Language of document : ECLI:EU:T:2011:277

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

16 juin 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Peroxyde d’hydrogène et perborate de sodium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Durée de l’infraction – Présomption d’innocence – Droits de la défense – Amendes – Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire T‑191/06,

FMC Foret, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me M. Seimetz, avocat, et M. C. Stanbrook, QC,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Arbault, puis par MM. V. Di Bucci et V. Bottka, en qualité d’agents, assistés de Mme M. Gray, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. V. Vadapalas (rapporteur), faisant fonction de président, A. Dittrich et L. Truchot, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, FMC Foret, SA, est une société de droit espagnol qui commercialisait notamment, à l’époque des faits, du peroxyde d’hydrogène (ci-après le « PH ») et du perborate de sodium (ci-après le « PBS »).

2        Elle est une filiale à 100 % de FMC Chemicals Netherlands BV et fait partie du groupe contrôlé par l’entreprise américaine FMC Corp.

3        En novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur les marchés du PH et du PBS et a sollicité l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la coopération »).

4        Degussa a fourni des preuves matérielles à la Commission qui lui ont permis d’effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de trois entreprises.

5        À la suite de ces vérifications, plusieurs entreprises, dont notamment EKA Chemicals AB, Atofina SA (devenue Arkema SA) et Solvay SA, ont sollicité l’application de la communication sur la coopération et transmis à la Commission des éléments de preuve concernant l’entente.

6        Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées.

7        À la suite de l’audition des entreprises concernées, qui s’est déroulée les 28 et 29 juin 2005, la Commission a adopté la décision C (2006) 1766 final, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals, Degussa, Edison, FMC, la requérante, Kemira Oyj, L’Air liquide SA, Chemoxal SA, SNIA SpA, Caffaro Srl, Solvay, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate)(ci‑après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 décembre 2006 (JO L 353, p. 54). Elle a été notifiée à la requérante par lettre du 8 mai 2006.

 Décision attaquée

8        La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les destinataires de celle-ci ont participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), concernant le PH et le produit en aval, le PBS (considérant 2 de la décision attaquée).

9        L’infraction, qui a été constatée concernant la période allant du 31 janvier 1994 au 31 décembre 2000, a consisté principalement en l’échange, entre concurrents, d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production ainsi que des capacités potentielles et réelles de celles-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu’en la fixation et en la surveillance du respect d’objectifs de prix.

10      La requérante a été tenue pour responsable de l’infraction « conjointement et solidairement » avec FMC (considérants 389 à 395 de la décision attaquée).

11      Aux fins du calcul des montants des amendes, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »).

12      La Commission a déterminé les montants de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (considérant 452 de la décision attaquée), celle-ci ayant été qualifiée de très grave (considérant 457 de la décision attaquée).

13      En application d’un traitement différencié, la requérante a été classée dans la troisième et avant-dernière catégorie, correspondant à un montant de départ de 20 millions d’euros (considérants 460 à 462 de la décision attaquée).

14      La requérante ayant pris part à l’infraction, selon la Commission, du 29 mai 1997 au 13 décembre 1999, à savoir pendant une période de deux ans et sept mois, le montant de départ de son amende a été majoré de 25 % (considérant 467 de la décision attaquée).

15      Aucune circonstance aggravante ou atténuante n’a été retenue à l’égard de la requérante.

16      L’article 1er, sous g), de la décision attaquée dispose que la requérante a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant à l’infraction concernée du 29 mai 1997 au 13 décembre 1999.

17      À l’article 2, sous d), de la décision attaquée, la Commission a infligé à la requérante, « conjointement et solidairement » avec FMC, une amende d’un montant de 25 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2006, la requérante a introduit le présent recours.

19      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre et, les parties entendues, la présente affaire a été renvoyée devant la sixième chambre élargie.

20      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, du 6 janvier 2010, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu par mémoires du 29 janvier 2010.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 4 mars 2010.

22      Conformément à l’article 32 du règlement de procédure du Tribunal, deux membres de la chambre étant empêchés d’assister au délibéré, les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce que la Commission lui a infligé une amende ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Dans la réplique, ainsi que lors de l’audience, la requérante a précisé que le premier chef de conclusions de la requête devait être compris en ce sens qu’il vise à l’annulation de la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne, ce qui comprend le constat de sa participation à l’infraction en cause.

 En droit

26      À l’appui du recours tendant à l’annulation de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende, la requérante invoque trois moyens, tirés, premièrement, d’une appréciation erronée des preuves de sa participation à l’infraction, deuxièmement, d’une violation des droits de la défense dans le cadre de l’accès au dossier et, troisièmement, du niveau excessif du montant de l’amende.

 Sur le premier moyen, tiré d’une prétendue erreur d’appréciation des preuves de la participation de la requérante à l’infraction

 Arguments des parties

27      La requérante soutient que la Commission n’a pas apporté des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour démontrer sa participation à l’entente.

28      D’une part, la Commission se serait largement fondée sur des indications imprécises et non corroborées fournies dans le cadre des demandes de clémence, rédigées à la hâte, non argumentées et, dès lors, ayant une valeur probante réduite. D’autre part, elle n’aurait pas pris en compte la preuve contraire soumise par la requérante, notamment, les témoignages de ses employés prétendument impliqués dans des comportements infractionnels.

29      La Commission n’aurait pas réfuté les éléments de preuve présentés par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs et lors de l’audition, notamment, les témoignages de ses employés. En outre, elle n’aurait pas tenu compte de l’information de la requérante concernant son comportement concurrentiel sur le marché.

30      L’insuffisance des preuves invoquées à l’égard de la requérante aurait été reconnue par le conseiller-auditeur lors de l’audition. Ce dernier aurait proposé une rencontre entre les parties, ainsi qu’un examen contradictoire de la nouvelle preuve contraire apportée par la requérante. La Commission n’aurait pas donné suite à ces suggestions.

31      Dans la communication des griefs, la Commission aurait accusé la requérante d’avoir pris part à l’infraction de janvier 1994 à juin 2001, mais aurait substantiellement réduit la portée de cette accusation par la suite. Dans la décision attaquée, elle se serait limitée à la période comprise entre le 29 mai 1997, date de l’assemblée semestrielle du Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC) accueillie par la requérante à Seville, et le 13 décembre 1999, date de la réunion de Fribourg, à laquelle un employé de la requérante était présent.

32      Pour établir les faits infractionnels, la Commission se serait fondée sur des informations non corroborées, provenant d’une source unique, respectivement, de Degussa, de Solvay ou d’Atofina, en méconnaissance de la jurisprudence selon laquelle une attestation formulée par une seule entreprise ne constitue pas une preuve suffisante d’une infraction (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94, Rec. p. II‑1571, point 91).

33      Concernant les informations de Degussa, la Commission aurait indiqué, à tort, qu’elles auraient été corroborées par les preuves obtenues des autres parties à l’entente. Il résulterait du considérant 86 de la décision attaquée que la Commission a considéré, en réalité, que, puisque certaines entreprises avaient reconnu les allégations formulées par Degussa à leur égard, ses allégations formulées contre la requérante ne requerraient pas de corroboration. Ainsi, la Commission n’aurait pas tenté de corroborer les informations de Degussa impliquant la requérante.

34      Concernant d’autres preuves provenant d’une seule entreprise, la Commission aurait relevé qu’elles auraient été obtenues de témoins directs des contacts illicites, qu’elles lui auraient été transmises « après mûre réflexion » et qu’elles étaient crédibles à la lumière d’un ensemble de preuves cohérentes (considérant 86 de la décision attaquée).

35      Or, ces indications ne seraient pas toutes exactes. Les informations de Solvay seraient imprécises et indiqueraient, par exemple, qu’une source non identifiée de chez Solvay affirmait qu’un salarié non identifié de Solvay avait contacté les employés de la requérante à quatre occasions non spécifiées. Il en irait de même de l’allégation de Solvay selon laquelle la requérante a rémunéré Atofina pour la fermeture de son site de production. En outre, la Commission aurait omis de confronter ces informations aux témoignages contraires des employés de la requérante.

36      S’agissant des informations provenant d’un employé d’Atofina, à savoir des notes prises lors des réunions du cartel, la Commission aurait omis de prendre en compte le fait que les mêmes notes avaient été produites pour démontrer de multiples réunions. En outre, en ce qui concerne la requérante, ces notes contiendraient souvent des points d’interrogation.

37      Dès lors, la Commission aurait, à tort, opposé à la requérante des éléments de preuve provenant d’une seule entreprise, non corroborés et réfutés par les témoignages des employés de la requérante.

38      Ensuite, la requérante critique les constatations de la Commission concernant des réunions spécifiques.

–       Sur les appels téléphoniques reçus par la requérante

39      La requérante fait valoir que la Commission se serait fondée, à tort, sur les informations de Solvay et d’Atofina pour constater qu’elle était informée par téléphone du résultat de certaines réunions de l’entente.

40      Les informations de Solvay auraient concerné quatre réunions de « haut niveau », entre Degussa, Solvay et Kemira (considérants 171 à 174, 211, 215 à 217 et 239 à 242 de la décision attaquée). Pour ces réunions, la Commission se serait fondée sur la déclaration de Solvay selon laquelle « d’autres acteurs du marché ont été informés du résultat de ces réunions », « Solvay a[yant] par exemple informé Foret (en Espagne) et Ausimont (en Italie) des résultats concrets de ces discussions ». Selon la Commission, cette déclaration aurait été corroborée par Atofina (considérant 172 de la décision attaquée).

41      Ladite déclaration de Solvay ne permettrait pas de fonder la constatation selon laquelle Solvay affirmait avoir tenu la requérante informée « de façon exhaustive […] généralement par téléphone » (considérant 172 de la décision attaquée). Elle n’indiquerait pas « qui a appelé qui », ni le contenu de ce qui a été dit. Elle ne préciserait pas à quelles réunions elle fait référence, à l’exception de celle d’août 1997. La Commission aurait, elle-même, fourni ce détail. La déclaration de Solvay n’aurait pas pu être corroborée par Atofina, qui n’était pas présente aux réunions. En effet, Atofina ferait référence à des appels de Solvay dans le cadre de réunions différentes, à savoir celles du « groupe B » ayant eu lieu entre la fin de l’année 1995 et le début de l’année 1997. Les informations de Solvay et d’Atofina ne se corroboreraient donc pas.

42      En outre, Solvay aurait elle-même contesté avoir participé à l’une des quatre réunions en cause, à savoir celle qui se serait tenue à Francfort-sur-le-Main en avril 1998 (considérant 217 de la décision attaquée). Concernant la réunion de septembre 1998 à Bruxelles, Solvay n’aurait pas mentionné avoir pris contact avec la requérante.

43      Lors de l’audition, la Commission aurait tenté en vain d’obtenir des informations plus précises de Solvay. Sans plus de précision, la déclaration de Solvay concernant les appels téléphoniques serait dépourvue de valeur probante. En tout état de cause, elle serait réfutée par le témoignage des employés de la requérante, qui nieraient avoir reçu des appels téléphoniques de la part de Solvay.

44      S’agissant des informations d’Atofina, la Commission se serait fondée, à tort, sur l’affirmation d’un employé d’Atofina selon laquelle la requérante a participé, à quatre occasions, aux réunions par téléphone (considérants 180 à 192 et 247 à 253 de la décision attaquée). Cette affirmation n’aurait été corroborée par aucun autre participant aux réunions en cause.

45      D’autres éléments du dossier mettraient en cause la crédibilité des informations données par l’employé concerné d’Atofina. En particulier, dans la communication des griefs, la Commission se serait appuyée sur son indication selon laquelle un représentant de la requérante a pris part à une réunion à Paris le 12 février 1996 (points 137 et 138 de la communication des griefs). Cette indication aurait été démontrée comme étant inexacte par la requérante, le passeport du prétendu participant à la réunion confirmant qu’il se trouvait aux États-Unis au cours de la semaine en question. La Commission ne ferait aucune mention de cette erreur dans la décision attaquée. En outre, à de nombreuses reprises, le témoin d’Atofina aurait produit la même page de ses notes comme élément de preuve pour différentes réunions. Les notes en cause comporteraient fréquemment des points d’interrogation en ce qui concerne les informations de la requérante et sa participation à des réunions. La Commission aurait omis de prendre en compte ces éléments lors de l’évaluation de la crédibilité des preuves d’Atofina.

46      Pour la première réunion en cause, à Paris en septembre 1997, les informations initiales d’Atofina ne permettraient pas d’identifier l’employé de la requérante prétendument joint par téléphone. L’employé de la requérante, identifié dans un tableau préparé par Atofina par la suite, aurait contesté avoir reçu cet appel dans une déclaration sous serment. Cette contestation n’aurait pas été prise en compte par la Commission.

47      La Commission aurait considéré que le fait que la requérante ait été contactée était plausible, au vu des contacts pris antérieurement et de sa participation, par téléphone, à deux réunions ultérieures (considérant 186 de la décision attaquée). Or, concernant les prétendus contacts antérieurs, la décision attaquée n’indiquerait qu’un seul appel téléphonique reçu un mois auparavant (considérant 172 de la décision attaquée), découlant des informations non corroborées de Solvay. La prétendue participation de la requérante, par téléphone, à deux réunions ultérieures serait fondée sur les mêmes informations non corroborées d’Atofina.

48      Pour la deuxième réunion en cause, à Francfort-sur-le-Main le 17 novembre 1997 (considérants 188 à 192 de la décision attaquée), l’employé d’Atofina aurait identifié, en se contredisant, d’abord un employé, puis deux employés de la requérante prétendument contactés. La Commission ne mentionnerait pas cette contradiction et aurait, elle‑même, fait une erreur quant au nom de la personne identifiée (note en bas de page 204 de la décision attaquée). L’information en cause ne serait pas corroborée et serait contestée par les employés identifiés de la requérante.

49      Contrairement aux indications de la Commission, les informations d’Atofina ne seraient pas corroborées par des preuves documentaires. Les preuves en cause auraient été soumises par le même employé d’Atofina et ne pourraient pas étayer ses propres affirmations. En outre, il s’agirait d’un tableau fait lors de la réunion concernée exposant les prix par client et par producteur (considérant 192 de la décision attaquée), ainsi que comportant, en ce qui concerne la requérante, quatre points d’interrogation. Ces informations n’auraient d’ailleurs pas été nécessairement fournies par la requérante, mais auraient pu être obtenues par l’intermédiaire d’autres sources, notamment auprès des clients de la requérante.

50      L’appel prétendument reçu par un employé de la requérante n’aurait pas non plus été confirmé par Degussa, dans sa réponse à la communication des griefs. En réalité, Degussa se serait contentée de résumer le contenu de la communication des griefs, incluant l’affirmation d’Atofina selon laquelle certaines autres entreprises, dont la requérante, avaient été informées de cette réunion, puis de confirmer sa participation à cette réunion. L’aveu de Degussa ne vaudrait que comme preuve contre elle et n’impliquerait aucunement la requérante.

51      Pour la troisième réunion en cause, le 21 novembre 1997 à Paris (considérants 193 à 197 de la décision attaquée), aucun autre membre du cartel, à l’exception d’Atofina, ne ferait allusion à une participation de la requérante. La Commission se serait fondée, à tort, sur l’affirmation d’Atofina, laquelle serait non corroborée et contredite par le témoignage de l’employé de la requérante en cause.

52      En outre, la Commission se serait fondée, à tort, sur le fait que les prix pratiqués par la requérante étaient indiqués dans les notes rédigées lors de la réunion en cause (considérant 197 de la décision attaquée). La majeure partie du tableau aurait contenu de simples astérisques. Les quelques prix indiqués seraient des prix cibles estimés par l’employé d’Atofina et ne provenant pas des informations de la requérante. D’ailleurs, le même tableau comporterait des informations relatives à deux autres producteurs, à l’égard desquels la Commission n’aurait pas retenu cette réunion. La Commission aurait admis, elle-même, que des prix cibles pouvaient être insérés pour un producteur sans que ce dernier en ait connaissance. Le tableau en cause ne corroborerait donc pas les informations d’Atofina.

53      Pour la quatrième réunion en cause, du 12 octobre 1998 à Düsseldorf, les notes prises par l’employé d’Atofina n’indiqueraient pas les personnes présentes et leur explication ultérieure par celui-ci indiquerait : « FMC absent ». Seul un tableau préparé pour la demande de clémence introduite par Atofina indiquerait que la requérante était « absente mais contactée par téléphone et représentée par Solvay ». Aucun autre participant, y compris Solvay, n’aurait confirmé la participation de la requérante à cette réunion. En revanche, Degussa, interrogée à ce sujet, aurait indiqué que, « à [sa] connaissance […], il n’y a[vait] pas eu participation d’une quatrième entreprise ». À cet égard, la Commission se serait limitée, à tort, à indiquer que « trois autres entreprises [avaie]nt confirmé la tenue de cette réunion » (considérant 253 de la décision attaquée), sans tenir compte du fait qu’aucune de ces entreprises n’avait confirmé les informations d’Atofina impliquant la requérante. En outre, en indiquant que les déclarations d’Atofina étaient « plausibles par rapport aux preuves en sa possession » (considérant 253 de la décision attaquée), la Commission se serait bornée à renvoyer aux autres allégations non corroborées d’Atofina. Son raisonnement serait donc circulaire.

54      Pour conclure, l’allégation de l’employé d’Atofina selon laquelle il aurait pris contact par téléphone avec les salariés de la requérante ne serait pas corroborée. En revanche, les témoignages des salariés de la requérante affirmant qu’ils n’ont pas reçu les appels seraient corroborés tant par le silence des autres membres du cartel sur ce sujet que par les points d’interrogation contenus dans les notes de réunion soumises par Atofina. Les informations sur les prix de la requérante contenues dans ces notes auraient pu provenir d’autres sources. Ces éléments dans leur ensemble iraient donc dans le sens de l’absence de participation de la requérante aux réunions en cause.

–       Sur les contacts pris en marge des assemblées du CEFIC

55      La requérante soutient que la Commission a retenu, à tort, sa participation à six réunions du cartel ayant eu lieu en marge des assemblées du CEFIC entre mai 1997 et novembre 1999. Elle indique que ses employés ont participé aux assemblées du CEFIC en cause. Toutefois, chacun de ces employés aurait attesté ne pas avoir participé aux activités du cartel en marge de ces assemblées. Or, la Commission aurait rejeté, sans le justifier, le témoignage des employés de la requérante.

56      Le simple fait d’être présent lors d’une réunion de cartel ne prouverait pas une participation au cartel. Une entreprise pourrait notamment établir qu’elle n’a pas pris part aux activités de cartel en démontrant qu’elle a indiqué à ses concurrents qu’elle y participait dans une optique différente de la leur.

57      À cet égard, concernant les réunions de Séville, en mai 1997, l’employé de la requérante y ayant participé aurait indiqué à la Commission qu’il avait déclaré explicitement que, d’une part, son entreprise était « en expansion en Allemagne » et n’était « pas intéressée » par une quelconque limitation des prix et que, d’autre part, celle-ci avait refusé de les négocier. Ce témoignage serait confirmé par le fait que, face à cette déclaration, le responsable de Degussa a quitté la salle lors d’une de ces réunions en claquant la porte (considérant 162 de la décision attaquée). En conséquence, le représentant de la requérante n’aurait pas été invité au dîner le lendemain au restaurant (considérant 163 de la décision attaquée).

58      Selon le témoignage du même employé de la requérante, l’assemblée du CEFIC de mai 1998 à Évian-les-Bains aurait abouti au même résultat. Des petits producteurs, dont la requérante, auraient refusé d’adhérer à des accords anticoncurrentiels, car ils voulaient continuer à agir de manière concurrentielle.

59      Les salariés de la requérante n’auraient pas non plus participé à des discussions de cartel lors des quatre autres réunions en marge des assemblées du CEFIC (considérants 198 à 207, 254 à 258, 264 et 265, 273 à 275 de la décision attaquée). Ces réunions se seraient tenues dans des restaurants, dans des bars ou dans des couloirs d’hôtel. Il serait difficile d’imaginer des discussions de cartel multilatérales dans de tels lieux publics. Les conversations devraient donc s’être tenues de manière bilatérale, ou bien après le départ du restaurant des salariés de la requérante.

60      La Commission n’aborderait pas le fait que la requérante a nié avoir pris part à ces discussions. Elle indiquerait que la requérante n’a pas établi que ses employés auraient pris leurs distances par rapport aux discussions anticoncurrentielles (considérant 207 de la décision attaquée), tout en admettant, pour une des réunions, qu’« il n’est pas inconcevable que […] diverses discussions aient eu lieu plutôt sur une base bilatérale » (considérant 167 de la décision attaquée). Selon la requérante, puisque les conversations ont été bilatérales, ses employés n’en étaient pas conscients et n’ont pas pu prendre leurs distances.

61      Concernant le dîner ayant eu lieu en marge de l’assemblée du CEFIC à Bruxelles, le 26 novembre 1997, selon le considérant 199 de la décision attaquée, « Degussa, EKA, Solvay et Atofina ont indiqué que [la requérante et Kemira] étaient effectivement présentes, qu’elles étaient parfaitement au courant du caractère illicite des discussions décrites ci‑après et qu’elles y avaient pris part ». Or, EKA Chemicals ne ferait absolument aucune mention de la requérante. Solvay aurait dressé une liste des participants, dans laquelle ne figureraient pas les employés de la requérante, tout en ajoutant que « probablement tous les autres participants » à l’assemblée étaient représentés.

62      Les informations d’Atofina et de Degussa se limiteraient à indiquer les personnes présentes au dîner, dont les représentants de la requérante, sans aucune allégation quant à leur participation à des discussions anticoncurrentielles.

63      Concernant la réunion ayant eu lieu en marge de l’assemblée du CEFIC de novembre 1999 (considérants 273 à 275 de la décision attaquée), la Commission aurait omis de mentionner que cette réunion s’était tenue en un lieu public, à savoir un couloir d’hôtel, à l’occasion d’un dîner officiel. Des discussions auraient dû être bilatérales et il n’y aurait pas de preuve suffisamment précise et concordante de la participation de la requérante à ces discussions.

–       Sur la réunion du 13 juillet 1998 à Königswinter

64      La requérante soutient que la Commission a indiqué, à tort, que son directeur général avait participé à une réunion avec Solvay et Degussa à Königswinter en juillet 1998 concernant la fermeture d’un site de production d’Atochem (considérant 233 de la décision attaquée). L’employé concerné aurait nié avoir pris part à cette réunion et produit une note de taxi faisant apparaître son nom, prouvant qu’il était à Barcelone ce jour‑là.

65      La Commission aurait omis de réfuter cet élément de preuve, se limitant à suggérer que l’employé de la requérante aurait pu à la fois être présent lors de la rencontre de Königswinter et avoir pris un taxi à Barcelone plus tard le même jour. Pour d’autres réunions, Degussa aurait produit des notes de restaurant faisant apparaître la liste des participants. Or, pour la réunion en cause, la Commission aurait omis d’obtenir plus d’éléments de la part de Degussa ou de Solvay. Solvay n’aurait pas confirmé la présence de la requérante à cette réunion.

66      Le fait que la requérante n’a pas pris part aux discussions relatives à la fermeture d’un site d’Atochem serait corroboré par son absence lors des réunions ultérieures sur ce sujet. La Commission aurait constaté, à tort, que Solvay avait confirmé la participation de la requérante à l’accord avec Atochem (considérant 244 de la décision attaquée). Solvay ne préciserait pas les éléments de cette prétendue participation et Degussa n’y aurait fait aucune référence. Il serait possible que Solvay, par erreur, ait fait référence à un contrat de fourniture légal, conclu entre la requérante et Atochem à l’époque.

67      Au considérant 234 de la décision attaquée, la Commission n’indiquerait pas que la requérante était convenue de rémunérer Atochem. Le manque de substance de la déclaration de Solvay en ce sens serait mis en évidence par les faits ultérieurs, notamment, par l’absence de la requérante lors de la réunion ultérieure d’octobre 1998 entre Solvay, Degussa et Atofina. Or, il résulterait du considérant 245 de la décision attaquée que, à l’occasion de cette réunion, Degussa et Solvay ont convaincu Atochem de fermer le site, moyennant rémunération de la part de Degussa et de Solvay.

–       Sur la réunion avec Degussa le 28 septembre 1998 à Bruxelles

68      La requérante fait valoir que la Commission a apprécié d’une manière erronée les informations de Degussa concernant la réunion bilatérale de septembre 1998. Selon le considérant 241 de la décision attaquée, l’objet de cette réunion aurait été d’informer la requérante des résultats de la réunion du matin même. En réalité, Degussa aurait indiqué uniquement que « le sujet de la réunion a[vait] été une discussion d’ordre général portant sur le développement du marché européen du PH, en particulier au regard du niveau élevé des prix atteints, et des chances de maintien d’un tel niveau ». Degussa ne ferait aucune mention d’un quelconque accord sur les prix ou sur les parts de marchés, mais ferait remarquer que la discussion a été « d’ordre général ».

–       Sur les réunions concernant le PBS

69      La requérante indique que son employé se souvient avoir participé à deux des quatre réunions sur le PBS retenues dans la décision attaquée (considérants 237 et 238, 259 à 263, 267 à 270 et 276 à 279 de la décision attaquée), à savoir celles de début 1999 à Milan et de décembre 1999 à Fribourg.

70      L’objectif de ces deux réunions aurait été de discuter des moyens que l’industrie pouvait employer pour apaiser les inquiétudes quant aux effets sur la santé d’un des ingrédients du PBS. Compte tenu de ces inquiétudes, la requérante aurait déjà commencé à envisager le développement d’un « produit alternatif », le percarbonate de sodium (ci-après le « PCS »). Il serait regrettable que, au cours des réunions en cause, d’autres producteurs se soient engagés dans des discussions illicites. Ces propos n’auraient pas intéressé la requérante, car elle avait déjà pris la décision d’abandonner progressivement le PBS au profit du PCS. Son représentant n’aurait donc pas pris part à des discussions illégales. Cette explication serait corroborée par Degussa, qui confirmerait que les réunions en cause s’étaient tenues « par hasard » dans le cadre des discussions licites.

71      Concernant deux autres réunions sur le PBS, respectivement celle de septembre 1998 à Lyon et celle de l’été 1999 à Bâle, la prétendue participation de la requérante découlerait uniquement de l’information non corroborée de Solvay. La Commission aurait omis de prendre en compte le témoignage de l’employé de la requérante en cause, qui ne se souviendrait pas avoir participé auxdites réunions.

–       Arguments développés dans le cadre de la réplique

72      Dans la réplique, la requérante fait valoir le fait que la Commission a méconnu le principe de présomption d’innocence, dans la mesure où elle ne disposait pas de preuves précises et concordantes de sa participation à des activités constitutives d’entente.

73      En premier lieu, la Commission aurait omis de prendre en compte les éléments de preuve fondant la thèse de la requérante et en aurait déformé d’autres pour fonder sa conclusion. Selon la requérante, la Commission a ignoré le fait que les meilleurs éléments de preuve étaient le témoignage direct de ses employés, a appliqué des présomptions injustifiées à son détriment, a altéré les éléments de preuve qui lui étaient favorables, a assimilé sa participation à des assemblées du CEFIC, lesquelles sont licites, à des activités constitutives de cartel et « a embelli » des éléments de preuve à son détriment.

74      La Commission n’aurait pas pris en considération les éléments de preuve de manière objective et globale. Elle aurait omis de prendre en compte les éléments de preuve attestant que la requérante procédait de manière agressive au partage du marché, que les concurrents perdaient des parts de marché au profit de la requérante et s’en étaient plaints et qu’il a été mis fin à deux tentatives de réunions de l’entente lorsque la requérante a refusé d’y participer. Elle aurait omis d’obtenir des éléments de preuve supplémentaires relatifs à des allégations non corroborées à l’encontre de la requérante.

75      En deuxième lieu, la requérante critique le fait que la Commission n’a pas recouru à un contre-interrogatoire pour vérifier la véracité des témoignages de ses employés. La requérante aurait été la seule entreprise à présenter des témoins à l’audition devant la Commission. Aucune des trois sociétés ayant témoigné contre la requérante n’aurait présenté de témoins à l’audition. De nombreux éléments de preuve soumis par Degussa et Solvay auraient été pour l’essentiel de sources anonymes. La Commission aurait contourné les déclarations des employés de la requérante, au motif qu’elles n’avaient pas été faites sous serment.

76      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a présenté d’une manière inexacte les éléments obtenus à la suite de l’audition.

77      Lors de l’audition, le conseiller‑auditeur aurait précisé que certaines des éléments de preuve sur lesquels se fondait la Commission, en particulier les allégations de sources anonymes présentées par Solvay quant aux appels téléphoniques passés à la requérante, n’étaient pas crédibles. Or, après l’audition, la Commission n’aurait pas obtenu d’éléments de preuve supplémentaires.

78      En particulier, concernant les réunions de Séville de mai 1997, la Commission indiquerait, à tort, dans le mémoire en défense, qu’elle a obtenu confirmation de certains aspects factuels auprès d’autres entreprises, après l’audition, et a donné à la requérante la possibilité de faire connaître son point de vue. Il n’y aurait pas eu d’autres contributions relatives à ces réunions, à la suite de l’audition.

79      Contrairement à ce que prétend la Commission, les éléments supplémentaires transmis à la requérante n’auraient aucun rapport avec les prétendus appels téléphoniques de Solvay. Dans leurs contributions postérieures à l’audition, Solvay et Degussa auraient simplement décrit le contenu de la communication des griefs sur certains points précis (pour ce qui concerne Degussa, la réunion de Francfort-sur-le-Main de novembre 1997 et, pour ce qui concerne Solvay, la réunion de Königswinter de juillet 1998) et auraient confirmé la participation de leurs employés. Aucune de ces sociétés n’aurait initialement mentionné la participation de la requérante à ces réunions. La Commission aurait, elle-même, reconnu que la réponse de Solvay était « indirecte » et que Degussa n’avait pas impliqué « explicitement » la requérante.

80      En quatrième lieu, la Commission aurait fait des affirmations contradictoires. À l’égard de Kemira, elle aurait considéré qu’il n’était pas déraisonnable de supposer que diverses discussions en marge des assemblées du CEFIC étaient menées plutôt sur une base bilatérale (considérant 167 de la décision attaquée). Or, concernant la requérante, la Commission affirmerait, à tort, qu’il est impossible que ses représentants aient participé aux mêmes rencontres sans être au courant de la collusion.

81      En cinquième lieu, la Commission aurait déformé certains éléments de preuve à décharge. Premièrement, il s’agirait des indications selon lesquelles la requérante faisait partie du groupe des « mauvais élèves », car elle aurait voulu augmenter les capacités totales en Europe au détriment des prix. La Commission aurait rejeté, à tort, cet élément de preuve, en affirmant simplement, dans le mémoire en défense, qu’il témoignait d’une tentative de la requérante d’utiliser l’entente à son profit.

82      Deuxièmement, concernant les réunions de Séville ayant au lieu en marge des assemblées du CEFIC, l’employé de la requérante aurait indiqué qu’il refusait de participer à toute discussion d’entente et que, en conséquence, les représentants de Solvay et de Degussa avaient quitté la salle de réunion. Refusant d’admettre ce témoignage, la Commission se serait appuyée sur sa propre interprétation, non fondée, des raisons pour lesquelles Solvay et Degussa avaient quitté la salle de réunion, à savoir que les petits producteurs, y compris la requérante, étaient mécontents des propositions, probablement à cause de la part de marché qui leur était attribuée. Il n’existerait aucune preuve à l’appui de cette thèse de la Commission. En revanche, selon la requérante, la fin précipitée des réunions de Séville, liée au fait que les concurrents se plaignaient de la baisse de ses prix et de l’augmentation de sa part de marché, démontrerait qu’elle a précisé à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur.

83      En sixième lieu, la Commission aurait déformé certaines preuves documentaires.

84      Premièrement, concernant le cachet figurant sur le passeport de l’employé de la requérante, indiquant son entrée sur le territoire des États-Unis le 10 février 1996, la Commission aurait affirmé, à tort, que celui-ci ne prouvait pas nécessairement que l’employé en question ne pouvait pas se trouver à Paris deux jours plus tard. Or, selon la requérante, il n’est pas possible que l’employé en question se soit envolé pour les États-Unis le 10 février, y ait séjourné 24 heures, ait effectué un vol retour transatlantique de nuit, se soit rendu directement à une réunion d’entente le 12 février et soit ensuite retourné aux États-Unis. Selon la requérante, si c’était le cas, un autre cachet figurerait sur son passeport. Ainsi, l’employé d’Atofina aurait affirmé, à tort, que le représentant de la requérante était à Paris le 12 février 1996. Si l’on ajoute le fait que, à diverses occasions, Atofina était la seule à soutenir que la requérante participait à des réunions d’entente et que certaines de ses informations contenaient des points d’interrogation, cela mettrait en cause la crédibilité des informations d’Atofina.

85      Deuxièmement, s’agissant de la note de taxi, émise à Barcelone le 13 juillet 1998, portant le nom de l’employé de la requérante ayant prétendument assisté à la réunion à Königswinter le jour même, la Commission mettrait en doute cet élément, sans aucun fondement, indiquant que cette note a pu être établie à un autre moment de la journée (considérant 236 de la décision attaquée). Or, la présomption d’innocence devrait prévaloir sur une telle spéculation.

86      Troisièmement, les notes de réunions soumises par Atofina, contenant les points d’interrogation dans la colonne relative aux prix de la requérante, refléteraient le fait qu’Atofina n’avait aucune information sur les prix de la requérante, car celle-ci n’était pas présente à la réunion. La Commission suggérerait cependant, à tort, dans le mémoire en défense, que ces points d’interrogations reflètent la « prudence » observée par l’employé d’Atofina. La Commission aurait omis de considérer l’autre explication, proposée par la requérante, selon laquelle l’information en cause « pourrait provenir de n’importe où ». Ainsi, concernant cette réunion, la Commission aurait déformé le témoignage clair des employés de la requérante, appuyé par des preuves documentaires.

87      Quatrièmement, la Commission aurait indiqué qu’une note de l’employé d’Atofina, relative à la réunion de Düsseldorf d’octobre 1998, mentionnait la requérante à plusieurs reprises. Selon la requérante, la note en question n’est pas claire, mais il ressort des explications ultérieures d’Atofina qu’elle fait référence à une réunion subséquente, devant avoir eu lieu le 9 novembre, au cours de laquelle un « modèle définitif » devait être adopté, et qu’elle mentionne un « commentaire sur la manière de faire accepter par [la requérante] ses parts de marché, en mettant la pression par Solvay ». En octobre 1998, la requérante aurait encore refusé de participer aux activités de cartel. Or, sans avoir analysé le contenu de la note, la Commission se serait appuyée, à tort, sur le simple fait que le nom de la requérante était mentionné.

88      En septième lieu, la Commission « aurait enjolivé » les éléments de preuve, en ajoutant des détails inexistants ou en exagérant les faits constatés.

89      Premièrement, concernant la réunion bilatérale avec Degussa, en septembre 1998 à Bruxelles, contestée par la requérante, la Commission aurait indiqué qu’elle consistait en un « debriefing » de la réunion du matin (considérant 241 de la décision attaquée). Or, les informations de Degussa seraient muettes sur l’existence d’un tel « debriefing » et ne feraient état d’aucune discussion sur le PBS ou sur le gel des parts de marché pour le PH. S’agissant du PH, Degussa aurait expressément déclaré que les discussions étaient restées « générales ». Les conclusions de la Commission seraient sans fondement.

90      Deuxièmement, concernant les réunions de Séville, contrairement à ce que prétend la Commission, la requérante se serait bien distanciée des discussions anticoncurrentielles en refusant de s’engager dans des activités constitutives d’entente, ce qui aurait conduit au « départ brusque » des représentants de Degussa et de Solvay et, ainsi, à la clôture de cette série de réunions. Atofina aurait déclaré que lesdites réunions s’étaient closes avec le départ des représentants de Degussa et de Solvay. La Commission aurait, à cet égard, déformé les éléments du dossier.

91      Troisièmement, s’agissant de la thèse de la Commission selon laquelle Atofina a corroboré les allégations de Solvay quant aux appels téléphoniques, les informations de Solvay et d’Atofina se rapporteraient clairement à des réunions différentes. Aucun recoupement n’aurait donc été possible entre elles s’agissant des participants ou des périodes de ces réunions.

92      En huitième lieu, la requérante fait valoir que Solvay et Atofina, ayant présenté parallèlement leurs demandes de clémence, étaient « enfermées dans la course » visant à fournir une valeur ajoutée significative aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, ce qui mettrait en cause la crédibilité de leurs déclarations.

93      Les entreprises ayant formé une demande de clémence n’auraient pas pu vérifier les souvenirs de leurs employés, ni fournir des éléments de preuve clairs et précis. Par exemple, la Commission ferait référence au considérant 236 de la décision attaquée selon lequel Solvay a « volontairement confirmé » la réunion de Köningswinter de juillet 1998 dans sa réponse à la communication des griefs, alors que, dans le mémoire en défense, elle aurait ajouté entre parenthèses : « nous devrons vérifier si cela était réellement volontaire ou à la demande de la Commission ». De même, s’agissant de la réunion de Düsseldorf d’octobre 1998, Degussa aurait « continué à interroger » ses employés à la demande de la Commission concernant les participants.

94      Enfin, la requérante indique ne jamais avoir été reconnue coupable de mener des activités anticoncurrentielles. Ses employés auraient témoigné à l’audition et auraient déposé des déclarations réfutant les allégations faites dans la communication des griefs. Ce serait des entreprises récidivistes qui auraient cherché à obtenir la clémence et, dans leur « course » à cette fin, auraient émis des allégations vagues, non corroborées et souvent de sources anonymes dans des lettres émanant de leurs avocats ou des notes manuscrites énigmatiques « truffées de points d’interrogation ». La Commission n’aurait donné aucune explication permettant de privilégier ces éléments de preuve par rapport aux éléments de preuve claire et non controversés présentés par la requérante.

95      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

96      Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

97      Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 199).

98      Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet des négociations (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 97 supra, points 151 à 157 et 206).

99      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 115, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158).

100    À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 99 supra, points 116 et 117).

101    Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81 CE (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 82, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 178).

102    Selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 99 supra, points 131 et 132, et HFB e.a./Commission, point 97 supra, point 190).

103    Dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué pendant plusieurs années plusieurs producteurs poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 99 supra, points 111 à 114, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 696).

104    La double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (arrêts Hercules Chemicals/Commission, point 97 supra, point 264, et HFB e.a./Commission, point 97 supra, point 187).

105    S’agissant de l’administration de la preuve de l’infraction, il convient de rappeler que la Commission doit établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58).

106    Elle doit faire état de preuves précises et concordantes à cet égard (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 43, et la jurisprudence citée).

107    Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

108    Les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt BPB/Commission, point 101 supra, point 185, et la jurisprudence citée).

109    Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57).

110    S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

111    L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction, conformément au principe de présomption d’innocence, lequel, en tant que principe général du droit de l’Union, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hüls/Commission, point 99 supra, points 149 et 150).

112    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la Commission a établi, à suffisance de droit, que la requérante a pris part à l’infraction en cause.

–       Observations liminaires

113    La requérante émet un certain nombre de critiques générales relatives à l’administration de la preuve en l’espèce, en alléguant, premièrement, la valeur probante réduite des preuves apportées par les entreprises ayant formé une demande de clémence, deuxièmement, l’emploi d’informations non corroborées provenant d’une source unique, troisièmement, l’absence de réfutation des témoignages contraires faits par ses employés et, quatrièmement, l’omission de donner suite à des propositions faites par le conseiller-auditeur lors de l’audition.

114    Bien que ces critiques se confondent, dans une large mesure, avec les griefs dirigés à l’encontre des éléments matériels invoqués par la Commission dans la décision attaquée, elles appellent néanmoins certaines observations préalables.

115    En premier lieu, s’agissant des arguments de la requérante concernant la valeur des preuves soumises dans le cadre des demandes de clémence, il convient de rappeler que le seul fait que l’information a été soumise par une entreprise ayant formé une demande de clémence ne met pas en cause sa valeur probante.

116    En effet, selon une jurisprudence constante, aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 103 supra, point 512). Les déclarations effectuées dans le cadre de la communication sur la coopération ne sauraient être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, points 57 et 58).

117    Une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70, et Lafarge/Commission, point 116 supra, point 58).

118    En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 107 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02 et T‑126/02, T‑128/02 et T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 166, et Lafarge/Commission, point 116 supra, point 59).

119    Les déclarations faites par des entreprises inculpées dans le cadre de demandes de clémence doivent, néanmoins, être appréciées avec prudence et, en général, ne sauraient être acceptées sans corroboration.

120    En effet, selon une jurisprudence constante, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 107 supra, point 219 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285 ; Bolloré e.a./Commission, point 118 supra, point 167, et Lafarge/Commission, point 116 supra, point 293 ; voir également, en ce sens, arrêt Enso-Gutzeit/Commission, point 32 supra, point 91).

121    Aux fins d’examiner la valeur probante des déclarations des entreprises ayant formé une demande de clémence, le Tribunal prend en compte notamment, d’une part, l’importance des indices concordants appuyant la pertinence de ces déclarations et, d’autre part, l’absence d’indices que celles-ci auraient eu tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres entreprises (voir, en ce sens, arrêts Peróxidos Orgánicos/Commission, point 117 supra, point 70, et Lafarge/Commission, point 116 supra, points 62 et 295).

122    En deuxième lieu, s’agissant du reproche de la requérante tiré du fait que, au regard de certains éléments factuels, la Commission se serait appuyée sur un seul élément de preuve, il y a lieu de rappeler qu’aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que, pour conclure à l’existence d’une infraction, la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute et pour autant que, à lui seul, l’élément en cause atteste de manière certaine l’existence de l’infraction en question (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 1838).

123    Certes, eu égard à la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus, cette hypothèse ne s’applique pas, en règle générale, aux simples déclarations d’une entreprise inculpée, lesquelles, dans la mesure où elles sont contestées par d’autres entreprises concernées, doivent être corroborées par des éléments de preuve supplémentaires et indépendants.

124    Cette considération peut, néanmoins, être atténuée, dans le cas où la déclaration provenant de l’entreprise qui coopère est particulièrement fiable, car, dans ces circonstances, le degré de corroboration requis est moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité.

125    En effet, dans l’hypothèse où un faisceau d’indices concordants permet de corroborer l’existence et certains aspects spécifiques de la collusion évoquée dans la déclaration soumise dans le cadre de la coopération, cette déclaration peut suffire à elle seule pour attester d’autres aspects de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 107 supra, points 220 et 334). Dans ces conditions, la Commission peut se fonder exclusivement sur celle-ci, à condition que la véracité de ce qui a été affirmé ne suscite pas de doute et que les indications ne revêtent pas de caractère vague.

126    En outre, même si la déclaration d’une entreprise n’est pas corroborée en ce qui concerne les faits spécifiques attestés, elle peut avoir une certaine valeur probante pour corroborer le fait de l’existence de l’infraction, dans le cadre d’un faisceau d’indices concordants retenu par la Commission. En effet, dans la mesure où un document contient des informations spécifiques qui correspondent à celles contenues dans d’autres documents, il y a lieu de considérer que ces éléments peuvent se renforcer mutuellement (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 107 supra, point 275).

127    Par ailleurs, la Commission doit pouvoir déduire, de périodes où les preuves sont relativement abondantes, des conclusions concernant d’autres périodes où l’écart entre chaque preuve peut être plus important. Il faudra, ainsi, une explication réellement solide pour convaincre une juridiction que, pendant une certaine phase d’une série de réunions, il s’est produit des choses totalement différentes de celles qui se sont passées au cours de réunions antérieures et ultérieures, alors que ces réunions réunissaient le même cercle de participants, qu’elles ont eu lieu dans le cadre de circonstances extérieures homogènes et qu’elles avaient incontestablement le même objectif (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II‑867, II‑885, conclusions communes aux arrêts dits « polypropylène », Rec. p. II‑954).

128    En troisième lieu, la requérante prétend que, dans le cadre de l’appréciation de la preuve, la Commission a omis d’entendre ses employés et de prendre en compte leurs témoignages.

129    La requérante fait valoir, notamment, que la constatation de l’infraction repose, dans une large mesure, sur les déclarations de Solvay et celles d’un employé d’Atofina, attestant que certains de ses employés, bien qu’absents d’un certain nombre des réunions, ont été contactés ou informés par téléphone. La requérante indique que ceux de ses employés qui sont identifiés dans ces déclarations ont déposé à la Commission des déclarations allant dans le sens contraire, lesquelles n’auraient pas été prises en compte.

130    Il y a lieu d’observer, à cet égard, qu’il est constant que la Commission disposait des déclarations écrites des employés de la requérante concernés et que ceux-ci étaient présents lors de l’audition.

131    Dans ces conditions, la question de savoir si lesdites déclarations ont été dûment prises en compte dans la décision attaquée se confond avec l’appréciation des griefs de la requérante dirigés contre les éléments factuels concrets en cause.

132    Néanmoins, il convient de relever, à ce stade, que la requérante soutient, à tort, que, dans la mesure où les déclarations en cause ont été effectuées sous serment, elles ont une valeur probante élevée et que, de ce fait, la Commission était tenue de démontrer que ses témoins s’étaient « parjurés ».

133    En effet, bien qu’un témoignage fait sous serment devant une juridiction ou, éventuellement, dans le cadre d’une enquête devant un procureur, puisse revêtir une valeur probante élevée, au vu des conséquences négatives pouvant découler sur le plan pénal pour un déposant qui aurait menti dans le cadre d’une enquête, ce qui rend telle déposition plus fiable qu’une simple déclaration (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 107 supra, point 312), ces considérations ne sont pas applicables au cas d’espèce, dès lors qu’il s’agit de déclarations écrites des employés de la requérante soumises à la Commission lors de la procédure administrative ainsi que de leurs témoignages donnés lors de l’audition devant la Commission.

134    Par ailleurs, la requérante soutient, à tort, que la Commission était tenue de confronter les témoignages l’incriminant, soumis par Atofina et par Solvay, avec les témoignages contraires de ses propres employés, dans le cadre d’un contre‑interrogatoire lors de l’audition.

135    À cet égard, il convient de rappeler que, au cours de la procédure administrative, la Commission n’a pas la possibilité d’imposer l’audition de personnes en tant que témoins sous serment.

136    Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission peut interroger toute personne physique ou morale qui accepte d’être interrogée aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête. Par ailleurs, selon le considérant 3 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), avant de recueillir des déclarations orales de personnes physiques ou morales qui consentent à être interrogées, la Commission doit informer ces personnes de la base juridique de l’entretien et de son caractère volontaire.

137    En outre, la Commission n’est obligée d’entendre des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant que dans la mesure où ces personnes demandent effectivement à être entendues. Elle dispose donc d’une marge d’appréciation raisonnable pour décider de l’intérêt que peut présenter une audition des personnes dont le témoignage peut présenter une importance pour l’instruction du dossier. En effet, la garantie des droits de la défense n’exige pas que la Commission procède à l’audition de témoins indiqués par les intéressés, lorsqu’elle estime que l’instruction de l’affaire a été suffisante (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 97 supra, points 382 et 383, et la jurisprudence citée).

138    Certes, l’article 6, paragraphe 3, sous d), de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Rome le 4 novembre 1950, prévoit que « [t]out accusé a droit notamment à [...] interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ». En outre, même si la Commission n’est pas un tribunal au sens de cet article et même si les amendes imposées par la Commission n’ont pas un caractère pénal, il n’en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit de l’Union au cours de la procédure administrative.

139    Néanmoins, selon une jurisprudence constante, le fait que les dispositions du droit de l’Union de la concurrence ne prévoient pas l’obligation pour la Commission de convoquer les témoins à décharge dont le témoignage est demandé n’est pas contraire auxdits principes. En effet, il convient d’observer que, bien qu’elle puisse entendre des personnes physiques ou morales lorsqu’elle l’estime nécessaire, la Commission ne dispose pas non plus du droit de convoquer des témoins à charge sans avoir obtenu leur accord (arrêt HFB e.a./Commission, point 97 supra, points 389 à 392, et Bolloré e.a./Commission, point 118 supra, points 86 et 87). La procédure devant la Commission étant seulement de nature administrative, il n’appartient pas à cette dernière de fournir à l’entreprise concernée la possibilité d’interroger un témoin particulier et d’analyser ses déclarations au stade de l’instruction (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 109 supra, point 200). Il est suffisant que les déclarations utilisées par la Commission aient été fournies dans le dossier transmis à la requérante qui peut les contester devant le juge de l’Union (arrêt Lafarge/Commission, point 116 supra, points 147 à 149).

140    Eu égard à ces considérations, la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation de son droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge.

141    En tout état de cause, rien n’empêchait la requérante de demander la convocation et l’interrogation des témoins à charge devant le Tribunal, en introduisant une demande de mesures d’instruction en ce sens. Or, force est de constater que la requérante n’a pas introduit une telle demande. Le Tribunal ne considérerait par ailleurs la convocation des témoins en cause nécessaire que s’il devait s’avérer, à l’issue de l’examen opéré ci-après, que les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de la procédure orale ne sont pas suffisants pour statuer sur le litige.

142    En quatrième et dernier lieu, la requérante soutient que l’insuffisance des preuves invoquées à son égard a été reconnue par le conseiller-auditeur lors de l’audition, ce dernier ayant proposé un examen contradictoire de la nouvelle preuve contraire apportée par la requérante, à savoir des déclarations de ses employés, proposition à laquelle la Commission n’a pas donné de suite.

143    Il y a lieu d’observer, à cet égard, que le rapport du conseiller-auditeur constitue un document purement interne à la Commission, qui n’a pas pour objet de compléter ou de corriger l’argumentation des entreprises et qui ne présente donc aucun aspect décisif dont le juge de l’Union ait à tenir compte pour exercer son contrôle (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 176, et la jurisprudence citée).

144    Ces considérations s’appliquent à plus forte raison aux commentaires exprimés par le conseiller-auditeur lors de l’audition, tels que ceux invoqués par la requérante en l’espèce. En tout état de cause, dans son rapport final du 20 avril 2006, annexé au mémoire en défense, le conseiller-auditeur a affirmé que les règles liées au droit au procès équitable et aux droits de la défense avaient été respectées dans le cadre de la procédure administrative en cause.

145    À la lumière de toutes ces observations, les reproches exprimés par la requérante à l’égard de l’administration de la preuve par la Commission et à la conduite de l’audition sont, en partie, non fondés et, en partie, se confondent avec les griefs dirigés à l’encontre des éléments matériels de l’infraction examinés ci-après.

–       Sur les éléments de preuve de participation de la requérante à l’infraction

146    S’agissant des principales caractéristiques de l’infraction, la Commission a constaté que, à compter du 31 janvier 1994, les concurrents avaient échangé et discuté des informations confidentielles concernant les volumes de production et leur possible réduction, en visant à empêcher que de nouvelles capacités soient mises sur le marché. Ils auraient aussi discuté de la répartition des clients et des parts de marché, ainsi que des prix de vente. Ils auraient institué un système de surveillance, par lequel ils auraient régulièrement échangé des informations confidentielles sur le marché, sur les sociétés, sur les volumes de vente et les prix de vente. En outre, les concurrents se seraient engagés dans des réductions de la capacité et auraient régulièrement analysé l’évolution des parts de marché lors des réunions multilatérales (considérants 100, 351 à 354 de la décision attaquée).

147    Une grande partie des réunions multilatérales se seraient déroulées en marge des assemblées semestrielles du CEFIC, qui est une association légale de l’industrie concernée.

148    Au mois d’août 1997 à Bruxelles, de même que lors des trois réunions ultérieures, en février, en avril et en septembre 1998, les participants à ces échanges se seraient mis d’accord sur une augmentation coordonnée du prix du PH (considérants 171 et 172 de la décision attaquée). Concernant le PBS, lors des premières discussions à ce sujet, des données sensibles sur le marché auraient été échangées, avec pour but de conclure un accord anticoncurrentiel, et le « terrain aurait été préparé » pour un accord formel au moins à compter du 15 mai 1998 (considérants 100, 214 et 229 de la décision attaquée). La dernière réunion multilatérale dans le cadre de cette collusion aurait eu lieu le 18 mai 2000, mais l’accord sur le maintien des niveaux des prix du PH aurait été maintenu jusqu’à la fin de l’année 2000 (considérants 281 et 282, 355 à 360 de la décision attaquée).

149    Concernant la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a constaté que celle-ci appartenait au « noyau dur » des participants à l’entente (considérant 99 de la décision attaquée). La Commission a remarqué la présence d’indices de contacts collusoires impliquant la requérante à compter de 1991 (considérant 106 de la décision attaquée). En particulier, selon les informations d’Atofina, les notes des réunions de juillet, d’octobre et de novembre 1995, soumises par Atofina, contiendrait des données de la requérante et ferait référence à la présentation de la position de la requérante (considérants 120, 127, 128, 129, 133 et 136 de la décision attaquée). Par ailleurs, selon les informations de Degussa, lors d’une réunion bilatérale, située au second semestre de 1996 ou au premier semestre de 1997, la requérante aurait « accepté l’idée fondamentale d’un relèvement coordonné du niveau des prix » (considérant 151 de la décision attaquée).

150    Ainsi qu’il ressort du dossier, ces informations relatives à la période initiale de l’entente ont été contestées par la requérante et, faute de corroboration, n’ont pas été retenues à son égard.

151    En conséquence, dans la décision attaquée, la Commission a substantiellement réduit la durée de participation de la requérante à l’infraction, par rapport à celle qui était indiquée dans la communication des griefs. Concernant le début de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a considéré qu’elle disposait de preuves attestant la participation de la requérante à la réunion du cartel du 29 mai 1997 et que cette date devait être retenue pour la détermination de la durée de l’infraction à l’égard de la requérante (considérant 352 de la décision attaquée). Concernant la fin de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a indiqué qu’elle était fermement convaincue de l’implication de la requérante dans l’infraction jusqu’au 13 décembre 1999, date de la dernière réunion du cartel pour laquelle la Commission disposait de la preuve de la participation d’employés de la requérante (considérant 365 de la décision attaquée).

152    Les contacts illicites qui ont été retenus à l’encontre de la requérante dans la décision attaquée sont les suivants :

–        trois réunions multilatérales s’étant tenues le 28 ou le 29 mai 1997 à Séville, en marge d’une assemblée du CEFIC (considérants 156 à 167 de la décision attaquée) et pour lesquelles la requérante admet sa participation à deux d’entre elles, mais soutient s’être opposée aux discussions illégales ;

–        quatre réunions multilatérales ayant eu lieu, respectivement, au mois d’août 1997 à Bruxelles, le 18 septembre 1997 à Paris, le 17 novembre 1997 à Francfort-sur-le-Main et le 21 novembre 1997 à Paris, auxquelles la requérante n’a pas participé physiquement, mais pour lesquelles elle aurait été informée par téléphone par Atochem (considérants 171 à 197 de la décision attaquée), ce que la requérante conteste ;

–        des réunions multilatérales s’étant tenues les 26 et 27 novembre 1997 à Bruxelles, en marge de l’assemblée du CEFIC (considérants 198 à 209 de la décision attaquée), la requérante admettant sa participation à ladite assemblée, mais soutenant ne pas avoir été au courant de discussions illégales ;

–        des réunions bilatérales entre Degussa, Kemira et Solvay, entre la fin de l’année 1997 et le début de l’année 1998, dont la requérante aurait été informée du résultat par téléphone par Solvay (considérant 210 de la décision attaquée), ce que la requérante conteste ;

–        des réunions multilatérales du 14 mai 1998 à Évian-les-Bains, en marge de l’assemblée du CEFIC (considérants 221 à 232 de la décision attaquée), la requérante admettant sa participation à l’assemblée du CEFIC, mais soutenant ne pas avoir été au courant de discussions illégales ;

–        une réunion entre Degussa, Solvay et la requérante, le 13 juillet 1998 à Königswinter, concernant la fermeture d’une usine de PBS d’Atochem (considérants 233 à 236 de la décision attaquée), s’agissant de laquelle la requérante conteste sa participation ;

–        une réunion de « haut niveau » entre Degussa et Solvay concernant le PH et le PBS, le 28 septembre 1998 à Bruxelles, après laquelle Degussa aurait rencontré la requérante pour l’informer du résultat (considérants 239 à 242 de la décision attaquée), la requérante ne niant pas avoir rencontré Degussa, mais soutenant que le contenu de ce contact était légal ;

–        une réunion multilatérale concernant le PH, le 12 octobre 1998 à Düsseldorf, à laquelle la requérante n’aurait pas participé, mais, selon Atofina, au sujet de laquelle elle aurait été jointe par téléphone (considérants 247 à 253 de la décision attaquée), ce que la requérante conteste ;

–        des réunions multilatérales et des contacts bilatéraux, en marge des assemblées du CEFIC, les 25 et 26 novembre 1998 à Bruxelles (considérants 254 à 258 de la décision attaquée), le 30 avril 1999 à Estoril (Portugal) (considérants 264 à 265 de la décision attaquée) et le 16 novembre 1999 à Bruxelles (considérants 273 à 275 de la décision attaquée), la requérante admettant sa participation auxdites assemblées du CEFIC, mais soutenant ne pas avoir été au courant de discussions illégales ;

–        quatre réunions multilatérales concernant exclusivement le PBS, s’étant tenues, respectivement, le 16 septembre 1998 à Lyon (considérants 237 et 238 de la décision attaquée), début 1999 à Milan (considérants 259 à 263 de la décision attaquée), été 1999 à Bâle (considérants 267 à 270 de la décision attaquée) et le 13 décembre 1999 à Fribourg (considérants 276 à 279 de la décision attaquée), la requérante contestant sa participation aux réunions de Lyon et de Bâle et, tout en admettant avoir été présente aux deux autres réunions, indiquant que leur objet était parfaitement légal, à savoir le choix du comportement à adopter face au mouvement « anti-bore » et que, bien que les discussions aient également « dévié » vers des sujets « inappropriés », elle y avait prêté « peu d’attention », au vu de sa décision de passer du PBS au PCS, pour des raisons liées à l’environnement.

153    Il ressort de ces constatations que, mises à part les deux réunions sur le PBS, début 1999 à Milan et le 13 décembre 1999 à Fribourg, pour le reste des éléments retenus dans la décision attaquée, la requérante conteste sa participation à des contacts collusoires.

–       Sur les réunions multilatérales du 28 ou du 29 mai 1997 à Séville

154    En ce qui concerne les trois réunions ayant eu lieu à Séville, il est constant entre les parties que la requérante a été représentée dans les deux premières, concernant, respectivement, le PH (les participants à la première réunion ayant été Atochem, Degussa, Solvay, Kemira et la requérante) et le PBS (les participants à la seconde réunion ayant été Caffaro et les mêmes participants que ceux de la première réunion). En revanche, la requérante n’a pas pris part au dîner le lendemain au restaurant (considérants 156, 162 et 163 de la décision attaquée).

155    Pour les deux réunions auxquelles elle était présente, la requérante ne conteste pas le contenu des discussions qui, d’une part, ont donné lieu à un échange d’informations relatives à l’évolution du marché et, d’autre part, ont porté sur des propositions d’une hausse globale des prix et d’un accord relatif à la répartition du marché du PH (considérants 157 à 161 de la décision attaquée), ainsi que sur des tentatives parallèles concernant le PBS (considérant 162 de la décision attaquée).

156    La Commission a constaté, sans être contredite par la requérante, que, « en raison du manque de confiance et de l’opposition manifestée par quelques petits producteurs européens, aucun accord final n’a[vait] été trouvé ce jour-là » (considérant 164 de la décision attaquée). En particulier, les tentatives de discussions sur le PBS se seraient conclues, selon la déclaration d’Atofina, « par une colère terrible du responsable de Degussa […] qui, face à la résistance des petits producteurs qui [refusaient] d’accepter les vues de Solvay et de Degussa, [aurait quitté] la salle en claquant la porte » (considérant 162 de la décision attaquée).

157    Concernant ces éléments, la requérante argue, néanmoins, que, en tant que petit producteur, elle s’était, en réalité, opposée au comportement illicite, ce qui serait démontré par son absence au dîner organisé au restaurant le lendemain.

158    La requérante se fonde notamment sur la déclaration de son directeur général adjoint à l’époque, annexée à la requête, dont il résulte, selon elle, que, concernant la réunion sur le PH, son représentant a indiqué à Degussa et à Solvay qu’elle était « en expansion en Allemagne » et qu’elle n’était « pas intéressée » par une quelconque limitation des prix. Elle aurait ainsi refusé de les discuter, ce qui aurait causé le départ précipité du responsable de Degussa.

159    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dès lors qu’une entreprise a assisté, même sans jouer un rôle actif, à une réunion au cours de laquelle une concertation illicite a été évoquée, elle est censée avoir participé à ladite concertation, à moins qu’elle ne prouve qu’elle s’est ouvertement distanciée de celle-ci ou qu’elle a informé les autres participants qu’elle entendait prendre part à la réunion en question dans une optique différente de la leur (voir arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 122 supra, point 3199, et la jurisprudence citée).

160    La requérante ayant admis avoir été présente aux discussions illégales en cause, il lui appartenait donc de démontrer que sa participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel.

161    Or, il y a lieu de considérer que l’opposition de la requérante aux propositions spécifiques avancées par Degussa, même à la supposer établie, ne suffit pas, dans les conditions de l’espèce, à démontrer que celle-ci avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait aux réunions en cause dans une optique différente de la leur.

162    En effet, s’agissant plus particulièrement des arguments de la requérante relatifs aux réunions décrites aux considérants 156 à 162 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, « si Solvay et Degussa ont quitté la salle de réunion, ce n’était pas en raison du refus des petits producteurs de s’entendre sur une augmentation de prix proprement dite, mais plutôt parce que la proposition mécontentait apparemment ces derniers, fort probablement à cause de la part de marché qui leur était attribuée », que « rien n’indiqu[ait] que [la requérante] ait effectivement repoussé l’idée en elle-même d’un accord avec les concurrents ou qu’elle ait pris ses distances par rapport à l’accord proposé en tant que tel » et que, de surcroît, des informations confidentielles avaient été échangées lors de la réunion en cause (considérant 166 de la décision attaquée).

163    D’une part, il convient d’observer que cette thèse de la Commission est cohérente avec le déroulement de l’entente, dont il résulte que, à partir des réunions de Séville, les parties à l’entente ont « décidé d’accorder moins d’importance aux parts de marché, principal sujet de discussion jusque-là, pour reporter leur intérêt sur une hausse globale des prix » (considérant 157 de la décision attaquée), et qu’une hausse coordonnée des prix a été décidée lors d’une réunion suivante à Bruxelles, en août 1997 (considérants 171 et 172 de la décision attaquée).

164    D’autre part, l’argumentation de la requérante tirée de sa prétendue opposition au caractère illicite des discussions n’est aucunement corroborée par les informations provenant des autres entreprises, qui se limitent à affirmer un manque de confiance entre les parties à l’entente et une divergence des points de vue des grands et des petits producteurs (considérant 164 de la décision attaquée).

165    À cet égard, il convient de relever que la preuve de la participation de la requérante à l’entente ne se limite pas aux réunions de Séville, lesquelles s’inscrivent dans un ensemble de contacts collusoires examinés ci‑après.

166    En outre, la position adoptée par la requérante lors des réunions en cause est équivoque. Bien qu’elle ait soutenu qu’elle était opposée aux discussions anticoncurrentielles lors de la réunion sur le PH, laquelle a porté sur un modèle détaillé de répartition du marché ainsi que sur les prix, il est constant que son représentant n’a pas quitté le lieu de la réunion et qu’il a pris part à la réunion suivante concernant le PBS. Son absence lors du dîner au restaurant le lendemain ne constitue pas non plus un indice de son opposition aux discussions collusoires, étant donné que certaines autres parties concernées, notamment Solvay et Ausimont, n’y ont pas non plus participé.

167    Eu égard à ces considérations, les éléments avancés par la requérante ne suffisent pas à établir que sa participation aux réunions en cause, au cours desquelles une concertation illicite a eu lieu, était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel.

–       Sur les appels téléphoniques reçus par la requérante

168    Concernant les réunions multilatérales ayant suivi celles de Séville, la Commission a constaté que la requérante n’y avait pas participé physiquement, mais qu’elle avait été contactée ou informée de leur résultat par téléphone. Il s’agit, d’une part, des quatre réunions de « haut niveau », pour lesquelles la Commission s’est fondée sur les informations de Solvay et, d’autre part, d’une série de réunions relatées par Atofina.

169    En premier lieu, s’agissant des réunions de « haut niveau », entre Degussa, Solvay et Kemira (réunions d’août 1997 et de février 1998 à Bruxelles, réunions d’avril 1998 à Francfort-sur-le-Main et de septembre 1998 à Bruxelles ; considérants 172, 211, 215 et 239 de la décision attaquée), la Commission a indiqué que, « si trois entreprises seulement [y] assistaient, les discussions bénéficiaient de l’appui de l’ensemble du secteur » et que « [la requérante] et Ausimont ont toujours été informées de façon exhaustive (généralement par téléphone) du résultat des discussions » (considérant 172 de la décision attaquée).

170    Il résulte de la décision attaquée que cette constatation s’appuie, d’une part, sur la déclaration de Solvay, selon laquelle « d’autres acteurs du marché étaient informés de l’issue des réunions entre Degussa, Solvay et Kemira », la Commission précisant que « Solvay, par exemple, a[vait] informé [la requérante] et Ausimont […] du résultat concret des discussions », et, d’autre part, sur celle d’Atofina, selon laquelle « FMC pour des raisons de Company Policy (société US) n’assistait pas physiquement à toutes les réunions mais se tenait au courant via Solvay et était clairement partie prenante de tous les accords et [de toutes les] négociations » (considérant 172 et notes en bas de page 175 et 176 de la décision attaquée).

171    La déclaration de Solvay est également retenue par la Commission concernant les réunions bilatérales entre Degussa et Kemira, entre la fin de l’année 1997 et le début de l’année 1998, auxquelles Solvay « participait parfois ». Selon la Commission, Degussa et Solvay ont déclaré que la requérante n’y avait pas pris part, au motif que l’entreprise avait mis en œuvre un programme de mise en conformité, mais que Solvay l’informait du résultat de ces réunions par téléphone (considérant 210 de la décision attaquée, lequel renvoie à la déclaration précitée de Solvay).

172    La requérante conteste avoir été contactée par Solvay. Elle souligne la nature imprécise de la déclaration de cette dernière, en soutenant que les propos d’Atofina ne concernent pas les réunions de « haut niveau » et ne peuvent pas corroborer la déclaration de Solvay. Elle soutient, en outre, que la Commission a dénaturé les propos de Solvay, dans la mesure où elle a constaté que certaines entreprises avaient été informées « de façon exhaustive » et « généralement par téléphone » (considérant 172 de la décision attaquée).

173    S’agissant de la valeur probante de la déclaration de Solvay, il y a lieu d’observer qu’il s’agit d’une information donnée par une entreprise inculpée, dans le cadre d’une demande de clémence. La déclaration en cause est formulée, de manière générale, en ce qui concerne l’ensemble des réunions de « haut niveau », et ne permet pas d’identifier les personnes physiques impliquées dans des contacts, ce qui empêche sa vérification par témoignage. Le passage concerné de la déclaration de Solvay, tel qu’il est cité à la note en bas de page 175 de la décision attaquée, ne mentionne pas que l’information aurait été donnée « par téléphone » et « de façon exhaustive ». Par ailleurs, dans les circonstances de l’espèce, s’agissant de l’information donnée par le plus grand opérateur du marché, selon laquelle plusieurs entreprises du secteur ont été tenues informées des discussions illicites, il ne saurait être exclu que cet opérateur tendait à minimiser son rôle dans le déroulement de l’entente.

174    Quant à la corroboration de la déclaration de Solvay, il convient de relever que cette déclaration, relative à l’information donnée à la requérante, n’est pas confirmée par d’autres éléments de preuve concernant les réunions évoquées. En effet, il ressort du dossier que la déclaration d’Atofina, invoquée par la Commission à la note en bas de page 176 de la décision attaquée, ne fait pas référence, en réalité, aux réunions de « haut niveau », mais seulement à celles du « groupe B » ayant eu lieu entre la fin de l’année 1995 et le début de l’année 1997, ces dernières se situant, en grande partie à tout le moins, avant la période infractionnelle retenue à l’encontre de la requérante. Il est d’ailleurs constant qu’Atofina n’a pas participé aux réunions concernées par la déclaration de Solvay.

175    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de constater que la déclaration de Solvay a une valeur probante intrinsèque très faible, aux fins de démontrer que la requérante a été informée des résultats des réunions de « haut niveau », et qu’elle n’est pas directement corroborée par d’autres éléments de preuve. Par conséquent, cette déclaration ne saurait, à elle seule, établir la participation de la requérante aux contacts collusoires entre septembre 1997 et septembre 1998, mais peut, tout au plus, constituer un élément accessoire dans le faisceau d’indices retenus à cet effet.

176    En deuxième lieu, concernant les cinq réunions relatées par Atofina (réunions du 18 septembre 1997 à Paris, du 17 novembre 1997 à Francfort-sur-le-Main, du 21 novembre 1997 à Paris et d’octobre 1998 à Dusseldorf ; considérants 180, 188, 193 et 247 de la décision attaquée), la requérante met en cause la crédibilité de la déclaration d’Atofina, selon laquelle elle a été informée par téléphone, et soutient que celle‑ci n’est pas corroborée par d’autres éléments de preuve. Elle produit les déclarations de ses employés identifiés dans la déclaration d’Atofina, lesquels nient avoir été contactés.

177    S’agissant de la valeur probante de la déclaration d’Atofina, il y a lieu d’observer que le fait que cette déclaration a été faite dans le cadre d’une demande de clémence ne remet pas en cause, en soi, sa crédibilité. Rien ne permet de croire qu’Atofina ait tenté de minimiser sa participation à l’entente en indiquant qu’elle avait contacté la requérante dans le cadre d’une série de réunions. Il y a lieu d’observer également que les indications relatives aux contacts avec la requérante ne sont aucunement formulées de manière vague, mais présentent au contraire un niveau de détail significatif et permettent d’identifier les employés de la requérante contactés. L’information provient d’un témoin direct, à savoir l’employé d’Atofina ayant participé à des réunions litigieuses. Il y a lieu de rappeler que celui-ci a fait sa déclaration le 26 mai 2003, à savoir plusieurs semaines après la production des premiers éléments de preuve, le 3 avril 2003 (considérant 513 de la décision attaquée). Il ressort, tant des conditions de sa coopération que du contenu précis de sa déclaration, que celle‑ci a été faite de manière délibérée et après mûre réflexion.

178    L’ensemble de ces circonstances témoigne donc de la valeur probante importante de la déclaration d’Atofina en cause.

179    S’agissant de la corroboration de la déclaration d’Atofina, quant à la réunion du 18 septembre 1997 à Paris, outre la déclaration d’un employé d’Atofina selon laquelle la requérante a été « contacté[e] par téléphone afin de lui donner des informations sur les discussions », une note de réunion rédigée par le même employé fait référence à la lettre majuscule « E », identifiant la requérante, et indique que celle-ci était « absente mais jointe par téléphone » (considérants 180 et 181 de la décision attaquée, ainsi que les éléments du dossier administratif cités à la note en bas de page 188 de celle-ci).

180    S’agissant de la réunion du 17 novembre 1997 à Francfort-sur-le-Main, selon la même déclaration, un ou deux employés de la requérante ont été contactés par téléphone pendant que la réunion se tenait et un représentant d’Atofina leur en faisait un compte rendu (considérant 188 de la décision attaquée). Cette déclaration est également corroborée par une note de réunion soumise par Atofina, indiquant ce qui suit : « FMC = absent mais joint par téléphone par moi (M. […]) autre représentant local (M. […]) très actif » (note en bas de page 200 de la décision attaquée). La requérante est d’ailleurs mentionnée en tant que première entreprise devant annoncer la hausse des prix et ses informations figurent dans un tableau de réunion comportant les prix minimaux par client et par producteur (considérant 192 de la décision attaquée). En outre, Degussa a précisé, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’un représentant d’Atofina avait appelé un représentant de la requérante lors de cette réunion (considérant 192 et note en bas de page 206 de la décision attaquée).

181    Concernant la réunion du 21 novembre 1997 à Paris, selon la même déclaration d’Atofina, la requérante a été contactée par téléphone pour recueillir son accord sur l’augmentation coordonnée des prix (considérant 193 de la décision attaquée) et les notes prises dans le cadre de cette réunion indiquent les prix de la requérante (considérant 197 de la décision attaquée, ainsi que les éléments du dossier administratif cités à la note en bas de page 216).

182    Quant à la réunion d’octobre 1998 à Düsseldorf, outre la déclaration qu’un représentant de la requérante « a suivi le déroulement de la réunion par téléphone », le compte rendu de cette réunion mentionne la part de marché, actuelle et proposée, de la requérante (considérants 247 à 249 de la décision attaquée, ainsi que les éléments du dossier administratif cités à la note en bas de page 282 de celle-ci).

183    Il ressort de ces éléments que la déclaration d’Atofina est non seulement dotée d’une valeur probante importante, mais également confirmée, pour chaque réunion concernée, par des preuves documentaires contemporaines aux faits invoqués, fournies par Atofina, ainsi que, pour une des réunions, corroborée par la déclaration de Degussa apportée dans sa réponse à la communication des griefs.

184    Par ailleurs, compte tenu de la valeur probante importante de la déclaration d’Atofina, ainsi que du niveau de détail des preuves documentaires soumises, leur crédibilité ne saurait être remise en cause par le fait que les preuves documentaires proviennent de l’auteur de la déclaration en cause.

185    En effet, la requérante ne conteste ni l’authenticité des preuves documentaires soumises par Atofina, ni les explications données par celle‑ci quant à leur contenu. Elle met en cause uniquement la crédibilité de ces documents, en tant que preuve de sa participation à l’entente.

186    Or, eu égard au fait qu’il s’agit de documents rédigés par un témoin direct à l’époque des faits, ainsi qu’à leur contenu précis et détaillé, il y a lieu de leur accorder une valeur probante certaine.

187    La crédibilité de ces documents n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante concernant leur contenu et leur degré de précision.

188    En effet, premièrement, le fait que certaines informations sont accompagnées d’astérisques et de points d’interrogation, parfois avec l’indication « à vérifier », ne met pas en cause la crédibilité de l’ensemble des informations contenues dans les documents concernés.

189    Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel les informations relatives à ses prix auraient pu provenir d’une autre source, par exemple, de ses clients, n’est pas plausible, dans la mesure où les tableaux contiennent d’autres indications impliquant directement la requérante, à savoir les notes mentionnant qu’elle a été contactée, qu’elle devait être la première à annoncer la hausse des prix ainsi que la part de marché qui devait lui être attribuée (considérants 188, 192 et 282 de la décision attaquée).

190    Troisièmement, il y a lieu d’observer que, par son argument tiré d’un prétendu double emploi d’éléments de preuve tirés de la déclaration d’Atofina, s’agissant des multiples réunions, la requérante se borne à faire référence à des éléments du dossier qui n’ont pas été retenus dans la décision attaquée à son égard.

191    En effet, il ressort de son argumentation qu’il s’agit soit de réunions antérieures à la période infractionnelle retenue à son égard (à savoir les réunions des 23 novembre 1995, 12 février 1996, 22 et 23 mai 1996, 27 novembre 1996 ainsi que « d’autres réunions générales » de 1996), soit de réunions pour lesquelles elle a admis sa participation ainsi que le contenu des discussions (réunions des 28 et 29 mai 1997), soit de réunions qui, bien que figurant dans la communication des griefs, n’ont finalement pas été retenues dans la décision attaquée (deux réunions de 1999, à Roissy et à Francfort-sur-le-Main). S’agissant d’une note prétendument employée concernant la réunion du 26 novembre 1997 à Bruxelles et une autre réunion qui s’est tenue « entre juin et septembre 1997 », la requérante n’indique par ailleurs pas les considérants de la décision attaquée concernés.

192    À cet égard, la requérante, interrogée à ce propos dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, n’a pas pu indiquer les considérants de la décision attaquée auxquels il aurait été fait double emploi de certains éléments de preuve.

193    Ainsi, même à supposer que certaines notes manuscrites apportées par Atofina, non datées, n’aient pas pu être rattachées à des réunions précises, un tel argument est inopérant dans la mesure où il ne concerne pas les éléments de preuve retenus dans la décision attaquée à l’encontre de la requérante.

194    Par ailleurs, il convient de relever que, même à la supposer établie, la prétendue absence de précision des éléments de preuve produits par Atofina s’expliquerait par le laps de temps qui s’est écoulé entre les faits litigieux et le moment où il a été fait appel à des souvenirs du déclarant. Ces imprécisions concernant d’autres éléments que ceux retenus à l’égard de la requérante, elles ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère crédible des éléments de preuve relatifs à la prise de contacts avec la requérante et à l’emploi de ses informations, ces derniers aspects étant attestés d’une manière claire et précise.

195    Quatrièmement, la requérante indique avoir remis en cause, dans le cadre de sa réponse à la communication des griefs, un élément fourni par l’employé concerné d’Atofina, relatif à la prétendue participation d’un de ses représentants à une réunion à Paris le 12 février 1996. Pour contester cette information, la requérante indique avoir produit une déclaration de son employé allant dans le sens contraire, ainsi qu’une copie du passeport de ce dernier comportant un cachet d’entrée sur le territoire des États-Unis le 10 février 1996.

196    Il convient d’observer que la déclaration produite par la requérante met en doute une indication particulière de l’employé d’Atofina. En effet, eu égard à l’élément de preuve produit par la requérante, il est peu probable que son représentant, entré sur le territoire des États-Unis le 10 février, ait pu se rendre à Paris deux jours plus tard. Il convient d’observer d’ailleurs que la Commission a pris en compte cette considération et, en l’absence de corroboration de l’information d’Atofina, n’a pas retenu la participation de la requérante à la réunion en question.

197    Cependant, le fait que la requérante a mis en doute un élément produit par Atofina, lequel n’a pas été retenu à l’encontre de la requérante, n’est pas de nature à affecter la crédibilité de la déclaration concernée dans son ensemble.

198    Enfin, dans la mesure où la requérante soutient que la Commission a omis de prendre en considération les déclarations de ses employés contestant avoir été contactés par l’employé d’Atofina, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 186, 191, 192 et 253 de la décision attaquée, la Commission a, à juste titre, pris en compte cette contestation de la part des employés de la requérante et l’a appréciée à la lumière des autres éléments de preuve qui étaient à sa disposition.

199    À la lumière de ces constatations, il convient de conclure qu’un faisceau d’indices résultant, d’une part, des informations d’Atofina relatives aux contacts téléphoniques avec la requérante dans le cadre des réunions s’étant tenues entre septembre 1997 et octobre 1998 et, d’autre part, des mentions de son nom et de données la concernant dans les preuves documentaires relatives à ces réunions, démontrait, à suffisance de droit, la participation de la requérante aux contacts illicites durant la période concernée.

200    Il importe de relever également que ces éléments sont corroborés, concernant une réunion, par Degussa et, de manière accessoire, concordent avec la déclaration de Solvay relative à l’information donnée à la requérante dans le cadre d’autres réunions ayant eu lieu durant la même période.

201    L’argumentation de la requérante relative aux éléments de preuve concernés ne saurait donc être accueillie.

–       Sur les contacts pris en marge des assemblées du CEFIC

202    La Commission a retenu la participation de la requérante aux contacts collusoires ayant eu lieu en marge de cinq assemblées semestrielles du CEFIC, qui ont suivi celle de Séville (à savoir celles de novembre 1997, de mai et de novembre 1998, d’avril et de novembre 1999 ; considérants 198 à 207, 221 à 232, 254 à 258, 264 et 265, 273 à 275 de la décision attaquée).

203    La requérante reconnaît sa participation aux assemblées semestrielles du CEFIC, mais conteste avoir été impliquée dans des contacts illégaux, en faisant valoir l’absence de preuve suffisamment précise et concordante à cet égard. Elle indique que les réunions en question se sont tenues dans des endroits publics, à savoir des restaurants, des bars ou des couloirs d’hôtel. Selon la requérante, les discussions illégales ont donc dû seulement consister en des contacts bilatéraux ou avoir eu lieu après le départ de ses représentants.

204    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante citée au point 159 ci‑dessus, lorsque la Commission démontre la participation de l’entreprise concernée à des réunions illicites, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel.

205    Il convient donc d’examiner, en premier lieu, si la participation de la requérante à des discussions illicites a été établie en ce qui concerne des contacts collusoires en marge des cinq assemblées du CEFIC en cause, puis, le cas échéant, si la requérante a apporté des indices susceptibles de démontrer que sa participation était néanmoins dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel.

206    Premièrement, concernant les contacts pris lors du dîner au restaurant ayant eu lieu la veille de l’assemblée du CEFIC des 26 et 27 novembre 1997 à Bruxelles, la Commission a constaté que Degussa, EKA Chemicals, Solvay et Atofina avaient indiqué que la requérante et Kemira « étaient effectivement présentes, qu’elles étaient parfaitement au courant du caractère illicite des discussions […] et qu’elles y avaient pris part » (considérant 199 de la décision attaquée).

207    La requérante soutient qu’EKA Chemicals n’a fait aucune mention à son égard, que Solvay a uniquement dressé une liste de participants, dans laquelle ne figurent pas ses employés, tout en ajoutant que « probablement tous les autres participants » à l’assemblée étaient également représentés et que les informations d’Atofina et de Degussa avaient seulement consisté à indiquer les personnes présentes au dîner, dont ses représentants. Elle indique qu’un de ses représentants a soumis une déclaration niant sa participation à des discussions illicites.

208    Il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des éléments invoqués à la note en bas de page 218 de la décision attaquée, produits par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, la constatation selon laquelle un employé de la requérante a pris part au dîner au cours duquel les participants ont tenu des discussions illicites ressort des déclarations d’Atofina et de Degussa qui sont précises à cet égard.

209    Dès lors que la participation de la requérante à ces contacts illicites résulte d’un faisceau d’indices concordants, elle ne saurait être remise en cause par la déclaration de son employé concerné, qui ne nie pas explicitement avoir été présent lors du dîner, mais soutient seulement ne pas avoir participé à des contacts collusoires.

210    Il y a également lieu d’observer que l’implication de la requérante dans les discussions illégales en cause résulte également d’autres éléments exposés dans la décision attaquée, selon lesquels, d’une part, lors du partage des compétences régionales, il a été décidé que la requérante serait responsable pour l’Espagne et le Portugal et, d’autre part, la requérante a pris part à une réunion sur le PBS, qui s’est tenue en marge de la même assemblée ainsi qu’à une des réunions locales qui ont suivi (considérants 201 et 208 de la décision attaquée).

211    Deuxièmement, s’agissant des contacts établis en marge de l’assemblée suivante, en mai 1998 à Évian-les-Bains, à savoir lors de deux réunions sur le PH et le PBS, il ressort des éléments invoqués aux considérants 222 et 226 de la décision attaquée, produits par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, que Degussa et Solvay ont confirmé la participation de la requérante. Concernant la réunion sur le PBS, Atofina a joint le tableau de réunion contenant les chiffres des ventes de PBS incluant les données de la requérante (considérant 228 de la décision attaquée).

212    Dans la déclaration produite par la requérante en annexe de la requête, son employé concerné a admis l’existence de discussions illégales sur le PBS en marge de cette assemblée, dans les termes suivants :

« J’ai aussi pris part à l’assemblée du CEFIC à Évian-les-Bains en mai 1998. Au cours de cette réunion, la conversation a dévié une fois encore vers le sujet des parts de marché, ainsi qu’indiqué dans la [communication des griefs]. Les petits producteurs comme [la requérante] refusaient d’accepter de geler les parts de marché parce que nous voulions continuer à livrer concurrence. »

213    Troisièmement, s’agissant des contacts noués en marge de l’assemblée des 25 et 26 novembre 1998 à Bruxelles, à savoir la réunion sur le PBS, le 25 novembre au restaurant et une réunion sur le PBS le lendemain, il ressort des éléments invoqués aux considérants 255 et 257 de la décision attaquée, produits par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, que Degussa a déclaré qu’un représentant de la requérante avait pris part à ces deux réunions illicites. Concernant la réunion sur le PH, cette déclaration a été corroborée par Kemira (considérant 255 de la décision attaquée).

214    Quatrièmement, s’agissant de contacts établis en marge de l’assemblée du CEFIC d’avril 1999 à Estoril, il ressort du considérant 265 de la décision attaquée que, selon Degussa, des contacts concernant le PH ont eu lieu le soir au bar d’un hôtel.

215    Cinquièmement, il ressort du considérant 273 de la décision attaquée que, selon Degussa, la requérante a participé à une réunion sur le PH la veille de l’assemblée du CEFIC du 16 novembre 1999 à Bruxelles. L’existence de cette réunion illicite a été reconnue par Solvay, Atofina, Kemira et Ausimont.

216    Il y a lieu de relever que, bien qu’elle résulte directement de la seule déclaration de Degussa, la constatation relative à la participation de la requérante aux contacts illicites noués dans le cadre de ces dernières réunions peut néanmoins être considérée comme établie, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 275 de la décision attaquée, eu égard à l’ensemble des indices relatifs à la participation de la requérante aux agissements collusoires dans le cadre d’une série de réunions organisées selon les mêmes modalités. En particulier, les réunions en cause relèvent de la même période que les deux réunions pour lesquelles la requérante a admis sa présence lors des discussions illégales (voir points 235 à 242 ci‑après).

217    La constatation résultant de ces éléments concordants ne saurait être remise en cause par la déclaration de l’employé de la requérante, lequel, sans nier explicitement avoir été présent lors des réunions ayant eu lieu en marge des assemblées en cause, conteste seulement avoir participé à des contacts collusoires.

218    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que la Commission a fait état d’un faisceau d’indices justifiant, d’une manière convaincante, sa conclusion quant à la participation de la requérante à des réunions illégales ayant eu lieu en marge des assemblées du CEFIC en cause.

219    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante, selon lequel les contacts illicites en cause auraient pu être tenus de manière bilatérale ou dans des langues non maîtrisées par ses employés et auraient donc échappé à leur attention. Cette argumentation n’est pas plausible, eu égard, d’une part, à la complexité des discussions, dont le contenu est exposé notamment aux considérants 200 à 205, 223 à 229, 256, 257 et 274 de la décision attaquée et, d’autre part, à la mention du nom de la requérante et de ses informations dans les documents établis en liaison immédiate avec les contacts collusoires ayant eu lieu au cours de la même période (voir points 179 à 182 ci‑dessus).

220    Eu égard à l’ensemble de ces éléments attestant la participation de la requérante aux contacts collusoires en cause, celle-ci ne saurait tirer un argument valable d’une observation incidente de la Commission, s’agissant de l’une des réunions concernées, selon laquelle « il n’est pas inconcevable que […] diverses discussions aient eu lieu plutôt sur une base bilatérale » (considérant 167 de la décision attaquée).

221    Par conséquent, la requérante n’ayant avancé aucun autre indice de nature à établir que sa participation aux réunions en cause était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, c’est à bon droit que la Commission a retenu son implication dans les contacts collusoires établis en marge des assemblées du CEFIC concernées.

–       Sur la réunion du 13 juillet 1998 à Königswinter

222    Aux considérants 233 à 236 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’une rencontre entre Degussa, Solvay et la requérante avait eu lieu le 13 juillet 1998 à Königswinter, celle-ci ayant été organisée par Degussa pour « vérifier que les trois sociétés étaient décidées à persuader Atochem de mettre fin à sa production de PBS afin de diminuer les capacités dans ce secteur ».

223    Il ressort des considérants 234 et 235 de la décision attaquée que la participation de la requérante à cette réunion résulte d’une déclaration de Degussa, corroborée par la réponse de Solvay à la communication des griefs.

224    La requérante conteste sa participation à la réunion de Königswinter en s’appuyant sur la déclaration de son employé concerné ainsi que sur une note de taxi comportant le nom de ce dernier, émise à Barcelone le jour de la réunion. En outre, elle soutient que Solvay n’a, en réalité, pas confirmé sa présence à cette réunion. Elle conteste la déclaration de Solvay selon laquelle elle « avait participé à l’accord avec Atochem, en fournissant en échange une compensation en Espagne » (considérant 244 de la décision attaquée).

225    Il convient d’observer que les déclarations de Degussa et, contrairement à ce que soutient la requérante, de Solvay sont rédigées dans des termes clairs et confirment sans équivoque la présence de la requérante à Königswinter. En effet, même si Solvay n’a pas mentionné la réunion en cause dans sa demande de clémence, mais uniquement dans sa réponse à la communication des griefs, elle a néanmoins relaté, dès sa demande de clémence, qu’Atochem demandait une compensation pour la fermeture de son site de production de PBS, en indiquant que Degussa avait pris contact avec la requérante et elle-même à ce sujet (élément du dossier partiellement cité à la note en bas de page 271 de la décision attaquée).

226    Eu égard à ces éléments, ainsi qu’au fait que la note de taxi émise à Barcelone le jour de la réunion ne constituait pas la preuve que le représentant de la requérante ne s’était pas rendu à Königswinter le même jour, la Commission a, à juste titre, retenu sa participation à la réunion en cause (considérant 236 de la décision attaquée).

227    Il convient d’observer également que, bien que la requérante n’ait pas participé à la réunion ultérieure sur le même sujet, le 1er octobre 1998, les éléments relatifs à cette réunion sont autant d’indices de son implication dans les discussions relatives à la fermeture d’un site de production de PBS d’Atochem.

228    D’une part, ainsi qu’il ressort des considérants 243 et 244 de la décision attaquée, tant Degussa que Solvay ont indiqué que la réunion du 1er octobre 1998, à Paris, avait eu pour objet de présenter à Atochem la proposition adoptée par Degussa, Solvay et la requérante lors de la réunion à Königswinter. D’autre part, il ressort du considérant 277 de la décision attaquée, que, à la suite de la fermeture des usines de production d’Atochem et de Caffaro, les parts de ces deux sociétés sur le marché du PBS devaient en principe être affectées à Solvay, à Degussa et à la requérante.

229    À la lumière de l’ensemble de ces éléments, les arguments mis en avant par la requérante pour contester sa participation aux contacts établis à Königswinter, concernant la fermeture du site d’Atochem, ne sauraient être accueillis.

–       Sur la réunion avec Degussa le 28 septembre 1998 à Bruxelles

230    Aux considérants 239 à 242 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’une réunion de « haut niveau », le 28 septembre 1998 à Bruxelles, entre Degussa et Solvay. Elle a constaté que, « par la suite (dans l’après-midi), une réunion bilatérale entre un haut représentant de Degussa et un haut représentant de [la requérante] a[vait] eu lieu, toujours à Bruxelles [… ayant eu] pour objet de permettre à Degussa de communiquer les résultats de la réunion du matin même ». Cette constatation s’appuie sur une information de Degussa, ainsi que sur une inscription dans l’agenda d’un employé de Degussa (considérant 241 et note en bas de page 267 de la décision attaquée).

231    La requérante ne conteste pas la tenue de cette réunion, mais uniquement son objet, en indiquant que Degussa n’a fait aucune mention de cette réunion dans sa demande de clémence et que, dans ses informations ultérieures, elle a uniquement remarqué que « le sujet de la réunion a[vait] été une discussion d’ordre général portant sur le développement du marché européen du PH, en particulier au regard du niveau élevé des prix atteints, et des chances de maintien d’un tel niveau ».

232    Il y a lieu d’observer, à cet égard, que le fait que la réunion en question n’est pas mentionnée dans la demande de clémence de Degussa est sans incidence, dans la mesure où la requérante ne conteste pas sa tenue. Concernant l’objet collusoire de cette réunion, il convient d’observer que, ainsi que l’a relevé la Commission, il est attesté par le fait que la réunion avec la requérante a eu lieu à la suite de la réunion avec Solvay, dont l’objet illicite n’est pas contesté, qu’elle est mentionnée, dans l’agenda d’un employé de Degussa comme étant la « réunion suivante » (nächstes meeting) et qu’elle a été incluse dans la liste des contacts collusoires fournis par Degussa (note en bas de page 267 de la décision attaquée).

233    Eu égard à ces éléments, les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause les constatations de la Commission à l’égard de la réunion en question.

–       Sur les réunions concernant le PBS

234    Dans la décision attaquée, la Commission a retenu la série de réunions suivantes, relatives au PBS, entre Degussa, Solvay, Ausimont et la requérante :

–        la réunion du 16 septembre 1998 à Lyon (considérants 237 et 238 de la décision attaquée) ;

–        la réunion du début 1999 à Milan (considérants 259 à 263 de la décision attaquée) ;

–        la réunion durant l’été 1999 à Bâle (considérants 267 à 270 de la décision attaquée) ;

–        la réunion du 13 décembre 1999 à Fribourg (considérants 276 à 279 de la décision attaquée).

235    Il convient de relever que, s’agissant des réunions de Milan et de Fribourg, la requérante reconnaît sa participation ainsi que le fait que les discussions ont « dévié » vers des sujets « inappropriés », mais soutient que son représentant a prêté « peu d’attention » à ces discussions.

236    La présence de la requérante et le contenu illicite des discussions ayant été établis, il incombait à la requérante d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir la jurisprudence citée au point 159 ci‑dessus).

237    À cet égard, la requérante fait valoir, en s’appuyant sur la déclaration de son employé ayant pris part à ces deux réunions, que l’objectif de ces dernières avait été de discuter des moyens dont pouvait disposer l’industrie pour apaiser les inquiétudes créées par le mouvement « anti-bore » et que, compte tenu de ces inquiétudes, elle avait déjà commencé à envisager le développement d’un « produit alternatif », le PCS. Ainsi, tout en admettant que, au cours des réunions en cause, d’autres producteurs se seraient engagés dans des discussions illicites, la requérante soutient que ces propos n’ont pas intéressé son représentant, qui n’a donc pas pris part aux discussions illégales, même s’il n’a pas quitté les lieux. Selon la requérante, cette explication est corroborée par Degussa, qui affirme que les réunions en cause se sont tenues dans le cadre de discussions licites.

238    Il y a lieu de relever que les réunions en cause ont eu lieu à l’époque où l’entente était bien développée et ont été précédées d’un certain nombre de contacts collusoires impliquant la requérante. La requérante admet, elle-même, le contenu illicite des discussions, sans aucune indication de son opposition ouverte, ni précision à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur.

239    Il est d’ailleurs peu plausible que la requérante n’ait eu aucun intérêt à la discussion illicite concernant les prix du PBS, dans la mesure où elle a continué d’en produire en 1999 et en 2000 et a figuré parmi les quatre plus grands producteurs de PBS, lesquels ont tous participé aux mêmes réunions, et où elle n’a commencé à commercialiser le PCS qu’en 2002 (considérant 36 de la décision attaquée).

240    En outre, les éléments de preuve relatifs aux réunions en question incluent des tableaux comportant des précisions sur les parts de marché des participants (considérant 261 de la décision attaquée) et font état des discussions sur l’attribution des parts de marché libérées à la suite de la fermeture des usines de production d’Atochem et de Caffaro, lesquelles « devaient en principe être affectées à Solvay, à Degussa et à [la requérante] en fonction de leur part de marché réelle » (considérant 277 de la décision attaquée).

241    Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, l’indication de Degussa, selon laquelle les réunions en cause s’étaient tenues « à l’occasion » de rencontres licites, ne signifie pas que les discussions illicites ont eu lieu « par hasard » ou ont eu un caractère fortuit.

242    Au vu de tous ces éléments, les arguments de la requérante ne suffisent pas à démontrer que sa participation aux discussions en cause était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel.

243    S’agissant des réunions de Lyon et de Bâle, il convient d’observer que, bien que la participation de la requérante à ces rencontres résulte d’informations provenant, respectivement, de Degussa et de Solvay, non corroborées par d’autres éléments de preuve, compte tenu de l’identité de leurs participants et de leur objet, ainsi que de leur proximité dans le temps, c’est à bon droit que la Commission a retenu la participation de la requérante à l’ensemble de cette série de réunions.

244    Par conséquent, les arguments de la requérante, relatifs aux réunions sur le PBS tenues entre septembre 1998 et décembre 1999, ne sauraient prospérer.

–       Conclusion

245    Il y a lieu de rappeler que les éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus).

246    Au terme de l’examen exposé aux points 113 à 244 ci-dessus, il convient de constater que l’ensemble des éléments analysés constituait un faisceau d’indices démontrant, à suffisance de droit, la participation de la requérante à l’infraction.

247    En effet, pour chacun des faits constitutifs de cette infraction, la Commission a apporté une preuve crédible et, dans un grand nombre de cas, directement corroborée par d’autres preuves. La participation de la requérante à l’entente découle, d’une part, de sa participation à plusieurs réunions et contacts collusoires et, d’autre part, de la mention de son nom et de ses informations dans les différents documents établis en liaison immédiate avec ces contacts. Les arguments de la requérante tirés d’une prétendue dénaturation ou d’un « enjolivement » des éléments de preuve sont, à la lumière de l’analyse faite ci-dessus, non fondés.

248    Dans la mesure où, pour certains faits infractionnels, la Commission a invoqué des preuves isolées, qui n’ont pas pu être directement corroborées par d’autres indices, il y a lieu de rappeler que, face à un faisceau d’indices concordants démontrant la participation à l’entente, il faut une explication réellement solide pour convaincre que, pendant une certaine phase d’une série de réunions, il s’est produit des choses totalement différentes de celles qui se sont passées au cours de réunions antérieures et ultérieures (voir point 127 ci-dessus).

249    Or, à la lumière de l’analyse effectuée ci-dessus, force est de constater que la requérante n’a pas avancé d’argument solide pour remettre en cause les preuves retenues par la Commission à son égard, en ce qui concerne notamment certaines réunions ayant eu lieu en marge des assemblées du CEFIC, pour lesquelles la Commission s’est appuyée sur des indices émanant d’une seule source d’information (voir points 216 et 243 ci-dessus).

250    Eu égard à ces considérations, il convient de rejeter la critique de la requérante revendiquant le bénéfice du doute, en vertu du principe in dubio pro reo. Au terme d’une appréciation globale, cette critique ainsi que les griefs spécifiques de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause le faisceau d’indices précis et concordants retenu dans la décision attaquée.

251    Enfin, la légalité du constat de la participation de la requérante à l’infraction en cause n’est pas susceptible d’être infirmée par les arguments de cette dernière tendant à démontrer qu’elle s’est comportée « agressivement » sur le marché, sur la base d’une description historique des développements sur le marché et, notamment, de l’augmentation significative de sa part de marché dans l’EEE entre 1993 et 2001.

252    En effet, d’une part, il n’est pas nécessaire d’examiner les effets d’un accord ou d’une pratique concertée dès lors que leur objet anticoncurrentiel est établi (arrêts de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 140, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, points 28 à 30).

253    D’autre part, la responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction est valablement retenue lorsqu’elle a participé à des réunions en ayant eu connaissance de leur objet anticoncurrentiel, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 508 et 509).

254    À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de considérer que le premier moyen n’est pas fondé et, partant, doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense dans le cadre de l’accès au dossier

 Arguments des parties

255    La requérante soutient que la Commission s’est appuyée sur certains éléments à charge tirés des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs, sans lui donner l’occasion de formuler ses observations sur ces éléments.

256    Premièrement, s’agissant des informations de Solvay concernant des appels téléphoniques, celle-ci n’aurait pas indiqué les dates auxquelles elle aurait contacté la requérante. La Commission aurait conclu qu’il s’agissait des réunions décrites aux considérants 171 à 174, 211, 215 à 217, et 239 à 242 de la décision attaquée (considérant 172 de la décision attaquée). Or, il apparaîtrait que, dans sa réponse à la communication des griefs, Solvay a nié avoir participé à la réunion évoquée aux considérants 215 à 217 de la décision attaquée. Cet élément revêtirait une importance particulière, compte tenu du fait que la Commission s’est fondée sur de prétendus appels de Solvay pour corroborer ensuite les prétendus appels d’Atofina. Or, la requérante n’aurait pas eu accès à la réponse de Solvay à la communication des griefs afin de prendre connaissance de ce que celle-ci avait indiqué au sujet de cette réunion.

257    Deuxièmement, la Commission se serait fondée sur les réponses de Degussa et de Solvay à la communication des griefs concernant la réunion de septembre 1998 à Bruxelles (considérants 239 à 242 de la décision attaquée). Or, la requérante n’aurait pas pu consulter les éventuelles indications de Solvay dans sa réponse à la communication des griefs au sujet d’un appel téléphonique qu’elle aurait reçu à propos de cette réunion.

258    Troisièmement, la Commission se serait fondée sur la réponse de Solvay à la communication des griefs pour corroborer l’allégation de Degussa selon laquelle la requérante aurait pris part à la réunion de novembre 1999 à Bruxelles (considérants 273 à 275 de la décision attaquée). À défaut de savoir ce qu’avait dit Solvay, la requérante n’aurait pas pu répondre à ce grief.

259    Par ailleurs, la requérante n’aurait pas été mise en mesure de préparer sa défense, car elle n’aurait pas eu accès aux réponses en question, lesquelles pouvaient également contenir des éléments à décharge.

260    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

261    Aux termes de l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, les droits de la défense des parties concernées doivent être pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Celles-ci ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

262    Selon une jurisprudence constante, le droit d’accès au dossier, corollaire du principe des droits de la défense, implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction susceptibles d’être pertinents pour sa défense (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, points 125 à 128, et arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec. p. II‑1775, point 81).

263    Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 109 supra, point 68).

264    Concernant les pièces à conviction, l’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si ce document non communiqué devait être écarté comme moyen de preuve (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 109 supra, points 71 à 73).

265    En revanche, s’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, l’entreprise concernée doit seulement établir que cette absence de divulgation a pu influer, à son détriment, sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l’entreprise établisse qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents à décharge pour sa défense (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 253 supra, point 318, et Hercules Chemicals/Commission, point 97 supra, point 81), en démontrant notamment qu’elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les appréciations opérées par la Commission au stade de la communication des griefs, et aurait donc pu influer, de quelque manière que ce soit, sur les appréciations portées dans la décision (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 109 supra, point 75).

266    Concernant un accès aux réponses données par les autres entreprises concernées à la communication des griefs, il y a lieu de rappeler que de telles réponses ne font pas partie du dossier d’instruction proprement dit (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 122 supra, point 380).

267    Dès lors, s’agissant de documents ne faisant pas partie du dossier constitué au moment de la notification de la communication des griefs, la Commission n’est tenue de divulguer lesdites réponses à d’autres entreprises concernées que s’il s’avère qu’elles contiennent de nouveaux éléments à charge ou à décharge.

268    En l’espèce, d’une part, la requérante soutient, dans la requête, que la Commission a violé ses droits de la défense du fait de l’emploi dans la décision attaquée de certains éléments à charge tirés des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs, sur lesquels elle n’a pas eu l’occasion de formuler des observations. D’autre part, elle soutient ne pas avoir été mise en mesure de préparer sa défense, car elle n’aurait pas eu accès aux réponses en question, qui pouvaient également contenir des éléments à décharge.

269    Par ailleurs, lors de l’audience, elle a développé une nouvelle argumentation tirée d’un défaut d’accès à un document de Solvay, produit par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal le 6 janvier 2010 (voir point 300 ci‑après).

–       Sur les prétendus éléments à charge tirés des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs

270    Il est de jurisprudence constante que, si la Commission entend se fonder sur un élément tiré d’une réponse à une communication des griefs pour établir l’existence d’une infraction, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel nouvel élément de preuve. Dans de telles circonstances, l’élément en question constitue en effet un élément à charge à l’encontre des différentes entreprises qui auraient participé à l’infraction (arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./Commission, point 122 supra, point 386, et du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 50).

271    Un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise. Aux fins d’établir une violation de ses droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque passage de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve additionnel pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 35).

272    En l’espèce, il est constant que, le 24 février 2006, la Commission a divulgué à la requérante les extraits des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs, qui contenaient de nouveaux éléments qu’elle entendait employer à l’encontre de celle-ci. Il s’agit des points 249 à 254 de la réponse de Solvay, concernant la réunion relative à la fermeture d’un site de production de PBS d’Atochem, le 13 juillet 1998 à Königswinter, et des points 26 à 28 de la réponse de Degussa, concernant le contact téléphonique avec la requérante dans le cadre des réunions en novembre 1997. La requérante a soumis ses commentaires le 15 mars 2006.

273    La requérante fait valoir, néanmoins, que la Commission a retenu contre elle d’autres éléments tirés des mêmes réponses, lesquels ne lui ont pas été divulgués.

274    Premièrement, la requérante soutient qu’il apparaît dans la décision attaquée que, dans sa réponse à la communication des griefs, Solvay a nié avoir participé à la réunion d’avril 1998 à Francfort-sur-le-Main, évoquée aux considérants 215 à 217 de la décision attaquée. Selon la requérante, cet élément est important, car la Commission s’est fondée sur le fait que Solvay avait informé la requérante par téléphone, notamment, de l’issue de la réunion concernée (considérant 172 de la décision attaquée).

275    Il y a lieu d’observer que, par cette argumentation, la requérante se prévaut, en réalité, de l’absence de divulgation d’un prétendu élément à décharge.

276    À cet égard, il ressort du considérant 217 de la décision attaquée que Solvay a contesté, non sa participation à la réunion en cause, mais uniquement l’utilisation d’un élément de preuve, à savoir l’agenda d’un de ses directeurs généraux du secteur chimique, en ce qui concerne cette réunion de 1998, l’agenda en cause appartenant, selon Solvay, au directeur nommé en 2000.

277    Or, cette seule précision ne saurait contredire la déclaration de Solvay relative à l’information donnée à la requérante dans la série de réunions concernée et, partant, n’est pas susceptible de constituer un élément à décharge.

278    Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission s’est fondée sur les réponses à la communication des griefs données par Degussa et par Solvay pour établir les faits relatifs à la réunion du 28 septembre 1998 à Bruxelles (considérants 239 à 242 de la décision attaquée).

279    Il y a lieu de rappeler que, aux considérants 239 à 241 de la décision attaquée, la Commission a décrit, sur la base des informations tirées de la demande de clémence de Degussa, une réunion de « haut niveau » entre Degussa et Solvay ayant porté sur le PH et le PBS, en indiquant également que, le jour même, Degussa avait rencontré la requérante pour l’informer des résultats de cette réunion.

280    Il ressort en outre du considérant 242 de la décision attaquée, ainsi que des éléments produits par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, que, dans sa réponse à la communication des griefs, Solvay, tout en confirmant la tenue de cette réunion, estimait que la question du PBS n’avait pas pu être abordée, mais que Degussa, dans sa réponse à la communication des griefs, avait confirmé expressément que le PBS avait également été discuté, la discussion ayant porté sur le plan commun de fermeture de l’usine de PBS d’Atochem. En conséquence, la Commission a maintenu sa conclusion selon laquelle la réunion avait porté sur ces deux produits.

281    Il convient d’observer que les indications résultant de ces réponses à la communication des griefs abordent principalement le contenu de la réunion entre Degussa et Solvay, et non celle entre Degussa et la requérante. Elles concernent uniquement la question de savoir si cette réunion a porté sur les deux produits ou uniquement sur le PH. La Commission s’est borné à indiquer que, dans sa réponse à la communication des griefs, Degussa avait explicitement confirmé l’information donnée antérieurement.

282    Dans ces conditions, les précisions en cause données par Solvay et par Degussa dans leurs réponses respectives à la communication des griefs ne sauraient être considérées comme comportant un nouvel élément à charge contre la requérante.

283    Concernant la même réunion, la requérante soutient ne pas avoir pu consulter les éventuelles indications de Solvay au sujet d’un appel téléphonique qu’elle aurait reçu de cette dernière.

284    Il y a lieu d’observer que, bien que la déclaration de Solvay quant à l’information donnée à la requérante (considérant 172 de la décision attaquée) fasse référence également à la réunion en cause, les éléments invoqués aux considérants 239 à 242 de la décision attaquée, produits par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, ne font aucune référence au contact téléphonique entre Solvay et la requérante. L’argument de la requérante tiré d’une prétendue utilisation d’un nouvel élément à charge provenant de la réponse à la communication des griefs donnée par Solvay au regard de la réunion en cause n’est donc pas fondé.

285    Troisièmement, la requérante prétend que la Commission s’est fondée sur la réponse de Solvay à la communication des griefs pour corroborer l’indication de Degussa selon laquelle elle avait pris part à la réunion de novembre 1999 à Bruxelles (considérants 273 à 275 de la décision attaquée).

286    Il ressort du considérant 275 de la décision attaquée, ainsi que des éléments produits par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010, que, dans sa réponse à la communication des griefs, Solvay s’est bornée à indiquer qu’elle ne disposait pas d’informations sur cette réunion, mais qu’elle confirmait y avoir participé. Elle a indiqué, en outre, sans contester le contenu illicite des discussions, que la réalité du marché était, à l’époque, que les producteurs commençaient à appliquer des prix indépendants pour accroître leurs parts de marché.

287    À cet égard, il y a lieu de relever que, au même considérant, « étant donné que Solvay a[vait] confirmé la déclaration de Degussa et qu’Atofina, Kemira et Solexis n’[avaie]nt pas contesté le contenu de cette réunion tel qu’exposé dans la communication des griefs », la Commission n’est pas revenue sur sa conclusion concernant la réunion en cause, estimant comme crédibles le fait que cette réunion se soit tenue « dans le même contexte et selon les mêmes modalités que ceux qui caractéris[ai]ent la tenue des autres réunions du cartel durant la même période » de même que l’implication de la requérante.

288    Il ressort de ces considérations que l’indication donnée par Solvay dans sa réponse à la communication des griefs constituait, tout au plus, un élément accessoire dans un faisceau d’indices retenu par la Commission en ce qui concerne la réunion en cause. Eu égard notamment à son contenu, l’indication de Solvay selon laquelle celle‑ci confirmait sa participation à la réunion en cause n’était pas susceptible de constituer un élément de preuve additionnel en ce qui concerne la participation de la requérante à l’infraction.

289    Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que la requérante n’a pas démontré que la Commission s’était fondée sur de nouveaux éléments à charge tirés des parties non divulguées des réponses à la communication des griefs et, partant, ne saurait se prévaloir du défaut de divulgation de ces éléments.

–       Sur les prétendus éléments à décharge tirés des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs

290    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas obligée de rendre accessibles, de sa propre initiative, des documents qui ne figurent pas dans son dossier d’instruction et qu’elle n’a pas l’intention d’utiliser à charge contre les parties concernées dans la décision définitive (arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./Commission, point 122 supra, point 383, et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 340).

291    En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante n’a pas, au cours de la procédure administrative, sollicité l’accès aux réponses de Degussa et de Solvay à la communication des griefs, mais qu’elle a introduit une demande en ce sens le 18 mai 2006, après que la décision attaquée lui a été notifiée. Cette demande a été rejetée par la Commission le 2 juin 2006.

292    Il y a lieu de relever que, s’agissant des documents que la Commission n’est pas, en règle générale, tenue de divulguer de sa propre initiative, la requérante ne saurait, en principe, valablement invoquer un défaut de communication de prétendus éléments à décharge contenus dans les réponses en cause, dès lors qu’elle n’a pas sollicité l’accès à ces réponses au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 122 supra, point 383).

293    Cette considération n’est pas infirmée par le fait que la Commission a communiqué à la requérante certains extraits des réponses en cause (voir point 272 ci‑dessus).

294    En effet, si la Commission entend se fonder sur un passage d’une réponse à une communication des griefs, le passage en question constitue un élément à charge à l’égard des différentes entreprises qui auraient participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêts Cimenteries CBR e.a./Commission, point 122 supra, point 386, et Avebe/Commission, point 270 supra, point 50).

295    Ainsi, tout en étant tenue de divulguer aux entreprises concernées les passages de la réponse à la communication des griefs comportant toute indication pertinente au regard dudit élément à charge, la Commission n’est pas obligée d’étendre cette divulgation aux autres passages de la réponse en cause, dépourvus de lien avec l’élément invoqué.

296    Par ailleurs, à supposer que l’argumentation de la requérante doive être comprise comme visant à établir que la Commission aurait dû constater la présence des éléments à décharge dans les réponses en cause et, partant, les communiquer à la requérante de sa propre initiative, il convient de relever que, dans le cadre d’une telle argumentation, il appartient à la requérante de fournir un premier indice de l’utilité, pour sa défense, des réponses concernées.

297    Elle doit, notamment, indiquer les éventuels éléments à décharge en question ou fournir un indice accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43/02, Rec. p. II‑3435, points 351 à 359).

298    Or, en l’espèce, à l’exception des arguments examinés et rejetés aux points 276 et 277 ci-dessus, la requérante n’avance, dans la requête, aucune argumentation spécifique en ce qui concerne la présence éventuelle d’éléments à décharge dans les parties non divulguées des réponses à la communication des griefs.

299    Par conséquent, le grief de la requérante tiré des prétendus éléments à décharge contenus dans les parties non divulguées des réponses de Solvay et Degussa à la communication des griefs ne saurait être accueilli.

–       Sur le document de Solvay

300    Lors de l’audience, la requérante a soulevé une nouvelle argumentation concernant un document de Solvay produit par la Commission, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 6 janvier 2010. Selon la requérante, ce document, non divulgué dans le cadre de la procédure administrative, non seulement a été invoqué en tant qu’élément à charge, mais contient également des éléments à décharge en ce qui concerne le contenu de la réunion en cause.

301    S’agissant d’un document révélé par la Commission après la clôture de la procédure écrite, l’argumentation en cause doit être considérée recevable au regard des exigences posées par l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

302    Sur le fond, s’agissant des allégations de la requérante tirées d’un prétendu élément à charge, il convient d’observer que le document en cause, bien que produit par la Commission dans le cadre des éléments du dossier invoqués à l’appui des constatations relatives à la réunion de Bruxelles du 26 novembre 1997 (considérants 198 et 199 de la décision attaquée), ne figure pas, en réalité, parmi les éléments du dossier invoqués auxdits considérants de la décision attaquée.

303    En effet, ainsi que l’a affirmé la Commission, lors de l’audience, sans être contredite par la requérante, ledit document constitue une transcription de la déclaration de Solvay, laquelle a consisté en une déclaration orale, confirmée ensuite par écrit. Seule la version écrite, qui était plus succincte, a été inclue dans le dossier et invoquée dans la décision attaquée (considérant 198 et note en bas de page 217 de la décision attaquée).

304    La Commission précise que, dans le cadre de l’accès au dossier accordé à la requérante, le document en cause était explicitement cité comme document interne de la Commission et n’avait pas été utilisé pour l’établissement de la décision attaquée.

305    Ainsi, en l’absence d’indice du fait qu’il a été, en réalité, retenu par la Commission, le document en cause ne saurait être considéré comme un nouvel élément à charge non divulgué.

306    S’agissant des prétendus éléments à décharge, il y a lieu de relever que, afin de respecter les droits de la défense, le dossier établi par la Commission doit inclure l’ensemble des documents pertinents obtenus lors de l’enquête. En particulier, s’il est, certes, permis d’exclure de la procédure administrative les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication des griefs et qui ne sont, par conséquent, d’aucune pertinence pour l’enquête, il ne saurait appartenir à la seule Commission de déterminer les documents utiles à la défense de l’entreprise concernée (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 109 supra, point 126).

307    À cet égard, en l’espèce, la Commission a manqué à ces exigences, en excluant du dossier le document en cause, qui comporte une transcription de la déclaration orale de Solvay relative à une des réunions invoquées dans la décision attaquée, alors que la déclaration écrite donnée par la même entreprise à l’égard de cette réunion avait été retenue en tant qu’élément pertinent de l’enquête.

308    Il y a lieu de rappeler, néanmoins, qu’une telle irrégularité n’est susceptible d’entacher la légalité de la décision attaquée que si elle a pu influer sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision attaquée au détriment de la requérante, qui est tenue de démontrer qu’elle aurait pu utiliser le document non divulgué à décharge pour sa défense, et notamment qu’elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les appréciations opérées par la Commission au stade de la communication des griefs, et aurait donc pu influer, de quelque manière que ce soit, sur les appréciations portées dans la décision attaquée (voir point 265 ci-dessus).

309    À cet égard, la requérante indique que la version non divulguée de la déclaration de Solvay comporte des indications relatives au manque de confiance entre les producteurs, susceptibles d’affecter la constatation du contenu illicite de la réunion du 26 novembre 1997.

310    Il y a lieu d’observer que la version non divulguée de la déclaration contient certains propos du représentant de Solvay, invoqués par la requérante, décrivant le « climat de guerre » entre les participants aux discussions, considérés non comme « [des] concurrents, mais [comme des] ennemis », alors qu’« il fallait un endroit plutôt sympathique pour que les gens commencent à se reparler […] pour faire croire aux personnes qu’on allait augmenter les prix et que l’autre n’allait pas en profiter pour prendre le client ».

311    Il y a lieu d’observer que, bien que certains passages de la déclaration orale de Solvay, notamment ceux précités, ne soient pas repris dans la version écrite de la même déclaration, laquelle est plus courte et est la seule à avoir été incluse dans le dossier, il n’en reste pas moins que le contenu de ces deux versions ne diverge pas de manière pertinente.

312    En effet, les passages invoqués par la requérante, faisant référence à un climat de méfiance entre les producteurs à l’époque, lequel a d’ailleurs été constaté par la Commission au regard d’une autre réunion ayant eu lieu dans la même période (considérant 164 de la décision attaquée), ne sauraient influer sur l’appréciation du caractère collusoire de la réunion en cause, résultant d’un faisceau d’indices invoqués aux considérants 198 à 205 de la décision attaquée. En particulier, dans la même déclaration, Solvay a explicitement affirmé le caractère illicite des discussions, précisant que, « durant le dîner [en cause,] il a été convenu de tenter d’augmenter les prix pour les faire passer à […] dès le 1er janvier 1998 » (considérant 203 de la décision attaquée).

313    À la lumière de ces considérations, il convient de constater que, bien qu’elle soit irrégulière, l’omission de faire figurer au dossier la transcription de la déclaration orale en cause n’a pas été susceptible d’influer sur les appréciations portées dans la décision attaquée au regard de la réunion en cause.

314    Au vu de tout ce qui précède, le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, relatif à la détermination du montant de l’amende

 Arguments des parties

315    La requérante fait valoir, tout d’abord, que le montant de son amende dépasse 10 % de son chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année 2005, en violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

316    En outre, ce montant serait disproportionné, eu égard à la participation minimale de la requérante aux activités du cartel. La Commission aurait pu, tout au plus, constater que la requérante avait commis une « violation technique » de l’article 81 CE, dans la mesure où ses employés avaient entendu des discussions qui ont « dévié » de sujets licites vers des sujets « inappropriés », lors des réunions du début de 1999 à Milan et de décembre 1999 à Fribourg.

317    Ainsi, d’une part, la durée de la participation de la requérante à l’infraction devrait être réduite à une année, avec une réduction conséquente du montant de l’amende. D’autre part, le montant de l’amende devrait être réduit pour tenir compte du rôle passif ou suiviste de la requérante dans l’infraction, découlant de la simple présence à deux réunions en question, sans participation active aux discussions.

318    Par ailleurs, toutes les autres entreprises, à l’exception de Caffaro, dont le montant de l’amende aurait été réduit pour son rôle passif, auraient véritablement entrepris d’organiser des réunions de cartel. Or, la requérante n’aurait ni organisé ni accueilli de réunions de cartel. Elle aurait fait partie des « mauvais élèves » en ce qu’elle aurait volé les parts de marché de Kemira, de Degussa et de Solvay et aurait indiqué à EKA Chemicals qu’elle continuerait à réaliser des ventes en Scandinavie « selon les instructions reçues de la direction ». Elle aurait été à l’origine de l’échec des réunions de cartel de Séville en refusant de « jouer le jeu » et n’aurait pas été invitée à la réunion du lendemain.

319    Enfin, dans le cadre du traitement différencié, la requérante aurait été placée dans la même catégorie que d’autres entreprises détenant des parts de marché comprises entre 9 et 11 % en 1999. En 1994, lorsque que le cartel a prétendument commencé, la requérante aurait eu une part de marché de 5 % et elle serait parvenue à doubler sa part de marché par son comportement concurrentiel durant la période du cartel. Il serait illogique qu’elle se voie infliger une amende d’un montant équivalent à celle infligée aux membres actifs du cartel.

320    Dans la réplique, la requérante réaffirme avoir joué un rôle passif dans l’infraction, ce qui serait confirmé par les réclamations fréquentes des autres participants à l’entente contre ses activités concurrentielles, ayant conduit à ce qu’elle double ses parts de marché, ainsi que par la nature « technique » de sa prétendue participation à l’infraction, la requérante étant certes restée à deux réunions au cours desquelles des discussions « inappropriées » ont été tenues, mais sans participer activement à ces discussions. Par ailleurs, la Commission tenterait d’assimiler, à tort, la participation licite à des assemblées du CEFIC, une organisation commerciale, avec la participation à des activités constitutives d’une entente.

321    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

322    Dans le cadre du présent moyen, présenté à l’appui des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende, la requérante avance trois griefs.

323    En premier lieu, en invoquant une violation de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, la requérante soutient que la Commission était tenue d’appliquer ladite disposition en prenant en considération son chiffre d’affaires, pris isolément, et non le chiffre d’affaires cumulé de sa société mère et d’elle-même.

324    Il y a lieu de rappeler que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires, prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée (arrêt HFB e.a./Commission, point 97 supra, point 528). En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 390).

325    Eu égard à ces considérations, le présent grief ne saurait prospérer. En effet, la requérante ne conteste pas la constatation de la Commission, selon laquelle FMC et elle constituaient l’entité économique unique responsable de l’infraction et, de ce fait, ont été tenues pour solidairement responsables de l’infraction en cause. Elle ne soutient pas non plus que cette entité ait été rompue avant l’adoption de la décision attaquée.

326    En deuxième lieu, la requérante argue que la durée de sa participation à l’infraction devrait être réduite à une année, avec une réduction conséquente du montant de l’amende. En effet, selon la requérante, la Commission aurait pu, tout au plus, constater qu’elle avait commis une « violation technique » de l’article 81 CE, dans la mesure où ses employés avaient entendu des discussions qui ont « dévié » de sujets licites vers des sujets « inappropriés », lors des réunions de 1999 à Milan et à Fribourg.

327    Il y a lieu de considérer que ce grief se confond avec le premier moyen procédant de la contestation de l’infraction et, ainsi, doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 245 à 254 ci-dessus.

328    En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission aurait dû lui accorder le bénéfice d’une circonstance atténuante tirée de son rôle passif dans l’infraction.

329    Il y a lieu d’observer, tout d’abord, que, bien que la Commission indique que la requérante n’a pas explicitement invoqué son rôle passif lors de la procédure administrative, cette considération est sans incidence sur la recevabilité du présent grief (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 194).

330    En effet, d’une part, les entreprises destinataires d’une communication des griefs ne sont pas tenues de demander spécifiquement à bénéficier de circonstances atténuantes. D’autre part, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, la Commission est tenue d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles, afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes, en particulier quand il s’agit, comme en l’espèce, d’une circonstance atténuante explicitement mentionnée dans la liste non exhaustive figurant au point 3 des lignes directrices.

331    Ensuite, sur le fond, il y a lieu de rappeler que le « rôle exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction peut, s’il est établi, constituer une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 167).

332    Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 329 supra, point 164, et la jurisprudence citée). Il convient, en tout état de cause, de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce.

333    Selon une jurisprudence constante, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de circonstances atténuantes (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 307, et Bolloré e.a./Commission, point 118 supra, point 602).

334    En l’espèce, premièrement, la requérante argue que son rôle dans l’infraction découle d’une simple présence à deux réunions concernant le PBS, une réunion en début de l’année 1999 à Milan et une réunion en décembre 1999 à Fribourg, sans aucune participation active aux discussions. Selon la requérante, elle a été à l’origine de l’échec des réunions de Séville en ayant refusé de « jouer le jeu ». Par ailleurs, la Commission aurait tenté d’assimiler, à tort, sa participation licite à des assemblées du CEFIC avec la participation à des activités infractionnelles.

335    Il y a lieu d’observer que cette argumentation ne saurait prospérer, dans la mesure où elle repose entièrement sur les arguments rejetés dans le cadre de l’examen du premier moyen, notamment, aux points 154 à 167, 202 à 221 et 245 à 254 ci‑dessus.

336    Deuxièmement, la requérante fait valoir que son rôle était différent de celui de toutes les autres parties de l’entente, à l’exception de Caffaro, dont le rôle passif a été reconnu par la Commission. Selon la requérante, elle faisait partie des « mauvais élèves », en ce qu’elle a repris les parts de marché de Kemira, de Degussa et de Solvay, et a indiqué à EKA Chemicals qu’elle continuerait à réaliser des ventes en Scandinavie. Son rôle passif dans l’infraction serait prétendument confirmé par les réclamations des autres participants à l’entente contre les activités concurrentielles de la requérante ainsi que par l’augmentation importante de sa part de marché au cours de la période infractionnelle.

337    Or, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen ci-dessus, la Commission a établi, à suffisance de droit, que la requérante avait été représentée ou informée, en ce qui concerne la plupart des réunions collusoires visées par la décision attaquée, pendant la période allant du 29 mai 1997 au 13 décembre 1999. La requérante ne saurait valablement prétendre, à cet égard, que sa participation était sensiblement plus sporadique que celle des autres parties de l’entente. Les modalités de cette participation, à savoir le fait que la requérante n’a pas participé physiquement à certaines réunions, mais en a été informée par téléphone, s’accordent avec la nature clandestine de leur déroulement et ne témoignent aucunement d’un rôle exclusivement passif ou suiviste de la requérante.

338    Le fait que la requérante appartenait à un groupe surnommé « méchants » ou « mauvais élèves » par Degussa et Solvay n’est pas susceptible de démontrer que son attitude s’était distinguée significativement de celle des autres participants à l’entente. Il s’agissait, en effet, d’un groupe réunissant quatre des huit participants à l’entente, à savoir les petits producteurs de PH qui voulaient augmenter la capacité globale de production au détriment des prix (considérant 130 de la décision attaquée). Eu égard aux constatations de la Commission qui n’ont pas été remises en cause par la requérante (voir points 162 et 163 ci‑dessus), le fait que les intérêts de ce groupe de producteurs ne coïncidaient pas avec la stratégie proposée par les grands acteurs du marché, Degussa et Solvay (considérants 139 et 166 de la décision attaquée), n’implique pas qu’ils aient adopté un comportement purement passif ou suiviste.

339    Par ailleurs, si la requérante soutient que les autres producteurs se sont plaints de ses activités concurrentielles sur le marché, elle n’invoque aucune déclaration expresse en ce sens, susceptible de démontrer son comportement passif au sein de l’entente.

340    En effet, d’une part, la requérante s’appuie sur les déclarations de ses propres employés relatives à la stratégie concurrentielle agressive adoptée par l’entreprise. D’autre part, elle fait référence à certaines indications concernant exclusivement la période antérieure à la date du début de sa participation à l’infraction, le 29 mai 1997, à savoir une note relative à la réunion du 31 janvier 1994 entre EKA Chemicals et Kemira, indiquant que cette dernière « avait perdu […] en France au profit de FMC et de AL », la déclaration d’Atofina relative à un « rappel par Degussa de l’évolution des parts de marché entre [1988-1989] et [1995] avec une très forte chute [de celles] de Solvay et [de] Degussa au profit de [nombreuses autres entreprises, dont la requérante] », ainsi qu’une indication d’EKA Chemicals selon laquelle, « dans le courant de l’année 1996, FMC et Ausimont ont accru leurs parts de marché par une action agressive sur les prix » et, à la « fin [de 1996,] leurs concurrents […] ont engagé une virulente riposte pour tenter de reprendre leurs positions ».

341    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de constater que la requérante n’a pas avancé d’argument susceptible de démontrer que son rôle dans l’entente était exclusivement passif ou suiviste.

342    Enfin, sans développer d’argumentation précise, la requérante critique la Commission pour avoir omis de prendre en compte le fait qu’elle était parvenue à augmenter, d’une manière substantielle, sa part de marché du PH entre 1994 et 1999, à savoir durant la période de l’entente.

343    Il convient d’observer que, par cette argumentation, la requérante ne met pas en cause les considérations relatives au traitement différencié, dans la mesure où elle admet avoir été placée dans la même catégorie que des entreprises détenant, en 1999, des parts de marché voisines. Elle soutient, en revanche, que la circonstance en cause démontre le rôle concurrentiel agressif qu’elle a prétendument joué sur le marché, malgré sa participation à l’entente, lequel serait susceptible d’être pris en compte dans le cadre des circonstances atténuantes.

344    À cet égard, il y a lieu d’observer que, alors que la requérante se réfère à l’augmentation de sa part de marché du PH dans la période entre 1994 et 1999, cette prétendue augmentation, selon les éléments avancés par la requérante elle-même, est significativement plus limitée durant la période infractionnelle retenue à son égard, à savoir entre 1997 et 1999.

345    Aux termes du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, la « non-application effective des accords ou [des] pratiques infractionnelles » peut constituer une circonstance atténuante, dans la mesure où l’entreprise concernée démontre que, dans la période où elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (voir arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 329 supra, point 196, et la jurisprudence citée).

346    Par ailleurs, le seul fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents, en poursuivant une politique plus ou moins indépendante sur le marché ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte en tant que circonstance atténuante. Il ne peut être exclu que cette entreprise ait simplement tenté d’utiliser l’entente à son profit (voir arrêt Lafarge/Commission, point 116 supra, points 772 et 773, et la jurisprudence citée).

347    En l’espèce, le seul fait que la requérante a réussi à augmenter sa part de marché du PH n’est pas suffisant pour établir qu’elle s’est effectivement soustraite à l’application des accords infractionnels, ayant comporté des hausses des prix et le partage des marchés, en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché. Cette circonstance ne justifie donc pas l’octroi du bénéfice des circonstances atténuantes, dans la mesure où il ne peut être exclu que la requérante a simplement réussi à utiliser l’entente à son profit (voir, en ce sens, arrêt Bolloré e.a./Commission, point 118 supra, point 629, et la jurisprudence citée).

348    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter les griefs invoqués dans le cadre du présent moyen.

349    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

350    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      FMC Foret, SA est condamnée aux dépens.

Vadapalas

Dittrich

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2011.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une prétendue erreur d’appréciation des preuves de la participation de la requérante à l’infraction

Arguments des parties

– Sur les appels téléphoniques reçus par la requérante

– Sur les contacts pris en marge des assemblées du CEFIC

– Sur la réunion du 13 juillet 1998 à Königswinter

– Sur la réunion avec Degussa le 28 septembre 1998 à Bruxelles

– Sur les réunions concernant le PBS

– Arguments développés dans le cadre de la réplique

Appréciation du Tribunal

– Observations liminaires

– Sur les éléments de preuve de participation de la requérante à l’infraction

– Sur les réunions multilatérales du 28 ou du 29 mai 1997 à Séville

– Sur les appels téléphoniques reçus par la requérante

– Sur les contacts pris en marge des assemblées du CEFIC

– Sur la réunion du 13 juillet 1998 à Königswinter

– Sur la réunion avec Degussa le 28 septembre 1998 à Bruxelles

– Sur les réunions concernant le PBS

– Conclusion

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense dans le cadre de l’accès au dossier

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur les prétendus éléments à charge tirés des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs

– Sur les prétendus éléments à décharge tirés des réponses de Solvay et de Degussa à la communication des griefs

– Sur le document de Solvay

Sur le troisième moyen, relatif à la détermination du montant de l’amende

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.