Language of document : ECLI:EU:T:2014:120

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 mars 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire figurative European Network Rapid Manufacturing – Motif absolu de refus – Imitation de l’emblème d’une organisation internationale intergouvernementale – Article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 6 ter de la convention de Paris »

Dans l’affaire T‑430/12,

Heinrich Beteiligungs GmbH, établie à Witten (Allemagne), représentée par Me A. Theis, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Commission européenne,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 5 juillet 2012 (affaire R 793/2011‑1), relative à une procédure de nullité entre la Commission européenne et Heinrich Beteiligungs GmbH,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administratreur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 25 janvier 2013,

à la suite de l’audience du 14 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 novembre 2008, la requérante, Heinrich Beteiligungs GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6, 7, 12, 17 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Produits métalliques compris dans la classe 6, en particulier pièces coulées en fer, acier et alliages non ferreux » ;

–        classe 7 : « Pièces de machines en matières plastiques, outils d’injection de cire et de matières plastiques ainsi que leurs pièces, compris dans la classe 7 » ;

–        classe 12 : « Pièces en matières plastiques pour véhicules, comprises dans la classe 12 » ;

–        classe 17 : « Pièces de matières plastiques moulées par injection, comprises dans la classe 17 » ;

–        classe 42 : « Conseils technologiques, services scientifiques et technologiques et travaux de recherche et services de design s’y rapportant, analyses et recherches industrielles ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 9/2009, du 16 mars 2009.

5        Le 26 mai 2009, la Commission des Communautés européennes a adressé à l’OHMI, conformément à l’article 40 du règlement n° 207/2009, des observations écrites, précisant les motifs selon lesquels la marque en cause devait, selon elle, être refusée d’office à l’enregistrement.

6        Nonobstant ces observations, la marque en cause a été enregistrée en tant que marque communautaire sous le numéro 7407968. Cet enregistrement a été publié au Bulletin des marques communautaires nº 29/2009, du 3 août 2009.

7        Conformément à l’article 56 du règlement n° 207/2009, la Commission a introduit, le 2 septembre 2009, une demande en nullité de la marque en cause. Selon elle, cette marque avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c) et h), du règlement n° 207/2009.

8        En premier lieu, la Commission a fait valoir, à l’appui de sa demande, que la marque en cause contenait une reproduction à l’identique du drapeau européen, lequel était protégé depuis le 4 octobre 1979, sous la référence QO 188, en tant qu’emblème du Conseil de l’Europe, en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris ») ou, à tout le moins, une imitation de ce drapeau. Ledit drapeau, tel qu’il ressort des bases de données du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), est reproduit ci-après :

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9        En second lieu, la Commission a soutenu que l’utilisation, dans la marque en cause, d’une couronne d’étoiles risquait de tromper le public quant à l’origine des produits et des services désignés par cette marque.

10      Par décision du 8 février 2011, la division d’annulation a rejeté cette demande en nullité. D’une part, elle a considéré que la marque en cause ne contenait ni reproduction à l’identique ni « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009. D’autre part, elle a estimé que cette marque ne constituait pas une « indication descriptive », au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement.

11      Le 8 avril 2011, la Commission a formé un recours contre la décision de la division d’annulation, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009. Elle a de nouveau invoqué une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c) et h), du règlement n° 207/2009.

12      Par décision du 5 juillet 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’annulation et déclaré la nullité de la marque en cause.

13      Tout d’abord, elle a considéré, d’une part, que la marque en cause contenait un élément qui équivalait à une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen et, d’autre part, que la requérante n’avait pas démontré qu’elle avait été autorisée à utiliser ce drapeau. Ensuite, elle a estimé qu’il ne pouvait être exclu que le public considère qu’il existe un lien entre les activités de la requérante et celle de l’Union européenne. La chambre a donc conclu que l’enregistrement de la marque en cause avait eu lieu en méconnaissance de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante soulève deux moyens. D’une part, elle fait valoir que la marque en cause ne comprend aucune « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen. D’autre part, elle soutient que, à supposer que cette marque recèle néanmoins une telle imitation, cette circonstance n’est pas de nature à suggérer au public qu’il existe un lien entre ladite marque et l’Union.

 Observations liminaires

17      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009 :

« Sont refusé[e]s à l’enregistrement :

[…]

h)      les marques qui, à défaut d’autorisation des autorités compétentes, sont à refuser en vertu de l’article 6 ter de la convention de Paris […] »

18      Aux termes de l’article 6 ter de la convention de Paris :

« 1)

a)      Les [parties à la présente convention] conviennent de refuser ou d’invalider l’enregistrement et d’interdire, par des mesures appropriées, l’utilisation, à défaut d’autorisation des pouvoirs compétents, soit comme marque de fabrique ou de commerce, soit comme élément de ces marques, des armoiries, drapeaux et autres emblèmes d’État des pays [parties], signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par eux, ainsi que toute imitation au point de vue héraldique.

b)      Les dispositions figurant sous […] a) ci-dessus s’appliquent également aux armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations des organisations internationales intergouvernementales dont un ou plusieurs pays [parties] sont membres, à l’exception des armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations qui ont déjà fait l’objet d’accords internationaux en vigueur destinés à assurer leur protection.

c)      […] Les pays [parties] ne sont pas tenus d’appliquer [les] dispositions [figurant sous […] b) ci-dessus] lorsque l’utilisation ou l’enregistrement visé sous […] a) ci-dessus n’est pas de nature à suggérer, dans l’esprit du public, un lien entre l’organisation en cause et les armoiries, drapeaux, emblèmes, sigles ou dénominations, ou si cette utilisation ou enregistrement n’est vraisemblablement pas de nature à abuser le public sur l’existence d’un lien entre l’utilisateur et l’organisation.

[…]

3)      […]

b)      Les dispositions figurant [au premier paragraphe,] sous […] b), […] du présent article ne sont applicables qu’aux armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations des organisations internationales intergouvernementales que celles-ci ont communiqués aux pays [parties] par l’intermédiaire du Bureau international.

[…] »

19      Il résulte de ce qui précède que l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 6 ter de la convention de Paris auquel il renvoie, protège deux catégories d’emblèmes.

20      En premier lieu, cette disposition prohibe l’enregistrement des emblèmes d’États, non seulement comme marques, mais également comme éléments de marques, que ces emblèmes soient reproduits à l’identique ou fassent simplement l’objet d’une « imitation au point de vue héraldique » [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 juillet 2009, American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, C‑202/08 P et C‑208/08 P, Rec. p. I‑6933, points 47 et 48 ; du Tribunal du 5 mai 2011, SIMS – École de ski internationale/OHMI – SNMSF (esf école du ski français), T‑41/10, non publié au Recueil, point 21, et du 15 janvier 2013, Welte‑Wenu/OHMI – Commission (EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES), T‑413/11, non publié au Recueil, point 36].

21      En second lieu, l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009 interdit l’enregistrement d’une marque comprenant la reproduction ou l’« imitation au point de vue héraldique » d’un emblème d’une organisation internationale intergouvernementale lorsque celui-ci a été communiqué aux États parties à la convention de Paris par l’intermédiaire du bureau international de l’OMPI. Cette interdiction n’a toutefois vocation à s’appliquer que dans le cas visé à l’article 6 ter, paragraphe 1, sous c), de la convention de Paris, c’est-à-dire lorsque, prise dans son ensemble, la marque concernée suggère, dans l’esprit du public, un lien entre, d’un côté, son titulaire ou son utilisateur et, de l’autre, l’organisation internationale intergouvernementale en cause, ou abuse le public sur l’existence d’un tel lien (voir, en ce sens, arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 59).

22      C’est à la lumière de ces observations, et spécialement de celles figurant au point précédent, que les moyens du présent recours doivent être examinés.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’« imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen

23      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la marque en cause contenait, d’une part, un élément figuratif, à savoir un cercle incomplet composé de neuf étoiles dont trois rouges et six blanches, sur fond blanc, et, d’autre part, un élément verbal, à savoir « european network rapid manufacturing ».

24      Puis, en premier lieu, elle a estimé que, même si cette marque comprenait trois étoiles de moins que le drapeau européen, une telle circonstance ne permettait pas d’exclure qu’elle recèle une imitation de ce drapeau. Tout d’abord, elle a noté que l’élément verbal devait être regardé comme couvrant la partie du cercle où aurait dû figurer les trois étoiles manquantes. Ensuite, elle a considéré que, en dépit de l’absence de ces trois étoiles, il était aisé de reconnaître la forme d’un cercle, dessiné par les neuf étoiles. Enfin, elle a relevé que les trois étoiles en question pouvaient facilement être imaginées.

25      En deuxième lieu, la chambre de recours a admis que les couleurs des éléments figuratifs de la marque en cause étaient différentes de celles employées par le drapeau européen, mais elle a considéré que ces différences n’étaient pas substantielles. En effet, elle a observé que les emblèmes n’étaient pas systématiquement reproduits en couleur. Elle a, à cet égard, souligné qu’il était notoire que les organes de l’Union utilisaient souvent le drapeau européen « sous la forme d’un négatif », c’est-à-dire en représentant les étoiles en noir sur fond blanc.

26      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que l’attention du public serait attirée par la disposition circulaire des étoiles, figurant sur la marque en cause, plutôt que par le choix des couleurs.

27      En quatrième lieu, elle a indiqué que la circonstance que la marque en cause comprenait un élément verbal n’interdisait pas de conclure que cette marque renfermait une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen.

28      Sur le fondement de ces considérations, la chambre de recours a conclu que la marque en cause comprenait effectivement une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen.

29      Elle a d’ailleurs relevé, au surplus, que, dans la marque en cause tout comme dans le drapeau européen, les étoiles pointaient vers le haut, avaient une taille équivalente et étaient espacées de manière uniforme. Ainsi, selon elle, le titulaire de cette marque n’avait pas seulement imité la description héraldique du drapeau européen, mais également sa représentation graphique.

30      Pour contester l’appréciation de la chambre de recours, la requérante avance, devant le Tribunal, cinq séries d’arguments.

31      En premier lieu, elle fait valoir que la chambre de recours s’est focalisée sur l’unique élément commun à la marque en cause et au drapeau européen, à savoir, la présence d’étoiles à cinq branches et qu’elle a ignoré les différences existant entre ceux-ci. Or, ces différences seraient significatives. Premièrement, le drapeau européen consisterait en un cercle de douze étoiles d’or à cinq rais sur fond azur, tandis que la marque en cause ne comporterait que neuf étoiles, les unes rouges et les autres présentant des contours bleus. Deuxièmement, la marque en cause contiendrait l’élément verbal « european network rapid manufacturing ». Troisièmement, le drapeau européen ne comporterait pas d’étoiles « dont la représentation est limitée au seul contour ». Quatrièmement, la marque en cause comprendrait, à la différence du drapeau européen, deux groupes distincts d’étoiles : les unes « apparaissant sous la forme de contours », les autres « étant représentée[s] en rouge ». En définitive, à elles seules, ces différences suffiraient, selon la requérante, pour conclure à l’inexistence d’une « imitation au point de vue héraldique ».

32      En deuxième lieu, la requérante soutient que, même si la couronne d’étoiles du drapeau européen n’est comparée qu’à celle figurant sur la marque en cause, il est impossible de conclure que cette marque constitue une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen. En effet, ladite marque contient uniquement neuf étoiles, alors que l’emblème européen en compte douze qui forment un cercle complet. Or, si la chambre de recours a considéré que les « trois étoiles ‘manquantes’ » pouvaient être facilement imaginées, son raisonnement est vicié, selon la requérante, dès lors qu’il repose sur l’examen d’un « signe qui n’a pas été déposé en tant que tel ». Au demeurant, la requérante fait observer que, si ces trois étoiles avaient été effectivement représentées, l’élément verbal de la marque en cause ne les aurait pas complètement masquées.

33      En troisième lieu, la requérante soutient que le drapeau européen présente une symbolique distincte de celle de la marque en cause. À cet égard, elle relève que la « description symbolique » du drapeau européen, telle qu’elle ressort de la résolution du comité des ministres du Conseil de l’Europe, du 9 décembre 1955, portant adoption de l’« emblème du Conseil de l’Europe », est la suivante : « Sur le fond bleu du ciel d’Occident, les étoiles figurant les peuples d’Europe forment le cercle en forme d’union. Elles sont au nombre invariable de douze, symbole de la perfection et de la plénitude. » Elle ajoute qu’il est notoire que le nombre 12 constitue un symbole de la perfection. En revanche, selon la requérante, le chiffre 9 n’a pas la même symbolique. Ainsi, un cercle de neuf étoiles – qui ne figure au demeurant pas dans la marque en cause – aurait une signification héraldique toute autre que celle du cercle de douze étoiles du drapeau européen.

34      En quatrième lieu, la requérante souligne que l’utilisation des couleurs différencie nettement la marque en cause du drapeau européen. Tout d’abord, elle note, d’une part, que la couleur rouge n’apparaît pas dans le drapeau européen et, d’autre part, que le jaune utilisé dans ce dernier n’est pas employé dans la marque en cause. En outre, elle expose que, dans la marque en cause, les étoiles sont réparties en deux groupes de couleurs différentes, ce qui n’est pas le cas dans le drapeau européen. Enfin, elle affirme, d’une part, que la marque en cause joue « sur différents contrastes », qui, selon elle, sont toujours perceptibles lorsque cette marque est représentée en noir et blanc ou sous forme d’un négatif (inversion du noir et du blanc). Elle allègue, d’autre part, que cette marque comprend « des étoiles dont seuls apparaissent les contours ». En revanche, selon elle, le drapeau européen et les emblèmes des organes de l’Union ne présenteraient pas de telles caractéristiques. Ainsi, la représentation en noir et blanc ou sous la forme d’un négatif de la marque en cause serait très peu comparable à celle du drapeau européen.

35      En cinquième lieu, la requérante considère que l’élément verbal « european network rapid manufacturing » doit être pris en compte lors de l’examen d’une éventuelle « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen. En effet, cet élément verbal représenterait une partie non négligeable de la marque en cause. Ainsi, « [l]’omission de l’élément verbal laisserait un vide dans la marque, laquelle ne présenterait aucune similitude avec [le drapeau] européen ».

36      Le Tribunal considère que, pour déterminer si une marque comprend un élément constituant une « imitation au point de vue héraldique » d’un emblème, il y a lieu de considérer, non la représentation graphique de cet emblème, mais sa description héraldique (voir arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

37      À cet égard, il convient de faire trois observations.

38      Premièrement, toute différence entre la marque et l’emblème, détectée par un spécialiste de l’art héraldique, ne sera pas nécessairement perçue par le public concerné, qui, en dépit de différences portant sur certains détails héraldiques, peut voir dans la marque une imitation de l’emblème en question (arrêt American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, point 20 supra, points 47, 48 et 50, et arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 37). Or, pour déterminer si une marque comprend une « imitation au point de vue héraldique » d’un emblème, il convient de prendre en considération le seul point de vue du public concerné (voir, en ce sens, arrêt American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, point 20 supra, point 50, et arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 38).

39      Deuxièmement, la description héraldique ne comporte habituellement que certains éléments descriptifs, sans nécessairement entrer dans les détails de l’interprétation artistique, si bien qu’il peut exister plusieurs interprétations artistiques d’un seul et même emblème à partir de la même description (arrêt American Clothing Associates/OHMI et OHMI/American Clothing Associates, point 20 supra, point 52 ; voir arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

40      Troisièmement, le fait que seule une partie de l’emblème soit représentée sur une marque ne permet pas d’exclure que celle-ci comprenne une « imitation au point de vue héraldique » dudit emblème. De même, la circonstance qu’une marque contienne un élément verbal qui ne figure pas dans la description héraldique de l’emblème ne s’oppose pas, à elle seule, à ce que cette marque entre dans le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous h), du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, Rec. p. II‑1113, point 41].

41      En l’espèce, la description héraldique du drapeau européen est la suivante : « Sur fond azur, un cercle composé de douze étoiles d’or à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas ».

42      Quant à la marque en cause, elle se compose, d’une part, d’un élément verbal, à savoir « european network rapid manufacturing » et, d’autre part, d’un élément figuratif, à savoir un cercle incomplet de neuf étoiles à cinq rais dont l’écartement est constant et dont les pointes ne se touchent pas. Parmi ces neuf étoiles, toutes disposées sur fond blanc, trois sont rouges tandis que six sont blanches, de sorte que seul leur contour, de couleur bleue, permet de les distinguer.

43      Ainsi, il est manifeste, et n’est d’ailleurs nullement contesté devant le Tribunal, que cette marque ne recèle pas de reproduction à l’identique du drapeau européen.

44      En revanche, la marque en cause ne peut qu’être regardée comme une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen. En effet, elle reprend l’unique motif du drapeau européen, à savoir un cercle d’étoiles à cinq rais dont les pointes ne se touchent pas.

45      Certes, premièrement, seules neuf étoiles figurent sur la marque en cause, tandis que le drapeau européen contient douze étoiles. Toutefois, comme l’a relevé la chambre de recours, cette différence n’est pas significative. En effet, si ladite marque comporte trois étoiles de moins que le drapeau européen, ce n’est pas parce que celles-ci sont plus espacées. C’est uniquement en raison de l’emplacement de l’élément verbal « european network rapid manufacturing » : ce dernier est imbriqué dans le cercle d’étoiles. Comme l’a relevé la chambre de recours, il donne ainsi l’impression d’occuper la place de trois étoiles.

46      Au demeurant, d’une part, il convient d’observer que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas fait porter son examen sur un signe figuratif autre que la marque en cause en estimant que ces trois étoiles pouvaient être aisément imaginées par le public. Elle s’est bornée à indiquer la façon dont, selon elle, le public allait percevoir cette marque.

47      D’autre part, il est exact que, si trois étoiles figuraient effectivement derrière l’élément verbal « european network rapid manufacturing », elles ne seraient pas entièrement masquées par cet élément verbal. Toutefois, une telle circonstance est dépourvue d’incidence sur la solution du litige : elle ne permet pas d’invalider la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public concerné est susceptible de considérer que l’élément verbal dont il s’agit occupe la place de trois étoiles. En effet, pour déterminer si une marque comprend une « imitation au point de vue héraldique » d’un emblème, il convient d’apprécier l’impression d’ensemble laissée au public concerné par cette marque (voir point 38 ci-dessus) et non d’étudier, avec un soin vétilleux, chaque détail figurant sur la marque en cause, ceux-ci n’étant pas nécessairement perçus par le public.

48      Deuxièmement, certes, les étoiles figurant sur la marque en cause sont, les unes, rouges et, les autres, blanches à contours bleus, tandis que celles figurant sur le drapeau européen sont jaunes sur fond bleu azur. Toutefois, il est notoire que le drapeau européen apparaît souvent sur des reproductions en noir et blanc (voir, en ce sens, arrêt ECA, point 40 supra, point 46). Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public porterait plus d’attention à la disposition des étoiles et à leur forme qu’à leur couleur ou à celle du fond sur lequel elles apparaissent. C’est également à juste titre qu’elle en a déduit que le public était susceptible de voir dans la marque en cause une imitation du drapeau européen alors même que certaines des étoiles qui y figurent sont rouges et d’autres blanches à contours bleus.

49      Troisièmement, il est vrai que la marque en cause ne comprend qu’un cercle d’étoiles incomplet et comporte, par ailleurs, l’élément verbal « european network rapid manufacturing ». Mais, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, ces circonstances ne s’opposent pas, par elles-mêmes, à ce que la marque en cause soit considérée comme comprenant une imitation du drapeau européen.

50      Quatrièmement, la requérante soutient que la représentation en noir et blanc ou sous forme de négatif de la marque en cause est très peu comparable à celle du drapeau européen (voir point 34 ci-dessus). Toutefois, un tel argument est dénué de pertinence. En effet, à l’évidence, afin de déterminer si une marque comprend une imitation d’un emblème, il convient de tenir compte de la description de cette marque et non de sa représentation en noir et blanc ou sous la forme d’un négatif.

51      Cinquièmement, ainsi qu’il ressort des considérations énoncées aux points 36 à 40 ci-dessus, il suffit qu’une marque contienne un élément dont le public est susceptible de confondre la description avec la description héraldique d’un emblème pour que cette marque soit regardée comme comprenant une « imitation au point de vue héraldique » dudit emblème. Ainsi, lorsqu’il s’agit de déterminer si une marque comprend une « imitation au point de vue héraldique » d’un emblème, aucun rôle n’est joué par la « description symbolique » de cet emblème, c’est-à-dire par les précisions apportées par le détenteur ou l’utilisateur autorisé de celui-ci au sujet des symboles qu’il évoque. C’est donc vainement que la requérante invoque la « description symbolique » du drapeau européen.

52      Dans ces conditions, le premier moyen ne peut qu’être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de l’absence d’incitation du public à croire à l’existence d’un lien entre la marque en cause et l’Union

53      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a, tout d’abord, relevé que l’Union était compétente dans les domaines du marché intérieur et de la protection du consommateur ainsi que dans les domaines de l’industrie, de la culture, de l’éducation, de la jeunesse et du sport. Puis, elle a estimé que, étant donné la grande diversité de ces activités, il ne pouvait être exclu que le public considère qu’il existe un lien entre les activités de la requérante et celle de l’Union.

54      À cet égard, en premier lieu, la chambre a précisé que l’Union avait exercé sa compétence dans des domaines dont relèvent les produits et services désignés par la marque en cause, à savoir ceux de l’industrie automobile, de la construction et de la recherche. Pour illustrer son propos, elle a mentionné trois actes de droit dérivé.

55      En second lieu, elle a souligné que la présence, dans la marque en cause, des termes anglais « European » et « network » renforçait l’impression selon laquelle il existait un lien entre cette marque et l’Union. À cet égard, elle a, tout d’abord, indiqué que la dénomination de deux agences européennes comprenait le mot « network ». Ensuite, elle a souligné que l’emblème de plusieurs autres agences européennes comprenait à la fois le drapeau européen et le mot anglais « European ».

56      Afin de contester la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours, la requérante soutient que, quand bien même la marque en cause comprendrait une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen, elle ne suggérerait pas, dans l’esprit du public, un lien entre elle-même et l’Union. Elle ajoute que cette marque n’est pas non plus de nature à abuser le public quant à l’existence d’un lien entre la requérante et l’Union.

57      À cet égard, en premier lieu, la requérante expose que ce lien ne se déduit pas de la présence de l’élément verbal « european » dans la marque en cause. Selon la requérante, le mot anglais « European », dont la signification est connue du public dans l’ensemble de l’Union, renvoie à l’Europe en tant que continent et non à l’Union.

58      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, pris dans son ensemble, l’élément verbal « european network rapid manufacturing » n’incite pas le public à croire qu’il existe un lien entre la marque en cause et l’Union. Selon elle, les institutions et organes de l’Union ne sont pas les seuls organismes dont la dénomination comprend les termes anglais « European » ou « network ». Elle souligne, à titre d’exemple, qu’il existe dans le secteur de l’industrie automobile une association de droit français comprenant dans son titre l’expression anglais « European network » et mentionne nombre d’organisations qui, bien que ne dépendant pas de l’Union, ont une dénomination incluant l’adjectif anglais « European ».

59      En troisième lieu, bien qu’elle admette que « l’Union […] déploie effectivement un grand nombre d’activités qui concernent un non moins grand nombre de domaines de la vie », la requérante prétend que les organes de l’Union mentionnés par la chambre de recours ne sont probablement connus que d’un public restreint.

60      Le Tribunal souligne que, ainsi qu’il a été dit au point 21 ci-dessus, la protection accordée aux emblèmes ne joue que dans l’hypothèse où, prise dans son ensemble, la marque en cause suggère, dans l’esprit du public, un lien entre, d’un côté, son titulaire ou son utilisateur et, de l’autre, l’organisation internationale, ou abuse le public sur l’existence d’un tel lien.

61      Deux précisions méritent d’être apportées quant à la portée de cette protection.

62      D’une part, elle est applicable, en particulier, lorsque la marque en cause induit le consommateur en erreur quant à l’origine des produits ou des services qu’elle désigne, l’incitant à croire qu’ils proviennent de l’organisation internationale intergouvernementale à laquelle renvoie l’emblème dont elle contient une reproduction ou une imitation. Mais elle a également vocation à s’appliquer lorsque le public risque de croire, en raison de la présence dans cette marque d’une telle reproduction ou imitation d’emblème, que lesdits produits ou services bénéficient de l’approbation ou de la garantie de ladite organisation internationale intergouvernementale ou qu’ils sont liés d’une autre manière avec celle-ci (voir, en ce sens, arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 61).

63      D’autre part, pour déterminer si le public est susceptible d’être induit en erreur quant au lien existant entre la marque en cause et une organisation internationale intergouvernementale, il convient de procéder à un examen global de cette marque (voir, en ce sens, arrêt EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES, point 20 supra, point 59).

64      En l’espèce, en premier lieu, ainsi qu’il a été indiqué au point 42 ci-dessus, la marque en cause comprend à la fois un élément figuratif et un élément verbal évoquant l’Union.

65      En effet, d’une part, ainsi qu’il a été exposé au point 44 ci-dessus, l’élément figuratif, à savoir le cercle d’étoiles incomplet, constitue une « imitation au point de vue héraldique » du drapeau européen. Or, comme l’a souligné, à juste titre, la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, « les organes communautaires ont commencé à utiliser [ce] drapeau au début de [l’année] 1986 ». Dès lors, dans l’esprit du public, ledit cercle d’étoiles ne peut que renvoyer, notamment, à l’Union, laquelle, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, s’est substituée à la Communauté européenne.

66      D’autre part, l’élément verbal figurant sur la marque en cause comprend notamment l’adjectif anglais « European ». Or, à l’évidence, cet adjectif évoque non seulement l’Europe en tant que continent, mais aussi, en particulier, les institutions et les domaines d’activité de l’Union. C’est d’ailleurs à juste titre que la chambre de recours a relevé que certains organes de l’Union disposaient d’un emblème comprenant à la fois une couronne d’étoiles et un élément verbal composé notamment, en anglais, du terme « European ».

67      En second lieu, les produits et les services désignés par la marque en cause ressortissent à des domaines dans lesquels l’Union dispose d’une compétence.

68      En effet, la marque en cause désigne, d’une part, des produits qui relèvent de la classe 6 (« Produits métalliques compris dans la classe 6, en particulier pièces coulées en fer, acier et alliages non ferreux »), de la classe 7 (« Pièces de machines en matières plastiques, outils d’injection de cire et de matières plastiques ainsi que leurs pièces, compris dans la classe 7 »), de la classe 12 (« Pièces en matières plastiques pour véhicules, comprises dans la classe 12 ») ainsi que de la classe 17 (« Pièces de matières plastiques moulées par injection, comprises dans la classe 17 ») et, d’autre part, des services relevant de la classe 42 (« Conseils technologiques, services scientifiques et technologiques et travaux de recherche et services de design s’y rapportant, analyses et recherches industrielles »). Or, ces produits et services relèvent du domaine de l’industrie, visé au titre XVII de la troisième partie du traité FUE, voire du domaine du « développement technologique », visé au titre XIX de cette même partie du traité FUE.

69      Au demeurant, il peut être observé que la requérante n’a ni établi ni même soutenu que les textes de droit dérivé mentionnés par la chambre de recours portaient sur des secteurs dont les produits et services désignés par la marque en cause ne relevaient pas.

70      Il ressort ainsi de l’examen global de la marque en cause qu’il ne peut être exclu que le public concerné croie que les produits et services désignés par la marque en cause bénéficient de l’approbation ou de la garantie de l’Union ou qu’ils sont liés d’une autre manière à celle-ci. Par suite, comme l’avait relevé la chambre de recours, la marque en cause suggère, dans l’esprit du public, un lien entre la requérante et l’Union.

71      Le second moyen doit donc être écarté.

72      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Heinrich Beteiligungs GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Gratsias

Kancheva

Wetter


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.