Language of document : ECLI:EU:T:2017:44

Édition provisoire

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

31 janvier 2017(*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant deux courbes rouges obliques – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation d’apprécier le caractère distinctif d’une marque par rapport à la perception qu’en a le public pertinent »

Dans l’affaire T‑130/16,

Coesia SpA, établie à Bologne (Italie), représentée par Me S. Rizzo, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 26 janvier 2016 (affaire R 1933/2015‑2), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant deux courbes rouges obliques,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mars 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 janvier 2014, la requérante, Coesia SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif formé par deux courbes rouges obliques suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 35, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines pour fabriquer des récipients, en particulier bouteilles, et leurs pièces, machines pour transvaser des liquides dans des récipients, en particulier bouteilles ; machines pour l’emballage, en particulier pour produits alimentaires et de consommation, telles que machines pour l’emballage de cigarettes et cigares, dispositifs de mise en boîte, machines pour enrouler les pellicules plastiques, machines pour l’emballage de mouchoirs en papier, dispositifs pour mettre le tabac haché en sachets ; transporteurs, en particulier transporteurs à bandes et à rouleaux, transporteurs à chaînes, transporteurs aériens pour le transport de matériaux d’emballage, tous transporteurs pour le secteur des emballages ou relatifs à des machines pour l’emballage ; robots de chargement et de déchargement de conteneurs d’emballages, palettes, transporteurs, machines d’emballage ; boîtes de vitesses, motoréducteurs, joints (autres que pour véhicules terrestres) ; pièces de ces machines, dispositifs et groupes précités (compris dans la classe 7), en particulier arbres, axes, chevilles, leviers, roues dentées, roues de traction, balances à tabac pour dispositifs pour mettre le tabac en sachets ; soupapes, pompes à vide, pompes à air comprimé, appareils de commande et de contrôle pour les machines, dispositifs et groupes précités ; tubes rigides métalliques utilisés en tant que pièces de machines, plaques et cadres pour fondations, cylindres télescopiques hydrauliques et pneumatiques, machines de fabrication de produits à fumer, en particulier cigarettes ; machines pour la fabrication de cigarettes, cigares et filtres pour cigarettes, machines de traitement de cordons pour la préparation de cordons filtrants destinés à la fabrication de filtres pour articles pour fumeurs, machines automatiques pour emballer et confectionner les produits en général, machines-outils pour le travail des métaux ; machines en tout genre pour l’industrie de la mise en bouteille et du remplissage de conteneurs pour liquides et poudres, telles que machines de remplissage, machines à bouchonner, étiqueteuses, transporteuses, machines de mise en boîte, fardeleuses, machines à emballer, machines à palettiser ; machines-outils pour la fabrication d’engrenages ; machines-outils pour le travail des métaux, des matières plastiques, fibreuses et de matériaux composites » ;

–        classe 35 : « Gestion des affaires commerciales, administration commerciale, aide à la direction des affaires d’entreprises commerciales ou industrielles, services de conseils en direction des affaires » ;

–        classe 37 : « Services d’installation, de réparation et d’entretien des machines précitées, tels que machines pour fabriquer des récipients, machines pour transvaser des liquides dans des récipients, machines pour l’empaquetage, dispositifs pour la conserverie, machines pour la fabrication d’articles à fumer, en particulier cigarettes, machines pour la fabrication de cigarettes, cigares et filtres pour cigarettes, machines automatiques d’emballage et de confection de produits en général, machines-outils pour le travail des métaux, machines en tout genre pour l’industrie de la mise en bouteille et du remplissage de conteneurs pour liquides et poudres, machines-outils pour la fabrication d’engrenages, machines-outils pour le travail des métaux, des matières plastiques, fibreuses et de matériaux composites » ;

–        classe 42 « Services dans le domaine de la science et de la technologie, tels que services de recherche et de développement y afférents ; analyse et recherches industrielles ; recherches en mécanique ».

4        Par décision du 24 juillet 2015, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour tous les produits et les services susvisés, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En substance, il a considéré que le signe figuratif dont l’enregistrement avait été demandé était dépourvu de caractère distinctif, au sens de cette disposition.

5        Le 24 septembre 2015, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009.

6        Par décision du 26 janvier 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Tout comme l’examinateur, elle a considéré que le signe dont l’enregistrement avait été demandé était dépourvu de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante soulève deux moyens, tirés d’une violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et de l’obligation de motivation.

10      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

11      Selon une jurisprudence constante, les marques visées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir arrêt du 3 décembre 2015, Omega International/OHMI (Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir), T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 14 et jurisprudence citée].

12      Conformément à la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement ou la protection de la marque sont demandés et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, EU:C:2004:260, point 33, et du 3 décembre 2015, Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir, T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 15).

13      Un minimum de caractère distinctif suffit, toutefois, pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable (voir arrêt du 3 décembre 2015, Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir, T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 16 et jurisprudence citée).

14      La constatation du caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’est pas subordonnée à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services visés par elle et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 3 décembre 2015, Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir, T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 17 et jurisprudence citée).

15      Toutefois, un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [arrêts du 12 septembre 2007, Cain Cellars/OHMI (Représentation d’un pentagone), T‑304/05, non publié, EU:T:2007:271, point 22, et du 3 décembre 2015, Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir, T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 18].

16      S’agissant du public pertinent par rapport auquel il convient d’apprécier l’éventuel caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a indiqué, au point 12 de la décision attaquée, que les produits et les services visés par la demande d’enregistrement étaient principalement destinés à un public professionnel et que, par conséquent, le degré de connaissance du public pertinent sera élevé. Cette conclusion de la chambre de recours n’a pas été contestée et peut être entérinée.

17      La chambre de recours a également considéré, au point 12 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue, dans son ensemble, de caractère distinctif par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

18      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a complètement omis de prendre en considération le niveau d’attention du public pertinent, ce qui serait contraire à la jurisprudence. Selon la requérante, le public pertinent, par sa connaissance approfondie du marché et par son attention élevée, serait capable de percevoir en tant que marque des signes figuratifs relativement simples.

19      L’EUIPO répond que, conformément à la jurisprudence, les signes d’une extrême simplicité, comme la marque demandée, ne sont pas, normalement, distinctifs. Cette conclusion s’appliquerait également lorsque, comme en l’espèce, le public pertinent est doté d’un seuil d’attention plus élevé que la normale. En toute hypothèse, conformément à la jurisprudence, le fait que le public pertinent soit spécialisé ne peut avoir une influence déterminante sur les conditions juridiques servant de fondement à l’appréciation du caractère distinctif d’un signe.

20      Sur ce point, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le fait que le public pertinent est spécialisé ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe, dans la mesure où, s’il est certes vrai que le degré d’attention du public pertinent spécialisé est, par définition, plus élevé que celui du consommateur moyen, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe est suffisant lorsque le public pertinent est spécialisé (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 48).

21      En effet, le principe, découlant d’une jurisprudence constante, selon lequel, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit pourrait être remis en cause si le seuil de distinctivité d’un signe dépendait, d’une manière générale, du degré de spécialisation du public pertinent (arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, points 48 à 50).

22      Toutefois, s’il ressort de la jurisprudence visée aux points 20 et 21 ci‑dessus que la circonstance que le public pertinent ait un degré d’attention élevé ne confère pas automatiquement à une marque un caractère distinctif suffisant, il n’en découle pas qu’un degré d’attention élevé du public pertinent ne doive pas être pris en considération du tout lors de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque.

23      S’abstenir complètement de prendre en considération un tel degré d’attention lors de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque serait contraire à la jurisprudence visée au point 12 ci‑dessus, qui exige que ce caractère soit apprécié par rapport à la perception du public pertinent.

24      Or, en l’espèce, la chambre de recours s’est contentée de rappeler, au point 13 de la décision attaquée, la jurisprudence citée au point 20 ci‑dessus. Nonobstant ce rappel général, comme la requérante le fait valoir à juste titre, la chambre de recours n’a nullement indiqué, dans la décision attaquée, avoir pris en considération le degré élevé d’attention dont fait preuve le public pertinent.

25      Le Tribunal n’est donc pas en mesure de déterminer quelle aurait été la conclusion de la chambre de recours quant au caractère distinctif de la marque demandée si la chambre de recours avait pris en considération le niveau d’attention élevé du public pertinent.

26      Il découle de tout ce qui précède que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas appliqué l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 conformément à l’une des exigences fondamentales qui découlent de la jurisprudence.

27      Il y a donc lieu d’accueillir le premier moyen.

28      La décision attaquée doit ainsi être annulée sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 janvier 2016 (affaire R 1933/2015-2) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.