Language of document : ECLI:EU:T:2011:446

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 septembre 2011 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un moteur à combustion interne avec ventilateur sur le dessus – Dessin ou modèle national antérieur – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Caractéristiques visibles de la pièce d’un produit complexe – Absence d’impression globale différente – Utilisateur averti – Degré de liberté du créateur – Articles 4 et 6 ainsi qu’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 »

Dans l’affaire T-10/08,

Kwang Yang Motor Co., Ltd, établie à Kaohsiung (Taïwan), représentée par Mes P. Rath, W. Festl-Wietek et M. Wetzel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Honda Giken Kogyo Kabushiki Kaisha, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes T. Musmann, H. Timmann, M. Büttner et S. von Petersdorff-Campen, avocats,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 8 octobre 2007 de la troisième chambre de recours de l’OHMI (affaire R 1337/2006-3), relative à une procédure de nullité d’un dessin ou modèle communautaire entre Honda Giken Kogyo Kabushiki Kaisha et Kwang Yang Motor Co., Ltd,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2008,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 mai 2008,

à la suite de l’audience du 2 février 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 avril 2004, la requérante, Kwang Yang Motor Co., Ltd, a demandé l’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé est représenté comme suit :

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3        Le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué au « moteur à combustion interne », relevant de la classe 15.01 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié.

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré le 2 avril 2004 en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 163290-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 54/2005, du 29 juin 2004.

5        Le 17 mai 2005, l’intervenante, Honda Giken Kogyo Kabushiki Kaisha a introduit auprès de l’OHMI, en vertu de l’article 52 du règlement n° 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté. Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, le dessin ou modèle concerné ne correspondant pas aux conditions de protection des articles 4 à 6 dudit règlement pour défaut de nouveauté et absence de caractère individuel. Elle a notamment fait valoir que le dessin ou modèle contesté était identique à celui protégé par le dessin ou modèle enregistré aux États-Unis sous la référence D367070, (ci-après le « dessin ou modèle antérieur »), qui est représenté comme suit :

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6        Par décision du 17 août 2006, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité, au motif que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, les caractéristiques d’un produit complexe qui ne restaient pas visibles lors de l’utilisation normale de ce produit ne devaient pas être prises en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la nouveauté et le caractère individuel du produit en cause. Elle a ainsi considéré que seules les caractéristiques du moteur qui restaient visibles une fois ce dernier installé sur l’appareil devaient être prises en considération, ce qui était spécialement le cas pour l’aspect de la partie supérieure du moteur. Selon elle, il n’existait pas d’identité entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur. Elle a estimé que les caractéristiques visibles présentaient plusieurs différences, qui rendaient le dessin ou modèle contesté nouveau. Le dessin ou modèle contesté ne serait pas non plus dépourvu de caractère individuel, dans la mesure où l’aspect de la partie supérieure du moteur produirait une impression différente sur l’utilisateur averti, en raison des différences quant à la forme et à la position de certaines pièces.

7        Le 16 octobre 2006, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 8 octobre 2007 (ci-après « la décision attaquée »), la troisième chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation et a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté au motif qu’il était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002, puisqu’il produisait sur l’utilisateur averti une impression globale qui ne différait pas de celle produite par le dessin ou modèle antérieur (voir point 13 de la décision attaquée). Elle a considéré qu’un moteur à combustion interne constituait une pièce d’un produit complexe, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 (voir point 15 de la décision attaquée). En outre, elle a estimé qu’il n’était pas contesté que l’un de ces produits complexes était une tondeuse à gazon (voir point 15 de la décision attaquée). Selon elle, lorsque le moteur était installé sur une tondeuse à gazon, les pièces du moteur restant visibles lors de l’utilisation normale du produit complexe étaient principalement la partie supérieure, puis la partie avant et les parties latérales alors que la partie arrière était moins visible et que la partie inférieure n’était pas visible (voir point 18 de la décision attaquée). Quant au caractère individuel du dessin ou modèle contesté, elle a considéré qu’il devait être apprécié au regard de l’impression globale produite principalement par la partie supérieure du moteur sur l’utilisateur averti d’une tondeuse à gazon. Elle a défini ce dernier comme étant une personne souhaitant utiliser une tondeuse à gazon et s’étant informée à cet égard (voir point 19 de la décision attaquée).

9        La chambre de recours a également considéré que, concernant la comparaison de l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté et de celle produite par le dessin ou modèle antérieur, l’impression globale produite sur l’utilisateur avisé d’une tondeuse à gazon est déterminée par l’aspect général de la partie supérieure du moteur et, ainsi, de la disposition des divers composants du moteur, de leur forme et de leurs dimensions les uns par rapport aux autres, et non par les multiples détails mécaniques. Elle a relevé que les dessins ou modèles en conflit présentaient une disposition identique de leurs composants ainsi que des formes très similaires. Elle a notamment indiqué que, bien qu’il existât une différence quant à l’emplacement du mécanisme du démarreur, cette différence n’altérait pas l’impression globale produite par le moteur sur l’utilisateur averti (voir points 14 à 35 de la décision attaquée). Enfin, la chambre de recours a constaté un degré élevé de liberté du concepteur de moteurs à combustion interne (voir point 36 de la décision attaquée) et considéré que cela renforçait la conclusion selon laquelle le dessin ou modèle contesté produisait sur l’utilisateur averti la même impression globale que le dessin ou modèle antérieur (voir point 37 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      La requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 lu en combinaison avec l’article 6 du même règlement.

13      Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait valoir que les différences entre les dessins ou modèles en conflit sont telles que les impressions globales produites sur l’utilisateur averti sont différentes et que le dessin ou modèle contesté n’est pas dépourvu de caractère individuel. À cet égard, elle conteste l’appréciation de la chambre de recours concernant les parties visibles du moteur lors de son utilisation. Par ailleurs, elle fait valoir que la liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté est limitée.

14      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

15      L’intervenante excipe de l’irrecevabilité de certains documents déposés par la requérante avec la requête, en ce qu’ils ont été produits pour la première fois devant le Tribunal.

 Généralités

16      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle communautaire est conditionnée par la nouveauté et par le caractère individuel dudit dessin ou modèle. En outre, selon l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle qui constitue une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale et où les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel.

17      Par ailleurs, selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, le caractère individuel doit s’apprécier, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti, qui doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 précise que, pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

18      Ainsi, afin d’apprécier le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, il y a lieu d’examiner si l’impression globale que ledit dessin ou modèle produit sur l’utilisateur averti diffère de celle produite par les dessins ou modèles antérieurs existant avant le 2 avril 2004, notamment le dessin ou modèle antérieur invoqué par l’intervenante à l’appui de la demande en nullité, en tenant compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du modèle.

19      Pour un dessin ou modèle constituant une pièce d’un produit complexe, comme en l’espèce, il faut déterminer les parties qui restent visibles lors d’une utilisation normale du produit complexe et si les caractéristiques visibles de cette pièce produisent sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par un autre dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant le 2 avril 2004.

 Sur la qualification du dessin ou modèle contesté de pièce d’un produit complexe

 Dessin ou modèle contesté en tant que pièce d’un produit complexe

20      Il y a lieu de relever que la requérante a admis que le dessin ou modèle contesté constituait un moteur à combustion interne qui pouvait être incorporé dans une tondeuse à gazon. Partant, il convient de considérer que le dessin ou modèle contesté constitue une pièce de ce produit complexe. En outre, il est constant que les moteurs à combustion interne sont généralement utilisés pour des tondeuses à gazon. L’incorporation du dessin ou modèle contesté dans une tondeuse à gazon peut donc servir de base pour déterminer, d’une part, si le dessin ou modèle contesté reste visible lors de l’utilisation normale du produit complexe, notamment d’une tondeuse à gazon, par l’utilisateur final et, d’autre part, si l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par les caractéristiques visibles diffère de celle produite par un autre dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant le 2 avril 2004.

 Sur les parties visibles de la pièce lors de son utilisation normale

21      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les parties du dessin ou modèle contesté restant visibles lors de l’utilisation normale du produit complexe, une fois le moteur monté sur une tondeuse à gazon, sont principalement la partie supérieure du moteur, puis la partie avant et enfin les parties latérales, alors que la partie arrière est moins visible et la partie inférieure n’est pas visible du tout (voir point 18 de la décision attaquée). Elle estime que la partie arrière et la partie inférieure du moteur ne doivent pas être négligées.

22      À cet égard, il y a lieu de considérer que l’appréciation de la chambre de recours n’est entachée d’aucune erreur. En effet, lors de l’utilisation normale d’une tondeuse à gazon, celle-ci est placée sur le sol et l’utilisateur se place debout derrière la tondeuse à gazon. Ainsi, l’utilisateur, debout derrière la tondeuse à gazon, voit le moteur d’en haut et voit donc principalement la partie supérieure du moteur. Il en résulte que la partie supérieure du moteur est déterminante pour l’impression globale produite par le moteur.

 Sur le caractère individuel

 Sur l’utilisateur averti

23      Selon la jurisprudence, la notion d’« utilisateur averti » au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002 ne vise ni un fabricant ni un vendeur des produits dans lesquels les dessins ou modèles en cause sont destinés à être incorporés ou auxquels ils sont destinés à être appliqués. L’utilisateur averti est une personne dotée d’une vigilance particulière et dispose d’une certaine connaissance de l’état de l’art antérieur, c’est-à-dire du patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle litigieux [arrêt du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, non encore publié au Recueil, point 62].

24      Par ailleurs, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce produit est destiné [arrêt du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, non encore publié au Recueil, point 46].

25      Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (arrêt Équipement de communication, point 24 supra, point 47).

26      Toutefois, cette circonstance n’implique pas que l’utilisateur averti soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires (arrêt Équipement de communication, point 24 supra, point 48).

27      Il s’agit donc d’une personne ayant une certaine connaissance des dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, sans pour autant savoir quels aspects de ce produit sont dictés par une fonction technique.

28      En l’espèce, la chambre de recours a défini l’utilisateur averti de la tondeuse à gazon comme étant une personne souhaitant utiliser une telle tondeuse, ayant, par exemple, besoin d’en acheter une et s’étant renseigné sur le sujet.

29      La requérante n’a pas contesté cette appréciation en tant que telle. Elle a toutefois avancé, dans un autre contexte, que le moteur à combustion interne qui constitue le dessin ou modèle contesté est vendu à des fabricants d’engins, par exemple de tondeuses à gazon, de compresseurs d’air, de générateurs électriques, de pompes et autres, dans lesquels des moteurs à combustion interne sont intégrés, et non au consommateur final.

30      À cet égard, il y a lieu de relever que la définition de l’utilisateur averti retenue par la chambre de recours dans la décision attaquée est correcte. En effet, comme indiqué au point 20 ci-dessus, il y a lieu de prendre en compte, en l’espèce, l’utilisation normale d’une tondeuse à gazon. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que l’utilisateur averti était une personne souhaitant utiliser une telle tondeuse, ayant, par exemple, besoin d’en acheter une et s’étant renseigné sur le sujet.

 Sur le degré de liberté du créateur

31      Dans le cadre de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle et de ses caractéristiques visibles et donc de l’impression globale sur l’utilisateur averti dudit dessin ou modèle, il faut tenir compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du modèle litigieux (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 23 supra, point 72).

32      Comme il a été reconnu par la jurisprudence, le degré de liberté du créateur du dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné (arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 23 supra, point 67).

33      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti.

34      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les concepteurs de moteurs à combustion interne disposaient d’un degré élevé de liberté lors de la conception desdits moteurs à combustion interne. Elle a estimé qu’aucune contrainte n’était imposée quant à la forme de la partie supérieure de ces moteurs à combustion interne et que les composants des moteurs en cause pouvaient être positionnés à différents endroits sans altérer ni la fonctionnalité ni les considérations esthétiques.

35      Cette appréciation est contestée par la requérante, qui fait valoir que les exigences techniques et fonctionnelles concernant les moteurs à combustion interne limitent considérablement la liberté des concepteurs dans l’élaboration de dessins ou modèles relatifs à de tels moteurs.

36      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans le cas d’espèce, alors que certains composants de moteurs à combustion interne, par exemple le réservoir et le ventilateur, sont essentiels et doivent exister dans tout moteur à combustion interne, leur forme, leur configuration et leur emplacement ne sont pas dictés par des contraintes techniques et fonctionnelles. Partant, l’aspect général du moteur à combustion interne, spécialement l’aspect de la partie supérieure dudit moteur, n’est pas déterminé par des contraintes techniques et le concepteur dudit moteur à combustion interne a une liberté dans le choix de la forme des composants de ce moteur à combustion interne et de leur position.

37      En effet, ainsi qu’il ressort des représentations de moteurs fournies par l’intervenante durant la procédure devant l’OHMI et devant le Tribunal, il existe des dessins ou modèles de moteurs à combustion interne aux formes et aux configurations variables, qui diffèrent sensiblement de celles utilisées dans le dessin ou modèle contesté. Il existe une grande variété de formes et de combinaisons de composants dans le domaine des moteurs à combustion interne, comme le sait l’utilisateur averti d’un tel moteur, qui a une certaine connaissance du secteur industriel dont il relève. Ces documents montrent, par exemple, que le réservoir peut également être placé sur la partie latérale du moteur, et non sur le haut, et que le filtre à air peut aussi être situé sur la partie latérale ou inférieure du moteur. Il existe ainsi des différences entre les formes des composants d’un moteur à combustion interne et leur disposition, ce qui démontre la possibilité de variations et de différences dans la conception de moteurs à combustion interne. Il s’ensuit que l’emplacement desdits composants n’est pas dicté par des nécessités fonctionnelles. Dès lors, l’aspect général des caractéristiques visibles du moteur à combustion interne n’est pas déterminé par des contraintes techniques. Étant donné qu’il n’y a pas de nécessité technique particulière pour le positionnement et la forme des composants d’un moteur à combustion interne, le concepteur de tels moteurs à combustion interne n’est donc pas limité, à cet égard, dans sa liberté de créateur.

38      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a considéré que les concepteurs de moteurs à combustion interne jouissent d’un degré de liberté élevé dans l’élaboration de dessins ou modèles relatifs à ces moteurs à combustion interne, dont le dessin ou modèle contesté.

 Sur la comparaison des impressions globales produites par les caractéristiques visibles des moteurs à combustion interne et conclusion sur le caractère individuel du dessin ou modèle contesté

39      La chambre de recours a estimé que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté était la même que celle produite par le dessin ou modèle antérieur en raison des similitudes de forme, de position et de taille relative des divers composants du moteur à combustion interne.

40      La chambre de recours a considéré que l’impression globale produite sur l’utilisateur averti était principalement déterminée par l’aspect général de la partie supérieure du moteur, ainsi que par la position des divers composants du moteur à combustion interne, leur forme et leurs dimensions les uns par rapport aux autres, et non par les multiples détails mécaniques.

41      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours. Selon elle, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté est différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur. Elle allègue que doivent être prises en considération les différences même faibles dans l’appréciation du caractère individuel des dessins ou modèles en conflit. À cet égard, elle soumet une analyse détaillée desdits dessins ou modèles et en conclut que les caractéristiques de ces dessins ou modèles ne sont pas identiques et que, partant, les impressions globales que les dessins ou modèles en cause produisent sont différentes.

42      À cet égard, il y a lieu de considérer que l’appréciation de la chambre de recours n’est pas entachée d’une erreur. En effet, les aspects des parties supérieures des dessins ou modèles en conflit, qui sont les plus visibles lors de l’utilisation normale des produits complexes dans lesquels les moteurs à combustion interne sont incorporés, sont similaires, autant en ce qui concerne la forme générale des moteurs à combustion interne qu’en ce qui concerne leurs composants et la position de ceux-ci. La partie centrale du corps du moteur à combustion interne est essentiellement rectangulaire, légèrement allongée et arrondie dans chacun des dessins ou modèles en conflit. Par ailleurs, les sorties d’air sont situées au même endroit et ont une forme circulaire dans chacun des dessins ou modèles en conflit. En outre, les dessins ou modèles en conflit ont la même structure de base, avec cinq modules de base : le boîtier supérieur, le ventilateur, le réservoir à carburant, le boîtier de filtre à air et le boîtier du silencieux. Leurs composants principaux présentent des dispositions identiques. Les composants autres que le réservoir principal sont disposés de la même manière autour du réservoir. Sur les dessins ou modèles en conflit, les ventilateurs ont la même forme circulaire, des dimensions similaires ainsi que des ouvertures de formes similaires, ressortent de manière verticale du carter des moteurs à combustion interne et sont placés au même endroit, à savoir sur la partie supérieure desdits moteurs à combustion interne, à proximité de la partie arrière. Les dessins ou modèles en conflit se ressemblent aussi en ce qui concerne l’aspect de la partie avant, dont les composants et les éléments ont la même disposition et des proportions similaires. Les formes des parties latérales des moteurs à combustion interne sont également analogues. En effet, non seulement les proportions, les dispositions, les répartitions, les tailles et les formes des composants des moteurs à combustion interne sont quasi identiques, mais les emplacements des vis sont également quasi identiques.

43      La forme, les dimensions et la disposition des divers composants du moteur à combustion interne priment sur les différences dans les détails. Les dessins ou modèles en conflit produisent des impressions identiques en raison de la forme et de la disposition de leurs composants principaux et ont la même structure de base.

44      Les détails invoqués par la requérante ne sauraient avoir une incidence sur l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par les deux moteurs à combustion interne représentés par les dessins ou modèles en conflit. En effet, l’utilisateur averti s’orientera en fonction de ces structures de base simples et non selon des différences dans les détails, qui ne produisent pas sur lui des impressions globales différentes.

45      Il résulte de tout ce qui précède, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation du caractère individuel des dessins ou modèles en conflit, l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté ne différant pas de celle dégagée par les dessins ou modèles antérieurs, dont le dessin ou modèle antérieur enregistré aux États-Unis.

46      Il y a dès lors lieu de rejeter l’unique moyen avancé par la requérante ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité, contestée par l’intervenante, de certains documents soumis par la requérante devant le Tribunal.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kwang Yang Motor Co., Ltd est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.