Language of document : ECLI:EU:T:2011:346

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 juillet 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative TOP CRAFT – Marques nationales figuratives antérieures Krafft – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] – Usage sérieux des marques antérieures – Article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009) et règle 22 du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑374/08,

Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes N. Lützenrath, U. Rademacher, L. Kolks et C. Fürsen, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. R. Pethke, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Illinois Tools Works, Inc., établie à Glenview (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 25 juin 2008 (affaire R 952/2007‑2), relative à une procédure d’opposition entre Illinois Tools Works, Inc. et Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 septembre 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2008,

à la suite de l’audience du 1er mars 2011,

vu les observations écrites soumises par les parties au greffe du Tribunal les 11 et 15 mars 2011,

à la suite de la clôture de la procédure orale intervenue le 24 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 octobre 2003, Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1 et 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, à la photographie, ainsi qu’à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture ; résines artificielles à l’état brut, matières plastiques à l’état brut ; engrais pour les terres ; compositions extinctrices ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; produits chimiques destinés à conserver les aliments ; matières tannantes ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie » ; 

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 12/2005, du 21 mars 2005.

5        Le 20 juin 2005, l’opposante, Krafft SA, devenue Illinois Tools Works, Inc., a formé une opposition au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 41, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée, en invoquant un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur cinq marques espagnoles figuratives, reproduites ci-après, enregistrées pour certains produits relevant des classes 1 et 3,

–        sous les numéros 333908, 1067077 et 1160482,

Image not found

–        sous les numéros 1924081 et 1942082,

Image not found

7        Par décision du 29 mai 2007, la division d’opposition a fait droit à l’opposition au motif qu’il existait un risque de confusion sur le territoire espagnol pour les produits suivants :

–        classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie » ; 

–        classe 3 : « Préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ».

8        Le 21 juin 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 25 juin 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a pour partie rejeté et pour partie accueilli le recours.

10      Concernant l’usage sérieux, la chambre de recours a constaté qu’une des déclarations sous serment présentées par l’opposante mentionnait des chiffres d’affaires et des dépenses publicitaires très élevés pour les produits couverts par les marques antérieures. Par ailleurs, rien n’indiquerait que les marques antérieures ne représentent qu’une raison sociale lorsqu’elles apparaissent en haut des factures et des grilles de tarifs fournies. En outre, même si les catalogues fournis ne révélaient pas par eux-mêmes l’étendue d’une distribution, le volume de ventes et l’année concernée, ces informations se trouveraient dans d’autres documents. Enfin, les preuves fournies suffiraient à démontrer que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage sérieux en Espagne quant à une partie des produits, et ces preuves témoigneraient d’une activité économique de l’opposante fondée sur lesdites marques pendant une période relativement longue (points 19 à 23 de la décision attaquée).

11      La chambre de recours a précisé que les marques antérieures avaient été enregistrées pour les titres des classes 1 et 3 comprenant des catégories de produits suffisamment vastes pour que puissent être distinguées en leur sein différentes sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome. Or, la preuve de l’usage sérieux desdites marques n’aurait été apportée que pour une partie des produits relevant d’une large catégorie de produits susceptible de comprendre différentes sous-catégories autonomes. Ainsi, les preuves fournies permettraient de prouver l’usage sérieux des « produits de nettoyage et d’entretien, qui comprennent notamment les lubrifiantes, liquides de refroidissement et de freinage pour motocyclettes et voitures ; adhésifs, colles ; détergents, produits de nettoyage des freins ; graisses ; dégrippants ; désodorisants pour voitures ; balais d’essuie-glace ; shampoings ; cires ; sprays nettoyants, produits de nettoyage des mains ; brosses ; éponges ; matériel de soudure, de scellage et d’imperméabilisation ; antioxydants ; peintures et autres types de matériaux de construction ». En revanche, selon la chambre de recours, tel n’est pas le cas des « produits de nettoyage de plantes » et, s’agissant des « produits pour éliminer les insectes », cette preuve n’a été apportée « que pour l’usage qui en est fait en association avec des voitures et d’autres véhicules et dans l’industrie de bâtiment » (points 24 à 27 de la décision attaquée).

12      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté que celui-ci était composé de consommateurs moyens et de professionnels vivant en Espagne (point 31 de la décision attaquée).

13      S’agissant des « produits chimiques destinés à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture », relevant de la classe 1, la chambre de recours a relevé que les produits de la requérante ne présentaient aucune similitude avec les produits de l’opposante et que, par conséquent, ils devaient être considérés comme dissemblables (point 34 de la décision attaquée). En revanche, en ce qui concerne les « préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie », relevant de la classe 1, ainsi que les « préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons », relevant de la classe 3, la chambre de recours a considéré, en substance, que ces produits étaient très similaires, voire identiques (points 35 à 37 de la décision attaquée).

14      Dans le cadre de son appréciation du risque de confusion, s’agissant de l’aspect visuel, la chambre de recours a considéré que l’élément TOP était susceptible d’être compris par le public pertinent comme désignant « la meilleure partie » et que, partant, cet élément ne possédait qu’un faible caractère distinctif. En outre, elle a estimé que l’élément CRAFT était très semblable à l’élément Krafft (point 39 de la décision attaquée). Concernant les éléments figuratifs, la chambre de recours a relevé que, même si ces éléments de différenciation des marques en conflit ne pouvaient être ignorés, les consommateurs auraient tendance, dans le cas de marques complexes, à retenir davantage les éléments verbaux que les éléments figuratifs. En l’espèce, les éléments figuratifs seraient très probablement perçus comme étant des caractéristiques purement décoratives ou ornementales, liées aux produits en question, plutôt que comme des éléments indiquant l’origine commerciale desdits produits (point 41 de la décision attaquée).

15      S’agissant de l’aspect phonétique, la chambre s’est ralliée à la considération de la division d’opposition selon laquelle, conformément aux règles de prononciation de la langue espagnole, les mots « krafft » et « craft » sont presque identiques. En outre, le mot « top » serait « presque entièrement, voire complètement dépourvu de caractère distinctif, et n’aura pas [d’]impact fort sur le public » pertinent (point 42 de la décision attaquée).

16      S’agissant de la similitude conceptuelle, la chambre de recours a entériné la conclusion de la division d’opposition selon laquelle « les mots ‘K[rafft]’ et ‘CRAFT’ [étaient] dépourvus d’une signification claire aux yeux du public pertinent » et « [l]a notion ‘TOP’ ne constitu[ait] pas un facteur décisif pour établir une différence entre les marques [en conflit] du fait du caractère extrêmement banal et élogieux de ce mot » (point 43 de la décision attaquée).

17      En substance, la chambre de recours a conclu que, en ce qui concerne les « préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie », relevant de la classe 1, et les « préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons », relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice, il existait un risque de confusion entre les marques en conflit (point 45 de la décision attaquée). En revanche, aucun risque de confusion n’existerait quant aux « produits chimiques destinés à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture », relevant de la classe 1, les produits de l’opposante n’étant pas similaires. Dès lors, elle a annulé la décision de la division d’opposition en ce que celle-ci avait conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit concernant ces derniers produits.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci entérine la décision de la division d’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a précisé à l’audience que sa demande d’annulation ne visait que la partie de la décision attaquée ayant entériné la décision de la division d’opposition, qui avait fait droit à l’opposition formée par l’opposante, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

20      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

 Résumé des moyens d’annulation

21      À l’appui de son chef de conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, la requérante invoque deux moyens.

22      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 [devenu article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009] en combinaison avec la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, au motif que la chambre de recours aurait erronément considéré que l’opposante avait démontré l’usage sérieux des marques antérieures.

23      Le second moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce que la chambre de recours aurait dû conclure à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur l’absence d’usage sérieux des marques antérieures

24      Conformément à la notion d’usage sérieux, telle qu’elle ressort de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, lu à la lumière du neuvième considérant dudit règlement (devenu considérant 10 du règlement n° 207/2009), et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, la ratio legis de l’exigence pour la marque antérieure d’avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique découlant d’une fonction effective de la marque sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, points 36 à 38, et la jurisprudence qui y est citée].

25      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. À cet égard, la condition relative à l’usage sérieux exige que la marque, telle que protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, points 37 et 43, et arrêt VITAFRUIT, point 24 supra, point 39).

26      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services couverts par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir, par analogie, arrêts Ansul, point 25 supra, point 43, et VITAFRUIT, point 24 supra, point 40).

27      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, point 24 supra, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35]. La question de savoir si un usage est quantitativement suffisant pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services couverts par la marque dépend de plusieurs facteurs et d’une appréciation cas par cas [arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, Anheuser-Busch/OHMI – Budějovický Budvar (BUDWEISER), T‑191/07, Rec. p. II‑691, point 103].

28      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de produits vendus sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en liaison avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il a été précisé qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (voir, en ce sens, arrêts VITAFRUIT, point 24 supra, point 42, et HIPOVITON, point 27 supra, point 36).

29      Pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut avant tout vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, point 42, et du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH), T‑86/07, non publié au Recueil, point 47].

30      Il y a également lieu de rappeler que la règle 22, paragraphe 4, du règlement n° 2868/95, relative aux pièces justificatives pouvant être produites aux fins de prouver l’usage de la marque, évoque notamment les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement, visées à l’article 76, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 40/94 (devenu article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009). Ainsi, des déclarations sous serment ayant un caractère probant en vertu de la législation nationale constituent, en principe, des moyens de preuve recevables dans le cadre de la procédure d’opposition [arrêts du Tribunal Salvita, point 29 supra, points 40 et 41, et du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, non publié au Recueil, point 88, et DEITECH, point 29 supra, point 46].

31      En l’espèce, la requérante invoque plusieurs erreurs commises par la chambre de recours dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux des marques antérieures. Les preuves fournies, dans leur ensemble, ne seraient pas de nature à prouver un tel usage sérieux au cours de la période pertinente. En particulier, les déclarations sous serment soumises par l’opposante n’auraient qu’une valeur probante très limitée, dès lors qu’elles ne proviennent pas d’une personne privée tierce, mais d’une personne agissant en tant que représentant légal de l’entreprise de l’opposante, ce qui serait confirmé par le fait que ces déclarations portent le cachet de cette entreprise.

32      L’opposante a soumis deux déclarations sous serment de son directeur financier, M. S., qui portent son cachet d’entreprise et la signature dudit directeur. La première déclaration contient des indications sur les chiffres des ventes réalisées au cours de la période allant de 1999 à 2004, en ce qui concerne différentes catégories de produits couverts par les marques antérieures, mais non des indications sur des produits spécifiques. La seconde déclaration contient des informations sur le montant des dépenses de publicité encourues par l’opposante pour promouvoir les marques antérieures en Espagne durant la période allant de 2000 à 2004.

33      Selon la requérante, l’apposition du cachet d’entreprise signifie que le directeur financier a signé ces déclarations en sa seule qualité de représentant légal de l’opposante et que, partant, leur force probante s’en trouve substantiellement affectée.

34      Cet argument ne saurait être accueilli.

35      Le cachet d’entreprise en tant que tel n’est pas susceptible de vider ces déclarations sous serment de toute valeur probante. Même à considérer qu’une déclaration provenant d’un directeur ou d’un employé de l’entreprise intéressée n’ait pas le même caractère fiable et crédible que celle d’une personne tierce ou indépendante de cette entreprise, le seul fait que cette déclaration porte ou non son cachet n’a pour effet ni d’augmenter ni de baisser sa fiabilité et sa crédibilité. Il n’en demeure pas moins qu’une telle déclaration est faite par la personne concernée à titre personnel, en apposant sa signature, et sous la foi du serment, ce qui est susceptible d’entraîner, en cas de fausse déclaration, des conséquences pénales pour son auteur en droit national. Dès lors, les déclarations sous serment en cause disposent d’une valeur probante, dont le Tribunal est tenu de tenir compte dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux des marques antérieures, même si lesdites déclarations ne sont pas suffisantes à elles seules et doivent être étayées par des éléments complémentaires permettant de corroborer la durée et l’importance de cet usage (voir, en ce sens, arrêts Salvita, point 29 supra, points 43 à 46, et DEITECH, point 29 supra, point 50).

36      En l’espèce, ainsi que l’a correctement considéré la chambre de recours, la force probante des déclarations sous serment est renforcée par des documents permettant de corroborer la durée et l’importance de l’usage des marques antérieures. Parmi ces documents se trouvent, en nombre suffisant, des copies de contrats de sponsorisation conclus en 1998 et 2000 entre l’opposante et la Real Sociedad de Fútbol, SAD couvrant les saisons de football de 1998 à 2003, des copies de brochures et de catalogues présentant les produits des marques antérieures, des copies des comptes annuels et du rapport de gestion pour les années 1999 à 2003, une copie d’un rapport préliminaire établi par un consultant concernant la situation financière de l’opposante pour l’année 1999, 18 factures émises par l’opposante entre 2001 et 2005 contenant des indications sur les produits en cause, y compris le lieu, la date, la nature, leur volume et l’importance de leur usage, et des listes de prix de 1998 à 2001 et de 2003 à 2005.

37      Il convient d’ajouter que les preuves visées aux points 32 et 36 ci-dessus couvrent la totalité des produits en cause (voir point 17 ci-dessus) – à savoir, les « préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; […] adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie », relevant de la classe 1, et les « préparations pour nettoyer, polir, dégraisser ; abraser et savons », relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice – et datent, tel qu’exigé par l’article 43, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 207/2009), de la période de cinq ans précédant la demande d’enregistrement.

38      Eu égard à l’ensemble des preuves fournies, il convient de conclure que la chambre de recours a considéré à juste titre que la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures a été apportée pour tous les produits en cause.

39      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le risque de confusion entre les marques en conflit

 Généralités

40      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Ce risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 207/2009], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans la Communauté, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

41      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion au sens de la disposition précitée le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, point 30, et la jurisprudence qui y est citée].

42      L’appréciation du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent dépend de nombreux facteurs et doit se faire globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants (voir arrêts de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, points 34 et 35, et du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, points 59 et 60, et la jurisprudence qui y est citée). En outre, elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI et Cornu, C‑108/07 P, non publié au Recueil, points 44 et 45 ; arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 41].

43      Par ailleurs, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit ainsi qu’une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, point 51, et du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 48 ; arrêt easyHotel, point 42 supra, point 42).

44      Dans le cadre de cet examen, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 42 supra, points 41 et 42 ; du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, points 42 et 43, et Aceites del Sur-Coosur/Koipe, point 42 supra, points 61 et 62).

45      Enfin, il a été jugé que, si les marques en conflit, prises isolément, ne présentent pas le degré minimal de similitude requis pour qu’un risque de confusion puisse être établi sur la base du seul caractère distinctif élevé de la marque antérieure ou encore de la seule identité des produits couverts par cette dernière et de ceux couverts par la marque dont l’enregistrement a été demandé, l’opposition doit être rejetée, sans que le principe d’interdépendance dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion s’y oppose (voir, en ce sens, arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, point 43 supra, points 50 et 51).

46      En l’espèce, la requérante conteste que les marques en conflit présentent un risque de confusion. En revanche, selon l’OHMI, en substance, s’il est exact que les signes en conflit présentent de claires différences visuelles en raison de l’élément figuratif et verbal TOP, les éléments Krafft et CRAFT ont une certaine similitude visuelle. En outre, sur le plan phonétique, ces derniers éléments seraient identiques et le mot « top » ne serait compris que comme précisant le mot « craft ». En effet, étant donné que le public espagnol comprendrait le mot « top » au sens du mot anglais « top », à savoir « de premier choix », cet élément, même à le supposer dominant du point de vue visuel, n’aurait qu’un caractère distinctif faible.

47      À titre liminaire, il y a lieu de relever que ni la requérante ni l’OHMI ne remettent en cause le fait que les produits concernés, à savoir les « préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie » et les « préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons », pour lesquels les marques en conflit sont respectivement demandées et/ou enregistrées, sont soit identiques, soit similaires. En l’absence d’indication contraire ressortant du dossier, il convient de considérer que la similitude, voire l’identité, des produits en cause est établie.

48      En outre, n’est pas non plus remis en cause par les parties le constat figurant au point 31 de la décision attaquée, selon lequel le public pertinent dans le cas d’espèce est composé de consommateurs moyens et professionnels en Espagne. Les marques antérieures étant enregistrées en Espagne, cette définition du public pertinent est dépourvue d’erreur, et il y a lieu de la retenir aux fins de la comparaison des marques en conflit.

 Sur la similitude visuelle des marques en conflit

49      S’agissant de la comparaison visuelle des marques en conflit, il y a lieu de relever que, certes, les éléments Krafft et CRAFT présentent une certaine similitude. Néanmoins, contrairement à ce que constate la chambre de recours au point 39 de la décision attaquée, cette similitude n’est pas déterminante pour l’impression visuelle globale que le public pertinent retiendra desdites marques.

50      En l’espèce, il existe plusieurs différences visuelles perceptibles entre les éléments verbaux des signes en conflit, à savoir, premièrement, la différence entre les lettres majuscules « K » et « C », deuxièmement, la présence du double « f » dans les marques antérieures, troisièmement, le fait que l’élément CRAFT est constitué de lettres plus modernes et plus arrondies par rapport aux lettres gothiques et anguleuses de l’élément Krafft et, quatrièmement, le fait que ce dernier élément, hormis sa première lettre, est écrit en minuscules et l’élément CRAFT en majuscules. Concernant la différence entre les lettres majuscules « K » et « C », il convient de préciser que la lettre « k » n’est que très rarement utilisée en langue espagnole et a, par conséquent, un caractère distinctif relativement fort, qui est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur moyen espagnol. De surcroît, la typographie gothique, qui n’est plus usuelle en Espagne depuis plusieurs siècles, a un aspect non seulement ancien, mais également plutôt exotique pour le public espagnol.

51      Par ailleurs, ainsi que l’a reconnu la jurisprudence, lorsqu’un signe consiste à la fois en des éléments figuratifs et en des éléments verbaux, il ne s’ensuit pas automatiquement que l’élément verbal revêt un caractère dominant [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI – Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, Rec. p. II‑4837, point 45], étant donné que, dans le cas d’une marque complexe, l’élément figuratif peut détenir une place au moins équivalente à celle de l’élément verbal [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 53, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sanchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié au Recueil, point 55]. De même, le fait qu’il faille attribuer à un élément d’une marque complexe un caractère distinctif faible n’implique pas nécessairement que ledit élément ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [arrêts du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 20, et du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 54].

52      Ainsi, dans le cadre de l’appréciation visuelle d’ensemble des signes en conflit, il y a lieu de tenir compte des différents éléments figuratifs de chacun desdits signes. La marque demandée est composée de trois éléments distincts, à savoir l’élément verbal TOP, l’élément verbal CRAFT et un élément exclusivement figuratif, un triangle bleu bordé de jaune, de noir et de rouge. En revanche, les marques antérieures enregistrées sous les numéros 333 908, 1 076 077 et 1 160 482 sont noires et dépourvues d’éléments figuratifs additionnels, alors que les marques antérieures enregistrées sous les numéros 1 924 081 et 1 924 082 sont composées de deux éléments figuratifs supplémentaires, à savoir un carré rouge contenant l’élément Krafft et un carré bleu de la même taille placé en dessous du carré rouge. En outre, la couleur jaune est exclusivement utilisée pour la marque demandée et non pour les marques antérieures. Il s’ensuit que tant les couleurs que les éléments figuratifs des marques en conflit se distinguent nettement les uns des autres.

53      S’agissant plus particulièrement de l’élément TOP, il y a lieu de souligner qu’il est graphiquement mis en évidence par la vivacité des couleurs jaune et rouge, qui contrastent avec la couleur blanche de l’élément CRAFT. De surcroît, l’élément TOP est représenté en lettres de dimension nettement plus grande que celles de l’élément CRAFT et est superposé à ce dernier, voire le domine. Enfin, la lettre « o » de l’élément TOP est d’une dimension plus importante que celle des deux autres lettres dudit élément. Ces caractéristiques figuratives de l’élément TOP, prises dans leur ensemble, sont donc susceptibles de plus attirer l’attention du consommateur moyen espagnol que l’élément CRAFT et, partant, de dominer, aux yeux dudit consommateur, l’impression visuelle globale produite par la marque complexe demandée.

54      Dès lors, ne saurait être accueillie la thèse de la chambre de recours selon laquelle les éléments figuratifs de la marque demandée seraient très probablement perçus comme des caractéristiques purement décoratives ou ornementales, liées aux produits en question, plutôt que comme des éléments indiquant l’origine commerciale desdits produits (point 41 de la décision attaquée). En effet, étant donné que, premièrement, les éléments Krafft et CRAFT présentent des différences visuelles perceptibles, deuxièmement, la marque demandée comprend un second élément, TOP, graphiquement mis en évidence, troisièmement, la marque demandée est composée d’un triangle bleu, jaune, noir et rouge encadrant les éléments TOP et CRAFT et, quatrièmement, les couleurs utilisées se distinguent nettement de celles des marques antérieures, les signes en conflit présentent, aux yeux du consommateur moyen espagnol, des différences importantes du point de vue visuel. Cette appréciation s’applique à plus forte raison à la comparaison entre la marque demandée et les marques enregistrées sous les numéros 1924081 et 1942082, qui sont composées de deux éléments figuratifs distinctifs supplémentaires, à savoir les carrés rouge et bleu superposés.

 Sur la similitude phonétique des marques en conflit

55      S’agissant de la similitude phonétique, il y a lieu de constater que les éléments CRAFT et Krafft sont très similaires, voire identiques, les deux « f » de l’élément Krafft n’entraînant pas une différence phonétique perceptible [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 55]. Toutefois, les marques antérieures ne contiennent qu’un seul élément verbal, Krafft, composé d’une syllabe, alors que la marque demandée comprend deux éléments, à savoir TOP et CRAFT.

56      En outre, même dans le cadre de l’appréciation de l’aspect phonétique d’une marque, il convient de tenir compte de l’interdépendance de ses aspects visuels et phonétiques. Dans le cas d’une marque complexe comprenant des éléments verbaux, ces derniers peuvent, en fonction de leurs particularités graphiques, avoir un impact visuel plus ou moins accentué. Ainsi, dans le cas où une telle marque se compose de plusieurs éléments verbaux, il n’est pas exclu que certains d’entre eux soient susceptibles, par exemple à cause de leur taille, de leur couleur ou de leur position, d’attirer davantage l’attention du consommateur, de sorte que ce dernier, devant désigner oralement la marque, sera amené à prononcer uniquement ces éléments et à négliger les autres. L’impression visuelle induite par les particularités graphiques des éléments verbaux d’un signe complexe est donc susceptible d’influencer la perception phonétique du signe [arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Creative Technology/OHMI – Vila Ortiz (PC WORKS), T‑352/02, Rec. p. II‑1745, point 44].

57      En l’espèce, la complexité de la marque demandée résulte de l’existence de plusieurs éléments figuratifs et verbaux, dont ceux caractérisant l’élément TOP, qui est graphiquement mis en évidence par sa taille, par ses couleurs et par sa position dominante par rapport à l’élément CRAFT. L’élément TOP attirant ainsi l’attention du consommateur moyen espagnol, celui-ci sera nécessairement amené à le prononcer avec l’élément CRAFT. Dès lors, c’est de manière erronée que la chambre de recours considère que, du point de vue phonétique, l’élément TOP n’aura pas d’impact sensible sur le public pertinent.

58      Il s’ensuit que, du point de vue phonétique, bien qu’il faille constater une similitude entre les éléments CRAFT et Krafft, la marque demandée présente des différences perceptibles par rapport aux marques antérieures.

 Sur la similitude conceptuelle des marques en conflit

59      S’agissant de la similitude conceptuelle, il est constant que ni l’élément CRAFT ni l’élément Krafft n’ont une signification sémantique précise pour le public espagnol. Inversement, il en résulte que, dans le cadre de l’appréciation conceptuelle, le poids relatif de l’élément TOP se voit renforcé.

60      À cet égard, la chambre de recours a considéré que le consommateur espagnol moyen comprendra l’élément TOP dans son acception anglaise, à savoir « meilleure partie ou partie la plus intéressante de quelque chose » (point 39 de la décision attaquée). En outre, dans le cadre de l’examen de la similitude conceptuelle, elle est arrivée à la conclusion que cet élément « ne constitu[ait] pas un facteur décisif pour établir une différence entre les marques [en conflit] du fait d[e son] caractère extrêmement banal et élogieux » (point 43 de la décision attaquée).

61      Indépendamment de la question de savoir si cette acception du mot TOP pour le public espagnol est pertinente et si elle doit conduire à ne lui reconnaître qu’un caractère distinctif faible du point de vue conceptuel, il n’en demeure pas moins que le seul fait de disposer d’une telle acception le démarque de l’élément CRAFT, qui n’a aucune connotation du point de vue du consommateur espagnol.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

62      S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours s’est limitée à considérer que « [l]’impression d’ensemble qui se dégage des signes [en conflit] [étaient] qu’ils sont similaires » (point 44 de la décision attaquée).

63      Or, il convient de rappeler que les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les marques en conflit reposent essentiellement sur l’élément TOP de la marque demandée, qui est mis en évidence par des éléments figuratifs, les autres éléments en cause, à savoir Krafft et CRAFT, présentant certaines similarités, surtout du point de vue phonétique.

64      Ainsi qu’il a été reconnu par la jurisprudence, une marque complexe ne peut être considérée comme ayant des similitudes avec une autre marque, identique à, ou ayant des similitudes avec, un des composants de la marque complexe que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Il convient de préciser que cette approche ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble. Cependant, cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, points 33 et 34].

65      La marque demandée est essentiellement composée de trois éléments, à savoir les éléments TOP et CRAFT ainsi que l’élément figuratif que constitue le triangle bleu entouré de bandes de différentes couleurs. Eu égard aux principes jurisprudentiels précités, d’une part, l’élément CRAFT ne peut être qualifié d’élément dominant de cette marque, avant tout parce que l’élément TOP y occupe une position plus importante du point de vue visuel, qui est susceptible d’attirer davantage l’attention du public pertinent (voir points 53 et 54 ci-dessus). D’autre part, compte tenu des considérations exposées aux points 55 à 61 ci-dessus, inversement et contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours, en raison de son seul caractère distinctif faible du point de vue conceptuel, un caractère négligeable dans le contexte de l’ensemble de la marque demandée ne saurait être attribué à l’élément TOP.

66      Dans ces conditions, même si, sous réserve des considérations visées au point 50 ci-dessus, l’élément Krafft des marques antérieures présente certaines similitudes avec le second élément, CRAFT, de la marque demandée, les marques en conflit, considérées chacune dans son ensemble, ne sauraient être qualifiées de similaires. En effet, elles se distinguent nettement du point de vue visuel ainsi que cela ressort en particulier de la comparaison de la marque demandée et des marques enregistrées sous les numéros 1924081 et 1942082 (voir points 50 à 54 ci-dessus). Par ailleurs, elles présentent des différences non négligeables des points de vue phonétique (voir points 55 à 58 ci-dessus) et conceptuel (voir point 61 ci-dessus).

67      Il résulte de tout ce qui précède que l’impression globale produite par les marques antérieures est différente de celle produite par la marque demandée et que, par conséquent, les dissemblances entre les signes en conflit sont suffisantes pour considérer que ceux-ci ne sont pas similaires, du point de vue du public pertinent, nonobstant le fait que ces marques visent des produits similaires, voire identiques. C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit sont similaires et qu’ils donnent lieu à un risque de confusion.

68      Par conséquent, il convient d’accueillir le second moyen et annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 25 juin 2008 (affaire R 952/2007‑2), relative à une procédure d’opposition entre Illinois Tools Works, Inc. et Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.