Language of document : ECLI:EU:T:2015:499

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

15 juillet 2015 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Fixation des prix, partage du marché et échange d’informations commerciales sensibles – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Coopération durant la procédure administrative – Article 139, sous a), du règlement de procédure du Tribunal »

Dans l’affaire T‑406/10,

Emesa‑Trefilería SA, établie à Arteixo (Espagne),

Industrias Galycas SA, établie à Vitoria (Espagne),

représentées par Mes A. Creus Carreras et A. Valiente Martin, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. V. Bottka et Mme F. Castilla Contreras, puis par MM. Bottka et A. Biolan, en qualité d’agents, assistés de Mme M. Gray, barrister,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. F. Florindo Gijón et Mme R. Liudvinaviciute‑Cordeiro, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation et de réformation de la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte), modifiée par la décision C (2010) 6676 final de la Commission, du 30 septembre 2010, et par la décision C (2011) 2269 final de la Commission, du 4 avril 2011,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2014,

rend le présent

Arrêt (1)

[omissis]

 Appréciation du Tribunal

113    Le premier moyen est tiré, en substance, de ce que la procédure suivie en matière d’infractions au droit de la concurrence est illégale au regard de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, dans la mesure où, s’agissant d’une procédure de nature pénale, la Commission ne peut se voir conférer simultanément les fonctions d’instruction, d’accusation et de décision par laquelle elle inflige une sanction sans que le Tribunal exerce un plein contrôle sur lesdites décisions, ce qui n’est pas le cas, selon les requérantes.

 Rappel des principes

114    Il convient de rappeler que, dans son arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), la Cour a jugé ce qui suit :

« 33.      […] Contrairement à ce que font valoir les [parties] requérantes, le fait que les décisions infligeant des amendes en matière de concurrence soient adoptées par la Commission n’est pas en soi contraire à l’article 6 de la CEDH tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a lieu à cet égard de relever que, dans son arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, relatif à une sanction infligée par l’autorité italienne de régulation de la concurrence en raison de pratiques anticoncurrentielles analogues à celles qui étaient reprochées aux [parties] requérantes, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, compte tenu du montant élevé de l’amende infligée, la sanction relevait, par sa sévérité, de la matière pénale.

34.      Elle a cependant rappelé, au point 58 dudit arrêt, que confier à des autorités administratives la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions aux règles de concurrence n’est pas incompatible avec la CEDH, pour autant que l’intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties prévues à l’article 6 de la CEDH.

35.      Au point 59 de son arrêt A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que le respect de l’article 6 de la CEDH n’exclut pas que, dans une procédure de nature administrative, une ‘peine’ soit imposée d’abord par une autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle‑même les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction. Parmi les caractéristiques d’un tel organe figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. L’organe judiciaire doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

36.      Or, statuant sur le principe de protection juridictionnelle effective, principe général du droit de l’Union qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, la Cour a jugé que, outre le contrôle de légalité prévu par le traité TFUE, le juge de l’Union dispose d’une compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, et qui l’habilite à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec, EU:C:2011:815, point 63).

37.      S’agissant du contrôle de légalité, la Cour a rappelé que le juge de l’Union doit l’effectuer sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, et qu’il ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 62).

38.      Le contrôle prévu par les traités impliquant que le juge de l’Union exerce un contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes, la Cour a conclu qu’il n’apparaît dès lors pas que le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévu à l’article 31 du règlement no 1/2003, soit contraire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective qui figure actuellement à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (arrêt Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 67). »

115    Par ailleurs, l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision litigieuse ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. Il n’est pas indispensable au respect de ce principe que le Tribunal, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier (arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec, EU:C:2011:815, point 66, et du 26 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C‑510/11 P, EU:C:2013:696, point 32).

116    S’agissant de la portée relative des arrêts d’annulation, la Cour a itérativement jugé qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, devait s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêts du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec, EU:C:1999:407, points 49 et suivants, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, point 100).

117    Dans son arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, EU:C:2013:464), la Cour a jugé que, si un destinataire d’une décision décidait d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’était saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entraient pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union était appelé à trancher, sous réserve toutefois de circonstances particulières et elle a renvoyé à cet égard à son arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, Rec, EU:C:2013:29, points 43 et 49).

118    Pour le surplus, la décision demeure par conséquent contraignante à l’égard des destinataires n’ayant pas introduit de recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 116 supra, EU:C:2002:582, point 100).

119    Par ailleurs, il a été jugé que les garanties procédurales qui doivent s’attacher à la procédure suivie en matière d’infraction aux règles de concurrence n’imposaient pas à la Commission de se doter d’une organisation interne empêchant qu’un seul et même fonctionnaire puisse agir dans une même affaire en qualité d’enquêteur et de rapporteur (voir arrêt du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec, EU:T:1999:53, point 26 et jurisprudence citée).

120    La Cour a en outre jugé que rien ne s’opposait à ce que les membres de la Commission chargés de prendre une décision infligeant des amendes soient informés des résultats de l’audition par des personnes que la Commission a mandatées pour y procéder (arrêt du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44/69, Rec, EU:C:1970:72, points 19 à 23).

 Sur le bien‑fondé du premier moyen

121    Le 18 décembre 2013, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a décidé de poser par écrit une question aux requérantes concernant les répercussions éventuelles de l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), sur le premier moyen avancé à l’appui du recours. Celles‑ci ont déféré à cette demande le 30 janvier 2014.

122    Les requérantes ont indiqué à cette occasion que, nonobstant l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), elles entendaient maintenir leur premier moyen (voir point 111 ci‑dessus).

123    D’une part, il y a lieu, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 114 et suivants ci‑dessus, de rejeter l’ensemble des griefs tirés de l’incompatibilité avec l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de la procédure menée par la Commission en matière d’entente telle qu’elle est prévue par le règlement no 1/2003 ainsi que de la prétendue absence de contrôle de pleine juridiction exercé par le Tribunal dans ce domaine.

124    La jurisprudence rappelée au point 115 ci‑dessus conduit également à rejeter les griefs tirés de l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision litigieuse par celui‑ci.

125    Il convient également d’écarter l’argumentation des requérantes suivant laquelle, en substance, l’absence d’effets erga omnes des arrêts d’annulation d’une décision individuelle en matière de concurrence infligeant une amende au destinataire de celle‑ci est incompatible avec l’exigence d’un contrôle complet de la part du Tribunal et rend l’ensemble de la procédure appliquée par la Commission et par le Tribunal incompatible avec les exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

126    En premier lieu, il convient de rappeler que l’annulation d’une décision individuelle a un effet erga omnes et s’impose à tous, mais, suivant la jurisprudence rappelée au point 116 ci‑dessus, elle ne bénéficie pas à tous – à la différence de l’annulation d’un acte de portée générale – sous réserve toutefois de certaines circonstances particulières (arrêt Commission/Tomkins, point 117 supra, EU:C:2013:29, points 43 et 49). Un arrêt d’annulation d’une décision faisant partie d’un faisceau de décisions individuelles dans le cadre d’une procédure menée par la Commission en matière d’ententes est par conséquent susceptible, dans certaines circonstances, d’emporter certaines conséquences pour d’autres que le requérant dans la procédure ayant conduit à cet arrêt d’annulation.

127    En deuxième lieu, force est de constater que, à l’occasion de l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522), la Cour a entendu affirmer la compatibilité avec l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’ensemble de la procédure menée, en matière d’ententes, par la Commission et le Tribunal. Cette conclusion ne saurait par conséquent être remise en cause par les allégations des requérantes suivant lesquelles le Tribunal n’exercerait pas un contrôle complet de la décision de la Commission en l’absence d’effets erga omnes de ses arrêts d’annulation, dès lors que la Cour a nécessairement pris en compte sa jurisprudence constante rappelée aux points 116 à 118 ci‑dessus lorsqu’elle s’est prononcée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 69 supra, (EU:C:2013:522).

128    Enfin, en troisième lieu, et pour autant que de besoin, il convient de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, il n’appartient en tout état de cause pas au juge de l’Union de se substituer au pouvoir constituant de l’Union en vue de procéder à une modification du système des voies de recours et des procédures établi par le traité [voir arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, Rec, EU:T:2005:139, point 34 et la jurisprudence citée].

129    Par conséquent, le grief tiré de l’absence d’effet erga omnes des décisions des arrêts d’annulation doit être rejeté.

130    D’autre part, s’agissant de l’argumentation avancée par les requérantes en réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, ainsi qu’aux questions qui leur ont été posées à ce sujet lors de l’audience, il y a lieu de constater qu’elle est, en tout état de cause, non fondée.

131    Force est de relever que le règlement no 1/2003 ne prévoit pas que la décision mettant fin à la procédure administrative est celle que prendrait le Tribunal. Cette argumentation de lege ferenda – ce que les requérantes ont au demeurant reconnu lors de l’audience – ne repose sur aucun fondement dans la réglementation applicable au présent litige et ne saurait par conséquent fonder un recours en annulation formé contre une décision de la Commission.

132    Par ailleurs, il convient de rappeler que, certes, l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003 prévoit que la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou astreinte. Par ailleurs, l’article 25, paragraphe 5, précise que le délai maximal de dix ans est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément au paragraphe 6. Or, l’article 25, paragraphe 6, de ce même règlement prévoit que la prescription en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne.

133    En l’espèce, il est constant que la Commission a adopté une décision infligeant une amende aux requérantes avant l’expiration du délai de dix ans prévu par l’article 25, paragraphe 5, du règlement no 1/2003.

134    Dès lors, pour autant que les requérantes entendent faire valoir que la prescription serait acquise en ce qui les concerne, il y a lieu de relever qu’elles ont introduit leur recours le 15 septembre 2010 et que la prescription a dès lors été suspendue à compter de cette date, conformément à l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003.

135    Il convient par conséquent de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

[omissis]

 Appréciation du Tribunal

 Rappel des principes

152    Il convient de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, seule une entreprise ayant coopéré avec la Commission sur la base de la communication sur la clémence peut se voir accorder, au titre de cette communication, une réduction du montant de l’amende qui, sans cette coopération, aurait été infligée. Cette réduction ne saurait être étendue à une société qui, pendant une partie de la durée de l’infraction en cause, avait fait partie de l’unité économique constituée par une entreprise, mais qui n’en faisait plus partie au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission. Une interprétation contraire impliquerait ainsi, notamment, que, dans les cas de succession d’entreprise, une société ayant initialement participé à une infraction, en tant que société mère d’une filiale directement impliquée dans celle‑ci, et transférant ensuite cette filiale à une autre entreprise, bénéficierait, le cas échéant, d’une réduction d’amende accordée à cette dernière entreprise au titre de la coopération de celle‑ci avec la Commission, bien que ladite société n’ait ni contribué elle‑même à la découverte de l’infraction en cause ni exercé une influence déterminante, au moment de la coopération, sur son ancienne filiale. En effet, eu égard à l’objectif visé par la communication sur la clémence, consistant à promouvoir la découverte de comportements contraires au droit de concurrence de l’Union, et en vue de garantir une application effective de ce droit, rien ne justifie l’extension d’une réduction du montant de l’amende accordée à une entreprise au titre de sa coopération avec la Commission à une entreprise qui, tout en ayant contrôlé, dans le passé, le secteur d’activité impliqué dans l’infraction en cause, n’a pas elle‑même contribué à la découverte de celle‑ci (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, FLSmidth/Commission, C‑238/12 P, Rec, EU:C:2014:284, points 83 à 85 ; du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, Rec, EU:C:2014:2006, points 85 et 87, et Hoechst/Commission, point 148 supra, EU:T:2009:366, point 76).

153    Il résulte de cette jurisprudence que le critère qui doit être pris en considération afin d’apprécier si le bénéfice de la clémence doit être accordé à une entreprise est sa contribution effective à la découverte ou à l’établissement de la preuve de l’infraction.

154    Il en résulte également que le bénéfice de la clémence est accordé à une entreprise, c’est‑à‑dire à l’unité économique qui existe au moment où la demande de clémence est présentée à la Commission.

155    Le principe d’une coopération effective de l’entreprise est reflété par le point 7 de la communication sur la clémence ainsi que par le point 11, sous a), de celle‑ci, relatif à l’immunité d’amendes, suivant lequel l’entreprise doit apporter à la Commission une coopération, totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative, et par le point 23, sous b), deuxième paragraphe, de cette communication, relatif à la réduction du montant de l’amende, qui prévoit que la Commission pourra prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

156    Par conséquent, aucune réduction du montant de l’amende ne saurait être accordée à une entreprise en l’absence d’une coopération effective de sa part à l’établissement de la preuve de l’infraction.

157    Sur ce fondement, la Cour, dans les arrêts précités au point 152 ci‑dessus, a ainsi considéré qu’une société qui, pendant une partie de la durée de l’infraction en cause, a fait partie de l’unité économique constituée par une entreprise, mais qui n’en faisait plus partie au moment où cette dernière a coopéré avec la Commission, ne saurait bénéficier de la clémence accordée à l’unité économique qui coopère effectivement avec la Commission.

158    C’est également sur ce fondement que la Cour a considéré que rien ne justifiait l’extension d’une réduction du montant de l’amende accordée à une entreprise au titre de sa coopération avec la Commission à une entreprise qui, tout en ayant contrôlé, dans le passé, le secteur d’activité impliqué dans l’infraction en cause, n’a pas elle‑même contribué à la découverte de celle‑ci.

159    Il convient de considérer que l’exclusion du bénéfice de la clémence fondée sur l’absence de contribution à la découverte de l’infraction et de coopération effective vaut, dans cette mesure, tant pour une ancienne filiale à l’occasion d’une demande de clémence faite par son ancienne société mère que pour une ancienne société mère à la suite d’une demande de clémence faite par son ancienne filiale.

 Appréciation en l’espèce

160    En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que la demande de clémence dont les requérantes prétendent pouvoir bénéficier a été introduite le 28 juin 2007 par Arcelor España et ses filiales, Mittal Steel Company et ses filiales, y compris Arcelor, et Tréfileurope et ses filiales, tout en requérant expressément que toute immunité ou réduction d’amende accordée à Arcelor España soit également étendue à Emesa et à Galycas, Arcelor España assurant les droits de la défense de celles‑ci, conformément à l’accord de vente intervenu entre Arcelor España et Companhia Previdente.

161    Force est toutefois de constater que, malgré les références explicites à Emesa et Galycas dans la demande de clémence du 28 juin 2007, formellement, celles‑ci ne faisaient pas partie de l’entreprise constituée par les demandeurs de clémence, ce que les requérantes ne soutiennent d’ailleurs pas.

162    Or, il ressort de la jurisprudence citée au point 152 ci‑dessus qu’une société ne peut bénéficier d’une demande de clémence dont elle n’est pas formellement demandeur que si, au moment de l’introduction de cette demande, elle faisait partie de la même entreprise que le demandeur.

163    À cet égard, force est de constater qu’Emesa et Galycas, ayant été acquises par Companhia Previdente en 2004, ne faisaient plus partie d’Arcelor España au moment où celle‑ci a déposé sa demande de clémence en 2007. C’est donc à juste titre que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, qu’elles ne faisaient plus partie de l’entreprise ayant introduit une demande de clémence auprès d’elle.

164    Il convient d’observer que la réduction de 5 % accordée à Emesa et à Galycas au titre des informations qu’elles ont‑elles‑mêmes fournies à la Commission en 2002 a été étendue à Arcelor España en raison du fait que, au moment où les requérantes ont communiqué ces informations, Arcelor España et elles faisaient précisément partie de la même entreprise.

165    Ensuite, il convient d’examiner si, eu égard des circonstances particulières du cas d’espèce et malgré les développements qui précèdent, la Commission aurait dû accorder le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España aux requérantes.

166    À cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la coopération active des requérantes avec la Commission dans la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée se limite aux informations qu’elles ont fournies à la Commission dans le cadre de leur propre demande de clémence introduite le 25 octobre 2002, pour laquelle la Commission a accordé une réduction du montant de l’amende de 5 %.

167    Les requérantes indiquent certes que les notes d’Emesa communiquées par Arcelor España dans le cadre de la demande de clémence du 28 juin 2007 émanent d’elles, ayant été établies à l’époque par un ancien employé d’Emesa, et qu’elles ont eu une incidence significative sur la durée et la gravité de l’infraction.

168    Cependant, il convient de relever que la provenance de ces notes et leur valeur ajoutée incontestable n’établissent pas une coopération active de la part des requérantes à l’égard de la Commission. Il ressort au contraire du dossier – et les requérantes ne le contestent pas – que les notes d’Emesa communiquées à la Commission par Arcelor España étaient en possession de cette dernière et non des requérantes et il est constant que celles‑ci n’étaient pas au courant de la demande de clémence faite par Arcelor España, laquelle avait été tenue confidentielle par Arcelor España conformément aux règles applicables.

169    En second lieu, le comportement de la Commission qui, contrairement à ses allégations, n’a pas informé Arcelor España en temps utile et de manière précise du fait que sa demande de clémence ne pouvait être étendue pour couvrir Emesa et Galycas, n’est pas pour autant à même de créer un droit pour les requérantes à bénéficier de la demande de clémence de Arcelor Espana.

170    En effet, le fait de n’avoir répondu à la demande de clémence d’Arcelor España du 28 juin 2007 que le 19 septembre 2008 et sans rejeter explicitement la demande visant à étendre le bénéfice de celle‑ci à Emesa et à Galycas, aurait, certes, pu être reproché à la Commission, du point de vue du principe de bonne administration, par ArcelorMittal España, mais demeure toutefois sans incidence sur la possibilité pour les requérantes de bénéficier d’une demande de clémence à laquelle elles n’ont pas contribué activement.

171    Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas violé le principe de bonne administration et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, ni le principe d’égalité de traitement, ni l’équité en n’étendant pas à Emesa et à Galycas, qui n’y avaient pas droit, le bénéfice de la demande de clémence introduite par Arcelor España et, partant, en ne leur accordant pas une réduction du montant de l’amende analogue à celle qu’elle avait accordée à ArcelorMittal España.

172    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

[omissis]

 Sur les dépens

188    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

189    Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ainsi que le Conseil ayant conclu en ce sens, elles supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et le Conseil.

190    Par ailleurs, en vertu de l’article 139, sous a), du règlement de procédure, si le Tribunal a exposé des frais qui auraient pu être évités, notamment si le recours a un caractère manifestement abusif, il peut condamner la partie qui les a provoqués à les rembourser.

191    Il convient de rappeler que, en l’espèce, par ordonnance du 16 mai 2014, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire la version confidentielle des documents qui faisaient l’objet des mesures d’organisation de la procédure du 17 décembre 2013 qui ne lui avaient pas encore été transmis par celle‑ci.

192    Le 23 mai 2014, la Commission a communiqué une version non confidentielle de ces documents au Tribunal.

193    Par ordonnance du 12 juin 2014, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire la version confidentielle desdits documents.

194    La Commission a déféré à cette demande le 16 juin 2014.

195    Il convient donc, eu égard à l’importance des frais que le Tribunal a dû exposer et qui auraient pu être évités, de condamner la Commission à rembourser au Tribunal une partie de ces frais pour un montant de 1 500 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Emesa‑Trefilería, SA et Industrias Galycas, SA supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission est condamnée à payer au Tribunal un montant de 1 500 euros au titre de l’article 139, sous a), de son règlement de procédure, afin de rembourser une partie des frais que ce dernier a dû exposer.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.