence. Qui plus est, la Commission n’entendrait pas, en tout état de cause, sanctionner les entreprises concernées pour les mêmes faits que les autorités américaines et canadiennes. De même, les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d’une part, et par les autorités américaines et canadiennes, d’autre part, ne poursuivraient pas, à l’évidence, les mêmes objectifs.

2.     Arguments des parties

a)     Arguments de Hoechst

585    Hoechst considère que la Commission a violé le principe non bis in idem lorsque, au considérant 315 de la Décision, elle a estimé que la déduction de la sanction pénale américaine, infligée dans la même affaire, ne s’imposait pas. La Commission aurait exprimé l’opinion que, en aucun cas, le principe non bis in idem ne peut être appliqué dans le cadre de la relation entre le droit communautaire et le droit des États-Unis sur les ententes. Or, selon Hoechst, aucun arrêt jusqu’à présent n’a précisé que le principe non bis in idem ne pouvait jamais être appliqué dans ce cas.

586    Plus précisément, Hoechst déduit des motifs de l’arrêt de la Cour du 14 décembre 1972, Boehringer Mannheim/Commission (7/72, Rec. p. 1281), que le principe non bis in idem est applicable dans le cadre de la relation entre le droit communautaire et le droit des États-Unis sur les ententes. Par ailleurs, la seconde phrase du sommaire de l’arrêt de la Cour préciserait que « la prise en considération éventuelle par la Commission d’une sanction infligée par les autorités d’un État tiers présuppose que les faits retenus contre l’entreprise inculpée par la Commission, d’une part, et les autorités de l’État tiers en question, d’autre part, soient identiques ».

587    En l’espèce, la Commission ne contesterait pas que les sanctions prononcées contre Hoechst aux États-Unis concernent une situation de fait qui serait identique à celle qui est à la base de la Décision. À cet égard, dans la Décision, la Commission passerait sous silence les éléments des réunions communes et des accords qui se rapportent aux marchés extra-européens. Toutefois, aux considérants 4, 65 à 72, 81, 90, 92, 100, 107, 120, 121, 138, 217, 232, 246, 349, 352, 397 et 450 de la Décision, la Commission donnerait des indications claires établissant le caractère unique de l’infraction.

588    Si la Commission devait contester la « présence d’un idem » dans la présente affaire, Hoechst offre, comme preuve, l’accord conclu le 3 mai 1999 avec le ministère de la Justice américain et demande à ce que soit cités comme témoins le procureur en charge de l’affaire aux États-Unis et une autre personne pouvant être citée par l’intermédiaire de Hoechst.

589    En tout état de cause, Hoechst considère qu’une déduction de la sanction américaine s’impose pour des motifs d’équité, en application du principe de « justice naturelle » applicable depuis la jurisprudence Walt Wilhelm (arrêt de la Cour du 13 février 1969, Walt Wilhelm e.a., 14/68, Rec. p. 1).

b)     Arguments de la Commission

590    Tout d’abord, la Commission souligne que Hoechst ne semble plus vouloir revenir sur la sanction infligée par le Canada, mais seulement sur celle infligée par les États-Unis.

591    Ensuite, se référant notamment à l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra (point 338), la Commission indique que l’application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’identité de contrevenant et d’identité du bien juridique protégé. Ce principe interdirait donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique.

592    En l’espèce, ni les faits ni le bien juridique protégé ne seraient identiques.

593    S’agissant des faits, le point 4, sous d), de l’accord conclu le 3 mai 1999 avec le ministère de la Justice américain constaterait explicitement que les sorbates visés par cette entente étaient vendus par Hoechst ou ses filiales et par d’autres membres de l’entente à des clients dans le district Nord de la Californie. Il en résulterait que l’acte sanctionné par la transaction judiciaire (Plea Agreement) ne serait pas l’accord collusoire en lui-même, mais sa mise en œuvre aux États-Unis. La Commission rappelle à cet égard que le principe de territorialité s’applique aussi bien en droit américain qu’en droit européen des ententes. Il ne résulterait pas de la transaction judiciaire conclue entre Hoechst et les États-Unis qu’elle couvrait aussi les mesures d’application et les effets de l’accord collusoire à l’extérieur du pays et notamment dans l’EEE. La constatation effectuée au considérant 315 de la Décision serait donc correcte. L’arrêt Boehringer Mannheim/Commission, point 586 supra, aurait d’ailleurs nié aussi toute violation du principe non bis in idem pour défaut d’identité des faits en pareille hypothèse.

594    S’agissant du bien juridique protégé, et renvoyant au considérant 316 de la Décision ainsi qu’à l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597 (point 90), la Commission souligne que les procédures et les sanctions des autorités communautaires, d’une part, et des autorités américaines, d’autre part, n’ont pas le même objectif. Si, dans le premier cas, il s’agirait de préserver une concurrence non faussée sur le territoire de l’Union européenne ou dans l’EEE, dans le second cas, la protection recherchée concernerait le marché américain.

595    La Commission souligne par ailleurs que, dans l’arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra (points 130 à 148), le Tribunal a explicitement déclaré qu’il était loisible à la Commission d’infliger une amende dans les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, sans devoir tenir compte des sanctions américaines correspondantes aux fins de la détermination de ces limites. Ces considérations seraient applicables au cas d’espèce.

596    La Commission ajoute, par souci d’exhaustivité, qu’aucune considération d’équité ne plaide en faveur d’une déduction de la sanction américaine. Une situation comme celle qui a incité la Cour, dans l’arrêt Walt Wilhelm e.a., point 589 supra (point 11), à tenir compte, en droit communautaire, des premières sanctions infligées en s’inspirant de l’article 90, paragraphe 2, CA, compte tenu de l’étroite interdépendance des marchés nationaux des États membres et du marché commun, n’existerait pas dans les rapports entre l’Union européenne et les États-Unis (la Commission renvoie, à cet égard, à l’arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 594, point 99).

3.     Appréciation du Tribunal

597    À titre liminaire, il convient de relever que le présent moyen a été soulevé uniquement à l’encontre du fait que l’amende infligée aux États-Unis n’aurait pas été déduite de celle infligée au niveau communautaire. Il y a donc lieu de considérer que le présent moyen ne concerne pas l’amende infligée au Canada.

598    Le principe non bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue un principe fondamental du droit communautaire dont le juge assure le respect (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 26).

599    Par ailleurs, loin d’avoir tranché la question de savoir si la Commission est tenue d’imputer une sanction infligée par les autorités d’un État tiers dans l’hypothèse où les faits retenus contre une entreprise par cette institution et par lesdites autorités sont identiques, la Cour a fait de l’identité des faits incriminés par la Commission et les autorités d’un État tiers une condition préalable à l’interrogation susvisée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, points 48 et 49, et SGL Carbon/Commission, point 598 supra, point 27).

600    Plus précisément, la Cour a rappelé que l’application du principe non bis in idem était soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 145 supra, point 338).

601    À cet égard, il convient de souligner que le principe non bis in idem ne s’applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d’États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 598 supra, point 32).

602    En l’espèce, même si à certains considérants de la Décision, mis en avant par Hoechst, la Commission indique que les faits en cause trouvent leur origine dans un même ensemble d’accords et que le marché des sorbates a pu être apprécié au niveau mondial, d’une part, il y a lieu de souligner que l’application du droit communautaire des ententes présuppose l’existence d’un accord, d’une décision ou d’une pratique concertée « susceptible d’affecter le commerce entre États membres » ou « entre les parties contractantes » de l’accord EEE ainsi que « d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun » ou du « territoire » couvert par l’accord EEE (article 81, paragraphe 1, CE et article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE). L’action de la Commission vise ainsi à sauvegarder la libre concurrence à l’intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 598 supra, point 31). La Commission conclut, à cet égard, que le comportement anticoncurrentiel en cause avait pour objet et pour effet de restreindre la concurrence dans la Communauté et dans l’EEE (considérants 280 à 288 de la Décision) et que, par ailleurs, l’accord continu entre les producteurs de sorbates a eu un effet sensible sur le commerce entre les États membres et entre les parties contractantes à l’accord EEE (considérants 289 à 294 de la Décision). Sur cette base, à l’article 1er du dispositif de la Décision, la Commission retient que les entreprises concernées ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et, à compter du 1er janvier 1994, l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

603    D’autre part, bien qu’il ressorte de l’accord conclu le 3 mai 1999 entre Hoechst et le ministère de la Justice américain que les faits reprochés portaient sur une entente sur les sorbates vendus « aux États-Unis et ailleurs », il y a lieu de relever, premièrement, que l’accord précité précise également que les sorbates en cause étaient vendus par Hoechst ou ses filiales à des consommateurs situés dans le district Nord de la Californie et deuxièmement, qu’il n’est nullement établi que la procédure diligentée aux États-Unis ait visé des applications ou des effets de l’entente autres que ceux intervenus aux États-Unis et en particulier dans l’EEE, ce qui, au demeurant, aurait manifestement empiété sur la compétence territoriale de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 594 supra, point 103, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 165 supra, point 143).

604    Dès lors, les décisions américaine et communautaire des autorités de concurrence se distinguent, en l’espèce, quant à l’intérêt juridique protégé.

605    Dans ces conditions, le principe non bis in idem ne saurait trouver application. Pour les mêmes raisons, des considérations liées à l’équité, qui justifient selon Hoechst de tenir compte de l’amende infligée aux États-Unis dans le cadre de l’amende infligée par la Commission, doivent être rejetées. Par ailleurs, le Tribunal s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de Hoechst visant à faire citer des témoins.

606    Pour l’ensemble de ces raisons, le onzième moyen doit être rejeté.

IV –  Sur le montant final de l’amende infligée à Hoechst

607    Ainsi qu’il résulte des points 420 à 439 ci-dessus, il convient de réformer la Décision, en tant qu’elle retient la circonstance aggravante de meneur à l’encontre de Hoechst.

608    Par ailleurs, comme il ressort du point 582 ci-dessus, et pour tenir compte de la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération de 1996, relevée au point 137 ci-dessus, il y a lieu de réduire l’amende infligée à Hoechst de 10 %.

609    Pour le reste, les considérations de la Commission dans la Décision, ainsi que la méthode de calcul appliquée par la Commission, demeurent inchangées.

610    Le montant final de l’amende infligée à la requérante est donc calculé comme suit : au montant de départ de l’amende (20 millions d’euros) sont ajoutés 100 % au vu de la taille et des ressources globales de Hoechst en 1995 et en 2002, soit un total de 40 millions d’euros. Pour tenir compte de la durée de l’infraction, ce montant est augmenté de 175 %. Le montant de base de l’amende est donc de 110 millions d’euros. À ce montant de base de l’amende, s’ajoute l’augmentation de 50 % au titre de la qualité de récidiviste de Hoechst, soit un montant total de 165 millions d’euros. Ce montant total est enfin réduit de 50 % au titre de la communication sur la coopération de 1996, soit 82,5 millions d’euros, puis de 10 % pour tenir compte de la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération de 1996, relevée au point 137 ci-dessus, ce qui aboutit à un montant final d’amende de 74,25 millions d’euros.

 Sur les dépens

611    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée à Hoechst GmbH est fixé à 74,25 millions d’euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.


Vilaras

Dehousse

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

I – Sur les moyens tendant à l’annulation de la Décision dans son ensemble pour ce qui concerne Hoechst

A – Sur le premier moyen, tiré du refus d’accès à des documents à décharge

1. Résumé de la procédure administrative et de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

Sur le refus d’accès à des documents relatifs aux contacts entre la Commission et Chisso

Sur le refus d’accès à une lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes

Sur la demande d’exécution de nouvelles enquêtes

b) Arguments de la Commission

Sur le refus d’accès à certains documents

Sur la demande d’exécution de nouvelles enquêtes

3. Appréciation du Tribunal

a) Sur la violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement

b) Sur la violation du droit d’accès au dossier

Sur la lettre de Chisso du 17 décembre 2002 avec ses annexes

Sur les documents internes relatifs aux contacts téléphoniques intervenus entre la Commission et Chisso, de septembre 1998 à avril 1999

B – Sur le quatrième moyen, tiré du caractère incomplet du rapport final du conseiller-auditeur

1. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

2. Appréciation du Tribunal

II – Sur le treizième moyen, tendant à l’annulation de l’article 2 de la Décision pour ce qui concerne Hoechst

A – Arguments des parties

1. Arguments de Hoechst

2. Arguments de la Commission

B – Appréciation du Tribunal

III – Sur les moyens tendant à la réduction de l’amende de Hoechst

A – Sur le douzième moyen, tiré de la durée excessive de la procédure

1. Résumé de la procédure administrative

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

B – Sur le troisième moyen, tiré de l’occultation à tort de certains motifs de la Décision

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

C – Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans la détermination du montant de base de l’amende

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

Sur la nature de l’infraction

– Sur les effets de l’infraction

– Sur la participation de dirigeants de haut niveau aux accords anticoncurrentiels

– Sur la répartition des entreprises en catégories

– Sur le facteur de majoration pour tenir compte de la taille et des ressources globales de Hoechst

Sur la durée de l’infraction

b) Arguments de la Commission

Sur les effets de l’infraction

Sur la participation des dirigeants de haut niveau aux accords anticoncurrentiels

Sur la répartition des entreprises en catégories

Sur le facteur de majoration pour tenir compte de la taille et des ressources globales de Hoechst

Sur la durée de l’infraction

3. Appréciation du Tribunal

a) Sur la gravité de l’infraction

Sur l’effet de l’entente sur le marché des sorbates de l’EEE

Sur la participation de dirigeants de haut niveau de Hoechst à l’entente

Sur la répartition des entreprises concernées en catégories

Sur le facteur de majoration pour tenir compte de la taille et des ressources globales de Hoechst

b) Sur la durée de l’infraction

D – Sur les deuxième et sixième moyens, relatifs au grief tiré du rôle de meneur retenu comme circonstance aggravante dans la Décision

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

E – Sur le septième moyen, tiré du caractère injustifié de la majoration de l’amende pour récidive

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

F – Sur le dixième moyen, tiré de l’application par analogie de la communication sur la coopération de 2002 en vertu d’un « principe de la disposition la plus favorable »

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

G – Sur les huitième et neuvième moyens, relatifs à l’application de la communication sur la coopération

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

H – Sur le onzième moyen, tiré de la violation du principe non bis in idem

1. Résumé de la Décision

2. Arguments des parties

a) Arguments de Hoechst

b) Arguments de la Commission

3. Appréciation du Tribunal

IV – Sur le montant final de l’amende infligée à Hoechst

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.