Language of document : ECLI:EU:T:2015:276

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 mai 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative CLEANIC intimate – Marques communautaires verbales antérieures CLINIQUE – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Similitude des produits et des services – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑363/13,

Harper Hygienics S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée initialement par Me R. Rumpel, puis par Mes D. Rzążewska et G. Pietras, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenante devant le Tribunal, étant

Clinique Laboratories, LLC, établie à Wilmington, Delaware (États-Unis), représentée initialement par MV. von Bomhard, avocat, et Mme K. Hughes, solicitor, puis par Mme Hughes,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’OHMI du 29 avril 2013 (affaire R 606/2012‑5), relative à une procédure d’opposition entre Clinique Laboratories, LLC, et Harper Hygienics S.A.,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2013,

vu la décision du 13 janvier 2014, refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 20 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 2010, la requérante, Harper Hygienics S.A., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 16 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Serviettes imbibées de lotions cosmétiques, ouate à usage cosmétique, coton-tiges à usage cosmétique, coton à usage cosmétique, ronds de coton à usage cosmétique, articles sanitaires pour la toilette, produits hygiéniques : anti transpirants, produits pour le nettoyage des prothèses dentaires, produits pour le démaquillage, dépilatoires, déodorants corporels, savons (y compris désinfectants), liquides et produits pour l’hygiène intime, sprays pour rafraîchir l’haleine, produits pour l’hygiène de la cavité buccale à usage non thérapeutique, articles cosmétiques ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques à usage médical ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides, produits hygiéniques : bandages hygiéniques, serviettes hygiéniques, tampons, produits de nettoyage pour verres de contact, produits antipelliculaires, liquides pour l’hygiène intime » ;

–        classe 16 : « Couche-culottes pour nourrissons à usage unique en papier, en cellulose, en coton, autres qu’en matières textiles, non comprises dans d’autres classes, emballages d’articles sanitaires, d’hygiène et cosmétiques en papier, carton, film et matières plastiques ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 167/2010, du 7 septembre 2010.

5        Le 3 décembre 2010, l’intervenante, Clinique Laboratories, LLC, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, en particulier, sur les marques verbales antérieures CLINIQUE suivantes (ci-après les « marques antérieures ») :

–        marque communautaire n° 54 429, enregistrée le 19 novembre 1998, désignant les produits relevant des classes 3, 14, 25 et 42 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions ; dentifrices » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué (inclus dans la classe 14) ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 42 : « Services de conseils de beauté en matière de sélection et d’utilisation de cosmétiques, produits de toilette, parfums et traitement de beauté ; services de conseils en matière de services de beauté, parfumerie, maquillage et traitement de la peau ; services de conception et de décoration intérieure pour magasins, parfumeries, salons de beauté, stands de produits de beauté ; services de recherche, de développement, de laboratoire et d’assistance technique dans les domaines des parfums, des cosmétiques, des produits de beauté et de soin pour le corps ».

–        marque communautaire n° 2 294 429, enregistrée le 7 février 2005, pour les services relevant des classes 35 et 42.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et à l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

8        Par décision du 27 janvier 2012, la division d’opposition a refusé l’enregistrement de la marque demandée sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, pour les produits énumérés ci-après :

–        classe 3 : « Serviettes imbibées de lotions cosmétiques, ouate à usage cosmétique, coton-tiges à usage cosmétique, coton à usage cosmétique, ronds de coton à usage cosmétique, articles sanitaires pour la toilette, produits hygiéniques : anti transpirants, produits pour le nettoyage des prothèses dentaires, produits pour le démaquillage, dépilatoires, déodorants corporels, savons (y compris désinfectants), liquides et produits pour l’hygiène intime, sprays pour rafraîchir l’haleine, produits pour l’hygiène de la cavité buccale à usage non thérapeutique, articles cosmétiques » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques à usage médical ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, produits hygiéniques : bandages hygiéniques, serviettes hygiéniques, tampons, produits de nettoyage pour verres de contact, produits antipelliculaires, liquides pour l’hygiène intime ».

9        En outre, sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, la division d’opposition a également refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits suivants :

–        classe 5 : « Substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres » ;

–        classe 16 : « Couche-culottes pour nourrissons à usage unique en papier, en cellulose, en coton, autres qu’en matières textiles, non comprises dans d’autres classes, emballages d’articles sanitaires, d’hygiène et cosmétiques en papier, carton, film et matières plastiques ».

10      La division d’opposition a rejeté l’opposition pour les autres produits.

11      Le 26 mars 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 29 avril 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré que c’était à juste titre que la division d’opposition avait accueilli l’opposition, en raison de l’existence d’un risque de confusion du fait que les produits couverts par la marque demandée et les produits couverts par les marques antérieures de l’intervenante compris dans la classe 3, ainsi que ceux relevant de la classe 5, étaient identiques ou similaires, à l’exception des « substances diététiques à usage médical, les aliments pour bébés, les emplâtres, le matériel pour pansements, les matières pour plomber les dents et pour les empreintes dentaires, et les herbicides ».

13      La chambre de recours a, en substance, considéré que l’élément verbal « cleanic » de la marque demandée en constituait l’élément dominant, celui-ci figurant au centre du signe, en caractères gras, et étant sensiblement plus grand que le mot « intimate », le dessin de pétales de ladite marque revêtant un caractère décoratif ou descriptif et l’élément verbal « intimate » étant négligeable vu son emplacement, la couleur de ses lettres et son caractère descriptif par rapport aux produits en cause. Elle a ensuite considéré qu’il existait un faible degré de similitude visuelle entre les marques, qu’elles étaient très similaires phonétiquement et qu’il existait un faible degré de similitude conceptuelle entre celles-ci. Pour les produits et services en cause, elle a considéré que les marques antérieures avaient un caractère distinctif intrinsèque normal. Elle a également considéré que, mis à part son caractère distinctif intrinsèque, la marque CLINIQUE avait un caractère distinctif accru et une renommée pour les « produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions » relevant de la classe 3. Concernant la comparaison entre les produits en cause, elle a, tout en rappelant que celle-ci n’a pas été contestée, entériné les conclusions de la division d’opposition à cet égard.

14      La chambre de recours a également approuvé la conclusion de la division d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. À cet égard, elle a rejeté les arguments de la requérante en constatant que cette dernière n’était pas parvenue à remettre en cause les critères d’application dudit article.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours fondé ;

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne le refus d’enregistrement de la marque demandée ;

–        réformer la décision attaquée afin que la marque demandée soit enregistrée « pour tous les produits et services visés par la demande » ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

18      Outre la contestation des moyens invoqués par la requérante, l’OHMI excipe de l’irrecevabilité du chef de conclusions de cette dernière visant à obtenir la modification de la décision attaquée afin que la marque demandée soit enregistrée « pour tous les produits et services » visés par cette dernière.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

19      À l’appui de ce moyen, la requérante soulève essentiellement deux griefs, tirés d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne, d’une part, la similitude des produits couverts par les marques antérieures et par la marque demandée, et, d’autre part, la similitude des signes.

20      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

22      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

23      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de la Communauté [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

24      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

25      Il convient de juger, à la différence de la chambre de recours dans l’analyse figurant au point 17 de la décision attaquée, que le public pertinent est constitué par des professionnels et des consommateurs finaux dont le niveau d’attention est relativement élevé en ce qui concerne les « produits pharmaceutiques » et les produits relevant de la classe 5 qui y sont étroitement liés. Cependant, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que, pour les autres produits cosmétiques, le public pertinent était constitué de consommateurs moyens qui présentent un degré normal d’attention. En effet, ces produits sont des produits de consommation courante et d’une valeur relativement faible. Ce point n’est, au demeurant, pas contesté par les parties.

26      Il convient également d’entériner la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le territoire pertinent est celui de l’Union, ce point n’étant, au demeurant, pas contesté par les parties.

 Sur la comparaison des produits

27      La requérante considère que, contrairement à ce que la chambre de recours a indiqué au point 14 de la décision attaquée, les « produits pharmaceutiques et vétérinaires » relevant de la classe 5 et les « savons, cosmétiques, produits de soin pour les cheveux, produits pour le lavage des dents » relevant de la classe 3 ne peuvent être considérés comme similaires. La requérante rappelle que ces produits appartiennent à des classes différentes. Elle avance que les produits pharmaceutiques et vétérinaires sont utilisés à des fins médicales et non esthétiques, comme c’est le cas des produits relevant de la classe 3, tels que les « savons, cosmétiques, produits pour le soin des cheveux, y compris les lotions ». Elle soutient que le seul critère du consommateur final ne peut être un facteur déterminant de la similitude des produits. Par ailleurs, la requérante considère que les produits vétérinaires comprennent des produits destinés aux animaux et non pas aux êtres humains et que ceux-ci et les « cosmétiques » relevant de la classe 3 ne peuvent donc être considérés comme similaires, dans la mesure où les produits vétérinaires servent à soigner et ne sont pas utilisés à des fins esthétiques.

28      La requérante soutient également que les autres produits en cause relevant de la classe 5, ne peuvent être traités comme les cosmétiques relevant de la classe 3, car leur destination et leur mode d’utilisation n’ont pas un but cosmétique, mais hygiénique.

29      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’intervenante excipe, en outre, de l’irrecevabilité du grief tenant à l’absence de similitude des produits en cause. Elle fait valoir, à cet égard, que la requérante ne peut plus contester, devant le Tribunal, la similitude desdits produits, dès lors qu’elle ne l’a pas fait devant la chambre de recours. L’intervenante invoque, à cet égard, l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

30      Le Tribunal estime opportun de répondre à l’argument de l’intervenante concernant l’irrecevabilité du grief tiré de l’absence de similitude entre les produits en cause, avant de statuer au fond sur ledit grief.

31      L’argumentation de l’intervenante ne saurait être retenue. Ainsi que l’a jugé la Cour (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec, EU:C:2007:162, point 57), par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait [arrêt du 24 mai 2011 ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, EU:T:2011:241, point 20].

32      À cet égard, force est de constater qu’une opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire, lorsqu’elle est fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, saisit l’OHMI de la question de l’identité ou de la similitude des marques en conflit ainsi que des produits et des services visés par elles (voir, en ce sens, arrêt ancotel., point 31 supra, EU:T:2011:241, point 21 et jurisprudence citée).

33      Par conséquent, le fait que la similitude des produits en cause n’a pas été contestée par la requérante devant la chambre de recours ne saurait nullement avoir pour effet de dessaisir l’OHMI de la question de savoir si ces produits ou services étaient identiques ou similaires (voir, en ce sens, arrêt ancotel., point 31 supra, EU:T:2011:241, point 22 et jurisprudence citée).

34      Une telle circonstance ne saurait donc davantage avoir pour effet de priver une partie du droit de contester devant le Tribunal, dans les limites du cadre juridique et factuel du litige devant la chambre de recours, les appréciations portées par cette dernière instance à ce sujet [voir, en ce sens, arrêts ancotel., point 31 supra, EU:T:2011:241, point 23 et jurisprudence citée, et du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec, EU:T:2005:29, points 24 et 25].

35      L’article 65, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 prévoit, par ailleurs, que le recours devant le Tribunal est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions (voir, en ce sens, arrêt ancotel., point 31 supra, EU:T:2011:241, point 25 et jurisprudence citée).

36      Tel a été effectivement le cas de la requérante qui a vu sa demande de marque communautaire rejetée pour les produits en cause. Elle était donc en droit d’attaquer la décision de la chambre de recours devant le Tribunal et, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 34 ci-dessus, de contester, dans ce contexte, la similitude des produits et des services couverts par les marques en cause, relevée par la division d’opposition et confirmée par la chambre de recours, laquelle a fait siens, ainsi que l’admet la jurisprudence, les motifs de la décision de la division d’opposition (voir, en ce sens, arrêt ancotel., point 31 supra, EU:T:2011:241, point 26 et jurisprudence citée).

37      Par suite, c’est à tort que l’intervenante excipe de l’irrecevabilité du grief de la requérante visant à contester la similitude des produits en cause.

38      À la lumière de ces considérations, il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a entériné les conclusions de la division d’opposition quant à la similitude des produits en cause.

39      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêts du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2012, IG Communications/OHMI – Citigroup et Citibank (CITIGATE), T‑301/09, EU:T:2012:473, point 44 et jurisprudence citée].

40      Il convient de juger, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 3 ayant été considérés comme identiques ou similaires par la division d’opposition et pour lesquels l’enregistrement de la marque demandée a été refusé, que c’est à bon droit que la chambre de recours a, au point 13 de la décision attaquée, entériné cette conclusion. Ce point n’a, au demeurant, pas été contesté par la requérante.

41      Pour le surplus, il convient de constater que certains des produits relevant de la classe 3 et de la classe 5 peuvent partager la même finalité, être vendus par les mêmes canaux de distribution, tels que les pharmacies ou d’autres magasins spécialisés et sont souvent fabriqués par les mêmes sociétés. De même, ces produits sont souvent adressés aux mêmes destinataires finaux.

42      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a entériné la conclusion de la division d’opposition selon laquelle il existe une similitude entre, d’une part, les « produits pharmaceutiques et vétérinaires » désignés par la marque demandée et, d’autre part, les « savons » ou les « dentifrices », et dans une certaine mesure, les « cosmétiques » et les « produits de soin pour les cheveux » couverts par les marques antérieures. De même, c’est à bon droit que la chambre de recours a fait sienne la conclusion de la division d’opposition selon laquelle il existe une similitude entre les « désinfectants » désignés par la marque demandée et les « savons » couverts par les marques antérieures.

43      Pour les raisons exposées au point 42 ci-dessus, il convient également de juger que la chambre de recours a fait sienne à bon droit la conclusion de la division d’opposition selon laquelle il existe un faible degré de similitude entre les « produits pour la destruction des animaux nuisibles, produits hygiéniques à usage médical, produits hygiéniques, bandages hygiéniques, serviettes hygiéniques, tampons, produits de nettoyage pour verres de contact, produits antipelliculaires, liquides pour l’hygiène intime » couverts par la marque demandée et les « savons » couverts par les marques antérieures. Cela vaut également pour les « fongicides » visés par la marque demandée que la division d’opposition a estimé comme présentant un faible degré de similitude avec les « huiles essentielles » couvertes par les marques antérieures.

44      Par ailleurs, il ressort de la règle 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié, que des services ou des produits ne peuvent être considérés comme différents au seul motif qu’ils figurent dans des classes différentes de l’arrangement de Nice. En effet, il ressort de la jurisprudence que les produits ou services ne doivent pas nécessairement relever de la même classe, voire d’une même catégorie au sein d’une classe donnée, pour pouvoir faire valablement l’objet d’une comparaison et donner lieu de conclure à l’existence ou à l’absence d’une similitude entre ces produits ou services [voir arrêt du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, EU:T:2006:400, point 77 et jurisprudence citée]. Partant, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le fait que les produits en cause appartiennent à des classes différentes aurait pour conséquence qu’ils doivent eux-mêmes être considérés comme étant différents.

45      Il y a également lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours se serait uniquement fondée sur le critère du « consommateur final » pour conclure à la similitude des produits en question. En effet, il ressort de la décision de la division d’opposition, qui a été entérinée par la chambre de recours, qu’elle a pris en considération tous les facteurs pertinents qui caractérisent les rapports entre les produits en cause, à savoir leur nature, leur destination, leurs canaux de distribution ainsi que leur origine commerciale.

46      Au vu de ce qui précède, il convient de juger qu’il existe une identité ou une similitude entre les produits énumérés aux points 40 à 42 ci-dessus et un faible degré de similitude entre les produits énumérés au point 43 ci-dessus.

 Sur la comparaison des signes

47      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit en estimant que la marque demandée CLEANIC intimate et les marques antérieures étaient similaires au seul motif que l’élément verbal « cleanic » est l’élément dominant de la marque demandée et que, ainsi, c’est uniquement à cet égard que la chambre de recours a apprécié la similitude des signes. La requérante prétend qu’une telle analyse est contraire à une jurisprudence constante selon laquelle les marques doivent être appréciées globalement, en tenant compte des éléments figuratifs et verbaux. Elle fait observer, à cet égard, que, contrairement à la position de l’OHMI, les éléments figuratifs d’une marque sont aussi importants que les éléments verbaux et que, en outre, ils ont un impact sur le degré de similitude des marques et ne sont pas, comme le considère l’OHMI, « un élément décoratif » de la marque, mais constituent une indication de l’origine des produits ou des services en cause. La requérante soutient, ensuite, que le fait qu’il existe une possibilité d’enregistrer des marques exclusivement sous une forme figurative renforce cette argumentation.

48      Il s’ensuit, selon la requérante, que la similitude doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’élément figuratif en forme de fleur, qui figure au début de la marque demandée, et des éléments verbaux « cleanic intimate » dans leur ensemble. La requérante soutient donc que la comparaison entre les deux signes doit être effectuée globalement et ne doit pas être limitée à la seule comparaison des éléments verbaux « clinique » et « cleanic ».

49      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants

50      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

51      Il ressort également de la jurisprudence que l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, en revanche, d’opérer la comparaison en examinant les marques en conflit, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans l’esprit du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt OHMI/Shaker, point 50 supra, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, point 50 supra, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque, gardée en mémoire par le public pertinent, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, EU:C:2007:539, point 43).

52      Les marques antérieures consistent en un seul élément verbal « clinique », qui ne se décompose pas en plusieurs éléments. La marque demandée est composée d’éléments verbaux et figuratifs.

53      Les éléments verbaux de la marque demandée sont « cleanic », et « intimate ». L’élément verbal « cleanic » est écrit en majuscules et en caractères gras, dans une police considérablement plus grande que celle du terme « intimate », et est placé au centre du signe. L’élément verbal « intimate » est écrit en lettres minuscules, de couleur lilas légèrement pâle et est placé en dessous du mot « cleanic ».

54      En termes de position et de taille, l’élément verbal « intimate » est inférieur à l’élément verbal « cleanic » qui est sensiblement plus grand et placé au centre de la marque demandée. Le terme « cleanic » n’ayant pas de signification claire dans les langues de l’Union, il revêt un caractère distinctif intrinsèque, contrairement à l’élément verbal « intimate ». En effet, il convient de considérer, comme l’a fait la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, que l’élément verbal « intimate » est descriptif dans la mesure où il décrit la destination d’un grand nombre de produits pharmaceutiques et cosmétiques en question, du moins pour les consommateurs et les professionnels qui comprennent l’anglais.

55      Au vu de ces considérations, le public pertinent décomposera la marque demandée en deux éléments verbaux distincts, à savoir « cleanic » et « intimate ». Il convient également de considérer que l’élément verbal « intimate » est négligeable et que l’élément verbal « cleanic » apparaît comme dominant aux yeux du public pertinent.

56      En ce qui concerne les éléments figuratifs, les éléments verbaux sont représentés selon une typographie légèrement stylisée. Cependant, ces éléments figuratifs ne sont pas suffisamment spécifiques et originaux pour que les consommateurs les gardent en mémoire.

57      La marque demandée est également représentée par le dessin de pétales qui apparaît en couleur lilas pâle formant une fleur. La fleur est placée avant l’élément verbal « cleanic ». Toutefois, cet élément figuratif est susceptible d’être perçu par le consommateur essentiellement comme un élément décoratif, et non comme un élément indiquant l’origine commerciale des produits en cause. Une fleur peut être associée à la beauté et aux soins de beauté et peut ainsi être, en l’espèce, considérée, par ailleurs, comme un élément descriptif dont le rôle est tout à fait secondaire. Il convient donc de juger que les éléments figuratifs de la marque demandée sont négligeables. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler à cet égard que le consommateur moyen fait plus facilement référence aux produits en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [arrêt du 15 décembre 2009, Trubion Pharmaceuticals/OHMI – Merck (TRUBION), T‑412/08, EU:T:2009:507, point 45].

58      Partant, la chambre de recours a correctement conclu que l’élément dominant de la marque demandée, vue dans son ensemble, était l’élément verbal « cleanic » et, en substance, que les autres éléments verbaux et figuratifs de cette marque étaient négligeables. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré, lors de son appréciation globale de la similitude des marques en conflit, que le public pertinent prêterait plus d’attention au mot « cleanic ».

–       Sur la comparaison visuelle des signes

59      La requérante soutient, en substance, que, contrairement à la marque CLINIQUE, l’élément verbal « cleanic intimate » possède un graphisme caractéristique et se compose de deux mots, ce qui revêt une importance essentielle pour la perception globale du signe concerné. Elle allègue qu’une comparaison visuelle des éléments verbaux « cleanic intimate » et « clinique » indique clairement que seules les deux premières lettres des signes en cause sont identiques, les autres lettres étant différentes.

60      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

61      Sur le plan visuel, l’élément dominant de la marque demandée et les marques antérieures ont cinq lettres en commun. L’élément dominant de la marque demandée, « cleanic », partage en effet avec les marques antérieures les deux premières lettres. Ils ont également trois autres lettres en commun, à savoir les lettres « n », « i » et « e » qui, même, si elles occupent une place différente, contribuent à une similitude visuelle.

62      En outre, compte tenu de la dimension, de la position centrale et de l’usage de caractères gras et majuscules pour « cleanic », la coïncidence des lettres « c », « l », « n », « e » et « i » entre les deux signes est significative dans l’impression d’ensemble que produisent ces derniers. Cette coïncidence ne sera pas totalement neutralisée par la présence de l’élément verbal « intimate », les éléments graphiques susmentionnés et la différence de longueur des mots « clinique » et « cleanic ».

63      Par conséquent, les marques en conflit présentent un faible degré de similitude visuelle.

–       Sur la comparaison phonétique

64      S’agissant de la comparaison phonétique des marques en conflit, la requérante conteste leur similitude au motif que le public pertinent serait amené à prononcer les marques antérieures comme un terme français à la différence de la marque demandée que le public pertinent serait amené à prononcer en anglais. Elle fait valoir qu’une grande partie du public pertinent de l’Union a une certaine connaissance de ces langues et prononcera, en fonction de l’orthographe, les éléments verbaux de ces marques de manière correcte dans les deux langues.

65      En outre, la requérante affirme que les consommateurs de l’Union qui n’ont pas de connaissances en français ou en anglais prononceront les marques « klinikue » et « kleanik » ou « cleanik ».

66      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

67      À cet égard, il convient de relever que la partie initiale des marques verbales peut être susceptible de retenir l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes [voir, en ce sens, arrêts El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec, EU:T:2004:79, point 81, et du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec, EU:T:2005:102, points 64 et 65].

68      En l’espèce, il a été constaté au point 58 ci-dessus que l’élément verbal « cleanic » était l’élément dominant de la marque demandée au regard de son emplacement, de sa taille et de sa typographie différents des autres éléments la composant. De plus, au vu de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, le public pertinent serait amené à prononcer le mot « cleanic » de la marque demandée et à négliger l’autre élément verbal « intimate » de cette marque. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a, dans son analyse globale des marques en conflit, procédé à une comparaison entre les marques antérieures et l’élément verbal initial « cleanic » de la marque demandée et qu’elle a considéré que le public pertinent prêterait moins d’attention à l’élément verbal « intimate ».

69      Le public pertinent prononcera les marques antérieures « clinique » et la partie dominante de la marque demandée « cli_nique », en anglais. Il y a donc un degré élevé de similitude phonétique entre les éléments verbaux « cleanic » et « clinique » des marques en conflit en dépit de la différence de prononciation de leur première voyelle. L’argument selon lequel le public pertinent dans les États membres de l’Union, sur les territoires desquels ne sont parlés ni le français ni l’anglais, prononcera les éléments verbaux, respectivement, « clinique » en français et « cli_nique » en anglais, ne saurait prospérer. En effet, il s’agit d’une affirmation qui n’est aucunement étayée par la requérante. En outre, quand bien même cette partie du public pertinent prononcerait les marques antérieures en français et la marque demandée, en anglais, ces dernières seraient prononcées d’une manière très similaire d’un point de vue phonétique. En ce qui concerne l’argument selon lequel les marques antérieures seraient prononcées « klinikue » et la marque demandée « kleanik » par les consommateurs ne connaissant ni le français ni l’anglais, force est de constater qu’il s’agit également d’une affirmation non étayée et que la requérante n’avance aucun argument démontrant que les consommateurs ne connaissant ni le français ni l’anglais prononceraient les marques en conflit de cette manière.

70      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure qu’il existe une similitude phonétique élevée entre les signes en conflit.

–       Sur la comparaison conceptuelle

71      La requérante conteste la similitude conceptuelle entre les marques en conflit en affirmant que l’élément « cleanic » de la marque demandée signifie « clean » en anglais (« pur » ou « propre » en français), auquel a été ajoutée la terminaison « ic » pour conférer à la marque un caractère de fantaisie et d’abstraction. Elle soutient que la marque demandée sera perçue globalement comme signifiant « propreté de l’intimité ». La requérante fait valoir que le mot « clinique », en revanche, sera perçu par le public pertinent dans la plupart des États de l’Union comme désignant « un hôpital privé » ou une « clinique » et elle affirme que celui-ci a un caractère distinctif restreint du fait qu’« il décrit l’utilisation de certains produits » et que le consommateur « associera la marque CLINIQUE à des caractéristiques particulières des produits cosmétiques désignés par cette marque comme ayant été testés cliniquement ».

72      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

73      Le mot « clinique » a la même signification dans la plupart des États membres. En effet, les marques antérieures seront perçues comme un mot français signifiant « hôpital privé » et comme un adjectif, signifiant « clinique », à savoir quelque chose se rapportant à l’examen et au traitement des patients dans une clinique ou un hôpital. Le mot « clinique » ressemble, en effet, à son équivalent linguistique dans d’autres pays pertinents de l’Union, comme « clinic » en anglais, « clinica » en espagnol, en italien et en portugais, et « klinik » en danois, en allemand et en suédois, et serait donc compris dans la majorité du territoire pertinent. Cela vaut également pour les langues n’ayant pas des origines germaniques ou latines, tel le hongrois où le mot « klinika » serait utilisé comme synonyme d’« hôpital privé ».

74      Le mot « cleanic » doit être considéré comme étant dépourvu de signification claire dans les langues du public pertinent. Dès lors, en l’absence de signification du mot « cleanic », et du fait que les autres éléments verbaux de la marque sont négligeables, il n’est pas possible de procéder à une comparaison conceptuelle entre les marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Gitana/OHMI – Teddy (GITANA), T‑569/11, EU:T:2013:462, point 67 et jurisprudence citée].

75      Par ailleurs, l’argument selon lequel les marques antérieures auraient un caractère distinctif restreint doit être écarté. En effet, au vu des éléments du dossier, il convient d’entériner la conclusion de la chambre de recours, au point 30 de la décision attaquée, selon laquelle les marques antérieures bénéficient d’un caractère distinctif accru et d’une renommée pour les « produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions » compris dans la classe 3.

76      De même, en ce qui concerne les autres produits et services couverts par les marques antérieures, le mot « clinique » a un caractère distinctif intrinsèque. En effet, il convient de rappeler que ce mot signifie « clinique » ou « hôpital privé » en français et qu’il est ainsi dépourvu de signification pour les produits en cause dans plusieurs États membres. Dans les langues qui possèdent un mot en quelque sorte similaire, le mot « clinique » serait perçu comme un mot étranger et ne serait pas descriptif des produits en cause.

–       Sur le risque de confusion

77      La requérante estime que l’appréciation globale des signes et des produits qu’ils désignent permet de conclure qu’il n’existe pas de risque de confusion en ce qui concerne l’origine des produits. Elle souligne, à cet égard, que les consommateurs des produits désignés par ces signes sont des personnes conscientes des achats effectués, en ce sens qu’il s’agit de consommateurs moyens de produits cosmétiques, pharmaceutiques ou d’aliments pour enfants qui sont attentifs aux produits et aux marques qui les désignent et que les produits et services couverts par les marques antérieures ont une destination totalement différente.

78      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

79      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et VENADO avec cadre e.a., point 23 supra, EU:T:2006:397, point 74).

80      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours pouvait conclure à bon droit qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. En effet, compte tenu de l’élément dominant des marques antérieures, de la nature négligeable, d’une part, du dessin de fleur et, d’autre part, de la présence de l’élément verbal « intimate » dans la marque demandée, ainsi que du degré d’attention du public pertinent, la chambre de recours a correctement conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit couvrant des produits identiques ou similaires. Ce risque de confusion est, par ailleurs, comme le relève la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée, plus probable pour le public pertinent anglophone et, compte tenu de la similitude phonétique entre les signes, il peut se présenter lorsque les produits sont vendus oralement (par exemple, dans les pharmacies) ou mentionnés dans des publicités à la radio, ou encore dans le cadre de conversations orales, qui sont susceptibles de donner lieu à une mémorisation imparfaite du signe.

81      La chambre de recours pouvait également considérer à bon droit que les marques antérieures jouissaient d’un degré élevé de caractère distinctif pour la même gamme de produits, qui, au regard des produits contestés, ont été jugés identiques ou similaires, que ce degré de connaissance était favorable à l’intervenante, et que, de ce fait, il serait alors encore plus difficile pour le public pertinent de différencier les marques en conflit.

82      Ces conclusions ne sauraient être mises en cause, comme le prétend la requérante, par la décision prise le 27 octobre 2010 par le comité d’arbitrage de l’Office des brevets de la République de Pologne. Quant à cette décision, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’OHMI n’est pas lié par les décisions que les autorités nationales ont rendu dans des affaires prétendument similaires [arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, Rec, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec, EU:T:2001:221, point 58].

83      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu estimer qu’il existait, en l’espèce, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il convient donc de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

84      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur de droit en appliquant l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Elle avance d’abord le fait que la coexistence pacifique entre la marque demandée et les marques antérieures sur le marché polonais démontre que la marque demandée ne peut nuire à la réputation des marques antérieures. Elle souligne, ensuite, que l’OHMI a, lors de son appréciation, omis de prendre en considération le fait que la marque demandée bénéficiait d’une renommée sur le territoire polonais et, donc, sur le territoire de l’Union. Elle prétend finalement que la renommée de la marque demandée en Pologne et dans le reste de l’Union établit que la chambre de recours a commis une erreur de droit en estimant que la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée des marques antérieures.

85      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

86      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

87      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec, EU:T:2007:93, points 34 et 35, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec, EU:T:2007:214, points 54 et 55].

88      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de vérifier si la chambre de recours a commis une erreur de droit en estimant que la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures.

89      En ce qui concerne la similitude entre la marque demandée et les marques antérieures, il a déjà été jugé ci-dessus qu’elles étaient similaires. Ainsi, les marques doivent également être considérées comme étant similaires en vue de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

90      Quant à la renommée des marques antérieures, la chambre de recours a adhéré à la conclusion figurant dans la décision de la division d’opposition, selon laquelle les marques antérieures ont une renommée pour les « produits de toilette et produits de soin pour le corps ; savons ; parfumerie ; huiles essentielles ; cosmétiques ; produits de soin pour les cheveux y compris les lotions ». Tout d’abord, il y a lieu de confirmer cette conclusion, qui, par ailleurs, n’a pas été contestée par la requérante.

91      Il convient aussi de rejeter comme inopérant l’argument selon lequel la marque demandée ne porterait pas préjudice aux marques antérieures. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la division d’opposition a écarté les arguments de l’intervenante selon lesquels la marque demandée porterait préjudice à la renommée ou au caractère distinctif des marques antérieures. La division d’opposition a, en revanche, constaté que la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ce qui a été confirmé par la chambre de recours.

92      Concernant, ensuite, l’argument fondé sur la coexistence des marques en conflit, il y a lieu de le rejeter.

93      Certes, selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux marques en conflit ou le risque de rapprochement entre deux marques en vertu de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Néanmoins, la jurisprudence précise qu’une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion ou l’absence de risque de rapprochement, dans l’esprit du public pertinent, entre la marque antérieure dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques (voir arrêt CITIGATE, point 39 supra, EU:T:2012:473, point 128 et jurisprudence citée). Le Tribunal a, de plus, indiqué que la coexistence de deux marques devait être suffisamment longue pour qu’elle puisse influer sur la perception du consommateur pertinent [voir arrêt du 10 avril 2013, Höganäs/OHMI – Haynes (ASTALOY), T‑505/10, EU:T:2013:160, point 47 et jurisprudence citée].

94      S’agissant de la portée géographique d’une coexistence, lorsque l’opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire se fonde sur une marque communautaire antérieure et que la coexistence de ladite marque antérieure avec une marque identique à la marque demandée est invoquée à l’appui de l’absence de risque de confusion entre les marques en cause, il importe à la partie invoquant cette coexistence de la prouver sur l’ensemble du territoire de l’Union (voir, arrêt ASTALOY, point 93 supra, EU:T:2013:160, point 49 et jurisprudence citée). En effet, si le risque de confusion existe potentiellement sur l’ensemble du territoire de l’Union en raison de la portée communautaire de la marque antérieure, l’absence de risque de confusion grâce à la coexistence de marques identiques aux marques en cause doit, à son tour, être établie sur l’ensemble du territoire de l’Union (voir arrêt ASTALOY, point 93 supra, EU:T:2013:160, point 49 et jurisprudence citée).

95      Il s’ensuit que, même à supposer que les marques antérieures dont la coexistence est invoquée soient identiques aux marques en cause, il convient de juger, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, que l’argument tiré de la coexistence des marques antérieures sur le marché polonais est dénué de pertinence, puisque, s’agissant d’une marque communautaire antérieure, la coexistence doit être établie à l’égard du public pertinent de l’Union.

96      Enfin, l’argument selon lequel la marque demandée bénéficierait d’une renommée élevée en Pologne et, ainsi, dans l’Union, doit être rejeté. En effet, la requérante n’a pas avancé d’arguments démontrant en quoi cela remettrait en cause les critères d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. De plus, la renommée de la marque demandée n’est pas un facteur à prendre en considération dans le cadre d’une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

97      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer les conclusions de la chambre de recours réitérant celles de la division d’opposition figurant au point 41 de la décision attaquée. En effet, au vu des éléments du dossier, il convient de juger que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures en ce qui concerne les produits visés par la décision attaquée.

98      Enfin, il convient de considérer que la requérante n’avance aucun argument visant à établir l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

99      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a correctement appliqué l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 et qu’il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans sa totalité.

100    Compte tenu de ces éléments, le présent recours doit être rejeté sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions de la requérante visant à obtenir la modification de la décision attaquée en enregistrant la marque « pour tous les produits et services » visés par cette dernière.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

102    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Harper Hygienics S.A. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et Clinique Laboratories, LLC.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le polonais.