Language of document : ECLI:EU:T:2015:248

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 avril 2015 (*)

« Dumping – Importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Russie et d’Ukraine – Droit antidumping définitif – Réexamen à l’expiration – Probabilité de réapparition du préjudice – Intérêt de l’Union – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑432/12,

Volžskij trubnyi zavod OAO (VTZ OAO), établie à Volzhsky (Russie),

Taganrogskij metallurgičeskij zavod OAO (Tagmet OAO), établie à Taganrog (Russie),

Sinarskij trubnyj zavod OAO (SinTZ OAO), établie à Kamensk-Ouralski (Russie),

Severskij trubnyj zavod OAO (STZ OAO), établie à Polevskoy (Russie),

représentées par Mes J.-F. Bellis, F. Di Gianni, G. Coppo et C. Van Hemelrijck, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert, en qualité d’agent, assistée initialement de Mes G. Berrisch et A. Polcyn, puis de Mes Polcyn et D. Geradin, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 585/2012 du Conseil, du 26 juin 2012, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Russie et d’Ukraine, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 et clôturant la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie (JO L 174, p. 5), dans la mesure où il concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        Les requérantes, Volžskij trubnyi zavod OAO (VTZ OAO), Taganrogskij metallurgičeskij zavod OAO (Tagmet OAO), Sinarskij trubnyj zavod OAO (SinTZ OAO) et Severskij trubnyj zavod OAO (STZ OAO), sont des sociétés russes productrices et exportatrices de tubes et de tuyaux sans soudure, qui font partie du groupe TMK (ci-après le « groupe TMK » ou « TMK »).

2        Par le règlement (CE) n° 954/2006 du Conseil, du 27 juin 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) n° 2320/97 et (CE) n° 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine (JO L 175, p. 4), un droit antidumping de 35,8 % a été instauré à l’encontre des requérantes, pour leurs exportations vers l’Union européenne.

3        Après un réexamen intermédiaire partiel du règlement n° 954/2006 concernant TMK, le droit antidumping définitif à son égard a été fixé à 27,2 % par le règlement (CE) n° 812/2008 du Conseil, du 11 août 2008, modifiant le règlement n° 954/2006 (JO L 220, p. 1).

4        Après avoir reçu une demande motivée, le 29 mars 2011, de la part d’un plaignant, la Commission européenne a ouvert, le 28 juin 2011, une procédure de réexamen et a publié l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Russie et d’Ukraine (JO 2011, C 187, p. 16).

5        À l’instar des autres producteurs-exportateurs russes, les requérantes n’ont pas répondu au questionnaire visé à l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51). Le Conseil de l’Union européenne a donc considéré que les requérantes n’avaient pas coopéré à l’enquête.

6        Par un courriel du 4 avril 2012, la Commission a adressé aux requérantes un document d’information final dans lequel elle proposait, notamment, de maintenir les droits antidumping définitifs sur les importations de tubes et tuyaux sans soudure originaires de Russie et d’Ukraine, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009. Le 24 avril 2012, les requérantes ont présenté leurs observations sur le document d’information final.

7        À la demande des requérantes, présentée le 12 avril 2012, et à la date proposée par elles, une audition a eu lieu, le 2 mai 2012, devant le conseiller-auditeur.

8        Le 26 avril 2012, la Commission a recueilli l’avis du comité consultatif antidumping prévu à l’article 15 du règlement n° 1225/2009 sur sa proposition de droits antidumping définitifs. Le 4 juin 2012, la Commission a adopté sa proposition de règlement définitif, qu’elle a transmise au Conseil le même jour.

9        Par le règlement d’exécution (UE) n° 585/2012 du Conseil, du 26 juin 2012, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Russie et d’Ukraine, à la suite du réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009 et clôturant la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie (JO L 174, p. 5, ci-après le « règlement attaqué »), un droit antidumping définitif de 27,2 % a été institué à l’encontre des requérantes pour leurs exportations de tubes et de tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, vers l’Union. Le règlement attaqué est entré en vigueur le 5 juillet 2012.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

11      Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2012, la Commission a demandé à intervenir au soutien du Conseil.

12      Par une ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 27 février 2013, la Commission a été admise à intervenir.

13      Par un acte déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2013, la Commission a fait savoir qu’elle ne déposerait pas de mémoire en intervention et qu’elle assisterait à l’audience de plaidoiries.

14      À la suite de la modification de la composition du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre du Tribunal, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

15      Les requérantes demandent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qu’il les concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

16      Le Conseil demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de leur recours en annulation, les requérantes ont soulevé quatre moyens. Dans un premier moyen, elles soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, qu’il a violé l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 et qu’il a enfreint le principe d’égalité de traitement en additionnant les importations provenant de Russie et d’Ukraine. Dans un deuxième moyen, elles soutiennent que le Conseil a enfreint le principe d’égalité de traitement, commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et violé l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement, en ayant conclu que l’expiration des mesures aboutirait, « selon toute probabilité », à la réapparition du préjudice. Dans un troisième moyen, elles soutiennent que le Conseil a enfreint l’article 9, paragraphe 4, et l’article 21 du même règlement ainsi que le principe d’égalité de traitement, en ayant commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’analyse de l’intérêt de l’Union. Dans un quatrième moyen, elles soutiennent que le Conseil a violé le principe de bonne administration, l’obligation de motivation et leurs droits de la défense.

18      À titre préliminaire, il convient d’examiner une partie de l’argumentation du Conseil, présentée principalement en réponse au deuxième moyen, qui porte sur les implications d’une procédure de réexamen au titre de l’expiration de mesures antidumping et d’une non-coopération des exportateurs d’un pays concerné par une telle procédure, ainsi que les arguments des requérantes à cet égard.

 Considérations liminaires sur la procédure de réexamen au titre de l’expiration de mesures antidumping et sur la coopération

19      Dans son mémoire en défense, d’une part, le Conseil fait valoir que, dans le cadre d’une procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping, prévue à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009, les institutions ne sont tenues que de démontrer la probabilité d’une réapparition du préjudice, au regard d’une analyse prospective des éléments déterminants en ce sens, tels que l’évolution des importations ou des prix de vente. D’autre part, le Conseil insiste sur la circonstance que, dans la procédure ayant abouti au règlement attaqué, ni les requérantes ni aucun autre producteur-exportateur russe n’a coopéré, la coopération des requérantes dans la procédure de réexamen intermédiaire des mesures antidumping instituées par le règlement n° 954/2006, prévue à l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009, menée en parallèle, n’équivalant pas à une telle coopération.

 Sur la détermination de la réapparition du préjudice dans une procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping

20      Selon l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 1225/2009, une mesure antidumping expire cinq ans après son institution « à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice ».

21      Il ressort de ce texte, d’une part, que le maintien d’une mesure dépend du résultat d’une appréciation des conséquences de son expiration, donc d’un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné. Il en ressort, d’autre part, qu’une simple possibilité de continuation ou de réapparition du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d’une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice ait été établie (arrêt du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission, T‑188/99, Rec, EU:T:2001:166, point 42).

22      À cet égard, il est sans incidence que la version française de l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 1225/2009, à la différence d’autres versions linguistiques, n’utilise pas les termes « probable » ou « probabilité » (arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 43).

23      En effet, le règlement n° 1225/2009 doit être interprété à la lumière de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO L 336, p. 3) (arrêt du 27 janvier 2000, BEUC/Commission, T‑256/97, Rec, EU:T:2000:21, points 66 et 67), dont l’article 11.3 prévoit que tout droit antidumping définitif sera supprimé cinq ans au plus tard à compter de la date à laquelle il aura été imposé « à moins que les autorités ne déterminent, au cours d’un réexamen […], qu’il est probable que le dumping et le dommage subsisteront ou se reproduiront si le droit est supprimé ». À cet égard, l’utilisation des verbes « établir » et « favoriser » dans la version française du règlement n° 1225/2009 implique que les mesures ne peuvent être maintenues que si le réexamen a permis de démontrer que leur expiration créera des conditions favorables à la continuation ou à la réapparition du préjudice. Il n’est donc pas exigé que la continuation ou la réapparition du préjudice soit prouvée, mais seulement qu’il existe une probabilité en ce sens. Une exigence de probabilité figure donc, implicitement, également dans la version française du règlement n° 1225/2009 (arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 44).

24      En l’espèce, il est constant que le préjudice a été éliminé pendant que les mesures en cause étaient en vigueur. Il s’agissait donc, pour la Commission, d’examiner la probabilité d’une réapparition du préjudice (voir, en ce sens, arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 45).

25      Un tel examen suppose l’évaluation de questions économiques complexes pour laquelle les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, Rec, EU:T:2000:92, point 94, et Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 46).

26      Au regard de la jurisprudence citée aux points 21 à 25 ci-dessus, c’est à juste titre que le Conseil soutient que, à l’issue d’une procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping, les institutions établissent que l’expiration desdites mesures favoriserait la réapparition du préjudice, en démontrant uniquement la probabilité d’une telle réapparition, au regard, notamment, d’une évaluation prospective des importations en provenance du ou des pays concernés par ladite procédure, en l’espèce la Russie et l’Ukraine.

 Sur la coopération des requérantes

27      Il ressort du considérant 17 du règlement attaqué que les requérantes, comme les autres exportateurs russes des produits concernés, n’ont pas coopéré lors de l’enquête de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping.

28      Les requérantes sont, toutefois, d’avis que leur coopération dans le cadre du réexamen intermédiaire des mesures antidumping instituées par le règlement n° 954/2006 aurait dû conduire les institutions à utiliser les informations qu’elles avaient fournies dans ce cadre en tant que faits disponibles au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009 ou en tant que meilleurs renseignements disponibles au sens de la jurisprudence de l’OMC. Elles sont également d’avis que le fait de ne pas avoir répondu au questionnaire prévu à l’article 6 du règlement n° 1225/2009 n’autorise pas les institutions à écarter leurs avis et déclarations concernant les aspects de l’enquête autres que la constatation du dumping . Sur ce point, les requérantes font état, dans la requête, des documents qu’elles ont adressés à la Commission, lors de la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping, portant sur les aspects de l’enquête relatifs au préjudice, pour lesquels elles estiment avoir pleinement coopéré à l’enquête.

29      Il ressort de la jurisprudence, que si, dans le cadre du règlement n° 1225/2009, c’est à la Commission qu’il incombe, en tant qu’autorité investigatrice, de déterminer si le produit visé par la procédure antidumping fait l’objet d’un dumping et cause un préjudice lorsqu’il est mis en libre pratique dans l’Union et s’il n’appartient donc pas à cette institution, dans ce cadre, de se décharger sur une partie de la charge de la preuve qui lui incombe à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1997, EFMA/Conseil, T‑121/95, Rec, EU:T:1997:198, point 74 ; du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T‑48/96, Rec, EU:T:1999:251, point 40, et du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec, EU:T:2006:211, point 65), il n’en demeure pas moins que le règlement n° 1225/2009 ne confère à la Commission aucun pouvoir d’enquête lui permettant de contraindre les producteurs ou exportateurs visés par une plainte à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. Dans ces conditions, le Conseil et la Commission dépendent de la coopération volontaire des parties pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis. Dans ce contexte, les réponses de ces parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009, ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping. Le risque que, en cas de défaut de coopération des entreprises visées par l’enquête, les institutions prennent en compte des données autres que celles fournies en réponse au questionnaire est inhérent à la procédure antidumping et vise à encourager la coopération loyale et diligente de ces entreprises (voir, en ce sens, arrêts Acme/Conseil, précité, EU:T:1999:251, points 42 à 44 ; du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T‑210/95, Rec, EU:T:1999:273, point 71, et Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, précité, EU:T:2006:211, point 65).

30      D’une part, l’argumentation des requérantes consistant à reprocher aux institutions de ne pas avoir utilisé les informations fournies par elles lors du réexamen intermédiaire des mesures antidumping en tant que faits disponibles au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009 ou que meilleurs renseignements disponibles au sens de la jurisprudence de l’OMC doit être écartée comme dénuée de pertinence, puisque, s’il est vrai que les requérantes ont coopéré lors de l’enquête conduite dans le cadre de la procédure de réexamen intermédiaire, elles n’ont fourni, dans ce cadre, que des informations sur les aspects de dumping sans aborder la question du préjudice.

31      D’autre part, s’agissant de la circonstance que les requérantes ont informé la Commission des aspects autres que ceux relatifs au dumping dans le cadre de la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping, il convient de constater que le Conseil ne conteste pas les faits tels qu’ils sont présentés dans la requête. Il s’agit, premièrement, d’une lettre des requérantes, du 22 août 2011, comportant des développements sur l’absence de continuation ou de réapparition du préjudice à l’expiration des mesures antidumping, accompagnée d’annexes, deuxièmement, d’un module de présentation des arguments des requérantes lors d’une audition avec des représentants de la Commission, ayant eu lieu le 6 mars 2012, et, troisièmement, d’observations écrites présentées le 23 mars 2012.

32      D’ailleurs, le Conseil fait valoir, en faisant implicitement référence aux documents mentionnés au point 31 ci-dessus, que les institutions n’ont pas totalement écarté les avis et déclarations des requérantes concernant les aspects autres que la constatation d’un dumping et qu’elles ont traité ces dernières comme des parties intéressées, qu’elles ont tenu compte de leurs observations relatives au préjudice, qu’elles leur ont accordé une audition et qu’elles leur ont adressé le document d’information final.

33      Pour autant, il résulte du considérant 17 du règlement attaqué que, en l’absence de réponse au questionnaire qu’il avait adressé à tous les producteurs-exportateurs russes, le Conseil a considéré qu’aucun d’eux n’avait coopéré.

34      Or, il convient de remarquer que l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1225/2009 est formulé de telle sorte que les institutions sont en droit d’utiliser les données disponibles lorsqu’une partie intéressée ne répond pas au questionnaire qui lui a été adressé par la Commission, ne fournissant ainsi pas dans les délais prévus les informations nécessaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, Rec, EU:T:2011:619, point 267).

35      En effet, l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1225/2009 concerne l’utilisation des données disponibles par les institutions, au détriment des données propres à une ou à plusieurs parties intéressées. Si l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009 définit les cas dans lesquels les données disponibles peuvent être utilisées, l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement décrit les cas dans lesquels les données disponibles ne doivent pas nécessairement être utilisées. En vertu de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009, la possibilité de recourir aux données disponibles existe dans quatre cas de figure : lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires, lorsqu’elle ne les fournit pas dans les délais prévus, lorsqu’elle fait obstacle de façon significative à l’enquête ou lorsqu’elle fournit un renseignement faux ou trompeur. L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009 prévoit que, lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités (arrêt Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, point 34 supra, EU:T:2011:619, point 268).

36      Il s’ensuit que l’article 18 du règlement n° 1225/2009 vise, en ses paragraphes 1 et 3, des situations différentes. Ainsi, alors que l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009 décrit, de façon générale, des cas dans lesquels les informations qui sont nécessaires aux institutions, aux fins de l’enquête, n’ont pas été fournies, l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009 envisage les cas dans lesquels les données nécessaires, aux fins de l’enquête, ont été fournies, mais ne sont pas les meilleures à tous égards (arrêt Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, point 34 supra, EU:T:2011:619, point 269).

37      Puisqu’il est constant que les requérantes n’ont pas répondu au questionnaire de la Commission et que, ainsi, elles n’ont fourni aucune information sur les aspects de dumping dans le cadre de la procédure de réexamen à l’expiration des mesures antidumping, il convient de conclure que c’est à juste titre que le Conseil a considéré que les requérantes n’avaient pas coopéré à l’enquête et que, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009, il a utilisé les données disponibles pour parvenir à ses conclusions quant aux conditions d’imposition de droits antidumping.

 Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation des faits, d’une violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 et du principe d’égalité de traitement, du fait du cumul des importations provenant de Russie et d’Ukraine

38      Le premier moyen se divise en trois branches. Dans une première branche, il est soutenu que le Conseil ne pouvait pas cumuler les importations provenant de Russie et celles provenant d’Ukraine, sans violer l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009, puisque pendant la période d’enquête et de réexamen (ci-après la « PER »), soit du 1er avril 2010 au 31 mars 2011, les importations en provenance de Russie étaient inférieures à 1 % du marché de l’Union. Dans une deuxième branche, il est soutenu que le Conseil a violé le principe d’égalité de traitement, mentionné à l’article 9, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009, en ayant traité différemment les importations en provenance de Russie et celles en provenance de Croatie. Dans une troisième branche, il est soutenu que les éléments de preuve disponibles auraient dû conduire le Conseil à ne pas cumuler les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’Ukraine.

39      Il convient d’examiner, d’abord, la première branche du moyen, puis la troisième et, enfin, la deuxième.

 Sur la première branche du moyen, tirée de la violation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009

40      Le Conseil aurait méconnu les dispositions de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009, en ayant cumulé les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’Ukraine, alors que les importations russes étaient négligeables, puisque inférieures à 1 % du marché de l’Union pendant la PER. Tout comme dans une enquête initiale, l’évaluation du niveau des importations faisant l’objet de dumping devrait être faite au regard des volumes réels d’importation réalisés au cours de la PER.

41      Le Conseil conteste l’argumentation des requérantes.

42      Il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 dispose que, lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que si la marge de dumping établie en ce qui concerne les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, si le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable, et si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et les produits de l’Union similaires.

43      En substance, les requérantes exigent des institutions qu’elles constatent les effets cumulés des importations faisant l’objet d’un dumping sur la base des importations réellement effectuées pendant la PER.

44      Le Conseil conteste cette argumentation.

45      Puisqu’il ressort du considérant 3 du règlement n° 1225/2009 que celui-ci a notamment pour objet de transposer en droit de l’Union, dans toute la mesure du possible, les règles contenues dans l’accord antidumping, il s’ensuit que les dispositions dudit règlement doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord antidumping (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1998, Bettati, C‑341/95, Rec, EU:C:1998:353, point 20, et Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, point 34 supra, EU:T:2011:619, points 34 et 35). De surcroît, rien ne s’oppose à ce que le Tribunal fasse référence aux interprétations de l’accord antidumping adoptées par l’organe de règlement des différends de l’OMC, dès lors qu’il s’agit de procéder, comme en l’espèce, à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 (arrêt Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, point 34 supra, EU:T:2011:619, point 36).

46      Ainsi, il y a lieu de rappeler que, dans son rapport relatif au différend « États-Unis – Réexamens à l’extinction des mesures antidumping visant les produits tubulaires pour champs pétrolifères en provenance d’Argentine », adopté le 29 novembre 2004 (WT/DS268/AB/R, points 302 et 304), l’organe d’appel de l’OMC a considéré que les conditions énoncées à l’article 3.3 de l’accord antidumping ne s’appliquaient pas automatiquement aux déterminations de la probabilité d’un dommage établies dans le cadre de réexamens à l’extinction. Or, l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 constitue la transposition en droit de l’Union de l’article 3.3 de l’accord antidumping.

47      Par ailleurs, il ressort des points 21 à 25 ci-dessus que, à l’issue d’une procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping, les institutions établissent que l’expiration desdites mesures favoriserait la réapparition du préjudice, en démontrant uniquement la probabilité d’une telle réapparition, au regard, notamment, d’une évaluation prospective des importations en provenance du ou des pays concernés par ladite procédure, en l’espèce la Russie et l’Ukraine.

48      Partant, il résulte des règles gouvernant la procédure de réexamen au titre de l’expiration de mesures antidumping que, afin de déterminer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, le Conseil est fondé à retenir non le volume réel des importations réalisées pendant la PER, mais le volume probable d’importations en provenance des pays exportateurs, et à procéder au cumul de celles-ci pour déterminer la probabilité de réapparition du préjudice, les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009, plus précisément celle tenant au fait que le volume des importations en provenance de chaque pays ne soit pas négligeable, n’étant pas automatiquement applicables dans le cas d’un tel réexamen (voir point 46 ci-dessus), puisque le risque de réapparition du préjudice est alors déterminé au moyen d’une analyse prospective des importations faisant l’objet d’un dumping.

49      Par suite, le Conseil n’a pas commis d’erreur de droit en cumulant les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’Ukraine sur la base de volumes probables d’importations.

 Sur la troisième branche du moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation quant au cumul des importations en provenance de Russie et de celles en provenance d’Ukraine

50      Les requérantes soutiennent que les éléments de preuve disponibles auraient dû conduire le Conseil à ne pas additionner les importations en provenance de Russie à celles en provenance d’Ukraine, eu égard à la différence importante de volumes d’importation pendant la PER, aux évolutions différentes depuis 2009 et à l’improbabilité que la moindre capacité inutilisée de l’industrie russe soit utilisée pour exporter vers l’Union.

51      Le Conseil conteste cette argumentation, qui repose, en substance, sur l’idée que le cumul des importations en provenance de plusieurs pays ne peut être effectué que si ces importations présentent des caractéristiques ou des tendances similaires.

52      Il convient de noter que, dans leur réplique, les requérantes considèrent que, en ayant ignoré les éléments différenciant les importations en provenance de ces deux pays lorsqu’il a décidé que les importations en provenance de Russie n’étaient pas négligeables aux fins de l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009, le Conseil a commis une erreur d’appréciation des faits.

53      Sur ce point, les requérantes lient leur argumentation à la condition tenant à l’absence de caractère négligeable des importations en provenance d’un pays pour cumuler les importations en provenance de plusieurs pays. Ce faisant, elles ne sont, néanmoins, pas en mesure de démontrer l’existence de différences entre les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’Ukraine, qui serait susceptible de révéler qu’une erreur manifeste d’appréciation aurait été commise par le Conseil dans l’application de la condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 1225/2009, selon laquelle une évaluation cumulative des effets des importations n’est possible que si elle est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit de l’Union similaire.

54      Quant à leurs autres arguments, les requérantes se fondent sur trois caractéristiques des importations en provenance de Russie et d’Ukraine, qui ne sauraient avoir, directement, d’effet sur le critère tenant aux conditions de concurrence entre les produits importés et aux conditions de concurrence entre les produits importés et le produit de l’Union similaire. Elles font valoir, premièrement, qu’il existe une différence importante de volumes d’importation pendant la PER, à savoir 10 785 tonnes, soit 0,6 % de la consommation de l’Union, pour les importations russes et 27 323 tonnes, soit 1,6 % de la consommation de l’Union, pour les importations ukrainiennes, deuxièmement, que les importations en provenance de ces deux pays ont connu des évolutions différentes depuis 2009, les importations russes ayant fortement décru alors que les importations ukrainiennes augmentaient fortement et, troisièmement, qu’il n’y a aucun élément de preuve en faveur de la thèse selon laquelle les importations russes augmenteraient pour atteindre des niveaux supérieurs à ceux observés pendant la PER eu égard aux capacités de production inutilisées en Russie.

55      S’agissant du troisième élément relevé par les requérantes, force est de constater que, en elle-même, la conclusion du Conseil suivant laquelle les importations en provenance de Russie augmenteraient en raison des capacités inutilisées de production dans ce pays ne révèle aucune différence dans les caractéristiques des importations en provenance de Russie et d’Ukraine, que cette conclusion soit fondée ou non. Un tel élément n’est donc pas pertinent pour soutenir que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation quant au cumul des importations en provenance de Russie et d’Ukraine.

56      S’agissant des deux premiers éléments mis en avant par les requérantes pour soutenir qu’il n’était pas possible de cumuler les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’Ukraine, ils ne font que traduire les différences de volumes d’importation sur le marché de l’Union en provenance de ces deux pays pendant la PER et l’évolution divergente de ces importations depuis 2009. Par elles-mêmes, de telles données ne permettent pas de démontrer que les conditions de concurrence entre les produits importés et les conditions de concurrence entre les produits importés et le produit de l’Union similaire interdisaient au Conseil de procéder au cumul des importations en provenance de Russie et d’Ukraine.

57      En effet, la condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 1225/2009 porte sur les conditions de concurrence entre produits importés et entre produits importés et produit de l’Union similaire. Elle nécessite de déterminer, d’une part, si ces produits possèdent des caractéristiques physiques similaires et si leur utilisation finale est interchangeable et, d’autre part, si le comportement sur le marché des exportateurs est similaire. Il ne peut donc pas être exigé des institutions que, pour appliquer cette disposition, elles examinent les volumes d’importations en provenance des différents pays concernés et l’évolution de ces importations. Néanmoins, la question des volumes d’importations est pertinente pour déterminer s’il est possible de cumuler des importations en provenance de plusieurs pays, mais elle est appréhendée par le biais de la condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1225/2009, à savoir la détermination du caractère négligeable ou non des importations en provenance de chacun des pays concernés.

58      D’ailleurs, il convient de noter que l’organe d’appel de l’OMC a statué dans le sens indiqué au point 57 ci-dessus, l’article 3.3 de l’accord antidumping ne prévoyant aucunement que soit effectuée une analyse par pays des effets négatifs potentiels des volumes, de leur évolution et des prix des importations faisant l’objet d’un dumping en tant que condition préalable à une évaluation cumulative des effets de toutes les importations faisant l’objet d’un dumping [voir rapport relatif au différend « Communautés européennes – Droits antidumping sur les accessoires de tuyauterie en fonte malléable en provenance du Brésil », adopté le 22 juillet 2003 (WT/DS219/AB/R, points 110 et 117)].

59      Par conséquent, les requérantes ne sont pas en mesure, par leur argumentation, de démontrer que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, en ayant cumulé les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’Ukraine en dépit des différences importantes entre ces importations.

 Sur la deuxième branche du moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, mentionné à l’article 9, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009

60      Les requérantes soutiennent que le Conseil a violé le principe d’égalité de traitement, mentionné à l’article 9, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009, en ayant traité différemment les importations en provenance de Russie de celles en provenance de Croatie, alors qu’elles étaient toutes les deux négligeables, le Conseil ayant également reconnu, au considérant 92 du règlement attaqué, que les conditions de concurrence étaient similaires pour ces deux pays et que les importations en provenance de Croatie pouvaient reprendre, eu égard à l’existence de capacités de production.

61      Le Conseil conteste cette argumentation.

62      Le principe d’égalité et de non-discrimination, repris à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose à ce que, d’une part, des situations comparables soient traitées de manière différente et, d’autre part, des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt Acme/Conseil, point 29 supra, EU:T:1999:251, point 116 et jurisprudence citée).

63      D’une part, s’il est vrai que le Conseil a estimé, aux considérants 89 et 90 du règlement attaqué, que le volume des importations faisant l’objet d’un dumping originaires de Croatie était négligeable et ne l’a donc pas retenu dans le cumul des importations pour évaluer le préjudice, il convient de constater qu’il a aussi considéré que le volume des importations en provenance de ce pays n’était pas susceptible d’augmenter, au motif que la production y avait complètement cessé après la PER (considérant 89 du règlement attaqué). Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, s’agissant particulièrement des importations en provenance de Russie, le Conseil s’est fondé, à juste titre, sur le volume probable de celles-ci pour déterminer si ledit volume était ou non négligeable (voir points 46 à 49 ci-dessus).

64      Il découle des constatations faites au point 63 ci-dessus que la situation des importations en provenance de Russie était différente de celle des importations en provenance de Croatie, le volume probable des premières ayant été considéré comme non négligeable alors que, eu égard à la cessation de la production des produits en cause, il ne pouvait être envisagé aucun volume probable d’importation pour les secondes.

65      D’autre part, comme les requérantes le soutiennent, il existe bien une contradiction entre le considérant 91 et le considérant 92 du règlement attaqué, puisqu’il est affirmé, dans le premier, que les produits importés des trois pays concernés sont des produits concurrents de ceux fabriqués dans l’Union, impliquant que la condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 1225/2009 est remplie, et, dans le second, que les conditions de concurrence entre les produits importés ne sont pas remplies dans le cas de la Croatie. Toutefois, une telle contradiction reste sans incidence sur le point de savoir si les importations en provenance de Croatie et celles en provenance de Russie étaient placées dans la même situation en raison du caractère négligeable de leurs volumes respectifs, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas ainsi qu’il a été vu au point 64 ci-dessus.

66      Enfin, la contradiction relevée par les requérantes entre le considérant 91 et le considérant 92 du règlement attaqué ne saurait être considérée comme ne permettant pas une compréhension correcte de la motivation. En effet, dès lors que la condition relative à la concurrence entre les produits, prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement attaqué, n’est qu’une des trois conditions cumulatives pour que le Conseil cumule les importations en provenance de différents pays, la circonstance que les produits importés de Croatie ne seraient pas concurrents des produits importés de Russie et d’Ukraine et des produits de l’Union similaires ne ferait que renforcer la conclusion selon laquelle les importations en provenance de Croatie ne doivent pas être cumulées avec celles des deux autres pays. Ainsi, la contradiction de motivation alléguée n’est pas susceptible de rendre difficilement compréhensible le raisonnement sur lequel le règlement attaqué est fondé.

67      Il résulte de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré une méconnaissance du principe d’égalité de traitement ni une violation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009.

68      Par conséquent, il convient d’écarter le premier moyen du recours.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une violation de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009, en ce qui concerne la probabilité de réapparition du préjudice

69      Le deuxième moyen se divise en deux branches. D’une part, les requérantes soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’analyse des conditions requises pour constater la probabilité de réapparition du préjudice. D’autre part, les requérantes estiment que le Conseil a méconnu le principe d’égalité de traitement lors de l’évaluation de la probabilité de réapparition du préjudice et de la probabilité d’une continuation du dumping, au regard de la situation des importations en provenance de Croatie.

 Sur la première branche du moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse des conditions requises pour constater la probabilité de réapparition du préjudice

70      Les requérantes développent deux griefs. Premièrement, elles considèrent que le Conseil aurait dû interpréter strictement, dans le règlement attaqué, les conditions d’application du maintien des mesures antidumping, eu égard au caractère exceptionnel d’un tel maintien. Deuxièmement, elles soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation, en n’établissant pas la probabilité de réapparition du préjudice au vu de l’enquête menée par les institutions.

–       Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit quant au niveau de preuve requis de la probabilité d’une réapparition du préjudice

71      Selon les requérantes, les institutions auraient dû interpréter de manière stricte les conditions auxquelles est subordonné le maintien des mesures antidumping en raison d’une probabilité de réapparition du préjudice. Dans cette hypothèse, la charge de la preuve pesant sur les institutions serait plus lourde que lorsqu’elles déterminent la probabilité d’une continuation du préjudice, ce qui serait confirmé par la jurisprudence de l’organe d’appel de l’OMC.

72      Plus précisément, les requérantes estiment qu’une interprétation stricte des conditions du maintien des mesures antidumping en raison d’une probabilité de réapparition du préjudice aurait été obligatoire, au motif que les mesures avaient été en vigueur pendant treize ans pour la grande majorité des produits concernés, que les importations en provenance de Russie représentaient un très faible volume et ne détenaient qu’une faible part du marché de l’Union et que l’industrie de l’Union était « en excellente santé ».

73      Il convient de rappeler que, à l’issue d’une procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping, les institutions établissent que l’expiration desdites mesures favoriserait la réapparition du préjudice, en démontrant uniquement la probabilité d’une telle réapparition, au regard, notamment, d’une évaluation prospective des importations en provenance du ou des pays concernés par ladite procédure (arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, points 41 à 44).

74      Il ne ressort ni du texte de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009 ni de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus que les éléments de preuve au vu desquels la probabilité de réapparition du préjudice est évaluée devraient être interprétés de manière stricte. Pour que la réapparition du préjudice soit valablement retenue par le Conseil, il est uniquement demandé à celui-ci de prouver qu’il existe une probabilité en ce sens, ce standard de preuve étant, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, également requis quant à la constatation de la continuation du préjudice (voir, en ce sens, arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 42).

75      Par suite, ce n’est que lors de l’examen de la situation factuelle concrète soumise aux institutions qu’il est éventuellement possible de déterminer si c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation des faits que le Conseil a établi la probabilité de réapparition du préjudice. L’argumentation développée dans le premier grief de la première branche n’est pas susceptible de révéler une telle erreur manifeste d’appréciation et elle doit, donc, être écartée.

–       Sur le second grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la probabilité de réapparition du préjudice

76      Selon les requérantes, le Conseil n’a pas établi, au vu d’une base factuelle suffisante se rapportant au passé et au présent, la probabilité que le préjudice réapparaisse, se contentant, principalement, d’une simple conjecture quant à l’existence de capacités de production russes inutilisées sans avoir pris en considération d’autres facteurs comme la corrélation entre une diminution des droits antidumping et un accroissement des importations.

77      La critique des requérantes peut être divisée en différents arguments. Premièrement, et principalement, elles considèrent que le Conseil s’est fondé à tort sur les capacités de production inutilisées en Russie et sur leur augmentation probable pour conclure à la probabilité de réapparition du préjudice, alors qu’elles avaient présenté des arguments sur l’attrait d’autres marchés que le marché de l’Union . Deuxièmement, elles font valoir que le Conseil aurait estimé que le prix des importations russes serait inférieur aux prix pratiqués dans l’Union sans avoir pris en compte d’autres facteurs. Troisièmement, elles considèrent que le Conseil n’a pas correctement apprécié les informations dont il disposait relativement aux tendances affectant les importations en provenance de Russie, particulièrement celles provenant de TMK. Quatrièmement, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation quant à la santé de l’industrie de l’Union et quant à l’incidence de l’expiration des mesures antidumping sur celle-ci.

78      Le Conseil conteste cette argumentation.

79      À titre liminaire, il convient de rappeler que le Conseil a apprécié la probabilité de réapparition du préjudice aux considérants 123 à 127 du règlement attaqué. Au considérant 123, le Conseil a estimé que les producteurs-exportateurs russes et ukrainiens avaient la possibilité d’accroître le volume de leurs exportations à destination de l’Union en exploitant leurs capacités inutilisées disponibles, d’environ 1 750 000 tonnes, et de bénéficier de l’expiration des mesures antidumping pour regagner les parts de marché perdues à cause de celles-ci. Au considérant 124, le Conseil a rappelé le niveau des prix des importations en provenance de Russie et d’Ukraine, peu élevé et inférieur à ceux de l’Union, pour estimer probable une pression à la baisse sur les prix pratiqués sur le marché de l’Union avec des conséquences négatives pour la situation économique de l’industrie de l’Union, concluant, sur cette base, à la probabilité de réapparition du préjudice à l’expiration des mesures antidumping. Au considérant 125, le Conseil a estimé que l’industrie de l’Union n’avait pas pu pleinement profiter des mesures antidumping, les parts de marché détenues par les importations russes et ukrainiennes ayant été prises par des importations chinoises, que son rétablissement n’était pas achevé et qu’elle restait vulnérable aux préjudices susceptibles d’être provoqués par la présence de quantités substantielles d’importations faisant l’objet d’un dumping. Aux considérants 126 et 127, le Conseil a exposé les raisons pour lesquelles les importations en provenance de Croatie ne pourraient aboutir à la réapparition du préjudice.

80      Il y a également lieu de rappeler que l’examen d’une probabilité de réapparition du préjudice suppose l’évaluation de questions économiques complexes pour laquelle les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts Miwon/Conseil, point 25 supra, EU:T:2000:92, point 94, et Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 46). En outre, le choix des critères à retenir aux fins de l’examen d’une probabilité de réapparition du préjudice relève, dans chaque cas individuel, du pouvoir d’appréciation de la Commission et ne peut être censuré qu’en cas d’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 59).

81      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents arguments soutenant le second grief de la première branche du deuxième moyen.

82      En premier lieu, les requérantes considèrent que le Conseil s’est fondé à tort sur les capacités de production inutilisées en Russie et sur leur augmentation probable pour conclure à la probabilité de réapparition du préjudice, alors qu’elles avaient présenté des arguments sur l’attrait d’autres marchés que le marché de l’Union.

83      L’argumentation des requérantes se présente sous deux aspects distincts. D’une part, elles dénoncent le lien fait par le Conseil entre capacités théoriques de production inutilisées en Russie et probabilité de réapparition du préjudice. D’autre part, elles considèrent que le Conseil n’aurait pas pris en compte un certain nombre de leurs arguments, présentés pendant la procédure administrative, relatifs notamment à l’attrait pour elles d’autres marchés que celui de l’Union.

84      D’une part, s’agissant de la pertinence et de l’importance des capacités de production inutilisées en Russie, il ressort du règlement attaqué que la capacité « installée » de la Russie est estimée à 4 millions de tonnes et que l’industrie russe ne fonctionne qu’à 70 % de ses capacités de production. Il en résulterait une capacité inutilisée supérieure à un million de tonnes par an, soit près de 65 % de la consommation de l’Union, étant noté que ces capacités pourraient encore augmenter au cours des prochaines années. Le Conseil a également relevé que, faute de coopération des producteurs-exportateurs russes, des informations contredisant ces considérations n’ont pu être vérifiées et n’ont donc pas été retenues (considérant 71 du règlement attaqué).

85      Selon les requérantes, la constatation d’importantes capacités de production inutilisées en Russie est le seul motif soutenant la conclusion, au considérant 123 du règlement attaqué, qu’il est probable que, en cas d’expiration des mesures antidumping, des quantités importantes de produits pénétreraient sur le marché de l’Union afin de permettre notamment à la Russie de regagner les parts de marché perdues à cause des droits antidumping. Si, comme les requérantes le relèvent, une telle affirmation tient de la conjecture, il convient de rappeler que la probabilité de réapparition du préjudice doit ressortir, en l’espèce, d’une évaluation prospective des importations en provenance de Russie (voir, en ce sens, arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, points 41 à 44).

86      En soi, la critique portée par les requérantes n’est pas déterminante pour démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation des faits par le Conseil, pas plus que ne l’est le parallèle fait avec la diminution des droits antidumping, intervenue en 2008 à la suite du règlement n° 812/2008 (voir point 3 ci-dessus). En effet, il n’était alors aucunement question d’expiration des droits antidumping, mais d’une diminution de 35,8 à 27,2 %, dont les éventuels effets sur les importations en provenance de Russie ne peuvent être comparés à ceux qui découleraient d’une suppression totale des droits antidumping.

87      Plus largement, les requérantes, en se fondant sur la jurisprudence de l’organe de règlement des différends de l’OMC, insistent sur l’obligation pour les institutions de l’Union de déterminer la probabilité de réapparition du préjudice, en se fondant sur des éléments de preuve positifs ressortant d’une base factuelle suffisante. Or, il convient de constater, tout comme le fait le Conseil en défense, que le niveau de capacité de production inutilisée, tel qu’il ressort du règlement attaqué, n’a pas été contesté par les requérantes et qu’il se rapporte à la situation existante au moment de l’adoption du règlement attaqué, comme il est exigé par la jurisprudence susvisée.

88      S’agissant plus précisément du caractère théorique des capacités de production auxquelles le règlement attaqué se rapporte, les requérantes font remarquer que le Conseil a eu tort de ne pas avoir examiné la capacité réelle ou technique de production. Elles semblent considérer que cette notion correspond à la capacité de production maximale possible, se référant, à titre d’exemple au taux record d’utilisation des capacités de 80 % atteint par l’industrie de l’Union en 2008, à celui de 67 % atteint la même année par l’industrie de l’Union des tubes et tuyaux sans soudure ou encore aux données de la plainte, au vu de laquelle le réexamen a été engagé, dont il ressortirait qu’une capacité d’utilisation de l’industrie de l’Union de 75 à 77,9 % serait satisfaisante, selon les plaignants.

89      Toutefois, comme le font valoir le Conseil et, depuis l’audience, la Commission, plusieurs remarques peuvent être faites sur ce point.

90      Premièrement, le Conseil relève que, faute de coopération des requérantes à l’enquête, les institutions n’ont pas pu vérifier leurs capacités réelles de production et que c’est donc, à juste titre, qu’il a utilisé les données disponibles pour parvenir à ses conclusions quant aux conditions d’imposition de droits antidumping, y compris s’agissant des capacités de production inutilisées des autres producteurs-exportateurs russes (voir point 37 ci-dessus).

91      Deuxièmement, les requérantes n’ont pas contesté, notamment lors de l’audience, l’affirmation du Conseil selon laquelle l’argument relatif à la capacité réelle de production n’aurait pas été soulevé par elles pendant l’enquête.

92      Troisièmement, interrogées à l’audience sur ce point, les requérantes ont précisé ce qu’elles entendaient par capacité réelle ou technique d’utilisation. Or, si elles considèrent qu’il existe une capacité réelle d’utilisation qui correspondrait à la capacité totale de production, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, diminuée du temps nécessaire à la maintenance ou aux réparations desdites installations, il ressort à suffisance de leur argumentation que, en réalité, elles font référence au taux d’utilisation des capacités de production. Toutefois, la circonstance que le taux d’utilisation des capacités de production diffère de la capacité totale de production ne remet pas en cause la pertinence de la prise en considération par le Conseil des capacités de production inutilisées en Russie, qui, résultant de la différence entre la capacité totale de production et le taux d’utilisation d’une telle capacité, traduisent le potentiel de production des produits faisant l’objet d’un dumping, qui seraient susceptibles, en cas d’expiration des mesures antidumping, d’être exportés vers le marché de l’Union.

93      En outre, dans un contexte où, comme en l’espèce, la continuation du dumping n’est pas contestée par les requérantes, le fait qu’existent d’importantes capacités de production inutilisées dans le pays de provenance des produits faisant l’objet d’un dumping constitue un facteur que les institutions doivent prendre en considération pour déterminer si, à l’expiration des mesures antidumping, il existe une probabilité de réapparition du préjudice.

94      D’autre part, s’agissant de l’attrait d’autres marchés que le marché de l’Union, les requérantes considèrent, tout d’abord, que le règlement attaqué ne contient pas, dans le cadre de l’appréciation de la probabilité de réapparition du préjudice, d’évaluation quant à la destination possible des capacités inutilisées de production russes vers le marché intérieur de ce pays ou d’autres marchés que celui de l’Union. Des remarques sur ce point auraient été faites dans la partie du règlement attaqué concernant la probabilité d’une continuation du dumping. Ensuite, les requérantes se réfèrent aux informations qu’elles auraient communiquées à la Commission pendant l’enquête, qui démontreraient que d’autres marchés que celui de l’Union présentent plus d’attrait pour elles. Il s’agit des observations présentées par TMK le 22 août 2011, de la présentation faite lors de l’audition du 6 mars 2012 et des observations présentées après celle-ci, le 23 mars 2012.

95      Premièrement, les requérantes invoquent, implicitement, un défaut ou une insuffisance de motivation, s’agissant de la destination possible de la production résultant des capacités de production inutilisées russes.

96      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir, par analogie, arrêts du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec, EU:C:2003:4, point 81, et du 12 septembre 2002, Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, T‑89/00, Rec, EU:T:2002:213, point 65].

97      Il ne saurait, en particulier, être exigé que la motivation des règlements, actes de portée générale, spécifie les différents éléments de fait ou de droit, parfois très nombreux et complexes, qui font leur objet [arrêts du 20 octobre 1999, Swedish Match Philippines/Conseil, T‑171/97, Rec, EU:T:1999:263, point 82, et Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, point 96 supra, EU:T:2002:213, point 66].

98      Tout d’abord, la circonstance, relevée par les requérantes, que l’appréciation de l’attrait du marché de l’Union et des autres marchés n’aurait pas été effectuée dans le cadre de l’évaluation de la probabilité de réapparition du préjudice, mais aurait eu lieu lors de l’évaluation de la continuation du dumping, n’a aucune incidence sur la légalité du règlement attaqué. En effet, l’exigence de motivation est toujours appréciée au regard du contexte dans lequel intervient l’acte attaqué et, s’agissant d’une partie des motifs d’un tel acte, au regard de l’ensemble de cet acte (voir point 96 ci-dessus).

99      Ensuite, eu égard aux principes rappelés au point 97 ci-dessus, il ne saurait être, en l’espèce, exigé du Conseil qu’il motive spécifiquement les différents éléments de fait et de droit qu’il a dû prendre en considération en vue d’adopter le règlement attaqué. Or, il ressort des considérants 72 et 73 du règlement attaqué, qui figurent déjà dans le document d’information final avec le même contenu, que, sous un point 4.1.2.4, intitulé « Attrait du marché de l’Union et d’autres marchés tiers », le Conseil a évalué l’attrait des différents marchés mondiaux pour les produits faisant l’objet d’un dumping, en considérant, notamment, que le marché de l’Union était un des plus importants au monde et qu’il continuait de croître, qu’il était évident, sur la base d’informations recueillies au cours de l’enquête, que les entreprises russes étaient très désireuses de renforcer leur présence sur l’un des plus grands marchés au monde et de conserver une part significative du marché de l’Union.

100    Si une telle appréciation est focalisée sur la situation du marché de l’Union et son attrait pour les exportateurs russes, il convient de constater qu’elle a été effectuée, comme le soutient le Conseil en défense, en prenant en considération les marchés autres que celui de l’Union, puisque la motivation du règlement attaqué laisse apparaître que la constatation de l’importance du marché de l’Union a été opérée par une comparaison, certes sommaire, avec d’autres marchés. En effet, il est explicitement mentionné que le marché de l’Union est l’un des plus importants au monde. Il est également fait état de la circonstance que ce marché continue de croître, ce qui est de nature à renforcer son attrait sur les producteurs-exportateurs russes. Dans le respect des principes énoncés aux points 96 et 97 ci-dessus, il ne saurait être reproché au Conseil d’avoir insuffisamment motivé le règlement attaqué quant à la destination possible des capacités inutilisées de production russes vers d’autres marchés que celui de l’Union.

101    Si les requérantes ont relevé à l’audience une contradiction dans le règlement attaqué quant au supposé attrait du marché de l’Union, alors que nombre d’informations qui y sont contenues démontrent que ledit marché, loin d’être attrayant, serait en train de se réduire, force est de constater qu’il s’agit d’un argument nouveau, qui ne se rattache pas au deuxième moyen, tel qu’il avait été soulevé dans la requête et qui est donc irrecevable, en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec, EU:T:2002:84, point 154).

102    Deuxièmement, les requérantes considèrent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits quant à l’attrait du marché intérieur russe et d’autres marchés comme destination de l’éventuelle production émanant des capacités inutilisées en Russie. Le Conseil n’aurait pas tenu compte des observations présentées par TMK le 22 août 2011, de la présentation faite lors de l’audition du 6 mars 2012 et des observations présentées après celle-ci, le 23 mars 2012.

103    Au préalable, il convient de rappeler que c’est à juste titre que le Conseil a considéré, au considérant 17 du règlement attaqué, qu’aucun producteur-exportateur russe n’avait répondu au questionnaire et qu’il a donc été considéré qu’aucun d’entre eux n’avait coopéré à l’enquête (voir point 37 ci-dessus).

104    Ensuite, il convient d’examiner les éléments dont les requérantes se sont prévalues lors de la procédure administrative.

105    Dans les observations de TMK du 22 août 2011, il était soutenu que la demande sur le marché intérieur russe et la consommation d’acier avaient fortement augmenté au cours des années précédentes et que cette tendance devait continuer pendant les années suivantes, que les exportations russes s’étaient beaucoup diversifiées dans les années précédentes vers les pays de la Communauté des États indépendants (CEI), le Moyen-Orient et les États-Unis, les exportations vers l’Union ne représentant qu’une petite partie des exportations russes, que les prix à l’exportation, pour des produits identiques ou présentant une similitude avec ceux frappés de droits antidumping, vers le Belarus, le Kazakhstan ou les États-Unis étaient plus élevés ou comparables à ceux fixés pour le marché de l’Union en tenant compte desdits droits et que TMK voulait devenir un acteur mondial sur le marché des produits en cause et continuer de diversifier les destinations de ses exportations. Les arguments avancés dans les observations du 22 août 2011 sont appuyés par des graphiques inclus dans un document présenté par l’organisme « Russia Steel » devant le comité de l’acier de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

106    Dans la présentation faite lors de l’audition du 6 mars 2012, TMK a concentré son argumentation sur le niveau des prix à l’exportation qu’il pratiquait dans des marchés autres que celui de l’Union, mais il a également souligné plusieurs autres aspects de ses exportations. En ce qui concerne le niveau de prix à l’exportation, TMK a livré une analyse comparative des prix pour la période allant d’octobre 2010 à septembre 2011, d’une part, sur son principal marché à l’exportation, le Kazakhstan, sans opérer d’ajustement du niveau de prix au regard des volumes importants qui y étaient vendus et, d’autre part, sur le marché de l’Union, en incluant dans le prix les droits antidumping en vigueur. En ce qui concerne les autres aspects des exportations de TMK, il a été noté qu’une forte demande pour les produits en cause existait sur le marché intérieur russe en raison d’importants projets d’exploitation pétrolière et gazière, que TMK n’avait aucun intérêt à affaiblir sa position sur ce marché pour détourner ses ventes vers le marché de l’Union, que ses principaux marchés à l’exportation étaient le Kazakhstan, le Belarus, le Turkménistan et les États-Unis, qu’il avait établi des filiales au Kazakhstan et aux États-Unis, ce qui constituait une forte incitation à les fournir en grandes quantités de produits en cause, et que, dans les autres pays cités, il fournissait d’importants clients engagés dans de grands projets.

107    Dans les observations du 23 mars 2012, TMK a tout d’abord fait valoir l’absence d’intérêt pour lui de fournir le marché de l’Union à partir de ses sites de production russes, puisqu’il avait acquis, en 2006, TMK-Artrom en Roumanie, qui était mieux placé pour cela. TMK a ensuite repris l’argumentation présentée lors de l’audition du 6 mars 2012, relativement aux prix pratiqués sur ses principaux marchés d’exportation, à savoir le Kazakhstan, le Belarus et le Turkménistan, en précisant le montant exact des ventes et des volumes concernés, et relativement aux raisons pour lesquelles il se concentrait sur le marché intérieur russe et sur d’autres marchés extérieurs que celui de l’Union, eu égard notamment aux caractéristiques et débouchés des produits qu’il fabrique pour l’industrie de l’énergie russe.

108    Si les éléments de fait exposés aux points 105 à 107 ci-dessus, lesquels, en l’absence de coopération des requérantes n’ont pu être vérifiés par la Commission, tendent à démontrer l’orientation des exportations russes vers le marché intérieur russe ou les marchés des États de la CEI à des prix supérieurs aux prix obtenus sur le marché de l’Union, ils ne permettent, cependant, pas de considérer que les ventes qui seraient issues des capacités de production inutilisées russes suivraient une telle destination. En effet et en tout état de cause, il importe de relever que, alors que les requérantes considèrent que le taux d’utilisation des capacités de production russes constaté dans le règlement attaqué n’est pas éloigné de la capacité « réelle » ou « technique » de production (voir point 88 ci-dessus), les prévisions de production et de consommation d’acier en Russie traduisent une baisse significative de leurs taux d’accroissement à partir de 2011. En outre, aucun élément fourni par TMK ne démontre les perspectives d’évolution à court terme des marchés kazakh, turkmène ou biélorusse. Or, dans un contexte d’importantes capacités de production inutilisées, ce qui n’est pas contesté par les requérantes, le Conseil pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer qu’il était probable qu’une partie de ces capacités soit utilisée pour exporter vers l’Union à prix de dumping.

109    Dans de telles circonstances, le Conseil pouvait, à juste titre, se fonder sur les capacités de production inutilisées russes pour considérer probable la réapparition du préjudice.

110    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que, s’agissant des prix des importations russes, le Conseil a estimé que ceux-ci étaient inférieurs aux prix pratiqués dans l’Union sans avoir pris en compte d’autres facteurs.

111    Il convient de rappeler que, s’agissant du prix des importations russes, les requérantes ne contestent pas les constatations du Conseil, aux considérants 66 à 74 du règlement attaqué, portant sur la probabilité d’une continuation du dumping. Le Conseil a, notamment, relevé que le prix des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance de Russie sont restés relativement faibles (considérant 69 du règlement attaqué) et que ces importations faisaient toujours l’objet d’un dumping (considérant 74 du règlement attaqué). Au surplus, le Conseil a constaté une sous-cotation des prix des importations russes et ukrainiennes se situant, selon les produits concernés, entre 20,4 et 55,4 % (considérant 96 du règlement attaqué).

112    En ce qui concerne les éventuels facteurs susceptibles d’influer sur la détermination du prix des importations russes des produits en cause sur le marché de l’Union, il convient de relever que les requérantes se bornent à formuler une critique générale en ce sens, en se référant, sans autre précision, au niveau des prix des produits en cause sur les principaux marchés autres que celui de l’Union, sur la base d’informations présentées comme accessibles au public.

113    S’il convenait de prendre en considération les prix à l’exportation sur les marchés des États de la CEI, tels qu’ils ressortent de la présentation faite lors de l’audition du 6 mars 2012, force serait de constater que de tels prix n’ont pu être vérifiés par la Commission, faute de coopération des requérantes à l’enquête, et qu’ils ne concernent que quatre produits, dont la part dans le volume des exportations vis-à-vis du marché de l’Union n’est pas précisée.

114    Dès lors, l’argument relatif aux prix des importations russes doit être écarté.

115    En troisième lieu, les requérantes considèrent que le Conseil n’a pas correctement apprécié les informations dont il disposait relativement aux tendances affectant les importations en provenance de Russie, particulièrement celles provenant de TMK.

116    Dans ce cadre, les requérantes font valoir que, à la suite d’investissements, qualifiés de considérables, dans la société TMK-Artrom en Roumanie, il serait moins intéressant pour TMK d’exporter vers l’Union et que les exportations russes vers l’Union avait continuellement baissé depuis 2007, malgré la diminution du droit antidumping appliqué à TMK par le règlement n° 812/2008.

117    En ce qui concerne les arguments relatifs à la société TMK-Artrom et à l’impact de sa production et de ses ventes sur les importations en provenance de Russie, il ressort du dossier que ces éléments n’ont pas été présentés aux institutions pendant la procédure administrative.

118    À cet égard, deux constatations s’imposent. D’une part, il n’est ni démontré ni même soutenu que la situation de TMK-Artrom aurait fait partie des données disponibles dont les institutions auraient dû tenir compte pour établir leurs conclusions, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009. D’autre part, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle la légalité d’un acte faisant l’objet d’un recours en annulation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont l’institution auteur de cet acte pouvait disposer au moment où il a arrêté celui-ci (arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, EU:T:2014:271, point 79). Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent reprocher aux institutions de ne pas avoir tenu compte d’un élément qui n’avait pas été porté à la connaissance de celles-ci, pour déterminer la probabilité de réapparition du préjudice.

119    En ce qui concerne la baisse des importations des produits en cause en provenance de Russie sur le marché de l’Union depuis 2007, force est de constater, à l’instar du Conseil, qu’une telle circonstance ne saurait suffire à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation par le Conseil des faits l’ayant conduit à considérer comme probable la réapparition du préjudice en raison des importations faisant l’objet d’un dumping, puisque la tendance à la baisse des importations peut largement s’expliquer par l’imposition des mesures antidumping par le règlement n° 954/2006. Une telle explication vaut également pour la continuation de la baisse des importations après l’entrée en vigueur du règlement n° 812/2008, par lequel il a été procédé à une baisse des droits antidumping imposés par le règlement n° 954/2006 à TMK, de 35,8 à 27,2 %, une telle diminution étant certainement insuffisante pour que TMK augmente ses exportations vers le marché de l’Union.

120    En outre, il convient de constater, à la lecture du considérant 95 du règlement attaqué, que la baisse des importations russes et ukrainiennes sur le marché de l’Union a eu lieu, pour l’essentiel, au cours de l’année 2009, passant de 72 328 à 40 611 tonnes, la situation se stabilisant, avec une baisse marginale, à 38 108 tonnes au cours de la PER. S’agissant des chiffres présentés par les requérantes spécifiquement aux importations russes, ils montrent une très forte baisse de celles-ci en 2008, passant de 54 590 à 19 333 tonnes, puis une baisse moins importante les années suivantes : 15 360 tonnes en 2009, 14 561 tonnes en 2010 et 10 791 tonnes pendant la PER.

121    Dès lors, la tendance affectant les importations en provenance de Russie depuis 2008 ne peut, par elle-même, démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

122    En quatrième lieu, les requérantes sont d’avis que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation quant à la santé de l’industrie de l’Union et quant à l’incidence de l’expiration des mesures antidumping sur celle-ci.

123    En substance, les requérantes soutiennent que le Conseil s’est fondé sur l’hypothèse selon laquelle, en l’absence de mesures antidumping, l’industrie de l’Union serait exposée à un préjudice. Or, au vu des résultats de l’industrie de l’Union depuis 2007, en termes d’accroissement de parts de marché et de niveau de rentabilité, révélateurs d’une disparition du préjudice pendant la période de référence, ce qui a d’ailleurs été constaté par le Conseil, les requérantes sont d’avis que la probabilité de réapparition du préjudice trouverait sa cause dans des problèmes structurels de l’industrie et non dans les importations faisant prétendument l’objet d’un dumping.

124    Il convient, tout d’abord, de rappeler que le maintien d’une mesure antidumping dépend du résultat d’une appréciation des conséquences de son expiration, donc d’un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné, et qu’une simple possibilité de continuation ou de réapparition du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d’une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice ait été établie (arrêt Euroalliages/Commission, point 21 supra, EU:T:2001:166, point 42).

125    Ainsi, la circonstance que l’industrie de l’Union s’est remise de pratiques de dumping antérieures en accroissant ses parts de marché et sa rentabilité ne suffit pas à démontrer une erreur manifeste d’appréciation des éléments au vu desquels la probabilité de réapparition du préjudice a été établie. Dans une analyse prospective du marché de l’Union en cas d’expiration des mesures antidumping, les institutions doivent tenir compte des évolutions probables de ce marché au regard de différents éléments susceptibles d’influer sur celles-ci, une application par analogie des dispositions de l’article 3, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009 n’étant pas possible, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, puisque, dans une procédure de réexamen, il ne s’agit pas d’examiner les effets réels d’une pratique de dumping.

126    Au surplus, les requérantes omettent dans leur analyse des effets des importations russes des produits en cause sur la situation de l’industrie de l’Union un élément important, qu’elles ne contestent pas, à savoir la constatation dans le règlement attaqué d’une persistance du dumping s’agissant de ces produits et d’une sous-cotation de leurs prix (considérants 48 à 53 et 96 du règlement attaqué). C’est notamment au regard de ces constatations que le Conseil a conclu à la probabilité d’une continuation du dumping (considérants 66 à 73 du règlement attaqué). De telles circonstances, non contestées, pouvaient, à juste titre, conduire le Conseil à estimer probable la réapparition d’un préjudice pour l’industrie de l’Union, eu égard aux importantes capacités de production inutilisées. Ainsi, il ne saurait être soutenu, comme le font les requérantes, que le Conseil s’est contenté de présumer que le préjudice réapparaîtrait si les mesures antidumping étaient supprimées.

127    En outre, s’il ne peut être dénié que le rétablissement de l’industrie de l’Union est un facteur dont le Conseil doit tenir compte pour établir si une réapparition du préjudice est probable, un tel facteur doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble avec les autres éléments pertinents de l’espèce sans qu’il soit possible de lui conférer une prééminence dans l’analyse que les institutions doivent conduire.

128    Par suite, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Conseil est parvenu à la conclusion qu’il était probable que le préjudice réapparaisse, après avoir pris en considération la continuation d’un dumping pour les produits en cause sur la période de référence, l’existence d’importantes capacités de production inutilisées, notamment en Russie, mais également en Ukraine (considérants 123 et 124 du règlement attaqué), et avoir constaté que les faibles prix à l’importation des produits en cause exerceraient une pression à la baisse sur les prix pratiqués sur le marché de l’Union.

129    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement lors de l’évaluation de la probabilité de réapparition du préjudice et de la probabilité d’une continuation du dumping

130    Les requérantes soutiennent que le Conseil a enfreint le principe d’égalité de traitement en appliquant deux méthodes différentes à la Croatie et à la Russie pour établir la probabilité de réapparition du préjudice. En substance, elles font valoir que, pour apprécier la probabilité de réapparition du préjudice, le Conseil s’est fondé sur le volume réel des importations en provenance de Croatie, en indiquant que les volumes exportés vers l’Union étaient négligeables. En outre, la circonstance que la seule usine croate a cessé sa production à la fin de la PER et qu’elle était à vendre n’aurait pas dû être prise en considération, puisque cela n’influait pas, en soi, sur les capacités de production croates, lesquelles étaient de 110 000 tonnes, soit 6 % de la consommation de l’Union. Une violation identique du principe d’égalité de traitement aurait été commise dans l’appréciation de la probabilité d’une continuation du dumping.

131    Il convient de rappeler que le principe d’égalité et de non-discrimination s’oppose à ce que, d’une part, des situations comparables soient traitées de manière différente et, d’autre part, des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt Acme/Conseil, point 29 supra, EU:T:1999:251, point 116 et jurisprudence citée).

132    Or, il convient de constater que, dans l’appréciation de la situation des producteurs-exportateurs croates, le Conseil ne pouvait pas ignorer ses aspects les plus spécifiques. En effet, il n’est pas contesté qu’il n’existait qu’un seul producteur croate des produits en cause, que celui-ci avait cessé sa production à la fin de l’année 2011, après avoir arrêté de prendre de nouvelles commandes à l’automne 2010, la production ayant par la suite complètement cessé. De plus, à la date du règlement attaqué, la société en question était toujours en vente. Cet ensemble d’éléments a donc pu valablement conduire le Conseil à estimer que, pour la Croatie, il était nécessaire de s’écarter de l’approche suivie pour établir la probabilité de continuation du dumping et de réapparition du préjudice des produits en provenance de Russie, l’évaluation d’un quelconque volume probable d’importations en provenance de Croatie étant particulièrement malaisée.

133    Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de répondre aux autres arguments des requérantes, il y a lieu d’écarter la seconde branche du deuxième moyen du recours et, partant, le deuxième moyen dans sa totalité.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 21 du règlement n° 1225/2009 ainsi que du principe d’égalité de traitement, du fait d’une erreur manifeste d’appréciation lors de l’analyse de l’intérêt de l’Union

134    Le troisième moyen du recours se divise en deux branches. Dans une première branche, les requérantes soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de l’intérêt de l’Union, à défaut qu’une analyse approfondie et méticuleuse ait été conduite à cet égard. Dans une seconde branche, les requérantes soutiennent que le Conseil a enfreint le principe d’égalité de traitement dans son évaluation de l’intérêt de l’Union, en ayant, parallèlement à la procédure de réexamen en cause, considéré qu’il n’était pas contraire à l’intérêt de l’Union de mettre fin à une enquête concernant les mêmes produits en provenance de Biélorussie.

 Sur la première branche du moyen, tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de l’intérêt de l’Union

135    Selon l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 1225/2009, une mesure antidumping expire cinq ans après son institution « à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice ».

136    Il ressort de ce texte, tout d’abord, que l’expiration d’une mesure après cinq ans est la règle, alors que son maintien constitue une exception. Ensuite, il en ressort que le maintien d’une mesure dépend du résultat d’une appréciation des conséquences de son expiration, donc d’un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné. Enfin, il ressort de cette disposition qu’une simple possibilité de continuation ou de réapparition du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d’une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice ait été constatée positivement, sur la base d’une enquête, par les autorités compétentes (voir arrêt du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01, Rec, EU:T:2003:189, point 37 et jurisprudence citée).

137    L’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009 ne mentionne pas explicitement l’intérêt de l’Union parmi les conditions pour le maintien d’une mesure venant à expiration (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 38).

138    Néanmoins, l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009 prévoit que le réexamen des mesures venant à expiration doit être mené selon les dispositions pertinentes de ce règlement concernant les procédures et la conduite des enquêtes (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 39).

139    En outre, l’article 11, paragraphe 9, du règlement n° 1225/2009 dispose :

« Dans toutes les enquêtes de réexamen ou de remboursement effectuées en vertu du présent article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu des dispositions de l’article 2, et en particulier de ses paragraphes 11 et 12, et des dispositions de l’article 17. »

140    Il peut être déduit de ces dispositions que les conditions pour le maintien d’une mesure venant à expiration sont, mutatis mutandis, les mêmes que celles pour l’institution de nouvelles mesures (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 40).

141    À cet égard, l’article 9, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 dispose :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de [l’Union] nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission présentée après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la rejeter dans un délai d’un mois à compter de sa présentation par la Commission […] »

142    Par conséquent, la condition relative à l’intérêt de l’Union prévue à l’article 9, paragraphe 4, et l’article 21 du règlement n° 1225/2009 doit également être prise en considération lorsqu’il s’agit de décider du maintien des mesures venant à expiration dans le cadre d’un réexamen (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 42).

143    Dans ce cadre, l’appréciation de l’intérêt de l’Union requiert la mise en balance des intérêts des différentes parties concernées et de l’intérêt général et procède donc de choix de politique économique. À cet égard, l’article 21, paragraphe 1, dernière phrase, selon lequel les autorités peuvent renoncer à l’application de mesures lorsqu’elles « peuvent clairement conclure qu’il n’est pas dans l’intérêt de [l’Union] » de les appliquer, oblige notamment la Commission à rendre transparente cette mise en balance des intérêts et à justifier ses conclusions, en exposant les éléments de fait dont dépend la justification de sa décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci. La Commission est donc tenue de motiver son appréciation de manière suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle juridictionnel effectif de cette détermination (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 48).

144    Enfin, il appartient au juge de l’Union, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission clôturant une procédure antidumping pour des motifs liés à l’intérêt de l’Union, de vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreurs de droit ou d’erreurs manifestes dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 49, et la jurisprudence citée).

145    C’est au regard de ces considérations qu’il convient de répondre à la première branche du troisième moyen du recours.

146    Les requérantes développent plusieurs arguments, par lesquels elles considèrent que le Conseil a fortement lié l’intérêt de l’Union à celui de l’industrie en cause, sans prendre en considération les intérêts des autres parties. Premièrement, les requérantes soutiennent que, le maintien des mesures antidumping constituant une exception à la pratique normale des échanges commerciaux, lesdites mesures ne pourraient être maintenues que si elles sont justifiées au regard de l’intérêt de l’Union. Deuxièmement, elles considèrent que la durée excessive des mesures antidumping en l’espèce, presque 20 ans, aurait dû être prise en considération lors de l’analyse de l’intérêt de l’Union, tout comme l’excellente santé de l’industrie de l’Union. Troisièmement, elles sont d’avis que l’évaluation du Conseil est entachée d’erreur manifeste, puisqu’il ne fournit aucune justification plus impérative que la poursuite du profit tiré par l’industrie de l’Union du maintien des mesures antidumping. Quatrièmement, elles soutiennent que le Conseil n’a pas analysé de manière approfondie les effets du maintien des mesures antidumping sur l’environnement concurrentiel, notamment sur les utilisateurs et clients finaux, et la nécessité de préserver celui-ci.

147    En premier lieu, force est de constater que, par leur argument relatif au maintien des mesures antidumping seulement dans l’hypothèse où ceux-ci sont justifiés au regard de l’intérêt de l’Union, les requérantes ne sont pas en mesure de remettre en cause la légalité du règlement attaqué.

148    En effet, les requérantes ne font ainsi qu’exposer la règle exprimée à l’article 9, paragraphe 4, et à l’article 21 du règlement n° 1225/2009, selon laquelle, même lorsque la probabilité de la continuation ou de la réapparition du dumping et du préjudice a été constatée, ledit règlement ne confère pas à l’industrie de l’Union plaignante un droit au maintien des mesures de protection. Pour parvenir à une telle conclusion, les institutions doivent vérifier, conformément à ces dispositions, que les mesures de protection sont justifiées au regard de l’intérêt de l’Union.

149    Par suite, l’argument n’a aucune incidence sur la légalité du règlement attaqué.

150    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que, d’une part, la durée excessive des mesures antidumping – presque 20 ans – et, d’autre part, l’excellente santé de l’industrie de l’Union, auraient dû être prises en considération par les institutions lors de l’analyse de l’intérêt de l’Union.

151    Or, il convient de constater que le Conseil a pris en considération l’argument relatif à la durée des mesures antidumping visant les produits en cause en provenance de Russie. Au considérant 142 du règlement attaqué, le Conseil a fait état de l’argument de certaines parties intéressées quant à la durée excessive des mesures antidumping. Il a relevé qu’il s’agissait de la première procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures concernant le « produit » en cause, lequel n’était visé par de telles mesures que depuis 2006. Sur ce point, il a précisé que les mesures qui avaient été en vigueur de 1997 à 2004 pour les importations en provenance de Russie portaient sur un produit dont la définition était nettement plus limitée. Enfin, il a été d’avis que, puisqu’il avait été constaté que les conditions prévues à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009 pour le maintien des mesures étaient réunies, la durée desdites mesures n’étaient pas un argument pertinent.

152    Dès lors, il convient de constater que le Conseil a bien pris en considération la question de la durée des mesures antidumping pour apprécier l’intérêt de l’Union à maintenir ou à ne pas maintenir lesdites mesures et que l’argument des requérantes est donc non fondé.

153    Enfin, s’il est vrai que les institutions ont pu, parfois, prendre en considération la durée de mesures antidumping pour estimer qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’Union d’imposer ou de maintenir de telles mesures, il y a lieu de relever, comme le Conseil en défense, qu’il a été constaté, en l’espèce, que l’industrie de l’Union avait tiré profit des mesures antidumping imposées en 2006 (voir considérant 121 du règlement attaqué et, s’agissant de l’augmentation des parts de marché de l’industrie de l’Union, considérant 110 du règlement attaqué). Quant aux utilisateurs des produits en cause, le Conseil a considéré que, eu égard au fait que la part de ces produits dans leurs coûts de production était relativement faible, l’incidence du maintien des mesures antidumping était négligeable.

154    En l’espèce, il n’est pas démontré que le Conseil ait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son évaluation de l’intérêt de l’Union relativement à la durée des mesures antidumping. Bien au contraire, le Conseil a agi dans le respect des principes rappelés aux points 141 et 143 ci-dessus, en mettant en balance les différents intérêts en jeu et en concluant qu’il convenait de maintenir les mesures antidumping, après avoir relevé les aspects bénéfiques pour l’industrie de l’Union de leur imposition par le règlement n° 954/2006 et la probabilité de réapparition du préjudice en cas de non-maintien des mesures (considérants 130 et 131 du règlement attaqué).

155    Par suite, l’argument relatif à la durée excessive des mesures antidumping doit être écarté.

156    S’agissant de l’argument portant sur l’obligation, pour le Conseil, de prendre en considération l’excellente santé de l’industrie de l’Union dans son évaluation de l’intérêt de l’Union, il y a lieu de constater qu’il a été soulevé par les requérantes dans leur réplique.

157    Les parties ayant été interrogées à l’audience sur ce point, le Conseil a conclu à l’irrecevabilité de cet argument .

158    En application des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a lieu de constater que cet argument, venant au soutien du troisième moyen, est tardif, puisque soulevé dans la réplique, et il convient de le rejeter comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt Joynson/Commission, point 101 supra, EU:T:2002:84, point 154).

159    En tout état de cause, si les requérantes soutiennent que, au regard de « l’excellente santé de l’industrie de l’Union et [de] la part de marché élevée détenue par celle-ci », il ne pouvait être légalement constaté que le maintien des mesures antidumping était dans l’intérêt de l’Union, force est de constater que, par son caractère laconique, un tel argument ne permet pas de comprendre en quoi la bonne santé de l’industrie de l’Union aurait dû conduire le Conseil à conclure qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’Union de maintenir lesdites mesures.

160    En troisième lieu, les requérantes sont d’avis que l’évaluation du Conseil est entachée d’une erreur manifeste, puisqu’elle ne fournit aucune justification plus impérative que la poursuite du profit tiré par l’industrie de l’Union au maintien des mesures antidumping dans l’analyse de l’intérêt de l’Union.

161    Par un tel argument, les requérantes semblent remettre en cause la méthode d’évaluation de l’intérêt de l’Union mise en œuvre par les institutions en vue d’adopter le règlement attaqué, en ce que l’analyse des motifs en faveur du maintien des mesures antidumping aurait dû être conduite de manière particulièrement approfondie et méticuleuse. Or, tel ne serait pas le cas, le motif retenu par le Conseil étant insuffisant pour justifier le maintien des mesures.

162    Certes, il est vrai que l’industrie de l’Union n’a pas droit au maintien d’une mesure venant à expiration, même lorsque la probabilité de la continuation ou de la réapparition du dumping et du préjudice a été constatée, un tel maintien dépendant de la constatation que, conformément à l’article 9, paragraphe 4, et à l’article 21 du règlement n° 1225/2009, les mesures soient justifiées au regard de l’intérêt de l’Union (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 44).

163    Cependant, il convient de rappeler que, dans l’évaluation de l’intérêt de l’Union, après avoir mis en balance les intérêts des différentes parties concernées et l’intérêt général, les institutions peuvent renoncer à l’application de mesures antidumping lorsqu’elles « peuvent clairement conclure qu’il n’est pas dans l’intérêt de [l’Union] » de les appliquer (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 136 supra, EU:T:2003:189, point 48). Cela signifie que, en application des deuxième et troisième phrases de l’article 21 du règlement n° 1225/2009, lorsque les autres conditions pour l’imposition d’un droit antidumping, à savoir le dumping, le préjudice et le lien de causalité, sont réunies, les institutions ne peuvent s’abstenir d’appliquer des droits que lorsqu’elles peuvent clairement conclure que cette démarche n’est pas dans l’intérêt de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Apache Footwear et Apache II Footwear/Conseil, T‑1/07, EU:T:2009:483, point 113).

164    Or, l’argument des requérantes, qui porte, en substance, sur le caractère insuffisant de la justification du maintien des mesures antidumping en raison de l’intérêt de l’Union, n’est pas de nature à démontrer que l’intérêt de l’Union imposait la non-application desdites mesures. Au surplus, il y a lieu de constater que le Conseil a pris en considération l’intérêt des importateurs et celui des utilisateurs, mais il a estimé que l’incidence du maintien des mesures antidumping sur la situation de ces opérateurs économiques était limitée ou négligeable, conclusion que les requérantes ne remettent pas en question s’agissant des importateurs.

165    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que le Conseil a considéré que le but des mesures antidumping était de permettre à l’industrie de l’Union de continuer à augmenter ses ventes, ses prix et ses bénéfices et qu’il n’a pas analysé de manière approfondie les effets du maintien des mesures antidumping sur l’environnement concurrentiel, notamment sur les utilisateurs et les clients finaux, et de la nécessité de préserver celui-ci.

166    Tout comme le Conseil en défense, il convient de noter, tout d’abord, l’absence d’argument précis quant au fait que les mesures antidumping seraient contraires à l’intérêt des utilisateurs.

167    Ensuite, s’agissant de la préservation d’un environnement concurrentiel, l’argumentation des requérantes suppose que le maintien des mesures est de nature à créer des obstacles aux exportations des produits en cause en provenance de Russie vers le marché de l’Union. Or, il y a lieu de constater que des mesures antidumping, tant par leur objet que par l’effet recherché, doivent permettre, plutôt, de restaurer la concurrence au sein d’un marché donné en visant à éliminer les distorsions qui affectent celui-ci et qui résultent de pratiques de dumping. Il serait, dès lors, en principe, contraire aux buts de la réglementation antidumping que, après avoir établi l’existence ou la probabilité de continuation ou de réapparition d’un dumping causant un préjudice, les institutions renoncent, dans l’intérêt de l’Union, à imposer ou à maintenir des mesures antidumping, afin d’assurer une concurrence effective sur le marché de l’Union. En effet, une telle option risquerait plutôt de restreindre la concurrence sur ce marché en accordant un avantage supplémentaire aux exportateurs vendant des produits faisant l’objet d’un dumping, ce qui pourrait leur permettre d’évincer les producteurs de l’Union.

168    Par conséquent, il ne saurait être admis que, en l’espèce, le Conseil aurait dû conclure qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’Union de maintenir les mesures antidumping au seul motif qu’il aurait fallu préserver un environnement concurrentiel fiable, sans que cette notion soit autrement précisée.

169    Il résulte des points 146 à 168 ci-dessus que la première branche du troisième moyen du recours doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement dans l’évaluation de l’intérêt de l’Union

170    Les requérantes soutiennent que le Conseil a violé le principe d’égalité de traitement dans son évaluation de l’intérêt de l’Union, au motif que, parallèlement au règlement attaqué, il a clos une enquête dirigée contre la Biélorussie, qui exportait cinq fois plus des produits en cause, à un prix qualifié de plus bas par la plaignante, laquelle avait affirmé qu’il serait inutile de faire imposer des droits antidumping contre la Russie en l’absence de telles mesures contre la Biélorussie. De telles appréciations divergentes révéleraient l’incohérence du raisonnement du règlement attaqué quant à l’appréciation de l’intérêt de l’Union.

171    Il convient, une nouvelle fois, de rappeler que le principe d’égalité et de non-discrimination s’oppose à ce que, d’une part, des situations comparables soient traitées de manière différente et, d’autre part, des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt Acme/Conseil, point 29 supra, EU:T:1999:251, point 116 et jurisprudence citée).

172    Il doit être constaté que, eu égard à la large marge d’appréciation dont disposaient les institutions dans l’appréciation de l’intérêt de l’Union pour adopter la décision 2012/247/UE de la Commission, du 7 mai 2012, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, à l’exclusion de ceux en acier inoxydable, originaires de Biélorussie (JO L 121, p. 36), l’argumentation des requérantes ne démontre pas que cette décision était contraire au principe d’égalité de traitement.

173    En outre, il y a lieu de noter que le Conseil, en faisant valoir qu’il n’y a pas d’atteinte au principe de non-discrimination, au motif qu’il était tenu d’appliquer des critères différents, se réfère à l’objet de la décision qui devait être adoptée dans chacune des deux affaires en question. S’agissant des importations en provenance de Biélorussie, il convenait d’apprécier si la clôture de l’enquête après retrait de la plainte par l’industrie de l’Union était ou non dans l’intérêt de l’Union, alors que, dans la présente espèce, il convenait pour le Conseil, d’apprécier s’il était dans l’intérêt de l’Union de maintenir ou non des droits antidumping.

174    Ainsi, si l’évaluation de l’intérêt de l’Union concernait des importations de produits similaires, elle devait être, en réalité, effectuée dans des cadres différents. En vue d’adopter la décision 2012/247/UE, le Conseil devait s’interroger sur l’éventuel intérêt de l’Union à clore l’enquête. En vue de l’adoption du règlement attaqué, il devait déterminer s’il était dans l’intérêt de l’Union de maintenir les mesures antidumping faisant l’objet du réexamen à l’expiration. Dès lors, ainsi que le Conseil le fait valoir, les situations que les requérantes cherchent à comparer sont différentes.

175    Par suite, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, le moyen dans sa totalité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration, de l’obligation de motivation et des droits de la défense des requérantes

176    Le quatrième moyen du recours se divise en trois branches. Dans une première branche, les requérantes soutiennent que le Conseil a violé le principe de bonne administration et leurs droits de la défense, en ayant omis d’examiner les arguments qu’elles avaient avancés pendant l’enquête. Dans une deuxième branche, elles soutiennent que le Conseil n’a pas fourni une motivation suffisante pour justifier sa conclusion quant à la probabilité d’une réapparition du préjudice. Dans une troisième branche, elles sont d’avis que la Commission a violé le principe de bonne administration et leurs droits de la défense, en ayant fourni des informations aux États membres le 11 avril 2012 avant d’avoir reçu leurs observations et en ayant réuni le comité consultatif antidumping avant leur audition, qui a eu lieu six jours après la réunion.

177    Il y a lieu de relever d’emblée que, d’une part, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, comme c’est manifestement le cas lorsqu’il s’agit d’établir la probabilité de réapparition du préjudice en matière d’antidumping, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union peut vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, T‑122/09, EU:T:2011:46, point 75 et jurisprudence citée).

178    S’agissant du droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue, il y a lieu de souligner que l’article 20 du règlement n° 1225/2009 prévoit des modalités relatives à l’exercice du droit des parties concernées, notamment des exportateurs, à être entendues, lequel constitue un des droits fondamentaux reconnus par l’ordre juridique de l’Union et comporte le droit d’être informé des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander le maintien de droits antidumping définitifs (voir arrêt Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 76 et jurisprudence citée).

179    À cet égard, les entreprises concernées par une enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son appréciation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 77 et jurisprudence citée).

180    D’autre part, il convient d’observer que la Cour a jugé que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir d’une prétendue violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers, mais qui ont pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration, telles que celles relatives au respect du délai prévu pour l’établissement de l’ordre du jour provisoire d’une session du Conseil ou à la disponibilité de toutes les versions linguistiques d’un règlement le jour de son adoption (arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec, EU:C:1991:186, points 48 à 51, et Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 102).

181    Cela ne signifie pas, pour autant, qu’un particulier ne puisse jamais utilement invoquer la violation d’une règle régissant le processus décisionnel aboutissant à l’adoption d’un acte de l’Union. En effet, il convient de distinguer, parmi les dispositions régissant les procédures internes à une institution, celles dont la violation ne peut être invoquée par les personnes physiques et morales, parce qu’elles ne concernent que les modalités de fonctionnement interne de l’institution qui ne sont pas susceptibles d’affecter leur situation juridique, de celles dont la violation peut, au contraire, être invoquée, dès lors qu’elles sont créatrices de droits et facteur de sécurité juridique pour ces personnes (arrêt Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 103).

182    Ainsi, la méconnaissance d’une règle relative à la consultation d’un comité n’est susceptible d’entacher d’illégalité la décision finale de l’institution concernée que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle affecte, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de procédure. En effet, la consultation d’un comité constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de l’acte adopté à la suite de la consultation s’il est établi que l’absence de transmission de certains éléments essentiels n’a pas permis au comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir arrêt Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 104 et jurisprudence citée).

183    Tel n’est pas le cas lorsque les documents non transmis au comité, ou transmis tardivement, ne contiennent pas d’éléments d’appréciation importants, inédits par rapport à ceux figurant déjà dans le dossier communiqué au comité lors de la convocation. En effet, dans une hypothèse de ce type, l’absence de transmission ou le retard dans la transmission, par la Commission, d’un document n’a aucune incidence sur l’issue de la procédure de consultation. Dès lors, une telle omission n’est pas susceptible de vicier l’ensemble de la procédure administrative et de mettre ainsi en cause la légalité de l’acte final (voir arrêt Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 105 et jurisprudence citée).

184    Par ailleurs, la possibilité qu’une violation des dispositions régissant la consultation d’un comité affecte la légalité de l’acte finalement adopté n’est pas remise en cause par le caractère non contraignant de l’avis du comité (arrêt Zhejiang Xinshui Foods et Hubei Xinshui Foods/Conseil, point 177 supra, EU:T:2011:46, point 106).

185    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différentes branches du quatrième moyen.

 Sur la première branche du moyen, tirée de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense des requérantes pour défaut d’examen de leurs arguments

186    Selon les requérantes, les deux principes susmentionnés ont été violés pour deux raisons. Premièrement, le Conseil aurait omis d’examiner les arguments qu’elles ont avancés à plusieurs reprises pendant l’enquête concernant leur marché cible principal, les destinations des exportations russes, le niveau de leurs prix sur le marché de l’Union et sur d’autres marchés ainsi que le rachat d’une société roumaine leur permettant de fournir le marché de l’Union, le règlement attaqué ne comportant aucune référence directe ou indirecte aux observations des requérantes sur la probabilité de réapparition du dumping préjudiciable. Or, même si les requérantes ont fourni des informations détaillées sur les ventes hors de l’Union, il appartient, selon elles, aux institutions de l’Union de démontrer que les capacités de production inutilisées russes seront probablement vendues dans l’Union. Deuxièmement, le respect des droits de la défense des requérantes aurait été méconnu, au motif que le Conseil, auquel incombait une telle obligation, aurait omis de leur divulguer les faits et considérations essentiels de l’affaire, aucune information relative au calcul de la marge de dumping et de la sous-cotation ne leur ayant été fournie.

187    Le Conseil considère qu’il convient de rejeter cette argumentation.

188    Au préalable, il convient de rappeler qu’il résulte des points 31 à 37 ci-dessus que les requérantes n’ont pas coopéré à l’enquête, mais se sont bornées à participer à la procédure d’examen en tant que parties intéressées. C’est ainsi qu’elles ont produit différents documents, à savoir une lettre du 22 août 2011 comportant des développements sur l’absence de continuation ou de réapparition du préjudice à l’expiration des mesures antidumping, accompagné d’annexes, un module de présentation de leurs arguments lors d’une audition avec des représentants de la Commission, le 6 mars 2012, et des observations écrites présentées le 23 mars 2012 (voir points 31 et 37 ci-dessus). Elles ont également répondu au document d’information final par des observations présentées le 24 avril 2012.

189    En premier lieu, il convient de noter que, en ce qui concerne l’absence d’examen des arguments avancés pendant l’enquête, relatifs à leur marché cible principal, les destinations des exportations russes, le niveau de leurs prix sur le marché de l’Union et sur d’autres marchés ainsi que le rachat d’une société roumaine leur permettant de fournir le marché de l’Union, tant la violation du principe de bonne administration que celle du respect des droits de la défense sont invoquées.

190    En l’absence de toute référence dans le règlement attaqué à leurs observations présentées, le 24 avril 2012, en réponse au document d’information final, répétées lors de l’audition du 2 mai 2012, les requérantes considèrent que le Conseil n’a pas examiné avec toute la diligence et l’impartialité requises les éléments de preuve produits ni tenu compte de tous les éléments pertinents, méconnaissant par là le principe de bonne administration et leurs droits de la défense.

191    Sur ce point, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exigé que la motivation des règlements, actes de portée générale, spécifie les différents éléments de fait ou de droit, parfois très nombreux et complexes, qui font leur objet. Par conséquent, si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques qu’elle a opérés [arrêts Swedish Match Philippines/Conseil, point 97 supra, EU:T:1999:263, point 82, et Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, point 96 supra, EU:T:2002:213, point 66].

192    Or, il convient de constater que, s’agissant de l’argumentation relative aux destinations des importations russes présentée dans la lettre du 22 août 2011, il ressort des considérants 72 et 73 du règlement attaqué, qui figurent déjà dans le document d’information final avec le même contenu, que, sous un point 4.1.2.4, intitulé « Attrait du marché de l’Union et d’autres marchés tiers », le Conseil a évalué l’attrait des différents marchés mondiaux pour les produits faisant l’objet de dumping en considérant, notamment, que le marché de l’Union était l’un des plus importants au monde, qu’il continuait de croître et qu’il était évident, sur la base d’informations recueillies au cours de l’enquête, que les entreprises russes étaient très désireuses de renforcer leur présence sur l’un des plus grands marchés au monde et de conserver une part significative du marché de l’Union (voir point 99 ci-dessus). De plus, aucun autre argument n’a été présenté dans les observations du 24 avril 2012 sur le document d’information final. Ainsi qu’il ressort du point 100 ci-dessus, il convient de constater que le Conseil a pris en considération les marchés autres que celui de l’Union, puisque la motivation du règlement attaqué laisse apparaître que la constatation de l’importance du marché de l’Union a été opérée par une comparaison, certes sommaire, avec d’autres marchés.

193    S’agissant de l’argumentation relative aux prix à l’exportation de certains produits du groupe TMK vendus dans des pays de la CEI, il convient de constater que, en l’absence de coopération des requérantes à l’enquête et de toute information sur la réalité des prix pratiqués à l’exportation, de tels éléments ne peuvent pas être pris en compte. Au surplus, comme le fait valoir le Conseil en défense, une telle argumentation ne peut avoir d’influence particulière sur le raisonnement au terme duquel la probabilité de réapparition du préjudice a été établie. En effet, les prix à l’exportation sur les marchés des pays de la CEI, tels qu’ils ressortent de la présentation faite lors de l’audition du 6 mars 2012, ne concernent que quatre produits, dont la part dans le volume des exportations au regard du marché de l’Union n’est pas précisée. Enfin, cet aspect de l’affaire n’a pas été abordé par les requérantes dans leurs observations du 24 avril 2012 sur le document d’information final. Par suite, il n’était pas nécessaire au Conseil de répondre spécifiquement à ces arguments dans le règlement attaqué.

194    Enfin, en ce qui concerne les arguments relatifs à l’importance de la société TMK-Artrom dans l’approvisionnement du marché de l’Union par le groupe TMK, le Conseil a noté que les produits qui auraient été commercialisés par cette société ne représentaient qu’une partie des produits faisant l’objet d’un dumping et soumis au réexamen. Dès lors, à cet égard non plus, le Conseil n’était pas tenu de préciser spécifiquement son raisonnement dans le règlement attaqué.

195    Il ressort donc des points 192 à 194 ci-dessus que l’argument tiré d’une violation du principe de bonne administration doit être écarté.

196    En ce qui concerne la prétendue violation des droits de la défense des requérantes, il convient d’ajouter que ces dernières se sont vu notifier le document d’information final auquel elles ont eu la possibilité de répondre par la présentation d’observations et la tenue d’une audition. L’argumentation doit donc être également écartée sur ce point.

197    En second lieu, il suffit de constater que, en ce qui concerne l’argument selon lequel le Conseil aurait méconnu les droits de la défense des requérantes en ne leur fournissant aucune information relative au calcul de la marge de dumping et de la sous-cotation, le Conseil n’était pas tenu de communiquer les détails des calculs revendiqués, puisque, comme il est soutenu en défense, les requérantes n’ont aucunement contesté ces aspects de la procédure d’examen avant l’adoption du règlement attaqué, ni demandé leur communication.

198    Il résulte de ce qui précède que cet argument doit être écarté, ainsi que, partant, la première branche du quatrième moyen.

 Sur la deuxième branche du moyen, tirée d’une motivation insuffisante du règlement attaqué en ce qui concerne la probabilité d’une réapparition du préjudice

199    Principalement, les requérantes soutiennent que le Conseil n’a pas fourni une motivation suffisante pour justifier sa conclusion quant à la probabilité d’une réapparition du préjudice, puisqu’il n’a pas tenu compte de leurs arguments, démontrant que les capacités inutilisées de l’industrie russe ne créent pas de risque de réapparition du préjudice eu égard à l’attractivité d’autres marchés que celui de l’Union et portant sur les investissements opérés dans la société TMK-Artrom, ledit risque étant uniquement motivé, dans le règlement attaqué, par la circonstance que le marché de l’Union serait l’un des plus importants au monde et afficherait un niveau de prix attrayant.

200    Il découle de ce qui a été dit en réponse à la première branche du deuxième moyen (voir points 99 et 100 ci-dessus) et à la première branche du présent moyen (voir points 192 à 194 ci-dessus) que le règlement attaqué doit être considéré comme suffisamment motivé.

201    S’agissant des insuffisances de motivation plus spécifiques, critiquées par les requérantes, d’une part, il convient de rappeler que la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêts Petrotub et Republica/Conseil, point 96 supra, EU:C:2003:4, point 81, et Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, point 96 supra, EU:T:2002:213, point 65]. D’autre part, il y a lieu également de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec, EU:C:2005:768, point 26).

202    Or, il convient de constater que, si les requérantes relèvent une indication erronée quant à la part du marché de l’Union détenue par les importations russes des produits faisant l’objet de dumping aux considérants 48 et 71 du règlement attaqué, elles relèvent en réalité une erreur qui affecterait la légalité au fond de celui-ci, sans la démontrer.

203    En ce qui concerne les autres prétendues irrégularités relevées, premièrement, il y a lieu de constater que le point 4.1.2.4 du règlement attaqué comporte bien une appréciation de l’attrait des autres marchés tiers, puisque l’examen de la situation du marché de l’Union et de son attrait pour les exportateurs russes dans ce point dudit règlement a été effectué en prenant en considération les marchés autres que celui de l’Union, la motivation du considérant 73 laissant apparaître que la constatation de l’importance du marché de l’Union a été opérée par comparaison, certes sommaire, avec d’autres marchés. Quant au fait que le point 4.1.3.4, dans son intitulé, évoque l’attrait d’autres marchés tiers, il y a lieu d’indiquer qu’il s’agit d’une partie du règlement attaqué concernant la situation des importations sur le marché de l’Union en provenance d’Ukraine et que, dès lors, une telle constatation reste sans incidence sur la situation des requérantes.

204    Deuxièmement, le fait que le renvoi opéré par le considérant 90 du règlement attaqué au considérant 88 dudit règlement soit erroné ne peut être constitutif d’une insuffisance de motivation, puisque, comme le Conseil le fait valoir, il s’agit d’une erreur de plume, le considérant 89 étant en réalité visé. Or, le caractère suffisant de la motivation d’un acte ressortant du contexte de celui-ci, il en est de même de la motivation d’une disposition ou d’une considération spécifique d’un acte, qui trouve appui dans le contenu des autres dispositions ou considérations dans lesquelles elle s’insère.

205    Troisièmement, l’éventuelle contradiction entre les considérants 91 et 92 du règlement attaqué quant aux conclusions tirées de l’évaluation des conditions de concurrence dans les trois pays faisant l’objet de l’enquête ne saurait avoir d’incidence sur le caractère suffisant de la motivation dudit règlement. Certes, au considérant 91, il est conclu que les produits en cause importés des trois pays soumis à enquête et ceux fabriqués dans l’Union sont des produits concurrents, alors que, au considérant 92, il est conclu que, les critères énoncés par l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 n’étant pas remplis dans le cas de la Croatie, en particulier les conditions de concurrence entre les produits importés, les importations en provenance de ce pays ont été examinées individuellement. Cependant, par le considérant 92 du règlement attaqué, le Conseil conclut qu’il n’y a pas lieu de cumuler les importations des produits en cause en provenance de Croatie avec les importations russes et ukrainiennes des mêmes produits au motif, clairement exposé au considérant 90, que les importations en provenance de ce pays sont négligeables. Dès lors, l’éventuelle contradiction invoquée n’a aucune incidence sur la conclusion du considérant 92 du règlement attaqué.

206    Quatrièmement, il convient de parvenir à la même conclusion quant à la seconde contradiction affectant prétendument le considérant 92 du règlement attaqué, cette fois-ci en combinaison avec le considérant 90. Il résulte de ce qui vient d’être dit que la condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009 que le Conseil a estimé non remplie est celle tenant au volume négligeable des importations de produits en cause en provenance de Croatie.

207    Cinquièmement, les requérantes relèvent le fait que le considérant 123 du règlement attaqué renvoie à tort aux considérants 69, 70, 77 et 78 pour l’exposé des explications au vu desquelles le Conseil a considéré que les producteurs-exportateurs russes et ukrainiens avaient la possibilité d’accroître sensiblement le volume de leurs exportations à destination du marché de l’Union. Les considérants 66 à 74 du règlement attaqué concernent la situation de la production russe. Il est clair que, au considérant 123 du règlement attaqué, le Conseil s’est trompé et aurait dû faire référence aux considérants 70 et 71, qui traitent de la question des capacités de production russes inutilisées. Les considérants 75 à 81 du règlement attaqué concernent la situation de la production ukrainienne. Il est également clair que le Conseil s’est trompé au considérant 123 du règlement attaqué, puisqu’il aurait dû viser les considérants 78 et 79. Néanmoins, le caractère suffisant de la motivation d’un acte ressortant du contexte de celui-ci, il ne saurait être soutenu que les erreurs commises par le Conseil, mineures au demeurant, constituent une insuffisance de motivation pour incohérence, puisqu’il est aisé de comprendre le raisonnement suivi dans les parties du règlement attaqué dans lesquelles s’insèrent les considérants auxquels il est renvoyé au considérant 123.

208    Sixièmement, les requérantes relèvent une contradiction entre les considérants 121 et 130 du règlement attaqué d’une part et le considérant 125 d’autre part. Dans l’analyse de la situation de l’industrie de l’Union, le Conseil a estimé, au considérant 121 du règlement attaqué, que la situation économique et financière de l’industrie de l’Union s’était améliorée après l’adoption du règlement n° 954/2006, concluant que les mesures ainsi instituées avaient été efficaces et que l’industrie de l’Union s’était remise des pratiques de dumping antérieures. Au considérant 130 du règlement attaqué, le Conseil a constaté que l’industrie de l’Union était structurellement viable au vu de l’évolution positive de sa situation économique. Enfin, au considérant 125 du règlement attaqué, le Conseil a estimé que le rétablissement de l’industrie de l’Union ne pouvait pas être considéré comme achevé, eu égard notamment au fait que, jusqu’en 2009, les parts de marchés détenues par les trois pays soumis à droits antidumping par le règlement n° 954/2006 avaient été prises par des importations en provenance de Chine, et que ladite industrie restait vulnérable aux préjudices susceptibles de réapparaître. De telles considérations ne sont aucunement contradictoires, mais montrent, au contraire, la logique des conclusions du Conseil quant aux conséquences de la probabilité de réapparition d’un préjudice en raison des importations des produits faisant l’objet d’un dumping en provenance de Russie et d’Ukraine. En réalité, l’amélioration de la situation de l’industrie de l’Union et sa viabilité n’interdisent pas de considérer que celle-ci reste toutefois vulnérable en cas de probabilité de réapparition d’un préjudice.

209    Par suite, il convient d’écarter la deuxième branche du quatrième moyen.

 Sur la troisième branche du moyen, tirée d’une violation du principe de bonne administration et des droits de la défense des requérantes, en raison du caractère prématuré de la fourniture d’informations aux États membres et de la réunion du comité consultatif antidumping

210    Les requérantes estiment que la Commission a violé le principe de bonne administration et leurs droits de la défense, en ayant fourni des informations sur l’affaire aux États membres le 11 avril 2012 avant d’avoir reçu leurs propres observations et en ayant consulté le comité consultatif antidumping avant leur audition, qui a eu lieu six jours après la réunion du comité. Selon elles, il ne peut être exclu que les documents non transmis au comité aient contenu des éléments d’appréciation importants devant être pris en considération, notamment s’agissant de l’absence d’examen de certains de leurs arguments par le document d’information final, relevée dans leurs observations du 24 avril 2012. Les requérantes considèrent, dès lors, qu’elles n’ont pas été mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue.

211    Les requérantes relèvent que les membres du comité antidumping n’ont disposé que d’un délai inférieur à un jour ouvré pour examiner les informations envoyées par la Commission, ce qui est insuffisant. Les requérantes estiment qu’il ne peut être exclu que le comité antidumping eût modifié sa position s’il avait disposé de leurs observations formulées par écrit et oralement.

212    Si la consultation d’un comité peut constituer une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de l’acte adopté à la suite de la consultation s’il est établi que l’absence de transmission de certains éléments essentiels n’a pas permis au comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir la jurisprudence citée au point 177 ci-dessus), tel n’est pas le cas lorsque les documents non transmis au comité, ou transmis tardivement, ne contiennent pas d’éléments d’appréciation importants, inédits par rapport à ceux figurant déjà dans le dossier communiqué au comité lors de la convocation. En effet, dans une hypothèse de ce type, l’absence de transmission ou le retard dans la transmission, par la Commission, d’un document n’a aucune incidence sur l’issue de la procédure de consultation et n’est donc pas susceptible de vicier l’ensemble de la procédure administrative et de mettre ainsi en cause la légalité de l’acte final (voir la jurisprudence citée au point 183 ci-dessus).

213    S’agissant du déroulement de la phase finale de la procédure de réexamen à l’expiration des mesures antidumping, il est constant que, le 4 avril 2012, les requérantes ont reçu le document d’information final, qui leur fixait le 24 avril 2012 comme date limite de dépôt de leurs observations, qu’elles ont demandé, le 12 avril 2012, une audition auprès du conseiller-auditeur, qui a eu lieu le 2 mai 2012, après qu’elles ont refusé les dates proposées par celui-ci, à savoir les 23, 24 ou 25 avril 2012. Cette dernière information, présentée par le Conseil en défense, n’est pas contestée par les requérantes. Le 26 avril 2012, la Commission a recueilli l’avis du comité consultatif antidumping prévu à l’article 15 du règlement n° 1225/2009 sur sa proposition de droits antidumping définitifs (voir point 8 ci-dessus).

214    Par ailleurs, le Conseil soutient, sans être contredit, que la Commission a transmis au comité consultatif antidumping les observations des requérantes du 24 avril 2012 par deux notes distinctes, la première avant que le comité ne se réunisse et la seconde après l’audition des requérantes par le conseiller-auditeur. Les parties conviennent que le comité consultatif antidumping n’a disposé que d’un jour ouvrable pour consulter le contenu des observations du 24 avril 2012, les requérantes ne contestant pas, par ailleurs, la remarque du Conseil suivant laquelle l’audition du 2 mai 2012 n’aurait contenu aucune observation nouvelle.

215    Or, à la lecture des observations du 24 avril 2012, il convient de constater que les requérantes ont abordé des questions sur lesquelles elles n’avaient pas encore formulé d’observations, comme la situation de l’industrie de l’Union, la durée d’application des mesures antidumping, la différence de traitement entre les importations croates et les importations russes et la clôture de l’enquête concernant les importations des produits en cause originaires de Biélorussie. Cependant, il y a également lieu de constater que les éléments nouveaux figurant dans les observations du 24 avril 2012 sont relativement brefs, à peine cinq pages, et peu étoffés. À l’instar du Conseil, il y a lieu de considérer que le comité consultatif antidumping a été en mesure de prendre connaissance de leur teneur et d’apprécier leur portée quant à l’appréciation de la probabilité de réapparition du préjudice en un jour ouvrable. En effet, la plupart des remarques faites dans les observations du 24 avril 2012, sauf celles concernant la clôture de l’enquête pour les importations biélorusses, consistent en des critiques de considérations exposées dans le projet de règlement, dont le comité avait déjà pris connaissance, formulées à la lumière des règlements précédents ou de la pratique de la Commission. Ces remarques ne comportent aucun élément nouveau sur la situation des importations du groupe TMK ou sur les incidences sur la détermination du préjudice de certains aspects de ces importations. S’agissant des remarques relatives aux importations biélorusses, il convient de rappeler que, pour les motifs exposés aux points 171 à 175 ci-dessus, elles ne sont pas pertinentes pour déterminer si le règlement que le Conseil envisageait alors de prendre devait conclure ou non à une probabilité de réapparition du préjudice.

216    Dans le respect de la jurisprudence rappelée aux points 211 et 212 ci-dessus, il convient de constater que les éléments communiqués en réponse au document d’information final ne constituent pas des éléments d’information importants, susceptibles d’avoir placé le comité consultatif antidumping en situation de ne pas rendre son avis en pleine connaissance de cause en raison du bref délai pour les examiner. La consultation du comité n’est dès lors pas entachée d’illégalité.

217    Enfin, s’il est vrai que l’audition des requérantes par le conseiller-auditeur a eu lieu postérieurement à la réunion du comité consultatif antidumping, une telle circonstance n’est pas, en l’espèce, de nature à avoir placé le comité consultatif antidumping en situation de ne pas rendre son avis en pleine connaissance de cause, puisqu’il ressort du compte rendu de l’audition, rédigé par le conseiller-auditeur et non contesté par les requérantes, qu’aucun argument nouveau n’avait été soulevé par ces dernières lors de l’audition.

218    Il suit de là que la troisième branche du quatrième moyen doit être écartée, ainsi que, partant, le moyen dans sa totalité.

219    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

220    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

221    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions et les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En l’espèce, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Volžskij trubnyi zavod OAO (VTZ OAO), Taganrogskij metallurgičeskij zavod OAO (Tagmet OAO), Sinarskij trubnyj zavod OAO (SinTZ OAO) et Severskij trubnyj zavod OAO (STZ OAO) supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2015 .

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.