Language of document : ECLI:EU:T:2009:485

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

9 décembre 2009 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance maladie – Remboursement des frais médicaux – Annulation en première instance de la décision refusant l’autorisation préalable pour le remboursement des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant – Dénaturation d’un élément de preuve »

Dans l’affaire T‑377/08 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 8 juillet 2008, Birkhoff/Commission (F‑76/07, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Gerhard Birkhoff, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Weitnau (Allemagne), représenté par Me C. Inzillo, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, J. Azizi et A. W. H. Meij, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 8 juillet 2008, Birkhoff/Commission (F‑76/07, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a annulé la décision du bureau liquidateur de la Commission, du 8 novembre 2006, refusant à M. Gerhard Birkhoff, partie requérante en première instance (ci-après le « requérant »), l’autorisation préalable requise pour obtenir le remboursement des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant (ci-après la « décision litigieuse »).

 Cadre juridique

2        Le cadre juridique pertinent est exposé, de manière exhaustive, aux points 2 à 15 de l’arrêt attaqué.

3        En ce qui concerne le remboursement des frais médicaux exposés par les fonctionnaires des Communautés européennes et par leurs enfants à charge, au titre de l’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») et de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, les institutions des Communautés ont adopté, sur le fondement des articles 72 et 110 du statut, une réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation commune »), qui vise à définir les conditions d’application dudit article 72 et qui a institué un régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes.

4        L’article 20, paragraphe 3, de la réglementation commune prévoit que les frais relatifs aux traitements considérés comme non nécessaires par le bureau liquidateur, après avis du médecin-conseil, ne donnent pas lieu à remboursement.

5        Selon l’article 27 de la réglementation commune, lorsque le remboursement des frais ne peut être effectué qu’après autorisation préalable, la décision est prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ou par le bureau liquidateur désigné par celle-ci. La demande d’autorisation préalable, accompagnée d’une prescription et/ou d’un devis du médecin traitant, est présentée par l’affilié au bureau liquidateur, qui, le cas échéant, en saisit le médecin-conseil. Dans ce cas, ce dernier transmet son avis au bureau liquidateur, lequel statue sur la demande s’il a été désigné à cet effet ou transmet son avis et celui du médecin-conseil à l’AIPN pour décision.

6        L’article 35, paragraphe 2, de la réglementation commune dispose :

« Avant de prendre une décision sur une réclamation introduite sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du [s]tatut, l’[AIPN] doit demander l’avis du [c]omité de [g]estion.

Celui-ci peut charger son président de prendre les mesures permettant d’obtenir un complément d’informations. Lorsque le conflit est d’ordre médical, le [c]omité de [g]estion peut, avant de se prononcer, demander l’avis d’un médecin expert. Les frais d’expertise sont à charge du régime commun.

[…] »

7        Aux termes de l’article 40, paragraphe 5, de la réglementation commune, chaque bureau liquidateur est chargé :

« […]

b)      de demander, […] dans le cas où des questions de nature médicale se rapportant à la liquidation des prestations sont soulevées […], l’avis du médecin[-]conseil […] ;

c)      d’instruire les dossiers de demandes d’autorisation préalable et d’y donner la suite appropriée ;

[…] »

8        Aux termes de l’article 41 de la réglementation commune :

« Le [c]omité de [g]estion est assisté d’un [c]onseil médical composé d’un médecin[-]conseil par institution et des médecins[-]conseils de chaque [b]ureau liquidateur.

Le [c]onseil médical peut être consulté […] sur toute question de nature médicale qui se poserait dans le cadre du présent régime. Il […] émet son avis dans le délai qui lui est indiqué. »

9        En vertu de l’annexe I, point XII F 4, de la réglementation commune, les frais d’acquisition et de réparation d’un fauteuil roulant prescrit par un médecin sont remboursés sur présentation d’un devis et après autorisation préalable octroyée sur avis du médecin-conseil du bureau liquidateur.

10      En vertu de l’article 72, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut et de l’article 52 de la réglementation commune, la Commission européenne a adopté des dispositions générales d’exécution (ci-après les « DGE ») régissant le remboursement des frais médicaux, qui sont entrées en vigueur en juillet 2007, soit postérieurement aux faits à l’origine du présent litige. Elles prévoient expressément que la prise en charge des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant est limitée à un fauteuil tous les cinq ans.

 Faits à l’origine du litige

11      Les faits à l’origine du litige sont exposés, aux points 16 à 24 de l’arrêt attaqué, de la manière suivante :

« 16      Le requérant est un ancien fonctionnaire de la Commission, à la retraite. Sa fille, paraplégique depuis un accident dont elle a été victime en 1978, utilise un fauteuil roulant.

17      Le RCAM a remboursé au requérant l’acquisition, en juillet 2004, d’un nouveau fauteuil roulant pour un montant de 2 574,42 euros.

18      En septembre 2006, un tube situé au niveau du dossier du fauteuil roulant s’est cassé.

19      Par un courrier en date du 1er novembre 2006 reçu le 7 novembre suivant, le requérant a présenté au bureau liquidateur une demande d’autorisation préalable pour l’achat d’un nouveau fauteuil roulant de même modèle que le précédent. Il a joint à sa demande un devis ainsi qu’une attestation du médecin traitant de sa fille précisant que, même réparé, le fauteuil en cause ne garantit plus suffisamment la sécurité de son utilisatrice.

20      Après avoir recueilli l’avis du médecin-conseil, le bureau liquidateur a rejeté la demande par la décision litigieuse. Il a été indiqué dans ladite décision que le requérant avait obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant en 2004 et que le remboursement d’un nouveau fauteuil n’était possible que tous les cinq ans.

21      Dans une lettre du 13 novembre 2006, le requérant a demandé des éclaircissements sur les raisons du refus en faisant valoir qu’il ne trouvait pas de disposition pertinente dans la réglementation. L’administration a procédé au réexamen de la demande du requérant, laquelle a fait l’objet d’une discussion lors de la séance du conseil médical du 7 décembre 2006. À la suite de cette réunion, le médecin-conseil a écrit au requérant pour lui demander de faire établir par un orthopédiste une expertise précisant les causes de la rupture du dossier du fauteuil roulant et les insuffisances fonctionnelles d’une réparation et de recueillir également, de préférence, l’avis d’un deuxième orthopédiste.

22      Dans un courrier du 16 décembre 2006, le requérant a répondu qu’il avait transmis la demande du médecin-conseil au fournisseur et à l’atelier de réparation et indiqué que ce dommage avait pour cause, selon lui, une fragilité du matériau utilisé. Il a fait savoir au bureau liquidateur que, pour des raisons de sécurité, il avait décidé d’acquérir un nouveau fauteuil plus solide et qu’il en demanderait le remboursement.

23      Par lettre du 8 janvier 2007, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

24      L’AIPN a rejeté la réclamation par une décision du 18 avril 2007. Elle a confirmé que la demande d’autorisation avait été rejetée au motif qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans. […] »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

12      Par un recours introduit devant le Tribunal de la fonction publique le 17 juillet 2007, le requérant a demandé l’annulation de la décision de rejet de sa réclamation du 18 avril 2007, ce qui a amené le juge de première instance à considérer que le recours visait, en réalité, à l’annulation de la décision litigieuse contre laquelle ladite réclamation avait été présentée.

13      À l’appui de sa demande en annulation, le requérant a fait valoir qu’il avait le droit d’obtenir le remboursement des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant pour sa fille paraplégique, qui doit utiliser en permanence un tel fauteuil. Or, depuis la rupture, survenue en septembre 2006, d’un tube dans le dossier du fauteuil roulant, ce dernier, fabriqué dans un alliage d’aluminium défectueux, ne garantirait plus la sécurité de sa fille. C’est pourquoi le remplacement de la pièce cassée par la pièce fournie par le fabricant ne suffirait pas à se prémunir contre une nouvelle rupture du dossier.

14      Le requérant a ajouté que le remplacement du fauteuil roulant en entier serait la seule solution raisonnable, le médecin traitant de sa fille ayant prescrit, le 18 septembre 2006, l’acquisition d’un nouveau fauteuil, au motif que l’ancien, même après sa réparation, ne garantirait plus la sécurité de son utilisatrice. La Commission ne pourrait exiger du requérant qu’il cherche à engager la responsabilité du fabricant. En effet, compte tenu de l’expiration du délai de garantie à la date de la rupture du dossier du fauteuil, un recours contre le fabricant nécessiterait d’apporter la preuve de l’existence d’un vice du matériau. Or, cette preuve ne pourrait être apportée qu’au terme d’une longue procédure. Dans ce contexte, le requérant a souligné qu’il ne pourrait être exigé de sa fille qu’elle renonce à l’usage d’un fauteuil roulant pendant cette période, l’absence d’un tel fauteuil constituant une restriction inacceptable pour son mode de vie. Selon le requérant, cela vaut à la fois pour sa vie privée et pour sa vie professionnelle.

15      La Commission a répondu que le rejet de la demande de prise en charge des frais de remplacement du fauteuil roulant était justifié en vertu de la règle énoncée à l’article 20, paragraphe 3, de la réglementation commune, le remplacement du fauteuil en cause n’étant pas nécessaire. À cet égard, la Commission a souligné que l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant était établie par l’expertise des médecins-conseils et du conseil médical institué par la réglementation commune. En effet, selon une jurisprudence constante, l’examen du juge ne s’étendrait pas aux appréciations médicales proprement dites. La Commission a ajouté que le requérant n’apportait pas la preuve lui incombant que le fauteuil n’offrirait pas une garantie suffisante de solidité dans l’éventualité d’une réparation du dossier.

16      Par ailleurs, la décision litigieuse serait fondée sur la décision du conseil médical du 3 juin 2004, lequel aurait décidé, sur la base de la valeur actuelle, que l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant avant l’expiration du délai de cinq ans après l’achat du dernier fauteuil n’était pas nécessaire. Cette règle aurait entre-temps été adoptée comme nouvelle norme, dans l’annexe II, point 5, des DGE.

17      Dans l’arrêt attaqué, tout d’abord, le Tribunal de la fonction publique, tout en rappelant que, selon une jurisprudence constante, l’examen du juge ne s’étend pas aux appréciations médicales proprement dites, a estimé que les appréciations médicales des médecins-conseils des bureaux liquidateurs n’entraient pas dans le champ d’application de cette jurisprudence, étant donné qu’elles ont été exprimées de manière unilatérale par un médecin relevant de l’institution et ne présentent donc pas les mêmes garanties d’équilibre entre les parties et d’objectivité que les appréciations formulées par la commission médicale d’invalidité, compte tenu de sa composition, ou par le médecin arbitre, eu égard aux modalités de sa désignation, d’autant plus que ni le statut ni la réglementation commune ne prévoient que les appréciations médicales des médecins-conseils des bureaux liquidateurs puissent être contestées devant une instance médicale présentant les mêmes garanties d’équilibre et d’objectivité que la commission d’invalidité ou le médecin indépendant (points 50 et 51 de l’arrêt attaqué).

18      Le Tribunal de la fonction publique en a conclu qu’il pouvait exercer un contrôle restreint sur la décision d’un bureau liquidateur relative à une demande d’autorisation de la prise en charge de frais médicaux visés par la réglementation commune, comme sur l’avis du médecin-conseil du bureau liquidateur, qui en constitue, le cas échéant, le support, ce contrôle s’étendant à l’erreur de fait, l’erreur de droit et l’erreur manifeste d’appréciation (point 52 de l’arrêt attaqué).

19      Ensuite, le Tribunal de la fonction publique a relevé que le requérant soulevait en substance deux moyens, qui étaient tirés, respectivement, d’une erreur manifeste commise dans l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défectueux et d’une erreur de droit qu’aurait commise le bureau liquidateur en se fondant sur les DGE, qui n’auraient pas existé à la date pertinente (point 53 de l’arrêt attaqué).

20      À cet égard, le Tribunal de la fonction publique s’est prononcé dans les termes suivants :

« 54      Ainsi qu’il ressort de la décision litigieuse, l’autorisation de la prise en charge par le RCAM des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant a été refusée par le bureau liquidateur au motif que le requérant avait obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant en 2004 et qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil que tous les cinq ans.

55      Dans la réponse à la réclamation, l’AIPN n’a pas fourni d’autre motif à son refus d’autorisation. […]

56      Certes, l’argumentation du requérant, principalement fondée sur la nécessité de l’acquisition d’un nouveau fauteuil pour garantir la sécurité de sa fille, a mis cette question au centre du débat contentieux. L’audience a montré que la Commission elle-même considérait que la règle des cinq ans et l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant constituaient un seul et même motif de refus, le remplacement d’un fauteuil roulant étant présumé ne pas être nécessaire avant cinq ans. Toutefois, comme la Commission en a convenu à l’audience […], il s’agit de deux motifs différents, dès lors que le premier, fondé sur l’application directe d’une règle de droit, peut être opposé a priori, au vu de la seule date de remboursement du précédent fauteuil roulant, tandis que le second suppose un examen concret, qui peut être délicat, des faits particuliers de l’espèce.

57      Il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être soutenu que la décision litigieuse a été prise au motif que le remplacement du fauteuil roulant défaillant n’était pas nécessaire.

58      Dès lors, il convient d’examiner le second moyen, qui vise le motif tiré de ce qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans. »

21      Ce second moyen a été accueilli par le juge de première instance au motif que les DGE, qui limitent effectivement la prise en charge des frais d’acquisition d’un fauteuil roulant à un seul fauteuil tous les cinq ans, n’étaient entrées en vigueur qu’en juillet 2007 et que les dispositions pertinentes de la réglementation commune, applicables au cas d’espèce, ne prévoyaient pas une telle limitation (points 59 et 60 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal de la fonction publique a poursuivi, aux points 61 à 64 de l’arrêt attaqué, en considérant ce qui suit :

« 61      Certes, la Commission fait valoir que la décision litigieuse repose sur une recommandation du conseil médical du 3 juin 2004, […] en vertu de laquelle l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant n’est autorisée, au plus tôt, qu’après cinq ans.

62      Toutefois, le conseil médical ne dispose que d’une compétence consultative, ainsi qu’il ressort de […] la réglementation commune […] Par suite, une recommandation du conseil médical ne constitue pas en tant que telle une norme applicable par l’administration ni, par conséquent, une norme opposable aux fonctionnaires et agents des Communautés. En l’espèce, il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que la recommandation du conseil médical du 3 juin 2004 ait fait l’objet d’une publication. C’est donc à bon droit que le requérant soutient que l’administration s’est fondée, pour adopter la décision litigieuse, sur des dispositions qui n’étaient pas en vigueur.

63      Il y a lieu, dès lors, de constater que la décision litigieuse est entachée d’une erreur de droit.

64      La circonstance, même à la supposer établie, que cette décision puisse être légalement justifiée par un autre motif, à savoir l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant, n’est pas susceptible de faire obstacle à l’annulation de ladite décision. Il en irait autrement si l’administration ne disposait d’aucune marge d’appréciation et si, par suite, l’annulation de la décision litigieuse ne pouvait avoir d’autre effet que d’obliger l’administration à reprendre une nouvelle décision identique, quant au fond, à la décision annulée […] En l’espèce, la situation dans laquelle la Commission se trouvera après le prononcé du présent arrêt ne s’apparente pas à une telle hypothèse de compétence liée. En effet, s’il est vrai que la Commission a […] soutenu avoir vérifié la sécurité et la fiabilité du fauteuil roulant une fois réparé, force est de constater que le médecin-conseil du bureau liquidateur, qui sera à nouveau saisi de la demande du requérant tendant à la prise en charge d’un nouveau fauteuil, disposera d’un large pouvoir pour apprécier le bien-fondé de cette prise en charge. Dans ce contexte, le requérant pourra faire valoir utilement ses droits, par exemple en produisant tout document et offre de preuves […] Il suit de là que les conditions d’une substitution de motifs, que la Commission n’a d’ailleurs pas expressément demandée, telles que prévues par la jurisprudence, ne sont pas réunies. »

22      En conséquence, le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision litigieuse en estimant qu’il n’était pas besoin d’examiner l’autre moyen du recours, à savoir celui tiré d’une erreur manifeste commise dans l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défectueux (points 65 et 53 de l’arrêt attaqué).

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

23      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 10 septembre 2008, la Commission a formé le présent pourvoi.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        condamner le requérant aux dépens afférents à la procédure en première instance ainsi qu’à la procédure du pourvoi.

25      Dans son mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2008, le requérant s’est abstenu de formuler des conclusions formelles, tout en estimant que « la requête en pourvoi [devait] être jugée inadaptée ».

26      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé, en application de l’article 146 de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

27      À l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué, la Commission soulève deux séries de moyens, qui sont dirigés contre les points 24, 51 à 57 et 61 à 63 de l’arrêt attaqué. Elle reproche au Tribunal de la fonction publique, d’une part, d’avoir méconnu la valeur juridique qu’il y a lieu d’attribuer aux avis du médecin-conseil et du conseil médical et, d’autre part, d’avoir commis de graves erreurs dans la qualification juridique des faits et de l’objet du litige ainsi que dans la motivation de l’arrêt attaqué, allant jusqu’à une dénaturation des faits.

 Arguments des parties

–       Sur les moyens tirés d’une méconnaissance de la valeur juridique des avis du médecin-conseil et du conseil médical

28      La Commission reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé le droit communautaire et méconnu une jurisprudence constante en ne respectant pas, aux points 51 et 62 de l’arrêt attaqué, le principe du contrôle limité des avis donnés par les médecins-conseils et par le conseil médical, selon lequel les appréciations médicales proprement dites doivent être tenues pour définitives lorsqu’elles sont intervenues dans des conditions régulières. Ce principe, énoncé dans l’arrêt de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes (2/87, Rec. p. 143, point 8), au sujet de la commission d’invalidité, aurait été appliqué systématiquement aux expertises des médecins-conseils, du conseil médical et des autres instances médicales prévues par le statut ou par la réglementation commune (arrêt du Tribunal du 12 mai 2004, Hecq/Commission, T‑191/01, RecFP p. I‑A‑147 et II‑659, points 62 et 63).

29      Selon la Commission, le juge de première instance a commis une erreur de droit en postulant, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, qu’une marge d’appréciation n’est justifiée que dans le cas de la commission d’invalidité, et ce en raison de son impartialité particulière du fait qu’elle comprend un médecin désigné par l’affilié et un médecin indépendant. En effet, le principe du contrôle limité des avis des médecins-conseils et du conseil médical découlerait du rôle spécifique que le législateur leur a attribué. Ainsi, l’article 20, paragraphe 3, de la réglementation commune disposerait que les médecins-conseils doivent décider de la nécessité de certains frais médicaux, leur rôle crucial en la matière étant reconnu par la jurisprudence.

30      La Commission rappelle que les médecins-conseils peuvent, en vertu de l’article 41, second alinéa, de la réglementation commune, demander l’avis du conseil médical, qui est lui-même composé de médecins-conseils, en précisant que le conseil médical est souvent consulté en cas de questions exigeant une approche uniforme. Le conseil médical serait donc comparable à la commission médicale visée à l’article 33 du statut, qui doit trancher les réclamations relatives aux visites médicales d’embauche et qui se compose aussi exclusivement de médecins-conseils. Or, il ressortirait de la jurisprudence du Tribunal que la commission médicale dispose d’une large marge d’appréciation (arrêt du Tribunal du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, points 40 et 41), et ce bien qu’elle ne comprenne aucun médecin désigné par l’intéressé (arrêts de la Cour du 26 janvier 1984, Seiler e.a./Conseil, 189/82, Rec. p. 229, point 15 ; du Tribunal du 14 avril 1994, A/Commission, T‑10/93, Rec. p. II‑179, point 61, et du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 86). La Commission estime que cette jurisprudence s’applique également aux appréciations du conseil médical.

31      La Commission considère également comme erroné le raisonnement du Tribunal de la fonction publique, au point 62 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’AIPN ne peut se fonder sur les avis du conseil médical étant donné que celui-ci ne dispose que d’une fonction consultative et que ses avis ne sont pas publiés.

32      En effet, premièrement, le conseil médical aurait été instauré pour émettre des avis généraux aboutissant à des présomptions réfutables sur la nécessité de certains frais, avis que les médecins-conseils peuvent ensuite appliquer. La possibilité de recourir à ce type de présomptions réfutables internes, opposables à l’affilié dans un premier temps, mais susceptibles d’être réexaminées à la lumière de chaque cas particulier dans le cadre d’une réclamation, serait admise par la jurisprudence.

33      Deuxièmement, il n’existerait aucune obligation de publication des avis du conseil médical. Loin de constituer une DGE, cet avis aurait pour but de fournir une justification aux décisions individuelles devant être prises dans des cas particuliers. Une publication ne serait pas non plus nécessaire pour informer l’affilié du caractère non nécessaire d’une acquisition. En instaurant l’obligation d’autorisation préalable, le législateur aurait déjà veillé à ce que l’affilié soit informé suffisamment tôt du caractère remboursable des frais en cause. Par ailleurs, les avis médicaux comporteraient des données personnelles qui ne doivent pas être automatiquement communiquées à l’affilié lui-même.

34      La Commission ajoute que, contrairement à l’exposé figurant aux points 56, 61 et 62 de l’arrêt attaqué, l’autorisation préalable n’a nullement été refusée, dans la décision litigieuse, sur la base d’une quelconque DGE. Au contraire, la décision litigieuse se référerait exclusivement à l’avis du médecin-conseil, aux termes duquel un remboursement des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant n’est possible que tous les cinq ans. Il ne s’agirait pas d’une règle préalable stricte, mais d’une présomption réfutable concernant l’absence de nécessité de l’acquisition, qui pourrait être réexaminée en fonction des circonstances de chaque cas particulier.

35      Or, en l’espèce, un tel réexamen des faits particuliers sur la base des arguments détaillés fournis par le requérant aurait précisément eu lieu. En effet, le requérant aurait demandé un réexamen de la décision litigieuse (voir point 21 de l’arrêt attaqué). Le juge de première instance aurait cependant omis de signaler que, après examen du cas individuel, le conseil médical avait demandé, le 7 décembre 2006, la présentation de deux expertises réalisées par des techniciens orthopédistes, expliquant les raisons d’une usure aussi rapide du fauteuil et les possibilités de réparation. Cette demande aurait été transmise au requérant, mais celui-ci, au lieu de produire deux expertises, aurait introduit une réclamation.

36      De plus, au point 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique passerait sous silence le fait que le médecin-conseil compétent a été invité, durant la procédure de réclamation, à expliquer son avis, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, et que, à cette occasion, ce médecin a de nouveau déclaré qu’il résultait de la pratique habituelle en la matière et des données des fabricants de fauteuils roulants qu’un remplacement du dossier était possible, de sorte que l’acquisition d’un nouveau fauteuil n’était pas nécessaire. L’arrêt attaqué ne signalerait pas non plus que le fabricant du fauteuil roulant a mis un tube de remplacement gratuitement à la disposition du requérant, ce dont ce dernier a informé la Commission dans le cadre de la procédure précontentieuse.

37      En substance, la Commission expose que la ligne directrice interne du conseil médical, qui se fondait sur les valeurs d’usage et les données du fabricant, a été utilisée pour donner une première réponse à la demande du requérant, cette ligne directrice ayant également représenté l’appréciation personnelle du médecin-conseil. Contrairement aux considérations énoncées aux points 56 et 62 de l’arrêt attaqué, le bureau liquidateur ne se serait prévalu d’aucune DGE. Par ailleurs, le recours aurait seulement visé les passages de la décision portant rejet de la réclamation, qui indiquaient qu’il suffisait de remplacer le tube situé dans le dossier du fauteuil roulant.

38      Enfin, la Commission reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en méconnaissant la répartition de la charge de la preuve. En effet, les avis rendus par les médecins-conseils et le conseil médical auraient pour effet de renverser la charge de la preuve, le requérant étant tenu de démontrer que lesdits avis sont erronés. Or, aux points 61 et 62 de l’arrêt attaqué, le juge de première instance aurait omis d’exiger du requérant la preuve de la nécessité de l’acquisition d’un nouveau fauteuil, au lieu d’un remplacement du tube cassé.

39      Le requérant ne se prononce pas sur ces moyens.

–       Sur les moyens tirés de graves erreurs dans la qualification juridique des faits et de l’objet du litige, allant jusqu’à leur dénaturation, et dans la motivation de l’arrêt attaqué

40      Selon la Commission, le Tribunal de la fonction publique a, aux points 24, 55 et 57 de l’arrêt attaqué, erronément nié que la décision portant rejet de la réclamation contenait des considérations sur le caractère non nécessaire des frais dans le cas d’espèce. Ce faisant, il aurait dénaturé les faits pertinents. Une simple lecture des documents produits en première instance ferait apparaître de manière évidente que le Tribunal de la fonction publique a erronément apprécié le contenu de la décision portant rejet de la réclamation.

41      La Commission souligne que le rejet de la réclamation, fondé sur la possibilité d’un remplacement du dossier du fauteuil roulant, était au centre de la procédure juridictionnelle, le requérant ayant reproduit ce motif dans la requête en première instance et contesté l’idée d’un remplacement en faisant valoir que le matériel employé était défectueux, car « poreux », ce qui rendait le fauteuil tout entier inacceptable. Le requérant n’aurait pas affirmé que la décision portant rejet de sa réclamation était dépourvue d’une telle motivation ou que la Commission avait erronément appliqué une DGE non encore entrée en vigueur. La décision portant rejet de la réclamation comprendrait en effet deux paragraphes énonçant que le remboursement était refusé au motif qu’il suffisait de remplacer le tube du dossier par celui gratuitement fourni par le fabricant. C’est ainsi que la Commission aurait défendu la décision litigieuse dans le cadre de la procédure écrite et orale.

42      La Commission ajoute que l’erreur de droit commise par le juge de première instance pourrait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué également pour des raisons tenant à un grave défaut de motivation ou à une caractérisation erronée de l’objet du litige. Tant l’objet du litige lui-même, à savoir la décision litigieuse sous la forme de la décision portant rejet de la réclamation, que les moyens avancés par le requérant auraient été mal compris par le Tribunal de la fonction publique.

43      Selon le requérant, la question de la possibilité d’un remplacement du dossier du fauteuil roulant défectueux, laquelle était effectivement au centre de la procédure juridictionnelle, a trouvé une réponse correcte au point 64 de l’arrêt attaqué. Étant donné que les faits pertinents n’avaient pas été suffisamment vérifiés par l’administration au cours de la procédure précontentieuse, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas tranché la question de savoir si les frais d’acquisition du fauteuil roulant acheté par le requérant devaient être remboursés.

 Appréciation du Tribunal

44      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord les moyens tirés des erreurs commises par le juge de première instance dans la qualification juridique des faits du litige, dont la Commission prétend qu’elles vont jusqu’à une dénaturation du contenu de la décision portant rejet de la réclamation introduite par le requérant.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de première instance est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été soumis, étant précisé qu’une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêts de la Cour du 31 janvier 2008, Angelidis/Parlement, C‑103/07 P, non publié au Recueil, point 45, et du 18 décembre 2008, Coop de France bétail et viande e.a./Commission, C‑101/07 P et C‑110/07 P, non encore publié au Recueil, points 58 à 60 ; ordonnance du Tribunal du 12 juillet 2007, Beau/Commission, T‑252/06 P, non encore publiée au Recueil, points 45 et 46). La Cour a également admis, au stade du pourvoi, le grief tiré d’un examen incomplet des faits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 392 à 405).

46      S’agissant de l’arrêt attaqué en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique, après avoir constaté que la demande du requérant avait été rejetée dans la décision litigieuse en application du « principe des cinq ans » (point 20), a résumé, au point 24, le contenu de la décision portant rejet de la réclamation dans les termes suivants :

« L’AIPN […] a confirmé que la demande d’autorisation avait été rejetée au motif qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans. Elle a toutefois indiqué que, dans l’hypothèse où les frais de réparation ne seraient pas pris en charge par le fabricant, le bureau liquidateur était prêt à les supporter conformément à la réglementation [commune]. En revanche, l’AIPN a estimé que la question de la qualité du matériau employé et, de façon générale, de la sécurité du fauteuil roulant ne relevait pas de sa compétence, mais concernait les relations contractuelles entre le requérant en sa qualité d’acheteur et le fabricant. »

47      Dans la partie de l’arrêt attaqué consacrée à l’appréciation juridique, le Tribunal de la fonction publique a d’abord rappelé le contenu de la décision litigieuse refusant l’autorisation de la prise en charge des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant au motif que le requérant avait obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant en 2004 et qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil que tous les cinq ans (point 54 de l’arrêt attaqué).

48      Le Tribunal de la fonction publique a ensuite relevé, au point 55 de l’arrêt attaqué :

« Dans la réponse à la réclamation, l’AIPN n’a pas fourni d’autre motif à son refus d’autorisation. Elle n’a notamment pas indiqué que le remplacement du fauteuil ne lui paraissait pas nécessaire. Tout au contraire, l’AIPN a soutenu dans la réponse à la réclamation que les doutes et les critiques exprimés par le requérant sur la solidité du matériau du fauteuil et la sécurité de ce dernier ne relevaient pas de sa compétence et que la question de la sécurité du fauteuil concernait le rapport juridique entre l’intéressé en tant qu’acheteur et le fabricant du fauteuil, la société […] »

49      Au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique en a conclu « qu’il ne saurait être soutenu que la décision litigieuse a été prise au motif que le remplacement du fauteuil roulant défaillant n’était pas nécessaire ».

50      Or, force est de constater que, dans les points 24, 55 et 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a manifestement méconnu le contenu de la décision portant rejet de la réclamation que l’AIPN avait adoptée après consultation du comité de gestion et du conseil médical. En effet, à la page 2 de cette décision, l’AIPN indique expressément :

« Même si une réparation sûre de l’entretoise dorsale n’est pas possible (voir plus haut), cela n’implique pas nécessairement l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant. L’usage et les indications des fabricants de fauteuils roulants montrent que, en pareil cas, un remplacement du dossier serait possible.

Selon le message électronique du technicien orthopédiste […] du 30 janvier 2007, la société […] (fabricant du fauteuil en question) a proposé de fournir gratuitement deux tubes pour le dossier. Le fauteuil roulant pourrait ainsi continuer à être utilisé, sans qu’il faille en acheter un autre. »

51      Il ressort de ce texte clair et précis que la décision portant rejet de la réclamation contient, pour justifier le refus de l’autorisation préalable sollicitée, un motif autre que celui figurant dans la décision litigieuse, l’AIPN ayant explicitement indiqué que le remplacement du fauteuil ne lui paraissait pas nécessaire.

52      Ce n’est qu’à la suite de l’exposé de ce motif que l’AIPN poursuit en déclarant, à la page 3 de ladite décision, que, si les frais de réparation n’étaient pas pris en charge par le fabricant, le bureau liquidateur serait prêt à les supporter, la question de la qualité du matériau employé et de la sécurité du fauteuil ne relevant toutefois pas de sa compétence, mais concernant les relations contractuelles entre le requérant et le fabricant.

53      En estimant, aux points 24, 55 et 57 de l’arrêt attaqué, que la décision portant rejet de la réclamation ne se prononçait pas sur la nécessité de l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant, le Tribunal de la fonction publique a donc dénaturé le sens clair et précis de ce document, a entaché ses constatations d’une inexactitude matérielle et s’est livré à un examen incomplet des faits, au sens de la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus.

54      S’agissant des conséquences de cette erreur, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique s’est borné, dans l’arrêt attaqué, à examiner « le second moyen, qui vise le motif tiré de ce qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans » (point 58) et a finalement annulé la décision litigieuse en estimant qu’il n’était pas « besoin d’examiner l’autre moyen du recours » (point 65), à savoir celui tiré d’une « erreur manifeste commise dans l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défaillant » (point 53), au regard duquel il a considéré qu’il supposerait « un examen concret, qui peut être délicat, des faits particuliers de l’espèce » (point 56).

55      Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique a négligé le principe selon lequel la motivation de la décision portant rejet de la réclamation est censée coïncider avec la décision contre laquelle cette réclamation a été dirigée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, point 22 ; arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 105, et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, RecFP p. I‑A‑203 et II‑903, point 107), principe qui s’applique également aux décisions prises dans le cadre de la réglementation commune, dont l’article 35 renvoie à la procédure précontentieuse instaurée par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

56      Ainsi, lorsque le bureau liquidateur, sur avis défavorable du médecin-conseil, refuse la prise en charge de certains frais médicaux en vertu de l’article 20 de la réglementation commune et que l’intéressé introduit une réclamation en dénonçant le caractère trop général ou succinct du motif sur lequel ce refus se fonde, il est loisible à l’administration, en vue de répondre à cette réclamation, de fournir des motifs plus explicites au cours de la procédure précontentieuse. De tels motifs spécifiques relatifs au cas individuel, communiqués avant l’introduction du recours juridictionnel, sont censés coïncider avec la décision de refus et doivent donc être considérés comme des éléments d’information pertinents pour apprécier la légalité de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Gaspari/Parlement, T‑66/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑287, points 30 à 33, et du 11 mai 2000, Pipeaux/Parlement, T‑34/99, RecFP p. I‑A‑79 et II‑337, points 18 et 19 ; voir, également, arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, points 47 à 49).

57      En l’espèce, il ressort du dossier de première instance que l’AIPN s’est limitée, dans la décision portant rejet de la réclamation (p. 3), à confirmer « la légalité » de la décision litigieuse en ce que celle-ci a refusé de faire droit à la demande du requérant. En revanche, elle n’a nullement confirmé le motif, de nature assez générale, de ce refus, à savoir l’impossibilité d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil avant l’expiration d’un délai de cinq ans, mais l’a remplacé par le motif spécifique relatif au cas individuel du requérant, selon lequel l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant ne lui paraissait pas nécessaire dans les circonstances de l’espèce (voir point 50 ci-dessus).

58      En procédant de la sorte, l’AIPN a d’ailleurs tenu compte des dispositions applicables de la réglementation commune (articles 27, 35 et 41) et de la jurisprudence, dont il résulte que la présentation par le requérant d’un certificat du médecin traitant de sa fille avait fait naître une présomption de la nécessité d’acheter un nouveau fauteuil roulant, que cette présomption a été renversée par l’avis défavorable du médecin-conseil, que les démarches subséquentes du requérant, y compris la réclamation motivée qu’il a introduite, visaient à rétablir ladite présomption et que l’AIPN était appelée à prendre en considération tous les éléments de cette évolution procédurale dans sa décision sur la réclamation (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 6 mai 1997, Quijano/Commission, T‑169/95, RecFP p. I‑A‑91 et II‑273, points 40 et 49, et du 8 juillet 1999, Gaspari/Parlement, T‑36/96, RecFP p. I‑A‑135 et II‑729, points 53, 54, 56 et 60 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 10 mai 1994, Stempels/Commission, T‑512/93, RecFP p. I‑A‑133 et II‑437, point 26.

59      Compte tenu du caractère évolutif de cette procédure précontentieuse, c’est donc la motivation figurant dans la décision de l’AIPN portant rejet de ladite réclamation qui doit être prise en considération pour l’examen de la légalité du refus de prise en charge des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant, dès lors que cette motivation spécifique est le résultat du réexamen de la demande initiale auquel l’AIPN a procédé après consultation du comité de gestion et du conseil médical.

60      Il s’ensuit que, aux points 58 à 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a examiné un moyen inopérant. En effet, le motif visé par ce moyen et figurant dans la décision litigieuse concernait l’impossibilité d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant avant l’expiration d’un délai de cinq ans. Or, ainsi que cela vient d’être exposé, ce motif a été remplacé par l’AIPN, au cours de la procédure précontentieuse, par celui tiré de ce que l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant ne paraissait pas nécessaire dans les circonstances du cas d’espèce. C’est donc en déclarant fondé un moyen inopérant que le juge de première instance a annulé la décision litigieuse (point 65 de l’arrêt attaqué), alors qu’il s’est abstenu d’examiner le moyen pertinent, tiré d’une erreur manifeste commise dans l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défectueux.

61      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les moyens dirigés contre les points 51, 52 et 62 de l’arrêt attaqué et tirés d’une méconnaissance par le juge de première instance de la valeur juridique des avis donnés par les médecins-conseils et le conseil médical.

 Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

62      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal de la fonction publique, statuer lui-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

63      Tel est le cas en l’espèce. En effet, au vu du dossier de première instance, il y a lieu de constater que le Tribunal dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le recours.

64      S’agissant de l’objet du litige, il convient de rappeler que, même formellement dirigées contre la décision de l’AIPN du 18 avril 2007 rejetant la réclamation du 8 janvier 2007, les conclusions du recours ont pour effet de saisir le Tribunal de la décision litigieuse contre laquelle ladite réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8). Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 50 à 59 ci-dessus, la motivation pertinente pour apprécier la légalité de la décision litigieuse est celle qui figure dans la décision portant rejet de la réclamation.

65      S’agissant du moyen soulevé par le requérant en première instance, tiré de ce qu’il n’était possible d’obtenir le remboursement d’un nouveau fauteuil roulant que tous les cinq ans, il y a lieu de le déclarer inopérant en raison des considérations exposées aux points 54 à 60 ci-dessus.

66      S’agissant de l’autre moyen soulevé en première instance, il y a lieu de rappeler que le requérant y allègue, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste lors de l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défectueux. Par ailleurs, le requérant reproche à la Commission de lui avoir imposé des exigences déraisonnables. Il estime, en particulier, qu’il ne pouvait être exigé de sa fille qu’elle renonce à l’usage de son fauteuil roulant le temps qu’il apporte la preuve de l’existence d’un vice du matériau utilisé pour ce fauteuil roulant (voir points 13 et 14 ci-dessus).

67      En réponse à ces griefs, la Commission soutient, en premier lieu, que l’absence de nécessité du remplacement du fauteuil roulant en cause a été établie en l’espèce par l’expertise des médecins-conseils et du conseil médical, dont les appréciations seraient soustraites au contrôle juridictionnel.

68      À cet égard, il est vrai que, selon une jurisprudence constante, le contrôle du juge ne s’étend pas aux appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives lorsqu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (arrêt Biedermann/Cour des comptes, point 28 supra, point 8 ; arrêts du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, point 44, et Hecq/Commission, point 28 supra, point 62).

69      En l’espèce, il est cependant constant que les instances médicales qui se sont prononcées sur la demande du requérant n’étaient pas appelées à examiner si la fille de celui-ci était paraplégique, si elle avait besoin d’un fauteuil roulant ou si le fauteuil faisant l’objet de la demande d’autorisation préalable était médicalement adapté à sa maladie. Ces instances étaient confrontées à la seule question, de nature purement technique, de savoir si le fauteuil roulant défectueux, eu égard au matériau utilisé dans sa fabrication et à la cause de la rupture de son dossier, pouvait raisonnablement faire l’objet d’une réparation ou s’il était justifié, pour des raisons de sécurité, de financer l’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant.

70      Il s’avère donc que les différentes prises de position du médecin-conseil et du conseil médical, telles qu’elles ressortent du dossier, n’expriment aucune appréciation médicale proprement dite. Par conséquent, la jurisprudence en matière de contrôle juridictionnel limité des avis médicaux invoquée par la Commission ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce et ne peut donc affecter les griefs du requérant tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et des exigences déraisonnables lui ayant été imposées.

71      La Commission soutient toutefois, en second lieu, que les griefs du requérant sont non fondés en ce qu’il a omis d’apporter la preuve lui incombant que le fauteuil roulant endommagé n’offrirait pas une garantie suffisante de solidité dans l’éventualité d’une réparation du dossier (voir point 15 ci-dessus).

72      À cet égard, il convient de rappeler, en ce qui concerne la charge de la preuve, d’une part, que la présomption simple de la nécessité de l’achat d’un nouveau fauteuil roulant, qui s’était attachée au certificat du médecin traitant de la fille du requérant, a été renversée par l’avis défavorable du médecin-conseil, sur lequel était fondée la décision litigieuse, et, d’autre part, que le requérant, s’il voulait rétablir cette présomption de nécessité, était tenu d’entamer à cet effet la procédure précontentieuse en apportant une motivation pertinente et suffisamment circonstanciée (voir point 58 ci-dessus).

73      En vue de contrôler si le refus de l’autorisation préalable maintenu par l’AIPN à l’issue de cette procédure précontentieuse a pour conséquence que la décision litigieuse doit être considérée, quant au fond, comme étant entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de la nécessité de remplacer le fauteuil roulant défectueux, il y a lieu d’examiner chacune des différentes étapes de cette procédure, telles qu’elles résultent des pièces du dossier en première instance.

74      À cet égard, il convient de rappeler que la décision litigieuse, telle qu’elle a été communiquée au requérant, comportait un seul motif pour justifier le refus de l’autorisation préalable, à savoir le renvoi, sur une ligne du texte, à l’avis défavorable du médecin-conseil selon lequel le requérant avait obtenu le remboursement d’un fauteuil roulant en 2004 et que le remboursement d’un nouveau fauteuil n’était possible que tous les cinq ans.

75      Par lettre du 13 novembre 2006, le requérant a demandé au bureau liquidateur des éclaircissements sur les raisons du refus. Cette demande a été discutée au sein du conseil médical lors de sa séance du 7 décembre 2006, dont le compte-rendu indique que « le conseil est d’avis de demander deux avis à des techniciens à propos de l’origine d’une usure si rapide et des possibilités de réparation ». Ensuite, par lettre du 13 décembre 2006, le médecin-conseil a demandé au requérant de faire établir par un technicien orthopédiste un rapport d’expertise précisant tant les causes de la rupture du dossier du fauteuil roulant que les insuffisances fonctionnelles d’une réparation et de recueillir également, de préférence, l’avis d’un second technicien orthopédiste.

76      En réponse à cette lettre du médecin-conseil, le requérant s’est adressé au bureau liquidateur, par courrier du 16 décembre 2006, en affirmant qu’il ferait le nécessaire pour obtenir le rapport d’expertise demandé d’un technicien orthopédiste. Ce courrier était pourvu d’un croquis du point de rupture du montant porteur du dossier, sur lequel étaient marquées les réparations effectuées et qui indiquait que le tube cassé était fabriqué dans un alliage d’aluminium. Le requérant a exposé que la rupture était le résultat non d’un effort de flexion exagéré, mais de la fragilité du matériau utilisé, et a souligné la nécessité d’un examen du matériau par un institut spécialisé en vue de détecter la cause de la rupture. Il a ajouté que, tant que la cause de la rupture n’était pas déterminée, il persisterait un risque important d’une nouvelle rupture présentant un danger pour la vie et pour l’intégrité physique du paraplégique utilisant le fauteuil. Enfin, il a précisé qu’il avait décidé, afin d’éviter ce risque, d’acheter immédiatement un nouveau fauteuil roulant solide et qu’il allait demander le remboursement des frais d’acquisition de celui-ci.

77      Dans un courrier du 30 décembre 2006, le requérant s’est de nouveau adressé au bureau liquidateur pour faire le point de la situation. Il a exposé, d’une part, qu’il avait transmis les questions soulevées par le médecin-conseil au fournisseur et à l’atelier de réparation du fauteuil en cause, mais que ces deux destinataires, malgré plusieurs relances, n’avaient pas répondu à sa demande et, d’autre part, qu’il ne disposait d’aucun moyen pour avancer dans cette affaire.

78      Le médecin-conseil a émis un avis médical interne non daté – dont la Commission prétend qu’il avait très probablement été rédigé le 5 janvier 2007 – dans lequel le cas du requérant a été présenté en ce sens qu’une « barre en acier » sur la partie arrière du fauteuil s’était cassée et que la réparation entreprise était, selon l’attestation du médecin traitant, insuffisante afin d’assurer la sécurité de la fille du requérant. L’avis poursuit en relevant :

« Le problème [soulevé par la demande d’autorisation préalable concernant l’achat d’un nouveau fauteuil roulant] a été débattu par le conseil médical le 7 décembre 2006. Une décision n’a jusqu’alors pas été adoptée. M. Birkhoff a été invité à produire l’avis détaillé d’un orthoprothésiste afin de clarifier la situation. Cet avis n’a, à ce jour, toujours pas été fourni malgré la promesse faite en ce sens.

Les photographies du point de rupture qui ont été soumises font présumer un défaut de construction ou un défaut du matériau. Jusqu’ici, le fabricant n’a pas fait savoir si un geste commercial était envisageable. La garantie a expiré le 19 juillet 2006. Selon les déclarations de M. Birkhoff, le vice est apparu en septembre 2006.

Il n’existe donc pas d’explications détaillées sur la manière dont le vice est apparu et sur le point de savoir pourquoi le tube en acier s’est cassé.

Selon la pratique habituelle des fabricants de fauteuils roulants et les renseignements qu’ils ont fournis, il serait possible dans un pareil cas de procéder à un échange du dossier du fauteuil, ce qui n’a pas été envisagé en l’espèce. À mon avis, l’achat d’un nouveau fauteuil n’est pas nécessaire.

Il est prévu, après clarification des questions restant ouvertes, que le conseil médical examine à nouveau ce dossier le 1er mars 2007. »

79      Par lettre du 8 janvier 2007, le requérant a introduit une réclamation dans laquelle il a, notamment, soutenu qu’un rapport d’expertise technique établi par un technicien orthopédiste serait inadéquat, le caractère utilisable ou non du fauteuil réparé ne pouvant être constaté que par un institut compétent au moyen d’un contrôle non invasif du matériau.

80      Dans le cadre de la procédure précontentieuse, le requérant a encore transmis à l’AIPN sa réponse du 30 janvier 2007 à un courrier électronique du même jour, dans lequel le technicien orthopédiste et vendeur du fauteuil roulant en cause, offrait la réparation de ce dernier en l’informant que le fabricant avait mis à sa disposition gratuitement deux éléments tubulaires. Dans cette réponse, le requérant s’est opposé à toute réparation du fauteuil roulant défectueux sans un contrôle préalable du matériau de fabrication utilisé, au motif que le montant de dossier, qui avait fait l’objet d’une « rupture inopinée », consistait en un alliage d’aluminium. Ce type de fragilité aurait été examiné notamment dans le domaine de la fabrication de vélos ou de blocs-moteurs et exigerait un contrôle de qualité approprié des matériaux, la sécurité du fauteuil roulant dépendant d’un tel contrôle. Le requérant a souligné la nécessité d’un essai du matériau utilisé avant de déterminer le caractère réparable ou non du fauteuil roulant, en considérant qu’un contrôle non invasif du tube cassé pourrait être effectué par un institut impartial de contrôle des matériaux. Enfin, il a prié le technicien orthopédiste de l’informer sur la composition de l’alliage d’aluminium utilisé, sur la nature du contrôle de qualité effectué et sur les mesures prises pour éviter des « ruptures inopinées » de tubes.

81      Toujours dans le cadre de la procédure précontentieuse, le requérant a informé l’AIPN de sa correspondance avec l’université technique de Berlin (Allemagne) en vue d’obtenir un contrôle de la conformité du fauteuil roulant en cause (février 2007) et avec l’Institut fédéral allemand pour les médicaments et les produits médicaux, auquel il avait signalé la rupture du dossier de ce fauteuil (mars 2007).

82      Par décision du 18 avril 2007, l’AIPN a rejeté la réclamation, au motif que l’acquisition d’un nouveau fauteuil n’apparaissait pas nécessaire, puisqu’un remplacement du dossier endommagé serait possible, le fabricant du fauteuil en question ayant proposé au technicien orthopédiste de fournir gratuitement deux tubes (voir point 50 ci-dessus).

83      Ce rappel du déroulement de la procédure administrative jusqu’au rejet de la réclamation fait ressortir que le requérant s’est efforcé de fournir au bureau liquidateur et à l’AIPN des informations aussi pertinentes et circonstanciées que possible. En particulier, il a très tôt attiré l’attention de l’administration sur le caractère purement technique des questions soulevées par sa demande d’autorisation préalable, en invoquant la fragilité du matériau utilisé, à savoir un alliage d’aluminium, et en soulignant la nécessité d’un examen par un institut spécialisé en vue de détecter la cause de la « rupture inopinée ». Il a exprimé ses craintes selon lesquelles, tant que la cause de la rupture ne serait pas déterminée, il persisterait un risque important de nouvelle rupture présentant un danger pour la vie et pour l’intégrité physique de sa fille et a fait valoir, en substance, qu’une réparation du dossier endommagé ne changerait rien à la fragilité de l’alliage d’aluminium utilisé dans la fabrication du fauteuil en cause. En outre, le requérant a activement, mais sans résultat, cherché à obtenir des rapports d’expertise ou d’autres éclaircissements sur la cause de la rupture du matériau en cause.

84      L’AIPN s’est, pour sa part, strictement limitée à prendre connaissance des éléments d’information apportés par le requérant et à les faire évaluer, en dépit de leur nature purement technique, par le comité de gestion, le médecin-conseil et le conseil médical. En revanche, elle n’a entrepris aucune démarche pour instruire l’affaire de sa propre initiative.

85      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler, notamment, que le médecin-conseil a déclaré que le cas du requérant serait réexaminé par le conseil médical, le 1er mars 2007, « après éclaircissement des questions restant ouvertes » (voir point 78 ci-dessus). Or, il ne ressort pas du dossier que ces questions aient effectivement été éclaircies avant le rejet de la réclamation. En tout état de cause, la Commission n’a fourni aucun document indiquant la manière dont ces questions auraient été traitées par le conseil médical. Il ne ressort pas davantage du dossier que le différend flagrant entre le requérant et le médecin-conseil sur la nature du matériau utilisé dans la fabrication du dossier en cause – à savoir de l’acier, selon le médecin-conseil, et un alliage d’aluminium, selon le requérant – ait été résolu avant l’adoption de la décision portant rejet de la réclamation.

86      Compte tenu des informations pertinentes et circonstanciées fournies par le requérant, l’AIPN était tenue d’instruire les questions techniques soulevées par l’affaire avant de rejeter la réclamation de ce dernier.

87      Dans ce contexte, il convient également de rappeler que le requérant a allégué, au point 66 de la requête en première instance, qu’il ne pouvait être exigé de sa fille de renoncer temporairement à un fauteuil roulant, dont l’absence constituerait une restriction inacceptable pour son mode de vie privée et professionnelle (voir point 14 ci-dessus). Ainsi, il reproche, en substance, à l’administration de ne pas avoir suffisamment tenu compte de ses intérêts et de ceux de sa fille, lorsqu’elle a rejeté, en se fondant sur l’intérêt du service, la demande d’autorisation préalable en cause. Or, le devoir de sollicitude incombant à l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts de la Cour du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, Rec. p. 1677, point 22, et du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 38 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑156/05, RecFP p. I‑A‑2‑189 et II‑A‑2‑969, pont 88).

88      Or, en l’espèce, l’AIPN a méconnu le fait que son devoir de sollicitude lui imposait de tenir compte de la situation personnelle dans laquelle se trouvaient le requérant et sa fille. En effet, il est constant que l’AIPN n’ignorait ni que le requérant, fonctionnaire à la retraite, demeurait en Allemagne, tandis que sa fille paraplégique vivait en Italie, ni que le fauteuil roulant en cause avait été acheté en Allemagne, tandis qu’il avait été utilisé et, après la rupture de son dossier, réparé en Italie. Il était évident que cette situation n’était pas sans rendre particulièrement difficile la tâche du requérant consistant à démontrer la cause de cette rupture et à établir que sa fille paraplégique avait besoin d’un nouveau fauteuil roulant afin de pouvoir mener une vie privée et professionnelle décente.

89      Dans ces circonstances, l’AIPN était tenue d’adopter un rôle plus actif dans l’instruction de l’affaire en envisageant, notamment, une application par analogie de l’article 35, paragraphe 2, de la réglementation commune, aux termes duquel l’administration, avant de se prononcer sur une réclamation, peut, lorsque le conflit est d’ordre médical, demander l’avis d’un médecin expert, « les frais d’expertise [étant] à charge du régime commun ». Le présent conflit étant d’ordre technique, l’AIPN aurait dû se demander, dès lors, s’il était préférable, d’un point de vue financier, de se joindre au requérant dans la recherche d’un expert technique, aux frais du régime d’assurance maladie commun, ou d’envisager le remboursement des frais d’acquisition d’un nouveau fauteuil roulant, étant précisé que le montant remboursable pour un tel achat était apparemment plafonné à 650 euros (voir la liste jointe en annexe B 3 au mémoire en défense déposé en première instance).

90      Il s’ensuit que la décision portant rejet de la réclamation et, par voie de conséquence, la décision litigieuse doivent être considérées comme étant entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’elles sont fondées sur une instruction incomplète de la demande d’autorisation préalable, cette instruction ne supportant pas légalement la conclusion à laquelle l’AIPN est arrivée en considérant que l’achat d’un nouveau fauteuil roulant ne paraissait pas nécessaire puisqu’il suffisait de remplacer le tube du dossier endommagé.

91      Cette appréciation n’est pas infirmée par le fait que le requérant a, sans attendre l’octroi de l’autorisation préalable demandée, déjà acheté en janvier 2007 un nouveau fauteuil roulant. En effet, l’article 27, sous c), de la réglementation commune exclut le remboursement de frais résultant de prestations soumises à autorisation préalable uniquement dans le cas où l’autorisation préalable « n’a pas été demandée préalablement aux prestations ». Or, en l’espèce, c’est bien avant ledit achat que le requérant a introduit sa demande d’autorisation préalable. Il ne saurait donc être considéré que la demande d’autorisation préalable est devenue sans objet en raison d’un achat prématuré. Par conséquent, l’acquisition par le requérant d’un nouveau fauteuil roulant doit être considérée comme couverte par la demande d’autorisation préalable en cause.

92      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le requérant a refusé d’accepter l’offre que le fabricant du fauteuil roulant défectueux lui avait adressée par courriel du 25 septembre 2007 et qui visait à faire examiner la barre brisée du dossier endommagé, lorsqu’il l’aurait transmise à ladite société. En effet, tant cette offre que son refus sont postérieurs à la procédure administrative précontentieuse et, partant, dénués de pertinence pour l’appréciation de la légalité de la décision litigieuse et de la décision portant rejet de la réclamation.

93      Il résulte de tout ce qui précède que la décision litigieuse doit être annulée.

 Sur les dépens

94      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

95      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, tel qu’applicable en première instance ainsi qu’à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, suivant l’article 88 du règlement de procédure, applicable aux pourvois formés par les institutions en vertu de l’article 144 et de l’article 148, deuxième alinéa, du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent, en principe, à la charge de celles-ci.

96      Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens afférents à la procédure du pourvoi. En revanche, la Commission ayant succombé en ses conclusions en première instance, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens y afférents, conformément aux conclusions du requérant en ce sens formulées en première instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 8 juillet 2008, Birkhoff/Commission (F‑76/07, non encore publié au Recueil), est annulé.

2)      La décision du bureau liquidateur du 8 novembre 2006 est annulée.

3)      M. Gerhard Birkhoff et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens afférents à la présente instance.

4)      La Commission est condamnée à supporter l’ensemble des dépens afférents à la procédure en première instance.

Jaeger

Azizi

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2009.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Procédure en première instance et arrêt attaqué

Sur le pourvoi

Procédure et conclusions des parties

En droit

Arguments des parties

– Sur les moyens tirés d’une méconnaissance de la valeur juridique des avis du médecin-conseil et du conseil médical

– Sur les moyens tirés de graves erreurs dans la qualification juridique des faits et de l’objet du litige, allant jusqu’à leur dénaturation, et dans la motivation de l’arrêt attaqué

Appréciation du Tribunal

Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.