Language of document : ECLI:EU:T:2004:227

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
8 juillet 2004 (1)

« Marque communautaire – Signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS – Motifs absolus de refus – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) nº 40/94 – Respect des droits de la défense »

Dans l'affaire T-289/02,

Telepharmacy Solutions, Inc., établie à North Billerica, Massachusetts (États-Unis), représentée par Mes R. Davis, barrister, et M. Medyckyj, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Bonne, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l'OHMI du 28 juin 2002 (affaire R 108/2001-4), concernant l'enregistrement du signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS comme marque communautaire,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),



composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 mars 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 26 novembre 1999, la requérante, anciennement Adds Inc., a présenté une demande de marque verbale communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS.

3
Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 10, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

« ordinateurs, périphériques d’ordinateurs, armoires pour ordinateurs, imprimantes, étiqueteuses, meubles pour ordinateurs et logiciels ; supports de données, y compris tous les produits précités contenant des pièces d’un système de distribution et/ou destinés aux services pharmaceutiques, médicaux ou de pharmacie ; systèmes de distribution comprenant des logiciels et du matériel informatique », relevant de la classe 9 ;

« systèmes de distribution ; systèmes de distribution de produits médicaux et/ou pharmaceutiques emballés ; systèmes de distribution comprenant des armoires ; pièces et parties constitutives de tous les produits précités », relevant de la classe 10 ;

« transmission d’informations, données et instructions de distribution, transmission électronique et/ou radio d’informations, données et instructions de distribution », relevant de la classe 38 ;

« services de conseils aux patients ; expédition d’instructions de distribution à des systèmes de distribution éloignés ; services médicaux et de pharmacie », relevant de la classe 42.

4
Par décision du 21 novembre 2000, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Il a estimé que le signe en cause était directement descriptif des produits et des services visés par la demande de marque, le terme « telepharmacy » (télépharmacie) étant couramment utilisé dans le domaine de la distribution à distance de médicaments. L’examinateur a considéré que, lue dans son ensemble, la marque TELEPHARMACY SOLUTIONS indiquait seulement au consommateur que la requérante, en fournissant les produits et services revendiqués, offrait des solutions à des entreprises et à des particuliers qui souhaitaient mettre sur pied des activités de télépharmacie. La marque a, dès lors, été considérée comme étant dépourvue de tout caractère distinctif pour l’ensemble des produits et services revendiqués.

5
Le 22 janvier 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur. Elle a motivé celui-ci par mémoire du 21 mars 2001.

6
Par décision du 28 juin 2002 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours au motif que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 faisait obstacle à l’enregistrement de la marque verbale TELEPHARMACY SOLUTIONS, cette dernière étant susceptible d’être perçue par les consommateurs comme une indication de la destination des produits et services revendiqués, à savoir qu’ils sont destinés à la distribution à distance de produits pharmaceutiques. Selon la chambre de recours, la marque demandée décrit l’équipement et les services servant à la distribution à distance de produits pharmaceutiques, puisque, dans ce domaine, le terme « telepharmacy » est couramment utilisé.


Procédure et conclusions des parties

7
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

8
Dans sa requête introductive d’instance, la requérante a indiqué que le présent recours ne concernait que les produits suivants : « système de distribution électronique commandé à distance de produits pharmaceutiques emballés comprenant un espace dans lequel les produits pharmaceutiques emballés sont stockés en vue de leur distribution, un ordinateur connecté au distributeur et un réseau de communications reliant l’ordinateur à un ordinateur distant », relevant de la classe 9.

9
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée en ce qu’elle vise les produits mentionnés au point 8 ci-dessus ;

condamner l’OHMI aux dépens.

10
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

11
La requérante invoque trois moyens à l’appui de son recours. Le premier est tiré, en substance, de la violation de ses droits de la défense, le deuxième est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 et le troisième est tiré d’une violation du principe de confiance légitime.

Sur l’objet du litige

12
Il y a lieu d’examiner, à titre préalable, si la demande de la requérante, figurant dans la requête introductive d’instance, tendant à limiter la liste des produits et services visés dans la demande de marque (voir point 8 ci-dessus) est recevable.

13
À cet égard, il y a lieu de rappeler que le demandeur d’une marque communautaire peut, à tout moment, adresser à l’OHMI une demande visant à limiter la liste des produits et services, conformément à l’article 44 du règlement n° 40/94 et à la règle 13 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1). Il résulte de ces dispositions qu’une limitation de la liste des produits ou services désignés dans une demande de marque communautaire doit être réalisée selon certaines modalités particulières. La demande présentée par la requérante dans sa requête introductive d’instance ne répondant pas à ces modalités, elle ne saurait être considérée comme une requête en modification au sens des dispositions précitées [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II-383, point 13].

14
En revanche, cette demande peut être interprétée en ce sens que la requérante ne demande qu’une annulation partielle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Tablette ovoïde, point 13 supra, point 14). Une telle demande n’est pas, en tant que telle, contraire à l’interdiction, résultant de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, de modifier, devant le Tribunal, l’objet du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêt Tablette ovoïde, point 13 supra, point 15).

15
En l’espèce, comme l’affirment également la requérante et l’OHMI dans leurs réponses à une question écrite du Tribunal, il s’agit d’une demande d’annulation partielle de la décision attaquée qui n’altère pas l’objet du litige au sens de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure. Dès lors, celle-ci est recevable.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

Arguments des parties

16
La requérante fait observer que, alors que la décision de l’examinateur du 21 novembre 2000 est uniquement fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, la décision attaquée repose sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement. La chambre de recours aurait avancé un nouveau motif absolu de refus d’enregistrement, sans que la requérante ait eu la possibilité de se prononcer sur celui-ci ou de présenter des preuves à cet égard. En agissant ainsi, la chambre de recours aurait violé l’article 73 du règlement n° 40/94.

17
L’OHMI conclut au rejet du présent moyen, étant donné que les raisons ayant motivé, en l’espèce, le refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et sur celui de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement ont coïncidé. Seule la base juridique du refus d’enregistrement aurait été modifiée. Or, les chambres de recours seraient habilitées à procéder ainsi, conformément à l’article 62 du règlement n° 40/94 qui dispose que la chambre de recours peut exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision.

18
L’OHMI estime qu’il n’a pas enfreint l’article 73 du règlement n° 40/94, car il aurait constamment rappelé que le motif de refus d’enregistrement de la marque demandée était que le signe en cause était descriptif de tous les produits et services revendiqués, à savoir que ceux-ci offraient des solutions dans le domaine de la préparation et de la distribution à distance de médicaments. Il fait valoir que la communication des motifs de refus de la demande de marque communautaire effectuée par l’examinateur le 16 mai 2000 indiquait déjà que la marque n’était pas susceptible d’être admise à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dans la mesure où elle était descriptive de tous les produits et services visés par la demande d’enregistrement. Partant, la requérante aurait eu deux fois l’occasion de formuler des commentaires sur les raisons ayant amené à conclure au caractère descriptif de la marque demandée : une fois devant l’examinateur et une fois devant la chambre de recours.

Appréciation du Tribunal

19
Il y a lieu de relever que, en l’espèce, il est constant que l’examinateur a rejeté la demande de marque TELEPHARMACY SOLUTIONS parce que celle-ci était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, par rapport aux produits et services visés par cette demande. La chambre de recours a, quant à elle, fait valoir que le signe verbal en cause se heurtait au motif absolu de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

20
À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que le principe de protection des droits de la défense est consacré par l’article 73 du règlement n° 40/94, selon lequel les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II-265, point 40, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T-34/00, Rec. p. II-683, point 20, et Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II-705, point 13].

21
Par ailleurs, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit communautaire, en vertu duquel les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêts Forme d’un savon, point 20 supra, point 42 ; EUROCOOL, point 20 supra, point 21, et LITE, point 20 supra, point 14).

22
À cet égard, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que, en ne donnant pas l’occasion au demandeur d’une marque de se prononcer sur l’application des motifs absolus de refus d’enregistrement que la chambre de recours retient d’office, celle-ci viole les droits de la défense (arrêts Forme d’un savon, point 20 supra, point 47 ; EUROCOOL, point 20 supra, point 22, et LITE, point 20 supra, point 15).

23
Or, il y a lieu de rappeler également que, même s’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 que chacun des motifs de refus d’enregistrement mentionnés par cette disposition est indépendant des autres et exige un examen séparé [voir, par analogie, s’agissant des dispositions identiques de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt de la Cour du 8 avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, Rec. p. I-3161, point 67], il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs énoncés aux points b), c) et d) de ladite disposition (voir, par analogie, s’agissant des dispositions identiques de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/104, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Campina Melkunie, C-265/00, Rec. p. I‑1699, point 18).

24
En particulier, une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (voir, par analogie, s’agissant des dispositions identiques de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/104, arrêts de la Cour Campina Melkunie, point 23 supra, point 19, et du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C-363/99, Rec. p. I‑1619, point 86).

25
En l’espèce, le raisonnement invoqué à l’appui de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 par la chambre de recours dans la décision attaquée et la motivation de la décision de l’examinateur sont similaires. Se référant aux définitions du dictionnaire des termes anglais « tele » (télé), « pharmacy » (pharmacie) et « solutions » (solutions), l’examinateur a indiqué que la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, car elle était dépourvue de caractère distinctif, puisqu’elle décrivait des produits et des services qui offraient des solutions dans le domaine de la préparation et de la délivrance à distance de médicaments.

26
La chambre de recours a confirmé cette analyse en constatant aux points 8 et 9 de la décision attaquée ce qui suit :

« […] la marque est composée d’une expression qui peut être utilisée par des consommateurs pour désigner les produits invoqués ou la destination des services invoqués. Par conséquent, elle doit être refusée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, [sous] c), du [règlement n° 40/94]. […] La décision [de l’examinateur] a confirmé le refus de la marque en vertu de l’article 7, paragraphe 1, [sous] b), du [règlement n° 40/94], car elle est dépourvue de caractère distinctif, puisqu’elle décrit les produits et les services. Par conséquent, la chambre tient pour acquis que l’[examinateur] a refusé la demande en raison du caractère descriptif de la marque et qu’[il] n’a pas fondé son refus sur des éléments relatifs au caractère distinctif autres que ceux liés au caractère descriptif. La chambre est également d’avis que la marque doit être refusée uniquement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, [sous] c), du [règlement n° 40/94]. »

27
Il ressort de ces décisions que les circonstances de la présente affaire sont différentes de celles ayant donné lieu à la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus. En effet, dans ces affaires, la chambre de recours avait retenu d’office de nouveaux motifs absolus de refus, sans donner aux demandeurs la possibilité de se prononcer sur l’application de ces motifs absolus de refus et sur le raisonnement invoqué à l’appui de celle-ci (arrêts Forme d’un savon, point 20 supra, points 43 à 46 ; EUROCOOL, point 20 supra, points 23 et 24, et LITE, point 20 supra, points 16 à 19).

28
En l’espèce, en revanche, la chambre de recours a considéré à bon droit que, bien que la décision de l’examinateur n’ait visé expressément que l’article 7, paragraphe l, sous b), du règlement n° 40/94, il découlait clairement des motifs de cette décision qu’elle se fondait sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement. Dès lors, en fondant sa propre décision sur cette dernière disposition, la chambre de recours n’a pas retenu d’office un nouveau motif absolu de refus sur lequel elle aurait été tenue de donner à la requérante l’occasion de se prononcer au préalable.

29
Au surplus, l’examinateur ayant justifié le refus d’enregistrement sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 par des motifs tirés uniquement du caractère descriptif de la marque demandée, la requérante a été mise en mesure de se prononcer sur le raisonnement ayant conduit la chambre de recours à confirmer le refus d’enregistrement. Son mémoire exposant les motifs de son recours devant la chambre de recours, en date du 21 mars 2001, aborde d’ailleurs la question du caractère descriptif supposé de la marque en cause.

30
Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

31
Se référant à l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (C‑383/99 P, Rec. p. I-6251), la requérante fait valoir, en premier lieu, que la marque demandée ne peut être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 puisqu’elle n’est pas composée exclusivement de signes ou d’indications désignant la destination des produits ou services en cause. La requérante admet que le terme « pharmacy » peut être utilisé dans le commerce pour indiquer la destination de ces produits. Par ailleurs, elle reconnaît que l’élément « tele » peut être utilisé comme un préfixe signifiant « à distance ». Néanmoins, selon elle, aucune de ces deux constatations ne permet de conclure que cette combinaison de termes renvoie à une expression de la vie courante. Le fait que le terme « telepharmacy » figure dans un dictionnaire n’en apporterait pas la preuve.

32
En outre, l’OHMI aurait négligé d’examiner l’ensemble de la marque, à savoir l’ajout du terme « solutions » qui ne peut pas être considéré comme un terme de la vie quotidienne surtout pour des produits qui sont distincts des services.

33
La requérante soutient que la marque demandée consiste en une indication elliptique, qui possède une structure grammaticale inhabituelle et qui constitue un syntagme dont le sens n’apparaît pas immédiatement. En outre, elle rappelle que le simple fait que la marque comporte une allusion à des produits ou à des services particuliers ne doit pas être considéré comme impliquant une description de ceux-ci.

34
Elle ajoute que, si, selon l’OHMI, la marque demandée est purement descriptive de l’offre de solutions aux professionnels ou aux particuliers désirant mettre sur pied des activités de « télépharmacie », à savoir la distribution de médicaments impliquant l’utilisation de moyens de télécommunications, elle n’est pas descriptive des produits visés par la demande, telle que délimitée dans le cadre du présent recours.

35
La requérante considère, en deuxième lieu, que la chambre de recours, qui était liée par les preuves présentées devant l’examinateur, ne disposait d’aucune preuve ou, subsidiairement, d’aucune preuve raisonnable à l’appui de sa constatation selon laquelle la marque demandée devait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Elle souligne que le refus de l’examinateur était fondé sur une seule référence Internet relative à une conférence mentionnée sur le site d’un établissement d’enseignement situé en dehors de la Communauté européenne. En outre, la requérante n’aurait pas été en mesure de vérifier l’existence de ladite référence.

36
La requérante souligne, en troisième lieu, que la marque demandée ne peut pas non plus être refusée à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, étant donné qu’elle n’est pas descriptive et que l’OHMI n’a pas avancé d’autres éléments pour soutenir que la marque serait dénuée de caractère distinctif.

37
L’OHMI estime que la marque demandée dans son ensemble fait référence à une pharmacie, qui peut être consultée à distance via l’internet. Cette marque serait du point de vue du public ciblé, qui est un public spécialisé de personnes issues du secteur médical, descriptive. Selon l’OHMI, ce public peut être anglophone ou connaître le langage scientifique médical, à savoir l’anglais.

38
En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle la chambre de recours ne disposait d’aucune preuve à l’appui de sa constatation selon laquelle la marque devait être refusée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, l’OHMI fait remarquer que la chambre de recours a uniquement appliqué le critère du caractère descriptif, conformément à la jurisprudence, pour rendre sa décision.

39
Quant au caractère non distinctif de la marque demandée, l’OHMI maintient que, même si la décision attaquée se fonde sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, la marque est également dépourvue de tout caractère distinctif. À cet égard, elle note qu’une recherche sur l’internet des termes « telepharmacy and solutions » permet d’obtenir une liste de 245 sites Internet dans lesquels la marque demandée est utilisée comme terme générique.

Appréciation du Tribunal

40
Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de services, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que le « paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

41
Il y a lieu d’interpréter les différents motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7 du règlement n° 40/94 à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’eux [voir, par analogie, s’agissant des dispositions de l’article 3 de la directive 89/104, arrêts de la Cour du 18 juin 2002, Philips, C-299/99, Rec. p. I-5475, point 77 ; Linde e.a., point 23 supra, point 71 ; du 6 mai 2003, Libertel, C-104/01, Rec. p. I-3793, point 51, et Campina Melkunie, point 23 supra, point 34].

42
En interdisant l’enregistrement en tant que marque communautaire des signes ou indications qu’il vise, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptifs des caractéristiques de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31, et la jurisprudence citée).

43
Pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cette disposition soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (arrêt OHMI/Wrigley, point 42 supra, point 32).

44
Dès lors, il convient, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, d’examiner si, en au moins une de ses significations potentielles, le signe en cause désigne une caractéristique des produits ou services concernés.

45
Pour examiner les significations potentielles d’un signe, il y a lieu d’apprécier si, dans un usage normal du point de vue du public pertinent, ce signe peut servir pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé (voir, en ce sens, arrêt Procter & Gamble/OHMI, point 31 supra, point 39). Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (arrêt EUROCOOL, point 20 supra, point 38).

46
Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le présent recours ne vise que les produits visés par la demande de marque suivants : « système de distribution électronique commandé à distance de produits pharmaceutiques emballés comprenant un espace dans lequel les produits pharmaceutiques emballés sont stockés en vue de leur distribution, un ordinateur connecté au distributeur et un réseau de communications reliant l’ordinateur à un ordinateur distant », relevant de la classe 9.

47
En conséquence, il y a lieu de considérer que le public pertinent est un public anglophone et spécialisé, composé de personnes issues du secteur médical, comme l’OHMI l’a estimé sans que cela ait été contesté par la requérante.

48
En ce qui concerne la signification du signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS dans la langue anglaise, il y a lieu de considérer, comme l’admet d’ailleurs la requérante, que l’élément « pharmacy » peut être utilisé dans le commerce pour indiquer la destination des produits visés par la demande d’enregistrement, tandis que l’élément « tele » peut être utilisé comme un préfixe signifiant « à distance ». En conséquence, il y a lieu de conclure que le terme « telepharmacy » vise la distribution de médicaments à distance.

49
À cet égard, il est sans importance de savoir si l’élément « telepharmacy » constitue ou non un néologisme. En effet, comme la Cour l’a constaté, une marque constituée d’un néologisme composé d’éléments verbaux dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive desdites caractéristiques, sauf s’il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu’il prime la somme desdits éléments (voir, par analogie, s’agissant des dispositions identiques de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, arrêt Campina Melkunie, point 23 supra, point 43).

50
En l’espèce, la simple combinaison des éléments verbaux « tele » et « pharmacy », dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, reste elle-même descriptive desdites caractéristiques. En effet, le simple fait d’accoler de tels éléments sans y apporter de modification inhabituelle, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique, ne peut produire qu’une marque composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques desdits produits.

51
Quant au terme « solutions », il a trait, notamment, aux opérations visant à résoudre un problème d’ordre théorique ou pratique. Ainsi, lus ensemble, les termes « telepharmacy » et « solutions » doivent être considérés comme descriptifs de la destination des produits visés par la demande d’enregistrement et, dès lors, comme désignant une caractéristique essentielle de ceux-ci.

52
En conséquence, il y a lieu de considérer, comme l’a fait l’OHMI, que, appréhendé dans son ensemble, le signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS indique seulement au public ciblé, lequel consiste en des personnes anglophones issues du secteur médical, que la requérante, en fournissant les produits visés par la demande d’enregistrement, offre un équipement servant à la distribution à distance de produits pharmaceutiques.

53
Il s’ensuit que le signe verbal TELEPHARMACY SOLUTIONS peut servir, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, pour désigner une caractéristique essentielle des produits visés par la demande d’enregistrement.

54
En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle la chambre de recours ne disposait d’aucune preuve à l’appui de sa constatation selon laquelle la marque devait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il suffit de constater que le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation communautaire pertinente telle qu’interprétée par le juge communautaire. Dès lors, comme l’OHMI le soutient à juste titre, il suffit que la chambre de recours ait appliqué le critère du caractère descriptif, tel qu’interprété par la jurisprudence, pour prendre sa décision sans qu’elle ait à se justifier par la production d’éléments de preuve.

55
Enfin, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante relative à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [arrêts de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29, et du Tribunal du 12 janvier 2000, DKV/OHMI (COMPANYLINE), T‑19/99, Rec. p. II-1, point 30]. Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments de la requérante tirés d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

56
Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de confiance légitime

Arguments des parties

57
La requérante fait remarquer que la demande d’enregistrement du signe verbal TELEPHARMACY, dont le traitement est en cours, d’une part, a été déposée le même jour que la demande d’enregistrement du signe TELEPHARMACY SOLUTIONS et, d’autre part, vise, à la suite de la limitation opérée dans le cadre du présent recours, la même liste de produits. Elle souligne que, postérieurement à la modification de la liste des produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque TELEPHARMACY avait été demandé, l’examinateur aurait renoncé à ses objections tirées de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. En outre, la demande d’enregistrement du signe TELEPHARMACY aurait déjà été publiée au Bulletin des marques communautaires le 27 août 2001. Elle considère que le signe TELEPHARMACY SOLUTIONS devrait être considéré comme ayant un caractère distinctif plutôt plus élevé que moins élevé que le signe TELEPHARMACY. Il serait illogique et contraire au principe de confiance légitime de refuser l’enregistrement du premier signe tout en admettant l’enregistrement du second.

58
L’OHMI souligne que le signe verbal TELEPHARMACY n’a pas encore été enregistré, étant donné qu’une procédure d’opposition est en cours. En outre, tant qu’une marque n’est pas enregistrée, l’OHMI aurait toujours la possibilité de réexaminer une marque ex officio eu égard à l’existence de motifs absolus de refus d’enregistrement de celle-ci afin de rectifier des erreurs. En tout état de cause, une partie ne saurait invoquer à son profit une décision erronée en droit.

Appréciation du Tribunal

59
S’agissant du présent moyen, il suffit de constater que, compte tenu de ce qui précède et ainsi que l’OHMI l’a admis à l’audience, la décision de l’examinateur de ne pas soulever d’objections contre l’enregistrement du signe verbal TELEPHARMACY est erronée. Or, si en admettant dans une décision, rendue dans le cadre d’une affaire donnée, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire l’OHMI a commis une erreur de droit, cette décision ne peut être utilement invoquée à l’appui d’une demande visant à l’annulation d’une décision postérieure statuant en sens contraire dans une affaire similaire. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 15, et du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14).

60
En tout état de cause, il y a lieu de remarquer que la publication d’une demande de marque ne garantit pas l’enregistrement de ladite marque. En effet, il ressort de l’article 40, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 que, après avoir été publiée, la demande de marque peut encore être rejetée conformément aux articles 37 et 38 du même règlement. À cet égard, il importe de noter que l’article 38 dudit règlement prévoit l’examen relatif aux motifs absolus de refus. En outre, la demande de marque peut également être rejetée à la suite, notamment, des observations des tiers, conformément à l’article 41 du règlement n° 40/94 qui prévoit que « [t]oute personne physique ou morale ainsi que les groupements représentant des fabricants, des producteurs, des prestataires de services, des commerçants ou des consommateurs peuvent, après la publication de la demande de marque communautaire, adresser à l’[OHMI] des observations écrites, précisant les motifs selon lesquels la marque devrait être refusée d’office à l’enregistrement et notamment en vertu de l’article 7 […] », ou à la suite d’une opposition, formée en vertu de l’article 42 de ce règlement.

61
Dans ces conditions, le moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime n’est pas fondé.

62
Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter également le troisième moyen et, partant, le recours dans sa totalité.


Sur les dépens

63
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Tiili

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

H. Legal


1
Langue de procédure : l'anglais.