Language of document : ECLI:EU:T:2011:462

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 septembre 2011(*)

« Recours en annulation – Programme spécifique de recherche et de développement technologique dans le domaine ‘Énergie, environnement et développement durable’ – Projet Protop – Convention de subvention – Demande de remboursement d’avances versées en exécution d’un contrat de financement de recherche – Sous-traitance – Lettre de rappel – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑224/09,

Centre d’étude et de valorisation des algues SA (CEVA), établi à Pleubian (France), représenté par MJ.‑ M. Peyrical, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Joris, en qualité d’agent, assisté de Me E. Bouttier, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009, par laquelle celle-ci invite le requérant à lui rembourser le montant des avances qu’elle lui a versées en exécution d’une convention de subvention conclue pour un projet à réaliser dans le cadre du programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration intitulé « Énergie, environnement et développement durable »,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM.  L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Aux fins de la réalisation du projet intitulé « Production of tensioactives from oleaginous plants chains and polysaccharides form ULVA sp. » (Protop), qui devait être exécuté dans le cadre du programme spécifique de recherche et de développement technologique intitulé « Énergie, environnement et développement durable », la Commission des Communautés européennes et quatre sociétés, dont le coordinateur du projet, ont signé le 21 janvier 2003 un contrat de recherche coopérative portant la référence EVK3 CT 2002 30004 (ci-après le « contrat CRAFT »).

2        L’article 1er, troisième alinéa, du contrat CRAFT énonce que, aux fins de la réalisation du projet, les contractants doivent conclure un sous-contrat avec des exécutants de recherche et développement technologique (ci-après les « exécutants de RDT ») et prendre toutes les mesures nécessaires pour en assurer sa compatibilité avec le contrat CRAFT.

3        L’article 3, paragraphe 1, du contrat CRAFT prévoit que le montant total des coûts éligibles du projet est estimé à 931 133 euros. Au paragraphe 2 de ladite disposition, il est indiqué que la Communauté européenne finance ces coûts jusqu’à un montant maximal de 465 566 euros. En vertu du paragraphe 3 de cette disposition, cette contribution financière est versée sur le compte bancaire du coordinateur selon les modalités établies à l’article 3 de l’annexe II du contrat CRAFT et, conformément au paragraphe 4 de la disposition en cause, le coordinateur verse aux exécutants de RDT les fonds affectés au projet.

4        En vertu de son article 5, paragraphe 1, le contrat CRAFT est régi par le droit belge. Le paragraphe 2 de cette disposition contient une clause compromissoire au sens de l’article 238 CE, attribuant au Tribunal et, sur pourvoi, à la Cour de justice, une compétence exclusive pour connaître de tout différend survenu entre la Communauté, d’une part, et les autres contractants, d’autre part, à propos de la validité, de l’application ou de toute interprétation du contrat CRAFT.

5        L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de l’annexe II du contrat CRAFT stipule que le coordinateur transfère aux exécutants de RDT les montants qui leur sont dus dans les trente jours de la réception des paiements effectués par la Commission.

6        L’article 3, paragraphe 5, de l’annexe II du contrat CRAFT dispose :

« Après la date d’achèvement du contrat, la résiliation du contrat ou la fin de la participation d’un contractant, la Commission peut réclamer ou réclame, selon le cas, au contractant, à la suite de fraudes ou d’irrégularités financières graves constatées dans le cadre d’un audit, le remboursement de l’ensemble de la contribution communautaire qui lui a été versée. Des intérêts à un taux supérieur de 2 % au taux appliqué par la Banque centrale européenne pour ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois durant lequel les fonds ont été reçus par le contractant concerné sont ajoutés au montant à rembourser, au titre de la période écoulée entre la réception des fonds et leur remboursement. »

7        L’article 26 de l’annexe II du contrat CRAFT, intitulé « Audit financier », précise :

« 1.      La Commission ou tout représentant habilité par elle peut engager l’audit financier […] d’un exécutant de RDT, à tout moment pendant la durée du contrat et pendant cinq ans à compter de chaque versement du concours communautaire […]

La Commission prend, sur la base des conclusions de l’audit, toute mesure appropriée qu’elle considère nécessaire, y compris l’émission d’un ordre de recouvrement de tout ou partie des versements effectués par elle.

[…] »

8        En application de son article 1er, troisième alinéa, le contrat CRAFT a été mis en œuvre, avec effet au 1er mars 2003, par un accord de consortium conclu entre, d’une part, les quatre sociétés ayant conclu avec la Communauté le contrat CRAFT, au nombre desquelles figure le coordinateur du projet, et, d’autre part, trois exécutants de RDT, dont le requérant.

9        En vertu de son article 19, l’accord de consortium est régi par le droit belge. Aux termes du deuxième alinéa de cette disposition, tout différend survenu à propos de l’accord qui n’aurait pas pu être résolu à l’amiable par les parties fait l’objet d’un règlement définitif selon les règles d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale par trois arbitres nommés conformément à ces mêmes règles.

10      Aux fins de l’exécution du projet Protop, le requérant a reçu de la Commission, par l’intermédiaire du coordinateur du projet, la somme de 179 896 euros en trois versements.

11      Après avoir procédé, en octobre 2006, à une inspection dans les locaux du requérant, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a estimé que le requérant avait commis des irrégularités dans l’exécution de ses obligations.

12      Par lettre du 31 mars 2008, la Commission a demandé au coordinateur du projet de procéder au recouvrement de la contribution communautaire de 179 896 euros versée au requérant. La Commission a rappelé que, conformément aux clauses du contrat, les fonds affectés au projet avaient été répartis entre les exécutants de RDT par le coordinateur du projet en vertu de l’accord conclu entre les contractants signataires du contrat CRAFT et les exécutants de RDT. Dans cette lettre, la Commission a précisé que « la Communauté n’[avait] donc pas établi de relation contractuelle avec [le] CEVA ».

13      Par lettre du 3 avril 2008, le coordinateur du projet a demandé au requérant de lui rembourser sous huitaine la somme de 179 896 euros.

14      Par courrier du 29 avril 2008, le requérant a répondu au coordinateur du projet qu’il ne s’estimait pas tenu de rembourser la somme réclamée. Il a fait valoir que les travaux et les études du projet Protop qu’il avait réalisés n’avaient donné lieu à aucune objection de la part du coordinateur du projet ou de la Commission.

15      Le 16 décembre 2008, la Commission a adressé au requérant un courrier intitulé « Lettre préalable à l’adoption d’une note de débit », lui indiquant que l’enquête de l’OLAF avait confirmé que, « au cours de l’exécution du projet, [le requérant avait] violé les clauses du contrat ». Elle a informé le requérant que ses services étaient tenus de récupérer la contribution financière de la Communauté pour un montant de 179 896 euros. Elle a souligné que le remboursement dudit montant relevait de la responsabilité directe du requérant et non de celle du coordinateur du projet. Elle a enfin précisé qu’une note de débit serait adoptée dans le délai d’un mois à compter de la réception dudit courrier.

16      Par pli du 6 février 2009, la Commission a adressé au requérant la note de débit n° 3230900440 par laquelle elle lui a notamment indiqué la somme à payer, d’un montant de 179 896 euros, ainsi que la date limite de paiement, à savoir le 23 mars 2009.

17      Le requérant n’ayant pas payé la somme qu’elle lui avait réclamée dans le délai indiqué, la Commission lui a adressé une lettre de rappel datée du 6 avril 2009, par laquelle elle l’a invité à payer dans les quinze jours à dater de la réception de ladite lettre de rappel la somme de 180 682,12 euros, représentant le principal de la somme due, à savoir un montant de 179 896 euros, majoré des intérêts dus à compter du jour suivant la date limite de paiement, à savoir un montant de 786,12 euros.

18      En l’absence de paiement par le requérant des sommes qu’elle lui avait réclamées, la Commission lui a adressé une lettre de mise en demeure datée du 11 mai 2009, par laquelle elle l’a invité à lui payer, au plus tard dans les quinze jours à dater de la réception de ladite lettre de mise en demeure, la somme de 181 630,89 euros, incluant un montant de 1 734,89 euros en tant qu’intérêts de retard dus à compter du 24 mars 2009.

19      La lettre de mise en demeure de la Commission du 11 mai 2009 précisait que, à défaut de paiement dans ce délai, « la Commission poursuivra, par toutes voies de droit, la procédure d’exécution forcée tant en principal qu’en intérêts ».

 Procédure

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2009, le requérant a introduit un recours fondé sur l’article 230 CE contre la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009.

21      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 septembre 2009, le requérant a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

23      Par ordonnance du Tribunal du 5 février 2010, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

24      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure au titre de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, qui ont répondu dans les délais.

25      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 Conclusions des parties

26      Dans la requête introductive d’instance, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–                 à titre principal :

–        constater l’absence de liens contractuels entre lui et la Communauté ;

–        annuler le « titre exécutoire n°3230900440 de la Commission […] du 6 avril 2009 » ;

–                à titre subsidiaire :

–        constater l’absence de motivation du « titre exécutoire n° 3230900440 de la Commission […] du 6 avril 2009 » ;

–        constater le « risque d’enrichissement sans cause de la Commission en cas de remboursement de la somme de 179 896 euros, assortie des intérêts de retard » ;

–        en conséquence, annuler « le titre exécutoire n° 3230900440 de la Commission […] du 6 avril 2009 ».

27      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

28      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter ladite exception.

 En droit

29      Aux termes de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

30      Il convient de préciser qu’aucune disposition du règlement de procédure ne saurait être interprétée en ce sens que le fait que, par ordonnance du 5 février 2010, le Tribunal a décidé, en application de l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure, de réserver l’appréciation de l’exception d’irrecevabilité à l’arrêt mettant fin à l’instance signifie qu’il se soit privé de la possibilité de rejeter, sans procédure orale, le recours comme irrecevable par voie d’ordonnance motivée.

31      Il ressort, au contraire, des articles 111 à 114 du règlement de procédure que le Tribunal peut, à tout stade de la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée sans phase orale (ordonnance de la Cour du 19 février 2008, Tokai Europe/Commission, C‑262/07 P, non publiée au Recueil, points 26 et 27).

32      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide en conséquence de statuer sur le présent recours sans qu’il y ait lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Fondement juridique du recours

33      Il y a lieu de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient d’arrêter le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (voir arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, non encore publié au Recueil, point 46, et la jurisprudence citée).

34      En l’espèce, le requérant qualifie expressément son recours de « requête en annulation » et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le « titre exécutoire » du 6 avril 2009.

35      En outre, le requérant fait valoir qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre lui et la Commission, au motif qu’il n’a jamais été partie au contrat CRAFT. Comme la Commission l’aurait elle-même constaté dans sa lettre du 31 mars 2008 par laquelle celle-ci enjoignait au coordinateur du projet de récupérer auprès de lui la contribution financière de la Communauté qui lui avait été versée, « la Commission ne serait entrée dans aucune relation contractuelle avec [lui] ».

36      Enfin, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, le requérant a souligné que la Commission entendait récupérer les sommes qu’elle lui avait versées en dehors de tout cadre contractuel, « en l’absence de lien de cette nature entre la Commission et lui ».

37      La Commission approuve cette qualification. Elle estime que le présent recours n’a pas de caractère contractuel, en l’absence de lien de cette nature entre les parties au litige. Les stipulations du contrat CRAFT, et notamment l’article 26 de son annexe II, qui habilite tout représentant de la Commission à effectuer un audit financier d’un des exécutants de RDT, comme le requérant, ne conféreraient à la Commission aucun titre juridique lui permettant de lui adresser une demande de remboursement.

38      La Commission fait également observer que le présent recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant une relation contractuelle et que les moyens d’annulation tirés par le requérant de la violation de l’obligation de motivation et de l’enrichissement sans cause réputé résulter du remboursement de la contribution financière de la Communauté sont étrangers au contentieux contractuel.

39      Il s’ensuit que, bien que la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 ait été adoptée à la suite d’une note de débit adressée au requérant par laquelle la Commission lui indiquait notamment les sommes qu’elle lui réclamait en raison de la prétendue inexécution par celui-ci de ses obligations contractuelles, il y a lieu de qualifier le présent recours, en l’absence de lien contractuel entre les parties au litige, de recours en annulation au titre de l’article 230 CE et non de recours visant au règlement d’un litige survenu à l’occasion de l’exécution d’un contrat.

 Recevabilité du recours

40      La Commission soutient que le présent recours en annulation est irrecevable, au motif que la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 n’est pas, en raison de sa nature d’acte préparatoire, susceptible d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE.

41      Selon la Commission, le requérant n’a été le destinataire que d’une note de débit, au sens de l’article 78, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002, du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1), d’une lettre de rappel, qui fait l’objet du présent recours, et d’une lettre de mise en demeure, au sens de l’article 84, paragraphe 2, du règlement n°2342/2002.

42      La Commission ajoute qu’aucun de ces trois actes ne constitue une mesure fixant définitivement sa position et ne produit d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant.

43      Seule une décision de la Commission formant titre exécutoire au sens de l’article 256 CE, telle qu’envisagée par l’article 72, paragraphe 2, du règlement n° 1605/2002, du 25 juin 2002 (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), au terme de la procédure de recouvrement forcé, constituerait un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

44      Or, une telle décision n’aurait pas encore été adoptée.

45      Le requérant objecte que la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 constitue un « titre exécutoire » susceptible d’être contesté devant le Tribunal, dès lors que ladite lettre de rappel est revêtue de la formule exécutoire au sens de l’article 256 CE.

46      Selon le requérant, la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter sa position juridique, car des intérêts de retard courent à compter de la date à laquelle le non-paiement de la somme réclamée est constaté.

47      Le requérant indique également qu’il a dû provisionner à son bilan la somme réclamée dans la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009. De ce fait, son activité serait gravement obérée et sa réputation affectée auprès de la Banque de France, l’obtention de prêts bancaires devenant impossible. Par ailleurs, il soutient avoir dû provisionner l’intégralité de la somme qui lui est réclamée par la Commission, ce qui aurait dégradé inexorablement la situation de ses fonds propres.

48      Enfin, le requérant allègue qu’une décision du Tribunal accueillant l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission aurait pour effet de le priver du droit à un recours juridictionnel effectif consacré par l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

49      Il résulte d’une jurisprudence constante que seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et ordonnance de la Cour du 4 octobre 1991, Bosman/Commission, C‑117/91, Rec. p. I‑4837, point 13 ; arrêt du Tribunal du 17 avril 2008, Cestas/Commission, T‑260/04, Rec. p. II‑701, point 67).

50      Il est également de jurisprudence constante qu’il y a lieu de s’attacher à la substance de la mesure dont l’annulation est demandée pour déterminer si elle est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, la forme dans laquelle elle a été prise étant en principe indifférente à cet égard (arrêt IBM/Commission, précité, point 9 ; arrêts du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec. p. II‑121, point 57, et Cestas/Commission, précité, point 68).

51      Il y a lieu, dès lors, de déterminer si, en l’espèce, par la lettre de rappel qu’elle a adressée au requérant le 6 avril 2009, la Commission a adopté un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de celui-ci en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l’article 230 CE.

52      À cet égard, il convient de relever que, dans sa lettre de rappel du 6 avril 2009, la Commission a, tout d’abord, indiqué au requérant qu’il n’avait pas encore effectué le paiement du montant de 179 896 euros réclamé dans la note de débit, dont la lettre reprend les motifs, lequel correspondait à la dette dont il était redevable à son égard en raison de la violation des dispositions du contrat et des fraudes qu’il aurait commises au cours de l’exécution du projet.

53      Ensuite, la Commission a énuméré les différentes composantes de la dette du requérant, a invité celui-ci à payer dans les quinze jours à compter de sa réception la somme de 180 682,12 euros et a précisé que cette somme incluait les intérêts dus à compter du jour suivant la date limite de paiement de la somme réclamée dans la note de débit.

54      Enfin, la Commission a fourni au requérant les coordonnées du compte bancaire de la Commission sur lequel le paiement devait être effectué et attiré son attention sur le fait que la dette était quotidiennement augmentée, jusqu’à son paiement intégral, des intérêts applicables dus depuis la date limite de paiement de la somme réclamée dans la note de débit. Elle a rappelé que tout paiement partiel était imputé d’abord sur les intérêts et qu’une compensation était possible à tout moment de la procédure.

55      Il résulte ainsi du contenu de la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 que ladite lettre de rappel constitue une simple invitation adressée au requérant aux fins du paiement de sa dette et une information sur les conséquences d’un refus de paiement prolongé ainsi que sur les modalités d’extinction de sa dette.

56      Il convient d’ajouter que, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, il résulte également de la jurisprudence que, en principe, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêt IBM/Commission, précité, point 10, et arrêt Cestas/Commission, précité, point 69).

57      Or, dans le cas où, comme en l’espèce, le débiteur ne verse pas la somme réclamée, la Commission peut soit renoncer au recouvrement de la créance, soit procéder à une compensation, soit recourir à l’exécution forcée, qui peut intervenir par une décision exécutoire ou par un titre exécutoire obtenu par la voie contentieuse. Dès lors, tout comme la note de débit qui l’a précédée, la lettre de rappel attaquée n’a pas de caractère exécutoire, mais est un simple acte préparatoire précédant l’adoption d’une décision de la Commission de poursuivre ou non la procédure de recouvrement, soit en engageant une procédure contentieuse, soit en adoptant une décision qui forme titre exécutoire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, Rec. p. II‑117, point 72).

58      En effet, selon l’article 72, paragraphe 2, du règlement financier, la Commission peut formaliser la constatation de sa créance dans une décision qui forme titre exécutoire, au sens de l’article 256, premier alinéa, CE, c’est-à-dire susceptible d’exécution forcée, selon les règles de la procédure civile en vigueur dans l’État d’exécution, par l’apposition de la formule exécutoire, ainsi que le prévoit l’article 256, deuxième alinéa, CE.

59      L’apposition de la formule exécutoire envisagée par cette disposition n’étant prévue que sur une décision de la Commission comportant à la charge du requérant une obligation pécuniaire, seule la décision formalisant la constatation de la créance de la Commission, au sens de l’article 72, paragraphe 2, du règlement financier, peut constituer une décision obligatoire dans tous ses éléments pour son destinataire, selon les prévisions de l’article 249 CE, et, par voie de conséquence, un acte susceptible de recours en annulation.

60      Il convient en outre de relever, d’une part, que le requérant n’a pas précisé quelle serait la formule exécutoire, au sens de l’article 256, deuxième alinéa, CE, qui serait contenue dans la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 et, d’autre part, que ladite lettre de rappel est dépourvue d’une telle formule.

61      L’argument du requérant selon lequel des intérêts de retard courent à compter de la date à laquelle le non-paiement de la somme réclamé est constaté manque en fait.

62      En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 17 ci-dessus, la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 mentionne un montant de 179 896 euros, correspondant au principal de la somme due, majoré d’un montant de 786,12 euros, correspondant aux intérêts dus à compter du 24 mars 2009, soit avant même l’émission de ladite lettre de rappel.

63      L’obligation, alléguée par le requérant, de provisionner au bilan les sommes réclamées par la Commission et la prétendue atteinte à sa réputation auprès de la Banque de France ne sauraient davantage remettre en cause le caractère d’acte non susceptible de recours en annulation présenté par la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009.

64      D’une part, ainsi qu’il a été rappelé au point 49 du présent arrêt, pour constituer un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, une mesure doit produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Dès lors qu’elle dépend de la substance de la mesure, une telle qualification ne peut être déduite de l’obligation que le droit national imposerait au destinataire d’une demande de paiement d’inscrire au passif de son bilan les sommes qui lui sont réclamées. Au demeurant, le requérant n’a pas démontré qu’il était tenu de procéder à une telle inscription.

65      D’autre part, le requérant n’a nullement démontré dans quelle mesure la qualité de débiteur éventuel de la Commission peut en elle-même porter atteinte à sa réputation auprès de la Banque de France.

66      Il résulte des développements qui précèdent que le présent recours en annulation est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre un acte qui ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique et qui ne fixe pas définitivement la position de la Commission.

67      Par conséquent, la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE.

68      Contrairement à ce que fait valoir le requérant, l’irrecevabilité du présent recours découlant du caractère non susceptible de recours présenté par la lettre de rappel de la Commission du 6 avril 2009 ne saurait avoir pour effet de le priver du droit à un recours juridictionnel effectif au sens de l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

69      En effet, s’il s’y croit fondé, le requérant pourra introduire, le moment venu, un recours en annulation contre la décision formant titre exécutoire, au sens de l’article 256 CE, éventuellement adoptée par la Commission.

70      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent recours comme irrecevable.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Le Centre d’étude et de valorisation des algues SA (CEVA) est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 13 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      L. Truchot


* Langue de procédure : le français.