Language of document : ECLI:EU:T:2015:73

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

5 février 2015 (*)

« Aide d’État – Taxe irlandaise sur les passagers aériens – Tarif réduit pour les destinations situées au maximum à 300 km de l’aéroport de Dublin – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Avantage – Caractère sélectif – Identification des bénéficiaires de l’aide – Article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑500/12,

Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par M. B. Kennelly, barrister, Mes E. Vahida et I.-G. Metaxas-Maragkidis, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Aer Lingus Ltd, représentée par Mme K. Bacon, MM. D. Scannell, D. Bailey, barristers, et A. Burnside, solicitor,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, D. Grespan et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Irlande, représentée par Mme E. Creedon, M. A. Joyce et Mme J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de MM. E. Regan, SC, et B. Doherty, barrister,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2013/199/UE de la Commission, du 25 juillet 2012, concernant l’aide d’État SA.29064 (11/C, ex 11/NN) – Taux d’imposition différenciés appliqués par l’Irlande au transport aérien (JO 2013, L 119, p. 30),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Ryanair Ltd, est une compagnie aérienne à bas coûts établie en Irlande, exploitant plus de 1 300 liaisons directes entre quelque 170 aéroports dans 28 pays de l’Europe et de l’Afrique du Nord. Ryanair effectue principalement des vols court-courriers, de moins de 3 200 km ou d’une durée inférieure à trois heures.

2        Par l’article 55 du Finance Act (n° 2) 2008 (deuxième loi de finances de 2008, ci-après la « loi de finances »), l’Irlande a institué un droit d’accise, appelé Air travel tax (taxe sur le transport aérien, ci-après la « TTA »), à compter du 30 mars 2009, date d’entrée en vigueur de la loi.

3        La loi de finances prévoit que la TTA est perçue directement auprès des exploitants de lignes aériennes, pour tout passager voyageant sur un avion au départ d’un aéroport situé en Irlande (à l’exception des aéroports transportant moins de 10 000 passagers par an, puis, à compter du 3 juin 2009, 50 000 passagers par an), et est exigible au moment où un passager quitte un aéroport dans un avion capable de transporter plus de 20 passagers et non utilisé pour les besoins de l’État ou à des fins militaires. Si, in fine, la taxe est censée être répercutée sur le prix du billet des passagers, ce sont les exploitants de lignes aériennes qui en sont redevables et qui doivent s’en acquitter.

4        Au moment de son introduction, la TTA était perçue sur la base de la distance entre l’aéroport de départ et l’aéroport d’arrivée, au taux de deux euros dans le cas d’un vol au départ d’un aéroport situé en Irlande vers une destination située au maximum à 300 km de l’aéroport de Dublin et de dix euros dans tous les autres cas.

5        Le 21 juillet 2009, la Commission européenne a enregistré deux plaintes séparées, déposées par la requérante, l’une au titre de l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), l’autre au titre de l’article 56 TFUE et du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (refonte) (JO L 293, p. 3), concernant plusieurs aspects de la TTA introduite par l’Irlande.

6        Faisant suite à la seconde plainte, la Commission a d’abord ouvert une enquête concernant une possible infraction à l’article 56 TFUE, relatif à la libre prestation de services, et au règlement n° 1008/2008. Une lettre de mise en demeure a été adressée par la Commission aux autorités irlandaises sur ce fondement le 18 mars 2010 (ci-après la « lettre de mise en demeure »). À la suite de la lettre de mise en demeure, les taux d’imposition ont été modifiés, afin qu’un taux unique de trois euros puisse être appliqué pour tous les départs, quelle que soit la distance parcourue, dès le 1er mars 2011. L’enquête de la Commission relative à une violation de l’article 56 TFUE et du règlement n° 1008/2008 a dès lors été clôturée.

7        Dans sa première plainte, fondée sur l’application des règles en matière d’aides d’État, la requérante dénonçait notamment le fait que le taux d’imposition plus faible (deux euros au lieu de dix euros) favorisait essentiellement les compagnies domestiques telles que Aer Arann, qui effectuaient l’essentiel de leurs vols vers des destinations situées à moins de 300 km de l’aéroport de Dublin. La même plainte évoquait également le fait que le caractère forfaitaire de la taxe serait discriminatoire dans la mesure où une telle taxe représentait une part plus importante du prix pour les compagnies à bas coûts que pour les compagnies aériennes traditionnelles. Enfin, dans sa plainte, la requérante dénonçait le fait que l’absence d’application de la TTA aux passagers en transit et en correspondance constituait une aide d’État illégale au profit des compagnies aériennes Aer Lingus Ltd et Aer Arann, étant donné que ces compagnies comptaient une part relativement élevée de passagers et de vols correspondant à ces catégories.

8        Par lettre du 13 juillet 2011, la Commission a informé l’Irlande de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard du taux national plus bas appliqué dans le cadre de la TTA pour la période comprise entre le 30 mars 2009 et le 1er mars 2011. La Commission a demandé aux autorités irlandaises de transmette une copie de la décision aux bénéficiaires.

9        Par une décision du 13 juillet 2011, dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 octobre 2011 (JO C 306, p. 10), adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen, la Commission a notamment constaté que l’absence d’application de la TTA aux passagers en correspondance ou en transit de même que l’utilisation d’une taxe à caractère forfaitaire ne constituaient pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, elle a considéré que l’application d’un taux national plus bas entre le 30 mars 2009 et le 1er mars 2011 semblait constituer une aide d’État soulevant des questions quant à la compatibilité avec le marché intérieur, dans la mesure où elle favoriserait de manière illicite les vols nationaux par rapport aux vols transfrontaliers. Elle a, par conséquent, ouvert la procédure formelle d’examen concernant cette dernière mesure, invitant les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure en cause.

10      Les autorités irlandaises ont fait parvenir leurs observations le 15 septembre 2011. Parmi les parties intéressées, seule la requérante a fait parvenir ses observations à la Commission, le 17 novembre 2011.

11      Le 25 juillet 2012, la Commission a adopté la décision 2013/199/UE concernant l’aide d’État SA.29064 (11/C, ex 11/NN) – Taux d’imposition différenciés appliqués par l’Irlande au transport aérien (JO 2013, L 119, p. 30, ci-après la « décision attaquée »). Cette décision a par ailleurs été notifiée à la requérante par lettre du ministère des Finances irlandais, reçue par celle-ci le 6 septembre 2012.

12      La Commission a conclu à l’article 1er de cette décision que l’aide d’État qui, en application de la loi de finances, revêtait en l’espèce la forme d’un taux d’imposition réduit sur le transport aérien applicable à tous les vols assurés par un avion capable de transporter plus de 20 passagers et non utilisé à des fins militaires ou pour les besoins de l’État, au départ d’un aéroport accueillant plus de 10 000 passagers par an vers une destination située au maximum à 300 km de l’aéroport de Dublin, illégalement appliquée par l’Irlande sur la période allant du 30 mars 2009 au 1er mars 2011 (ci-après la « période concernée »), en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, était incompatible avec le marché intérieur.

13      L’article 4 prévoit que l’Irlande récupère auprès des bénéficiaires l’aide incompatible octroyée au titre du régime visé à l’article 1er. Ces bénéficiaires sont identifiés au considérant 70 de la décision attaquée comme étant la requérante, Aer Lingus, Aer Arann et d’autres transporteurs aériens qui doivent être identifiés par l’Irlande. Il est précisé au même point que le montant de l’aide d’État correspond à la différence entre le taux réduit de la TTA et le taux standard de dix euros, soit huit euros, prélevé sur chaque passager.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2012, la requérante a introduit le présent recours.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2013, l’Irlande a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la sixième chambre du Tribunal a admis l’Irlande à intervenir par ordonnance du 25 avril 2013.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mars 2013, Aer Lingus a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Le président de la sixième chambre du Tribunal a admis Aer Lingus à intervenir par ordonnance du 25 avril 2013, après avoir obtenu les observations des parties.

17      L’Irlande et Aer Lingus ont déposé leurs mémoires en intervention le 25 juin 2013. La Commission a uniquement présenté des observations sur le mémoire en intervention d’Aer Lingus par mémoire déposé au greffe le 26 juillet 2013. Le 21 août 2013, la requérante a communiqué ses observations sur les mémoires en intervention de l’Irlande et d’Aer Lingus.

18      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19      La requérante, soutenue par Aer Lingus, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1, 4, 5 et 6 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission, soutenue par l’Irlande, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      La requérante invoque cinq moyens à l’appui du recours, tirés, premièrement, de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant que le taux de dix euros de la TTA était le taux « normal » ou le taux légitime standard afin d’établir l’existence d’un avantage sélectif en faveur des compagnies aériennes soumises au taux inférieur de deux euros, deuxièmement, d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission relatives à l’évaluation de l’avantage accordé au titre de la TTA, troisièmement, d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission relatives à la décision de récupération, quatrièmement, du défaut de communication de la décision de récupération de la Commission, conformément à l’article 6 du règlement n° 659/1999 et à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et, cinquièmement, d’un défaut de motivation de la décision attaquée.

22      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le cinquième moyen de la requérante, puis le quatrième moyen, le premier moyen et, enfin, les deuxième et troisième moyens, pris conjointement.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée

23      Par le cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment expliqué dans la décision attaquée, d’une part, comment le taux de dix euros pouvait constituer le taux normal de référence alors même que ce taux serait contraire à la fois à l’article 56 TFUE et au règlement n° 1008/2008 et, d’autre part, pourquoi ses arguments relatifs à l’avantage concurrentiel particulier conféré par la TTA à ses concurrents Aer Arann et Aer Lingus ont été rejetés. Selon la requérante, la pratique de la Commission dans la décision attaquée s’écartant de sa pratique décisionnelle constante, celle-ci aurait dû motiver la décision attaquée de manière plus approfondie en ce qui concerne ces questions.

24      La Commission, soutenue par l’Irlande, conteste ces arguments et estime qu’elle n’avait pas à aborder ces questions dans la décision attaquée, dès lors qu’elles n’ont été soulevées ni par un tiers ni par les autorités irlandaises lors de la procédure d’adoption de ladite décision. En tout état de cause, la Commission affirme avoir clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que l’avantage résidait dans la différence entre les deux taux, sans qu’il soit nécessaire de prendre en compte la taille relative de l’avantage conféré aux différents bénéficiaires.

25      Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63, et du 30 novembre 2011, Sniace/Commission, T‑238/09, EU:T:2011:705, point 37).

26      En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les parties intéressées. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec, EU:C:2008:375, point 96, et du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑102/07 et T‑120/07, Rec, EU:T:2010:62, point 180).

27      Il ressort enfin de la jurisprudence que, si une décision de la Commission se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, lorsqu’elle va sensiblement plus loin que les décisions précédentes, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite (arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec, EU:C:1975:160, point 31 ; du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C‑295/07 P, Rec, EU:C:2008:707, point 44, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 155).

28      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée.

29      En premier lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas, ou pas suffisamment, motivé la décision attaquée en ce qui concerne l’ordre de récupération de l’aide, sans prendre en compte le prétendu droit au remboursement, en vertu du droit de l’Union, des compagnies aériennes qui se sont acquittées de la TTA au taux supérieur de dix euros pendant la période litigieuse.

30      Il convient de rappeler, à cet égard, que, dès lors que la notion d’aide d’État répond à une situation objective qui s’apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision, ce sont les appréciations portées à cette date qui doivent être prises en compte pour opérer ce contrôle juridictionnel (arrêt du 27 septembre 2012, France/Commission, T‑139/09, Rec, EU:T:2012:496, point 52).

31      Or, en l’espèce, même si la Commission avait connaissance de la lettre de mise en demeure adressée à l’Irlande, dont le contenu est repris, en substance, au considérant 66 de la décision attaquée, elle n’était nullement obligée d’en tenir compte au stade de la de la qualification de l’aide et de sa récupération, dès lors que, en application de la jurisprudence mentionnée au point 26 ci-dessus, la Commission a estimé qu’il ne s’agissait pas de faits revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision.

32      À cet égard, la Commission a exposé, au considérant 45 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a estimé que le taux de dix euros devait être considéré comme le taux de référence aux fins d’établir le caractère sélectif de la mesure. Elle a également expliqué pourquoi, en vertu de l’article 14 du règlement n° 659/1999, elle s’estimait tenue d’ordonner la récupération de l’aide telle qu’établie et quantifiée dans la décision attaquée. Ces considérations sont suffisantes pour permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 25 ci-dessus.

33      Il y a lieu de constater, en outre, que, par cet argument, la requérante conteste en réalité la validité des appréciations effectuées par la Commission en ce qui concerne l’existence de l’aide et la nécessité d’en exiger la récupération, appréciations qui sont mises en cause dans le cadre des premier et deuxième moyens.

34      Or, en vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec, EU:C:2001:178, point 35, et du 18 janvier 2005, Confédération Nationale du Crédit Mutuel/Commission, T‑93/02, Rec, EU:T:2005:11, point 67).

35      Il y a lieu, dès lors, de rejeter l’argument de la requérante tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée pour avoir omis de prendre en compte le prétendu droit au remboursement des compagnies aériennes des taxes acquittées en vertu de la TTA.

36      En deuxième lieu, s’agissant du prétendu manque de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la quantification de l’aide à huit euros par passager, il y a lieu de constater, contrairement à ce qu’avance la requérante, que la Commission a consacré des développements à ce sujet aux considérants 54 et suivants de la décision attaquée. En ce qui concerne plus particulièrement la question de l’avantage qui serait proportionnellement plus important pour les concurrents de la requérante, la Commission a constaté au considérant 56 de la décision attaquée que, « en appliquant le taux réduit à certains vols, Ryanair a bénéficié, comme toutes les autres compagnies aériennes exploitant des vols auxquels ce taux était appliqué, d’un avantage correspondant à la différence entre les deux taux ».

37      Il y a lieu de considérer, dès lors, que la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée à cet égard, indépendamment de la question de savoir si cette motivation est bien fondée ou non, ce qui sera examiné dans le cadre des deuxième et troisième moyens, pris conjointement.

38      En troisième lieu, s’agissant du grief de la requérante selon lequel la décision attaquée aurait omis de prendre en compte son argument selon lequel le mode d’imposition forfaitaire de la TTA favorisait Aer Lingus dans la mesure où il ne tenait pas compte du prix du billet payé par chaque passager et selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des effets proportionnellement plus désavantageux de l’aide sur sa propre situation, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cet argument a été définitivement rejeté par la décision du 13 juillet 2011, dans laquelle cet aspect de la TTA a été considéré comme ne constituant pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et que la requérante n’a pas formé de recours à l’encontre de cette décision sur ce point. Il ne saurait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas avoir réexaminé cet aspect de la TTA dans sa décision finale, qui portait exclusivement sur d’autres aspects de la TTA, à savoir la question des taux différenciés.

39      En quatrième lieu, en ce qui concerne, enfin, l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle antérieure, il convient de relever que, la notion d’aide d’État étant une notion objective, elle ne saurait dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique antérieure de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Wam Industriale/Commission, T‑303/10, EU:T:2012:505, point 82).

40      Or, en l’espèce, il suffit de constater que la Commission a motivé à suffisance de droit dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle a estimé que la mesure en cause constituait une aide d’État. En tout état de cause, la question de savoir si elle a été plus loin que sa pratique décisionnelle constante en l’espèce et la pertinence des arguments soulevés à cet égard relèvent davantage de l’examen au fond de la mesure, qui sera effectué ci-après.

41      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré du défaut de motivation de la décision attaquée et de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de communication de la décision de récupération de la Commission, conformément à l’article 6 du règlement n° 659/1999 et à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux

42      Par ce quatrième moyen, la requérante fait valoir qu’elle aurait été privée de la possibilité de faire valoir ses observations sur l’ordre de récupération des aides en cause, contrairement à ce que prévoit l’article 6 du règlement n° 659/1999. À cet égard, elle estime que la décision d’ouverture de la procédure, publiée le 18 octobre 2011, ne comporte aucune mention de l’intention de la Commission quant à la somme à récupérer auprès de chaque bénéficiaire, ni de l’identification précise des bénéficiaires, telle qu’elle figure dans la décision attaquée. La requérante estime, en outre, que la Commission a, de ce fait, violé l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, relatif au droit à une bonne administration.

43      La Commission, soutenue par l’Irlande, conteste les arguments de la requérante.

44      Il convient de rappeler, à titre liminaire, le libellé de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, qui prévoit que « [l]a décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun », que « [l]a décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois », et que, « [d]ans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai ».

45      Il convient également de rappeler que, selon l’article 6 du règlement n° 659/1999, la décision d’ouverture doit mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen, lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments (arrêts du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑346/99 à T‑348/99, Rec, EU:T:2002:259, point 100, et du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T‑81/07 à T‑83/07, Rec, EU:T:2009:237, point 117).

46      Selon la jurisprudence, toutefois, l’article 108, paragraphe 2, TFUE n’exige pas une mise en demeure individuelle de particuliers. Son seul objet est d’obliger la Commission à faire en sorte que toutes les personnes potentiellement intéressées soient averties et reçoivent l’occasion de faire valoir leurs arguments. Dans ces circonstances, la publication d’un avis au Journal officiel apparaît comme un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec, EU:C:1984:345, point 17). Cette communication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec, EU:C:1973:87, point 19).

47      En outre, s’agissant de régime d’aides, comme en l’espèce, il convient de rappeler que la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier dans les motifs de sa décision si, en raison des modalités que ce programme prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres (arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec, EU:C:2002:143, point 89).

48      Enfin, s’il est vrai qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer (arrêt du 18 octobre 2007, Commission/France, C‑441/06, Rec, EU:C:2007:616, point 29) et qu’elle peut, le cas échéant, déléguer la mise en œuvre de cet exercice à l’État membre concerné, la requérante ne saurait déduire de cette jurisprudence que la Commission ne peut, en aucun cas, déterminer le montant exact de l’aide à récupérer dans sa décision, si cela s’avère possible. Dans un tel cas, la fixation du montant exact de l’aide à récupérer est même souhaitable en vue d’assurer la sécurité juridique, comme le fait valoir la Commission.

49      S’agissant du respect de l’article 6 du règlement n° 659/1999 en l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a, dans sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, invité les parties intéressées à présenter des observations sur la mesure d’aide consistant en l’application d’un taux national plus bas pour la TTA durant la période concernée.

50      Les parties intéressées pouvaient donc raisonnablement s’attendre, dès lors que le taux le plus bas de la TTA était qualifié d’aide, à ce que la Commission ordonne la récupération de l’aide auprès de ses bénéficiaires, même si le montant de l’aide à récupérer n’avait pas été quantifié avec précision à ce stade de la procédure. En outre, dans la mesure où, comme l’observe à juste titre la Commission, c’est la requérante elle-même qui a suggéré, dans sa plainte initiale, que le montant de l’aide à récupérer devrait consister en la différence entre les deux taux de la TTA appliqués pendant la période concernée, elle ne saurait invoquer l’impossibilité de faire valoir ses observations sur ce point dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

51      De même, la Commission ayant attiré l’attention sur le fait que, conformément à l’article 14 du règlement n° 659/1999, toute aide illégale et incompatible pouvait faire l’objet d’une récupération auprès de son bénéficiaire, les bénéficiaires de l’aide pouvaient s’attendre à ce que cette aide fasse l’objet d’un ordre de récupération et étaient en mesure d’émettre des observations à cet égard, ce que la requérante a fait par ailleurs.

52      En outre, comme le fait valoir la Commission à juste titre également, il ressort clairement des observations déposées par la requérante le 17 novembre 2011 dans la cadre de la procédure formelle d’examen que celle-ci avait compris que la mesure en cause pouvait constituer une aide ainsi que les conséquences qui pouvaient en découler en termes de récupération.

53      Or, selon la jurisprudence, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun, la décision d’ouverture pouvant se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec, EU:T:2008:457, points 138 et 139).

54      Par conséquent, la requérante ne saurait non plus faire valoir que le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14), aurait été violé en l’espèce.

55      Il y a lieu de constater, dès lors, que la Commission n’a pas manqué à ses obligations au titre de l’article 6 du règlement n° 659/1999 en l’espèce ni au principe de bonne administration.

56      Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant que le taux de dix euros de la TTA était le taux « normal » ou le taux légitime standard

57      Par le premier moyen, la requérante avance que la Commission ne pouvait considérer, sans commettre d’erreur de droit, que le taux de dix euros était le taux normal, en vue d’examiner la sélectivité de la mesure, puisque ce taux était illégal en vertu du droit de l’Union pendant toute la période concernée. La décision attaquée serait ainsi en contradiction avec la conclusion de la Commission selon laquelle la TTA était contraire à la libre prestation de services et au règlement n° 1008/2008.

58      La requérante estime, en outre, que, dans la présente affaire, contrairement aux affaires typiques d’aides d’État impliquant des régimes fiscaux, il n’y avait pas de régime fiscal général préexistant et des taux introduits ultérieurement pour favoriser ou discriminer une catégorie spécifique de contribuables. Ainsi, dès lors que la TTA était contraire à l’article 56 TFUE et au règlement n° 1008/2008, ni le taux de deux euros ni le taux de dix euros ne pouvaient être considérés comme les taux « normaux » du système de référence. Dans ces circonstances, le taux de référence approprié dans le cadre de la TTA était le taux de trois euros adopté en mars 2011 par les autorités irlandaises.

59      La requérante fait valoir, enfin, que la Commission aurait dû tenir compte du fait que le taux supérieur de dix euros faisait l’objet d’un droit acquis au remboursement de cette taxe en vertu du droit de l’Union. Cela implique également que l’avantage supposé ne pourrait consister en la différence entre les deux taux dans son intégralité, mais devrait être évalué en tenant compte de ce droit acquis au remboursement dont bénéficieraient les opérateurs qui ont payé la taxe de dix euros pendant la période concernée.

60      Aer Lingus soutient les arguments de la requérante, sauf en ce qui concerne l’argument qui consiste à considérer que le taux de référence aurait dû être celui de trois euros. L’intervenante avance à cet égard que, si le taux de dix euros était illégal et ne pouvait pas servir de cadre de référence, le seul taux légal applicable pendant la période concernée était le taux de deux euros.

61      La Commission, soutenue par l’Irlande, conteste ces arguments. À l’audience, la Commission a, par ailleurs, mis en cause le droit pour l’intervenante d’intervenir, si ce n’est en soutien aux arguments de la requérante, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité sur ce point.

62      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet (arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec, EU:T:2005:219, point 152, et du 2 octobre 2009, Chypre/Commission, T‑300/05 et T‑316/05, EU:T:2009:380, point 203 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec, EU:C:1961:2, p. 37).

63      Or, en l’espèce, il convient de constater que l’intervenante soutient bien les conclusions de la requérante au litige et que ses arguments relatifs au taux de référence approprié ne sont pas totalement étrangers aux considérations qui fondent le litige tel que constitué par les parties principales.

64      Il convient, dès lors, d’examiner sur le fond l’ensemble des arguments soulevés par l’intervenante.

65      À cet égard et à titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d’aide est une notion objective et que la question de l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être examinée au regard des effets anticoncurrentiels causés par la mesure d’aide en cause, et non au regard d’autres éléments tels que la légalité de la mesure par laquelle l’aide est octroyée (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec, EU:C:2008:757, point 85 et jurisprudence citée, et du 7 octobre 2010, DHL Aviation et DHL Hub Leipzig/Commission, T‑452/08, EU:T:2010:427, point 40).

66      Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt British Aggregates/Commission, point 65 supra, EU:C:2008:757, point 111).

67      Selon une jurisprudence constante, la notion d’aide est plus générale que celle de subvention. Elle comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C‑143/99, Rec, EU:C:2001:598, point 38 et jurisprudence citée).

68      Aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il convient uniquement de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure étatique est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » au sens de cet article par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée (voir, en ce sens, arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 67 supra, EU:C:2001:598, point 41 et jurisprudence citée).

69      Conformément à la jurisprudence de la Cour, ne remplit pas cette condition de sélectivité une mesure qui, quoique constitutive d’un avantage pour son bénéficiaire, se justifie par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrit (voir, en ce sens, arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 67 supra, EU:C:2001:598, point 42 et jurisprudence citée).

70      En l’espèce, la Commission a considéré, au considérant 52 de la décision attaquée, que l’application de la TTA était susceptible d’affecter les revenus des compagnies aériennes qui devaient payer cette taxe, en augmentant les prix des tickets qu’elles étaient capables d’offrir à leurs clients ou en réduisant la marge sur chaque ticket vendu, lorsque les compagnies décidaient de ne pas répercuter la taxe sur leurs clients.

71      Dès lors, la Commission a constaté au considérant 53 de la décision attaquée que l’application d’un taux réduit pour un certain type de vols avait une incidence moindre que le taux normal pour les compagnies aériennes qui effectuaient ce type de vols. Ces compagnies aériennes sont soulagées de coûts qu’elles auraient normalement dû supporter et ont, dès lors, un coût réduit à répercuter sur leurs clients ou à supporter elles-mêmes.

72      La Commission conclut, au considérant 54 de la décision attaquée, que le taux réduit a procuré un avantage aux compagnies aériennes qui ont effectué des vols auxquels ce taux s’appliquait. Le coût réduit qu’elles devaient répercuter sur leurs clients ou supporter elles-mêmes représentait un avantage financier qu’elles ont pu économiser et a, de ce fait, amélioré leur situation économique vis-à-vis des autres opérateurs concurrents dans le secteur du transport aérien. Selon la Commission, cet avantage correspond à la différence entre le taux normal de dix euros et le taux réduit de deux euros pendant la période concernée.

73      Il n’est pas contesté que deux taux d’imposition différents ont été effectivement appliqués en l’espèce aux vols des compagnies aériennes en Irlande pendant la période concernée, de sorte que celles qui ont dû s’acquitter du taux d’imposition inférieur de deux euros par passager ont bénéficié d’un avantage par rapport aux autres compagnies qui ont dû s’acquitter d’un montant de dix euros par passager pendant la même période.

74      Le taux de trois euros n’ayant jamais été effectivement appliqué durant cette période, la requérante ne saurait valablement prétendre que la Commission aurait dû prendre ce taux comme taux de référence aux fins d’établir l’existence d’un avantage sélectif.

75      En effet, il convient de rappeler la jurisprudence mentionnée au point 65 ci-dessus, selon laquelle l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être examinée au regard des effets anticoncurrentiels causés par la mesure d’aide en cause, et non au regard d’autres éléments tels que la légalité de la mesure par laquelle l’aide est octroyée. Or, la fixation d’un autre taux de référence que celui qui a effectivement été appliqué pendant la période concernée ne permettrait pas de saisir tous les effets de la mesure litigieuse.

76      En outre, la Commission a déjà rejeté cet argument au considérant 55 de la décision attaquée, où elle a considéré que, « si un avantage est défini dans un système proposant un taux réduit et un taux élevé, l’application d’un taux de référence situé quelque part entre ces deux taux ne [couvrirait] pas tout l’avantage qui a été conféré », sans que cette constatation ait été remise en cause par la requérante.

77      La requérante conteste toutefois le caractère sélectif de cet avantage, de manière plus générale, étant donné que, selon elle, le taux supérieur de dix euros, qui a été qualifié de taux normal de référence par la Commission dans la décision attaquée, serait illégal en vertu du droit de l’Union et ne pourrait pas, dès lors, servir de taux de référence.

78      Selon la requérante, il existerait, en effet, un droit au remboursement des taxes acquittées au taux supérieur de dix euros devant les juridictions nationales en vertu de l’article 56 TFUE et du règlement n° 1008/2008. Le taux de référence de dix euros utilisé par la Commission pour déterminer le caractère sélectif de la mesure serait, par conséquent, erroné.

79      À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission a considéré, aux fins d’établir le caractère sélectif de la mesure, qu’il convenait, tout d’abord, de déterminer le système de référence. Au considérant 43 de la décision attaquée, la Commission a défini le système de référence comme étant l’imposition de passagers aériens qui prenaient un avion au départ d’un aéroport situé en Irlande. L’objectif de ce système est défini au même considérant comme étant de percevoir des recettes pour le budget de l’État.

80      Ensuite, aux considérants 44 et 45 de la décision attaquée, la Commission a examiné si la mesure fiscale en cause constituait une dérogation au système de référence ainsi défini. Elle a considéré que, hormis quelques destinations situées dans la partie occidentale du Royaume-Uni, le taux réduit de deux euros n’était appliqué qu’à des destinations nationales et, selon les autorités irlandaises, qu’à environ 10 à 15 % de l’ensemble des vols soumis à la taxe. Ce taux ne saurait, dès lors, être considéré comme le taux d’imposition normal, selon la Commission. Le taux le plus élevé de dix euros devait, partant, être considéré comme étant le taux normal du système de référence, alors que le taux réduit de deux euros, qui était applicable à une catégorie déterminée de vols, constituait une exception audit système de référence.

81      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante, qui visent à remettre en cause la détermination, par la Commission, du taux supérieur de dix euros comme taux de référence aux fins d’établir la sélectivité de la mesure.

82      La requérante fait valoir qu’un droit au remboursement des taxes acquittées au taux supérieur de dix euros découlerait des dispositions du traité en matière de libre prestation des services, et en particulier de l’article 56 TFUE, qui aurait été violé en l’espèce. Cette violation aurait été établie par la Commission elle-même dans la lettre de mise en demeure. Ce taux ne pourrait pas, dès lors, être utilisé comme taux de référence afin d’établir la sélectivité de la mesure.

83      Il convient de constater à cet égard, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère définitif ou non du constat effectué par la Commission dans la lettre de mise en demeure, que ce grief repose sur une prémisse erronée, selon laquelle le taux d’imposition supérieur de dix euros serait illégal en vertu de l’article 56 TFUE. En réalité, ainsi que le font valoir à juste titre l’Irlande et la Commission, cette dernière a uniquement constaté dans la lettre de mise en demeure, et ensuite au considérant 66 de la décision attaquée, que les « taux différenciés » de la TTA constituaient une restriction à la libre prestation des services, dès lors que cette différenciation imposait des conditions plus onéreuses à l’exploitation de services aériens intra-Union qu’à celle de services domestiques, et non que le taux plus élevé en tant que tel constituait une telle restriction.

84      À cet égard, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 février 2003, Stylianakis (C‑92/01, Rec, EU:C:2003:72), dont se prévaut la requérante, qui concernait une situation similaire où des taxes frappaient plus lourdement les vols internationaux que les vols internes, ne permet pas de soutenir la conclusion selon laquelle le taux supérieur de dix euros serait illégal. En effet, dans cet arrêt, la Cour a constaté qu’une « différenciation » dans le montant des taxes supportées par les passagers était automatiquement répercutée sur le coût du transport et privilégiait l’accès aux vols intérieurs par rapport à l’accès aux autres vols (arrêt Stylianakis, précité, EU:C:2003:72, point 28), sans préciser toutefois que le taux supérieur était, de ce fait, illégal et qu’il devait faire l’objet d’un remboursement devant les juridictions nationales.

85      Du reste, il existe plusieurs manières de remédier à une discrimination fiscale telle que celle qui a été constatée en l’espèce ou dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Stylianakis, point 84 supra (EU:C:2003:72). L’État membre concerné peut décider de mettre fin à cette discrimination soit en rehaussant le taux inférieur au niveau du taux supérieur, soit, à l’inverse, en abaissant le taux supérieur au niveau du taux inférieur, soit encore en instaurant un nouveau taux unique, ce qu’a d’ailleurs fait l’Irlande en l’espèce, puisqu’elle a instauré un taux de trois euros par passager à partir du 1er mars 2011. Il est donc erroné de prétendre, comme le fait la requérante, que le taux supérieur serait illégal, en tant que tel, dès lors que c’est son application conjointe avec un taux inférieur qui crée une restriction à la libre prestation des services.

86      En outre, il convient de constater, comme le fait valoir l’Irlande à juste titre, qu’un tel droit au remboursement, à supposer qu’il soit établi, n’est pas automatique et dépend d’une série de facteurs tels que les délais de prescription applicables en droit national pour introduire une telle demande et le respect de principes généraux comme l’absence d’enrichissement sans cause.

87      En effet, en vertu de la jurisprudence de la Cour, si une taxe perçue en violation du droit de l’Union doit normalement être remboursée lorsqu’une demande à cet effet est présentée devant les juridictions nationales, tel ne saurait être le cas lorsqu’il est établi par les autorités nationales que la totalité de la charge de la taxe a été supportée par une personne autre que l’assujetti et que le remboursement entraînerait, pour ce dernier, un enrichissement sans cause (voir arrêt du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a., C‑147/01, Rec, EU:C:2003:533, point 94 et jurisprudence citée). Or, une telle possibilité ne saurait être écartée d’office en l’espèce, dans la mesure où la TTA était destinée à être répercutée sur les passagers et où cette possibilité a été expressément reconnue par la Commission dans la décision attaquée (voir point 126 ci-après).

88      Dans ces conditions, la Commission n’était pas tenue de prendre en compte les éventuelles procédures de remboursement devant les juridictions nationales afin de pouvoir qualifier la mesure d’aide d’État et, en particulier, afin de considérer que le taux d’imposition supérieur de dix euros était le taux d’imposition normal du système de référence. En effet, dès lors que ce taux a effectivement été appliqué en l’espèce pendant la période concernée, la Commission n’était pas tenue de fonder son analyse sur de telles demandes en remboursement hypothétiques qui, en outre, n’auraient aucune certitude d’aboutir, que ce soit en vertu du droit de l’Union ou du droit national.

89      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle constante en ce que, dans la présente affaire, contrairement aux affaires typiques d’aides d’État impliquant des régimes fiscaux, il n’y avait pas de régime fiscal général préexistant et des taux introduits ultérieurement pour favoriser ou discriminer une catégorie spécifique de contribuables, il suffit de rappeler, à l’instar de la Commission, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’établit pas de distinction entre les interventions étatiques en fonction de techniques utilisées par les autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, Rec, EU:C:2011:732, point 87 et jurisprudence citée). Peu importe, dès lors, que le taux inférieur de deux euros ait été introduit par la même règlementation que le taux de dix euros, puisque la Commission a suffisamment établi les raisons pour lesquelles elle a estimé que le taux de deux euros constituait une dérogation par rapport au taux supérieur de dix euros, qui constituait le taux « normal » du système de référence en l’espèce, sans que celles-ci aient été mises en cause par la requérante.

90      Il y a lieu de constater, dès lors, au regard de l’ensemble de ces considérations et au vu des éléments mentionnés par la Commission aux considérants 44 et 45 de la décision attaquée tels que rappelés au point 80 ci-dessus, que la Commission n’a commis aucune erreur de droit en qualifiant le taux supérieur de dix euros de taux de référence aux fins d’établir l’existence d’un avantage sélectif dans la décision attaquée et en concluant que l’application de taux différenciés en l’espèce était constitutive d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en faveur des compagnies aériennes dont les vols étaient soumis au taux inférieur de deux euros pendant la période concernée.

91      Partant, le premier moyen de la requérante doit être rejeté.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission relatives, d’une part, à l’évaluation de l’avantage accordé au titre de la TTA et, d’autre part, à la décision de récupération

92      Par le deuxième moyen, la requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte de l’impact proportionné de la TTA sur les différentes entreprises concurrentes dans l’évaluation de l’avantage conféré par la TTA. Ainsi, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que le pourcentage de passagers transportés par Aer Arann depuis l’Irlande vers des destinations situées à moins de 300 km de l’aéroport de Dublin était approximativement de 50 % en 2008, comparé à environ 2 % pour elle.

93      De même, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du type de vol (court, moyen ou long-courrier) visé par la taxe au taux supérieur de dix euros ainsi que du prix total payé par les passagers. En effet, Aer Lingus effectuerait principalement des vols en classe affaire et des vols long-courriers, tandis qu’elle propose des tarifs très bas sur des vols court ou moyen-courriers. Dès lors, le taux de dix euros aurait eu un impact plus important sur elle que sur ses concurrents en raison de son modèle économique d’opérateur à bas coûts.

94      Enfin, la requérante fait valoir que, étant donné que les transporteurs aériens non irlandais n’effectuent pas de vols intérieurs, il n’y aurait pas de concurrence entre ceux-ci et la requérante sur ce segment de marché, de sorte que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant un avantage concurrentiel au considérant 54 de la décision attaquée.

95      Par conséquent, au vu de ces différences entre les opérateurs et de l’incidence économique différenciée de la mesure, la requérante fait valoir qu’elle ne peut avoir bénéficié d’aucun avantage et donc d’aucune aide d’État au titre de la TTA.

96      Aer Lingus ne soutient pas les conclusions de la requérante en ce qui concerne ce deuxième moyen et estime que l’importance relative de l’avantage conféré aux différents bénéficiaires est sans incidence sur la question de l’existence d’une aide et pourrait, tout au plus, être pertinent afin de déterminer le montant de l’aide à récupérer.

97      À l’audience, la Commission a mis en cause le droit pour l’intervenante d’intervenir si ce n’est en soutien aux arguments de la requérante, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité à cet égard.

98      Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points 62 et 63 ci-dessus, il y a lieu de constater que l’intervenante soutient bien les conclusions de la requérante au litige, qui visent à obtenir l’annulation de la décision attaquée, et que ses arguments relatifs à la quantification de l’avantage ne sont pas totalement étrangers aux considérations qui fondent le litige tel que constitué par les parties principales.

99      Il convient, dès lors, d’examiner sur le fond l’ensemble des arguments soulevés par l’intervenante.

100    Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante avance, à titre subsidiaire, que, à supposer même que la Commission n’ait pas commis d’erreur en ce qui concerne la qualification de l’aide, l’ordre de récupération de la Commission est illégal, en vertu de l’article 14 du règlement n° 659/1999, dès lors qu’il viole plusieurs principes généraux du droit, tels que le principe de sécurité juridique, le principe de proportionnalité et le droit à une bonne administration.

101    En premier lieu, la requérante fait valoir que la décision de récupération méconnaîtrait la mesure dans laquelle l’avantage concerné a pu être répercuté sur les passagers. Elle soutient à cet égard que, contrairement à ses concurrents, elle n’aurait pas été en mesure de répercuter l’intégralité de la taxe de dix euros sur ses clients, car l’attractivité de ses bas tarifs en souffrirait de manière disproportionnée. La Commission aurait dû, dès lors, examiner la situation spécifique de chaque bénéficiaire et émettre des ordres de recouvrement différents pour chacun d’entre eux. Elle soutient, par ailleurs, que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant, au considérant 57 de la décision attaquée, qu’elle ne pouvait pas répercuter le coût de la taxe sur ses passagers.

102    En second lieu, la requérante allègue que la combinaison du droit à agir devant les tribunaux nationaux en remboursement de la TTA payée au titre d’une mesure illégale et de la récupération obligatoire de l’aide d’État entraînera des distorsions graves de la concurrence entre les compagnies aériennes prétendument bénéficiaires.

103    La Commission, soutenue par l’Irlande, conteste ces arguments.

104    Premièrement, s’agissant de la question de l’impact prétendument disproportionné de la TTA en raison de l’application de taux fixes plutôt que d’une taxe calculée en fonction du prix du billet, la Commission a rappelé, à juste titre, que cet élément de la plainte initiale de la requérante a été rejeté et que l’application de taux fixes a été considérée comme ne constituant pas une aide dans la décision du 13 juillet 2011 de ne pas soulever d’objections contre certaines mesures dans le cadre de la TTA.

105    La requérante ne saurait dès lors remettre en cause cet élément de la TTA dans le cadre de son recours contre la décision attaquée, qui concerne uniquement l’aide d’État découlant de l’application de taux différenciés.

106    Cet argument doit, dès lors, être rejeté.

107    Deuxièmement, s’agissant du caractère prétendument plus avantageux de la TTA pour les concurrents de la requérante, il suffit de rappeler, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 65 ci-dessus, que la seule question pertinente est celle de savoir si la requérante a effectivement bénéficié d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du fait de l’application du taux réduit de deux euros à certains de ses vols pendant la période concernée.

108    Or, comme il a été constaté au point 73 ci-dessus, il n’est pas contesté que deux taux d’imposition différents ont été effectivement appliqués en l’espèce aux vols des compagnies aériennes en Irlande pendant la période concernée, de sorte que celles qui ont dû s’acquitter du taux d’imposition inférieur de deux euros par passager ont bénéficié d’un avantage par rapport aux autres compagnies qui ont dû s’acquitter d’un montant de dix euros par passager pendant la même période.

109    En réponse aux mêmes arguments, la Commission a considéré, au considérant 56 de la décision attaquée, que, en ayant appliqué le taux réduit de deux euros à certains vols, la requérante a, comme toutes les autres compagnies aériennes effectuant des vols auxquels ce taux s’appliquait, bénéficié d’un avantage.

110    Or, la requérante ne saurait valablement invoquer le fait que certaines compagnies aériennes auraient pu davantage bénéficier du taux réduit de la TTA afin de démontrer qu’elle n’aurait, elle-même, obtenu aucun avantage. En effet, la requérante ne conteste pas qu’elle ait également pu bénéficier de ce taux réduit pour certains de ses vols, mais uniquement l’impact disproportionné de cette taxe sur son modèle d’entreprise par rapport à ses concurrents.

111    Comme le fait valoir l’intervenante, un tel argument est davantage pertinent aux fins de déterminer si c’est à bon droit que la Commission a quantifié l’aide à huit euros par passager pour toutes les compagnies aériennes, plutôt que de considérer que certaines compagnies aériennes dont les vols étaient soumis au taux inférieur de deux euros auraient obtenu un avantage proportionnellement plus élevé que d’autres au titre de la TTA et que celles qui en auraient moins bénéficié n’auraient, de ce fait, obtenu aucun avantage.

112    Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante visant précisément à contester la quantification de l’aide et la légalité de l’ordre de récupération, à titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation pour l’État de supprimer une aide considérée par la Commission comme étant incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure. Cet objectif est atteint lorsque les bénéficiaires ont restitué la somme versée au titre de l’aide illégale, perdant ainsi l’avantage dont ils avaient bénéficié sur le marché par rapport à leurs concurrents, et lorsque la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, Rec, EU:C:1999:311, points 64 et 65 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 février 2012, Budapesti Erőmű/Commission, T‑80/06 et T‑182/09, EU:T:2012:65, point 107).

113    Il convient de rappeler également qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, en effet, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C‑480/98, Rec, EU:C:2000:559, point 25, et du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, Rec, EU:C:2005:287, point 39). Par ailleurs, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation et doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec, EU:C:1997:241, point 21, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec, EU:C:2004:240, point 97).

114    Cependant, si la Commission décide d’ordonner la récupération d’un montant déterminé, elle doit, conformément à son obligation d’examen diligent et impartial d’un dossier dans le cadre de l’article 108 TFUE, déterminer, d’une façon aussi précise que les circonstances de l’affaire le permettent, la valeur de l’aide dont l’entreprise a bénéficié (voir arrêt du 29 mars 2007, Scott/Commission, T‑366/00, Rec, EU:T:2007:99, point 95 et jurisprudence citée).

115    En rétablissant la situation antérieure au versement de l’aide, d’une part, la Commission est tenue de s’assurer que l’avantage réel de l’aide est éliminé et ainsi d’ordonner la récupération de la totalité de l’aide. Elle ne saurait, par souci de clémence pour le bénéficiaire, ordonner la récupération d’une somme inférieure à la valeur de l’aide reçue par ce dernier. D’autre part, la Commission n’est pas habilitée, pour marquer sa désapprobation en ce qui concerne la gravité de l’illégalité, à ordonner la récupération d’un montant supérieur à la valeur de l’aide reçue par le bénéficiaire (arrêt Scott/Commission, point 114 supra, EU:T:2007:99, point 95).

116    La requérante conteste l’appréciation effectuée par la Commission au considérant 57 de la décision attaquée, où celle-ci indique qu’elle aurait prétendu ne pas pouvoir répercuter le coût de la taxe sur ses passagers. Elle indique avoir signalé à la Commission les difficultés et l’impact concurrentiel que représenterait la répercussion de la charge de dix euros pour une compagnie aérienne à bas coûts, mais conteste avoir soutenu qu’elle ne pourrait jamais rien répercuter de la TTA.

117    La Commission rappelle, à cet égard, comme elle l’a indiqué au considérant 57 de la décision attaquée, que chaque compagnie aérienne était libre de décider si le coût de la taxe devait être intégralement ou partiellement répercuté sur les passagers. Elle estime ensuite que, si une compagnie aérienne décide de ne pas intégralement répercuter le coût de la taxe, c’est qu’elle considère plus intéressant de maintenir des prix moins élevés afin d’obtenir un volume de ventes plus élevé que celui qui aurait été obtenu dans le cas contraire. Une telle décision relève de la liberté de choix de chaque bénéficiaire, mais ne saurait avoir un impact sur le montant des aides à récupérer.

118    Dès lors, la Commission a quantifié le montant de l’aide à récupérer, au considérant 70 de la décision attaquée notamment, comme étant « la différence entre le taux réduit de la [TTA] et le taux standard de dix euros (soit huit euros par passager) prélevé sur chaque passager ».

119    Ce faisant, la Commission a commis une erreur d’appréciation et une erreur de droit.

120    En effet, tout d’abord, il convient de constater que l’article 55 de la loi de finances qualifie la TTA de « droit d’accise » (excise duty), en tant que taxe devant être imposée, perçue et payée pour chaque départ d’un passager à bord d’un avion depuis un aéroport situé en Irlande, ce que l’Irlande a d’ailleurs confirmé lors de l’audience.

121    Or, un droit d’accise est, par définition, une taxe indirecte perçue sur la consommation d’un bien ou d’un service particulier, à la différence des impôts directs tels que les impôts sur le revenu ou sur les bénéfices, qui sont directement supportés par les entreprises.

122    En l’espèce il n’est pas contesté que les compagnies aériennes étaient tenues, en vertu de la loi de finances, d’appliquer la TTA au taux de deux euros pour tous les vols soumis à ce taux. Il est également constant entre les parties que, en vertu de l’article 23 du règlement n° 1008/2008, les compagnies aériennes étaient tenues d’indiquer le montant de la TTA séparément dans le prix de chaque billet vendu à leurs passagers. En ce sens, la TTA était formellement destinée à être répercutée sur le prix du billet de vol payé par le passager, comme l’indique le considérant 8 de la décision attaquée.

123    Comme l’a fait valoir l’intervenante, il y a lieu de distinguer, à cet égard, la notion de répercussion formelle ou légale, qui concerne la manière dont la taxe est légalement perçue et appliquée, de la notion de répercussion économique, qui consiste à déterminer dans quelle mesure les compagnies aériennes ont supporté le coût économique de la TTA, en adaptant éventuellement le prix du billet hors taxe en fonction du taux de la TTA effectivement applicable, ou, dans le cas de l’application de la TTA au taux réduit de deux euros, dans quelle mesure elles ont effectivement retenu l’avantage économique résultant de l’application de ce taux réduit.

124    La Commission a expliqué, au considérant 53 de la décision attaquée, que les compagnies qui se sont acquittées de la taxe au taux réduit de deux euros avaient un coût moins élevé à répercuter auprès de leurs clients ou à supporter elles-mêmes. Elle a assimilé ensuite ce coût réduit à des ressources économiques que les compagnies aériennes ont pu économiser et qui ont, de ce fait, amélioré leur situation économique par rapport aux autres compagnies aériennes.

125    Au considérant 57 de la décision attaquée, la Commission a répondu aux arguments des autorités irlandaises, selon lesquelles il n’y aurait aucun avantage en faveur des compagnies aériennes, dès lors que la taxe était essentiellement une taxe à la consommation destinée à être répercutée sur les passagers. La Commission a considéré, en se fondant sur l’arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 67 supra (EU:C:2001:598), que, même dans les cas où il y aurait une obligation légale de répercuter la taxe en question sur les consommateurs, une réduction par rapport au taux normal de taxation serait susceptible de conférer un avantage sélectif aux compagnies aériennes qui doivent s’acquitter de cette taxe au taux réduit.

126    La Commission a reconnu, au même considérant 57 de la décision attaquée, que, dans le cas d’espèce, la charge économique de la taxe (the cost of the tax) pouvait être répercutée sur les passagers, bien qu’il n’existe aucun mécanisme permettant d’assurer que tel était effectivement le cas, et qu’il s’agissait d’un choix laissé à l’appréciation de chaque compagnie aérienne.

127    Or, dans une situation similaire, la Cour a elle-même considéré que, les taxes aéroportuaires affectant directement et de manière mécanique le prix du trajet, une différenciation dans le montant des taxes supportées par les passagers est automatiquement répercutée sur le coût du transport (arrêt Stylianakis, point 84 supra, EU:C:2003:72, point 28).

128    La Commission estime néanmoins que, même dans les cas où la TTA a été répercutée, les compagnies ont également bénéficié d’un avantage, dès lors qu’elles pouvaient offrir des prix plus attractifs à leurs clients, ce qui se serait traduit par un chiffre d’affaires plus élevé.

129    Or, il convient de constater que, dans une situation comme en l’espèce où la TTA était censée être répercutée sur les passagers et où l’avantage économique découlant de l’application du taux réduit a également pu être répercuté sur les passagers, la Commission ne saurait présumer que l’avantage effectivement obtenu et conservé par les compagnies aériennes s’élevait, dans tous les cas, à huit euros par passager.

130    En effet, dans un tel cas, l’avantage effectivement obtenu par les compagnies aériennes ne consiste pas nécessairement dans la différence entre les deux taux, mais plutôt dans la possibilité d’offrir des prix plus attractifs à leurs clients et donc d’augmenter, de ce fait, leur chiffre d’affaires, comme la Commission l’a elle-même reconnu au considérant 57 de la décision attaquée.

131    Partant, pour les compagnies aériennes telles que la requérante qui se sont acquittées de la TTA au taux inférieur de deux euros, la Commission aurait dû déterminer dans quelle mesure celles-ci avaient effectivement répercuté auprès de leurs passagers le bénéfice économique résultant de l’application de la TTA au taux réduit, afin de pouvoir quantifier avec précision l’avantage dont elles ont réellement bénéficié, à moins qu’elle ne décidât de confier cette tâche aux autorités nationales en fournissant les indications nécessaires à cet égard.

132    Ainsi, ce ne serait que dans l’hypothèse où la requérante aurait systématiquement augmenté le prix de ses billets hors taxe de huit euros par billet, pour les vols soumis à la TTA au taux de deux euros, qu’il eût été possible de considérer que l’avantage économique résultant de l’application des taux différenciés s’élevait à huit euros par passager pour la requérante, dès lors que cet avantage n’a pas pu être, ne fût-ce que partiellement, répercuté sur les passagers.

133    Il convient de constater cependant que la Commission n’a, à aucun endroit dans la décision attaquée, ni dans le cadre du présent contentieux, expliqué en quoi une telle hypothèse serait la situation normale, plutôt que l’hypothèse dans laquelle les compagnies aériennes répercutent l’avantage auprès de leurs passagers, conformément à l’objectif affiché de la TTA, alors même qu’elle reconnaît, par ailleurs, qu’une telle répercussion était possible (voir point 126 ci-dessus).

134    En outre, la Commission n’a pas suffisamment tenu compte de la situation particulière du marché en l’espèce et de ses contraintes concurrentielles, dans la mesure où toutes les compagnies aériennes effectuant des vols de moins de 300 km (calculés depuis l’aéroport de Dublin) à partir d’un aéroport situé en Irlande étaient soumises à la TTA au taux de deux euros par passager. Ainsi, la Commission n’a pas établi en quoi, dans de telles circonstances, les compagnies aériennes dont les vols étaient soumis à la TTA au taux réduit de deux euros par passager ont bénéficié d’un avantage correspondant à la différence entre les deux taux de la TTA, c’est-à-dire de huit euros par passager.

135    Or, il convient de rappeler que le recouvrement d’une aide doit être limité aux avantages financiers découlant effectivement de la mise à disposition de l’aide au bénéficiaire et être proportionnel à ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Salzgitter/Commission, T‑308/00 RENV, Rec, EU:T:2013:30, point 138).

136    Dès lors, si l’avantage résultant de l’application d’un taux réduit pouvait consister dans l’amélioration de la position concurrentielle des compagnies aériennes, du fait d’avoir pu offrir des prix plus compétitifs, la Commission aurait dû se limiter à ordonner la récupération des montants correspondant effectivement à cet avantage ou, s’il s’avérait impossible de déterminer ces montants avec exactitude dans la décision, à confier cette tâche aux autorités nationales, en fournissant les indications nécessaires à cet effet, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 113 ci-dessus.

137    Selon la Commission, si la thèse de la requérante devait être suivie, cela conduirait à obliger la Commission ou les autorités nationales à évaluer, dans chaque cas concret, les effets de l’aide sur les bénéficiaires en fonction des choix subjectifs effectués par ceux-ci, ce qui irait à l’encontre de la jurisprudence mentionnée au point 65 ci-dessus et de l’arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano (C‑148/04, Rec, EU:C:2005:774).

138    Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Cour a rappelé, en effet, que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Cette récupération en vue du rétablissement de la situation antérieure ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d’aides d’État. Par la restitution, le bénéficiaire perd l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure à l’octroi de l’aide est rétablie (voir arrêt Unicredito Italiano, point 137 supra, EU:C:2005:774, point 113 et jurisprudence citée).

139    La Cour a considéré, dès lors, que les montants à restituer ne sauraient être déterminés en considération d’opérations différentes qui auraient pu être mises en œuvre par les entreprises si elles n’avaient pas opté pour la forme d’opération assortie de l’aide. En effet, ce choix a été effectué en connaissance du risque de récupération d’aides accordées sans respect de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Lesdites entreprises auraient pu éviter ce risque en optant immédiatement pour des opérations structurées différemment. De surcroît, le rétablissement de la situation antérieure signifie le retour, autant que possible, à la situation qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans octroi de la réduction d’impôt (voir, en ce sens, arrêt Unicredito Italiano, point 137 supra, EU:C:2005:774, points 114 à 117).

140    Selon la Cour, ce rétablissement n’implique pas une reconstitution différente du passé en fonction d’éléments hypothétiques tels que les choix, souvent multiples, qui auraient pu être faits par les opérateurs intéressés, d’autant que les choix effectivement opérés avec le bénéfice de l’aide peuvent s’avérer irréversibles. Le rétablissement de la situation antérieure permet uniquement la prise en compte, au stade de la récupération de l’aide par les autorités nationales, du traitement fiscal le cas échéant plus favorable que celui de droit commun qui, en l’absence de l’aide illégale et en vertu de règles internes compatibles avec le droit de l’Union, aurait été accordé au titre de l’opération effectivement réalisée (arrêt Unicredito Italiano, point 137 supra, EU:C:2005:774, points 118 à 119).

141    Il convient de relever toutefois que, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Unicredito Italiano, point 137 supra (EU:C:2005:774), invoqué par la Commission, les entreprises bénéficiaires, en l’espèce, n’auraient pas pu opter pour une opération différente que celle qui était assortie d’une aide. En effet, elles étaient tenues, en vertu de la législation nationale applicable pendant la période concernée, d’appliquer la TTA au taux de deux euros par passager pour tous les vols de moins de 300 km, calculés à partir de l’aéroport de Dublin, au départ d’un aéroport situé en Irlande. Pour les mêmes raisons, il leur était légalement impossible de percevoir la TTA au taux de dix euros auprès des passagers pour ces vols.

142    Il leur était, certes, possible d’augmenter le prix du billet hors taxe afin d’absorber l’avantage résultant de l’application de la TTA au taux réduit de deux euros. Toutefois, la Commission ne pouvait pas déterminer l’avantage effectivement obtenu par les compagnies aériennes sans tenir compte des circonstances de l’espèce. Or, eu égard au fonctionnement de la TTA et aux contraintes concurrentielles auxquelles les compagnies aériennes étaient exposées pour les vols auxquels la TTA au taux de deux euros était applicable (voir point 134 ci-dessus), la Commission ne pouvait pas présumer que l’avantage économique résultant de l’application du taux réduit de la TTA n’avait aucunement été répercuté sur les passagers.

143    Dès lors, la nécessité, découlant de la jurisprudence mentionnée au point 114 ci-dessus, de quantifier de manière aussi précise que les circonstances le permettent l’avantage dont ont effectivement bénéficié les compagnies aériennes en l’espèce, du fait de l’application du taux réduit de la TTA, n’équivaut pas à reconstituer le passé en fonction d’éléments hypothétiques tels que les choix, souvent multiples, qui auraient pu être faits par les opérateurs intéressés, comme le fait valoir la Commission, mais vise au contraire à assurer que le bénéficiaire perde l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, ni plus ni moins, et à rétablir la situation antérieure à l’octroi de l’aide.

144    En outre, l’aide dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Unicredito Italiano, point 137 supra (EU:C:2005:774), consistait en un avantage fiscal sous la forme d’une réduction à 12,5 % du taux d’impôt sur le revenu pour les banques qui entreprenaient une fusion ou une restructuration semblable, pendant cinq périodes d’imposition consécutives, à certaines conditions. Il n’est pas contesté que l’impôt sur le revenu constitue une charge qui est effectivement et exclusivement supportée par les entreprises qui y sont assujetties, contrairement à la TTA en l’espèce qui, en tant que droit d’accise, était uniquement perçue et collectée par les compagnies aériennes, mais qui était, in fine, effectivement payée et, au moins partiellement sinon totalement, supportée par les passagers.

145    Enfin, la Commission n’a pas établi à suffisance de droit, dans sa décision, que la récupération de huit euros par passager était nécessaire afin d’assurer le rétablissement de la situation antérieure, c’est-à-dire le retour, autant que possible, à la situation qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans octroi de la réduction d’impôt ou, en d’autres termes, si les vols assujettis au taux de deux euros par passager avaient été soumis à une taxe de dix euros par passager.

146    En effet, la récupération d’un montant de huit euros par passager auprès des compagnies aériennes ne permettrait pas d’assurer le rétablissement d’une situation qui aurait prévalu si les opérations en cause avaient été réalisées sans l’octroi de l’aide en cause, puisqu’il n’est pas possible, pour les compagnies aériennes, de récupérer rétroactivement auprès de leurs clients les huit euros par passager qui auraient dû être perçus. La récupération d’un montant de huit euros par passager auprès des compagnies n’est pas nécessaire, dès lors, afin d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, Rec, EU:C:2011:814, point 34 et jurisprudence citée). Au contraire, la récupération d’un tel montant risquerait de générer des distorsions de concurrence supplémentaires, comme le fait valoir à juste titre la requérante, puisqu’elle pourrait conduire à récupérer plus auprès des compagnies aériennes que l’avantage dont elles ont réellement bénéficié.

147    La Commission aurait dû, dès lors, tenir compte des particularités de la TTA en tant que droit d’accise destiné à être répercuté auprès des passagers par les compagnies aériennes pour tous les vols soumis au taux de deux euros pendant la période concernée. Dans la mesure où l’avantage économique résultant de l’application de ce taux réduit a pu être, même partiellement, répercuté sur les passagers, la Commission n’était pas en droit de considérer que l’avantage dont ont bénéficié les compagnies aériennes s’élevait automatiquement, dans tous les cas, à huit euros par passager.

148    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que la requérante avait elle-même initialement quantifié l’aide d’État dans sa plainte adressée à la Commission comme s’élevant à huit euros par passager, comme l’a rappelé la Commission.

149    En effet, la Commission a l’obligation, le cas échéant, d’instruire une plainte en allant au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant et est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte, ce qui peut rendre nécessaire qu’elle procède à l’examen des éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant ou qu’elle se distancie de ces éléments (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 25 supra, EU:C:1998:154, point 62).

150    Partant, il convient de faire droit aux deuxième et troisième moyens de la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde branche du troisième moyen et les arguments supplémentaires soulevés par l’intervenante, et d’annuler la décision attaquée dans la mesure où l’aide à récupérer auprès des compagnies aériennes y est évaluée à huit euros par passager.

151    À cet égard, il convient de noter que l’article 4 de la décision attaquée prévoit la récupération des aides auprès des bénéficiaires, qui sont identifiés au considérant 70 de ladite décision, pour un montant de huit euros par passager, qui est fixé également au même considérant.

152    Or, selon une jurisprudence constante, les motifs d’une décision en matière d’aides d’Etat doivent être pris en considération pour l’interprétation de son dispositif (voir arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission, C‑271/13 P, EU:C:2014:175, point 69 et jurisprudence citée).

153    Il y a lieu, dès lors, d’annuler l’article 4 du dispositif de la décision attaquée, lu à la lumière du considérant 70 de ladite décision, dans la mesure où celui-ci ordonne la récupération de l’aide, évaluée à huit euros par passager, auprès des compagnies aériennes qui ont effectué des vols assujettis à la TTA au taux inférieur de deux euros pendant la période concernée, et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

155    La décision attaquée devant être partiellement annulée, il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la requérante. La requérante supportera la moitié de ses propres dépens.

156    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Il y a lieu, dès lors, de déclarer que l’Irlande supportera ses propres dépens.

157    Aux termes du même article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées au point 156 ci-dessus supportera ses propres dépens. Il y a lieu, dès lors, de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 4 de la décision 2013/199/UE de la Commission, du 25 juillet 2012, concernant l’aide d’État SA.29064 (11/C, ex 11/NN) – Taux d’imposition différenciés appliqués par l’Irlande au transport aérien, est annulé, dans la mesure où il ordonne la récupération de l’aide auprès des bénéficiaires, pour un montant qui est fixé à huit euros par passager au considérant 70 de ladite décision.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par Ryanair Ltd.

4)      Ryanair supportera la moitié de ses propres dépens.

5)      Aer Lingus Ltd et l’Irlande supporteront leurs propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2015.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée

Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de communication de la décision de récupération de la Commission, conformément à l’article 6 du règlement n° 659/1999 et à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux

Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en constatant que le taux de dix euros de la TTA était le taux « normal » ou le taux légitime standard

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission relatives, d’une part, à l’évaluation de l’avantage accordé au titre de la TTA et, d’autre part, à la décision de récupération

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.