Language of document : ECLI:EU:T:2015:859

ARRÊT DU 18. 11. 2015 – AFFAIRE T‑361/13 [EXTRAITS]


ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

18 novembre 2015 (*

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale VIGOR – Marques communautaire et internationale figuratives antérieures VIGAR – Recevabilité des preuves de l’usage déposées sur CD‑ROM – Prise en compte de preuves complémentaires non présentées dans le délai imparti – Usage sérieux des marques antérieures – Article 15 et article 57, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑361/13,

Menelaus BV, établie à Amsterdam (Pays‑Bas), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant,

Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques, demeurant à Jesus Pobre (Espagne), représentés par Me E. Pérez Crespo,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 23 avril 2013 (affaire R 88/2012‑2), relative à une procédure de nullité entre, d’une part, Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques et, d’autre part, Menelaus BV,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2013,

vu le mémoire en réponse des intervenants déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2013,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et les réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 10 et 11 décembre 2014,

à la suite de l’audience du 21 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt (1)

[omissis]

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter le recours des intervenants contre la décision de la division d’annulation ;

–        condamner l’OHMI et les intervenants aux dépens, y compris à ceux exposés par elle devant la chambre de recours.

13      L’OHMI et les intervenants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

[omissis]

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une violation des règles procédurales concernant la production de la preuve de l’usage

16      La requérante soutient, en substance, que l’utilisation de deux CD‑ROM pour le dépôt des preuves devant la division d’annulation et de d’un CD‑ROM supplémentaire devant la chambre de recours n’est pas conforme à la règle 22, paragraphe 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, lue en combinaison avec les règles 79 et 79 bis dudit règlement. Il s’agirait donc de preuves irrecevables, comme l’aurait précédemment considéré une autre chambre de recours de l’OHMI dans une autre affaire.

17      L’OHMI, soutenu par les intervenants, fait valoir, en substance, d’une part, que les modalités et les moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque ne sont pas limités et, d’autre part, que les règles procédurales en cause n’excluent pas un tel dépôt.

18      À cet égard, il découle du considérant 10 du règlement no 207/2009 que le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle‑ci avait effectivement été utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 57, paragraphes 2 et 3, dudit règlement prévoit que le titulaire d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent le dépôt de la demande en nullité ainsi que, le cas échéant, pour la période de cinq ans qui précède la publication de la demande de marque communautaire.

19      Il ressort des points 6 et 20 de la décision attaquée que, en réponse à la demande de la requérante de prouver l’usage sérieux des marques antérieures, les intervenants ont déposé devant la division d’annulation deux CD‑ROM contenant notamment des photographies, des factures, des catalogues et des impressions de page Internet. La division d’annulation ayant toutefois considéré que l’usage sérieux devait être démontré de façon cumulative pour les deux périodes visées à l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, à savoir, en l’espèce, la période comprise entre le 12 décembre 2000 et le 11 décembre 2005 inclus (cinq ans avant la publication de la demande de marque communautaire, ci‑après la « première période ») et celle comprise entre le 23 décembre 2005 et le 22 décembre 2010 inclus (cinq ans avant le dépôt de la demande en nullité, ci‑après la « seconde période »), et qu’aucune preuve n’avait été présentée en ce qui concerne la première période de sorte que la demande en nullité devait être rejetée, les intervenants ont déposé, dans le cadre de la procédure de recours devant la chambre de recours, un nouveau CD‑ROM contenant, entre autres documents, plusieurs factures relatives aux années 2001 à 2010, comme cela est précisé au point 40 de la décision attaquée.

20      La chambre de recours a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis. Comme cela est indiqué au point 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a écarté l’argument de la requérante critiquant le fait que les preuves ont été présentées sur un CD‑ROM au motif que cela aurait rendu extrêmement difficile leur examen, en considérant, en substance, que ledit argument ne suffisait pas à invalider la valeur probante du contenu des CD‑ROM en cause.

21      À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, en réponse à une question écrite du Tribunal et à l’audience, l’OHMI a confirmé ne pas maintenir, à l’encontre de ce moyen, le grief d’irrecevabilité mentionné dans le mémoire en réponse selon lequel la requérante ne pourrait avancer pour la première fois devant le Tribunal le caractère inapproprié d’un dépôt de preuves par le biais d’un CD‑ROM.

22      En tout état de cause, le Tribunal précise qu’il considère que le moyen est recevable. En effet, la chambre de recours ayant appliqué les règles de procédure en cause en acceptant d’examiner les éléments de preuve déposés sur CD‑ROM, cette question fait partie du litige devant elle. Dès lors, la requérante peut soulever ce moyen pour la première fois devant le Tribunal, son examen n’étant pas contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

23      Quant au fond, la règle 22 du règlement no 2868/95, applicable dans les procédures en nullité, ainsi qu’il ressort de la règle 40, paragraphe 6, dudit règlement, indique en son paragraphe 4 que « [l]es preuves sont produites conformément aux règles 79 et 79 bis et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites ».

24      Il résulte de cette disposition que la liste de moyens de preuve (emballages, catalogues, factures, etc.) qu’elle contient n’est pas exhaustive, étant donné qu’elle indique que ceux‑ci « se limitent, en principe, » à la liste d’exemples indiquée.

25      En outre, la jurisprudence confirme que les modalités et les moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque ne sont pas limités [arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, Rec, EU:T:2011:480, point 46]. Il ressort dudit arrêt que le Tribunal a voulu rappeler, en substance, que les moyens de preuve de l’usage d’une marque étaient multiples en réponse à l’argument de la requérante dans cette affaire visant la difficulté de rassembler des moyens de preuve typiques, tels que des photographies ou des publicités, compte tenu de la spécificité du marché et de la clientèle commerciale visée.

26      Au‑delà du contexte de cette dernière affaire, il est toutefois clair que des moyens de preuve tels que du matériel audio ou vidéo, comme des annonces publicitaires radiodiffusées ou télédiffusées, ne sont pas exclus. Or, ceux‑ci sont généralement disponibles sur un support informatique comme un CD‑ROM ou une clé USB et ne peuvent pas être présentés sur un support en papier ou dans un fichier numérisé d’un tel document.

27      Il en va autrement des moyens de preuve contestés en l’espèce, tels des factures ou un catalogue (voir le point 19 ci‑dessus), qui auraient pu être déposés sur un support en papier ou par le biais d’un fichier contenant des documents scannés, mais qui ont été stockés sur un CD‑ROM pour être déposés.

28      Même si, certes, les principes rappelés aux points 23 à 26 ci‑dessus ne s’opposent pas à des éléments de preuve sous forme de CD‑ROM, la question soulevée concerne avant tout celle des modalités de transmission à l’OHMI d’éléments de preuve.

29      Toutefois, les dispositions du règlement no 2868/95 qui concernent spécifiquement la transmission de communications à l’OHMI et que la requérante invoque ne s’opposent pas à la transmission d’éléments de preuve sur CD‑ROM, contrairement à ce qu’elle allègue.

30      À cet égard, il ressort de la règle 22, paragraphe 4, du règlement no 2868/95, citée au point 23 ci‑dessus, que la production des preuves se fait conformément aux règles 79 et 79 bis dudit règlement.

31      La règle 79 du règlement no 2868/95 énonce :

« Les demandes d’enregistrement d’une marque communautaire ainsi que les autres demandes prévues par le règlement et toutes les autres communications adressées à l’[OHMI] sont transmises à ce dernier de la manière suivante :

a)      par la transmission à l’[OHMI] d’un original signé du document correspondant par voie postale, par voie de signification ou par tout autre moyen ;

b)      par la transmission d’un document par télécopieur, conformément à la règle 80 ;

[…]

d)      par la transmission du contenu de la communication par des moyens électroniques, conformément à la règle 82. »

32      Comme l’OHMI le précise à juste titre, le cas d’espèce ne relève pas de la règle 79, sous b), du règlement no 2868/95, qui concerne les transmissions par télécopieur, ni de la règle 79, sous d), du même règlement concernant les transmissions par moyen électronique, les CD‑ROM en cause ayant été transmis en annexe à un document signé envoyé par voie postale. C’est, en effet, la règle 79, sous a), du règlement no 2868/95 qui vise une telle hypothèse, sans toutefois limiter les types de support permettant de stocker des éléments de preuve produits en annexe à de telles soumissions.

33      Cette analyse n’est pas contredite par la règle 79 bis du règlement no 2868/95 qui précise quant aux annexes des communications écrites visées à la règle 79, sous a), que, « [l]orsqu’un document ou un élément de preuve est transmis conformément à la règle 79, [sous] a), par une partie à une procédure devant l’[OHMI] impliquant plus d’une partie à la procédure, le document ou l’élément de preuve, ainsi que toute annexe de celui‑ci, sont transmis en autant d’exemplaires que de parties à la procédure ». Or, en l’espèce, le respect de ladite règle 79 bis a été assuré par la soumission de deux exemplaires des CD‑ROM en cause, à la demande de l’OHMI, dont un exemplaire a été transmis à la requérante.

34      Certes, il n’est pas exclu que la présentation de preuves sur un CD‑ROM contenant plusieurs fichiers électroniques puisse rendre plus difficile l’analyse des éléments de preuve ainsi présentés par rapport à un support en papier ou à un simple fichier contenant une version scannée de documents, permettant aisément leur reproduction à l’identique par l’impression.

35      À cet égard, il appartient aux parties procédant au dépôt des preuves de l’usage sur des CD‑ROM de s’assurer que la lisibilité de ceux‑ci ne compromet pas leur valeur probante.

36      Or, en l’espèce, la requérante n’a pas soulevé une quelconque atteinte à ses droits de la défense qui aurait pu être occasionnée par la modalité de transmission des preuves en cause. Par ailleurs, comme la chambre de recours l’a considéré à juste titre (voir le point 20 ci‑dessus), la valeur probante du contenu des CD‑ROM n’est pas remise en cause, les documents numérisés, stockés dans les fichiers électroniques qu’ils contiennent, étant identifiables et lisibles.

37      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante tiré de la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 26 octobre 2012 [affaire R 1259/2011‑4, Miquel Alimentcio Grup, SA v. Aldo GmbH & Co. KG (GOURMET)] dans le cadre de laquelle la preuve de l’usage présentée sur un CD‑ROM a été rejetée comme contraire aux dispositions applicables, au motif, en substance, qu’il s’agissait d’une modalité de transmission non prévue par celles‑ci, il y a lieu de rappeler que le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’OHMI.

38      En outre, la jurisprudence confirme que, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, points 73 à 75).

39      Or, il ressort de l’analyse qui précède que l’approche de la chambre de recours en l’espèce est conforme au droit applicable, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer une décision contraire d’une autre chambre de recours.

40      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

[omissis]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Menelaus BV supportera ses propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et ceux de MM. Vicente Garcia Mahiques et Felipe Garcia Mahiques.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.