Language of document : ECLI:EU:T:2013:440

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Gravité de l’infraction – Coefficients – Circonstances atténuantes – Réduction du montant de l’amende – Valeur ajoutée significative »

Dans l’affaire T‑408/10,

Roca Sanitario, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes J. Folguera Crespo et M. Merola, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Castillo de la Torre, Mmes A. Antoniadis et F. Castilla Contreras, puis par M. Castillo de la Torre, Mme Antoniadis et M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), et, subsidiairement, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient des barèmes de prix qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par la décision attaquée sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires, et les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        La requérante, Roca Sanitario, SA, ainsi que deux de ses filiales, Roca (ci-après « Roca France ») et Laufen Austria AG (ci-après, prises ensemble, le « groupe Roca »), figurent parmi les destinataires de la décision attaquée. À l’époque des faits litigieux, la requérante détenait 100 % du capital de Roca France. Cette dernière distribuait principalement des articles en céramique et de robinetterie sur le marché français. Le 29 octobre 1999, la requérante a acquis le groupe à la tête duquel se trouve la société suisse Keramik Holding AG, elle-même détentrice de 100 % des actions de Laufen Austria (ci-après le « groupe Laufen »). Cette dernière fabriquait, au moment des faits litigieux, des articles en céramique qu’elle commercialisait sous ses propres marques, Laufen et Jika. Elle commercialisait également des produits fabriqués par des concurrents. Ses ventes se concentraient en Autriche ainsi que, dans une moindre mesure, en Allemagne (considérants 1063 et 1064 de la décision attaquée).

5        Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction du montant de ces amendes. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amendes au profit de Masco, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication de 2002 sur la coopération (considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains (considérant 129 de la décision attaquée).

7        Les 15 et 19 novembre 2005, Grohe Beteiligungs GmbH et ses filiales ainsi qu’Ideal Standard Inc. et ses filiales ont respectivement sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, la réduction de leur montant (considérants 131 et 132 de la décision attaquée).

8        Entre le 15 novembre 2005 et le 16 mai 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris à Roca France et à Laufen Austria (considérant 133 de la décision attaquée).

9        Le 17 janvier 2006, Roca France a demandé, en son nom propre et au nom du groupe Laufen, pour autant que les activités de celui-ci en France ont été intégrées au sein de la première, à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, de la réduction de leur montant. Les 19 et 20 janvier 2006, respectivement Hansa Metallwerke AG et ses filiales, ainsi qu’Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik ont également demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de ladite communication ou, à défaut, de la réduction de leur montant (considérants 135 à 138 de la décision attaquée).

10      Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée à la requérante (considérant 139 de la décision attaquée).

11      Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle la requérante a participé (considérant 143 de la décision attaquée).

12      Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles la requérante, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles elle envisageait de se fonder dans le cadre d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

13      Entre le 19 juin 2009 et le 8 mars 2010, la Commission a adressé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles la requérante, des demandes d’informations supplémentaires, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003 (considérants 149 à 151 de la décision attaquée).

14      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

15      Dans la décision attaquée, la Commission a, en premier lieu, considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (ci-après l’« infraction constatée ») (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par son enquête (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux de ces trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que d’associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité portait sur l’un de ces trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

16      S’agissant de la participation du groupe Roca à l’infraction constatée, la Commission a considéré que ce dernier avait connaissance de l’infraction concernant les trois sous-groupes de produits, compte tenu, notamment, de sa participation aux réunions de l’organisme de coordination Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI »), en Autriche, ainsi qu’aux réunions de l’Association française des pompes et de la robinetterie et de l’Association française des industries de céramique sanitaire, en France (considérant 870 de la décision attaquée). Toutefois, en ce qui concerne la portée géographique de l’entente, la Commission a estimé que le groupe Roca ne pouvait pas être considéré comme ayant eu connaissance de sa portée globale, mais uniquement des comportements collusoires ayant eu lieu en France et en Autriche (considérant 871 de la décision attaquée).

17      En second lieu, aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 1184 de la décision attaquée).

18      Dans un premier temps, la Commission a déterminé le montant de base de l’amende. Pour ce faire, elle a précisé que ledit calcul était fondé, pour chaque entreprise, sur ses ventes par État membre, multipliées par le nombre d’années de participation à l’infraction constatée dans chaque État membre et pour le sous-groupe de produits concerné, de sorte qu’il soit tenu compte de ce que certaines entreprises exercent leurs activités uniquement dans certains États membres ou uniquement dans un des trois sous-groupes de produits (considérant 1197 de la décision attaquée).

19      Cette précision apportée, la Commission a fixé à 15 % le coefficient lié à la gravité de l’infraction constatée (ci-après le « coefficient ‘gravité de l’infraction’ »), au sens des paragraphes 20 à 23 des lignes directrices de 2006. À ce titre, elle a tenu compte de quatre critères d’appréciation de ladite infraction, à savoir, la nature, les parts de marché combinées, la portée géographique et la mise en œuvre (considérants 1210 à 1220 de la décision attaquée).

20      En outre, la Commission a fixé le coefficient à appliquer au montant de base de l’amende, au titre de la durée de l’infraction constatée, sur le fondement des dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, pour Roca France, à 1,83 pour les articles de robinetterie et pour la France, Roca France y ayant participé à l’infraction constatée du 10 décembre 2002 au 9 novembre 2004, et à 0,66 pour les articles en céramique et pour la France, Roca France y ayant participé à l’infraction constatée du 25 février 2004 au 9 novembre 2004. Elle a fixé ledit coefficient à 10 pour Laufen Austria, correspondant à une participation à l’infraction, sur le territoire autrichien et pour les articles en céramique, de dix années, à savoir du 12 octobre 1994 au 9 novembre 2004 (considérant 1223 de la décision attaquée).

21      Enfin, la Commission a, sur le fondement des dispositions du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de dissuader les entreprises en cause de participer à des accords horizontaux de fixation de prix semblables aux accords faisant l’objet de la décision attaquée et au regard des quatre critères d’appréciation visés au point 19 ci-dessus, augmenté le montant de base de l’amende en appliquant un montant additionnel (ci-après le « coefficient ‘montant additionnel’ ») de 15 % (considérants 1224 et 1225 de la décision attaquée).

22      Il en est résulté, s’agissant du groupe Roca, un montant de base de l’amende s’élevant à 3 000 000 euros pour les comportements collusoires relatifs aux articles de robinetterie sur le marché français et un montant de base de l’amende s’élevant à 35 700 000 euros pour les comportements collusoires relatifs aux articles en céramique, dont 3 700 000 euros pour le marché français et 32 000 000 euros pour le marché autrichien (considérant 1226 de la décision attaquée).

23      Dans un deuxième temps, la Commission a examiné l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes susceptibles de justifier un ajustement du montant de base de l’amende. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard de la requérante.

24      Dans un troisième temps, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires (ci-après le « plafond de 10 % »), en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Le montant de l’amende fixé pour le groupe Roca après application du plafond de 10 % était de 38 700 000 euros (considérants 1261 et 1264 de la décision attaquée).

25      Dans un quatrième temps, la Commission a estimé que le groupe Roca, dont la requérante, n’était pas en droit de bénéficier d’une réduction du montant d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération. Selon elle, d’une part, les preuves avancées par le dernier ne pouvaient être réputées représenter une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de ladite communication. D’autre part, le groupe Roca n’aurait pas fait preuve d’un véritable esprit de coopération pendant la procédure administrative (considérant 1300 de la décision attaquée).

26      Eu égard à ce qui précède, la Commission a constaté, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, que la requérante avait enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, du 29 octobre 1999 au 9 novembre 2004, à un accord continu ou des pratiques concertées dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en France et en Autriche.

27      Aux termes de l’article 2, paragraphe 4, sous a) et b), de la décision attaquée, pour cette infraction, la Commission a infligé à la requérante une amende de 17 700 000 euros à titre solidaire avec Laufen Austria et une amende de 6 700 000 euros à titre solidaire avec Roca France.

28      À l’article 4 de la décision attaquée, la Commission a énuméré les destinataires de ladite décision, dont la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions écrites aux deux parties auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

31      Les parties ont été entendues, lors de l’audience du 6 mars 2013, en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement les articles 1er, 2 et 4 de la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

34      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union européenne, s’agissant des décisions de sanction adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, comprend, outre le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, un contrôle de pleine juridiction, cette dernière étant reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 265).

35      À la lumière de la jurisprudence exposée au point 34 ci-dessus, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision attaquée, les conclusions de la requérante visant à obtenir l’annulation des articles 1er, 2 et 4 de la décision attaquée pour autant que ces articles la concernent et, dans un second temps, ses conclusions visant à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction pour réformer, en le réduisant, le montant de l’amende que la Commission lui a infligée.

1.     Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

36      Au soutien de ses conclusions en annulation partielle de la décision attaquée, la requérante soulève, en substance, six moyens. Les premier, deuxième et cinquième moyens concernent l’imputation de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels à la requérante. Le troisième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense de la requérante. Le quatrième moyen a trait au calcul du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Laufen Austria. Le sixième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement lors de la détermination des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel ».

37      Le Tribunal estime opportun d’examiner ensemble les premier, deuxième et cinquième moyens avant d’examiner successivement les troisième, quatrième et sixième moyens.

 Sur les premier, deuxième et cinquième moyens, relatifs à l’imputation de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels à la requérante

38      Les premier, deuxième et cinquième moyens concernent l’imputation à la requérante de la responsabilité des agissements de Roca France et de Laufen Austria. Plus précisément, le premier moyen a trait à l’application de la présomption selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur sa filiale lorsqu’elle détient la totalité du capital social de cette dernière (ci-après la « présomption d’exercice d’une influence déterminante »). Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant de l’évaluation des éléments de preuve présentés par le groupe Roca pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Le cinquième moyen, soulevé à titre subsidiaire, concerne la période pour laquelle la requérante est tenue responsable du comportement de Laufen Austria. La requérante y soutient que la Commission ne pouvait lui imputer la responsabilité des agissements anticoncurrentiels commis par Laufen Austria avant le 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, avant le 1er novembre 2001, le 6 juin ou le 30 mars 2000.

39      Dans la mesure où le grief concernant spécifiquement l’imputation d’une responsabilité pour la période précédant le 6 juin 2000 a été soulevé dans la réplique, il y a lieu d’examiner d’emblée la recevabilité dudit grief.

 Sur la recevabilité du grief, relatif à l’imputation d’une responsabilité pour la période précédant le 6 juin 2000

40      Dans la réplique, la requérante fait valoir, dans le cadre du cinquième moyen, que la Commission ne pouvait pas appliquer, avant le 6 juin 2000, la présomption d’exercice d’une influence déterminante, dès lors que ce n’est qu’à cette date qu’elle a acquis la totalité du capital social de Laufen Austria.

41      Sans formellement se prévaloir d’un élément nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante précise, dans la réplique, qu’il ressort d’un document versé aux débats par la Commission qu’elle n’a acquis l’intégralité du capital social de Keramik Holding, société mère à 100 % de Laufen Austria, que le 6 mars 2000. En réponse aux questions du Tribunal à l’audience, la requérante a indiqué, en outre, que le présent grief se rattachait étroitement aux moyens soulevés dans la requête s’agissant de l’application de la présomption d’exercice d’une influence déterminante et, en particulier, au cinquième moyen, relatif à la date à partir de laquelle la Commission pouvait mettre en œuvre ladite présomption.

42      La Commission soutient que ce grief est tardif et, dès lors, irrecevable.

43      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués, et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, non encore publié au Recueil, point 168, et la jurisprudence citée).

44      En l’espèce, il est constant que le grief tiré de ce que la requérante n’a détenu la totalité du capital social de Laufen Austria qu’à partir du 6 juin 2000 a été soulevé pour la première fois dans la réplique.

45      Certes, dans la requête, la requérante soutient que la Commission ne pouvait appliquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante avant le 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, avant le 1er novembre 2001 ou le 30 mars 2000. Néanmoins, les arguments soulevés au soutien de ce grief ne tendent nullement à mettre en cause le fait même que la requérante ait détenu, à partir du 29 octobre 1999, la totalité du capital social de Laufen Austria. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a explicitement indiqué, dans la requête, avoir acquis Laufen Austria le 29 octobre 1999, sans toutefois préciser que, à cette date, elle n’avait en réalité racheté que 42 % des actions de Keramik Holding, combinés à 62,7 % des droits de vote de cette dernière. En outre, la requérante a explicitement indiqué, dans la requête, qu’elle avait acquis 100 % du capital social de Keramik Holding le 29 octobre 1999. Partant, c’est à tort que la requérante soutient que le présent grief constitue une ampliation des moyens contenus dans la requête.

46      De plus, même à supposer que la requérante entende fonder son grief sur la présentation du document visé au point 41 ci-dessus, force est de constater qu’elle ne saurait valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance de l’étendue de sa participation au capital social de ses filiales au moment de l’introduction du présent recours. Partant, ledit document ne saurait être considéré comme un élément nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

47      Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient de rejeter le grief tiré de ce que la Commission ne pouvait, eu égard aux liens capitalistiques existant entre la requérante et Laufen Austria, appliquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante avant le 6 juin 2000, comme étant irrecevable.

 Sur le premier moyen, relatif à l’application de la présomption d’exercice d’une influence déterminante en raison des liens capitalistiques entre la requérante et Roca France ainsi que entre la requérante et Laufen Austria

48      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la Commission, en lui imputant la responsabilité des agissements de Roca France et de Laufen Austria, a violé l’article 101 TFUE, l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Elle soutient également que, ce faisant, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

49      Le premier moyen se subdivise en trois branches. Elles ont trait, pour la première, à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat pour conclure à l’existence d’une unité économique formée par la requérante, Roca France et Laufen Austria, pour la deuxième, aux éléments de preuve présentés par la requérante afin de renverser la présomption selon laquelle elle exerce une influence déterminante sur Roca France et Laufen Austria et, pour la troisième, aux facteurs additionnels pris en considération par la Commission.

–       Sur la première branche, relative à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat

50      La requérante soutient, en substance, que la Commission lui a, à tort, imputé la responsabilité des agissements de Roca France et de Laufen Austria sur le seul fondement de leurs liens d’actionnariat. À cet égard, elle fait valoir, premièrement, qu’elle n’a ni participé à l’infraction constatée ni eu connaissance des comportements infractionnels. Deuxièmement, la Commission irait à l’encontre tant de sa pratique décisionnelle antérieure – selon laquelle elle s’abstiendrait d’adresser une décision à une société mère à laquelle s’applique la présomption d’exercice d’une influence déterminante, eu égard à sa participation au capital de sa filiale, en l’absence d’indices quant à sa connaissance ou à sa participation à l’infraction – que de l’approche adoptée dans la décision attaquée à l’égard de Duscholux Holding AG et ses filiales (ci-après le « groupe Duscholux »). Troisièmement, l’approche de la Commission quant à la charge de la preuve permettant de remettre en cause la présomption d’exercice d’une influence déterminante rendrait pratiquement impossible cette remise en cause, en méconnaissance des principes de responsabilité personnelle et de présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH.

51      La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

52      Il résulte d’une jurisprudence constante que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises et que la notion d’entreprise, qui désigne une unité économique pouvant être constituée de plusieurs personnes physiques ou morales, comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

53      Lorsqu’une société mère et sa filiale constituent une même unité économique et, partant, une seule entreprise, la Commission peut imputer le comportement de la filiale à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction. Il en va notamment ainsi lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 52 supra, points 54, 55 et 58, et la jurisprudence citée).

54      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec. p. I‑1, point 39, et la jurisprudence citée).

55      Partant, pour mettre en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante visée au point 54 ci-dessus, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère. À cet égard, il importe de préciser, d’une part, que la Commission n’est pas tenue de produire d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère sur sa filiale (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 54 supra, points 40 et 41, et la jurisprudence citée). D’autre part, il incombe aux parties intéressées de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer l’autonomie de la filiale par rapport à sa société mère sur le marché (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 54 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

56      Afin de déterminer si une filiale fixe de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération non seulement le fait que la société mère puisse influencer la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash flow », les stocks et le marketing, mais encore l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 64 et 65).

57      En outre, selon la jurisprudence, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour décider s’il y a lieu d’imputer la responsabilité d’une infraction à une société mère, il n’en demeure pas moins que sa décision de procéder à une telle imputation n’échappe pas, comme en l’espèce, au contrôle des juridictions de l’Union, à qui il appartient de vérifier que les conditions d’une telle imputation sont réunies (arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec. p. II‑2149, point 198).

58      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a appliqué la présomption d’exercice d’une influence déterminante au groupe Roca, dès lors que, d’une part, ainsi que cela ressort des considérants 1069 et 1070, la requérante avait détenu la totalité du capital social de Roca France pendant toute la durée de l’infraction commise par cette dernière, ce qu’elle ne conteste pas. D’autre part, ainsi que cela ressort des considérants 1069, 1070 et 1075 de la décision attaquée, la requérante a détenu la totalité du capital social de Laufen Austria à compter du 29 octobre 1999, date à compter de laquelle la responsabilité des agissements anticoncurrentiels de cette dernière lui a été imputée.

59      Partant, c’est conformément à la jurisprudence citée aux points 52 à 55 ci-dessus que la Commission a pu présumer, dans la décision attaquée, que la requérante exerçait une influence déterminante sur Roca France et Laufen Austria sur le seul fondement des liens d’actionnariat existant entre elle et ces dernières.

60      La conclusion tirée au point 59 ci-dessus n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

61      En premier lieu, les arguments tirés de ce que la requérante ignorait l’infraction constatée et n’y a pas participé elle-même doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, selon la jurisprudence, d’une part, lorsque la Commission met en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante, elle n’est pas tenue d’établir l’implication personnelle de la société mère dans l’infraction commise par sa filiale (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 52 supra, point 59). D’autre part, ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, non encore publié au Recueil, point 33). Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, une société mère peut être tenue solidairement responsable d’une infraction dans laquelle sa filiale est impliquée sans avoir elle-même participé à ladite infraction et sans en avoir eu connaissance, dans la mesure où l’imputation de cette responsabilité à la société mère est uniquement liée au fait qu’elle constitue une entité unique avec sa filiale.

62      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’imputation de la responsabilité des comportements infractionnels de Roca France et de Laufen Austria est contraire à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission. Elle estime que, selon ladite pratique, la Commission s’abstient d’appliquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante à une société mère, eu égard à sa participation au capital de sa filiale, en l’absence d’indices quant à sa connaissance ou à sa participation à l’infraction. À cet égard, elle cite la décision C (2004) 4030, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 – Tabac brut – Espagne) (JO 2007, L 102, p. 14), la décision 2004/138/CE, du 11 juin 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/36.571/D-1 – Banques autrichiennes – « Club Lombard ») (JO 2004, L 56, p. 1), ainsi que la décision 2004/337/CE, du 20 décembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 [EEE] (affaire COMP/E-1/36.212 – Papier autocopiant) (JO 2004, L 115, p. 1). En outre, selon elle, l’imputation de la responsabilité desdits comportements est contraire à l’approche adoptée, dans la décision attaquée elle-même, à l’égard du groupe Duscholux.

63      Premièrement, pour autant que les arguments visés au point 62 ci-dessus doivent être compris en ce sens que la requérante fait valoir que la Commission a violé sa pratique décisionnelle antérieure et a commis une erreur compte tenu du traitement réservé au groupe Duscholux, ces arguments doivent être rejetés comme étant non fondés.

64      À cet égard, d’une part, s’agissant de la pratique décisionnelle antérieure, il convient, tout d’abord, de rappeler que des décisions concernant d’autres affaires ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif, dès lors que les données circonstancielles des affaires ne sont pas identiques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, points 201 et 205, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 60).

65      Ensuite, quelle que soit la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, elle n’invalide pas le constat, figurant au point 59 ci-dessus, que cette dernière était en droit, conformément à la jurisprudence exposée aux points 52 à 55 ci-dessus, d’imputer la responsabilité des agissements anticoncurrentiels de Roca France et de Laufen Austria à la requérante. A fortiori, une éventuelle erreur de la Commission au regard de cette pratique n’est pas non plus de nature à remettre en cause ledit constat.

66      En outre, la pratique décisionnelle antérieure autorise la Commission à imputer à la société mère la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de sa filiale. En particulier, les trois décisions citées par la requérante ne confirment nullement que la Commission s’abstiendrait d’imputer la responsabilité des comportements anticoncurrentiels d’une filiale à sa société mère en l’absence d’indices quant à sa connaissance ou à sa participation à l’infraction. En effet, premièrement, il ressort des considérants 18, 375 et 376 de la décision Tabac brut – Espagne qu’elle n’a pas été adressée à deux sociétés mères, Universal Corporation et Universal Leaf Tobacco Company Inc., parce que, bien qu’elles aient détenu leurs filiales à une très large majorité (vraisemblablement entre 90 et 100 %), les éléments du dossier réfutaient le constat d’exercice d’une influence déterminante. Deuxièmement, aux considérants 479 et 482 de la décision Club Lombard, la Commission a constaté que les éléments du dossier ne permettaient pas de conclure que les filiales concernées ne se comportaient pas de façon autonome sur le marché et les a donc considérées comme seules responsables des infractions qu’elles avaient commises. Troisièmement, il ressort des considérants 50 et 364 de la décision Papier autocopiant que la présomption d’exercice d’une influence déterminante ne trouvait pas à s’appliquer dans la mesure où la société mère ne détenait que 72 % du capital de sa filiale.

67      D’autre part, s’agissant du traitement réservé au groupe Duscholux, il suffit de constater que le fait que la Commission ait retenu, dans la décision attaquée, une approche à l’égard de la requérante et de ses filiales différente de celle retenue à l’égard du groupe Duscholux n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la Commission n’a commis aucune erreur en se fondant, conformément à la jurisprudence citée aux points 52 à 55 ci-dessus, sur la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

68      Deuxièmement, pour autant que les arguments visés au point 62 ci-dessus doivent être compris en ce sens que la requérante reproche à la Commission d’avoir méconnu le principe d’égalité de traitement, ils doivent également être rejetés comme étant non fondés.

69      En effet, d’une part, s’agissant de la pratique décisionnelle antérieure, il suffit de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 66 ci-dessus, les trois décisions citées par la requérante ont été adoptées dans des circonstances différentes de celles dans lesquelles se trouvaient la requérante et ses filiales. Partant, c’est sans violer le principe d’égalité de traitement que la Commission a, dans les circonstances de l’espèce, appliqué la présomption d’exercice d’une influence déterminante à la requérante, eu égard à ses liens d’actionnariat avec Roca France et Laufen Austria.

70      D’autre part, s’agissant du traitement du groupe Duscholux dans la décision attaquée, il suffit d’observer que la Commission a expliqué dans ses écritures que le fait que Duscholux Holding, qui était la société mère du groupe, n’ait pas été destinataire de cette décision était le résultat d’une erreur commise au cours de l’instruction du dossier, qui a entraîné l’envoi de la communication des griefs à Duscholux AG et non à Duscholux Holding. Or, selon la jurisprudence, le respect du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination doit se concilier avec le respect du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14, et la jurisprudence citée ; du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 259, et du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 367). Partant, la requérante ne saurait valablement invoquer à son profit l’erreur commise par la Commission à l’égard de Duscholux Holding.

71      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a, en pratique, rendu la présomption irréfragable, en méconnaissance des principes de responsabilité personnelle et de présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH. À cet égard, la requérante renvoie au fait que la Commission a considéré, aux considérants 1070 à 1073 de la décision attaquée, que la possibilité pour l’actionnaire unique de désigner ou de révoquer les membres du conseil d’administration ainsi que la circonstance que la filiale doive communiquer ses états financiers à la société mère, afin que cette dernière puisse procéder à la consolidation des comptes, constituaient des preuves suffisantes pour imputer une responsabilité solidaire concernant les infractions commises, alors même qu’il s’agissait d’obligations légales s’imposant à tout actionnaire et à toute filiale. En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé, s’agissant de la communication des états financiers par la filiale, que, s’il était vrai que le considérant 1072 ne mentionnait pas explicitement ladite communication, il n’en demeurait pas moins qu’il y était implicitement fait référence dans la mesure où la gestion quotidienne des filiales était évoquée aux considérants 1070 à 1072.

72      D’une part, cet argument de la requérante doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, il n’est pas de nature à remettre en cause le constat, opéré au point 59 ci-dessus, selon lequel la Commission pouvait à bon droit se fonder sur la seule constatation de la détention par la requérante de la totalité du capital social de Roca France et de Laufen Austria pour présumer qu’elle exerçait une influence déterminante sur ces dernières.

73      D’autre part, pour autant que, par cet argument, la requérante reproche à la Commission d’avoir, compte tenu de son appréciation des éléments de preuve qu’elle avait produits afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante, rendu ladite présomption irréfragable, il y a lieu de constater que cet argument se rattache à la troisième branche du présent moyen, relative à l’appréciation des éléments de preuve produits par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Il sera, dès lors, examiné, dans ce cadre, au point 105 ci-après.

74      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la présente branche comme étant, pour partie, non fondée et, pour partie, inopérante.

–       Sur la deuxième branche, relative aux éléments de preuve présentés par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante

75      La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve qu’elle avait produits afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

76      La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

77      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a fait état, aux considérants 1065 à 1068 de la décision attaquée, des éléments avancés par le groupe Roca afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Elle les a rejetés au considérant 1071.

78      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle n’a ni participé à l’infraction constatée, ni eu connaissance de la participation de Roca France et de Laufen Austria à ladite infraction, ni encouragé, ni coordonné cette participation. Ces arguments doivent être rejetés comme étant inopérants pour les motifs exposés au point 61 ci-dessus. En effet, l’imputation d’une responsabilité à la société mère est uniquement liée au fait que cette dernière constitue une entité unique avec sa filiale. Partant, la seule question pertinente pour déterminer la responsabilité d’une société mère est celle de savoir si sa filiale se comportait de façon autonome sur le marché, sans qu’il soit requis d’établir que la société mère a elle-même participé à l’infraction, en avait connaissance ou a encouragé ou coordonné la participation de sa filiale.

79      En deuxième lieu, la requérante soutient que le groupe Roca n’a pas appartenu au noyau dur de l’entente composé d’entreprises encourageant la participation de leurs filiales aux pratiques anticoncurrentielles, que, parmi les filiales dudit groupe, seules Laufen Austria et Roca France ont participé à l’entente et qu’elles n’y ont pas participé aux mêmes moments. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 78 ci-dessus, ces arguments doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, par ces arguments, la requérante cherche à démontrer que Roca France et Laufen Austria n’ont reçu aucune instruction de sa part quant à leur participation aux activités anticoncurrentielles, ce qui démontrerait leur autonomie.

80      En troisième lieu, la requérante affirme que Roca France et Laufen Austria déterminaient leurs comportements sur le marché de façon autonome. En particulier, elle se prévaut de leur autonomie sur les plans commercial, fonctionnel, organique et financier. En outre, elle fait valoir l’absence de répartition des compétences au sein du groupe Roca, l’absence de coordination, par elle, des comportements sur le marché de Roca France et de Laufen Austria ainsi que la disparité entre les politiques commerciales, organisationnelles et fonctionnelles de Roca France et de Laufen Austria qui sont de nature, selon elle, à démontrer leur autonomie.

81      Il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les arguments relatifs à l’autonomie de Roca France, dans un deuxième temps, ceux relatifs à l’autonomie de Laufen Austria et, dans un troisième temps, les arguments tirés de l’absence de coordination.

82      Dans un premier temps, s’agissant de l’autonomie de Roca France par rapport à la requérante, cette dernière fait valoir, premièrement, l’autonomie commerciale et financière de la première. À cet égard, d’une part, elle se prévaut, de l’autonomie de Roca France quant à sa stratégie commerciale, à la négociation des achats avec ses fournisseurs, y compris avec d’autres filiales de la requérante, à la politique des ventes à l’international, à la fixation des prix, à la gestion de la clientèle internationale et à la conclusion de contrats financiers avec des tiers. D’autre part, les rapports financiers mensuels et les éléments relatifs aux budgets annuels que Roca France lui communique attesteraient de l’autonomie de cette dernière. En effet, l’information transmise dans lesdits rapports serait d’ordre général. En outre, il ressortirait des éléments relatifs aux budgets annuels que ce serait Roca France qui déciderait de la modification des prix prévus dans lesdits budgets et qu’elle serait libre de dévier de ces budgets sans son autorisation préalable.

83      Or, d’une part, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ressort des éléments du dossier qu’elle était en mesure de contrôler les activités de Roca France grâce aux rapports mensuels et annuels qui étaient transmis par son directeur général au siège social du groupe Roca en Espagne et qui concernaient ses résultats financiers. En effet, ces rapports contenaient des informations concernant le chiffre d’affaires de Roca France, son « cash flow », son bénéfice brut, son résultat avant impôts, intérêts, amortissements et provisions (EBITDA), le nombre total d’unités vendues ainsi que l’évolution des prix mois par mois. En outre, la requérante reconnaît dans ses écritures que ces rapports pouvaient contenir des informations concernant les questions stratégiques si ces dernières avaient des répercussions du point de vue comptable.

84      Il est, à cet égard, sans pertinence que, comme l’affirme la requérante, les informations contenues dans les rapports aient été d’ordre général, que les informations sur des questions stratégiques aient été fournies a posteriori au sujet d’activités de l’entreprise n’ayant pas été soumises à autorisation préalable de sa part, que les rapports n’aient contenu aucune référence à des produits particuliers ou à des familles de produits et les renseignements concernant les prix qui y figuraient aient été très généraux. En effet, ces éléments ne remettent pas en cause le constat selon lequel les rapports permettaient à la requérante de suivre et de contrôler les activités de Roca France.

85      D’autre part, le fait, ainsi que la requérante l’a reconnu dans ses écritures, que Roca France lui fournissait des informations concernant la préparation et l’élaboration de son budget est un indice important de l’exercice effectif d’une influence déterminante. Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que Roca France fixait ses objectifs financiers indépendamment et était libre de s’en écarter sans autorisation préalable, que, dans le cadre de la présentation des budgets, la discussion était centrée sur les prix auxquels elle achetait les produits de la requérante et que cela ne signifiait pas que cette dernière approuvait ex ante ou s’opposait ex post aux prix de vente qu’elle-même avait fixés unilatéralement.

86      Partant, les arguments tendant à démontrer l’autonomie commerciale et financière de Roca France doivent être rejetés comme étant non fondés.

87      Deuxièmement, la requérante se prévaut de l’autonomie de Roca France quant à la gestion des ressources humaines et de son indépendance organique. Elle soutient, en particulier, que, d’une part, l’organe d’administration de Roca France, à savoir le poste de gérant, a toujours été confié à des personnes, d’abord M. S. M. puis M. B. F., n’ayant assumé aucune fonction au sein du conseil d’administration ou des organes de direction de la requérante, et que, d’autre part, le directeur général de Roca France, M. A., n’aurait jamais occupé un quelconque poste de direction au sein de la requérante ou d’une autre de ses filiales. À cet égard, il suffit de constater que, d’une part, même à supposer que Roca France jouisse, ainsi qu’elle le soutient, d’une certaine autonomie en ce domaine, celle-ci est, compte tenu des possibilités de contrôle de la requérante mentionnées aux points 83 et 85 ci-dessus, en tout état de cause insuffisante pour démontrer qu’elle se comporte de manière autonome sur le marché. D’autre part, bien que le chevauchement de dirigeants entre une société mère et sa filiale constitue un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il ne saurait être déduit de l’absence d’un tel chevauchement que ladite filiale agit de façon autonome sur le marché. Partant, ces arguments ne sont pas de nature à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante et doivent, dès lors, être rejetés comme étant non fondés.

88      Troisièmement, la requérante soutient que Roca France dispose d’une autonomie quant à la gestion de ses affaires juridiques en ce que cette dernière décide librement du recours à des services juridiques extérieurs. À cet égard, il suffit de constater que cet élément n’est pas de nature à établir que la requérante ne pouvait pas exercer d’influence quant à la gestion des affaires juridiques de Roca France. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.

89      Dans un deuxième temps, s’agissant de l’autonomie de Laufen Austria par rapport à la requérante, premièrement, cette dernière se prévaut de l’autonomie fonctionnelle et organique de la première. À cet égard, elle soutient que Laufen Austria disposait de son propre conseil d’administration, de son propre organe de contrôle et de ses propres dirigeants, indépendants de la requérante. Elle précise, en outre, qu’il n’existait aucun système d’information interne entre elle et Laufen Austria et que cette dernière ne partageait pas de divisions commerciales ou de départements avec elle ou ses filiales. S’agissant essentiellement des questions d’ordre financier, le président-directeur général de Laufen Austria aurait rendu compte, non à elle, mais au président-directeur général de Keramik Holding. Par ailleurs, elle jouirait d’une liberté en matière de ressources humaines.

90      Or, tout d’abord, bien que le chevauchement de dirigeants entre une société mère et sa filiale constitue un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il ne saurait être déduit de l’absence d’un tel chevauchement que ladite filiale agit de façon autonome sur le marché.

91      Ensuite, force est de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la composition du conseil de surveillance de Laufen Austria était telle que, à tout le moins à partir du 30 mars 2000, elle permettait à la requérante d’exercer effectivement une influence déterminante sur Laufen Austria. En effet, il ressort des éléments du dossier que MM. M. et R., qui exerçaient respectivement les fonctions de conseiller juridique et de gérant de la requérante, étaient membres du conseil d’administration de celle-ci du 16 décembre 2002 au 31 décembre 2004 ainsi que membres du conseil de surveillance de Laufen Austria de mars 2000 à 2005 pour M. M. et en 2009 pour M. R. Il ressort également du dossier que M. A. M., membre du conseil de surveillance de Laufen Austria de mars 2000 à juin 2003, ainsi que Mme M. T., qui a remplacé celui-ci à partir de juin 2003, étaient employés par la requérante et y exerçaient, respectivement des fonctions relevant du domaine de l’administration, des finances et de la gérance en relation avec les sociétés du groupe Roca et des fonctions de conseillère juridique.

92      Certes, il ressort des éléments du dossier que, en droit autrichien, le conseil de surveillance exerce un rôle principalement passif de surveillance a posteriori des décisions du conseil d’administration. Toutefois, il n’en demeure pas moins que ce dernier a l’obligation de rechercher l’approbation du premier avant d’exécuter des décisions sur des aspects stratégiques et importants, tels que l’acquisition ou la cession de participations, l’ouverture ou la fermeture d’une branche, la détermination des principes généraux de la politique commerciale, l’émission d’obligations. Partant, il convient de constater que les décisions les plus importantes de Laufen Austria nécessitaient l’approbation de son conseil de surveillance auquel participaient, à partir du 30 mars 2000, trois membres, sur un total de six, qui avaient des liens avec la requérante, dont deux étaient également membres du conseil d’administration de cette dernière. Il s’ensuit que la requérante était en mesure d’exercer un contrôle sur les décisions les plus importantes de Laufen Austria.

93      Enfin, en ce qui concerne la circonstance que le président-directeur général de Laufen Austria ne rende pas compte à la requérante, mais au président-directeur général de Keramik Holding, cet argument n’est pas de nature à démontrer l’autonomie de Laufen Austria à l’égard de la requérante. En effet, Laufen Austria est détenue par la requérante par le biais de Keramik Holding. Dans une telle situation, selon la jurisprudence, la Commission est en droit d’obliger la société holding solidairement au paiement de l’amende infligée à la dernière filiale du groupe, à moins que la partie intéressée ne renverse la présomption d’exercice d’une influence déterminante en démontrant que soit la société interposée, soit ladite filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 54 supra, point 89). Or, si la requérante a expliqué que Laufen Austria répondait de Keramik Holding et que le président-directeur général de Keramik Holding approuvait certaines de ses décisions stratégiques, elle n’a pas pour autant invoqué le moindre élément tendant à démontrer que Keramik Holding se comportait de façon autonome par rapport à elle de nature à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

94      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la circonstance qu’il n’existait pas de système d’information interne ni de divisions commerciales ou de départements communs entre Laufen Austria et la requérante, à supposer ces allégations établies, est sans incidence sur la conclusion selon laquelle cette dernière était en mesure d’exercer un contrôle sur Laufen Austria.

95      De même, compte tenu des éléments qui précèdent, même à supposer que Laufen Austria jouisse, ainsi que le fait valoir la requérante, d’une indépendance en matière de ressources humaines, une telle indépendance n’est pas de nature à démontrer que la première se comportait sur le marché de manière autonome à l’égard de la seconde.

96      Partant, il y a lieu de rejeter les arguments tirés de l’autonomie fonctionnelle et organique de Laufen Austria comme étant non fondés.

97      Deuxièmement, la requérante se prévaut de l’indépendance commerciale et financière de Laufen Austria. À cet égard, elle invoque, notamment, l’autonomie de Laufen Austria quant au choix des produits qu’elle commercialise, à son réseau de distribution, à la négociation des approvisionnements à d’autres filiales de la requérante, à la fixation des prix de transfert, des prix de vente et à sa politique commerciale en général, ainsi que quant aux décisions stratégiques commerciales telles que le lancement de campagnes promotionnelles et à la politique de vente, de marketing et de publicité.

98      Or, même à supposer que Laufen Austria jouisse d’une certaine autonomie dans les domaines visés au point 97 ci-dessus, il y a lieu de considérer, compte tenu des constats opérés et des conclusions tirées aux points 91 à 93 ci-dessus, que cette autonomie est en tout état de cause insuffisante pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. D’une part, la requérante était en mesure, au plus tard à partir du 30 mars 2000, d’exercer une influence déterminante sur les décisions stratégiques de Laufen Austria. D’autre part, même avant cette date, il ressort des éléments du dossier, rappelés au point 93 ci-dessus, que Keramik Holding approuvait certaines décisions stratégiques de Laufen Austria, sans que la requérante ait démontré que Keramik Holding se comportait de façon autonome par rapport à elle. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler, ainsi que cela a été relevé au point 47 ci-dessus, que le grief soulevé par la requérante afin de contester le principe même de la mise en œuvre de la présomption d’exercice d’une influence déterminante à partir du 29 octobre 1999 est irrecevable. Partant, les arguments relatifs à l’autonomie commerciale et financière de Laufen Austria doivent être rejetés comme étant inopérants.

99      Dans un troisième temps, s’agissant des arguments relatifs à l’absence de coordination, par la requérante, des comportements de Roca France et de Laufen Austria sur le marché, certes une coordination, par la société mère, du comportement de ses filiales sur le marché constitue un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante. Néanmoins, il ne saurait être déduit de l’absence d’une telle coordination que lesdites filiales agissent de façon autonome sur le marché par rapport à leur société mère. En tout état de cause, une telle absence de coordination n’est pas de nature à renverser les constats, opérés aux points 83 à 85 et 91 à 93 ci-dessus, en vertu desquels la requérante était en mesure d’exercer une influence déterminante tant sur Roca France que sur Laufen Austria. Partant, les arguments soulevés à cet égard par la requérante doivent être rejetés comme étant inopérants.

100    En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission une confusion entre la présomption d’exercice d’une influence déterminante et l’exercice effectif d’une telle influence. Selon elle, d’une part, il appartenait à la Commission de démontrer que la requérante pouvait exercer une influence déterminante sur Roca France et sur Laufen Austria et qu’elle l’a effectivement exercée. D’autre part, la Commission n’aurait pas apporté la preuve de l’exercice effectif d’une telle influence.

101    Cet argument est non fondé. En effet, il ressort de la jurisprudence citée aux points 52 à 55 ci-dessus que, lorsque la Commission impute la responsabilité du comportement anticoncurrentiel d’une filiale à sa société mère sur la base de la présomption d’exercice d’une influence déterminante, elle n’est nullement tenue de prouver l’exercice effectif d’une telle influence. En revanche, il appartient à la partie intéressée de renverser cette présomption.

102    En cinquième lieu, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas été représentée par la même personne que Roca France et Laufen Austria lors des réunions de l’entente et que les représentants légaux de la requérante et de ces dernières étaient, aux fins de la procédure d’infraction et devant le Tribunal, différents. À cet égard, il suffit de constater que cet élément n’est pas de nature à établir que la requérante ne pouvait pas exercer d’influence dans la gestion des affaires juridiques de ses filiales. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.

103    En sixième lieu, la requérante se prévaut de la circonstance que Laufen Austria a été identifiée sous la dénomination « Laufen » ou « Öspag » dans la procédure administrative et dans la décision attaquée et non sous le nom de « Roca ». Cet argument doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, d’une part, il importe de rappeler que l’entreprise unique, au sens de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, pouvant être composée de plusieurs personnes physiques ou morales, le fait que lesdites personnes morales portent des dénominations différentes n’est pas de nature à établir leur autonomie. D’autre part, s’il ressort du considérant 28 de la décision attaquée que la Commission utilise, dans ladite décision, la dénomination « Laufen » pour désigner Laufen Austria, il y a néanmoins lieu de relever qu’elle n’utilise cette désignation que lorsqu’elle fait spécifiquement référence aux agissements et arguments présentés par cette dernière et que, prise ensemble avec la requérante et Roca France, Laufen Austria est dénommée « Roca ».

104    En septième lieu, la requérante fait valoir qu’elle ne s’est jamais érigée en interlocuteur unique vis-à-vis de la Commission par rapport à Roca France et Laufen Austria. À cet égard, il y a lieu d’observer que le fait pour une société mère de ne pas se présenter comme le seul interlocuteur, tant au cours de la procédure administrative qu’au stade contentieux, ne permet pas de conclure que la filiale concernée est autonome par rapport à sa société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, T‑206/06, non publié au Recueil, point 98). Partant, il convient de rejeter cet argument de la requérante comme étant non fondé.

105    En huitième lieu, la requérante soutient, dans le cadre de la première branche du premier moyen, relative à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat, que la Commission a rendu la présomption d’exercice d’une influence déterminante irréfragable, en méconnaissance des principes de responsabilité personnelle et de présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH (voir points 71 et 73 ci-dessus). À cet égard, il suffit de constater que la simple circonstance qu’une entité ne produit pas, dans un cas donné, d’éléments de preuve de nature à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante ne signifie pas que ladite présomption ne peut, en aucun cas, être renversée (arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 66). Partant, cet argument de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

106    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis aucune erreur en estimant, au considérant 1071 de la décision attaquée, que les arguments avancés par le groupe Roca n’étaient pas susceptibles de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

107    Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant, pour partie, inopérante et, pour partie, non fondée.

–       Sur la troisième branche, relative aux facteurs additionnels pris en considération par la Commission

108    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des facteurs additionnels que cette dernière a invoqués aux considérants 1071 à 1073 de la décision attaquée afin de renforcer la présomption d’exercice d’une influence déterminante. En effet, la requérante estime, en substance, d’une part, que plusieurs affirmations figurant aux considérants 1072 et 1073 sont erronées. D’autre part, au considérant 1071, la Commission aurait sorti de leur contexte les observations formulées dans le cadre de l’audition du 13 novembre 2007, visée au point 11 ci-dessus, concernant l’application de la communication de 2002 sur la coopération, et en aurait déduit, à tort, que la requérante constituait une entreprise unique avec Roca France et Laufen Austria.

109    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

110    Selon la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de corroborer par des facteurs additionnels la présomption d’exercice d’une influence déterminante qu’elle est en droit de poser lorsqu’une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital social de sa filiale.

111    En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 59 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a présumé que la requérante exerçait une influence déterminante sur Roca France et Laufen Austria. En outre, il ressort du point 106 ci-dessus que c’est également à bon droit que la Commission a considéré que la présomption d’exercice d’une influence déterminante n’avait pas été renversée par les arguments présentés par le groupe Roca.

112    Dès lors, il y a lieu de considérer que c’est à titre surabondant que la Commission a, d’une part, relevé, au considérant 1071 de la décision attaquée, que la requérante avait reconnu, aux fins de la demande de Roca France tendant à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération (ci-après la « demande tendant à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende »), constituer une entreprise unique avec Roca France et Laufen Austria et, d’autre part, invoqué, aux considérants 1072 et 1073, des facteurs additionnels renforçant la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

113    Dans la mesure où les arguments soulevés par la requérante au soutien du présent grief sont dirigés contre des éléments avancés par la Commission à titre surabondant, il convient de considérer que, même s’il devait être considéré que la Commission a commis une erreur quant à l’appréciation de ces éléments, une telle erreur ne serait pas, en toute hypothèse, de nature à remettre en cause le fait qu’elle pouvait à bon droit se fonder sur la seule constatation de la détention par la requérante de la totalité du capital social de Roca France et de Laufen Austria pour présumer qu’elle exerçait une influence déterminante sur ces dernières.

114    Partant, la présente branche doit être rejetée comme étant inopérante, sans que les arguments que la requérante a soulevés à son appui, tels qu’exposés au point 108 ci-dessus, puissent modifier ce constat.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant des éléments de preuve présentés pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante

115    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296 TFUE. En effet, au considérant 1069 de la décision attaquée, la Commission aurait affirmé que les preuves présentées pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante n’étaient pas adéquates, sans avancer les raisons justifiant cette affirmation. Elle soutient, en particulier, que la Commission était tenue de préciser les faits et les considérations auxquels elle attachait une importance décisive afin de réfuter les éléments de preuve apportés pour renverser cette présomption.

116    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

117    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 105 supra, point 147).

118    Ainsi, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 105 supra, point 148, et la jurisprudence citée).

119    En outre, il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 105 supra, point 150, et la jurisprudence citée).

120    Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application des règles de l’Union en matière de droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité des comportements anticoncurrentiels, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 105 supra, point 152).

121    S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause, sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable, tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à la renverser. Le devoir de la Commission de motiver ses décisions sur ce point résulte notamment du caractère réfragable de cette présomption, dont le renversement requerrait des intéressés de produire une preuve portant sur les liens économiques, organisationnels et juridiques entre les sociétés concernées (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 105 supra, point 153).

122    La Commission n’est pourtant pas tenue dans un tel contexte de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 105 supra, point 154).

123    En l’espèce, tout d’abord, la Commission a expliqué, au considérant 1063 de la décision attaquée, que la requérante avait détenu à 100 % Roca France pendant toute la durée de l’infraction commise par celle-ci et Laufen Austria depuis le 29 octobre 1999. Elle a conclu, sur cette base, au considérant 1069, que la présomption d’exercice d’une influence déterminante trouvait à s’appliquer en l’espèce.

124    Ensuite, la Commission a exposé, aux considérants 1065 à 1068 de la décision attaquée, l’essentiel des éléments avancés par le groupe Roca afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante tant dans sa réponse à la communication des griefs que dans ses réponses aux demandes de renseignements, en citant précisément les passages pertinents de ces documents. Ainsi, elle a expliqué que la requérante avait fait valoir qu’elle n’avait pas participé à l’infraction constatée (considérant 1065 de la décision attaquée), qu’elle n’avait pas exercé d’influence sur ses filiales ni pris aucune décision tarifaire pour elles (considérant 1066 de la décision attaquée), que ses filiales ne lui avaient pas communiqué d’informations sur leurs marchés respectifs et qu’elles avaient toujours agi et fixé leurs prix de manière autonome (considérant 1066 de la décision attaquée), qu’il n’y avait eu aucun flux bilatéral d’informations entre elle et ses filiales (considérant 1066 de la décision attaquée), qu’elle n’avait donné aucune instruction à des employés de ses filiales (considérant 1066 de la décision attaquée) et que la Commission ne pouvait se fonder uniquement sur ses liens d’actionnariat avec ses filiales pour présumer l’exercice d’une influence déterminante sur ces dernières (considérant 1067 de la décision attaquée). La Commission a en outre exposé les arguments soulevés par Roca France et par Laufen Austria, tirés de ce que leur comportement commercial était totalement indépendant de la requérante. En effet, elles n’auraient jamais reçu d’instructions de cette dernière quant à leur participation à l’infraction constatée, dont la requérante n’aurait, par ailleurs, pas eu connaissance (considérant 1068 de la décision attaquée).

125    Enfin, aux considérants 1070 et 1071 de la décision attaquée, la Commission a répondu aux arguments avancés par le groupe Roca. Premièrement, elle estime que la requérante est considérée, conformément à la jurisprudence, comme individuellement responsable de l’infraction constatée, sur la base de ses liens juridiques et économiques avec Roca France et Laufen Austria (considérant 1070 de la décision attaquée). Deuxièmement, la Commission indique que l’argument relatif à l’absence de participation de la requérante à l’infraction constatée ne pouvait prospérer eu égard à la jurisprudence pertinente (considérant 1071 de la décision attaquée). Troisièmement, l’exercice d’une influence déterminante sur la politique commerciale d’une filiale ne supposerait pas la gestion quotidienne de ses activités ni la détermination, par la société mère, des prix devant être appliqués par ses filiales (considérant 1071 de la décision attaquée). En outre, la Commission a ajouté que la requérante aurait reconnu, lors de l’audition visée au point 11 ci-dessus, qu’elle constituait une seule entreprise, aux fins de la demande tendant à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende avec Roca France et Laufen Austria (considérant 1071 de la décision attaquée).

126    Si cette réponse est succincte, elle est toutefois suffisante pour permettre de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les arguments présentés par le groupe Roca ne permettaient pas de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.

127    Par ailleurs, il convient d’ajouter que, aux considérants 1072 et 1073 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’éléments supplémentaires produits par le groupe Roca au cours de la procédure administrative. Selon elle, non seulement ces éléments n’étaient pas susceptibles de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante, mais au contraire indiquaient une influence de la requérante sur Roca France et Laufen Austria.

128    En particulier, s’agissant de Roca France, la Commission a cité, au considérant 1072 de la décision attaquée, des éléments démontrant, selon elle, que son directeur commercial répondait directement à la requérante, que tous les aspects relatifs aux produits commercialisés par Roca France étaient déterminés par la requérante et que Roca France ne fabriquait pas elle-même les produits qu’elle commercialisait. S’agissant de Laufen Austria, la Commission a relevé, au considérant 1073 de la décision attaquée, que certains membres du conseil d’administration de la requérante étaient également membres du conseil de surveillance de Laufen Austria, que la requérante décidait de la conception et de la fabrication de nouveaux produits et de la suppression de gammes de produits, ainsi que du prix de transfert auquel elle vendait ses produits à ses filiales, et que Laufen Austria devait être orientée par les objectifs d’amélioration du volume des ventes et de renforcement de la marque Roca sur son marché.

129    Même à supposer que certains de ces éléments puissent être considérés comme étant imprécis, inexacts ou mal interprétés par la Commission, il n’en demeure pas moins qu’ils constituent un exposé adéquat des raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les éléments de fait et de droit invoqués par le groupe Roca n’ont pas suffi à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante, mais contribuent au contraire à démontrer que la requérante et ses filiales forment une unité économique unique. À cet égard, il convient de rappeler, en outre, que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 56 supra, point 94).

130    Dès lors, il y a lieu de conclure que la Commission s’est conformée à son obligation de motivation. Partant, il convient de rejeter les arguments soulevés par la requérante à cet égard, ainsi que le deuxième moyen dans son ensemble, comme étant non fondés.

 Sur le cinquième moyen, relatif à la période d’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction commise par Laufen Austria

131    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en considérant qu’elle pouvait exercer une influence décisive sur Laufen Austria avant le 16 décembre 2002 ou, à tout le moins, avant le 1er novembre 2001 ou le 30 mars 2000. Premièrement, elle fait valoir que la Commission a retenu, au considérant 1073 de la décision attaquée, la présence simultanée, du 16 décembre 2002 à la fin de 2004, de deux membres de son conseil d’administration au sein de l’organe de surveillance de Laufen Austria, comme facteur essentiel justifiant que lui soit imputée la responsabilité de l’infraction commise par cette dernière. Deuxièmement, les nouveaux membres du conseil d’administration de Laufen Austria n’auraient atteint la majorité au sein dudit conseil que le 1er novembre 2001. Troisièmement, la composition du conseil d’administration ou de l’organe de surveillance de Laufen Austria n’aurait pas été modifiée avant le 30 mars 2000.

132    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

133    Tout d’abord, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante visant à établir que la Commission ne pouvait pas mettre en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante avant le 16 décembre 2002 doit être rejeté comme étant inopérant pour les motifs exposés aux points 111 et 112 ci-dessus. En effet, d’une part, c’est à bon droit que la Commission a imputé l’infraction commise par Laufen Austria à la requérante sur la base de la présomption d’exercice d’une influence déterminante. D’autre part, cet argument de la requérante est dirigé contre un facteur additionnel mentionné au considérant 1073 de la décision attaquée par lequel la Commission a entendu conforter sa conclusion principale selon laquelle la présomption d’exercice d’une influence déterminante n’a pas été renversée.

134    En tout état de cause, cet argument est non fondé. En effet, il ressort des points 91 et 92 ci-dessus que, dès le 30 mars 2000, la composition de l’organe de surveillance de Laufen Austria était telle qu’elle permettait à la requérante d’exercer une influence sur cette dernière. En effet, dès cette date, ledit organe était composé de trois personnes sur six employées par la requérante.

135    Ensuite, l’argument tiré du fait que la Commission ne pouvait pas appliquer la présomption d’exercice d’une influence déterminante avant le 1er novembre 2001, date à laquelle les nouveaux membres du conseil d’administration de Laufen Austria auraient atteint la majorité au sein dudit conseil, doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, cet argument n’est pas de nature à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante que la Commission a, ainsi que cela a été constaté au point 59 ci-dessus, mise en œuvre à bon droit dans la décision attaquée dès lors que, ainsi que cela ressort des points 91 et 92 ci-dessus, la composition de l’organe de surveillance de Laufen Austria permettait à la requérante d’exercer une influence déterminante sur celle-ci dès le 30 mars 2000.

136    Enfin, l’argument visant à établir que la Commission ne pouvait pas mettre en œuvre la présomption d’exercice d’une influence déterminante avant le 30 mars 2000 doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 90 ci-dessus, bien que le chevauchement de dirigeants entre une société mère et sa filiale constitue un indice de l’exercice effectif d’une influence déterminante, il ne saurait être déduit de l’absence d’un tel chevauchement que ladite filiale agit de façon autonome sur le marché. Or, tout d’abord, force est de constater que, dans le cadre du présent moyen, la requérante se contente d’alléguer que ce n’est que le 30 mars 2000 que la composition de l’organe de surveillance de Laufen Austria a été modifiée, à la suite de l’acquisition de celle-ci par la requérante, sans toutefois soulever d’autres arguments de nature à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Ensuite, les arguments soulevés par la requérante dans le cadre du premier moyen, afin d’établir que ladite présomption a été renversée, ont été rejetés aux points 77 à 107 ci-dessus. Enfin, ainsi que cela a été relevé au point 47 ci-dessus, le grief tendant à contester l’application même, au regard des liens capitalistiques avec Laufen Austria, de la présomption d’exercice d’une influence déterminante à partir du 29 octobre 1999 est irrecevable.

137    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant, pour partie, inopérant et, pour partie, non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

138    La requérante fait valoir que ses droits de la défense ont été violés. En effet, premièrement, les facteurs additionnels, mentionnés aux considérants 1072 et 1073 de la décision attaquée, n’auraient pas été évoqués dans la communication des griefs ou, lorsqu’ils y ont été mentionnés, les interprétations subjectives et les conclusions qui s’en dégagent dans la décision attaquée n’auraient pas pu raisonnablement en être tirées. En particulier, alors même que la communication des griefs fondait l’imputation de la responsabilité des agissements de Roca France et de Laufen Austria à la requérante sur la seule présomption d’exercice d’une influence déterminante, la Commission aurait, dans la décision attaquée, élargi le fondement de ladite imputation en faisant allusion aux facteurs additionnels mentionnés aux considérants 1072 et 1073. Deuxièmement, la Commission aurait invoqué pour la première fois dans le mémoire en défense, d’une part, une présomption d’exercice d’un contrôle indirect sur Laufen Austria par le biais de Keramik Holding et, d’autre part, des pièces et des arguments qui n’avaient été invoqués ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée.

139    La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

140    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure à caractère administratif (arrêts de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 94, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 270). Il exige que les entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par la Commission (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11, et du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 49).

141    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que l’argument de la requérante relatif aux facteurs additionnels mentionnés aux considérants 1072 et 1073 de la décision attaquée est inopérant. En effet, d’une part, la Commission a imputé à la requérante la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de Roca France et de Laufen Austria sur la base de la présomption d’exercice d’une influence déterminante sans que le groupe Roca soit parvenu à renverser ladite présomption. Partant, même à supposer que la Commission ait méconnu les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne lesdits facteurs additionnels, une telle violation ne serait, en toute hypothèse, pas susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée dès lors qu’elle n’aurait aucune incidence sur le fondement même de l’imputation. D’autre part, force est de constater que la requérante ne se prévaut d’aucune violation des droits de la défense quant à l’application, dans la décision attaquée, de la présomption d’exercice d’une influence déterminante au groupe Roca.

142    Deuxièmement, s’agissant de la référence, dans le mémoire en défense, au rôle joué par Keramik Holding, il importe de relever que la requérante a mentionné dans la requête que le président-directeur général de la requérante faisait rapport au président-directeur général de Keramik Holding, en Suisse, en ce qui concerne essentiellement les questions d’ordre financier, et que Laufen Austria ne dépendait pas d’elle. Il en découle que, en arguant du fait que la requérante avait omis de mentionner la circonstance que Keramik Holding exerçait un contrôle sur Laufen Austria et qu’elle exerçait elle-même un contrôle sur Keramig Holding, la Commission s’est contentée d’opposer à la requérante un élément de défense qu’elle estimait pertinent. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.

143    Troisièmement, il importe de relever que les pièces et arguments invoqués pour la première fois dans le mémoire en défense l’ont été en réponse à l’argumentation de la requérante relative, d’une part, à l’autonomie de Laufen Austria et, d’autre part, aux rapports mensuels et annuels qui lui étaient communiqués par Roca France. Or, il importe de relever que la présentation, par la Commission, de ces éléments devant le Tribunal en tant que moyens de défense ne saurait, par elle-même, violer les droits de la défense de la requérante. En effet, outre le fait que cette dernière a pu prendre position sur ces éléments tant dans la réplique qu’à l’audience, il y a lieu d’observer que c’est en réponse aux arguments de la requérante que la Commission a introduit ces éléments dans le débat. Partant, l’argument soulevé à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.

144    Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son ensemble comme étant, pour partie, inopérant et, pour partie, non fondé.

 Sur le quatrième moyen, relatif au calcul du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Laufen Austria

145    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé son obligation de motivation ainsi que les principes de proportionnalité et de confiance légitime, en ce qu’elle a méconnu les lignes directrices de 2006. En outre, la Commission aurait commis une erreur dans le calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée à titre solidaire avec Laufen Austria. En effet, selon la requérante, l’infraction commise par Laufen Austria a duré dix ans, durée pour laquelle la Commission a fixé un montant de base de l’amende à 32 000 000 euros. Or, dès lors que la Commission ne l’a tenue solidairement responsable du paiement de l’amende qu’en ce qui concerne les cinq dernières années de l’infraction commise par Laufen Austria, la requérante soutient que la Commission aurait dû répartir à parts égales ledit montant de base de l’amende. Ainsi, la requérante estime que le montant de l’amende qui lui a été infligée à titre solidaire avec Laufen Austria aurait dû être de 16 000 000 euros et non de 17 700 000 euros.

146    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante. Elle explique, en particulier, que la répartition à parts non égales s’explique par la prise en compte, à des fins dissuasives, d’un coefficient « montant additionnel » correspondant à 15 % de la valeur des ventes.

147    Il y a lieu de préciser que les arguments soulevés par la requérante, tels qu’exposés, en substance, au point 145 ci-dessus, visent à contester, sous des angles différents, la méthode de calcul du montant de l’amende infligée à titre solidaire à la requérante et à Laufen Austria et, plus particulièrement, la répartition du montant de l’amende infligée à cette dernière en un montant infligé à titre individuel à celle-ci et un montant infligé à titre solidaire avec la requérante. Dans ces conditions, il convient, en premier lieu, de rappeler les règles s’appliquant au calcul du montant de l’amende prévues par les lignes directrices de 2006, en deuxième lieu, de relever les motifs avancés par la Commission au soutien du calcul du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Laufen Austria et, en troisième lieu, d’examiner si la Commission a commis les violations invoquées par la requérante.

148    En premier lieu, s’agissant des règles applicables au calcul du montant de l’amende, il y a lieu de rappeler que, en vertu des paragraphes 9 à 11 des lignes directrices de 2006, la méthodologie utilisée par la Commission pour fixer les amendes comporte deux étapes. Dans un premier temps, la Commission détermine un montant de base de l’amende pour chaque entreprise ou association d’entreprises. Dans un second temps, elle peut ajuster ce montant de base de l’amende à la hausse ou à la baisse, et ce au regard des circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent la participation de chacune des entreprises concernées.

149    S’agissant, plus précisément, de la première phase de la méthode pour la fixation du montant des amendes, selon le paragraphe 19 des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes déterminée, conformément aux paragraphes 20 à 23, en fonction du degré de gravité de l’infraction et multipliée, conformément au paragraphe 24, par le nombre d’années d’infraction. Il ressort, en outre, du paragraphe 25, que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura, dans un but dissuasif, dans le montant de base de l’amende, une proportion, permettant de calculer un montant additionnel, comprise dans une fourchette allant de 15 à 25 % de la valeur des ventes.

150    En deuxième lieu, s’agissant, en l’espèce, des motifs avancés par la Commission au soutien du calcul du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Laufen Austria, il y a lieu d’observer que, tout d’abord, la Commission a pris en considération, aux fins de la détermination du montant de base de l’amende, la valeur des ventes liées à l’infraction commise par Laufen Austria sur le territoire autrichien, laquelle s’élève, ainsi que cela ressort du considérant 1208 de la décision attaquée, à 19 746 604 euros. La Commission a ensuite déterminé la proportion de la valeur des ventes en appliquant le coefficient « gravité de l’infraction » et multiplié le montant en résultant par dix au titre de la durée de l’infraction, correspondant à une participation de Laufen Austria de dix ans (considérant 1223 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a pris en compte, à des fins dissuasives, un coefficient « montant additionnel », représentant 15 % de la valeur des ventes (considérant 1225 de la décision attaquée), en précisant, au considérant 1224, que ce coefficient s’applique, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006.

151    Aux termes du considérant 1226, il en est résulté, s’agissant de l’amende infligée au groupe Roca au titre de l’infraction commise sur le territoire de l’Autriche, un montant de base de l’amende s’élevant à 32 000 000 euros [(19 746 604*0,15*10) + (19 746 604*0,15)], dont 17 700 000 euros [(19 746 604*0,15*5) + (19 746 604*0,15)] infligé à titre solidaire à la requérante.

152    Il ressort du considérant 1264 de la décision attaquée que le montant de l’amende infligée au groupe Roca après application du plafond de 10 %, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et au paragraphe 32 des lignes directrices de 2006, est resté inchangé. Dès lors, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, sous a) et sous c), de la décision attaquée, la Commission a infligé, en ce qui concerne les comportements infractionnels ayant eu lieu sur le territoire autrichien, une amende d’un montant de 17 700 000 euros solidairement à la requérante et à Laufen Austria et de 14 300 000 euros individuellement à Laufen Austria.

153    En troisième lieu, s’agissant des violations invoquées par la requérante, telles qu’exposées au point 145 ci-dessus, il convient d’observer, premièrement, en ce qui concerne la violation alléguée de l’obligation de motivation, que le calcul du montant de l’amende effectué dans la décision attaquée, tel qu’exposé aux points 150 et 151 ci-dessus, ressort de manière claire et non équivoque, en particulier de ses considérants 1208 et 1223 à 1225. Partant, il convient de rejeter le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation comme étant non fondé.

154    Deuxièmement, s’agissant de l’erreur de calcul, de la répartition arbitraire du montant de l’amende ainsi que de la violation du principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu d’observer qu’il découle des points 148 à 151 ci-dessus que le calcul effectué dans la décision attaquée, tel qu’exposé aux points 150 et 151 ci-dessus, correspond à la méthode retenue dans les lignes directrices de 2006, telle que rappelée aux points 148 et 149 ci-dessus. Partant, il convient de rejeter ces griefs comme étant non fondés.

155    Troisièmement, la requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité, dès lors que le montant de l’amende infligée à titre solidaire avec Laufen Austria est disproportionné par rapport à la durée de l’infraction dont la responsabilité lui a été imputée. À cet égard, d’une part, il convient de constater qu’il ressort du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 que le coefficient « montant additionnel » est pris en compte indépendamment de la durée de l’infraction à laquelle l’entreprise a participé. D’autre part, il importe de rappeler que la requérante a été tenue responsable, en sa qualité de société mère détenant la totalité du capital social de Laufen Austria, des agissements de cette dernière, lesquels consistaient en la mise en œuvre d’une coordination de hausses de prix futures. De plus, elle avait connaissance, notamment en raison de la participation de Laufen Austria aux réunions de l’ASI, de l’étendue matérielle de l’infraction constatée en ce qu’elle portait sur les trois sous-groupes de produits, ce qu’elle ne conteste pas. En outre, les comportements anticoncurrentiels concernaient tout le territoire autrichien. Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission a pris en compte, conformément audit paragraphe, un coefficient « montant additionnel » de 15 %, lequel ne saurait valablement être considéré comme étant disproportionné par rapport à la gravité de l’infraction.

156    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen, lié à l’appréciation, par la Commission, de la gravité de l’infraction

157    La requérante reproche à la Commission, en substance, une violation du principe d’égalité de traitement du fait de la fixation des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » à 15 %. À cet égard, elle fait valoir que la Commission a appliqué lesdits coefficients sans établir de distinction en fonction de la gravité des comportements infractionnels commis par les destinataires de la décision attaquée. Or, selon elle, les agissements dont la responsabilité lui a été imputée étaient de gravité moindre que celle commise par les entreprises appartenant au groupe central d’entreprises. En effet, contrairement à ces dernières, la requérante n’aurait pas participé aux pratiques sanctionnées, n’en aurait pas eu connaissance et ses filiales Roca France et Laufen Austria n’auraient participé à l’infraction constatée que sur les territoires, respectivement, de la France et de l’Autriche.

158    En outre, lors de l’audience, la requérante a reproché à la Commission de ne pas lui avoir appliqué de circonstances atténuantes au titre de la gravité moindre de l’infraction dont la responsabilité lui a été imputée. Elle reproche ainsi, en substance, à la Commission une erreur dans l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

159    La Commission n’a pas pris position sur ces arguments de la requérante.

160    Dans un premier temps, s’agissant de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, il convient, en premier lieu, de rappeler les règles pertinentes du calcul du montant de l’amende, en deuxième lieu, de relever les motifs avancés par la Commission au soutien de sa décision de prendre en compte des coefficients de 15 % et, en troisième lieu, d’examiner si, en procédant de la sorte, elle a commis, ainsi que le soutient la requérante, une violation du principe d’égalité de traitement.

161    En premier lieu, s’agissant des règles de calcul du montant de base de l’amende, il convient de rappeler, outre les principes déjà décrits au point 148 ci-dessus, que, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, le coefficient « gravité de l’infraction » est fixé à un niveau compris dans une fourchette allant de 0 à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En vertu du paragraphe 25, il est précisé que, dans un but dissuasif, la Commission inclura, dans le montant de base de l’amende, une proportion, permettant de calculer un montant additionnel, comprise dans une fourchette allant de 15 à 25 % de la valeur des ventes, en tenant compte des facteurs précités.

162    En deuxième lieu, s’agissant de la proportion de la valeur des ventes de chaque entreprise concernée retenue par la Commission dans la décision attaquée, il convient d’observer que la détermination des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » fait l’objet respectivement des considérants 1210 à 1220, 1224 et 1225 de la décision attaquée.

163    À cet égard, premièrement, s’agissant du coefficient « gravité de l’infraction », il ressort notamment des considérants 1210 à 1214 de la décision attaquée que, pour justifier la fixation d’un coefficient de 15 %, la Commission, après avoir rappelé que les accords horizontaux de fixation des prix comptaient parmi les restrictions de concurrence les plus graves, s’est fondée sur quatre critères, à savoir, la nature de l’infraction, les parts de marché combinées des entreprises sanctionnées, la portée géographique et la mise en œuvre de l’infraction. Il découle desdits considérants que, en substance, la Commission s’est fondée sur l’appréciation selon laquelle les entreprises sanctionnées dans la décision attaquée avaient participé à une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains couvrant les trois sous-groupes de produits dans six États membres, et que l’« accord horizontal de fixation de prix », qui a été mis en œuvre en l’espèce, compte parmi les restrictions les plus graves de concurrence en raison de sa nature même.

164    Deuxièmement, s’agissant du coefficient « montant additionnel », la Commission a, au considérant 1225 de la décision attaquée, renvoyé aux quatre critères évoqués en ce qui concerne le coefficient « gravité de l’infraction » pour fixer ce coefficient à 15 %.

165    Toutefois, la Commission a estimé, au considérant 871 de la décision attaquée, que, si le groupe Roca, notamment à travers la participation de Laufen Austria aux réunions de l’ASI, avait connaissance de l’étendue matérielle de l’infraction constatée en ce qu’elle portait sur les trois sous-groupes de produits, il ne pouvait être considéré comme ayant eu connaissance de l’entente globale, mais seulement des comportements collusoires ayant existé en France et en Autriche. Partant, le groupe Roca a été considéré, par la Commission, comme n’ayant participé qu’aux volets français et autrichien de l’infraction constatée, ainsi que cela ressort de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée. La Commission a encore relevé, au considérant 871, que, dès lors que le groupe Laufen n’avait été acquis qu’en 1999 et qu’une infraction n’avait été constatée en France qu’à partir de 2002, le groupe Roca n’avait directement participé à l’infraction dans plusieurs États membres que pendant les deux dernières années de l’infraction.

166    C’est à la lumière des considérations exposées aux points 161 à 165 ci-dessus qu’il convient d’examiner, en troisième lieu, les arguments de la requérante tels qu’exposés, en substance, au point 157 ci-dessus.

167    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 79).

168    En l’espèce, force est de constater que l’ensemble des destinataires de la décision attaquée s’est vu appliquer des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 %, alors même que, à la différence des entreprises ayant participé à l’infraction unique couvrant les trois sous-groupes de produits dans six États membres, la requérante ne pouvait être tenue pour responsable de l’infraction constatée que pour ses volets français et autrichien. Dès lors, la gravité de l’infraction à laquelle la requérante a participé était moins importante en termes géographiques que celle de l’infraction commise par les autres destinataires de la décision attaquée ayant pris part à l’infraction unique couvrant six territoires et les trois sous-groupes de produits.

169    Toutefois, même à supposer qu’il y ait lieu de considérer que la Commission aurait dû traiter, lors de la détermination desdits coefficients, les entreprises ayant pris part à l’infraction unique couvrant les six territoires de l’Union et les trois sous-groupes de produits de manière distincte de celles qui ont participé à l’infraction unique sur un seul territoire, il n’en demeure pas moins qu’un tel traitement distinct n’aurait pas pu bénéficier à la requérante. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 155 ci-dessus s’agissant du coefficient « montant additionnel », c’est à bon droit que la Commission a pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, un coefficient « montant additionnel » de 15 %, lequel n’est pas disproportionné par rapport à la gravité des comportements anticoncurrentiels pour lesquels la requérante est tenue responsable. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 155 ci-dessus, c’est à bon droit et sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a pris en compte, conformément aux paragraphes 21 à 23 desdites lignes directrices, un coefficient « gravité de l’infraction » de 15 %. Dès lors, l’absence de traitement différencié entre l’ensemble des entreprises destinataires de la décision attaquée ne s’est pas faite au détriment de la requérante.

170    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis une violation du principe d’égalité de traitement à son détriment comme étant non fondé.

171    Dans un second temps, s’agissant de la prétendue erreur commise lors de l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, premièrement, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen.

172    Or, en l’espèce, force est de constater que le grief tiré de l’erreur dans l’application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 a été soulevé pour la première fois à l’audience. En effet, dans ses écritures, la requérante ne s’est prévalue à aucun titre de l’application d’une circonstance atténuante. En outre, s’il est certes vrai que la requérante s’est prévalue, dans la requête, de la prétendue gravité moindre de l’infraction dont la responsabilité lui a été imputée, il y a toutefois lieu de considérer que la requérante s’est contentée de faire valoir une différence de traitement par rapport aux entreprises faisant partie du groupe central d’entreprises.

173    Partant, ce grief soulevé à l’audience doit être rejeté comme étant irrecevable.

174    En tout état de cause, ce grief est non fondé.

175    En effet, il convient de relever que, en vertu du paragraphe 29, troisième tiret, des lignes directrices de 2006, afin de bénéficier d’une réduction du montant de l’amende en raison de circonstances atténuantes, l’entreprise concernée doit « apporte[r] la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite » et « démontre[r] par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ».

176    En outre, pour bénéficier de la circonstance atténuante liée à une participation réduite à l’infraction en cause, la requérante doit démontrer que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords ayant donné lieu à cette infraction, elle s’est effectivement soustraite à son application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci. En d’autres termes, elle doit démontrer qu’elle n’a pas appliqué les accords litigieux, en ayant à cet égard un comportement sur le marché susceptible de contrarier les effets anticoncurrentiels de l’infraction constatée (voir arrêt du Tribunal du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T-370/09, non encore publié au Recueil, point 439, et la jurisprudence citée).

177    Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante s’est contentée de faire valoir le caractère limité de l’infraction commise par Roca France et par Laufen Austria et dont la responsabilité lui a été imputée, sans toutefois démontrer que lesdites filiales se sont soustraites, par l’adoption d’un comportement concurrentiel, à la mise en œuvre de l’infraction.

178    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le sixième moyen dans son intégralité comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

179    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée dans leur intégralité.

2.     Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

180    Compte tenu du deuxième chef de conclusions par lequel la requérante demande, à titre subsidiaire, au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée (voir point 32 ci-dessus), il incombe au Tribunal, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’examiner les moyens et arguments que la requérante avance à l’appui du deuxième chef de conclusions visant à obtenir du Tribunal une réduction du montant de ladite amende.

181    Il importe de rappeler à cet égard que, selon la jurisprudence, d’une part, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce et en respectant les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 34 supra, points 179 et 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 140 supra, point 187).

182    D’autre part, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public qu’il est tenu de soulever d’office, telle l’absence ou l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt Chalkor/Commission, point 34 supra, point 64).

183    En l’espèce, la requérante soulève, en substance, deux arguments au soutien de ses conclusions tendant, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende.

 Sur le premier argument, tiré de la gravité moindre de l’infraction dont la responsabilité a été imputée à la requérante

184    Pour autant que le sixième moyen doive être compris en ce sens que la requérante demande au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée en raison de la gravité moindre de l’infraction dont la responsabilité lui a été imputée, il y a lieu de rappeler que, bien que les lignes directrices de 2006 ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union lorsque celui-ci statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169), le Tribunal estime approprié, en l’espèce, de s’en inspirer pour recalculer le montant de l’amende, notamment en raison du fait qu’elles permettent de prendre en considération tous les éléments pertinents de l’espèce et d’infliger des amendes proportionnées à l’ensemble des entreprises ayant participé à l’infraction constatée.

185    D’une part, il convient de rappeler que le Tribunal a constaté, aux points 168 à 170 ci-dessus, que la Commission n’a pas violé le principe d’égalité de traitement en appliquant à la requérante des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 %. D’autre part, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été constaté au point 155 ci-dessus, la Commission pouvait, conformément aux paragraphes 21 à 23 et 25 des lignes directrices de 2006, considérer à bon droit que des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % n’étaient pas disproportionnés par rapport à la gravité de l’infraction.

186    Certes, les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % sont ceux qui ont été retenus par la Commission, ainsi que cela découle du considérant 1211 de la décision attaquée, pour calculer le montant des amendes imposées aux entreprises ayant participé à l’infraction unique couvrant les trois sous-groupes de produits dans six États membres. Or, cette dernière constitue une infraction plus grave, en raison de sa portée géographique, que celle à laquelle la requérante a participé.

187    Toutefois, le fait que les entreprises ayant participé à l’infraction unique couvrant six États membres et les trois sous-groupes de produits auraient dû se voir infliger une amende calculée sur la base de coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » supérieurs à ceux de 15 % retenus pour sanctionner la requérante ne saurait valablement justifier que le Tribunal lui inflige, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, une amende d’un montant qui ne serait pas suffisamment dissuasif au regard de la gravité de l’infraction à laquelle elle a participé.

188    Dans ces conditions, le Tribunal estime, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction le conduisant à substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, que les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % sont appropriés.

 Sur le second argument, relatif à toute réduction le cas échéant accordée à une filiale de la requérante

189    La requérante demande au Tribunal de la faire bénéficier de toute réduction du montant de l’amende, le cas échéant, accordée à l’une de ses filiales dans leurs recours respectifs, introduits dans les affaires T‑411/10, Laufen Austria/Commission, et T‑412/10, Roca/Commission. En effet, si sa responsabilité découlait, comme le soutient la Commission dans la décision attaquée, du seul fait qu’elle constituait une entreprise unique avec ses filiales Roca France et Laufen Austria, il conviendrait de lui appliquer toute réduction du montant de l’amende solidairement infligée qui serait, le cas échéant, accordée à ladite filiale dans le recours introduit par celle-ci.

190    Sans formellement exciper de l’irrecevabilité de cet argument, la Commission soutient, en substance, que la requérante ne peut se contenter de renvoyer aux arguments présentés par ses filiales Roca France et Laufen Austria dans leurs recours respectifs afin de bénéficier de toute réduction du montant de l’amende qui leur serait, le cas échéant, accordée.

191    En réponse aux questions posées par le Tribunal à l’audience quant à l’incidence de l’arrêt de la Cour du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, non encore publié au Recueil) sur l’appréciation du présent argument, la Commission a ajouté que, selon ledit arrêt, ce n’est que lorsque la société mère et sa filiale soulèvent, dans leurs recours respectifs, des moyens similaires que le Tribunal peut appliquer une réduction du montant de l’amende, octroyée à la filiale, également à la société mère. En revanche, il ne découlerait de cet arrêt aucune extension automatique à la société mère d’une réduction du montant de l’amende accordée à une filiale dans le recours introduit par celle-ci.

192    Eu égard aux arguments des parties, il convient d’examiner, dans un premier temps, la recevabilité du second argument soulevé par la requérante à l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende avant d’examiner, dans un second temps, le bien-fondé dudit argument.

 Sur la recevabilité du second argument

193    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

194    Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 183). Ainsi, pour qu’un recours soit recevable, il faut que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. À cet égard, si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 94, et la jurisprudence citée).

195    En l’espèce, il y a lieu de constater que, par le second argument soulevé à l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende, la requérante ne se contente pas, contrairement à ce que la Commission fait valoir, de renvoyer aux écritures présentées par ses filiales Roca France et Laufen Austria dans le cadre de leurs recours respectifs. Au contraire, la requérante étaye explicitement ledit argument en faisant valoir que, ayant été tenue responsable des agissements anticoncurrentiels commis par lesdites filiales en raison de sa seule qualité de société mère, l’amende solidaire qui lui a été infligée constitue un simple reflet de cette responsabilité solidaire. Ce faisant, la requérante a développé une argumentation propre, aux termes de laquelle elle estime pouvoir bénéficier de la réduction du montant de l’amende accordée, le cas échéant, à ses filiales, en sa qualité de société mère et sans avoir à démontrer, à l’instar de ces dernières, l’erreur commise par la Commission dans le calcul du montant de cette amende.

196    Dans ces conditions, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel le second argument soulevé par la requérante à l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende est irrecevable.

 Sur le bien-fondé du second argument

197    En premier lieu, il convient d’observer que, par arrêt de ce jour, prononcé dans l’affaire T‑411/10, Laufen Austria/Commission, le Tribunal a rejeté la demande de Laufen Austria tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à cette dernière à l’article 2, paragraphe 4, sous a) et c), de la décision attaquée.

198    Dans ces conditions, le second argument soulevé par la requérante à l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende doit être rejeté comme étant inopérant, pour autant qu’il tend au bénéfice d’une réduction du montant de l’amende qui serait, le cas échéant, accordée à Laufen Austria.

199    En second lieu, il importe de relever que, par arrêt de ce jour, prononcé dans l’affaire T‑412/10, Roca/Commission, le Tribunal a réduit le montant de l’amende infligée à titre solidaire à Roca France et à la requérante, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée, en raison d’une erreur commise par la Commission lors de l’appréciation des éléments présentés par Roca France dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération. Dans ces conditions, le Tribunal a, après avoir accordé une réduction du montant de l’amende de 6 %, fixé le montant de l’amende infligée, à l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée, à Roca France, à titre solidaire avec la requérante, à 6 298 000 euros.

200    Dès lors, il convient, eu égard aux arguments des parties, tels qu’exposés aux points 189 à 191 ci-dessus, de vérifier si la requérante est, ainsi qu’elle le soutient, en droit de bénéficier, en sa seule qualité de société mère tenue solidairement responsable du paiement de l’amende visée au point 199 ci-dessus, de cette même réduction du montant de l’amende.

201    À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, lorsque la société mère n’a pas participé matériellement à l’entente et que sa responsabilité est fondée sur la seule participation de sa filiale à ladite entente, la responsabilité de la société mère s’analyse en une responsabilité purement dérivée, accessoire et dépendante de celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, point 39), et ne peut, dès lors, excéder la responsabilité de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Tomkins/Commission, T‑382/06, Rec. p. II‑1157, point 38, confirmé sur pourvoi par arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, point 39).

202    En l’espèce, il convient de rappeler que la requérante n’a pas participé matériellement à l’infraction constatée. En effet, elle est tenue responsable des agissements de Roca France en sa seule qualité de société mère détenant la totalité du capital social de sa filiale.

203    Dans ces conditions, dès lors que sa responsabilité s’analyse, dans les circonstances de l’espèce, en une responsabilité purement dérivée, accessoire et dépendante de celle de sa filiale, et ne peut, ainsi, selon la jurisprudence citée au point 201 ci-dessus, excéder la responsabilité de cette dernière, il convient, conformément aux conclusions de la requérante, de faire droit à sa demande de bénéficier de la réduction du montant de l’amende accordée à Roca France.

204    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la Commission.

205    Premièrement, la Commission, en se prévalant des arrêts de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363), et du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 142), fait valoir que, en l’absence de tout argument soulevé par la requérante s’agissant de l’amende qui lui a été infligée solidairement, la décision attaquée, en ce qu’elle lui inflige une amende, est passée en force de chose jugée à son égard, indépendamment de toute réduction du montant de l’amende, le cas échéant, accordée à l’une des filiales de la requérante dans leurs recours respectifs.

206    À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans les arrêts mentionnés au point 205 ci-dessus, la Cour a jugé que, si un destinataire d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’est saisi que des éléments de la décision le concernant. En revanche, ceux concernant d’autres destinataires, qui n’ont pas été attaqués, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union est appelé à trancher (arrêts Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., point 205 supra, point 53, et ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., point 205 supra, point 142).

207    Or, d’une part, il y a lieu d’observer que cette jurisprudence n’est pas pertinente en l’espèce. En effet, elle a trait aux effets d’une annulation partielle d’une décision. Partant, elle n’est pas de nature à remettre en cause la considération selon laquelle, lorsque la responsabilité d’une société mère est purement dérivée de celle de sa filiale, la responsabilité de la première ne saurait excéder celle de la seconde (voir, en ce sens, arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, points 46 à 50). Dans ces conditions, le Tribunal peut appliquer à la société mère, dans le cadre du recours introduit par ladite société mère et pour autant qu’elle a conclu en ce sens, toute réduction du montant de l’amende, le cas échéant, accordée à sa filiale dans un recours introduit par cette dernière.

208    D’autre part, pour autant que l’argument de la Commission doit être compris en ce sens qu’il tend à démontrer que, en accueillant le second argument soulevé par la requérante à l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende, le Tribunal statuerait ultra petita, force est de rappeler, ainsi que cela a été constaté au point 195 ci-dessus, que la requérante a, dans le cadre de son deuxième chef de conclusions tendant, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, présenté une argumentation à l’appui dudit argument. Partant, c’est au regard de cette argumentation et non sur la base de moyens soulevés d’office que le Tribunal accorde, en l’espèce, une réduction du montant de l’amende à la requérante.

209    Deuxièmement, en réponse à une question orale du Tribunal, la Commission a fait valoir, en substance, que l’extension, à la société mère, du bénéfice d’une réduction du montant de l’amende accordée à la filiale dans son recours est, ainsi que cela ressortirait du point 56 de l’arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, subordonnée à la condition que la société mère et sa filiale soulèvent, dans leurs recours respectifs, des moyens similaires. Or, en l’espèce, la requérante aurait omis de se prévaloir d’une erreur que la Commission aurait commise lors du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante solidairement avec ses filiales.

210    À cet égard, il convient d’observer que, au point 56 de l’arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, la Cour a confirmé que, dès lors que, dans son recours, Tomkins plc n’avait pas fait valoir d’erreur quant à l’application d’un coefficient multiplicateur au titre de la dissuasion, c’était à bon droit que, alors même que, dans le recours introduit par Pegler Ltd, la filiale de Tomkins, le Tribunal avait réduit le montant de l’amende après avoir constaté une telle erreur (arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Pegler/Commission, T‑386/06, Rec. p. II‑1267, points 134 et 144), le Tribunal n’avait pas étendu le bénéfice de cette réduction du montant de l’amende au profit de la société mère dans le recours introduit par celle-ci.

211    Or, en l’espèce, s’il est vrai que la requérante n’a fait valoir aucune erreur que la Commission aurait commise lors du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée à titre solidaire avec Roca France, force est néanmoins d’observer que, contrairement aux circonstances visées au point 56 de l’arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, la requérante a formellement soulevé un argument par lequel elle a demandé au Tribunal de bénéficier de toute réduction du montant de l’amende accordée, le cas échéant, à l’une de ses filiales. Partant, les considérations exposées au point 56 de l’arrêt Commission/Tomkins, point 191 supra, ne sauraient être transposées à la présente affaire.

212    Dans ces conditions, il convient d’accueillir le second argument soulevé par la requérante à l’appui de ses conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende pour autant que la requérante demande de bénéficier d’une réduction du montant de l’amende accordée à Roca France.

213    Partant, il y a lieu de réduire le montant de l’amende infligée, à l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée, à la requérante à titre solidaire avec Roca France de 6 %, soit de 402 000 euros. Dès lors, le Tribunal fixe ledit montant à 6 298 000 euros.

214    Par ailleurs, d’une part, le Tribunal estime, en vertu de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments dont la requérante s’est prévalue à un quelconque titre dans la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’il en fasse usage, pour réduire le montant de l’amende à infliger à la requérante, tel qu’il a été fixé au point 213 ci-dessus. D’autre part, le Tribunal estime que, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, le montant de l’amende, telle que fixée audit point, constitue, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction dont la responsabilité a été imputée à la requérante, une sanction appropriée permettant de réprimer, de manière proportionnée et dissuasive, son comportement anticoncurrentiel.

215    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu, d’une part, de fixer le montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Roca France, à l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la décision attaquée, à 6 298 000 euros et, d’autre part, de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

216    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions.

217    Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens exposés par la requérante. La requérante supportera donc les deux tiers de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée solidairement à Roca Sanitario, SA, à l’article 2, paragraphe 4, sous b), de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), est de 6 298 000 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, un tiers des dépens exposés par Roca Sanitario.

4)      Roca Sanitario supportera les deux tiers de ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur les premier, deuxième et cinquième moyens, relatifs à l’imputation de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels à la requérante

Sur la recevabilité du grief, relatif à l’imputation d’une responsabilité pour la période précédant le 6 juin 2000

Sur le premier moyen, relatif à l’application de la présomption d’exercice d’une influence déterminante en raison des liens capitalistiques entre la requérante et Roca France ainsi que entre la requérante et Laufen Austria

–  Sur la première branche, relative à l’importance excessive accordée aux liens d’actionnariat

–  Sur la deuxième branche, relative aux éléments de preuve présentés par la requérante afin de renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante

–  Sur la troisième branche, relative aux facteurs additionnels pris en considération par la Commission

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant des éléments de preuve présentés pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante

Sur le cinquième moyen, relatif à la période d’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction commise par Laufen Austria

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

Sur le quatrième moyen, relatif au calcul du montant de l’amende infligée solidairement à la requérante et à Laufen Austria

Sur le sixième moyen, lié à l’appréciation, par la Commission, de la gravité de l’infraction

2.  Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

Sur le premier argument, tiré de la gravité moindre de l’infraction dont la responsabilité a été imputée à la requérante

Sur le second argument, relatif à toute réduction le cas échéant accordée à une filiale de la requérante

Sur la recevabilité du second argument

Sur le bien-fondé du second argument

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.