Language of document : ECLI:EU:T:2013:522

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 septembre 2013 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Honoraires d’avocat – Représentation d’une institution par un avocat – Dépens récupérables »

Dans l’affaire T‑187/06 DEP I,

Ralf Schräder, demeurant à Lüdinghausen (Allemagne), représenté par Mes T. Leidereiter et W.-A. Schmidt, avocats,

partie requérante,

contre

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par M. M. Ekvad, en qualité d’agent, assisté de MA. von Mühlendahl, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens présentée par l’OCVV à la suite de l’arrêt du Tribunal du 19 novembre 2008, Schräder/OCVV (SUMCOL 01) (T‑187/06, Rec. p. II-3151),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors du délibéré, de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par arrêt du 19 novembre 2008, Schräder/OCVV (SUMCOL 01) (T‑187/06, Rec. p. II-3151), le Tribunal a rejeté le recours formé par le requérant, M. Ralf Schräder, contre la décision de la chambre de recours de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) du 2 mai 2006 (affaire A 003/2004), concernant une demande de protection communautaire des obtentions végétales pour la variété végétale SUMCOL 01, et a condamné M. Schräder aux dépens.

2        Par arrêt du 15 avril 2010, Schräder/OCVV (C-38/09 P, non publié au Recueil), la Cour a rejeté le pourvoi formé par M. Schräder contre cet arrêt et l’a condamné aux dépens.

3        Aucun accord n’étant intervenu entre l’OCVV et M. Schräder sur le montant des dépens récupérables, l’OCVV a demandé à la Cour (affaire C-38/09 P-DEP) et au Tribunal (affaire T-187/06 DEP I) de statuer sur les dépens.

4        Dans l’affaire C-38/09 P DEP, l’OCVV demande à la Cour de fixer le montant des dépens récupérables à 26 287,59 euros, outre 2 000 euros à titre de dépens afférents à la procédure de taxation des dépens.

5        Dans la présente affaire, l’OCVV conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables à 10 824,40 euros ;

–        fixer le montant des dépens afférents à la procédure de taxation des dépens à 2 000 euros.

6        Dans cette même affaire, M. Schräder conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        Rejeter la demande de taxation des dépens et condamner l’OCVV aux dépens de la présente procédure ;

–        À titre subsidiaire, condamner l’OCVV aux dépens de la présente procédure, quand bien même il obtiendrait partiellement gain de cause.

 Sur la recevabilité

7        M. Schräder soutient que la demande est irrecevable, dès lors qu’elle ne contient pas les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels elle se fonde et que les allégations qu’elle contient ne peuvent être pleinement comprises qu’en tenant compte de ses annexes.

8        À cet égard, il est vrai que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête (arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T-201/04, Rec. p. II-3601, point 94, et la jurisprudence citée). En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (ibidem, et la jurisprudence citée).

9        En l’espèce, toutefois, la demande de taxation des dépens, qui totalise 18 pages d’argumentation structurée et cohérente, satisfait pleinement à ces exigences et les pièces qui y sont annexées, telles que les factures d’honoraires d’avocat et autres pièces justificatives des débours encourus, ont une fonction purement probatoire. Au demeurant, M. Schräder a manifestement été en mesure de comprendre le détail de l’argumentation de l’OCVV et d’y répondre point par point. De même, le Tribunal n’a éprouvé aucune difficulté à trouver dans le corps de la requête les divers éléments constituant le fondement de la demande.

10      Partant, l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

 Sur le fond

 Arguments des parties

11      Outre les dépens afférents à la présente procédure, estimés forfaitairement à 2 000 euros, les dépens dont la récupération est demandée par l’OCVV s’élèvent à la somme de 10 824,40 euros et se décomposent comme suit :

–        Honoraires d’avocat (mémoire en défense) : 8 500 euros ;

–        Débours d’avocat (frais de voyage à Angers, France) : 515 euros ;

–        Honoraires d’avocat (communication avec le Tribunal, préparation de l’audience) : 950 euros ;

–        Frais de voyage et de séjour du président de l’OCVV à Luxembourg : 440,40 euros ;

–        Frais de voyage et de séjour du directeur du département juridique de l’OCVV à Luxembourg : 419 euros.

12      M. Schräder estime que la majeure partie des dépens ainsi réclamés correspond à des frais qui n’étaient pas objectivement indispensables aux fins de la procédure, du moins à la lumière des informations fournies par l’OCVV.

13      S’agissant, en premier lieu, du principe même du recours à l’assistance d’un avocat, l’OCVV le justifie en invoquant l’article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions combinées de l’article 53, paragraphe 1, et de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, et la jurisprudence constante (ordonnance du Tribunal du 12 décembre 1997, Nölle/Conseil et Commission, T-167/94 DEP, Rec. p. II-2379, points 19 et 20, et la jurisprudence citée).

14      Sans remettre en cause le principe selon lequel l’OCVV est en droit de recourir à l’assistance d’un avocat, conformément aux dispositions précitées du statut de la Cour, M. Schräder soutient que le caractère objectivement indispensable d’une telle assistance n’est pas établi en l’espèce.

15      En l’occurrence, la demande de remboursement des frais d’avocat exposés par l’OCVV serait entachée de mauvaise foi et contraire au principe général commun aux États membres selon lequel les frais de procédure doivent être maintenus au niveau le plus bas permettant de garantir une protection juridictionnelle effective. Il résulterait, en particulier, de la jurisprudence allemande qu’il serait contraire au principe de bonne foi qu’une autorité se fasse représenter par un avocat, même si elle est en principe libre de le faire, lorsque cela est manifestement inutile et vise objectivement à générer des frais à la charge de l’autre partie.

16      D’une part, en effet, les deux agents ayant représenté l’OCVV, déjà parfaitement au courant des circonstances de l’affaire en raison de leur participation à la procédure administrative, auraient disposé d’excellentes compétences techniques et juridiques, tant au regard du droit de la protection communautaire des obtentions végétales qu’au regard de la procédure devant le Tribunal. Par ailleurs, M. Kiewiet aurait disposé d’une bonne maîtrise de l’allemand et l’OCVV aurait pu recourir à l’assistance du service de traduction de l’Union. Au demeurant, l’allemand aurait déjà été la langue de procédure devant la chambre de recours, sans que l’OCVV ait eu de difficulté apparente à défendre sa position.

17      D’autre part, l’avocat mandaté par l’OCVV n’aurait disposé d’aucune compétence en matière de droit de la protection des obtentions végétales et il n’aurait dès lors pas été en mesure d’apporter une aide que l’on pourrait qualifier d’objectivement indispensable.

18      S’agissant, en deuxième lieu, du montant des honoraires d’avocat réclamé pour la rédaction du mémoire en défense, l’OCVV fait valoir que, bien que le taux horaire convenu ait été de 350 euros, le montant de 8 500 euros effectivement facturé correspond non pas à environ 24 heures de travail seulement, mais à plus de 80 heures, correspondant donc à un taux horaire effectif d’environ 106,25 euros. Il s’agirait, en tout état de cause, d’une évaluation raisonnable, au regard de la complexité de l’affaire, en fait comme en droit, de la nouveauté des questions qu’elle soulevait et de son importance pour l’OCVV.

19      M. Schräder conteste l’existence de l’accord sur le taux horaire allégué et relève que, dans un courrier de l’OCVV, il est plutôt fait état d’un accord sur un montant d’honoraires forfaitaire. Par ailleurs, cet accord serait contredit par la facturation effective d’un nombre d’heures de 80,5, pour un montant total de 8 500 euros.

20      En tout état de cause, le taux horaire de 350 euros prétendument convenu serait largement excessif au regard tant du manque d’expérience et d’expertise de l’avocat mandaté que de la jurisprudence.

21      M. Schräder souligne, par ailleurs, que le nombre d’heures de travail effectivement facturées apparaît également excessif au regard tant du taux horaire élevé pratiqué que de la longueur du mémoire en défense, qui totaliserait 20 pages. Le manque de précision des informations fournies, à cet égard, et l’absence de preuves les étayant, rendrait de surcroît impossible le contrôle de la valeur du travail effectué par l’avocat et, dès lors, celui du caractère approprié des honoraires réclamés, requis par la jurisprudence constante.

22      S’agissant, en troisième lieu, des débours d’avocat, l’OCVV expose que, pour préparer le mémoire en défense, l’avocat mandaté a entrepris un voyage de Bruxelles (Belgique) à Angers, afin de discuter directement des détails de l’affaire avec les agents de l’OCVV. Les frais de 515 euros réclamés à ce titre correspondraient au coût du voyage en train, d’un montant de 415 euros, et à plusieurs courses de taxi, d’un montant total de 100 euros.

23      M. Schräder conteste la réalité de ces débours et soutient, en tout état de cause, qu’ils n’étaient pas indispensables aux fins de la procédure. Il renvoie, à cet égard, à l’ordonnance de la Cour du 10 septembre 2009, C.A.S./Commission (C‑204/07 P-DEP, non publiée au Recueil, points 31 et 32, et la jurisprudence citée). L’OCVV n’indiquerait même pas à quelle période le voyage a été entrepris ni quelles sont les différentes positions des frais de voyage, mais se contenterait de renvoyer globalement aux annexes.

24      S’agissant, en quatrième lieu, du montant des honoraires d’avocat réclamé pour la préparation de l’audience et l’envoi des communications voulues au Tribunal, l’OCVV fait observer que le montant facturé de 950 euros correspond à un temps de travail de moins de trois heures.

25      M. Schräder conteste que l’avocat mandaté ait réclamé à l’OCVV de tels honoraires d’un montant de 950 euros, et que celui-ci les ait effectivement payés. La comparaison entre le « relevé d’honoraires » joint en annexe 3 à la demande et la « facture » relative au mémoire en défense, également jointe en annexe 3, permettrait d’en douter.

26      Le relevé d’honoraires en question serait en outre imprécis, s’agissant des services effectivement fournis, et ne permettrait pas d’établir que l’avocat mandaté a préparé l’audience, analysé le rapport d’audience et envoyé les communications voulues au Tribunal, comme l’OCVV le soutient.

27      Quant au montant des honoraires réclamé, le relevé d’honoraires ne mentionnerait ni un accord le fixant, ni un taux horaire prétendument convenu de 350 euros, ni un nombre d’heures consacrées à l’affaire. Il ne fournirait de surcroît aucune indication sur le travail effectivement fourni.

28      En tout état de cause, la demande de remboursement des honoraires en question serait infondée car l’éventuelle préparation de l’avocat mandaté a été inutile et n’a eu aucune influence sur la procédure orale, à laquelle seuls les agents de l’OCVV ont pris part.

29      S’agissant, en cinquième lieu, des frais de voyage d’Angers à Luxembourg du président et du directeur du département juridique de l’OCVV, en vue d’assister à l’audience du 14 mai 2008, celui-ci fait observer qu’ils ont été rendus nécessaires par la circonstance que l’avocat mandaté n’a plus été en mesure, pour des raisons de santé, de continuer à le représenter devant le Tribunal. Le montant de ces frais, de respectivement 440,40 et 419 euros, engloberait le voyage en train, les déplacements en taxi et les frais d’hôtel.

30      M. Schräder n’a formulé aucune observation concernant ces frais.

31      S’agissant enfin, en sixième lieu, des dépens afférents à la présente procédure, l’OCVV expose que, après avoir vainement tenté d’obtenir directement de M. Schräder, par lettres du 27 février et du 26 mars 2009, le règlement des dépens mentionnés ci-dessus, il a mandaté son conseil actuel pour en obtenir la récupération. À cet égard, l’OCVV fait valoir que le montant des honoraires convenus avec ce dernier, d’un montant total de 2 000 euros, correspond à un travail d’une durée de cinq heures, au taux horaire habituel à celui-ci de 400 euros.

32      Quant au principe même du caractère récupérable de ces dépens, l’OCVV le justifie en faisant valoir que, lorsque la partie qui a succombé refuse de s’acquitter volontairement de la charge des dépens, la partie qui a obtenu gain de cause au principal ne devrait pas avoir à supporter les frais afférents à la procédure de taxation des dépens au titre de l’article 92 du règlement de procédure.

33      Pour autant que ledit article 92 ne prévoit pas expressément de disposition relative aux dépens afférents à la procédure de taxation des dépens, à la différence ce que prévoit de l’article 87, paragraphe 1, du même règlement, l’OCVV fait valoir que cela ne s’oppose pas à l’application de l’article 82, paragraphe 1, de ce règlement. Cela étant, il serait plus pratique que le Tribunal fixe le montant des dépens afférents à cette procédure dans son ordonnance au titre de l’article 92, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de cette ordonnance. Cela ressortirait tant de la pratique du Tribunal (ordonnance du 13 juillet 2010, Stella Kunststofftechnik/OHMI, T-27/09 DEP, point 24) que de celle du Tribunal de la fonction publique (ordonnance du 8 novembre 2011, U/Parlement, F-92/09 DEP, points 63 à 65, et la jurisprudence citée).

34      M. Schräder conteste que l’OCVV ait conclu un accord fixant le montant des honoraires de son conseil actuel à 2 000 euros. Par ailleurs, aucune information n’aurait été fournie permettant de contrôler la charge de travail effectivement accomplie.

35      En tout état de cause, ces dépens ne seraient pas objectivement indispensables, les actes facturés n’ayant pas été accomplis dans le cadre de la procédure juridictionnelle, mais après l’achèvement de celle-ci (voir ordonnances du Tribunal du 27 novembre 2000, Elder/Commission, T‑78/99 DEP, Rec. p. II‑3717, point 17, du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, Rec. p. II‑217, point 31, et du 25 novembre 2009, Bayerische Hypo- und Vereinsbank/ Commission, T-54/02 DEP, non publiée au Recueil, point 43).

36      Enfin, M. Schräder soutient que l’OCVV ne peut s’en prendre qu’à lui-même s’il a dû introduire une demande de taxation des dépens. M. Schräder aurait en effet réclamé à plusieurs reprises, mais en vain, la production des relevés et des éléments de preuve.

 Appréciation du Tribunal

37      Aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

38      Il découle de cette disposition et d’une jurisprudence constante que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du Tribunal du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T-5/02 DEP et T-80/02 DEP, non publiée au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée).

39      En outre, en fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance Tetral Laval/Commission, précitée, point 54, et la jurisprudence citée).

 Sur le caractère récupérable des honoraires et débours d’avocat

40      Ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre donc dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure (ordonnance du Tribunal du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T-278/07 P-DEP, non encore publiée au Recueil, point 14, et la jurisprudence citée), sans que l’institution soit tenue de démontrer qu’une telle assistance était objectivement justifiée (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 31 janvier 2012, Commission/Kallianos, C‑323/06 P‑DEP, non publiée au Recueil, points 10 et 11). Dès lors, si le fait pour l’OCVV d’avoir fait intervenir deux agents et un avocat externe est dénué de conséquence sur la nature potentiellement récupérable de ces dépens, rien ne permettant de les exclure par principe, il peut avoir un impact sur la détermination du montant des dépens exposés aux fins de la procédure à recouvrer in fine (ordonnance Marcuccio/Commission, précitée, point 14, et la jurisprudence citée).

41      Toute autre appréciation soumettant le droit d’une institution à réclamer tout ou partie des honoraires versés à un avocat à la démonstration d’une nécessité « objective » de recourir à ses services constituerait en réalité une limitation indirecte de la liberté garantie par l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour et impliquerait pour le juge de l’Union le devoir de substituer son appréciation à celle des institutions et organes responsables de l’organisation de leurs services (ordonnance Marcuccio/Commission, précitée, point 15). Or, une telle mission n’est compatible ni avec l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, ni avec le pouvoir d’organisation interne dont jouissent les institutions et organes de l’Union s’agissant de la gestion de leurs affaires devant les juridictions de l’Union. En revanche, la prise en compte de l’intervention d’un ou de plusieurs agents aux côtés de l’avocat en question se concilie avec le pouvoir d’appréciation dévolu au juge de l’Union dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure.

42      En tout état de cause, en l’espèce, le recours à l’assistance d’un avocat germanophone était pleinement justifié par la circonstance, non contestée par M. Schräder, que l’OCVV ne disposait pas, parmi son personnel, dont l’effectif est limité, d’un juriste de langue maternelle allemande qui aurait pu le représenter en qualité d’agent au cours de la procédure devant le Tribunal. À cet égard, ni les « excellentes compétences techniques et juridiques » des deux agents ayant représenté l’OCVV lors de l’audience, ni la « bonne maîtrise de l’allemand » par l’un d’eux, ni le fait que l’allemand avait été la langue de procédure devant la chambre de recours, ne permettent de considérer que l’OCVV aurait agi de mauvaise foi en préférant confier la défense de ses intérêts, devant le Tribunal, à un avocat germanophone.

43      Quant aux allégations de M. Schräder relatives au prétendu manque de compétence de l’avocat mandaté par l’OCVV en matière de droit de la protection des obtentions végétales, elles ne sont pas susceptibles de remettre en cause le principe même du droit de recours à l’assistance d’un avocat mais pourraient, tout au plus, justifier une évaluation stricte du montant de ses honoraires, notamment en rapport avec la quantité de travail qui lui a été nécessaire pour assurer la défense de son client. Au demeurant, ce soi-disant manque de compétence paraît contredit par l’issue, favorable à l’OCVV, de la procédure devant le Tribunal.

 Sur les honoraires d’avocat

44      Il convient de rappeler d’emblée que le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens (ordonnance Tetra Laval/Commission, précitée, point 53, et la jurisprudence citée).

45      En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnance du Tribunal du 13 janvier 2006, IPK München/Commission, T-331/94 DEP, Rec. p. II-51, point 44, et la jurisprudence citée).

46      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnance Tetra Laval/Commission, précitée, point 56, et la jurisprudence citée).

47      Afin d’apprécier, sur la base des critères énumérés au point 44 ci-dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (ordonnance Marcuccio/Commission, précitée, point 16, et la jurisprudence citée). Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2011, Marcuccio/Commission, T‑176/04 DEP II, non publiée au Recueil, point 27, et la jurisprudence citée).

48      C’est à la lumière de ces éléments qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce au titre des honoraires d’avocat.

49      S’agissant, en premier lieu, de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union et des intérêts économiques en jeu, il importe de rappeler que l’affaire T-187/06 est la première affaire dans laquelle le juge de l’Union a été appelé à se prononcer, au fond, sur le régime de protection communautaire des obtentions végétales, instauré en 1994. Elle a, notamment, donné l’occasion au Tribunal, puis à la Cour, de définir l’intensité du contrôle juridictionnel qu’il leur incombe d’exercer sur les décisions des instances de l’OCVV dans ce domaine, ainsi que de préciser les règles relatives à la charge de la preuve incombant aux diverses parties à une procédure devant l’OCVV. L’arrêt du Tribunal a du reste fait l’objet d’un compte-rendu dans le rapport annuel de la Cour de justice pour l’année 2008. Il s’ensuit que le litige revêtait une grande importance juridique et pratique pour l’OCVV, même si son enjeu économique devait lui apparaître relativement peu élevé. À cet égard, il convient néanmoins d’ajouter que M. Schräder a estimé que les intérêts économiques en jeu étaient suffisamment importants pour justifier qu’il effectue un voyage en Afrique du Sud, afin de mener sa propre enquête sur le terrain. L’importance économique du litige, pour les milieux concernés, est également illustrée par le fait que M. Schräder a sollicité un avis, versé au dossier, de la Communauté internationale des obtenteurs de plantes ornementales et fruitières (Ciopora).

50      S’agissant, en second lieu, des difficultés de la cause et de l’ampleur du travail que la rédaction du mémoire en défense et la préparation de l’audience a pu causer à l’avocat mandaté par l’OCVV, il y a lieu de tenir compte du fait que le recours de M. Schräder comportait pas moins de 40 pages, outre 77 pages d’annexes, et s’appuyait sur huit moyens, tirés de diverses violations des dispositions de fond ou de procédure du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1), ou de son règlement d’exécution. Les faits sous-tendant ce recours, tels qu’ils sont décrits aux points 10 à 42 de l’arrêt, étaient particulièrement complexes et leur détermination, malgré les nombreuses mesures d’enquête décrétées par les instances de l’OCVV au cours de la procédure administrative, faisait l’objet d’âpres controverses entre les parties, notamment quant à l’existence même de la variété de référence Plectranthus ornatus, quant à sa notoriété et quant à son caractère distinct de la variété candidate SUMCOL 01. Il convient encore de relever que le mémoire en réplique comportait 17 pages, que le rapport d’audience était long de 29 pages et que l’arrêt mettant fin à l’instance est d’une longueur de 31 pages. Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’une charge de travail assez importante a pu être engendrée par la rédaction du mémoire en défense et la préparation de l’audience.

51      En l’espèce, l’OCVV réclame un montant de 8 500 euros pour la rédaction du mémoire en défense et un montant de 950 euros pour la préparation de l’audience et pour la « communication avec le Tribunal », correspondant aux montants facturés par son avocat mandaté, ainsi que cela ressort des annexes à la demande.

52      À cet égard, ni le mode de calcul de la rémunération, forfaitaire ou selon un taux horaire, ni l’éventuel accord conclu quant à ce par les intéressés, n’ont d’incidence sur l’appréciation par le Tribunal du montant recouvrable au titre des dépens, le juge se fondant sur des critères prétoriens bien établis et les indications précises que les parties doivent lui fournir. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur, ainsi qu’il a été indiqué au point 47 ci-dessus.

53      En l’occurrence, il ressort des annexes à la demande que l’avocat mandaté par l’OCVV a évalué le nombre total de ses heures de travail à 80,5 heures pour la rédaction du mémoire en défense. La ventilation détaillée du travail accompli pendant ces heures n’a toutefois pas été fournie, ce qui permet difficilement d’en apprécier la justification. Par ailleurs, ces heures n’ont pas été facturées au taux horaire initialement convenu de 350 euros, mais au taux nettement moins élevé de 105,60 euros l’heure, à supposer que le nombre d’heures de travail revendiquées soit correct. Une réduction unilatérale aussi considérable du taux horaire convenu, par rapport à la convention d’honoraires initiale, pourrait indiquer que l’avocat mandaté avait conscience de ne pas avoir travaillé avec toute la célérité et l’efficacité requises d’un avocat expérimenté pratiquant habituellement un taux horaire aussi élevé.

54      Au regard de l’analyse des critères pertinents pour la détermination du montant des dépens recouvrables, et compte tenu de ce qui vient d’être relevé, le Tribunal considère néanmoins que le montant total des honoraires facturés par l’avocat mandaté pour la rédaction du mémoire en défense peut être accepté. En effet, compte tenu du nombre d’heures nécessaires à l’analyse de la requête, à la prise de connaissance et à l’étude du dossier, en fait comme en droit, aux entretiens préliminaires avec l’OCVV, à la rédaction du mémoire en défense et à la finalisation de celui-ci en accord avec l’OCVV, le Tribunal estime que la somme de 8 500 euros réclamée apparaît raisonnable et justifiée, dès lors qu’elle correspond soit à 34 heures de travail rémunérées au taux horaire de 250 euros, soit à 42,5 heures de travail rémunérées au taux horaire de 200 euros, taux qui lui apparaissent également acceptables, selon la plus ou moins grande expérience et compétence du professionnel chargé de l’affaire.

55      Il ressort encore des annexes à la demande que, à une date non précisée, l’avocat mandaté par l’OCVV a évalué à 950 euros le montant de ses honoraires, calculés en fonction du temps consacré à l’affaire, pour « divers services juridiques rendus après le dépôt du mémoire en défense (4 octobre 2006) ». L’OCVV précise que ce montant a été facturé pour la préparation de l’audience et la « communication avec le Tribunal » et qu’il correspond à moins de trois heures de travail, au taux horaire convenu. Compte tenu du mode de facturation des honoraires afférents à la rédaction du mémoire en défense, qui s’est départi du taux horaire initialement convenu de 350 euros, cette dernière affirmation est toutefois sujette à caution. Le Tribunal considère, néanmoins, qu’un temps de travail de trois heures, facturé à un taux horaire variant de 200 à 250 euros, représenterait une base de calcul raisonnable et appropriée des dépens afférents à cette étape de la procédure.

56      Quant à l’indisponibilité, pour cause de maladie, de l’avocat mandaté lors de l’audience du 14 mai 2008, elle n’est pas de nature à altérer rétroactivement le caractère récupérable de ces dépens, même s’il est vrai que ceux-ci apparaissent, ex post facto, avoir été exposés de façon inutile. Au demeurant, M. Schräder a également bénéficié, dans une certaine mesure, de cette circonstance imprévue, puisque la non-comparution de l’avocat à l’audience a eu pour effet de ne pas entraîner d’augmentation du montant total de ses honoraires et débours.

57      Force est, toutefois, de constater que M. Schräder conteste la réalité même du paiement de ces honoraires et que l’OCVV, à qui incombe la charge de la preuve de ce paiement, ne l’a pas produite en annexe à sa demande. Dans ces conditions, le Tribunal n’est pas en mesure d’intégrer la somme réclamée à ce titre au montant des dépens actuellement récupérables. Le cas échéant, il incombera à l’OCVV d’apporter à M. Schräder la preuve du paiement en question et, en cas de refus persistant de ce dernier d’en effectuer le remboursement, d’introduire une demande complémentaire de taxation des dépens.

58      Entretemps, il sera fait une juste appréciation des honoraires d’avocat récupérables par l’OCVV en fixant leur montant à 8 500 euros.

 Sur les débours d’avocat

59      En ce qui concerne les débours d’avocat, exposés à l’occasion d’un voyage de Bruxelles à Angers, les 31 août et 1er septembre 2006, et évalués au total à 515 euros, correspondant à des frais de train et de taxis, force est de constater que ceux-ci sont dûment justifiés par les preuves documentaires produites en annexe à la demande, contrairement à ce que soutient M. Schräder.

60      Quant à la nécessité d’un tel déplacement de l’avocat de Bruxelles à Angers, en vue de préparer la rédaction du mémoire en défense avec les agents de l’OCVV, celle-ci ne saurait être sérieusement contestée, tant il est d’usage que, dans de telles circonstances, l’avocat mandaté par une partie ait des entretiens préalables directs avec celle-ci. Au demeurant, ces débours auraient été au moins d’un même ordre de grandeur si, au lieu pour l’avocat de se déplacer de Bruxelles au siège de l’OCVV à Angers, les agents de l’OCVV s’étaient déplacés d’Angers au cabinet de l’avocat à Bruxelles.

61      L’ordonnance C.A.S./Commission, précitée, invoquée par M. Schräder, n’est pas pertinente à cet égard, dès lors qu’il s’agissait en l’occurrence de trois réunions, dont la nature n’avait pas été justifiée, pas plus que le caractère nécessaire au stade du pourvoi.

62      En conséquence, il y a lieu de fixer le montant des débours d’avocat à 515 euros.

 Sur les débours des agents de l’OCVV

63      En ce qui concerne les débours des agents de l’OCVV, exposés à l’occasion d’un voyage d’Angers à Luxembourg, en vue d’assister à l’audience du 14 mai 2008, et évalués au total à 859,40 euros, correspondant à des frais de train, de taxis et d’hôtel, ils sont également justifiés par les preuves documentaires produites. M. Schräder n’en conteste d’ailleurs pas la réalité.

64      Quant à la nécessité de la participation de deux agents de l’OCVV à l’audience, elle peut être considérée comme justifiée par la circonstance que l’avocat mandaté pour représenter l’OCVV à ladite audience avait dû se désister inopinément, pour raisons de santé, peu de temps avant celle-ci.

65      En conséquence, il y a lieu de fixer le montant des débours des agents de l’OCVV à 859,40 euros.

 Sur les dépens afférents à la présente procédure

66      Ainsi qu’il ressort du point 39 ci-dessus, rien ne s’oppose, en soi, à ce que le Tribunal tienne compte, dans son évaluation du montant total des dépens récupérables, des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens.

67      En l’occurrence, toutefois, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’OCVV tendant à la prise en compte, à ce titre, d’une somme de 2 000 euros au titre des honoraires forfaitaires demandés par son nouvel avocat.

68      D’une part, s’agissant d’une simple demande écrite de taxation des dépens, dont la rédaction requiert des compétences comptables plutôt que juridiques, le Tribunal n’estime pas approprié d’appliquer le principe énoncé au point 40 ci-dessus. Au contraire, s’agissant d’une telle procédure, le Tribunal considère que l’intervention d’un avocat pour représenter l’institution en cause n’est, en principe, pas objectivement indispensable.

69      D’autre part, et en tout état de cause, le montant réclamé en l’espèce apparaît excessivement élevé, tant en valeur absolue qu’en ce qui concerne le taux horaire de 400 euros appliqué.

70      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables, y compris ceux afférents à la présente procédure de taxation, en fixant leur montant total à 10 000 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens que M. Schräder doit rembourser à l’Office communautaire des variétés végétales est fixé à 10 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 26 septembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N.F. Forwood


* Langue de procédure : l’allemand.