Language of document : ECLI:EU:C:2011:245

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 14 avril 2011 (1)

Affaires jointes C‑191/09 P et C‑200/09 P

Conseil de l’Union européenne (C‑191/09 P),

Commission européenne (C‑200/09 P)

contre

Interpipe Niko Tube,

Interpipe NTRP

«Pourvoi — Politique commerciale commune — Dumping — Règlement (CE) no 384/96 — Articles 2, paragraphe 10, 3, paragraphe 2, 18, paragraphe 3, et 19, paragraphe 3 — Comparaison de la valeur normale et du prix à l’exportation — Ajustement — Droits de la défense — Importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine — Règlement (CE) no 954/2006 — Coopération de l’industrie de l’Union — Utilisation de données confidentielles»






Table des matières


I —   Introduction

II — Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué

III — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

IV — Analyse

A —   Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit dans l’appréciation du Tribunal relative à l’ajustement opéré en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

1.     Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit entachant l’application par analogie de la jurisprudence relative au concept d’entité économique unique

a)     Arguments des parties

b)     Analyse

2.     Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’une erreur de droit dans l’allocation de la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application de l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

a)     Argumentation des parties

b)     Analyse

3.     Sur les moyens des pourvois principaux, tirés de la méconnaissance des limites du contrôle juridictionnel

a)     Argumentation des parties

b)     Analyse

B —   Sur le troisième moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit commises dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en ce qui concerne des transactions réalisées par SEPCO concernant des tuyaux produits par Niko Tube

1.     Argumentation des parties

2.     Analyse

C —   Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit dans la constatation d’une violation des droits de la défense des requérantes en première instance dans le contexte de l’ajustement opéré en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

1.     Argumentation des parties

2.     Analyse

D —   Sur les deux premiers moyens du pourvoi incident introduit par Niko Tube et NTRP

1.     Sur le premier moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit ayant prétendument entaché l’examen par le Tribunal du calcul de la valeur normale

a)     Antécédents essentiels du litige concernant l’exclusion des tuyaux atomiques relevant du NCP KE4

b)     Sur les cinq branches du premier moyen du pourvoi incident

c)     Sur les deux premières branches, tirées, respectivement, de la violation des droits de la défense et de la méconnaissance des limites du contrôle juridictionnel

i)     Argumentation des parties

ii)   Analyse

d)     Sur la troisième branche, tirée du défaut de réponse à un moyen

i)     Argumentation des parties

ii)   Analyse

e)     Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation du devoir de diligence

i)     Argumentation des parties

ii)   Analyse

f)     Sur la cinquième branche, tirée de la dénaturation du sens limpide des éléments de preuve

i)     Argumentation des parties

ii)   Analyse

2.     Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit ayant prétendument entaché l’examen par le Tribunal de la détermination du préjudice causé à l’industrie de l’Union

a)     Considérations liminaires

b)     Sur les huit branches du deuxième moyen du pourvoi incident, tirées d’erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base

i)     Antécédents essentiels des aspects pertinents du litige et considérations du Tribunal

ii)   Argumentation des parties

iii) Analyse

–       Sur les deux premières branches

–       Sur les autres branches en ce qu’elles se rapportent aux sociétés liées énumérées au point 111 de l’arrêt attaqué

–       Sur les griefs concernant Productos Tubulares

–       Sur les griefs concernant les six sociétés liées à Dalmine

–       Sur les griefs concernant VMOG Royaume-Uni

c)     Sur les deux branches du deuxième moyen du pourvoi incident, tirées d’erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base

i)     Argumentation des parties

ii)   Analyse

V —   Sur le recours devant le Tribunal

VI — Sur les dépens

VII — Conclusion


I –    Introduction

1.        Par leurs pourvois respectifs, le Conseil de l’Union européenne (C‑191/09 P) et la Commission européenne (C‑200/09 P) demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (ci-après l’«arrêt attaqué») (2), dans la mesure où ce dernier a annulé l’article 1er du règlement (CE) no 954/2006 du Conseil, du 27 juin 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) no 2320/97 et (CE) no 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine (ci-après le «règlement litigieux») (3).

2.        Dans leur mémoire en réponse, Interpipe Niko Tube (ci-après «Niko Tube») et Interpipe NTRP (ci-après «NTRP») ont introduit un pourvoi incident, conformément à l’article 116 du règlement de procédure de la Cour, pour autant que le Tribunal a rejeté leurs prétentions.

II – Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué

3.        Niko Tube et NTRP sont deux sociétés ukrainiennes productrices de tubes et de tuyaux sans soudure. Elles sont liées à deux sociétés de vente, à savoir SPIG Interpipe (ci-après «SPIG»), établie en Ukraine, et SEPCO, établie en Suisse.

4.        À la suite d’une plainte, la Commission a ouvert une procédure antidumping en mars 2005 concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires, notamment, d’Ukraine.

5.        L’enquête relative au dumping et au préjudice en résultant a porté sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2004. L’examen des tendances utiles aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004.

6.        Compte tenu du nombre élevé de producteurs communautaires, la Commission a, conformément à l’article 17 du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (4), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 (5) (ci-après le «règlement de base»), choisi un échantillon de cinq producteurs communautaires pour les besoins de l’enquête. Dans sa composition initiale, l’échantillon comprenait les cinq producteurs communautaires suivants: Dalmine SpA (ci-après «Dalmine»), Benteler Stahl/Rohr GmbH, Tubos Reunidos SA (ci-après «Tubos Reunidos»), Vallourec & Mannesmann France SA, V&M Deutschland GmbH. Benteler Stahl/Rohr GmbH ayant décidé de ne pas coopérer, la Commission l’a remplacée par Rohrwerk Maxhütte GmbH.

7.        Par lettres des 6 juin et 14 juillet 2005, Niko Tube et NTRP ainsi que SPIG et SEPCO ont adressé à la Commission leurs réponses au questionnaire antidumping. Les visites de vérification dans les locaux de Niko Tube et de NTRP ainsi qu’auprès de SPIG ont eu lieu du 17 au 26 novembre 2005.

8.        Le 27 février 2006, la Commission a adressé à Niko Tube et à NTRP le premier document d’information finale détaillant les faits et les motifs pour lesquels elle proposait l’adoption de mesures antidumping définitives.

9.        Par lettre du 22 mars 2006, Niko Tube et NTRP ont officiellement contesté les conclusions de la Commission, telles qu’exposées dans le premier document d’information finale. Elles ont fait valoir que la Commission avait erronément inclus des données relatives à des produits qui n’étaient pas fabriqués par elles, que la Commission avait comparé la valeur normale et le prix à l’exportation à des stades commerciaux différents, ce qui était incompatible avec l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base, et que, en traitant SEPCO comme un importateur ainsi qu’en définissant son prix d’exportation par reconstruction, la Commission avait enfreint l’article 2, paragraphe 9, dudit règlement.

10.      À la suite de deux auditions en présence de Niko Tube et de NTRP et de contacts ultérieurs avec ces sociétés, la Commission a, le 24 avril 2006, adopté un second document d’information finale. Dans ce document, la Commission a rejeté la demande d’exclusion du calcul de la valeur normale de certains produits non fabriqués par Niko Tube et NTRP, à savoir les produits relevant du numéro de contrôle des produits (ci-après le «NCP») KE4. Elle a procédé à un ajustement des prix de vente de SEPCO, non plus sur le fondement de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, mais au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), dudit règlement. Enfin, dans ce document, la Commission a fourni des informations relatives à la coopération de l’industrie communautaire.

11.      Par télécopie du 26 avril 2006, Niko Tube et NTRP ont rappelé à la Commission que les données fournies en réponse au questionnaire antidumping et vérifiées par les fonctionnaires de la Commission démontraient que les tuyaux atomiques relevant du NCP KE4 n’étaient pas fabriqués par elles.

12.      Ces sociétés ont présenté leurs observations complètes sur le second document d’information finale à la Commission par lettre du 4 mai 2006.

13.      Le 7 juin 2006, la Commission a adopté et publié sa proposition de règlement antidumping définitif.

14.      Par télécopie parvenue à Niko Tube et à NTRP le 26 juin 2006 à 19 h 06, la Commission a répondu aux arguments soulevés par ces sociétés dans la télécopie du 26 avril 2006 et la lettre du 4 mai 2006, à l’exception de l’argument relatif au défaut de coopération de l’industrie communautaire. Par lettre adressée à Niko Tube et NTRP le 16 juin 2006 et parvenue à ces dernières le 27 juin 2006, la Commission a répondu à leurs commentaires relatifs à la participation à la procédure de l’industrie communautaire.

15.      Le 27 juin 2006, le Conseil a adopté le règlement litigieux.

16.      Par ce règlement, le Conseil a imposé des droits antidumping de 25,1 % aux importations de Niko Tube et de NTRP de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier.

17.      Niko Tube et NTRP ont introduit un recours en annulation contre le règlement litigieux devant le Tribunal.

18.      À l’appui de leur demande en annulation, les requérantes en première instance invoquaient six moyens dont l’examen par le Tribunal a été regroupé en fonction des faits auxquels ils se rapportaient, sous les cinq titres suivants:

–        Sur le calcul de la valeur normale;

–        Sur les conséquences de l’absence de réponse au questionnaire de la part des sociétés liées aux producteurs communautaires;

–        Sur l’ajustement opéré sur le prix de vente de SEPCO;

–        Sur l’offre d’engagement des requérantes (en première instance);

–        Sur le traitement des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux de SPIG.

19.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté la majorité des moyens invoqués par les requérantes en première instance.

20.      Il a toutefois accueilli, en ce qui concerne les transactions concernant des tuyaux fabriqués par NTRP, la branche du quatrième moyen invoqué par les requérantes en première instance, tirée de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en ce que le Conseil a opéré un ajustement sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO.

21.      Le Tribunal a également accueilli, en ce qui concerne les deux requérantes en première instance, la branche du sixième moyen invoqué, tirée de la violation des droits de la défense dans le cadre de l’application de ce même ajustement.

22.      Il a, partant, annulé l’article 1er du règlement litigieux pour autant que le droit antidumping fixé pour les exportations vers la Communauté européenne des produits fabriqués par les requérantes en première instance excédait celui qui aurait été applicable s’il n’avait pas été procédé à l’ajustement du prix à l’exportation effectué au titre d’une commission lorsque les ventes avaient lieu par l’intermédiaire du négociant lié SEPCO.

III – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

23.      Les 27 et 29 mai 2009, la Commission et le Conseil ont respectivement introduit un pourvoi contre l’arrêt attaqué.

24.      Par ordonnance du président de la Cour du 15 juillet 2009, les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale, ainsi que de l’arrêt.

25.      Par son pourvoi, le Conseil conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal, d’une part, a annulé l’article 1er du règlement attaqué et, d’autre part, a condamné le Conseil à supporter ses propres dépens ainsi qu’un quart de ceux exposés par les requérantes en première instance;

–        rejeter le recours dans son intégralité;

–        condamner les requérantes en première instance aux dépens afférents au pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.

26.      Par son pourvoi, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué;

–        rejeter le recours dans son intégralité;

–        condamner les requérantes en première instance aux dépens exposés par la Commission dans le cadre du présent pourvoi.

27.      Dans leurs mémoires en réponse, Niko Tube et NTRP concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi du Conseil en ce qu’il est partiellement irrecevable et en tout état de cause totalement dénué de fondement;

–        rejeter le pourvoi de la Commission en ce qu’il est partiellement irrecevable et en tout état de cause totalement dénué de fondement;

–        confirmer l’arrêt attaqué dans la mesure où il accueille les moyens des requérantes en première instance et dans la mesure où il annule le règlement litigieux pour autant que le droit antidumping fixé pour les exportations vers la Communauté des produits fabriqués par Niko Tube et NTRP excède celui qui serait applicable s’il n’avait pas été procédé à un ajustement du prix à l’exportation effectué au titre d’une commission, lorsque les ventes avaient lieu par l’intermédiaire du négociant lié SEPCO;

–        maintenir la condamnation aux dépens prononcée par l’arrêt attaqué et condamner le Conseil aux dépens exposés par les requérantes en première instance devant la Cour relativement au pourvoi de ce dernier;

–        condamner la Commission aux dépens exposés par les requérantes en première instance devant la Cour relativement au pourvoi de la Commission. Cette dernière devra en tout état de cause supporter ses propres dépens de même que ceux des requérantes en première instance pour la réponse devant la Cour, en ce qu’elle a choisi de soumettre un pourvoi différent à l’encontre de l’arrêt attaqué alors qu’elle aurait pu être entendue simultanément en demeurant intervenante en l’espèce. Les dépens exposés par la Commission concernant la procédure devant la Cour devront en tout état de cause être supportés par la seule Commission.

28.      Dans leur pourvoi incident, Niko Tube et NTRP concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal n’a pas annulé le règlement litigieux dans son intégralité et dans la mesure où il a condamné les requérantes en première instance aux trois quarts des dépens qu’elles avaient exposés dans la procédure devant lui;

–        statuer de manière définitive en l’espèce et annuler l’intégralité du règlement litigieux;

–        condamner le Conseil et la Commission à leurs propres dépens de même qu’à ceux exposés par les requérantes en première instance devant le Tribunal et devant la Cour dans le cadre de ces procédures.

29.      Dans leurs réponses respectives au pourvoi incident, le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi incident;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de première instance;

–        condamner les requérantes en première instance aux dépens du pourvoi incident.

30.      Les parties ont été entendues lors de l’audience devant la Cour qui s’est déroulée le 18 novembre 2010.

IV – Analyse

31.      Au soutien de son pourvoi, le Conseil invoque sept moyens. Les quatre premiers moyens concernent l’appréciation du Tribunal exposée aux points 177 à 187 de l’arrêt attaqué à propos de l’ajustement opéré en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, ainsi que, par voie de conséquence, celle effectuée aux points 196 et 197 de l’arrêt attaqué. Ces moyens sont, en substance, identiques aux trois premiers moyens articulés par la Commission au soutien de son propre pourvoi. Il conviendra donc de les examiner conjointement.

32.      Dans la mesure où, dans leur pourvoi incident, Niko Tube et NTRP critiquent également le rejet partiel par le Tribunal de leur moyen de première instance relatif à l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, je suggère d’examiner le troisième moyen de leur pourvoi immédiatement après ceux des pourvois principaux se rapportant à cette disposition.

33.      Dans le pourvoi principal, le Conseil invoque trois autres moyens tirés d’erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal, aux points 202 à 211 de l’arrêt attaqué, en constatant que les droits de la défense des requérantes en première instance avaient été méconnus dans le contexte de l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Ces moyens pourront être analysés concurremment au quatrième moyen exposé par la Commission qui critique les mêmes points de l’arrêt attaqué.

34.      Enfin, j’examinerai les deux premiers moyens du pourvoi incident articulés par Niko Tube et NTRP qui ont trait aux appréciations du Tribunal autres que celles relatives à l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

A –    Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit dans l’appréciation du Tribunal relative à l’ajustement opéré en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

35.      Ces moyens portent sur trois aspects du raisonnement du Tribunal. Premièrement, le Conseil et la Commission reprochent au Tribunal d’avoir appliqué par analogie la jurisprudence relative au concept d’entité économique unique développé dans le contexte du calcul de la valeur normale. Deuxièmement, ils considèrent que c’est à tort que le Tribunal a fait peser sur ces deux institutions de l’Union la charge de prouver que les conditions d’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base étaient satisfaites. Enfin, troisièmement, le Conseil et la Commission font grief au Tribunal d’avoir outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel.

1.      Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit entachant l’application par analogie de la jurisprudence relative au concept d’entité économique unique

a)      Arguments des parties

36.      Le Conseil et la Commission reprochent au Tribunal d’avoir, au point 177 de l’arrêt attaqué, considéré que la jurisprudence constante de la Cour relative à la prise en considération de l’existence d’une entité économique unique, pertinente pour le calcul de la valeur normale, était applicable, par analogie, dans le cadre du calcul du prix à l’exportation. Selon ces institutions, le calcul de la valeur normale, la détermination du prix à l’exportation et leur comparaison seraient régis par une série de règles distinctes, dont chacune doit être respectée séparément. Le concept d’entité économique unique concernerait exclusivement certaines situations spécifiques sur le marché intérieur des exportateurs. Il ne serait donc pertinent que dans le cadre du calcul de la valeur normale. Selon la Commission, la jurisprudence de la Cour à laquelle le Tribunal aurait omis de se référer dans l’arrêt attaqué confirmerait cette appréciation.

37.      Le Conseil et la Commission relèvent également une incohérence interne du raisonnement du Tribunal en ce qu’il annonce, au point 177 de l’arrêt attaqué, l’application par analogie du concept d’entité économique unique au calcul du prix à l’exportation, alors que le litige porté devant lui aurait trait à l’ajustement opéré après le calcul dudit prix.

38.      Au vu de ces considérations, le Conseil et la Commission soutiennent également que le Tribunal aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles il considérait que le concept d’entité économique unique était applicable par analogie dans le contexte de la détermination du prix à l’exportation.

39.      Niko Tube et NTRP soutiennent tout d’abord que ce moyen est irrecevable puisque le Conseil et la Commission auraient déjà eu l’occasion de contester la pertinence de l’usage du concept «d’entité économique unique devant le Tribunal.

40.      Ensuite, quant au fond, Niko Tube et NTRP estiment que le Tribunal aurait correctement jugé que le concept d’entité économique unique était pertinent dans le cadre de la détermination du prix à l’exportation avant et après l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. La question de l’existence du contrôle et du partage des activités de production et de vente au sein d’un groupe d’entités juridiquement distinctes, et donc celle de l’existence d’une entité économique unique, se bornerait à la constatation d’une réalité économique, c’est-à-dire à dépeindre les rôles et les fonctions respectifs des entités distinctes liées. Dans la mesure où le Tribunal reconnaît que la détermination de la valeur normale et celle du prix à l’exportation sont régies par des règles spécifiques distinctes, il serait normal, de l’avis de ces sociétés, qu’il évoque l’application «par analogie» du concept selon lequel le partage d’activités n’empêche pas les entités concernées de constituer une entité économique unique. En outre, le fait que l’existence d’une entité économique unique puisse avoir une incidence différente selon qu’il «s’agit de déterminer la valeur normale ou le prix à l’exportation ne ferait pas obstacle à une application plus large de la jurisprudence constante relative à ce concept, que la Cour n’a examiné jusqu’à présent que dans le cadre de certains litiges.

b)      Analyse

41.      D’emblée, j’estime que la fin de non-recevoir soulevée par Niko Tube et NTRP doit être rejetée. Le fait que le Conseil et la Commission auraient, le cas échéant, pu débattre de la pertinence de l’application du concept d’entité économique unique dans le cadre de l’affaire portée devant le Tribunal ne les prive aucunement de la possibilité de critiquer les appréciations, exposées dans l’arrêt attaqué, que cette juridiction a menées à cet égard. Au demeurant, aucun point de cet arrêt n’évoque le fait que ces deux institutions auraient acquiescé à l’application dudit concept dans le contexte de l’ajustement opéré en vertu de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

42.      Quant au fond, il convient tout d’abord de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement de base, un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union européenne est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur.

43.      Selon le règlement de base, la marge de dumping est le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l’exportation. La détermination de l’existence du dumping se fonde donc sur la comparaison équitable entre la valeur normale, basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur et le prix à l’exportation, c’est-à-dire le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union.

44.      Aux termes de l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement, la comparaison équitable est faite, au même stade commercial, pour les ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation ne peuvent être ainsi comparés, cette même disposition du règlement de base prévoit qu’il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité.

45.      Parmi les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés figure celui prévu à l’article 2, paragraphe 10, sous i), dudit règlement, intitulé «Commissions». Aux termes de cette disposition, «[u]n ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. Le terme ‘commission’ couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions».

46.      Selon le point 132 du règlement litigieux, et selon les explications du Conseil et de la Commission, le Conseil a opéré un ajustement à la baisse du prix à l’exportation de Niko Tube et de NTRP pour toutes les ventes de leurs produits à destination de l’Union réalisées par l’intermédiaire de SEPCO, que ce soit via celle-ci uniquement ou via SEPCO et SPIG, en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

47.      Cet ajustement a eu pour conséquence d’accroître l’écart entre la valeur normale et le prix à l’exportation des produits de Niko Tube et de NTPR et, partant, d’augmenter la marge de dumping.

48.      Selon le Conseil, l’ajustement ainsi opéré se fondait sur les deux considérations suivantes. Premièrement, SEPCO a été considérée comme étant un négociant qui exerçait des fonctions «assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions» parce que Niko Tube et NTRP, d’une part, et SEPCO, d’autre part, obtenaient les mêmes résultats économiques que dans le cadre d’une relation de donneur d’ordre à un agent en se comportant comme des vendeurs et un acheteur. Deuxièmement, il existait une disparité entre la valeur normale et le prix à l’exportation, à savoir que, tandis que toutes les ventes sur le marché national réalisées via SPIG entraînaient un paiement à cette société uniquement, toutes les ventes à l’exportation réalisées par SEPCO (soit seule soit conjointement avec SPIG) entraînaient un paiement à SPIG et à SEPCO, étant donné que SPIG recevait des paiements pour toutes les transactions à l’exportation réalisées via SEPCO.

49.      Tant au cours de la période d’enquête que dans leur recours devant le Tribunal, Niko Tube et NTRP ont allégué qu’elles formaient avec SPIG et SEPCO une entité économique unique et que, partant, l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base était insusceptible de s’appliquer.

50.      C’est dans ce contexte que, au point 177 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a amorcé l’examen du moyen de Niko Tube et de NTRP, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, en soulignant que «selon une jurisprudence constante concernant le calcul de la valeur normale, mais applicable par analogie au calcul du prix à l’exportation, le partage des activités de production et de vente à l’intérieur d’un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes ne saurait en rien enlever au fait qu’il s’agit d’une entité économique unique qui organise de cette manière un ensemble d’activités exercées, dans d’autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, Rec. p. 5683, point 16; du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C‑175/87, Rec. p. I‑1409, point 12, et du 13 octobre 1993, Matsushita Electric Industrial/Conseil, C‑104/90, Rec. p. I‑4981, point 9)».

51.      Les critiques du Conseil et de la Commission à l’égard de ce point de l’arrêt attaqué sont de trois ordres. Tout d’abord, selon ces institutions, le principe même consistant à faire usage du concept d’entité économique unique hors du cadre du calcul de la valeur normale serait inconcevable, comme le démontrerait la jurisprudence de la Cour. Ensuite, le Conseil et la Commission reprochent au Tribunal de n’avoir pas expliqué les raisons pour lesquelles il a procédé à l’extension de la jurisprudence de la Cour développée dans le contexte du calcul de la valeur normale. Enfin, la prémisse du raisonnement du Tribunal, exposée au point 177 de l’arrêt attaqué, serait incohérente avec la situation de fait dont il avait à juger, puisque le litige se rapporterait non pas au calcul du prix à l’exportation, mais à l’ajustement opéré sur ce prix, en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

52.      Si, de prime abord, ces griefs ne paraissent pas dépourvus d’un certain poids, ils n’emportent finalement pas ma conviction.

53.      Quant au dernier point, tout d’abord, j’admets sans ambages que, tandis que le grief de Niko Tube et de NTRP se rapporte à la troisième étape du calcul de la marge de dumping, à savoir la comparaison équitable de la valeur normale et du prix à l’exportation, au titre de laquelle l’ajustement prévu à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base a été opéré, le point 177 de l’arrêt attaqué se borne à faire référence à la deuxième étape de la détermination de la marge de dumping, c’est-à-dire à celle relative au calcul du prix à l’exportation.

54.      En outre, eu égard à la nécessité d’établir une distinction entre les trois étapes du calcul menant à la détermination de la marge de dumping, distinction qui résulte clairement du règlement de base lui-même, la référence au calcul du prix à l’exportation ne saurait avoir été employée par le Tribunal comme désignant également, plus largement, l’ajustement opéré sur un tel prix en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), dudit règlement.

55.      Partant, si, à mon sens, il y a lieu d’admettre que les critiques du Conseil et de la Commission dirigées contre le libellé approximatif du point 177 de l’arrêt attaqué sont fondées, elles me paraissent toutefois inopérantes.

56.      En effet, il est constant que le moyen du Conseil et de la Commission concerne l’application par analogie effectuée par le Tribunal du critère de l’entité économique unique en dehors du contexte du calcul de la valeur normale, c’est‑à‑dire également en ce qui concerne, comme dans la présente affaire, l’ajustement opéré en vertu de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

57.      C’est donc dans cette mesure qu’il y a lieu d’examiner les deux autres griefs du présent moyen.

58.      S’agissant du premier grief mis en exergue au point 51 des présentes conclusions, il est certes vrai que la jurisprudence de la Cour relative au concept d’entité économique unique s’est développée dans le cadre du calcul de la valeur normale. Néanmoins, comme le Conseil l’a d’ailleurs admis à l’audience, cette seule circonstance ne signifie pas que l’usage de ce concept hors du contexte du calcul de la valeur normale constitue une erreur de droit.

59.      Plus fondamentalement, il convient de rappeler, ainsi que le Tribunal l’a fait en substance au point 178 de l’arrêt attaqué, que le recours au concept d’entité économique unique dans le cadre du calcul de la valeur normale sert à englober dans le prix de vente d’un produit les ventes réalisées par une société juridiquement distincte du producteur, mais économiquement contrôlée par ce dernier et avec laquelle il forme donc une entité économique unique, tout comme ces ventes le seraient si elles étaient effectuées par un département de vente interne au producteur (6).

60.      La ratio de cette assimilation est simple à comprendre. Il s’agit d’éviter que des coûts qui seraient manifestement englobés dans le prix de vente d’un produit lorsque la vente est réalisée par un département interne intégré au producteur ne le soient plus lorsque cette vente est effectuée par une société, certes juridiquement distincte, mais économiquement contrôlée par le producteur (7).

61.      En procédant de la sorte, sont évités tant un traitement discriminatoire entre producteurs (8) qu’une dépréciation artificielle de la valeur normale, puisque assurément la société distributrice qui forme une entité économique unique avec un producteur ne saurait être considérée comme le premier acheteur indépendant aux fins du calcul de ladite valeur.

62.      De même, si un producteur distribue ses produits à l’exportation vers l’Union par le biais d’une société, juridiquement distincte, mais qu’il contrôle sur le plan économique, je ne vois pas quelle raison impérieuse, de nature juridique ou économique, ferait obstacle à ce que puisse être reconnue l’existence d’une entité économique unique entre ces deux opérateurs, ce qui, naturellement, peut avoir des répercussions sur le calcul du prix à l’exportation ou de la comparaison de ce prix avec la valeur normale.

63.      Bien que le Conseil et la Commission aient admis à l’audience devant la Cour que la présence d’une entité économique unique entre un producteur et une société de distribution s’oppose à opérer l’ajustement prévu à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base — ce qui semble déjà confirmer l’idée que le critère de l’entité économique unique peut également être pertinent pour apprécier les évaluations effectuées dans le contexte de la comparaison de la valeur normale et du prix à l’exportation —, ces institutions estiment néanmoins que la jurisprudence de la Cour aurait rejeté l’extension effectuée par le Tribunal.

64.      Il est vrai que, tout particulièrement dans l’arrêt Minolta Camera/Conseil (9), mentionné avec insistance par la Commission, la Cour a jugé que la détermination de la valeur normale et celle du prix à l’exportation obéissent à des règles distinctes et que, dès lors, les frais de vente, généraux et administratifs ne doivent pas nécessairement être traités de la même manière dans l’un et l’autre cas (10).

65.      En effet, il est fort possible qu’un producteur agisse sur son marché intérieur par le biais d’une société de vente avec laquelle il constitue une entité économique unique, alors que tel n’est pas le cas lorsque ce producteur opère sur le marché d’exportation. Telle était d’ailleurs la situation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Minolta Camera/Conseil, précité. Il résulte en effet de cet arrêt que les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux des filiales de vente à l’intérieur du pays d’exportation, en l’occurrence le Japon, qui avaient rempli les fonctions d’un département de vente de la société Minolta, ne pouvaient être en réalité, selon la Cour, comparés qu’à ceux de son service d’exportation, dont les frais analogues n’avaient pas été déduits du prix à l’exportation, et non pas, comme cette société le prétendait, à ceux de ses filiales européennes, ce qui a conduit la Cour à indiquer que d’éventuelles différences dans le montant de ces frais pouvaient être prises en considération dans le cadre des ajustements à opérer conformément au règlement de base applicable au moment de cette affaire (11).

66.      Cependant, d’une part, je ne perçois pas pour quelle raison la situation inverse ne pourrait pas se rencontrer, à savoir qu’un producteur d’un État tiers opère sur son marché intérieur par le truchement d’une société qu’il ne contrôle pas économiquement, tandis qu’il distribue ses produits vers l’Union par l’entremise d’une société formant avec lui une entité économique unique. D’autre part, je peine à concevoir ce qui habiliterait le Conseil et la Commission à s’affranchir d’un constat reflétant la réalité économique des relations entre un producteur d’un État tiers et l’une de ses sociétés de vente sur le marché d’exportation vers l’Union.

67.      En d’autres termes, si un producteur d’un État tiers et l’une de ses sociétés de vente à l’exportation vers l’Union constituent une entité économique unique, cette réalité économique ne saurait être ignorée. Par sa nature même, un tel constat précède toute question relative aux règles et méthodes à appliquer dans la détermination des trois étapes du calcul menant à établir la marge de dumping. Il n’en demeure pas moins que, si une telle situation doit être constatée, elle implique des conséquences soit sur la détermination du prix à l’exportation, soit sur le calcul des ajustements opérés dans le contexte de la comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation. Une conclusion inverse conduirait à une dépréciation artificielle du prix à l’exportation dans le but d’accroître la marge de dumping.

68.      En l’occurrence, comme je l’ai déjà indiqué, le Conseil a admis que l’existence d’une entité économique unique entre un producteur d’un État tiers et la société qui procède à ses exportations vers l’Union fait obstacle à ce que l’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base soit réalisé.

69.      Du reste, il importe de constater que, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 182 de l’arrêt attaqué, dans sa télécopie du 26 juin 2006, la Commission a énuméré les trois éléments sur lesquels elle s’est fondée pour considérer que SEPCO exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, qui ont trait aux fonctions commerciales de SEPCO ainsi qu’au contrôle exercé par Niko Tube et NTRP sur cette dernière (12). Or, ces éléments d’analyse sont en grande partie communs à ceux utilisés dans le contexte de la détermination de l’existence d’une entité économique unique, tel que cela résulte de la jurisprudence rappelée au point 179 de l’arrêt attaqué (13).

70.      Par conséquent, j’estime que le Tribunal n’a pas entaché son appréciation d’une erreur de droit en partant de la prémisse que le critère de l’entité économique unique était pertinent pour contrôler si, comme l’a constaté le Conseil dans le règlement litigieux, les conditions d’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base étaient satisfaites.

71.      Dans ces circonstances, doit, à mon sens, également être écarté l’argument commun du Conseil et de la Commission selon lequel le Tribunal était soumis à une obligation particulière de motiver l’application par analogie de la jurisprudence relative à l’entité économique unique développée dans le contexte du calcul de la valeur normale.

72.      Je suggère donc de rejeter les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit entachant l’application par analogie de la jurisprudence relative au concept d’entité économique unique, comme en partie inopérants et en partie non fondés.

2.      Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’une erreur de droit dans l’allocation de la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application de l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

a)      Argumentation des parties

73.      Le Conseil et la Commission considèrent que c’est à tort que, au point 180 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il incombait aux institutions de rapporter la preuve, ou à tout le moins des indices, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement en question est opéré. Par ailleurs, la référence, dans ce point de l’arrêt attaqué, à l’arrêt du Tribunal Kundan et Tata/Conseil (14) serait également non pertinente en l’espèce, puisque ce dernier portait sur des faits antérieurs à la modification du règlement de base sur lequel est fondé le règlement litigieux.

74.      Niko Tube et NTRP proposent de rejeter ces moyens des pourvois principaux.

b)      Analyse

75.      Au point 180 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que «[…] de même qu’une partie qui demande, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping doit apporter la preuve que sa demande est justifiée, il incombe aux institutions de se fonder, lorsqu’elles estiment devoir effectuer un ajustement, sur des preuves, ou à tout le moins sur des indices, permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement est opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix (arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 96)».

76.      Contrairement à ce qu’exposent le Conseil et la Commission, cette appréciation ne me paraît comporter aucune erreur de droit.

77.      À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être comparés, il est tenu compte, dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité.

78.      La forme impersonnelle utilisée par cette disposition ne comporte aucune détermination des personnes sur lesquelles pèse la charge d’identifier les facteurs à l’origine de la nécessité de réaliser un ajustement et de démontrer la mesure dans laquelle ledit facteur affecte la comparabilité des prix sur le marché interne et sur le marché à l’exportation vers l’Union (15).

79.      Dans ces conditions, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s’en prévaloir.

80.      Ainsi, lorsqu’un producteur revendique l’application d’un ajustement (à la baisse) de la valeur normale ou (à la hausse) des prix à l’exportation, il revient à cet opérateur d’indiquer et de démontrer que les conditions pour l’octroi d’un tel ajustement sont satisfaites (16).

81.      À l’inverse, ainsi que l’a jugé à bon droit le Tribunal, lorsque, comme en l’espèce, la Commission et le Conseil considèrent qu’il y a lieu d’appliquer un ajustement à la baisse du prix à l’exportation, au motif qu’une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il leur appartient de rapporter à tout le moins des indices convergents démontrant que cette condition est remplie.

82.      Partant, je propose de rejeter les moyens des pourvois principaux, tirés d’une erreur de droit dans l’allocation de la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application de l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

3.      Sur les moyens des pourvois principaux, tirés de la méconnaissance des limites du contrôle juridictionnel

a)      Argumentation des parties

83.      Le Conseil et la Commission soutiennent que, contrairement à la jurisprudence applicable en la matière, qu’il n’a du reste pas rappelée, le Tribunal ne se serait pas borné à vérifier si ces institutions se sont fondées sur des faits erronés ou ont commis une erreur manifeste d’appréciation en opérant l’ajustement prévu à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Il aurait au contraire, aux points 184 à 189 de l’arrêt attaqué, substitué sa propre appréciation à celle de ces institutions en appliquant erronément le critère de l’entité économique unique.

84.      Par ailleurs, l’appréciation du Tribunal se serait limitée, également de manière erronée, aux trois éléments énoncés dans la télécopie de la Commission en date du 26 juin 2006, sans tenir compte des explications supplémentaires fournies par le Conseil dans le cadre de la procédure juridictionnelle de première instance. Au demeurant, le Tribunal aurait mal compris certains des motifs exposés dans ladite télécopie qui ont présidé à l’application de l’ajustement prévu à l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

85.      La Commission prétend également que la conclusion du Tribunal selon laquelle les institutions ne pouvaient pas réaliser l’ajustement en cause serait incohérente avec celle exposée au point 213 de l’arrêt attaqué, aux termes duquel le Tribunal a jugé que la télécopie du 26 juin 2006 contiendrait une motivation détaillée des raisons pour lesquelles cet ajustement a été opéré.

86.      Enfin, le Conseil et la Commission indiquent que le caractère fondé de leurs griefs entraînerait automatiquement l’invalidation de l’appréciation du Tribunal exposée aux points 193 à 197 de l’arrêt attaqué pour autant qu’elle se rapporte aux relations entre NTRP et SEPCO dès lors que le Tribunal a considéré auxdits points que le moyen des requérantes en première instance, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’application de l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base, ne revêtait pas un caractère autonome par rapport à celui tiré, en première instance par lesdites requérantes, de l’erreur manifeste d’appréciation concernant l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du même règlement.

87.      Niko Tube et NTRP soutiennent que le Tribunal a exercé un degré de contrôle correct des appréciations effectuées par les institutions, sans substituer sa propre appréciation à celle de ces dernières. Il se serait borné à vérifier si les conditions de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base avaient été respectées et si les faits avaient été correctement appréciés.

88.      De plus, selon elles, il est manifeste que le Tribunal a pris en considération et a évalué l’ensemble des arguments du Conseil et de la Commission ainsi que les informations disponibles communiquées par les parties avant de conclure que les institutions avaient commis une erreur manifeste en ce qu’elles n’avaient pas présenté des indices suffisants de ce que SEPCO avait opéré comme un agent travaillant sur la base de commissions dans le cadre des transactions concernant des tuyaux fabriqués par NTRP. Par ailleurs, Niko Tube et NTRP font valoir que les institutions ne sauraient à bon droit considérer qu’il suffit qu’une société de vente liée ou sous le contrôle commun d’un producteur exportateur vende le produit concerné dans l’Union pour conclure de plein droit que cette société exerce des fonctions assimilables à celles d’un commissionnaire. Si tel avait été le cas, il aurait suffi que l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base indique que la marge réalisée par un opérateur commercial peut faire l’objet d’un ajustement. Or, tel ne serait justement pas le cas, comme l’aurait jugé le Tribunal.

89.      Ces sociétés ajoutent que le Tribunal était parfaitement fondé à conclure que les institutions avaient commis une erreur manifeste d’appréciation en appliquant l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base. En tant que tel, l’ajustement maintenait ou créait une asymétrie que le Tribunal aurait évoquée au point 195 de l’arrêt attaqué.

b)      Analyse

90.      Avant d’examiner le cœur des présents moyens articulés par les parties requérantes aux pourvois principaux qui porte sur l’étendue du contrôle juridictionnel effectué par le Tribunal, il convient d’emblée de rejeter deux arguments accessoires exposés respectivement par la Commission et le Conseil concernant la prétendue incohérence du raisonnement du Tribunal et l’absence alléguée de prise en compte par ce dernier de la motivation complémentaire apportée par le Conseil durant la procédure de première instance.

91.      Quant au premier point, est manifestement dépourvue de fondement la critique selon laquelle l’arrêt attaqué serait entaché d’une contradiction de motifs en ce que le Tribunal a relevé, d’une part, notamment au point 184 dudit arrêt, que les raisons exposées dans la télécopie de la Commission du 26 juin 2006 ne constitueraient pas des indices suffisants pour justifier l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et, d’autre part, au point 213 du même arrêt, que ladite télécopie offrait une motivation détaillée des motifs pour lesquels cet ajustement avait été opéré. En effet, tandis que le point 184 de l’arrêt attaqué se rapporte à l’examen du bien-fondé des raisons avancées dans la télécopie du 26 juin 2006, c’est-à-dire de la légalité au fond du règlement litigieux, le point 213 dudit arrêt se borne à constater que la Commission avait satisfait, en particulier dans la même télécopie, à l’obligation d’indiquer clairement et de manière non équivoque les raisons qui avaient présidé à l’ajustement en cause, c’est-à-dire au respect d’une formalité substantielle (17). Au demeurant, le point 213 de l’arrêt attaqué se rattache précisément à l’examen d’un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

92.      Me paraît également infondé le reproche formulé par le Conseil selon lequel le Tribunal aurait ignoré les explications complémentaires — aux trois raisons figurant dans la télécopie de la Commission du 26 juin 2006 — que le Conseil avait fournies durant la procédure contentieuse de première instance.

93.      Tout d’abord, pour autant que l’argument du Conseil doit être interprété comme faisant grief au Tribunal de ne pas avoir pris en considération des explications postérieures à la communication de la télécopie du 26 juin 2006 et à l’adoption du règlement litigieux daté du jour suivant et qui seraient, en outre, nouvelles par rapport aux raisons figurant dans cette télécopie et dans cet acte, un tel argument devrait manifestement être écarté. En effet, il reviendrait à reprocher au Tribunal d’avoir refusé que l’institution substitue une motivation nouvelle à la motivation initiale qui ressortait de la télécopie du 26 juin 2006 et du libellé de l’acte attaqué. Or, le Tribunal ne saurait, sous peine de commettre une erreur de droit, autoriser en cours d’instance une institution à substituer les motifs de l’acte attaqué devant lui par des motifs nouveaux (18).

94.      Ensuite, si tant est qu’il faille interpréter l’argument du Conseil comme critiquant le Tribunal d’avoir ignoré des explications complémentaires détaillant les raisons qui ont présidé à l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, il y a lieu de relever que le Conseil se borne à renvoyer de manière générique à une dizaine de points de ses écritures en première instance sans identifier de manière suffisamment précise quelles seraient les explications qui auraient été négligées par le Tribunal (19). En tout état de cause, force est de constater que le Tribunal a, à tout le moins, bien pris en compte les considérations essentielles exposées par le Conseil durant la procédure de première instance visant à justifier l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Ainsi, au point 185 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à l’argument, brièvement développé dans les écritures du Conseil, relatif aux ventes directes à destination des nouveaux États membres poursuivies par Niko Tube et NTRP. De même, au point 186 du même arrêt, le Tribunal a examiné le rôle de SPIG dans les ventes à destination de l’Union, argument sur lequel a insisté le Conseil dans son mémoire en défense en première instance, ainsi que, au point 187 de l’arrêt attaqué, les liens qu’entretenaient Niko Tube et NTRP avec SEPCO, en faisant à chaque fois référence soit aux débats entre les parties durant la procédure de première instance, soit au dossier versé par les parties devant le Tribunal.

95.      Je propose donc de rejeter ces deux arguments invoqués par la Commission et le Conseil respectivement.

96.      J’en viens à la problématique essentielle soulevée par les présents moyens des pourvois principaux, qui concerne l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciations effectuées par la Commission et le Conseil.

97.      Il importe avant tout de relever que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord rappelé, au point 182 dudit arrêt, les trois éléments sur lesquels les institutions s’étaient fondées pour conclure que SEPCO exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

98.      Quant au premier élément, à savoir le fait que Niko Tube et NTRP auraient effectué des ventes directes du produit concerné dans la Communauté, le Tribunal, au point 185 de l’arrêt attaqué, a souligné qu’une entité économique unique peut exister lorsque le producteur assume une partie des fonctions de vente complémentaires à celles de la société de distribution de ses produits. Or, après avoir noté qu’il ressortait des écritures des parties que les ventes directes dans la Communauté avaient été poursuivies à destination des nouveaux États membres, durant une phase de transition et que leur volume ne représentait que 8 % du volume total des ventes réalisées vers la Communauté, le Tribunal a constaté que Niko Tube et NTRP n’avaient assumé que des fonctions de vente complémentaires à celles de SEPCO pour une période transitoire seulement.

99.      S’agissant du deuxième élément, qui concernait le fait que SPIG, la société de vente liée en Ukraine, serait intervenue en qualité d’agent de vente pour les ventes de Niko Tube et de NTRP à SEPCO, le Tribunal a relevé, au point 186 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’expliquait nullement en quoi le fait que SPIG reçoive une commission sur les ventes de Niko Tube et NTRP à SEPCO démontrerait que celle-ci a exercé des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions ou ferait obstacle à la reconnaissance de son statut de département de vente interne de Niko Tube et de NTRP.

100. Quant au troisième élément, selon lequel les liens de SEPCO avec Niko Tube et NTRP seraient insuffisants et ne permettraient pas de considérer qu’elle est sous le contrôle de celles-ci ou qu’il existe un contrôle commun à SEPCO et à Niko Tube et NTRP, le Tribunal a relevé, au point 187 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait des éléments du dossier que SEPCO et NTRP étaient liées par le biais d’une même société mère qui détenait 100 % du capital de SEPCO et 24 % du capital de NTRP durant la période d’enquête. Le Tribunal a dès lors constaté qu’il s’agissait, en l’espèce, d’un fait qui, s’il était corroboré par d’autres éléments pertinents, pourrait contribuer à établir qu’il existait un contrôle commun à SEPCO et NTRP et qui, en tout état de cause, ne démontrait pas l’insuffisance des liens de SEPCO et de NTRP. En revanche, le Tribunal a jugé, au point 188 de l’arrêt attaqué, que les éléments du dossier ne permettaient pas de démontrer que SEPCO était sous le contrôle de Niko Tube ou qu’il existait un contrôle commun à ces deux sociétés.

101. C’est ainsi que le Tribunal a estimé que les éléments avancés dans la télécopie du 26 juin 2006 pour justifier l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n’étaient pas «suffisamment convaincants» et ne pouvaient donc pas être considérés comme des indices permettant d’établir l’existence du facteur au titre duquel l’ajustement a été opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix (point 184 de l’arrêt attaqué). Il a, partant, accueilli la branche du moyen de première instance, tirée de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application dudit article du règlement de base, pour autant que l’ajustement avait été opéré sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO, dans le cadre des transactions concernant des tuyaux fabriqués par NTRP et l’a rejetée pour autant qu’elle concernait l’ajustement sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO dans le cadre de transactions concernant des tuyaux fabriqués par Niko Tube (points 188 et 190 de l’arrêt attaqué).

102. Le Conseil et la Commission considèrent que, en procédant de la sorte, le Tribunal a empiété sur leur large marge d’appréciation et qu’il a, partant, outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel.

103. À cet égard, il est vrai que la Cour a jugé que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (20).

104. En outre, il résulte également de la jurisprudence que le contrôle juridictionnel de l’appréciation de situations économiques complexes est limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (21). Le juge de l’Union ne peut dès lors, dans le cadre du contrôle restreint qu’il exerce sur des situations économiques complexes, substituer son appréciation économique à celle des institutions de l’Union (22).

105. Toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé dans le contexte du droit de la concurrence et des aides d’État, domaines donnant lieu, tout comme celui des mesures de défense commerciale, à des appréciations économiques complexes, la large marge d’appréciation dont jouissent les institutions n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler «l’interprétation» effectuée par ces institutions des données de nature économique (23).

106. En effet, selon cette jurisprudence, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (24).

107. La jurisprudence trace donc, dans ce contexte, une ligne de démarcation entre ce que s’interdit le juge de l’Union, à savoir substituer sa propre appréciation économique à celle des institutions, et ce qu’il s’autorise, c’est-à-dire contrôler la qualification juridique par les institutions d’éléments de nature économique (25). Il s’agit, partant, de la dichotomie entre, d’une part, l’appréciation des faits de nature économique réalisée par les institutions, dont le contrôle juridictionnel exclut une nouvelle appréciation autonome par le juge et doit se limiter à relever une erreur manifeste, et, d’autre part, la qualification juridique des faits subordonnée, en tant que question de droit, au contrôle entier du juge de l’Union.

108. En l’occurrence, il est certes vrai, comme l’invoque la Commission, que le Tribunal n’a pas rappelé la jurisprudence selon laquelle la portée de son contrôle sur des appréciations économiques complexes menées par les institutions, telles que celles en cause dans les présents moyens des pourvois principaux, est restreinte.

109. Cependant, cette omission ne saurait en soi constituer un indice probant du fait que le Tribunal a outrepassé l’étendue de son contrôle.

110. En réalité, même si la motivation de l’arrêt attaqué n’est pas exempte de toute critique, je crois que le Conseil et la Commission se méprennent sur la substance du contrôle qui a été réalisé par le Tribunal.

111. En effet, le Tribunal a non pas réalisé une nouvelle appréciation autonome des faits comme le lui reprochent le Conseil et la Commission, mais s’est limité, à bon droit au regard de la jurisprudence rappelée aux points 105 et 106 des présentes conclusions, à examiner si les trois raisons exposées dans la télécopie du 26 juin 2006 soutenaient la conclusion des institutions selon laquelle SEPCO exerçait des fonctions assimilables à celles d’un opérateur agissant sur la base de commissions et, partant, justifiait que soit opéré l’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, comme, en substance, le met en exergue le point 184, seconde phrase, de l’arrêt attaqué.

112. Cela me paraît particulièrement clair en ce qui concerne le contrôle opéré par le Tribunal sur les deuxième et troisième éléments énumérés dans la télécopie du 26 juin 2006. En effet, à leur égard, le Tribunal s’est, en substance, respectivement borné à noter, d’une part, que le Conseil n’avait pas fourni d’explications suffisantes quant à l’impact de l’intervention de SPIG sur la qualification de SEPCO comme exerçant des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions et, d’autre part, que les relations qu’entretenaient SEPCO et NTRP au sein d’une société mère commune ne démontraient pas, comme le prétendaient les institutions, l’insuffisance de liens entre ces deux sociétés de sorte à exclure l’existence d’une entité économique unique, comme l’avaient défendu Niko Tube et NTRP durant la procédure administrative et devant le Tribunal.

113. Certes, l’examen effectué par le Tribunal du premier élément concernant l’existence de ventes réalisées directement par Niko Tube et NTRP vers l’Union, et qui, selon les institutions, constituait un indice démontrant que SEPCO n’agissait pas comme un service intégré de vente à l’exportation desdites sociétés, pourrait, à première vue, nuancer, du moins partiellement, mon appréciation. En effet, le Tribunal, en affirmant, au point 185 de l’arrêt attaqué, sur la base des données rapportées par les parties devant lui, que Niko Tube et NTRP n’avaient assumé que des fonctions de vente complémentaires à celles de SEPCO pour une période transitoire seulement (pouvant laisser supposer la présence d’une entité économique unique), paraît avoir mené sa propre appréciation des éléments de nature économique qui ont fait l’objet des débats lors de l’instance.

114. Bien que le libellé du point 185, dernière phrase, de l’arrêt attaqué puisse prêter à la critique, l’argumentation exposée à ce point dudit arrêt s’inscrit indubitablement elle aussi dans l’examen, annoncé au point 184 du même arrêt, du caractère étayé des conclusions auxquelles sont arrivées les institutions quant aux fonctions qu’exerçait SEPCO. En définitive, en menant son analyse au point 185 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la déduction opérée par les institutions de l’existence de ventes directes réalisées par Niko Tube et NTRP était à tel point erronée que ces institutions auraient dû aboutir, au regard des données non contestées, à une conclusion inverse.

115. Par conséquent, le Tribunal n’a pas, à mon sens, substitué sa propre appréciation économique à celle des institutions. Il a, au contraire, procédé au contrôle de la qualification juridique des données économiques effectuée par ces institutions, en constatant que les trois éléments exposés dans la télécopie du 26 juin 2006 ne constituaient pas des indices susceptibles d’étayer leur conclusion selon laquelle SEPCO répondait aux conditions permettant d’activer l’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, du moins pour ce qui concerne les transactions concernant des tuyaux produits par NTRP.

116. Enfin, c’est également, selon moi, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu juger, au point 195 de l’arrêt attaqué, dans le cadre du moyen de Niko Tube et de NTRP relatif à l’application de l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base que, dans la mesure où l’ajustement au titre du sous i) de ladite disposition avait été opéré erronément pour ce qui concerne les transactions réalisées par SEPCO concernant des tuyaux produits par NTRP, cela impliquait que ledit ajustement avait maintenu voire créé une asymétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation. En effet, le maintien ou l’introduction d’une telle asymétrie affecte l’exigence, énoncée à l’article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement de base, de procéder à une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l’exportation.

117. Je suggère donc de rejeter les moyens des pourvois principaux tirés de la méconnaissance des limites du contrôle juridictionnel.

B –    Sur le troisième moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit commises dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en ce qui concerne des transactions réalisées par SEPCO concernant des tuyaux produits par Niko Tube

1.      Argumentation des parties

118. Niko Tube et NTRP soutiennent que le Tribunal a erré en droit lorsqu’il a, en substance, confirmé, aux points 187 à 190 de l’arrêt attaqué, que SEPCO avait agi comme un agent travaillant sur la base de commissions s’agissant des transactions de tuyaux produits par Niko Tube. Selon ces sociétés, le fait que les liens en capital n’aient pas été les mêmes entre SEPCO et Niko Tube qu’entre la première et NTRP ne signifierait pas en droit que SEPCO a exercé, dans ses relations avec Niko Tube, les fonctions d’un agent travaillant sur la base de commissions. Contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal, un contrôle peut également exister même si les deux sociétés en cause n’ont pas les mêmes bénéficiaires finaux («ultimate beneficiaries»). Il y aurait donc lieu de distinguer entre l’existence d’un contrôle et l’existence d’une participation sociale. En outre, de l’avis de Niko Tube et de NTRP, la simple existence d’une relation d’achat-vente entre un exportateur et sa société de distribution liée ne suffit pas pour que la marge de cette dernière soit traitée comme une commission, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. En tout état de cause, les conclusions du Tribunal se rapportant aux relations entre SEPCO et Niko Tube seraient erronées dans la mesure où elles s’appuient sur des faits et sur une argumentation qui a été élaborée après la clôture de la procédure administrative.

119. Dans leurs réponses respectives au troisième moyen du pourvoi incident, le Conseil et la Commission concluent à l’irrecevabilité du moyen ou, à tout le moins, à son caractère infondé. Le Conseil estime que le moyen est irrecevable dans la mesure où il ne pourrait affecter le dispositif de l’arrêt attaqué, le Tribunal ayant déjà annulé l’article 1er du règlement litigieux. La Commission, quant à elle, considère que les arguments exposés au soutien du troisième moyen du pourvoi incident sont non étayés et insuffisamment précis, ce qui entraînerait l’irrecevabilité dudit moyen. Quant au fond, ces institutions font valoir, en substance, que Niko Tube et NTRP auraient dû désigner les éléments du dossier qui démontraient que SEPCO était sous le contrôle de Niko Tube ou qu’il existait un contrôle commun à ces deux sociétés. À défaut de telles indications, c’est à juste titre que le Tribunal aurait rejeté le moyen articulé en première instance.

2.      Analyse

120. Sans qu’il y ait lieu à mon sens de statuer sur la recevabilité du présent moyen, celui-ci me paraît, en tout état de cause, infondé.

121. Tout d’abord, Niko Tube et NTRP procèdent à une lecture erronée de l’arrêt attaqué lorsqu’elles prétendent que ce dernier aurait jugé qu’un contrôle ne pouvait exister que si SEPCO et Niko Tube ont les mêmes bénéficiaires finaux. En effet, il y a lieu de constater que, aux points 188 à 189 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à vérifier si, comme le prétendaient Niko Tube et NTRP et eu égard aux «éléments du dossier», SEPCO était contrôlée par Niko Tube ou si toutes deux étaient soumises à un contrôle commun en examinant la structure du capital de ces sociétés, cet élément étant, comme le Tribunal l’a rappelé à bon droit au point 179 de l’arrêt attaqué, un indice de l’existence d’une entité économique unique. Le Tribunal n’a dès lors pas jugé qu’un contrôle, notamment commun, ne pouvait exister que si les deux sociétés en cause avaient les mêmes «bénéficiaires finaux».

122. Relève également d’une interprétation erronée du point 187 de l’arrêt attaqué la considération selon laquelle le Tribunal aurait constaté que la simple existence d’une relation d’achat-vente entre un exportateur et sa société de distribution liée suffirait pour que la marge de cette dernière soit traitée comme une commission. En effet, outre que le passage dudit point de l’arrêt attaqué précise qu’une telle relation n’a pas de pertinence dans la démonstration de ce que SEPCO exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il se rapporte non pas aux transactions réalisées par SEPCO pour Niko Tube, mais à celles réalisées par cette société pour NTRP.

123. En réalité, les motifs qui ont présidé au rejet de la thèse des requérantes en première instance reposent non pas sur l’existence ou non d’une relation d’achat‑vente entre le producteur et la société de distribution, mais sur l’absence d’indices probants d’un éventuel contrôle de Niko Tube sur SEPCO ou d’un contrôle commun de ces deux sociétés. À cet égard, il importe de constater que Niko Tube et NTRP n’ont aucunement précisé quels éléments du dossier le Tribunal aurait dénaturés ou omis de prendre en considération qui auraient été susceptibles d’infirmer son appréciation, exposée aux points 188 et 189 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en substance, le fait que Niko Tube et NTRP avaient trois actionnaires communs, dont la société mère de NTRP, ne permettait pas de démontrer que SEPCO était sous le contrôle de Niko Tube ou qu’il existait un contrôle commun à ces deux sociétés, mais permettait uniquement d’établir l’existence d’un lien indirect entre ces deux dernières sociétés.

124. Le simple fait, mentionné à la note en bas de page 47 du pourvoi incident, que le Tribunal ait omis de répondre à l’argument selon lequel les représentants de SEPCO étaient présents lors des visites de vérification dans les locaux de Niko Tube durant la procédure d’enquête n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse. En effet, comme l’a indiqué à juste titre le Conseil dans sa réponse au pourvoi incident, ce fait atteste uniquement que les deux sociétés en cause ont coopéré pendant l’enquête, comme on peut effectivement l’attendre de deux sociétés liées, mais ne saurait démontrer que Niko Tube contrôlait SEPCO ni qu’il existait un contrôle commun à ces deux sociétés.

125. Enfin, Niko Tube et NTRP restent également en défaut d’indiquer sur quels éléments nouveaux le Tribunal se serait fondé pour rejeter, partiellement, leur moyen articulé en première instance. À cet égard, Niko Tube et NTRP ne sauraient reprocher au Tribunal de leur avoir permis, au stade de l’instance, d’étayer leurs affirmations, alors même que, comme je l’ai indiqué au point précédent des présentes conclusions, ces sociétés demeurent incapables, au stade du pourvoi, d’indiquer précisément quels éléments probants du dossier le Tribunal aurait omis de prendre en compte lorsqu’il a, en substance, confirmé l’appréciation des institutions selon laquelle les liens entre SEPCO et Niko Tube étaient insuffisants pour considérer qu’il existait un contrôle commun à ces deux sociétés ou que Niko Tube exerçait un contrôle sur SEPCO, condition préalable à l’existence d’une entité économique unique entre ces deux sociétés liées, ce qui aurait privé ces institutions de la possibilité d’opérer l’ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

126. Partant, je suggère de rejeter le troisième moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit commises dans l’application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en ce qui concerne des transactions réalisées par SEPCO concernant des tuyaux produits par Niko Tube.

C –    Sur les moyens des pourvois principaux, tirés d’erreurs de droit dans la constatation d’une violation des droits de la défense des requérantes en première instance dans le contexte de l’ajustement opéré en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base

1.      Argumentation des parties

127. Le Conseil et la Commission identifient trois erreurs de droit qui entacheraient l’appréciation du Tribunal qui l’a conduit à constater que les droits de la défense de Niko Tube et de NTRP, dans le contexte de l’ajustement opéré en application de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, avaient été violés.

128. Premièrement, ces institutions estiment que le Tribunal aurait, au point 201 de l’arrêt attaqué, interprété trop strictement les exigences d’information qui pèsent sur elles. En particulier, elles considèrent qu’il serait disproportionné d’exiger dans tous les cas de la Commission qu’elle informe l’exportateur non seulement de la base juridique retenue pour opérer un ajustement, mais également des raisons qui ont présidé à cet ajustement. Or, en omettant de vérifier, dans le cas d’espèce, si la simple communication de la base juridique de l’ajustement était suffisante pour l’exercice effectif des droits de la défense des sociétés en cause, le Tribunal aurait commis une erreur de droit. Selon la Commission, le Tribunal aurait confondu l’obligation de fournir une motivation étoffée qui pèse sur les institutions lors de l’adoption de l’acte en cause et celle de communiquer, durant la procédure administrative ou d’enquête, des informations suffisantes pour permettre aux opérateurs d’exercer leurs droits de la défense. La Commission ajoute que le contenu de la lettre du 4 mai 2006 des requérantes en première instance, brièvement évoqué au point 204 de l’arrêt attaqué, montrerait que ces dernières avaient parfaitement compris les raisons pour lesquelles la Commission comptait procéder à l’ajustement en cause.

129. Deuxièmement, le Conseil reproche au Tribunal de ne pas avoir correctement examiné, au point 209 de l’arrêt attaqué, si, à la suite de la communication tardive des trois éléments énumérés dans la télécopie de la Commission du 26 juin 2006, Niko Tube et NTRP avaient réellement été privées de la possibilité de présenter des arguments ou des observations qui auraient pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent. Selon le Conseil, le Tribunal aurait dû examiner si Niko Tube et NTRP avaient été privées de la possibilité de présenter des arguments nouveaux en raison de la communication tardive de la télécopie du 26 juin 2006 et qu’elles ont effectivement développés devant le Tribunal. Si le Tribunal avait dûment appliqué ce critère, il aurait constaté que les arguments invoqués devant lui étaient essentiellement identiques à ceux présentés dans le cadre de la procédure devant la Commission avant la réception de la télécopie du 26 juin 2006.

130. Troisièmement, dans la mesure où le Tribunal aurait entaché les points 185 à 188 de l’arrêt attaqué de plusieurs erreurs de droit, le Conseil soutient que c’est également à tort que le Tribunal a accueilli, au point 211 du même arrêt, le moyen tiré de la violation des droits de la défense de Niko Tube et de NTRP pour autant qu’il concernait l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base. Il ajoute que, en tout état de cause, le Tribunal aurait commis une erreur de logique concernant Niko Tube puisque l’absence d’une violation des droits de la défense de cette société n’aurait pas pu aboutir à un résultat différent de celui que le Tribunal a confirmé au point 189 de l’arrêt attaqué. De manière plus générique, la Commission estime que le Tribunal ne pouvait pas, au point 209 de l’arrêt attaqué, se borner à renvoyer à son appréciation au fond pour considérer que les requérantes en première instance avaient établi que leurs droits de la défense avaient été méconnus.

131. Niko Tube et NTRP invitent la Cour à rejeter les moyens articulés par le Conseil et la Commission.

132. Elles soutiennent tout d’abord que c’est à bon droit que le Tribunal ne s’est pas satisfait d’un simple renvoi à la base juridique de l’ajustement en cause pour vérifier si les institutions s’étaient acquittées de leur obligation de respecter les droits de la défense. En particulier, ces sociétés soulignent que l’examen concret effectué par le Tribunal correspond aux exigences dégagées par la jurisprudence et ne saurait être qualifié de trop strict. Si Niko Tube et NTRP ont fait valoir, dans la lettre du 4 mai 2006 en réponse au second document d’information finale adressé par la Commission, que les activités de SEPCO n’étaient pas assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, elles ne savaient toutefois pas si et sur quel motif la Commission aurait pu qualifier cette société de commissionnaire. Ces sociétés n’ont manifestement pas pu répondre aux arguments spécifiques exposés dans la télécopie du 26 juin 2006, laquelle, comme l’aurait jugé à juste titre le Tribunal, constituait, dans la phase administrative, le premier exposé des motifs sur lesquels les institutions se seraient fondées pour considérer qu’il y avait lieu d’opérer l’ajustement litigieux.

133. Ensuite, d’après Niko Tube et NTRP, il serait également manifeste, comme l’aurait relevé le Tribunal, que, contrairement aux exigences découlant de la jurisprudence, elles n’auraient pas eu l’occasion, avant l’adoption par la Commission de sa proposition en vue de l’adoption du règlement litigieux, de faire utilement connaître leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués qui auraient présidé à l’ajustement finalement opéré par les institutions.

134. Elles affirment également que le critère juridique proposé par le Conseil pour vérifier si l’irrégularité procédurale commise par les institutions aurait pu avoir un impact sur la conclusion à laquelle ces dernières sont parvenues, en comparant les arguments formulés par Niko Tube et NTRP avant la divulgation de la motivation contenue dans la télécopie du 26 juin 2006 et ceux formulés après cette divulgation, méconnaîtrait le degré restreint de contrôle qu’exerce le Tribunal sur les éléments de preuve. Le Tribunal se serait à bon droit borné à établir que la procédure administrative aurait pu aboutir à un autre résultat si les requérantes en première instance avaient eu l’occasion de soumettre des observations sur les raisons qui ont présidé à l’ajustement au cours de cette procédure.

135. Enfin, à propos de l’argument du Conseil tiré de la prétendue incohérence affectant le raisonnement du Tribunal qui se rapporte à la violation des droits de la défense de Niko Tube, cette dernière et NTRP font valoir que ce n’est pas parce que le Tribunal a conclu dans le cadre de l’instance qu’il n’existait pas de preuve que SEPCO était contrôlée par Niko Tube que les droits de la défense de cette dernière n’auraient pas été méconnus. De l’avis de ces sociétés, si Niko Tube avait été informée en temps utile des raisons de l’ajustement litigieux, elle aurait pu concentrer ses arguments sur lesdites raisons durant la procédure administrative et en influencer le résultat.

2.      Analyse

136. À titre liminaire, je tiens à rappeler, ainsi que l’a indiqué le Tribunal au point 64 de l’arrêt attaqué auquel il a fait référence au point 201 dudit arrêt, que l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base accorde notamment aux plaignants, importateurs et exportateurs ainsi qu’à leurs associations représentatives et aux représentants du pays exportateur le droit de demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives.

137. Il ressort aussi de la jurisprudence mentionnée par le Tribunal que les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (26).

138. Je note que, au point 203 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, sans que cela ait été contesté par le Conseil et la Commission, que dans le second document d’information finale, daté du 24 avril 2006, la Commission avait fait savoir à Niko Tube et NTRP que, s’agissant des ventes vers la Communauté pour lesquelles SEPCO était intervenue, l’ajustement opéré avait en réalité été effectué au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, et non au titre de l’article 2, paragraphe 9, du même règlement, comme il avait été mentionné par erreur dans le premier document d’information finale. Le Tribunal a aussi pris note que, si la Commission avait indiqué dans ce document que le montant de la déduction opérée restait inchangé, elle ne fournissait aucune justification de ce que l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base était applicable en l’espèce.

139. De plus, ni le Conseil ni la Commission ne contestent la qualification opérée par le Tribunal au point 201 de l’arrêt attaqué selon laquelle l’information relative à l’ajustement litigieux et aux raisons pour lesquelles il a été opéré était essentielle, dans la mesure où un tel ajustement affectait directement le niveau du droit antidumping.

140. Partant, c’est, à mon sens, de manière erronée que les institutions font grief au Tribunal d’avoir, en substance, exigé que la Commission informe Niko Tube et NTRP au cours de la procédure administrative non pas uniquement du fait que cette institution considérait qu’un ajustement devait être opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, mais également des raisons qui justifiaient un tel ajustement, à savoir notamment les circonstances et éléments de preuve allégués par la Commission à l’appui de son appréciation.

141. En effet, ces circonstances et éléments de preuve ayant été jugés essentiels, ils auraient donc dû être communiqués à un moment où les requérantes en première instance pouvaient encore utilement faire connaître leur point de vue, en particulier, sur leur pertinence, avant l’adoption du règlement litigieux. Or, comme l’a constaté le Tribunal, c’est uniquement dans sa télécopie du 26 juin 2006, soit la veille de l’adoption du règlement litigieux, que la Commission a communiqué aux entreprises intéressées les raisons précises qui présidaient, selon elle, à l’ajustement effectué au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

142. Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a également rappelé à bon droit, au point 208 de l’arrêt attaqué, l’irrégularité procédurale commise par la Commission n’était susceptible de constituer une violation des droits de la défense des requérantes en première instance justifiant l’annulation du règlement litigieux que si ces dernières avaient établi non pas que le règlement litigieux aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’était pas entièrement exclue de sorte que lesdites requérantes auraient été en mesure de mieux assurer leur défense en l’absence de cette irrégularité procédurale (27). En d’autres termes, Niko Tube et NTRP devaient démontrer qu’il existait une possibilité que la procédure administrative eût pu aboutir à un résultat différent en l’absence de cette irrégularité, une telle irrégularité affectant ainsi concrètement leurs droits de la défense (28).

143. Sans remettre en question cette jurisprudence, le Conseil estime que le Tribunal n’a pas vérifié concrètement, au regard des arguments exposés devant lui, quels éléments les requérantes en première instance auraient été privées de communiquer en raison de l’envoi tardif de la télécopie du 26 juin 2006.

144. Cette critique me paraît devoir être rejetée.

145. À cet égard, je tiens à observer que, au point 209 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué, à propos des trois éléments sur lesquels la Commission s’était fondée pour conclure que SEPCO exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, «[qu’]il a été démontré, aux points 185 à 188 [de l’arrêt attaqué], sur le fondement des arguments avancés par les requérantes dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, que ces trois éléments ne pouvaient pas être considérés comme des indices permettant d’établir, d’une part, que SEPCO exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions et, d’autre part, que SEPCO et NTRP ne constituent pas une unité économique unique. Dès lors, il convient de conclure que les requérantes ont établi qu’une communication antérieure des éléments contenus dans la télécopie du 26 juin 2006 leur aurait permis de procéder à cette même démonstration, avant l’adoption du règlement attaqué, et, ce faisant, d’étayer l’affirmation selon laquelle la Commission ne possédait aucun élément tangible lui permettant de procéder à l’ajustement litigieux» (29).

146. Or, ainsi que l’atteste ce point de l’arrêt attaqué qui renvoie au contrôle juridictionnel au fond opéré aux points 185 à 188 dudit arrêt où, comme je l’ai déjà mis en exergue, il est fait état à plusieurs reprises de l’argumentation et d’indications exposées en cours d’instance, le Tribunal s’est bien fondé, du moins en partie, sur les éléments apportés devant lui par les requérantes en première instance pour vérifier si l’irrégularité procédurale reprochée à la Commission avait concrètement affecté leur droit de faire valoir leur point de vue durant la procédure administrative.

147. En revanche, j’estime que le Tribunal a entaché son arrêt, et plus particulièrement le point 209 lu en combinaison avec les points 188 à 190, d’une contradiction de motifs et d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne la constatation selon laquelle les droits de la défense de Niko Tube avaient été violés.

148. En effet, le Tribunal ne saurait, à mon sens, rejeter au fond le moyen des requérantes en première instance en ce qui concerne l’ajustement sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO, dans le cadre des transactions concernant des tuyaux fabriqués par Niko Tube, en prenant en compte notamment les arguments exposés en cours d’instance par les requérantes en première instance et, dans le même temps, considérer que les mêmes arguments auraient pu, s’ils avaient été exposés dans le cadre de la procédure administrative en l’absence de l’irrégularité procédurale de la Commission, conduire à un résultat autre que celui auquel les institutions sont arrivées.

149. En tout état de cause, eu égard au rejet sur le fond de la branche du moyen des requérantes en première instance, exposée à l’appui de l’annulation du règlement litigieux pour autant qu’elle concernait l’ajustement sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO, dans le cadre des transactions des tuyaux fabriqués par Niko Tube, le Tribunal ne pouvait se borner, dans l’appréciation de la violation des droits de la défense de cette dernière société, à renvoyer à des motifs de fond ne concernant pas spécifiquement Niko Tube. Le Tribunal devait au contraire expliciter les raisons pour lesquelles, malgré le rejet de ladite branche, les arguments exposés devant lui par les requérantes en première instance auraient pu, s’ils avaient pu être communiqués durant la procédure administrative, faire aboutir cette dernière à un résultat différent de celui auquel les institutions sont parvenues. En omettant d’expliciter ces raisons, le Tribunal a, selon moi, insuffisamment motivé sa conclusion, figurant au point 209 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en substance, les requérantes en première instance avaient établi qu’une communication antérieure des éléments contenus dans la télécopie du 26 juin 2006 leur aurait permis d’étayer leur affirmation, avant l’adoption du règlement litigieux attaqué, que la Commission ne possédait aucun élément tangible lui permettant de procéder à l’ajustement litigieux pour autant qu’il concernait Niko Tube.

150. Cette appréciation ne me paraît pas infirmée par la considération selon laquelle certains arguments exposés aux points 185 et 186 de l’arrêt attaqué se rapportent tant à NTRP qu’à Niko Tube.

151. En effet, dans la mesure où, implicitement mais nécessairement, le Tribunal n’a pas considéré, quant à son appréciation au fond du moyen des requérantes en première instance relatif à l’ajustement litigieux, que ces arguments pouvaient, par eux-mêmes, emporter l’accueil dudit moyen et, partant, l’annulation du règlement litigieux pour autant que cet ajustement se rapportait aux ventes à l’exportation effectuées par SEPCO de tuyaux fabriqués par Niko Tube, je ne perçois pas comment, et sans motivation spécifique de la part du Tribunal, le fait que ces arguments eussent pu être invoqués durant la procédure administrative aurait concrètement accordé une chance aux requérantes en première instance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

152. À cet égard, et comme cela ressort déjà implicitement de l’appréciation exposée au point 146 des présentes conclusions, c’est à tort, selon moi, que NTRP et Niko Tube prétendent que le Tribunal, dans le contexte de la vérification d’une éventuelle violation des droits de la défense de ces entreprises, ne saurait, sans méconnaître l’étendue de son contrôle marginal, examiner les arguments nouveaux qu’elles ont exposés devant lui.

153. En effet, à l’instar de toute prétention à l’appui d’un recours en annulation, il incombe au requérant de rapporter la preuve de l’allégation tirée d’une méconnaissance de ses droits procéduraux. Or, étant donné que la jurisprudence exige qu’une affectation concrète des droits de la défense soit démontrée afin de pouvoir accueillir un moyen tiré de ce motif et, partant, entraîner l’annulation d’un acte de l’Union, il appartient au requérant qui se prévaut d’un tel moyen d’annulation dirigé contre la légalité d’un tel acte d’indiquer avec suffisamment de précision les arguments qu’il aurait exposés en l’absence de l’irrégularité procédurale reprochée et qui sont différents de ceux qui ont déjà pu être présentés durant la procédure administrative avant que l’irrégularité reprochée n’ait été commise. Ce n’est qu’en procédant à un tel examen que le Tribunal peut valablement apprécier si l’irrégularité procédurale litigieuse a concrètement affecté les droits de la défense du requérant (30). Cet examen n’excède aucunement la portée du contrôle opéré par le juge de l’Union. Au contraire, il participe, à mon sens, de la vérification pleine et entière d’une éventuelle méconnaissance, par les institutions de l’Union, du principe fondamental du droit de l’Union du respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief (31).

154. Des considérations identiques motivent le rejet de la thèse générique de la Commission selon laquelle le Tribunal ne pouvait, au point 209 de l’arrêt attaqué, renvoyer à ses développements concernant l’examen au fond de l’ajustement litigieux. En effet, pour autant que cette critique se rapporte à NTRP, le renvoi opéré au point 209 de l’arrêt attaqué n’a eu d’autre objet que de démontrer que, si NTRP avait eu l’occasion, durant la procédure administrative, de communiquer les éléments qu’elle a apportés en cours d’instance devant le Tribunal, évoqués aux points 185 à 187 de l’arrêt attaqué, elle aurait pu mieux assurer l’exercice de ses droits de la défense.

155. Eu égard à ces considérations, je propose d’accueillir partiellement le pourvoi introduit par le Conseil et d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a accueilli le sixième moyen des requérantes en première instance, tiré de la violation des droits de la défense de Niko Tube, pour autant qu’il concernait l’ajustement opéré sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO, dans le cadre des transactions des tuyaux fabriqués par Niko Tube, au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

156. En revanche, dans la mesure où le pourvoi principal intenté par la Commission à l’encontre de l’arrêt attaqué n’a pas fait état d’un moyen identique à celui, exposé par le Conseil, que je propose d’accueillir, je suggère de rejeter le pourvoi principal de la Commission dans son intégralité.

157. Il y a donc lieu, à présent, d’examiner les deux moyens à l’appui du pourvoi incident de Niko Tube et de NTRP qui ont trait aux appréciations du Tribunal autres que celles portant sur l’ajustement opéré au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

D –    Sur les deux premiers moyens du pourvoi incident introduit par Niko Tube et NTRP

158. Outre le troisième moyen déjà examiné, dans leur pourvoi incident, Niko Tube et NTRP soulèvent deux autres moyens tirés d’erreurs de droit qu’aurait commises le Tribunal dans le cadre de son examen respectivement du calcul de la valeur normale et de la détermination du préjudice causé à l’industrie de l’Union.

1.      Sur le premier moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit ayant prétendument entaché l’examen par le Tribunal du calcul de la valeur normale

159. Avant d’examiner le présent moyen du pourvoi incident, qui s’articule en cinq branches, il me paraît utile de rappeler les antécédents essentiels du litige relatifs à l’exclusion des tuyaux atomiques relevant du NCP KE4 faisant l’objet du présent moyen.

a)      Antécédents essentiels du litige concernant l’exclusion des tuyaux atomiques relevant du NCP KE4

160. Dans le cadre de son enquête, la Commission a donné une définition du produit concerné (tubes et tuyaux sans soudure) expliqué dans le questionnaire adressé aux parties intéressées. Dans ce même questionnaire, elle a également indiqué que, aux fins d’effectuer une comparaison équitable des prix du produit concerné, elle avait décidé d’utiliser un système de classification du produit dit «NCP», consistant en un code à six symboles (par exemple, NCP JB21YN), dépendant notamment de la classification douanière et des propriétés physiques et techniques spécifiques (diamètre, épaisseur) des tubes et tuyaux sans soudure concernés. Le texte de ce questionnaire insistait sur le fait que les parties intéressées devaient utiliser les numéros de contrôle des produits dans l’ensemble de leur réponse de manière rigoureusement exacte et cohérente.

161. Dans sa réponse au questionnaire en juin 2005, SPIG a fourni, transaction par transaction, la liste détaillée de ses ventes réalisées en Ukraine, ainsi qu’une liste de ses fournisseurs. Toutefois, SPIG «a utilisé non pas le système à six symboles préconisé par la Commission dans son questionnaire, mais un système simplifié à trois symboles. Parmi la liste des ventes adressée par SPIG figuraient six transactions comportant le code KE4. NTRP apparaissait dans la liste comme le seul fournisseur des tuyaux relevant du NCP KE4. La Commission s’est fondée sur cette liste, vérifiée sur place, pour calculer la valeur normale.

162. Dans leur correspondance avec la Commission à la suite du premier document d’information finale, Niko Tube et NTRP ont fait valoir que les tuyaux relevant du NCP KE4 devaient être exclus du calcul car ils ne relèveraient pas du produit concerné ou, en tout état de cause, n’auraient pas été fabriqués par elles.

163. Dans le second document d’information finale, adopté le 24 avril 2006, la Commission a rejeté la demande d’exclusion du calcul de la valeur normale des produits relevant du NCP KE4. Ce document mentionnait que la Commission avait pris acte des commentaires concernant les ventes nationales classées sous le NCP KE4, mais qu’elle ne pouvait être en mesure de vérifier les nouvelles informations que Niko Tube et NTRP avaient fournies.

164. Ces dernières sociétés ont réitéré leur demande d’exclusion dans leur réponse, en date du 4 mai 2006, au second document d’information finale. Dans cette réponse, il était affirmé que le groupe Interpipe ne fabriquait aucun des tuyaux relevant du NCP KE4 et, en particulier, les 63,1 tonnes de tubes et de tuyaux sans soudure relevant de la norme technique TU 14-3P-197-2001. Toujours selon cette réponse, il était indiqué qu’il résultait directement des différentes listes de ventes adressées à la Commission que, pour ces tubes et tuyaux sans soudure, le groupe Interpipe n’agissait que comme un distributeur et que les tuyaux classés sous le NCP KE4 étaient fabriqués par NTRP seulement.

165. La Commission a de nouveau rejeté la demande d’exclusion dans sa télécopie du 26 juin 2006, au motif, notamment, que les données concernant ces tuyaux ne présentaient pas un niveau de garantie suffisant, en l’absence d’une nouvelle vérification sur place jugée trop lourde à organiser à un moment avancé de la procédure administrative.

166. Dans leur recours en annulation du règlement litigieux, Niko Tube et NTRP ont fait valoir que les institutions avaient commis une erreur manifeste d’appréciation en incluant dans le calcul de la valeur normale, et donc de la marge de dumping, les données relatives aux tuyaux relevant du NCP KE4 et de la norme technique TU 14‑3P‑197‑2001, qu’elles avaient violé le principe de non‑discrimination, les droits de la défense ainsi que l’obligation de motivation.

167. Le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens.

168. S’agissant de l’examen de l’erreur manifeste d’appréciation reprochée par les requérantes en première instance, qui incluait également une violation de l’obligation de diligence, le Tribunal a vérifié si les éléments présentés par ces dernières à la Commission au cours de l’enquête étaient suffisants pour conclure qu’elles ne produisaient pas les tuyaux atomiques relevant du NCP KE4, de telle sorte que la Commission aurait omis d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que ces éléments devaient faire l’objet d’une nouvelle visite de vérification dans les locaux des requérantes en première instance.

169. Dans le cadre de cet examen, le Tribunal a constaté tout d’abord, au point 45 de l’arrêt attaqué, que les requérantes en première instance n’avaient jamais inscrit la norme TU 14-3P-197-2001 dans la liste de leurs ventes nationales et à l’exportation, ce qui constituait une indication de ce qu’elles n’avaient pas vendu de tuyaux atomiques, pas même à SPIG. De plus, le Tribunal a relevé que les listes des coûts de production des requérantes en première instance montraient que les produits mentionnés dans ces listes n’étaient pas fabriqués en application de ladite norme.

170. Toutefois, le Tribunal a également fait observer que la liste des ventes du marché national de SPIG faisait état de six transactions concernant des tuyaux relevant du NCP KE4 et fabriqués en application de la norme technique susmentionnée. Au point 48 de l’arrêt attaqué, il a ajouté que la liste des fournisseurs et des achats de SPIG mentionnait un seul et unique fournisseur pour les tuyaux relevant du NCP KE4, à savoir NTRP. Or, dans cette liste ne devaient figurer que les fournisseurs dont les produits avaient été revendus dans l’Union. Dans la mesure où les éléments du dossier confirmaient que les tuyaux relevant du code NCP KE4 et de la norme technique TU 14-3P-197-2001 avaient été revendus sur le marché ukrainien et que tous les tuyaux relevant dudit code mais pas de ladite norme technique, produits par NTRP, avaient été revendus par SPIG sur le marché communautaire, le Tribunal en a déduit que SPIG n’avait commis aucune erreur en ne faisant pas mention, dans sa liste des fournisseurs et des achats, d’un fournisseur autre que NTRP des tuyaux relevant du code NCP KE4.

171. Pour autant, le Tribunal a noté, au point 49 de l’arrêt attaqué, que le fait, d’une part, que la liste des ventes nationales de SPIG mentionnait des transactions concernant des tuyaux relevant du NCP KE4 et de la norme technique TU 14‑3P‑197‑2001 et, d’autre part, que la liste des fournisseurs et des achats de SPIG ne faisait référence qu’à un seul fournisseur pour les tuyaux relevant du NCP KE4 a pu être source de confusion pour les agents de la Commission en charge de l’enquête. Il en a déduit, aux points 50 et 51 de l’arrêt attaqué, que, à l’issue d’une évaluation diligente des réponses au questionnaire transmises par les requérantes en première instance et par SPIG, leur société de vente liée, la Commission disposait d’informations contradictoires ou, à tout le moins, d’informations dont la validité pouvait être mise en cause, sans que les requérantes en première instance aient cherché à dissiper le doute de la Commission face à ces contradictions. En particulier, le Tribunal a jugé qu’il appartenait à ces dernières d’apporter la preuve que les six transactions en cause concernaient des achats de SPIG de tuyaux relevant du NCP KE4 et de la norme technique TU 14-3P-197-2001 à un fournisseur indépendant, ce qu’elles étaient restées en défaut de faire. Il en a conclu que la Commission s’était conformée à son obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, que la valeur normale avait donc été déterminée d’une manière raisonnable, conformément à la jurisprudence et que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

172. Quant au moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination en ce que le Conseil aurait accepté d’exclure du calcul de la marge de dumping des produits non fabriqués par les requérantes en première instance relevant de certains codes NCP mais pas les tuyaux atomiques relevant du NCP KE4 et de la norme technique TU 14-3P-197-2001, le Tribunal a constaté, aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué, que, alors que ces derniers tuyaux étaient produits par NTRP, les tuyaux relevant des autres NCP n’apparaissaient nullement dans les listes de ventes ou des coûts de production des requérantes en première instance et que, de surcroît, la liste des fournisseurs et des achats de SPIG mentionnait un seul et unique fournisseur du NCP KE4, à savoir NTRP. Il a donc rejeté ce moyen.

173. Par ailleurs, aux points 67 à 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également écarté les moyens tirés de la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation invoqués par les requérantes en première instance.

b)      Sur les cinq branches du premier moyen du pourvoi incident

174. Niko Tube et NTRP soutiennent, en premier lieu, que le Tribunal aurait violé leurs droits de la défense en rejetant leurs moyens articulés en première instance tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe de non-discrimination. En deuxième lieu, elles font valoir que le Tribunal aurait excédé les limites du contrôle juridictionnel. En troisième lieu, Niko Tube et NTRP reprochent au Tribunal de ne pas s’être prononcé sur un moyen supplémentaire soulevé en première instance. En quatrième lieu, le Tribunal aurait commis, selon elles, une erreur manifeste d’appréciation du devoir de diligence. Enfin, en cinquième lieu, il aurait dénaturé le sens limpide des éléments de preuve.

c)      Sur les deux premières branches, tirées, respectivement, de la violation des droits de la défense et de la méconnaissance des limites du contrôle juridictionnel

i)      Argumentation des parties

175. Même si Niko Tube et NTRP reconnaissent avoir été en mesure de s’exprimer durant la procédure de première instance sur les éléments sur lesquels s’est fondé le Tribunal, elles allèguent que ce dernier aurait violé leurs droits de la défense en se basant, aux points 47 à 55 ainsi que 59 et 60 de l’arrêt attaqué, sur des éléments nouveaux de l’affaire qui ne leur avaient pas été communiqués durant la procédure administrative. Tel serait le cas de la nouvelle motivation présentée par le Conseil et la Commission pour justifier l’exclusion erronée des tuyaux atomiques relevant du NCP KE4 du calcul de la marge de dumping, ainsi que des nouveaux faits exposés censés étayer cette nouvelle motivation, tels que la pertinence de la liste des fournisseurs et des achats de SPIG, l’allégation du défaut de coopération en matière de traduction et le prétendu manque de preuve quant au fournisseur desdits tuyaux atomiques. Dans leur deuxième branche, Niko Tube et NTRP rappellent que le Tribunal ne saurait prendre en considération une motivation nouvelle au soutien du rejet de leur demande d’exclusion des tuyaux relevant du NCP KE4.

176. Le Conseil et la Commission estiment que la première branche du premier moyen du pourvoi incident, particulièrement confuse, doit être rejetée. Outre que Niko Tube et NTRP n’identifient pas les éléments sur la base desquels le Tribunal ne leur aurait pas accordé le droit d’être entendues, ces institutions font valoir que ces sociétés confondent les droits de la défense et l’obligation de motivation. Sur ce dernier aspect, le Conseil note que Niko Tube et NTRP n’identifient aucunement les prétendus «éléments nouveaux» sur lesquels le Tribunal se serait fondé. Ces prétendus «éléments nouveaux» ne seraient rien d’autre, de l’avis du Conseil, que des explications supplémentaires venant étayer les constatations figurant dans le deuxième document d’information de la Commission, en date du 24 avril 2006, et selon lesquelles la demande d’exclusion des six transactions concernant les tuyaux atomiques relevant du NCP KE4 ne pouvait être acceptée parce qu’elle aurait requis une vérification supplémentaire de nouvelles informations. En tout état de cause, les institutions ne seraient pas réduites à ne citer que la motivation à la base de leur acte ainsi que la correspondance avec les parties, elles pourraient développer davantage leur position devant le Tribunal. La deuxième branche du premier moyen du pourvoi incident devrait être rejetée pour des motifs similaires. Le Tribunal aurait agi dans les limites de son contrôle.

ii)    Analyse

177. Pour autant qu’elle vise à faire constater que le Tribunal aurait méconnu les exigences du respect des droits de la défense de Niko Tube et de NTRP, la première branche du premier moyen du pourvoi incident devrait, à mon sens, être rejetée. En effet, ces dernières sociétés restent clairement en défaut d’identifier les éléments de fait et de droit sur lesquels le Tribunal ne les aurait pas entendues. Elles admettent d’ailleurs avoir pu être en mesure de s’exprimer sur les éléments qui ont fondé l’appréciation du Tribunal exposée aux points 45 à 54 ainsi que 59 et 60 de l’arrêt attaqué.

178. En outre et à toutes fins utiles, il y a lieu de relever que Niko Tube et NTRP n’attaquent pas, dans le cadre de leur pourvoi incident, l’appréciation du Tribunal, exposée au point 67 de l’arrêt attaqué, relative à la prétendue violation de leurs droits de la défense qu’auraient commise les institutions quant à leur demande d’exclusion des tuyaux atomiques relevant du NCP KE4.

179. Davantage qu’une violation des droits de la défense, il est en réalité fait grief au Tribunal d’avoir outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel, en ayant pris en considération des motifs, au soutien du rejet de la demande de Niko Tube et NTRP d’exclure les tuyaux relevant du NCP KE4 du calcul de la valeur normale, qui ne ressortiraient pas de la procédure administrative.

180. La première branche du premier moyen du pourvoi incident se confond donc, en substance, avec la deuxième, tirée précisément d’un excès de pouvoir qu’aurait commis le Tribunal.

181. Quant à ce grief, il me paraît devoir être rejeté.

182. Tout d’abord, j’estime que la prétention de Niko Tube et de NTRP, avancée dans leur pourvoi incident, selon laquelle le Tribunal se serait appuyé sur des éléments de fait nouveaux ne saurait prospérer. Il ressort en effet des points pertinents de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est limité, pour examiner les moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe de non-discrimination, à prendre en considération des éléments résultant des documents échangés durant la procédure administrative.

183. Il y a ensuite lieu de faire observer que, pour vérifier, comme l’invitaient les requérantes en première instance, si le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant leur demande d’exclure du calcul de la valeur normale et de la marge de dumping les tuyaux atomiques relevant du NCP KE4 au prétexte qu’elles ne les fabriquaient pas, le Tribunal a notamment examiné la motivation sur la base de laquelle ce rejet avait été opéré au regard, en particulier, du contexte factuel dans lequel cette motivation avait été adoptée. Or, un tel examen est en soi exempt d’erreur de droit. En effet, le Tribunal n’a pas substitué sa propre motivation à celle des institutions, mais a simplement replacé dans son contexte le rejet de la demande des requérantes en première instance, en relevant, en particulier le fait que la liste des fournisseurs et des achats de SPIG mentionnait un seul fournisseur de tuyaux relevant du NCP KE4, à savoir NTRP, ce qui pouvait avoir une incidence sur la prétention selon laquelle les requérantes en première instance ne fabriquaient pas lesdits tuyaux.

184. Un tel contexte ne pouvait assurément être ignoré des requérantes en première instance, ce dont atteste d’ailleurs, notamment, la constatation, opérée au point 51 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elles avaient adressé des factures censées être relatives aux six transactions des tuyaux relevant du NCP KE4 qui auraient été mentionnées à tort dans la liste des ventes de SPIG.

185. Je propose donc de rejeter les deux premières branches du premier moyen du pourvoi incident.

d)      Sur la troisième branche, tirée du défaut de réponse à un moyen

i)      Argumentation des parties

186. Niko Tube et NTRP allèguent qu’elles auraient fait valoir dans leur réplique en première instance que les explications et prétentions exposées dans le mémoire en défense du Conseil étaient tardives et ne devaient pas être prises en considération. Le Tribunal aurait pris acte de ce moyen, ainsi que l’attesterait le rapport d’audience de l’instance, mais n’y aurait pas répondu dans l’arrêt litigieux.

187. Le Conseil et la Commission soutiennent que cette branche est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

ii)    Analyse

188. À supposer même que les requérantes en première instance aient soulevé un moyen nouveau en cours d’instance, tiré de la prétendue tardiveté de la motivation à l’appui du règlement litigieux, auquel le Tribunal aurait dû répondre, force est de constater que celui-ci a implicitement, mais nécessairement, répondu à ce moyen et l’a écarté en examinant les raisons exposées par les institutions à la lumière du contexte dans lequel elles se sont inscrites.

189. Partant, je suggère de rejeter la troisième branche du premier moyen du pourvoi incident.

e)      Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation du devoir de diligence

i)      Argumentation des parties

190. Selon Niko Tube et NTRP, le Tribunal aurait erronément interprété la notion de diligence en considérant, aux points 52 et 53 de l’arrêt attaqué, que deux raisons légitimes, sur les dix avancées par le Conseil pour rejeter la demande des requérantes en première instance d’exclure les tuyaux relevant du NCP KE4 du calcul de la valeur normale, suffiraient à démontrer que la Commission avait globalement agi avec la diligence requise.

191. Le Conseil et la Commission font valoir que, par cette branche, Niko Tube et NTRP tendent, en définitive, à vouloir remettre en discussion les constatations de fait effectuées par le Tribunal, ce qui serait irrecevable au stade du pourvoi. Le Conseil rappelle également que le principe du devoir de diligence est d’ordre procédural alors que Niko Tube et NTRP contestent le résultat de l’examen des faits effectué par le Tribunal et les conclusions auxquelles ont abouti les institutions. Le Conseil ajoute que les allégations de Niko Tube et de NTRP selon lesquelles la plupart de ses arguments auraient été déclarés non pertinents ou rejetés par le Tribunal sont fallacieuses et inexactes.

ii)    Analyse

192. Il est constant que lorsque les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union revêt, dans les procédures administratives, une importance fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (32).

193. Dans ce contexte, ainsi que le Tribunal l’a rappelé en substance au point 41 de l’arrêt attaqué et sans que cela soit contesté par les parties, dans le domaine des mesures antidumping où le juge de l’Union ne peut intervenir dans l’appréciation réservée aux institutions, il lui appartient de s’assurer que ces dernières ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise de sorte à pouvoir considérer que la valeur normale a été déterminée d’une manière raisonnable, au regard des dispositions du règlement de base (33).

194. Par la présente branche, Niko Tube et NTRP soutiennent, pour l’essentiel, que le Tribunal ne pouvait à bon droit constater que les institutions avait examiné avec toute la diligence requise les données concernant les tuyaux relevant du NCP KE4, alors même qu’il aurait rejeté ou jugé comme non pertinentes huit des dix raisons sur la base desquelles ces institutions se seraient fondées pour inclure ces tuyaux dans le calcul de la valeur normale et de la marge de dumping.

195. La question de savoir si le Tribunal a correctement jugé que les institutions avaient respecté leur devoir de diligence est une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (34).

196. Indépendamment du fait que le Tribunal n’a pas énuméré une liste de dix facteurs, mais a rappelé, aux points 33 à 37 de l’arrêt attaqué, les cinq groupes de motifs qui avaient conduit les institutions à rejeter la demande d’exclusion des tuyaux NCP KE4 du calcul de la valeur normale et de la marge de dumping, l’argumentation de Niko Tube et de NTRP repose, à mon sens, sur une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué.

197. En effet, d’une part, s’agissant du point 48 de l’arrêt attaqué, contrairement à ce que soutiennent Niko Tube et NTRP, le Tribunal n’a pas jugé comme étant «non fondé» l’argument selon lequel SPIG n’aurait mentionné que NTRP comme seul fournisseur desdits tuyaux. Bien au contraire, le Tribunal a jugé que «SPIG n’a[vait] commis aucune erreur en ne faisant pas mention […] d’un fournisseur autre que NTRP».

198. D’autre part, le fait que le Tribunal ne se soit pas prononcé spécifiquement sur certains des facteurs listés dans le pourvoi incident de Niko Tube et de NTRP ne saurait être interprété comme la constatation selon laquelle le Tribunal aurait considéré ces facteurs comme «dénués de pertinence». Au contraire, le Tribunal pouvait parfaitement juger, pour des considérations légitimes d’économie de procédure, qu’il ne lui incombait pas, dans le contexte de l’examen d’un moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qu’il appartenait aux requérantes en première instance de démontrer, de contrôler tous les arguments exposés par les institutions à l’appui de leur conclusion, pour autant que certaines des raisons exposées étaient suffisantes pour soutenir ladite conclusion.

199. Or, Niko Tube et NTRP admettent elles-mêmes que le Tribunal a jugé comme consistant en des «préoccupations légitimes» le fait qu’elles aient omis de présenter les preuves établissant clairement que les tuyaux en cause avaient été achetés à un tiers indépendant et non à NTRP et le fait que, durant la visite de vérification sur place, la Commission n’avait pas soulevé la question des tuyaux relevant du NCP KE4 dans la mesure où les requérantes en première instance n’avaient pas encore formulé leur demande d’exclusion desdits tuyaux. Que Niko Tube et NTRP ne soient pas convaincues par cette dernière appréciation en tentant de la remettre en discussion devant la Cour ne constitue assurément pas une question qui relève de la compétence de cette dernière dans le cadre du pourvoi (35). S’agissant de la constatation selon laquelle Niko Tube et NTRP n’avaient pas rapporté les preuves que les tuyaux en cause avaient été achetés à un tiers indépendant, ces sociétés n’identifient, dans la présente branche, aucune erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal.

200. En tout état de cause, à supposer que le Tribunal ait éventuellement jugé que certains des arguments exposés par les institutions s’avéraient non pertinents, cela ne signifierait pas que ces dernières ont omis d’examiner avec soin et impartialité l’ensemble des éléments qui leur avaient été communiqués durant la procédure administrative.

201. Par conséquent, je propose de rejeter la quatrième branche du premier moyen du pourvoi incident.

f)      Sur la cinquième branche, tirée de la dénaturation du sens limpide des éléments de preuve

i)      Argumentation des parties

202. À titre subsidiaire, Niko Tube et NTRP soutiennent que le Tribunal a dénaturé le sens limpide des éléments de preuve. Le Tribunal aurait ainsi erronément conclu que les informations présentées durant la procédure administrative par les requérantes en première instance auraient pu être source de confusion pour les agents de la Commission et que la Commission disposait de renseignements divergents (points 49 et 50 de l’arrêt attaqué), que la Commission avait fait preuve de toute la diligence requise (point 52) et que les requérantes en première instance n’avaient pas cherché à dissiper le doute de cette dernière (point 51 de l’arrêt attaqué).

203. Selon le Conseil et la Commission, la cinquième branche est irrecevable et, en tout cas, non fondée. En particulier, Niko Tube et NTRP n’auraient démontré ni la dénaturation des preuves ni une erreur d’appréciation du Tribunal entraînant une telle dénaturation et se contenteraient de contester les appréciations du Tribunal en invoquant des arguments qui ont déjà été rejetés par ce dernier.

ii)    Analyse

204. Comme je l’ai déjà indiqué, l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, une question de droit soumise, en tant que telle, au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi.

205. Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante, une dénaturation alléguée des faits ou des éléments de preuve doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (36).

206. À l’appui de leur première prétention, Niko Tube et NTRP soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 49 et 50 de l’arrêt attaqué, leur réponse au questionnaire adressé par la Commission ne contenait pas de données contradictoires. Le Tribunal aurait d’ailleurs admis, au point 46 de l’arrêt attaqué, que Niko Tube et NTRP ne fabriquaient pas de tuyaux atomiques. Il était donc clair que ces tuyaux n’avaient donc pu être acquis qu’auprès d’une entité autre que NTRP.

207. Cette argumentation doit être rejetée.

208. Tout d’abord, Niko Tube et NTRP n’identifient pas précisément quels éléments de preuve le Tribunal aurait dénaturés.

209. Ensuite, et en tout état de cause, il importe de constater que c’est au terme de l’examen non pas des seules réponses de Niko Tube et de NTRP au questionnaire, mais également de celle de leur société de vente liée, SPIG, que le Tribunal a constaté, au point 50 de l’arrêt attaqué, que la Commission disposait d’informations contradictoires. Or, Niko Tube et NTRP ne prétendent pas que le Tribunal aurait dénaturé la réponse de SPIG au questionnaire adressé par la Commission au terme duquel, notamment, la liste des ventes sur le marché ukrainien faisait référence à des transactions concernant des tuyaux du NCP KE4 et celle relative aux fournisseurs de cette société mentionnait NTRP comme seul fournisseur desdits tuyaux, comme l’a constaté le Tribunal au point 49 de l’arrêt attaqué. Dans la mesure où les données contenues dans cette réponse pouvaient contredire celles qui apparaissaient dans les réponses de Niko Tube et de NTRP dont ces dernières ne prétendent pas non plus qu’elles auraient été dénaturées par le Tribunal, c’est, selon moi, à bon droit que ce dernier a jugé que, à l’issue d’une évaluation diligente des réponses au questionnaire des requérantes en première instance et de leur société de vente liée, SPIG, la Commission disposait d’informations contradictoires ou, à tout le moins, dont la validité pouvait être mise en cause.

210. Le deuxième grief peut valablement être rejeté pour les mêmes motifs.

211. Par leur troisième critique, qui porte sur le point 51 de l’arrêt attaqué, Niko Tube et NTRP allèguent que l’absence de traduction en anglais des factures d’achat de SPIG n’a constitué qu’un prétexte pour juger que les requérantes en première instance n’avaient pas cherché à dissiper le doute de la Commission face aux réponses contradictoires. Il ressortait d’après elles clairement de ces factures, annexées au mémoire en défense du Conseil déposé devant le Tribunal, que les tuyaux atomiques avaient été acquis par SPIG auprès d’une société non liée.

212. À cet égard, il importe de rappeler que, pour étayer sa constatation selon laquelle les requérantes en première instance n’avaient pas cherché à dissiper le doute de la Commission, le Tribunal a notamment relevé, d’une part, que, lors d’une audition du 24 mars 2006, ces dernières avaient fourni à la Commission plusieurs documents rédigés en ukrainien, qui étaient censés être les factures relatives aux six transactions mentionnées à tort dans la liste des ventes de SPIG, et, d’autre part, que, bien qu’un désaccord soit apparu entre les parties, lors de l’audience, quant au fait de savoir si la Commission avait demandé, lors de ladite audition, une traduction de ces documents, force était de constater qu’il incombait aux requérantes en première instance d’apporter la preuve de leurs allégations, à savoir que SPIG avait procédé aux achats des tuyaux litigieux auprès d’un fournisseur indépendant.

213. Or, je note que Niko Tube et NTRP n’ont aucunement reproduit ou annexé les factures en cause à leur pourvoi incident dans l’optique de démontrer la prétendue dénaturation par le Tribunal de ces documents, mais se bornent à renvoyer la Cour à une annexe du mémoire en défense du Conseil produite devant le Tribunal contenant une copie desdits documents. Au vu de la jurisprudence rappelée au point 205 des présentes conclusions, ces circonstances peuvent, à mes yeux, suffire pour rejeter ce grief.

214. En tout état de cause, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir dénaturé ces éléments de preuve, alors même qu’il est constant que Niko Tube et NTRP n’ont jamais indiqué précisément les parties de ces documents qui attesteraient, de manière flagrante, que les tuyaux litigieux avaient été acquis par SPIG auprès d’une société autre que NTRP et sans qu’une traduction dans une langue officielle de l’Union des passages pertinents desdits documents ait été fournie. Si, comme le soutiennent Niko Tube et NTRP dans leur pourvoi incident, ces documents revêtaient l’importance que leur accordent désormais ces sociétés aux fins d’exclure du calcul de la valeur normale les tuyaux relevant du NCP KE4, il appartenait sans nul doute à ces sociétés de mettre en mesure les institutions et le Tribunal de vérifier pleinement l’authenticité et le contenu desdits documents.

215. Pour l’ensemble de ces raisons, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la cinquième branche du premier moyen du pourvoi incident.

216. Dans ces conditions, je propose de rejeter ce moyen dans son intégralité.

2.      Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, tiré d’erreurs de droit ayant prétendument entaché l’examen par le Tribunal de la détermination du préjudice causé à l’industrie de l’Union

a)      Considérations liminaires

217. Le deuxième moyen du pourvoi incident vise les motifs de l’arrêt attaqué se rapportant «aux conséquences de l’absence de réponse au questionnaire adressé par la Commission de la part des sociétés liées aux producteurs [de l’Union]».

218. Devant le Tribunal, les requérantes en première instance soutenaient que, dans la mesure où chacun des cinq producteurs de l’Union de tubes et de tuyaux sans soudure, retenus dans l’échantillon de la Commission, était lié à une ou plusieurs sociétés de production ou de vente ayant omis de déposer une réponse séparée au questionnaire de la Commission, ces cinq producteurs ne pouvaient être considérés comme ayant pleinement coopéré. Partant, les requérantes en première instance arguaient que ce défaut de coopération de la part des producteurs de l’Union aurait dû conduire les institutions à mettre un terme à l’enquête et que, en tout état de cause, le prétendu préjudice causé à l’Union par la pratique de dumping qui leur était reprochée se fondait notamment sur une erreur manifeste d’appréciation et une violation de leurs droits de la défense.

219. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les cinq moyens suivants articulés par les requérantes en première instance, à savoir la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base, la violation du principe de non-discrimination, la violation de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ainsi que la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation.

220. Le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens.

221. Dans le deuxième moyen de leur pourvoi incident, Niko Tube et NTRP critiquent, pour l’essentiel, les motifs de l’arrêt attaqué relatifs à l’examen de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base (points 88 à 112 de l’arrêt attaqué) et de la violation de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base (points 130 à 135 de l’arrêt attaqué).

222. Certes, au point 187 du pourvoi incident, Niko Tube et NTRP évoquent également une erreur de droit commise au point 141 de l’arrêt attaqué, dans le contexte de l’examen de la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base. Toutefois, il importe de relever que ce n’est que «à titre surabondant» que le Tribunal a développé la motivation exposée dans ce point de l’arrêt attaqué. Or, conformément à la jurisprudence, et au regard de la circonstance que Niko Tube et NTRP n’ont aucunement critiqué l’appréciation du Tribunal exposée à titre principal au point 140 de l’arrêt attaqué, un moyen dirigé contre un motif surabondant d’une décision du Tribunal ne saurait entraîner l’annulation de cette décision et est donc inopérant (37).

223. Tel qu’il vient d’être circonscrit, le deuxième moyen du pourvoi incident se divise en dix branches. Huit de ces branches sont dirigées contre les points 88 à 112 de l’arrêt attaqué, c’est-à-dire, contre les appréciations effectuées par le Tribunal sous le titre «violation de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5, 6 et 7 du règlement de base». Deux de ces branches sont dirigées contre l’examen, réalisé aux points 130 à 135 de l’arrêt attaqué, de la violation de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base.

224. J’examinerai tour à tour ces deux ensembles de branches.

b)      Sur les huit branches du deuxième moyen du pourvoi incident, tirées d’erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base

i)      Antécédents essentiels des aspects pertinents du litige et considérations du Tribunal

225. Ainsi que cela ressort du point 12 du règlement litigieux, en raison du nombre élevé de plaignants à l’encontre de la pratique reprochée notamment à Niko Tube et à NTRP, la Commission a, en application de l’article 17 du règlement de base, limité son enquête à un échantillon représentatif de cinq producteurs de l’Union ayant soutenu la plainte, établis dans quatre États membres et qui représentaient 49 % de la production totale du produit concerné dans l’Union. Le règlement litigieux mentionne également, d’une part, que la Commission a adressé un questionnaire à ces producteurs, lesquels lui ont fait parvenir une réponse, et que, d’autre part, la Commission a procédé à une vérification sur place des informations recueillies de la part de ces sociétés. Le règlement litigieux comporte également, en application de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, un examen de l’incidence de tous les facteurs économiques qui ont influé sur la situation de l’industrie de l’Union, ainsi qu’un examen du lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi, en particulier en vérifiant les effets d’autres facteurs extérieurs, en vertu de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base. Enfin, aux points 234 et 235 du règlement litigieux, est indiqué que, conformément à la règle du droit moindre prévue à l’article 9 du règlement de base, les droits antidumping définitifs institués sur les importations du produit concerné sont fixés au niveau de la marge la plus faible (dumping ou préjudice), à savoir, en l’occurrence, la marge de dumping.

226. Devant le Tribunal, les requérantes en première instance ont allégué, en substance, que le défaut de coopération durant l’enquête d’une dizaine de sociétés liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon de la Commission aurait faussé l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union, ce qui aurait entraîné une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base. Cet article exigerait en effet, notamment, que le préjudice soit déterminé sur des éléments de preuve positifs.

227. Comme je l’ai déjà signalé, le Tribunal a rejeté ce moyen.

228. Ce dernier a avant tout rappelé, au point 87 de l’arrêt attaqué, que ni le Conseil ni la Commission ne disposent du pouvoir de contraindre des sociétés à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, mais sont tributaires de la coopération volontaire des sociétés, ce qui implique que les réponses des parties intéressées au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping.

229. Au point 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a cependant relevé que, en dépit dudit article, il résultait de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base que des informations présentées sous une forme autre que celle d’une réponse au questionnaire ou dans le cadre d’un autre document ne doivent pas être ignorées lorsque les quatre conditions énumérées à cette disposition sont satisfaites. Il en a donc déduit que l’absence d’une réponse au questionnaire de la part d’une société liée à un producteur de l’Union n’impliquait pas nécessairement que ce producteur doive être considéré comme n’ayant pas coopéré à l’enquête. Ainsi, indique le Tribunal au point 92 de l’arrêt attaqué, ledit producteur ne sera pas considéré comme non coopérant si les lacunes dans la production des données n’ont pas d’impact significatif sur le déroulement de l’enquête.

230. Passant à l’examen du cas d’espèce, le Tribunal a tout d’abord relevé, aux points 93 et 94 de l’arrêt attaqué, d’une part, qu’aucune réponse au questionnaire n’avait été déposée par onze sociétés liées aux producteurs de l’Union compris dans l’échantillon de l’enquête et, d’autre part, qu’une réponse tardive avait été transmise par une autre société liée à l’un desdits producteurs, réponse dont la Commission n’avait pas tenu compte aux fins de la détermination du préjudice.

231. Le Tribunal a ensuite vérifié si, pour chacune de ces douze sociétés liées, les conditions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base étaient satisfaites de sorte à pouvoir exclure qu’une erreur manifeste d’appréciation ait pu entacher la détermination du préjudice et le calcul de la marge de préjudice. Au terme d’un examen détaillé des données relatives à ces sociétés liées, qui s’est échelonné du point 97 au point 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu, en substance, soit que, pour certaines de ces sociétés, les données avaient déjà été incluses dans les réponses au questionnaire déposées par les producteurs de l’Union ayant participé à l’enquête, notamment parce qu’il s’agissait de sociétés de négoce, soit que l’absence de réponse au questionnaire de la part d’autres sociétés liées n’avait pas eu d’impact significatif sur la détermination du préjudice soit, s’agissant d’une des sociétés liées, que l’absence de réponse au questionnaire s’expliquait par le fait qu’elle n’intervenait ni dans la vente ni dans la production du produit concerné.

232. Enfin, quant au calcul de la marge de préjudice, examiné au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a noté que, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, cette marge n’est utilisée pour déterminer le taux du droit antidumping que lorsque la marge de dumping est plus élevée qu’elle. En l’espèce, après avoir relevé que le taux du droit antidumping imposé aux requérantes en première instance était fondé sur la marge de dumping, à savoir 25,7 % et non sur la marge de préjudice de 57 %, le Tribunal a jugé que «à supposer que la marge de préjudice ait été fondée sur les prix de transfert pratiqués par les producteurs [de l’Union] à l’égard [des sociétés de vente liées étant intervenues sur le marché du produit concerné], les ventes à ces sociétés représentaient au plus 10 % des ventes totales de l’industrie [de l’Union]. Il aurait donc fallu, comme le relève le Conseil, que les prix de vente pratiqués par ces sociétés liées soient totalement disproportionnés par rapport à ceux des autres ventes prises en compte dans le cadre du calcul de la marge de préjudice pour que cette dernière soit ramenée à un niveau inférieur à celui de la marge de dumping».

233. Le Tribunal a donc conclu que le Conseil n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’absence de dépôt d’une réponse au questionnaire de la part des sociétés liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon n’avait faussé ni la détermination du préjudice ni le calcul de la marge de préjudice sans méconnaître l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base.

ii)    Argumentation des parties

234. Niko Tube et NTRP prétendent, dans les première et deuxième branches du deuxième moyen du pourvoi incident, que le Tribunal aurait commis un erreur de droit en ne répondant pas directement au moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, mais en subordonnant l’analyse de cette dernière à la question du respect de l’article 18, paragraphe 3, du même règlement. Comme la détermination du préjudice n’aurait pas été fondée sur une part significative de l’industrie de l’Union, elle ne se serait pas basée sur des éléments de preuve positifs. Dans la deuxième branche, Niko Tube et NTRP soutiennent que la nécessité de procéder à un examen objectif, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, implique, d’une part, que, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 100 et 108 de l’arrêt attaqué, une société de production liée à un producteur retenu dans l’échantillon est en principe tenue de coopérer à une enquête et, d’autre part, que les ventes du négociant lié, mentionné au point 103 de l’arrêt attaqué, sont aussi prises en considération.

235. Dans les troisième et quatrième branches du deuxième moyen du pourvoi incident, Niko Tube et NTRP reprochent au Tribunal d’avoir interprété de manière erronée ou, à tout le moins, de façon incomplète l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base. En premier lieu, hormis dans son appréciation de la situation de la société liée examinée au point 102 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas vérifié quel était l’impact individuel du défaut de coopération sur les ventes et la production des producteurs individuels. En outre, il aurait dû vérifier l’incidence sur l’ensemble de la production et des ventes de l’industrie de l’Union dans sa totalité et non des producteurs de l’Union à l’origine de la plainte. La méthode utilisée par le Tribunal ne permettrait pas, selon Niko Tube et NTRP, d’établir des «conclusions raisonnablement correctes», au sens de l’article 18, paragraphe 3, susmentionné. En second lieu, le Tribunal se serait systématiquement abstenu d’examiner les quatre conditions énumérées dans cette dernière disposition.

236. Dans les cinquième, sixième et huitième branches, Niko Tube et NTRP allèguent que le Tribunal aurait outrepassé les limites du contrôle juridictionnel et aurait méconnu les droits de la défense en ayant accepté que les institutions présentent des explications et des faits qui n’avaient pas été communiqués durant la procédure administrative. De plus, le Tribunal n’aurait pas donné l’occasion aux requérantes en première instance de formuler des observations sur des faits qui ne sauraient être rattachés aux éléments de preuve produits tardivement. Niko Tube et NTRP mentionnent, en particulier, le fait, évoqué au point 111 de l’arrêt attaqué, que les ventes à certaines sociétés liées représentaient au plus 10 % des ventes totales de l’industrie de l’Union.

237. Enfin, dans la septième branche, Niko Tube et NTRP prétendent que le Tribunal aurait dénaturé le sens clair de certains éléments de preuve évoqués aux points 100, 102, 104, 107 et 109 de l’arrêt attaqué, en privilégiant certains chiffres au détriment d’autres données contenues dans le dossier.

238. Dans leurs mémoires en réponse, le Conseil et la Commission proposent de rejeter l’ensemble de ces branches comme étant pour partie irrecevables et pour partie non fondées.

iii) Analyse

–       Sur les deux premières branches

239. Je rappelle que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base, le terme «préjudice» s’entend, sauf indication contraire, notamment d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union. Selon le paragraphe 2 de ce même article, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

240. Dans les deux premières branches du présent moyen, Niko Tube et NTRP prétendent, en substance, premièrement, que le Tribunal n’aurait pas examiné correctement le moyen développé en première instance, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base, en ce qu’il aurait subordonné ladite violation au respect de l’article 18, paragraphe 3, dudit règlement, deuxièmement, qu’un examen objectif du préjudice ne peut être mené s’il n’est pas fondé sur une part significative de l’industrie de l’Union et, troisièmement, qu’une société liée à un producteur de l’Union, à l’origine de la plainte, doit toujours être tenue de collaborer et de fournir des données.

241. Je suggère de rejeter ces deux branches.

242. Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, devant le Tribunal, les requérantes en première instance alléguaient la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base en raison du défaut de coopération totale de l’industrie de l’Union à l’enquête qui aurait faussé la détermination objective du préjudice. À l’appui de leur allégation, les requérantes en première instance mentionnaient le cas de onze sociétés liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, sociétés qui, d’après Niko Tube et NTRP, n’avaient pas déposé de réponse séparée au questionnaire adressé par la Commission ou l’avaient déposé tardivement (38).

243. Par conséquent, c’est à bon droit que, au point 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a délimité le moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base, à la question de savoir si, comme les requérantes en première instance le prétendaient, le fait que les sociétés liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon n’avaient pas déposé de réponse séparée au questionnaire impliquait, de la part ce ces producteurs, un défaut de coopération qui aurait faussé l’analyse du préjudice.

244. Ensuite, dans ce contexte, il était, à mon sens, juridiquement correct de juger, comme l’a fait le Tribunal aux points 90 à 92 de l’arrêt attaqué, qu’un défaut de réponse ou une réponse incomplète au questionnaire, adressé par la Commission en vertu de l’article 6 du règlement de base, de la part de l’une des sociétés liées à un producteur de l’Union retenu dans l’échantillon de l’enquête, n’impliquait pas que ce producteur doive être jugé comme non coopérant et, partant, exclu de l’enquête.

245. En effet, lorsqu’il a été décidé, comme en l’espèce s’agissant de l’industrie de l’Union, de procéder par échantillonnage, l’article 17, paragraphe 4, du règlement de base prévoit qu’un nouvel échantillon peut être choisi lorsque les parties retenues ou certaines d’entre elles refusent de coopérer, de sorte que les résultats de l’enquête peuvent s’en trouver sensiblement compromis.

246. Le caractère incomplet des réponses au questionnaire adressé par la Commission en raison du refus de certaines sociétés liées à un producteur de l’Union retenu dans l’échantillon de répondre séparément à ce questionnaire ne saurait en soi entraîner l’exclusion dudit producteur de sorte qu’un nouvel échantillon doive être constitué.

247. De plus, l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base prévoit également que «lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités».

248. Partant, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, au point 92 de l’arrêt attaqué, qu’un producteur de l’Union retenu dans l’échantillon ne sera pas considéré comme non coopérant si les lacunes dans la production des données n’ont pas d’impact significatif sur le déroulement de l’enquête.

249. Ce n’est donc qu’à l’issue de l’examen de ces lacunes qu’une décision éventuelle d’exclure un producteur de l’Union de l’échantillon pourra être prise.

250. Cette interprétation permet de préserver l’effet utile des mesures d’enquête antidumping. En effet, ces mesures seraient privées d’un tel effet si, chaque fois qu’une société de production ou de vente liée à un producteur de l’Union retenu dans l’échantillon de l’enquête refusait de répondre de manière séparée au questionnaire de la Commission, ce producteur devait être exclu dudit échantillon de sorte à devoir établir un nouvel échantillon ou, a fortiori, devoir suspendre les mesures d’enquête, en particulier en raison du fait, rappelé à juste titre au point 87 de l’arrêt attaqué, que les institutions ne possèdent pas le pouvoir de contraindre les parties intéressées à coopérer.

–       Sur les autres branches en ce qu’elles se rapportent aux sociétés liées énumérées au point 111 de l’arrêt attaqué

251. Niko Tube et NTRP soutiennent également, dans le cadre des troisième et quatrième branches du présent moyen, que le Tribunal a interprété de manière erronée et incomplète l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

252. Ces griefs ainsi que les autres critiques adressées par Niko Tube et NTRP dans cette première partie du deuxième moyen du pourvoi incident me paraissent devoir être examinés uniquement pour ce qui concerne les sociétés liées énumérées au point 111 de l’arrêt attaqué.

253. En effet, il y a lieu de rappeler que, au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le taux du droit antidumping imposé à Niko Tube et NTRP avait été fixé en fonction de la marge de dumping et non de la marge de préjudice, conformément à la règle du droit moindre, prévue à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base (39). Le Tribunal a également jugé en l’espèce que la différence entre la marge de préjudice (57 %) et la marge de dumping (25,7 %) était telle que, à supposer même que la première avait été fondée sur les prix de transferts pratiqués entre les producteurs de l’Union et les sociétés liées qu’il a énumérées [Vallourec Mannesmann Oil & Gas Royaume-Uni (ci-après «VMOG Royaume‑Uni»), Productos Tubulares et les sociétés liées à Dalmine], ces ventes auraient représenté 10 % au plus des ventes totales de l’industrie de l’Union, ce qui signifiait que le prix de vente pratiqué par ces sociétés aurait dû être totalement disproportionné par rapport au prix des ventes prises en compte pour le calcul de la marge de préjudice pour que cette dernière soit inférieure à la marge de dumping utilisée pour fixer le droit antidumping appliqué à Niko Tube et NTRP.

254. Or, à mon sens, ce n’est que si cette analyse est entachée d’une erreur de droit ou se base sur une dénaturation des faits ou des éléments de preuve que les autres griefs dirigés contre les appréciations du Tribunal se rapportant à la détermination du préjudice pourraient être opérants. En effet, à supposer même que le Tribunal ait commis des erreurs de droit quant à l’examen de la détermination du préjudice de l’industrie de l’Union, ces erreurs n’entraîneraient l’annulation de l’arrêt attaqué que pour autant que l’appréciation exposée au point 111 dudit arrêt était elle aussi affectée de vices similaires.

255. Je suggère donc d’examiner prioritairement les griefs dirigés à l’encontre de l’analyse du Tribunal exposée au point 111 de l’arrêt attaqué.

256. À cet égard, il importe de relever que Niko Tube et NTRP n’invoquent aucune erreur de droit qui aurait entaché le raisonnement du Tribunal développé au point 111 de l’arrêt attaqué.

257. En définitive, ces sociétés se bornent, au point 189 du pourvoi incident, à alléguer que l’affirmation du Tribunal, selon laquelle les ventes des sociétés liées aux producteurs de l’Union ayant soutenu la plainte, énumérées au point 111 de l’arrêt attaqué, «représentaient au plus 10 % des ventes totales de l’industrie [de l’Union]», ne peut se rattacher aux éléments de preuve du dossier et se fonde sur des données produites tardivement par le Conseil et la Commission devant le Tribunal.

258. Eu égard aux compétences de la Cour dans le cadre du pourvoi, ces griefs se résument donc, en substance, à reprocher au Tribunal d’avoir dénaturé les éléments de preuve, outrepassé les limites de son contrôle juridictionnel et porté atteinte au respect des droits de la défense. J’y ajouterai la critique relative à l’erreur d’interprétation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base tirée de ce que le Tribunal n’aurait pas examiné, pour lesdites sociétés, si les quatre conditions de cette disposition étaient satisfaites.

259. Il y a lieu de vérifier si ces griefs sont fondés.

260. À cet égard, je rappelle que les sociétés de production et de vente liées, énumérées par le Tribunal au point 111 de l’arrêt attaqué, sont Productos Tubulares, les six sociétés liées à Dalmine et VMOG Royaume-Uni, dont les situations respectives ont été examinées aux points 99, 100, 104, 105, 108 et 109 de l’arrêt attaqué.

–       Sur les griefs concernant Productos Tubulares

261. Quant à la première société, et s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, il ressort des points 99 et 100 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné si les informations avaient été fournies en temps utile, si elles avaient été vérifiées et si l’absence de réponse séparée au questionnaire avait eu un impact significatif sur la détermination du préjudice, c’est-à-dire si les insuffisances éventuelles pouvaient compromettre l’établissement de conclusions raisonnablement correctes. En outre, en ayant relevé, d’une part, que les données de cette société, qui n’avait pas soutenu la plainte, ne devaient, en principe, pas être prises en considération, mais, d’autre part, que des données de cette société avaient néanmoins été transmises durant l’enquête, le Tribunal a implicitement mais nécessairement vérifié si la partie avait agi au mieux de ses possibilités, au sens de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

262. S’agissant de la dénaturation des éléments de preuve se rapportant à Productos Tubulares, Niko Tube et NTRP n’indiquent ni ne démontrent quels éléments de preuve auraient été dénaturés au cours de l’examen réalisé au point 100 de l’arrêt attaqué.

263. Je ne crois pas non plus que les reproches faits au Tribunal d’avoir outrepassé les limites du contrôle juridictionnel et violé les droits de la défense, en ce qu’il aurait pris en considération des données tardives sur lesquelles Niko Tube et NTRP n’auraient pas eu l’occasion de s’exprimer, puissent être accueillis.

264. Tout d’abord, il convient d’observer que Niko Tube et NTRP n’ont pas attaqué, dans le cadre du pourvoi, l’examen du moyen tiré de la violation des droits de la défense durant la procédure administrative. Ainsi que cela ressort précisément des points 149 à 152 de l’arrêt attaqué, les requérantes en première instance ont eu l’occasion de faire utilement connaître leur point de vue notamment sur la validité de l’échantillon, en particulier quant au soutien apporté par Productos Tubulares à la plainte, la Commission ayant répondu à leurs observations, en particulier dans le second document d’information finale.

265. Ensuite, il importe de rappeler que, devant le Tribunal, les requérantes en première instance prétendaient, dans leur deuxième moyen, que le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation pour ne pas avoir exclu des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon de l’enquête le producteur Tubos Reunidos en raison du fait que Productos Tubulares, société liée audit producteur, n’avait pas répondu de manière séparée au questionnaire adressé par la Commission. Or, dans ces circonstances, je peine à comprendre comment il peut être reproché au Tribunal d’avoir précisément exercé son contrôle sur la question de savoir si c’était à juste titre que les institutions avaient estimé que l’absence de réponse au questionnaire de la part de Productos Tubulares n’avait pas eu un impact significatif sur la détermination du préjudice, notamment en ordonnant des mesures d’organisation de la procédure. Cet examen se limitant à un contrôle juridictionnel du moyen soulevé, il n’a, à mon sens, ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complète de l’affaire dans le cadre de la procédure administrative. Le fait que, dans l’exercice de son contrôle juridictionnel, le Tribunal soit arrivé à une conclusion qui puisse déplaire à Niko Tube et à NTRP ne saurait, assurément, entrer dans le champ des questions examinées dans le cadre d’un pourvoi devant la Cour.

266. Enfin, dans ce contexte, Niko Tube et NTRP n’ont aucunement démontré qu’elle n’ont pas disposé de la possibilité effective de faire valoir leurs observations sur les documents déposés par le Conseil dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure diligentées par le Tribunal, desquels il apparaissait que la production et les ventes de Productos Tubulares représentaient moins de 3 % du total de la production et des ventes de l’industrie de l’Union pendant la période de l’enquête.

267. Les griefs dirigés à l’encontre de l’examen de la situation de Productos Tubulares doivent donc être écartés.

–       Sur les griefs concernant les six sociétés liées à Dalmine

268. S’agissant des six sociétés liées à Dalmine, également évoquées au point 111 de l’arrêt attaqué, je relève que Niko Tube et NTRP n’ont pas spécifiquement contesté l’analyse, exposée au point 105 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il «ressortait du dossier et notamment de la version non confidentielle de la réponse au questionnaire de Dalmine — version qui a été déposée en temps utile et vérifiée par les services de la Commission — que [les six sociétés de vente liées] sont actives soit dans le négoce soit dans la revente-distribution» et que, partant, «le volume des ventes de ces sociétés a été pris en compte dans l’analyse du préjudice, par le biais des ventes qui leur ont été faites par Dalmine».

269. De surcroît, il est constant que Niko Tube et NTRP ont eu accès à cette réponse et ont pu la commenter durant la procédure administrative.

270. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les griefs à l’appui des branches du présent moyen relatives à ces sociétés.

–       Sur les griefs concernant VMOG Royaume-Uni

271. Quant à VMOG Royaume-Uni, ainsi qu’il ressort du point 108 de l’arrêt attaqué, cette société ayant déposé tardivement sa réponse au questionnaire adressé par la Commission, les données y figurant ne pouvaient être utilisées dans le cadre de la détermination du préjudice. Toutefois, au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, sur la base de la réponse au questionnaire, déposée tardivement, le Conseil avait pu déterminer que les ventes de cette société représentaient moins de 3 % du volume total des producteurs de l’Union à l’origine de la plainte. Le Tribunal en a ainsi déduit que l’absence de prise en considération de ces ventes ne pouvait avoir eu une influence décisive sur la détermination du préjudice et ne justifiait donc pas que le producteur de l’Union auquel était lié VMOG Royaume-Uni soit exclu de la définition de l’industrie de l’Union.

272. Il résulte tout d’abord des points 108 et 109 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a vérifié le respect des conditions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base. En particulier, quant à la dernière condition, en ayant relevé, d’une part, que les données de VMOG Royaume-Uni, qui n’avait pas soutenu la plainte, ne devaient, en principe, pas être prises en considération, mais, d’autre part, que des données de cette société avaient néanmoins été transmises et examinées durant l’enquête afin de déterminer si l’analyse du préjudice ne pouvait pas en être affectée, le Tribunal a implicitement mais nécessairement vérifié si la partie avait agi au mieux de ses possibilités, au sens de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

273. Ensuite, pour ce qui concerne la dénaturation des éléments de preuve se rapportant à cette société, il y a lieu de noter que Niko Tube et NTRP se bornent à prétendre, aux points 189 et 194 du pourvoi incident, que la part de marché attribuée par le Tribunal à VMOG Royaume-Uni se rapporterait «au volume total des producteurs de l’Union à l’origine de la plainte» et non, comme l’avaient fait valoir le Conseil et la Commission, «de l’industrie de l’Union».

274. Or, une telle prétention se fonde sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué et de la portée des deux expressions. En effet, il ressort de la définition de l’industrie de l’Union, retenue dans le règlement litigieux, que l’arrêt attaqué ne pouvait ignorer, que celle-ci se confond avec l’expression «producteurs de l’Union à l’origine de la plainte».

275. Enfin, des raisons analogues à celles exposées aux points 265 et 266 des présentes conclusions me conduisent à exclure que le Tribunal aurait méconnu les limites du contrôle juridictionnel et le respect des droits de la défense.

276. Je suggère donc de rejeter également les griefs articulés à l’encontre de l’examen opéré par le Tribunal se rapportant aux données relatives à VMOG Royaume-Uni.

277. Dans ces conditions, le raisonnement et l’appréciation exposés au point 111 de l’arrêt attaqué ne sont entachés ni d’une erreur de droit ni d’une dénaturation des éléments de preuve. Il n’y a plus lieu, partant, d’examiner les branches du présent moyen qui se rapportent aux autres points des motifs de l’arrêt attaqué, dont l’éventuel bien-fondé ne pourrait, en tout état de cause, pas emporter l’annulation dudit arrêt.

278. Dans ces conditions, je propose de rejeter l’ensemble des branches du deuxième moyen du pourvoi incident, tirées d’erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base, comme en partie infondées et en partie inopérantes.

c)      Sur les deux branches du deuxième moyen du pourvoi incident, tirées d’erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base

i)      Argumentation des parties

279. Dans la première branche se rapportant aux erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée à l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, Niko Tube et NTRP soutiennent que le Tribunal aurait enfreint le respect des droits de la défense aux points 132 et 135 de l’arrêt attaqué.

280. Dans la seconde branche, ces sociétés reprochent, en premier lieu, au Tribunal de ne pas avoir vérifié, au point 132 de l’arrêt attaqué, si les résumés non confidentiels des données confidentielles fournies par certaines des sociétés liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient donné aux requérantes en première instance, durant la procédure administrative, une connaissance suffisante de l’essentiel du contenu des données concernées. En deuxième lieu, elles font grief au Tribunal de ne pas avoir appliqué les conditions de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, mais de s’être borné à examiner, aux points 133 à 135 de l’arrêt attaqué, si l’absence de résumé non‑confidentiel de données confidentielles concernant certaines des sociétés liées aux producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avait enfreint les droits de la défense des requérantes en première instance. Enfin, en troisième lieu, Niko Tube et NTRP soutiennent que le Tribunal ne pouvait conclure que la divulgation à leur égard de versions non confidentielles des données confidentielles n’aurait eu aucune chance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

281. Le Conseil et la Commission proposent de rejeter ces branches.

ii)    Analyse

282. Il importe avant tout de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, les exportateurs et les autres parties intéressées énumérées à cette disposition peuvent, sur demande écrite, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, à l’exception des documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements sont pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne sont pas confidentiels au sens de l’article 19 du règlement de base et qu’ils sont utilisés dans l’enquête.

283. Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base, toute information de nature confidentielle ou qui serait fournie à titre confidentiel par des parties à une enquête est, sur exposé de raisons valables, traitée comme telle par les autorités. Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit notamment que les parties concernées qui fournissent des informations confidentielles sont tenues d’en donner des résumés non confidentiels. Selon le paragraphe 3 du même article, s’il est considéré qu’une demande de traitement confidentiel n’est pas justifiée et si la personne qui a fourni l’information ne veut pas la rendre publique ni en autoriser la divulgation en termes généraux ou sous forme de résumé, l’information peut être écartée, sauf s’il peut être démontré de manière convaincante à partir de sources appropriées que l’information est correcte.

284. Devant le Tribunal, Niko Tube et NTRP soutenaient que, conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, les institutions ne pouvaient validement prendre en compte des données confidentielles dès lors qu’elles ne figuraient pas dans un résumé non confidentiel.

285. À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 130 de l’arrêt attaqué, que le libellé de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base ne prévoit pour la Commission qu’une simple faculté d’écarter une information confidentielle dont aucun résumé non confidentiel n’est disponible.

286. Il convient de constater que Niko Tube et NTRP ne critiquent pas cette interprétation, au demeurant, selon moi, correcte. En effet, à toutes fins utiles, il importe d’observer que l’administration de la preuve dans le domaine des mesures antidumping se caractérise par le fait que les documents examinés contiennent souvent des secrets d’affaires ou d’autres informations qui ne peuvent pas être divulgués ou ne peuvent l’être que sous réserve d’importantes restrictions. Partant, ainsi qu’en attestent les articles 6, paragraphe 7, et 19 du règlement de base, des documents contenant des éléments de preuve ne doivent pas automatiquement être exclus comme moyen de preuve lorsque certaines informations doivent demeurer confidentielles (40).

287. En revanche, Niko Tube et NTRP reprochent, premièrement, au Tribunal de n’avoir pas vérifié dans la liste des documents énumérés au point 132 de l’arrêt attaqué, et dont il a été constaté par ce dernier que des résumés non confidentiels avaient été établis, si ces résumés leur auraient permis d’avoir une connaissance suffisante de l’essentiel du contenu du ou des documents en cause.

288. Or, ainsi que l’a fait valoir la Commission dans son mémoire en réponse au pourvoi incident, cette argumentation ne saurait se rattacher au moyen exposé en première instance, qui portait simplement sur l’inadmissibilité desdits documents en tant qu’éléments de preuve au motif que ces documents contenaient des informations confidentielles dont aucun résumé confidentiel n’avait été établi. Dans ces circonstances, il ne revenait donc pas au Tribunal, après avoir constaté que des résumés non confidentiels avaient été établis en application de l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base, de contrôler le contenu de chacun desdits documents.

289. Deuxièmement, Niko Tube et NTRP prétendent, en substance, que le Tribunal n’aurait pas examiné le véritable grief tiré de la violation de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, mais se serait borné à apprécier si l’utilisation par la Commission des données confidentielles énumérées au point 133 de l’arrêt attaqué, sans qu’il en existe de versions non confidentielles, a constitué une violation des droits de la défense des requérantes en première instance.

290. Cette argumentation n’emporte pas la conviction.

291. En effet, il importe de rappeler que l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base régit les relations entre la partie intéressée qui fournit une information confidentielle sans vouloir autoriser sa divulgation même en termes généraux ou sous forme de résumé et l’institution en charge de l’enquête antidumping, laquelle peut décider que l’information peut être écartée, sauf s’il peut être démontré de manière convaincante à partir d’autres sources appropriées que l’information est correcte.

292. Or, dès que l’institution en charge de l’enquête a décidé que l’information en cause pouvait être utilisée, ce que lui permet en effet, comme je l’ai déjà indiqué, le règlement de base, la question qui demeure, s’agissant des autres parties intéressées qui participent à l’enquête, est celle de savoir si une telle utilisation est susceptible d’affecter leurs droits de la défense.

293. Dans ces conditions, s’il est certes vrai que le Tribunal n’a pas formellement requalifié le moyen invoqué par les requérantes en première instance tiré de la violation de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, Niko Tube et NTRP ne sauraient toutefois reprocher au Tribunal d’avoir vérifié, aux points 133 à 135 de l’arrêt attaqué, si l’utilisation par la Commission des données confidentielles énumérées au point 133 de l’arrêt attaqué, sans qu’il en existe de versions non confidentielles, a entraîné une violation des droits de la défense des requérantes en première instance. Tel était en effet, à mon sens, l’objet de l’examen substantiel que devait opérer le Tribunal dans le contexte du moyen développé en première instance.

294. Troisièmement, Niko Tube et NTRP allèguent que le Tribunal ne pouvait conclure, comme il l’aurait fait au point 135 de l’arrêt attaqué, que la divulgation aux requérantes en première instance de versions non confidentielles de la réponse au questionnaire de VMOG Royaume-Uni, de la réponse au questionnaire de prééchantillonnage de Productos Tubulares et du message électronique de Dalmine du 24 mai 2006 concernant la société Tenaris West Africa n’aurait eu aucune chance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent.

295. À cet égard, il y a lieu de rappeler tout d’abord que, après avoir identifié les documents susmentionnés qui n’avaient pas fait l’objet d’un résumé non confidentiel, le Tribunal a précisé, au point 134 de l’arrêt attaqué, que, conformément à la jurisprudence, la violation du droit d’accès au dossier de l’enquête ne pouvait entraîner l’annulation totale ou partielle du règlement litigieux que si la divulgation des documents en cause avait eu une chance, même réduite, de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent dans l’hypothèse où l’entreprise concernée aurait pu s’en prévaloir au cours de ladite procédure.

296. Cette appréciation est exempte d’erreur de droit. Du reste, elle ne fait pas l’objet des critiques de Niko Tube et de NTRP.

297. Ensuite, appliquant au cas d’espèce l’examen annoncé, le Tribunal a jugé, au point 135 de l’arrêt attaqué, que «en l’espèce, les requérantes [en première instance] affirment qu’elles auraient eu besoin de ces documents pour prouver que l’absence de réponse au questionnaire de la part de VMOG Royaume-Uni, de [Productos Tubulares] (41) et de Tenaris West Africa a faussé l’analyse du préjudice. Or, il a été constaté, respectivement aux points 101, 108 et 107 ci-dessus, que le Conseil n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’absence de dépôt ou de prise en compte des réponses au questionnaire de Productos Tubulares, VMOG Royaume-Uni et Tenaris West Africa avait été sans influence sur la détermination du préjudice. Par conséquent, la divulgation aux requérantes [en première instance] de versions non confidentielles de la réponse au questionnaire de VMOG Royaume-Uni, de la réponse au questionnaire de prééchantillonnage de Productos Tubulares et du message électronique du 24 mai 2006 n’aurait eu aucune chance de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent».

298. Or, à l’encontre de cette conclusion, Niko Tube et NTRP se bornent à soutenir dans leur pourvoi incident, alors même qu’il est constant qu’elles ont pu prendre connaissance des documents litigieux en cours d’instance devant le Tribunal, qu’il est fort probable que, avec la communication en temps voulu des informations pertinentes, il aurait été possible d’élaborer avec précision des arguments et surtout des éléments de preuve aptes à modifier le résultat et que ce n’est qu’en disposant de ces informations qu’elles auraient pu choisir d’exprimer ou non un point de vue.

299. Ces considérations d’ordre général ne satisfont pas à la nécessité de démontrer l’erreur de droit qui aurait entaché le raisonnement du Tribunal. Elles ne contiennent pas non plus le moindre indice de ce que ce dernier aurait dénaturé les éléments de preuve de telle sorte qu’il était manifeste que la communication aux requérantes en première instance des documents litigieux durant la procédure administrative aurait été susceptible de faire aboutir cette procédure à un résultat différent de celui auquel elle est parvenue.

300. Quatrièmement, il y a lieu, à mon sens, de rejeter la branche selon laquelle le Tribunal aurait violé les droits de la défense de Niko Tube et de NTRP aux points 132 et 135 de l’arrêt attaqué. En effet, d’une part, le premier point ne fait qu’énumérer les documents confidentiels pour lesquels une version non confidentielle a été établie et ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une telle version. D’autre part, ainsi que je l’ai déjà mentionné et comme Niko Tube et NTRP l’ont admis aux points 194 et 209 de leur pourvoi incident, ces dernières ont pu déposer des observations sur les documents mentionnés au point 135 de l’arrêt attaqué en cours d’instance devant le Tribunal.

301. Pour l’ensemble de ces raisons, je propose de rejeter les deux branches du deuxième moyen du pourvoi incident, tirées d’erreurs de droit ayant entaché l’examen de la violation alléguée de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base.

302. Partant, je suggère de rejeter le pourvoi incident dans son intégralité.

V –    Sur le recours devant le Tribunal

303. Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci, en cas d’annulation de l’arrêt du Tribunal, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

304. Tel est, à mon sens, le cas en l’espèce.

305. Ainsi que je le propose au point 155 des présentes conclusions, il y aurait lieu d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a accueilli le sixième moyen des requérantes en première instance tiré de la violation des droits de la défense de Niko Tube, pour autant qu’il concernait l’ajustement opéré sur le prix à l’exportation pratiqué par SEPCO, dans le cadre des transactions des tuyaux fabriqués par Niko Tube, au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

306. En effet, comme je l’ai déjà mis en exergue, le Tribunal a, selon moi, entaché son arrêt d’une contradiction de motifs, en ce que, au point 209 de l’arrêt attaqué, il a en substance jugé que Niko Tube avait démontré que cette société aurait pu faire valoir des arguments susceptibles de faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent de celui auquel elle est arrivée, tandis que précédemment, au point 188 dudit arrêt, le Tribunal avait établi que c’était sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Conseil avait opéré l’ajustement litigieux à l’égard de Niko Tube à la lumière desdits arguments.

307. À cet égard, il suffit de constater que Niko Tube n’est pas parvenue à démontrer que, s’ils avaient été communiqués dans le cadre de la procédure administrative, les arguments présentés en première instance auraient été susceptibles d’entraîner les institutions à ne pas procéder à l’ajustement opéré en vertu de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

308. Dans ces conditions, il y a lieu, à mon sens, de rejeter le sixième moyen du recours pour autant qu’il concerne Niko Tube.

309. Partant, et eu égard à tout ce qui a été exposé précédemment, je propose de rejeter le recours pour autant qu’il concerne Niko Tube.

VI – Sur les dépens

310. Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

311. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce règlement applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 69, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

312. Eu égard à l’analyse que j’ai développée, j’estime que, s’agissant du pourvoi du Conseil (C‑191/09) qui devrait être partiellement accueilli à l’égard de Niko Tube, mais rejeté pour le surplus, une juste appréciation des circonstances de l’espèce pourrait conduire à répartir les dépens des deux instances de la manière suivante, à savoir condamner Niko Tube à un tiers des dépens du Conseil exposés au cours des deux instances, le Conseil devant supporter un quart des dépens de NTRP.

313. Dans l’affaire C‑200/09, la Commission ayant succombé en ses moyens, mais Niko Tube et NTRP ayant également succombé en leur pourvoi incident, je suggère que chaque partie supporte ses dépens. La Commission étant intervenue devant le Tribunal, elle supportera également ses propres dépens exposés en première instance.

VII – Conclusion

314. Au vu des considérations qui précèdent, je propose que la Cour déclare et arrête ce qui suit:

«1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06), est annulé dans la mesure où il a annulé, s’agissant d’Interpipe Niko Tube, l’article 1er du règlement (CE) no 954/2006 du Conseil, du 27 juin 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) no 2320/97 et (CE) no 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine.

2)      Le recours est rejeté pour autant qu’il concerne Interpipe Niko Tube.

3)      Le pourvoi principal du Conseil de l’Union européenne est rejeté pour le surplus.

4)      Le pourvoi principal de la Commission européenne est rejeté.

5)      Le pourvoi incident d’Interpipe Niko Tube et d’Interpipe NTRP est rejeté.

6)      Le Conseil de l’Union européenne supportera deux tiers de ses propres dépens et un quart des dépens exposés par Interpipe NTRP dans les deux instances.

7)      Interpipe Niko Tube supportera un tiers des dépens du Conseil de l’Union européenne et ses propres dépens dans les deux instances.

8)      La Commission européenne supportera ses propres dépens dans les deux instances.»


1 —      Langue originale: le français.


2 —      T‑249/06, Rec. p. II‑383.


3 — JO L 175, p. 4.


4 — JO 1996, L 56, p. 1.


5 — JO L 77, p. 12.


6 —      Voir arrêt du 10 mars 1992, Canon/Conseil (C‑171/87, Rec. p. I‑1237, points 9 à 13).


7 —      Idem.


8 —      Voir, à cet égard, arrêt du 5 octobre 1988, TEC e.a./Conseil (260/85 et 106/86, Rec. p. 5855, point 30).


9 —      Arrêt du 10 mars 1992 (C‑178/87, Rec. p. I‑1577).


10 —      Ibidem (point 12).


11 —      Ibidem (point 13).


12 —      J’indique d’ores et déjà que ces trois éléments sont, premièrement, que les requérantes en première instance auraient effectué des ventes directes du produit concerné dans la Communauté, deuxièmement, que SPIG, la société de vente liée en Ukraine, serait intervenue en qualité d’agent de vente pour les ventes de Niko Tube et de NTRP à SEPCO et, troisièmement, que les liens de SEPCO avec Niko Tube et NTRP seraient insuffisants et ne permettraient pas de considérer qu’elle est sous le contrôle de celles-ci ou qu’il existe un contrôle commun à SEPCO et à Niko Tube et NTRP.


13 —      Au point 179 de l’arrêt attaqué, le Tribunal souligne qu’il ressort également de la jurisprudence qu’une entité économique unique existe lorsqu’un producteur confie des tâches relevant normalement d’un département de vente interne à une société de distribution de ses produits qu’il contrôle économiquement (voir, en ce sens, arrêt Canon/Conseil, précité, point 9). En outre, la structure du capital est un indice pertinent de l’existence d’une entité économique unique (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 1994, Gao Yao/Conseil, C‑75/92, Rec. p. I‑3141, point 33). De surcroît, il a été jugé qu’une entité économique unique peut exister lorsque le producteur assume une partie des fonctions de vente complémentaires à celles de la société de distribution de ses produits (arrêt Matsushita Electric Industrial/Conseil, précité, point 14).


14 —      Arrêt du 21 novembre 2002 (T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 96).


15 —      Si ce libellé est identique à celui utilisé par l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base immédiatement précédent [règlement (CE) no 3283/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 349, p. 1)], il diffère toutefois de celui de l’article 2, paragraphe 9, sous b), du règlement de base antérieur [règlement (CEE) no 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1)] qui faisait supporter à la «partie intéressée» la charge de prouver le caractère justifié de sa demande d’application d’un ajustement.


16 —      Voir, déjà sous l’empire des règlements antidumping précédents, arrêt du 11 juillet 1990, Stanko France/Commission et Conseil (C‑320/86 et C‑188/87, Rec. p. I‑3013, point 48 et jurisprudence citée).


17 —      Voir, notamment sur la distinction entre l’obligation de motivation qui constitue une formalité substantielle et la question du bien-fondé de la motivation qui relève de la légalité au fond de l’acte litigieux, arrêt du 22 mars 2001, France/Commission (C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35).


18 —      Voir en ce sens, notamment, arrêts du Tribunal du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission (T‑71/96, RecFP p. I‑A‑339 et II‑921, point 79); du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil (T‑183/00, Rec. p. II‑135, points 57 et 58); du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑465/04, point 59), ainsi que du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑387/08, point 37).


19 —      À la note en bas de page 15 de son pourvoi, le Conseil se réfère aux points 105, 106 et 112 à 119 de son mémoire en défense en première instance ainsi qu’aux points 49 à 55 de sa duplique en première instance.


20 —      Voir, notamment, arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale (C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 40 et jurisprudence citée).


21 —      Ibidem (point 41 et jurisprudence citée).


22 —      Voir notamment, par analogie, dans le domaine des aides d’État, arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing (C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 57), et du 2 septembre 2010, Commission/Scott (C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, point 66), ainsi que, dans le domaine de l’application des règles de la concurrence, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa (C‑441/07 P, Rec. p. I‑5949, point 67).


23 —      Voir en particulier, s’agissant de l’application des règles de la concurrence, arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, point 39), ainsi que du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 145), et, s’agissant de l’application des règles relatives aux aides d’État, arrêts précités Espagne/Lenzing (point 56) ainsi que Commission/Scott (point 64).


24 —      Arrêts précités Commission/Tetra Laval (point 39); Espagne/Lenzing (point 57); Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (point 145), ainsi que Commission/Scott (point 65).


25 —      Voir, en ce sens, point 103 de mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Scott, précité.


26 —      Arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil (C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 17), et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil (C‑458/98 P, Rec. p. I‑8147, point 99).


27 —      Voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147, point 94).


28 —      Ibidem (point 81).


29 —      Italique ajouté par mes soins.


30 —      Voir notamment, à cet égard, arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, précité (points 81 et 107).


31 —      S’agissant des procédures relatives à l’antidumping, voir arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, précité (point 83).


32 —      Voir, notamment, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14); du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission (C‑258/90 et C‑259/90, Rec. p. I‑2901, point 26), ainsi que du 6 novembre 2008, Pays‑Bas/Commission (C‑405/07 P, Rec. p. I‑8301, point 56).


33 —      Voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 1991, Nölle (C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 13), et du 29 mai 1997, Rotexchemie (C‑26/96, Rec. p. I‑2817, point 12). Voir, également, arrêts du Tribunal du 12 octobre 1999, Acme/Conseil (T‑48/96, Rec. p. II‑3089, point 39), et du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil (T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 64).


34 —      Voir à cet égard, notamment, arrêts Pays-Bas/Commission, précité (point 44), et du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil (C‑535/06 P, Rec. p. I‑7051, point 34).


35 —      Conformément à la jurisprudence, l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, une question de droit soumise, en tant que telle, au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi. Voir, notamment, arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, précité (point 56 et jurisprudence citée).


36 —      Voir, notamment, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission (C‑551/03 P, Rec. p. I‑3173, point 54); du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission (C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, point 108), et du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 67).


37 —      Voir, notamment, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 148); ordonnances du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission (C‑503/07 P, Rec. p. I‑2217, point 62), et du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission (C‑498/09 P, point 87).


38 —      L’article 6, paragraphe 2, du règlement de base prévoit que les destinataires des questionnaires adressés par la Commission dans le cadre d’une enquête antidumping disposent d’au moins 30 jours pour y répondre. Une prorogation de ce délai peut être accordée dans les conditions prévues à cette disposition.


39 —      La marge de préjudice représente le niveau de préjudice subi par l’industrie de l’Union exprimé en un pourcentage du prix CAF (coûts, assurance, fret) des exportations du produit concerné (prix de sous-cotation), calculé, en règle générale, à partir de la différence entre le prix de vente moyen pondéré des producteurs de l’Union et le prix de vente pondéré des exportations vers l’Union qui font l’objet du dumping. Voir, à cet égard, point 233 du règlement litigieux.


40 —      Voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, points 47 et 48). Voir également, à cet égard, «article 27, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1). En outre, l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 210, C 83, p. 389) prévoit que le droit à une bonne administration comprend notamment «le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires».


41 —      À noter que l’arrêt attaqué mentionne erronément Tubos Reunidos, le producteur de l’Union retenu dans l’échantillon, lié à Productos Tubulares. Cette erreur de plume n’a pas été relevée par les parties au pourvoi et n’emporte aucune conséquence.