Language of document : ECLI:EU:T:2015:859



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

18 novembre 2015 (*) (1)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale VIGOR – Marques communautaire et internationale figuratives antérieures VIGAR – Recevabilité des preuves de l’usage déposées sur CD-ROM – Prise en compte de preuves complémentaires non présentées dans le délai imparti – Usage sérieux des marques antérieures – Article 15 et article 57, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑361/13,

Menelaus BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant,

Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques, demeurant à Jesus Pobre (Espagne), représentés par Me E. Pérez Crespo,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 23 avril 2013 (affaire R 88/2012‑2), relative à une procédure de nullité entre, d’une part, Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques et, d’autre part, Menelaus BV,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2013,

vu le mémoire en réponse des intervenants déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2013,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et les réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 10 et 11 décembre 2014,

à la suite de l’audience du 21 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 avril 2005, la requérante, Menelaus BV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal VIGOR (ci-après la « marque contestée »).

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Petits ustensiles et récipients portatifs pour le ménage et la cuisine (non en métaux précieux ou en plaqué) ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; instruments et matériel de nettoyage ; paille de fer ; verrerie, porcelaine et faïence, ustensiles de nettoyage ; chiffons de nettoyage, éponges, brosses, chiffons à essuyer en laine, coton, fibres synthétiques, fourrure et peau d’agneau, chiffons de nettoyage avec ou sans produits de nettoyage, serviettes humides servant de serviettes de nettoyage ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 50/2005, du 12 décembre 2005.

5        La marque contestée a été enregistrée le 11 janvier 2008 sous le numéro 4 386 371.

6        Le 23 décembre 2010, les intervenants, Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques, ont introduit une demande en nullité dirigée contre la marque contestée, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Cette demande était dirigée contre l’ensemble des produits de la classe 21 énumérés au point 3 ci-dessus.

7        La demande des intervenants était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque communautaire figurative antérieure reproduite ci-après, déposée le 15 février 1999 et enregistrée le 10 février 2000, sous le numéro 1 075 910 pour les produits de la classe 21 correspondant à la description suivante : « Tout type de brosses et brosserie, tant pour le nettoyage que pour l’hygiène ; serpillières, balais, seaux, jattes, poubelles, éponges, pinces à linge, plumeaux, peignes et tampons » :

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–        l’enregistrement international de la marque figurative reproduite ci-après, demandé et obtenu le 26 octobre 1995, sous le numéro 646 636, désignant le Benelux, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Autriche, le Portugal et la Roumanie, pour les produits de la classe 21 correspondant à la description suivante : « Ustensiles et récipients pour le ménage et la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; matériel de nettoyage ; paille de fer ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes ; verre brut et mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) » :

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8        Le 13 janvier 2011, la requérante a invité les intervenants à prouver l’usage sérieux des marques antérieures.

9        Par décision du 10 novembre 2011 (ci-après la « décision de la division d’annulation »), la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité en considérant que l’usage sérieux des marques antérieures n’avait pas été prouvé à suffisance de droit.

10      Le 9 janvier 2012, les intervenants ont formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 23 avril 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a partiellement fait droit au recours et partiellement annulé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle a rejeté la demande en nullité pour l’ensemble des produits compris dans la classe 21, à l’exception des « matériaux pour la brosserie » et des « verrerie, porcelaine et faïence ». Elle a considéré, en substance, que l’usage sérieux des marques antérieures avait été prouvé pour l’ensemble des produits désignés par la marque communautaire antérieure et certains produits désignés par l’enregistrement international antérieur et qu’il existait un risque de confusion pour l’ensemble des produits de la classe 21 désignés par la marque contestée, à l’exception des « matériaux pour la brosserie » et des « verrerie, porcelaine et faïence ».

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter le recours des intervenants contre la décision de la division d’annulation ;

–        condamner l’OHMI et les intervenants aux dépens, y compris à ceux exposés par elle devant la chambre de recours.

13      L’OHMI et les intervenants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui du recours, la requérante avance six moyens. Le premier moyen est tiré, en, substance, d’une violation des règles procédurales concernant la production de la preuve de l’usage. Le deuxième moyen est tiré, en substance, de la prise en compte erronée d’un usage sous une forme altérant le caractère distinctif. Le troisième moyen est tiré de l’absence de preuve de l’usage pour tous les produits pour lesquels la marque communautaire antérieure a été enregistrée. Le quatrième moyen est tiré, en substance, de l’absence de preuve de l’usage sérieux pour tous les produits pour lesquels l’enregistrement international antérieur a été obtenu. Le cinquième moyen est tiré, en substance, de l’absence du droit de revendiquer l’enregistrement international antérieur. Le sixième moyen est tiré, en substance, d’une erreur consistant à admettre des éléments de preuve de l’usage sérieux présentés pour la première fois devant la chambre de recours.

15      Il convient de commencer par l’examen du premier moyen. Ensuite, le Tribunal estime utile d’examiner le sixième moyen avant les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, ces deux derniers se prêtant, par ailleurs, à être examinés ensemble. Ainsi, le Tribunal traitera d’abord les moyens permettant d’examiner si les considérations de la chambre de recours concernant la preuve de l’usage sont fondées s’agissant de la marque communautaire antérieure avant d’examiner quelles sont les conséquences à tirer de cet examen pour les moyens visant l’enregistrement international antérieur. Dans ce contexte, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, la marque communautaire antérieure et l’enregistrement international antérieur étant visuellement identiques, la chambre de recours, dans le contexte de l’examen de la preuve de l’usage, se réfère généralement sans distinction à « la marque antérieure ». Le Tribunal interprètera ces références comme visant la marque communautaire antérieure à moins qu’il ne soit évident qu’il est exclusivement fait référence à l’enregistrement international antérieur.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une violation des règles procédurales concernant la production de la preuve de l’usage

16      La requérante soutient, en substance, que l’utilisation de deux CD-ROM pour le dépôt des preuves devant la division d’annulation et d’un CD-ROM supplémentaire devant la chambre de recours n’est pas conforme à la règle 22, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, lue en combinaison avec les règles 79 et 79 bis dudit règlement. Il s’agirait donc de preuves irrecevables, comme l’aurait précédemment considéré une autre chambre de recours de l’OHMI dans une autre affaire.

17      L’OHMI, soutenu par les intervenants, fait valoir, en substance, d’une part, que les modalités et les moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque ne sont pas limités et, d’autre part, que les règles procédurales en cause n’excluent pas un tel dépôt.

18      À cet égard, il découle du considérant 10 du règlement n° 207/2009 que le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci avait effectivement été utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 57, paragraphes 2 et 3, dudit règlement prévoit que le titulaire d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent le dépôt de la demande en nullité ainsi que, le cas échéant, pour la période de cinq ans qui précède la publication de la demande de marque communautaire.

19      Il ressort des points 6 et 20 de la décision attaquée que, en réponse à la demande de la requérante de prouver l’usage sérieux des marques antérieures, les intervenants ont déposé devant la division d’annulation deux CD-ROM contenant notamment des photographies, des factures, des catalogues et des impressions de page Internet. La division d’annulation ayant toutefois considéré que l’usage sérieux devait être démontré de façon cumulative pour les deux périodes visées à l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, à savoir, en l’espèce, la période comprise entre le 12 décembre 2000 et le 11 décembre 2005 inclus (cinq ans avant la publication de la demande de marque communautaire, ci-après la « première période ») et celle comprise entre le 23 décembre 2005 et le 22 décembre 2010 inclus (cinq ans avant le dépôt de la demande en nullité, ci-après la « seconde période »), et qu’aucune preuve n’avait été présentée en ce qui concerne la première période de sorte que la demande en nullité devait être rejetée, les intervenants ont déposé, dans le cadre de la procédure de recours devant la chambre de recours, un nouveau CD-ROM contenant, entre autres documents, plusieurs factures relatives aux années 2001 à 2010, comme cela est précisé au point 40 de la décision attaquée.

20      La chambre de recours a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis. Comme cela est indiqué au point 22 de la décision attaquée, la de recours a écarté l’argument de la requérante critiquant le fait que les preuves ont été présentées sur un CD-ROM au motif que cela aurait rendu extrêmement difficile leur examen, en considérant, en substance, que ledit argument ne suffisait pas à invalider la valeur probante du contenu des CD-ROM en cause.

21      À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, en réponse à une question écrite du Tribunal et à l’audience, l’OHMI a confirmé ne pas maintenir, à l’encontre de ce moyen, le grief d’irrecevabilité mentionné dans le mémoire en réponse selon lequel la requérante ne pourrait avancer pour la première fois devant le Tribunal le caractère inapproprié d’un dépôt de preuves par le biais d’un CD-ROM.

22      En tout état de cause, le Tribunal précise qu’il considère que le moyen est recevable. En effet, la chambre de recours ayant appliqué les règles de procédure en cause en acceptant d’examiner les éléments de preuve déposés sur CD-ROM, cette question fait partie du litige devant elle. Dès lors, la requérante peut soulever ce moyen pour la première fois devant le Tribunal, son examen n’étant pas contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

23      Quant au fond, la règle 22 du règlement n° 2868/95, applicable dans les procédures en nullité, ainsi qu’il ressort de la règle 40, paragraphe 6, dudit règlement, indique en son paragraphe 4 que « [l]es preuves sont produites conformément aux règles 79 et 79 bis et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites ».

24      Il résulte de cette disposition que la liste de moyens de preuve (emballages, catalogues, factures, etc.) qu’elle contient n’est pas exhaustive, étant donné qu’elle indique que ceux-ci « se limitent, en principe, » à la liste d’exemples indiquée.

25      En outre, la jurisprudence confirme que les modalités et les moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque ne sont pas limités [arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, Rec, EU:T:2011:480, point 46]. Il ressort dudit arrêt que le Tribunal a voulu rappeler, en substance, que les moyens de preuve de l’usage d’une marque étaient multiples en réponse à l’argument de l’intervenante dans cette affaire visant la difficulté de rassembler des moyens de preuve typiques, tels que des photographies ou des publicités, compte tenu de la spécificité du marché et de la clientèle commerciale visée.

26      Au-delà du contexte de cette dernière affaire, il est toutefois clair que des moyens de preuve tels que du matériel audio ou vidéo, comme des annonces publicitaires radiodiffusées ou télédiffusées, ne sont pas exclus. Or, ceux-ci sont généralement disponibles sur un support informatique comme un CD-ROM ou une clé USB et ne peuvent pas être présentés sur un support en papier ou dans un fichier numérisé d’un tel document.

27      Il en va autrement des moyens de preuve contestés en l’espèce, tels des factures ou un catalogue (voir le point 19 ci-dessus), qui auraient pu être déposés sur un support en papier ou par le biais d’un fichier contenant des documents scannés, mais qui ont été stockés sur un CD-ROM pour être déposés.

28      Même si, certes, les principes rappelés aux points 23 à 26 ci-dessus ne s’opposent pas à des éléments de preuve sous forme de CD-ROM, la question soulevée concerne avant tout celle des modalités de transmission à l’OHMI d’éléments de preuve.

29      Toutefois, les dispositions du règlement n° 2868/95 qui concernent spécifiquement la transmission de communications à l’OHMI et que la requérante invoque ne s’opposent pas à la transmission d’éléments de preuve sur CD-ROM, contrairement à ce qu’elle allègue.

30      À cet égard, il ressort de la règle 22, paragraphe 4, du règlement n° 2868/95, citée au point 23 ci-dessus, que la production des preuves se fait conformément aux règles 79 et 79 bis dudit règlement.

31      La règle 79 du règlement n° 2868/95 énonce :

« Les demandes d’enregistrement d’une marque communautaire ainsi que les autres demandes prévues par le règlement et toutes les autres communications adressées à l’[OHMI] sont transmises à ce dernier de la manière suivante :

a)      par la transmission à l’[OHMI] d’un original signé du document correspondant par voie postale, par voie de signification ou par tout autre moyen ;

b)      par la transmission d’un document par télécopieur, conformément à la règle 80 ;

[…]

d)      par la transmission du contenu de la communication par des moyens électroniques, conformément à la règle 82. »

32      Comme l’OHMI le précise à juste titre, le cas d’espèce ne relève pas de la règle 79, sous b), du règlement n° 2868/95, qui concerne les transmissions par télécopieur, ni de la règle 79, sous d), du même règlement concernant les transmissions par moyen électronique, les CD-ROM en cause ayant été transmis en annexe à un document signé envoyé par voie postale. C’est, en effet, la règle 79, sous a), du règlement n° 2868/95 qui vise une telle hypothèse, sans toutefois limiter les types de support permettant de stocker des éléments de preuve produits en annexe à de telles soumissions.

33      Cette analyse n’est pas contredite par la règle 79 bis du règlement n° 2868/95 qui précise quant aux annexes des communications écrites visées à la règle 79, sous a), que, « [l]orsqu’un document ou un élément de preuve est transmis conformément à la règle 79, [sous] a), par une partie à une procédure devant l’[OHMI] impliquant plus d’une partie à la procédure, le document ou l’élément de preuve, ainsi que toute annexe de celui-ci, sont transmis en autant d’exemplaires que de parties à la procédure ». Or, en l’espèce, le respect de ladite règle 79 bis a été assuré par la soumission de deux exemplaires des CD-ROM en cause, à la demande de l’OHMI, dont un exemplaire a été transmis à la requérante.

34      Certes, il n’est pas exclu que la présentation de preuves sur un CD-ROM contenant plusieurs fichiers électroniques puisse rendre plus difficile l’analyse des éléments de preuve ainsi présentés par rapport à un support en papier ou à un simple fichier contenant une version scannée de documents, permettant aisément leur reproduction à l’identique par l’impression.

35      À cet égard, il appartient aux parties procédant au dépôt des preuves de l’usage sur des CD-ROM de s’assurer que la lisibilité de ceux-ci ne compromet pas leur valeur probante.

36      Or, en l’espèce, la requérante n’a pas soulevé une quelconque atteinte à ses droits de la défense qui aurait pu être occasionnée par la modalité de transmission des preuves en cause. Par ailleurs, comme la chambre de recours l’a considéré à juste titre (voir le point 20 ci-dessus), la valeur probante du contenu des CD-ROM n’est pas remise en cause, les documents numérisés, stockés dans les fichiers électroniques qu’ils contiennent, étant identifiables et lisibles.

37      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante tiré de la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 26 octobre 2012 [affaire R 1259/2011‑4, Miquel Alimentcio Grup, SA v. Aldo GmbH & Co. KG (GOURMET)] dans le cadre de laquelle la preuve de l’usage présentée sur un CD-ROM a été rejetée comme contraire aux dispositions applicables, au motif, en substance, qu’il s’agissait d’une modalité de transmission non prévue par celles-ci, il y a lieu de rappeler que le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’OHMI.

38      En outre, la jurisprudence confirme que, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, points 73 à 75).

39      Or, il ressort de l’analyse qui précède que l’approche de la chambre de recours en l’espèce est conforme au droit applicable, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer une décision contraire d’une autre chambre de recours.

40      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré, en substance, d’une erreur consistant à admettre des éléments de preuve de l’usage sérieux présentés pour la première fois devant la chambre de recours

41      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’a pas fait un usage approprié du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 en considérant comme recevables de nouvelles preuves de l’usage sérieux soumises par les intervenants pour la première fois devant elle. Les intervenants n’auraient produit devant la division d’annulation aucune preuve de l’usage sérieux relative à la première période et ils auraient donc été forclos à présenter devant la chambre de recours des éléments de preuve nouveaux concernant cette période. Les conditions pour l’exercice du pouvoir d’appréciation de cette dernière pour admettre ou non des preuves supplémentaires présentées tardivement n’auraient donc pas été remplies en l’espèce.

42      L’OHMI, soutenu par les intervenants, conteste ces arguments. Il rappelle que, pour autant que les éléments initialement produits dans le délai imparti aient été considérés comme pertinents aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure, la chambre de recours peut faire usage du pouvoir d’appréciation dont l’investit l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 pour tenir compte de preuves supplémentaires à un stade ultérieur de la procédure, ce qu’elle aurait fait en l’espèce. Il ajoute, par ailleurs, en substance, que, même si les éléments de preuve déposés initialement devant la division d’annulation étaient totalement dépourvus de pertinence aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque pendant la première période, cela n’aurait pas privé la chambre de recours de la possibilité d’exercer son pouvoir d’appréciation pour accepter des preuves supplémentaires si des preuves avaient initialement été déposées pour la seconde période, la règle 40, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95 ne faisant pas de distinction entre les deux périodes.

43      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, tenant compte des éléments de preuve produits devant la division d’annulation dans le délai imparti, l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure avait été prouvé pour la seconde période sur la base, en substance, de factures couvrant les années 2006 à 2010 adressées à différentes entreprises de l’Union européenne, des catalogues et de certaines impressions de pages Internet (points 20, 24, 25 et 32). Elle a toutefois considéré que lesdits éléments de preuve ne permettaient pas de prouver un tel usage pour la première période car les impressions de pages Internet démontrant un début d’activité commerciale dans les années 80 pour Casa Vigar SL, à savoir une société dont les intervenants seraient les administrateurs et les propriétaires, un catalogue daté de 2003 et l’illustration d’un camion identifiable comme remontant à une période antérieure à 2000 ne suffisaient pas à apprécier l’importance de l’usage qui a pu être fait des marques au cours de cette période (point 34).

44      Elle a précisé, ensuite, que les autres éléments de preuve de l’usage sérieux présentés par les intervenants dans le cadre de la procédure de recours étaient manifestement tardifs parce qu’ils avaient été produits après l’expiration du délai imparti par l’OHMI en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95 (point 35).

45      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que, même si les preuves produites devant la division d’annulation concernaient essentiellement la seconde période, il existait des indications selon lesquelles la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage avant cette période, bien que l’importance de cet usage n’ait pas pu être établie (point 39).

46      Elle a considéré, enfin, en se référant à son pouvoir d’appréciation, qu’il y avait lieu de prendre en compte les preuves supplémentaires présentées devant elle, en substance, parce qu’elles complétaient celles présentées devant la division d’annulation, notamment en ce qui concerne la première période (points 40 et 41).

47      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 dispose que l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

48      Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement n° 207/2009, et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits, c’est-à-dire en dehors du délai imparti par la division d’annulation et, le cas échéant, pour la première fois devant la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec, EU:C:2007:162, point 42, et du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, Rec, EU:C:2013:484, point 22).

49      En précisant que l’OHMI « peut » décider de ne pas tenir compte de faits et preuves tardivement invoqués ou produits, l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 investit l’OHMI d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre ceux-ci en compte (arrêts OHMI/Kaul, point 48 supra, EU:C:2007:162, points 43 et 68, et New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 48 supra, EU:C:2013:484, point 23).

50      S’agissant, plus précisément, de la production de preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure dans le cadre de procédures de nullité, il y a lieu de relever que, si l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 prévoit que, sur requête du titulaire de la marque communautaire, le titulaire d’une marque communautaire antérieure, partie à la procédure en nullité, apporte la preuve de l’usage sérieux de celle-ci, à défaut de quoi la demande en nullité est rejetée, ledit règlement ne comporte pas de disposition à l’effet de préciser le délai dans lequel de telles preuves doivent être apportées.

51      En revanche, la règle 40, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95 prévoit, à cet égard, que, dans le cas où une telle requête est présentée, l’OHMI demande au titulaire de la marque antérieure de fournir la preuve de l’usage de la marque ou de l’existence de justes motifs pour son non-usage au cours d’un délai qu’il précise.

52      Ensuite, il convient de rappeler que cette règle 40, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95 précise également, à sa seconde phrase, que, si la preuve de l’usage de la marque n’est pas apportée dans le délai ainsi imparti par l’OHMI, la demande en nullité est rejetée. Or, s’il découle, certes, du libellé de ladite disposition que, lorsqu’aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’OHMI, le rejet de la demande en nullité doit être prononcé d’office par ce dernier, une telle conclusion ne s’impose en revanche pas lorsque des éléments de preuve de cet usage ont bien été produits dans ledit délai (voir, par analogie, arrêt New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 48 supra, EU:C:2013:484, point 28).

53      En pareil cas, en effet, et à moins qu’il n’apparaisse que lesdits éléments sont dépourvus de toute pertinence aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque, la procédure est appelée à suivre son cours. Ainsi, l’OHMI est notamment appelé, comme le prévoit l’article 57, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, à inviter les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter leurs observations sur les notifications qu’il leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties. Dans un tel contexte, si un rejet de la demande en nullité vient à être ultérieurement prononcé du fait d’une absence de preuve suffisante de l’usage sérieux de la marque antérieure, ce rejet procède non d’une application de la règle 40, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, disposition de nature essentiellement procédurale, mais exclusivement de l’application de la disposition de fond figurant à l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (voir, par analogie, arrêt New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 48 supra, EU:C:2013:484, point 29).

54      Il découle de ce qui précède que, lorsque des éléments de preuve considérés comme pertinents aux fins de l’établissement de l’usage de la marque en cause ont été produits dans le délai imparti par l’OHMI en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, la production de preuves supplémentaires d’un tel usage demeure possible après l’expiration dudit délai. En pareil cas, il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte des preuves ainsi tardivement produites en faisant usage du pouvoir d’appréciation dont l’investit l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (voir, par analogie, arrêt New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 48 supra, EU:C:2013:484, point 30).

55      S’agissant de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’OHMI aux fins de la prise en compte éventuelle de preuves produites tardivement, il convient de relever qu’une telle prise en compte par l’OHMI, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’annulation, est, en particulier, susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de la demande d’annulation formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (voir, par analogie, arrêts OHMI/Kaul, point 48 supra, EU:C:2007:162, point 44, et New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 48 supra, EU:C:2013:484, point 33).

56      Or, en l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, les intervenants ont produit, dans le délai que leur a imparti la division d’annulation, des preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure qui toutefois n’ont pas été jugées suffisantes par cette dernière pour la première période.

57      En outre, comme indiqué au point 40 de la décision attaquée, les éléments de preuve tardivement produits par les intervenants ont trait, d’une part, à plusieurs factures relatives aux années 2001 à 2010 et concernant un large éventail d’articles de ménage et de cuisine, émises par Casa Vigar, adressées à des entreprises établies dans différents États membres de l’Union et sur lesquelles le signe en cause apparaît ainsi que, d’autre part, à quelques factures adressées à Casa Vigar pour son stand dans différents salons en 2004 et 2005 ou une publicité publiée en 2005.

58      Force est de constater que de tels éléments de preuve, en complément de ceux initialement produits, à savoir, notamment, s’agissant de la première période, d’impressions de pages Internet démontrant un début d’activité commerciale pour Casa Vigar dans les années 80, un catalogue daté de 2003 et l’illustration d’un camion identifiable comme remontant à une période antérieure à 2000 (voir le point 43 ci-dessus), sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure pendant la première période.

59      Par ailleurs, le stade de la procédure auquel était intervenue la production de ces éléments de preuve supplémentaires et les circonstances ayant entouré celle-ci ne s’opposaient pas à une telle production. En outre, il ne ressort pas du dossier que les intervenants aient abusé des délais impartis en recourant sciemment à des tactiques dilatoires ou en faisant manifestement preuve de négligence, mais que ceux-ci se sont bornés à produire des pièces complémentaires après que les éléments de preuve qu’ils avait initialement produit avaient été jugés insuffisants par la division d’annulation.

60      Dès lors, la chambre de recours a fait un usage approprié de son pouvoir d’appréciation en tenant compte des éléments de preuve soumis pour la première fois devant elle.

61      Il s’ensuit que, les conditions prévues par la jurisprudence mentionnée aux points 54 et 55 ci-dessus étant remplies, le sixième moyen doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’argument de l’OHMI, explicité au point 42 ci-dessus, tiré de l’absence d’obligation de distinguer les deux périodes au fin de l’exercice du pouvoir d’appréciation.

 Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de la prise en compte erronée d’un usage sous une forme altérant le caractère distinctif

62      Ce moyen concerne la prise en compte par la chambre de recours, aux points 25 à 31 de la décision attaquée, des éléments de preuve de l’usage contenant notamment la représentation de deux signes, parfois dans des couleurs différentes. La première représentation est la suivante :

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63      La seconde représentation prise en compte se présente comme suit :

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64      La requérante soutient que les intervenants ont utilisé la marque communautaire antérieure sous une forme qui en altère le caractère distinctif de sorte que les signes tels qu’utilisés ne seront pas perçus comme une simple variante de ladite marque, mais comme un signe complexe composé de plusieurs éléments. Selon elle, en substance, une simple comparaison visuelle confirme que les signes en cause ne sont pas globalement équivalents. Elle relève notamment l’absence de certains éléments de la marque communautaire telle qu’elle a été enregistrée et l’ajout d’éléments ne figurant pas dans l’enregistrement, dont notamment les trois points au-dessus du mot « vigar ». De plus, la couronne à trois pointes constituerait un élément important de la marque communautaire antérieure telle qu’elle a été enregistrée et ne saurait être considérée comme étant simplement décorative ou banale. Enfin, le fond ovale jouerait un rôle important.

65      L’OHMI, soutenue par les intervenants, conteste cette analyse.

66      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 prévoit qu’est également considéré comme un usage afin d’établir la preuve d’un usage sérieux d’une marque antérieure l’usage sous une forme « qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ».

67      L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce. En revanche, l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 ne permet pas au titulaire d’une marque enregistrée de se soustraire à l’obligation qui lui incombe de faire usage de cette marque en invoquant à son bénéfice l’utilisation d’une marque similaire faisant l’objet d’un enregistrement distinct [arrêts du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, Rec, EU:T:2006:65, point 50, et du 21 juin 2012, Fruit of the Loom/OHMI – Blueshore Management (FRUIT), T‑514/10, EU:T:2012:316, point 28].

68      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque (voir arrêt FRUIT, point 67 supra, EU:T:2012:316, point 29 et jurisprudence citée).

69      Il y a également lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 6 septembre 2013, Leiner/OHMI – Recaro (REVARO), T‑349/12, EU:T:2013:412, point 23 et jurisprudence citée].

70      En l’espèce, comme la chambre de recours l’a relevé au point 29 de la décision attaquée, la marque communautaire antérieure telle qu’enregistrée (voir le point 7 ci-dessus) est constituée du mot « vigar » écrit en lettres majuscules standard sur un fond ovale noir, la forme ovale étant surmontée d’une couronne noire. Le mot « vigar » est un mot inventé et possède donc un caractère distinctif intrinsèque. En outre, d’une part, un ovale est une forme géométrique simple couramment utilisée, d’autre, part, en ce qui concerne le fond, le noir est une couleur de base et, par ailleurs, une couronne est un signe laudatif, lequel correspond, en l’espèce, à l’une des stylisations les plus simples. Enfin, le fait que la couronne soit noire donne l’impression qu’elle a un certain lien avec le fond ovale noir.

71      Dès lors, compte tenu du fait que le mot « vigar » était le seul élément verbal, de son caractère distinctif intrinsèque, de sa position centrale et du fait que les autres éléments soulignaient sa présence, la chambre de recours a considéré à juste titre que ce mot était l’élément dominant et le plus distinctif de la marque antérieure.

72      Ensuite, quant aux signes tels qu’utilisés, s’agissant d’abord de la première forme d’utilisation reproduite au point 62 ci-dessus, comme la chambre de recours le relève au point 31 de la décision attaquée, on y retrouve le mot « vigar », placé dans un fond ovale noir avec une série de trois points de tailles différentes, le plus gros étant naturellement placé sur la lettre « i ». Compte tenu du fait que le mot « vigar » est le seul élément verbal, de son caractère distinctif intrinsèque, de sa position centrale et du fait que les autres éléments soulignent sa présence, ce mot est l’élément dominant et le plus distinctif.

73      Or, ce signe ne diffère de la marque antérieure telle qu’enregistrée que dans l’orientation ascendante de son fond ovale, dans l’utilisation de minuscules standards plutôt que de majuscules standards et dans le remplacement de la couronne par une série de trois points. Comme la chambre de recours l’a considéré à juste titre, une orientation différente du même fond, l’utilisation de majuscules ou de minuscules lorsqu’il s’agit de caractères standard qui reproduisent le même mot ou le remplacement d’un élément laudatif par un élément ornemental (la série de points), alors que ces deux éléments renforcent le mot « vigar », sont des différences mineures n’altérant pas le caractère distinctif de la marque communautaire antérieure telle qu’elle a été enregistrée.

74      Cette conclusion n’est pas remise en cause si on tient compte de la deuxième forme d’utilisation, reproduite au point 63 ci-dessus, dans la mesure où, même si, dans ce cas, le fond de base disparaît et le mot « spain » est présent, ce dernier sera compris comme un ajout purement descriptif.

75      Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas méconnu la jurisprudence selon laquelle ce n’est que si l’élément de la marque antérieure telle qu’enregistrée et qui est omis dans les signes tels qu’utilisés occupe une place secondaire et non distinctive, que son omission n’altère pas le caractère distinctif de la marque [arrêt du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus), T‑135/04, Rec, EU:T:2005:419, point 37]. En effet, il résulte de l’analyse qui précède que les éléments figuratifs de la marque antérieure telle qu’enregistrée, à savoir la couronne et le fond ovale, occupent une place secondaire.

76      Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de preuve de l’usage pour tous les produits pour lesquels la marque communautaire antérieure a été enregistrée

77      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, et l’article 75 dudit règlement, en n’ayant pas suffisamment motivé sa conclusion selon laquelle la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux en ce qui concerne l’ensemble des produits pour lesquels elle est enregistrée. Selon elle, en substance, la chambre de recours aurait dû fournir une motivation spécifique pour chacun des produits et faire référence de façon détaillée aux éléments de preuve présentés. Pour la seconde période, elle relève notamment que la décision attaquée se limite à des affirmations banales en n’indiquant pas à quel moment, à quel endroit, pour combien de temps, dans quelle mesure et sur quel territoire les produits prétendument concernés ont effectivement été commercialisés. Quant à la première période, la chambre de recours ne se référerait que de manière indirecte aux éléments de preuve.

78      L’OHMI, soutenu par les intervenants, ne partage pas cette analyse et considère que la motivation fournie par la chambre de recours est suffisante et que sa conclusion est fondée.

79      Force est de relever que l’argumentation avancée par la requérante vise, sans réelle distinction, d’une part, l’obligation pour la chambre de recours de motiver sa conclusion selon laquelle la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux en ce qui concerne l’ensemble des produits pour lesquels elle est enregistrée conformément à l’article 75 du règlement n° 207/2009 et, d’autre part, le bien-fondé de cette conclusion.

80      En premier lieu, s’agissant dudit article 75 du règlement n° 207/2009, il y a lieu de rappeler que les décisions de l’OHMI doivent être motivées, obligation qui a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 12 juillet 2012, Gucci/OHMI – Chang Qing Qing (GUDDY), T‑389/11, EU:T:2012:378, point 16 et jurisprudence citée].

81      Or, en l’espèce, la chambre de recours a décrit au point 20 de la décision attaquée, les éléments de preuve déposés devant la division d’annulation et les a analysés, au point 24, avant de conclure, au point 32, que, à son avis, on pouvait exclure sur leur base un usage purement symbolique de la marque communautaire antérieure pendant la deuxième période. Quant à la première période, elle a décrit les éléments y relatifs déposés initialement, au point 34, en relevant leur caractère insuffisant pour apprécier l’importance de l’usage pendant la première période. Ensuite, au point 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a expliqué quels éléments de preuve ont été déposés pour la première fois devant elle en complément de ceux déposés initialement pour en conclure, au point 41, que, ainsi, la preuve d’un usage sérieux de la marque communautaire antérieure avait été apportée pour l’ensemble des produits désignés par celle-ci pendant les deux périodes.

82      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce raisonnement de la chambre de recours lui permet de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre ses droits. Par ailleurs, il permet au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée quant à la question de savoir si la chambre de recours a considéré à juste titre que, compte tenu des éléments de preuve pris en compte par elle, l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure était prouvé à suffisance de droit.

83      Quant au fond, en vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 37].

84      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 dudit règlement, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique pour justifier l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 mars 2003, Goulbourn/OHMI – Redcats (Silk Cocoon), T‑174/01, Rec, EU:T:2003:68, point 38]. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt VITAFRUIT, point 83 supra, EU:T:2004:225, point 38).

85      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, point 43).

86      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 83 supra, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 85 supra, EU:C:2003:145, point 43).

87      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts VITAFRUIT, point 83 supra, EU:T:2004:225, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec, EU:T:2004:223, point 35].

88      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts VITAFRUIT, point 83 supra, EU:T:2004:225, point 42, et HIPOVITON, point 87 supra, EU:T:2004:223, point 36).

89      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 16 juillet 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Stal-Florez Botero (la nana), T‑196/13, EU:T:2014:674, point 25 et jurisprudence citée].

90      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé au point 55 de la décision attaquée que la preuve de l’usage sérieux avait été rapportée pour les produits de la classe 21 couverts par la marque communautaire antérieure (voir le point 7 ci-dessus) pour la première et la seconde période.

91      Force est de relever, à titre liminaire, que les preuves fournies sur les CD-ROM présentent certaines failles. Ainsi, des catalogues et des photos de stand d’exhibitions sont fournis, triés dans des fichiers par année, mais il n’est pas possible de déduire des images à quelle année ceux-ci se réfèrent, ni où les photos ont été prises. Par ailleurs, certains documents sont en espagnol sans qu’une traduction ait été fournie. La chambre de recours reconnaît toutefois cette faiblesse, parmi d’autres, des preuves fournies, mais a procédé, en substance, à une analyse globale qui repose de manière principale sur les factures fournies pour les années 2001 à 2010, ce qui est conforme à la jurisprudence rappelée au point 88 ci-dessus.

92      La requérante considère, en substance, que la chambre de recours n’a pas légalement pu conclure à la preuve d’un usage suffisant de la marque communautaire antérieure pour tous les produits visés par celle-ci en ce que, d’une part, elle s’est référée à ces produits sans distinction et, d’autre part, elle n’a donné, pour la période allant de 2005 à 2010, aucune indication précise quant au moment, à l’endroit, à la durée, à l’importance et au territoire de commercialisation effective. Par ailleurs, pour la période allant de 2000 à 2005, la chambre de recours ne se référerait que de manière très indirecte aux éléments de preuve.

93      Quant au premier de ces griefs, relatif à la référence globale faite par la chambre de recours à une catégorie de produits sans distinction, force est de relever que, comme l’OHMI le fait valoir, aux points 56 à 60 de la décision attaquée, dans le cadre de l’analyse du risque de confusion, la chambre de recours a comparé les produits couverts par les marques en cause en se référant pour la marque communautaire antérieure à des « brosses, tant pour le nettoyage que pour l’hygiène », désignés par la marque communautaire antérieure ainsi qu’à des « serpillières, balais, seaux, poubelles, éponges » et à des « plumeaux, peignes et tampons », qui sont tous compris dans la liste des produits visés par celle-ci. C’est donc par rapport à ces produits qu’il doit être établi que la preuve de l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure a été apportée.

94      Or, comme la chambre de recours le relève au point 24 de la décision attaquée, les factures pour la période allant de 2006 à 2010 couvrent un large éventail d’articles de ménage et de cuisine. On y trouve des références expresses à des balais et à des brosses ainsi qu’à des éponges parmi d’autres produits. Il en va de même pour les factures relatives aux années 2001 à 2010 (y inclus des factures relatives à la première période), sur le CD-ROM présenté pour la première fois à la chambre de recours, ainsi que la chambre de recours l’indique au point 40 de la décision attaquée.

95      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ces articles de ménage et de cuisine ne constituent pas une catégorie suffisamment large pour qu’il faille y distinguer des sous-catégories par rapport auxquelles une utilisation effective devait spécifiquement être prouvée. Il y a plutôt lieu de considérer qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de cette catégorie de produits, conformément à la jurisprudence qu’elle invoque [arrêt du 16 mai 2013, Aleris/OHMI – Carefusion 303 (ALARIS), T‑353/12, EU:T:2013:257, point 18]. Il n’était donc pas nécessaire pour la chambre de recours de décrire l’utilisation effective par produit spécifique mentionné au point 93 ci-dessus.

96      Ensuite, s’agissant des autres griefs de la requérante, il y a lieu de rappeler les constatations de la chambre de recours pour les deux périodes en cause dans la décision attaquée.

97      S’agissant de la seconde période, la chambre de recours a considéré aux points 24 et 25 de la décision attaquée ce qui suit :

« 24      Les factures présentées, qui couvrent les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, sont adressées à différentes entreprises de l’[Union]. Elles démontrent une activité commerciale continue dans l’[Union]. Ceci est confirmé par le contenu de certaines des impressions de pages Internet, qui suggèrent que l’entreprise est reconnue comme un chef de file national dans son secteur et est l’une des entreprises de référence au niveau international (voir par exemple, www.housewares.org, www.hktdc.com, www.lasprovincias.es ou www.einforma.com. certaines de ces impressions de pages Internet étant rédigées en anglais). Les produits identifiés dans la section ‘description’ de ces factures couvrent un large éventail d’articles de ménage et de cuisine, comme des éponges, des balais, des brosses, des chiffons, des serpillières, des gants en caoutchouc, des tabliers, des tapis de sol, des gants, des supports pour torchons de cuisine, des arrosoirs, des seaux, des paniers ou des poubelles. Ces types de produits apparaissent également dans les catalogues et sont mentionnés dans certaines impressions de pages Internet (voir, notamment, www.brushexpert.com ou www.cesserdigital.net). Même si certaines de ces factures, à savoir celles émises en Espagne, n’ont pas été traduites en anglais, comme le souligne le titulaire de la marque communautaire, la chambre de recours considère que ces produits peuvent être identifiés en tenant compte de l’ensemble des preuves produites, essentiellement en se référant aux illustrations dans les catalogues, que les factures émises dans les autres territoires sont rédigées en anglais, que la plupart des catalogues comprennent des descriptions de produits dans ces deux langues (espagnol et anglais) et que certaines impressions de pages Internet sont également en anglais.

25      Les factures et les catalogues présentés, ainsi que certaines impressions de pages Internet contiennent la représentation des signes [mentionnés dans les points 62 et 63 ci-dessus] (parfois, dans des couleurs différentes). L’utilisation de ces signes dans ces documents [dans l’en-tête des factures, sur les pages des catalogues, voire sur l’emballage des produits apparaissant sur les images dans les catalogues (virtuels)] est considérée comme un usage de ces signes en tant que marque […] »

98      S’agissant de la première période, la décision attaquée relève d’abord les éléments suivants : un catalogue daté de 2003 ainsi que l’illustration d’un camion comportant la marque telle qu’enregistrée pour lequel il peut apparemment être déduit, grâce à la plaque minéralogique, que l’image remonte à une période antérieure à 2000, preuves déjà soumises devant la division d’annulation.

99      La chambre de recours a toutefois aussi pris en compte les factures supplémentaires relatives aux années 2001 à 2005. Au point 40 de la décision attaquée, elle relève à cet égard ce qui suit :

« Les demandeurs en nullité ont présenté à la chambre de recours un nouveau CD[-ROM] contenant, entre autres documents, plusieurs factures relatives aux années 2001 à 2010, émises par Casa Vigar […] et adressées à des entreprises établies dans différents États membres de l’[Union], où le signe [mentionné dans le point 62 ci-dessus] apparaît et où les produits désignés dans la section ‘description’ desdites factures couvrent un large éventail d’articles de ménage et de cuisine, tels que des éponges, des balais, des brosses, des chiffons, des serpillières ou des seaux ; ainsi que quelques factures adressées à Casa Vigar […] pour son stand dans différents salons (Francfort 2004, Milan 2005, Paris 2005) ou une publicité publiée dans ‘Top Fair’ en 2005. Par conséquent, la chambre de recours considère que les preuves qui lui ont été présentées complètent celles présentées devant la division d’annulation, celles-ci étant supplémentaires par rapport à celles-là. »

100    À cet égard, quant à la première période, allant de 2000 à 2005, la requérante n’a pas tort de relever le caractère général et abstrait des commentaires de la chambre de recours. Par ailleurs, pour les deux périodes, force est de relever que la décision attaquée ne contient pas d’analyse concrète quant à l’importance du chiffre d’affaires réalisé pour les produits en cause.

101    Interrogé à cet égard lors de l’audience, l’OHMI a fait valoir qu’il y avait lieu de distinguer ce que les intervenants devaient prouver et les conclusions que la chambre de recours devait en tirer. Les éléments de preuve devraient permettre une quantification de l’usage, mais la chambre de recours ne serait tenue que d’en tirer les conséquences juridiques sans devoir quantifier l’usage.

102    Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que la chambre de recours doit étayer aussi bien ses constatations de fait que les conclusions juridiques qu’elle en tire, conformément aux principes rappelés aux points 83 à 89 ci-dessus.

103    Il convient toutefois d’ajouter que la jurisprudence accepte qu’un usage même minime peut être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque et qu’il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, le seuil quantitatif qui devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’OHMI ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée [voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2014, Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, EU:T:2014:614, point 25 et jurisprudence citée].

104    Or, force est de relever que, en l’absence de toute analyse quantifiée de l’usage dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas établi que les éléments de preuve soumis par les intervenants démontraient plus qu’un usage minime de la marque communautaire antérieure. Le grief de la requérante selon lequel l’importance de l’usage n’est pas démontrée à suffisance de droit est donc fondé.

105    Cependant, cette analyse ne doit pas mener à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où l’examen des éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours s’est fondée permet de conclure que les conditions de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95 sont remplies.

106    Ainsi, comme l’OHMI le fait valoir devant le Tribunal, ces éléments de preuve permettent de faire les constatations reprises ci-après.

107    Premièrement, les chiffres de vente relatifs à l’ensemble des produits désignés par la marque VIGAR pour les années 2000 à 2011 atteignent au moins 6 millions d’euros par an.

108    Cependant, ces chiffres ne sont pas ventilés par produit et il s’agit d’une preuve apportée à l’époque du recours devant l’OHMI par un employé des intervenants. Cette preuve ayant été produite par une personne ayant un lien étroit avec ces derniers, elle a une valeur probante de moindre importance et ne peut, à elle seule, suffire à prouver l’usage suffisant (voir arrêt la nana, point 89 supra, EU:T:2014:674, point 32 et jurisprudence citée).

109    Deuxièmement, les montants des ventes résultant des factures produites montrent que les chiffres de vente peuvent être principalement ventilés en deux catégories de produits, les balais et les brosses, d’une part, et les éponges et les articles de ménage, d’autre part. Lesdites factures montrent pour la période allant de décembre 2000 à décembre 2005 des ventes à des distributeurs en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en Italie, en Grèce en Suède et en Slovénie, dépassant les 100 000 euros globalement aussi bien pour la catégorie « balais et brosses » que pour la catégorie « éponges et articles de ménage ».

110    Troisièmement, pour la seconde période, les factures montrent des ventes à des distributeurs en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Slovénie.

111    Il résulte de ces constatations qu’un usage important reflétant une intention réelle de consolider des parts de marché dans l’ensemble de l’Union est démontré par le nombre de ventes effectuées à un réseau considérable de distributeurs à travers l’Europe, par la régularité des ventes dans le temps et par le volume des opérations.

112    La conclusion de la chambre de recours selon laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure pour les produits mentionnés au point 93 ci-dessus a été apportée par les intervenants est donc fondée.

113    Il en résulte que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré, en substance, de l’absence de preuve de l’usage sérieux pour tous les produits pour lesquels l’enregistrement international antérieur a été obtenu et sur le cinquième moyen, tiré, en substance, de l’absence du droit de revendiquer l’enregistrement international antérieur

114    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a insuffisamment motivé la conclusion selon laquelle l’enregistrement international antérieur avait fait l’objet d’un usage sérieux dans chacun des États membres dans lequel il produisait ses effets. Elle n’aurait notamment fait aucune constatation au sujet de l’usage au Benelux, en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche et au Portugal, territoires sur lesquels cet enregistrement faisait l’objet d’une protection.

115    Au soutien du cinquième moyen, elle fait valoir que la chambre de recours n’aurait pas dû tenir compte de l’enregistrement international antérieur étant donné que, même si les intervenants étaient titulaires de la marque en cause à la date de l’obtention dudit enregistrement, il n’en était plus ainsi à la date de la décision attaquée, une cession de ladite marque à un nouveau titulaire Casa Vigar étant intervenue avant cette date de sorte que la demande en nullité ne saurait être accueillie.

116    L’OHMI fait valoir, quant au deux moyens en cause, que la chambre de recours a établi l’existence d’un risque de confusion par rapport à la marque communautaire antérieure de sorte que toute erreur commise en ce qui concerne l’enregistrement international antérieur est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Les intervenants soutiennent, en substance, s’agissant du quatrième moyen, que la chambre de recours a démontré à suffisance de droit l’usage sérieux de l’enregistrement international antérieur et, s’agissant du cinquième moyen, qu’ils sont les titulaires d’une licence verbale de Casa Vigar pour l’enregistrement international antérieur.

117    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il résulte, en substance, de l’examen des premier, deuxième, troisième et sixième moyens ci-dessus que la conclusion de la chambre de recours quant à l’existence de la preuve de l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure ne saurait être remise en cause.

118    En outre, comme l’OHMI le soutient à juste titre, il ressort de la décision attaquée que l’examen de l’existence d’un risque de confusion avec la marque contestée s’est fait par référence à ladite marque communautaire.

119    Premièrement, il peut être déduit du point 51 de la décision attaquée, selon lequel, « [é]tant donné que les marques antérieures sont une marque communautaire et une marque internationale protégée dans certains États membres de l’[Union], le territoire pour lequel le risque de confusion doit être apprécié est l’ensemble de l’[Union] », que la chambre de recours tient compte du territoire couvert par la marque communautaire antérieure, même si celui-ci englobe celui visé par la marque internationale antérieure (Benelux, Allemagne, France, Italie, Autriche, Portugal et Roumanie) (voir le point 7 ci-dessus).

120    Deuxièmement, il découle du point 52 de la décision attaquée, qui indique que « [l]e public visé [par les] produits en cause se compose du consommateur moyen de l’Union […] », que le cadre de référence pour l’analyse de la chambre de recours est ici également celui de la marque communautaire antérieure.

121    Troisièmement, au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours présente un tableau comparant les « produits antérieurs » au « produits couverts par la marque communautaire », introduit par la phrase « [c]ompte tenu des produits pour lesquels un usage sérieux a été démontré, les produits à comparer sont les suivants ». Dans la catégorie des produits antérieurs sont mentionnés aussi bien ceux couverts par la marque communautaire antérieure que ceux couverts par l’enregistrement international antérieur.

122    Or, il est conclu au point 56 de la décision attaquée que « [l]es produits […] désignés par la marque communautaire sont identiques à ceux couverts par la marque communautaire antérieure ». De même, l’analyse faite aux points 58 à 62 de la décision attaquée quant à la comparaison des autres produits couverts, se réfère également à la liste de produits couverts par la marque communautaire antérieure.

123    Dans ces circonstances, toute erreur éventuellement commise par la chambre de recours quant à la preuve de l’usage de l’enregistrement international antérieur quand elle conclut au point 41 de la décision attaquée que les intervenants ont prouvé l’usage sérieux de leur marque dans l’Union au cours des deux périodes pertinentes pour certains produits désignés par l’enregistrement international antérieur, reste sans effet sur la légalité de la décision attaquée s’agissant de l’existence d’un risque de confusion pour les produits jugés identiques ou similaires couverts par la marque contestée et la marque communautaire antérieure.

124    En effet, la conclusion sise au point 76 de la décision attaquée accueillant partiellement le recours pour une série de produits de la classe 21 se fonde sur la liste des produits couverts par la marque communautaire antérieure.

125    Or, la requérante n’ayant pas remis en cause l’analyse de la chambre de recours concernant le risque de confusion entre la marque communautaire antérieure et la marque contestée, la conclusion de cette dernière quant à l’annulation de la décision de la division d’annulation pour autant qu’elle a rejeté la demande en nullité à l’égard desdits produits au premier point du dispositif de la décision attaquée ne saurait être utilement contestée.

126    Le quatrième moyen reste donc sans conséquence sur la légalité du premier point du dispositif de la décision attaquée. Par ailleurs, pour les mêmes raisons, l’étendue des droits des intervenants par rapport à l’enregistrement international antérieur, en cause dans le cinquième moyen, apparaît également inopérante.

127    Enfin, à cet égard, doit être rejeté l’argument de la requérante développé en réponse à une question écrite du Tribunal et à l’audience, selon lequel, même si ce dernier conclut à l’existence d’un usage sérieux de la marque communautaire antérieure et d’un risque de confusion entre celle-ci et la marque contestée, il doit nécessairement également décider si la demande d’annulation est justifiée sur la base de l’autre droit antérieur.

128    En effet, même en considérant que la chambre de recours aurait mal motivé l’existence d’un usage sérieux de l’enregistrement international antérieur ou commis une erreur dans l’appréciation de l’étendue des droits des intervenants par rapport à ce dernier, il ne conviendrait pas pour autant d’annuler le premier point du dispositif de la décision attaquée, dès lors que de telles erreurs ne peuvent pas avoir d’incidence sur ladite partie du dispositif de la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, Rec, EU:T:2008:262, point 307 et jurisprudence citée), fondée sur la marque communautaire antérieure.

129    Les quatrième et cinquième moyens doivent donc être rejetés comme inopérants.

130    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et des intervenants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Menelaus BV supportera ses propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et ceux de MM. Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.