Language of document : ECLI:EU:T:2011:619

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 octobre 2011 (*)

« Dumping – Importations de ferrosilicium originaire de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan et de Russie – Lien de causalité – Intérêt de la Communauté – Défaut de coopération – Données disponibles – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑192/08,

Transnational Company « Kazchrome » AO, établie à Aqtöbe (Kazakhstan),

ENRC Marketing AG, établie à Kloten (Suisse),

représentées initialement par Mes L. Ruessmann et A. Willems, puis par Mes Willems et S. de Knop, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. J.-P. Hix, puis par MM. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes G. Berrisch et G. Wolf, puis de Me Berrisch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. H. van Vliet et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

et par

Euroalliages, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J. Bourgeois, Y. van Gerven et N. McNelis, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 172/2008 du Conseil, du 25 février 2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive des droits provisoires institués sur les importations de ferrosilicium originaire de la République populaire de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et de Russie (JO L 55, p. 6), dans la mesure où il s’applique aux requérantes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Transnational Company Kazchrome AO (ci-après « Kazchrome ») et ENRC Marketing AG, sont actives dans la production et la vente de ferrosilicium, une des matières premières utilisées dans la fabrication de l’acier et du fer. Kazchrome, qui est établie au Kazakhstan, vend la totalité de sa production à ENRC Marketing, qui est établie en Suisse. Cette dernière revend la production de Kazchrome dans le monde entier.

2        À la suite d’une plainte déposée le 16 octobre 2006 par Euroalliages (le comité de liaison des industries de ferro-alliages), la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaires de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan et de Russie, conformément au règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif au JO 2010, L 7, p. 22)], et en particulier conformément à l’article 5 du règlement de base (devenu article 5 du règlement n° 1225/2009). L’avis d’ouverture de la procédure a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 30 novembre 2006 (JO C 291, p. 34). L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2005 et le 30 septembre 2006 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances dans le cadre de l’analyse du préjudice a couvert la période allant de janvier 2003 à la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée »).

3        Dans le cadre de cette procédure, le 15 décembre 2006, les requérantes ont déposé une demande d’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché (ci-après le « SEM ») auprès des services de la Commission, en application de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement n° 1225/2009].

4        Le 12 janvier 2007, les requérantes ont déposé leurs réponses au questionnaire antidumping de la Commission ainsi qu’un document concernant le préjudice. Le 25 janvier 2007, les requérantes ont communiqué à la Commission des observations complémentaires concernant le préjudice.

5        Par lettre datée du 14 février 2007, les requérantes ont fait savoir à la Commission qu’elles renonçaient à participer à l’enquête, mais qu’elles étaient prêtes à fournir des explications concernant les données qu’elles lui avaient déjà communiquées. Par télécopie datée du même jour, la Commission a informé les requérantes qu’elle annulait la visite de vérification qui était prévue du 22 février au 2 mars 2007. Elle a souligné qu’une telle annulation signifiait que, faute de vérification, les données communiquées par les requérantes à ses services ne pouvaient être acceptées et que, conformément à l’article 18 du règlement de base (devenu article 18 du règlement n° 1225/2009), il serait peut-être nécessaire d’établir les conclusions de l’enquête sur le fondement des données disponibles. Par courrier daté du 20 février 2007, les requérantes ont fait savoir à la Commission que, bien que ne pouvant coopérer pleinement à l’enquête, elles souhaitaient, dans la mesure du possible, lui apporter leur assistance, dans le cadre de cette enquête.

6        Le 5 juillet 2007, la Commission a fait savoir aux requérantes que, dès lors qu’elle n’avait pas pu vérifier, dans les locaux de ces dernières, les données qu’elles avaient déposées, elles ne se verraient pas accorder le SEM. Le 16 juillet 2007, les requérantes ont fait parvenir à la Commission leurs observations concernant notamment le refus d’octroi du SEM.

7        Le 29 août 2007, la Commission a publié le règlement (CE) n° 994/2007, du 28 août 2007, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de ferrosilicium originaire de la République populaire de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et de Russie (JO L 223, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »). Le règlement provisoire a notamment institué un droit antidumping provisoire dont le taux a été fixé à 33,9 % pour les importations de ferrosilicium en provenance du Kazakhstan. Au considérant 25 du règlement provisoire, la Commission a précisé que la demande d’octroi du SEM formulée par les requérantes n’avait pas été prise en compte, dans la mesure où celles-ci n’avaient pas permis que la visite de vérification ait lieu.

8        Par courrier daté du 30 août 2007, la Commission a communiqué aux requérantes les faits et considérations essentiels sur la base desquels les mesures antidumping provisoires avaient été adoptées (ci-après le « document d’information provisoire »). Par courrier du 15 septembre 2007, la Commission a fait parvenir aux requérantes un complément au document d’information provisoire. Le 5 octobre 2007, les requérantes ont communiqué à la Commission leurs observations sur le document d’information provisoire.

9        Le 18 décembre 2007, la Commission a adressé aux requérantes un courrier contenant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de recommander l’institution de mesures antidumping définitives (ci-après le « document d’information finale »). Les requérantes ont présenté leurs observations sur le document d’information finale, par courrier adressé à la Commission le 3 janvier 2008.

10      Le 25 février 2008, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 172/2008, du 25 février 2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive des droits provisoires institués sur les importations de ferrosilicium originaire de la République populaire de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et de Russie (JO L 55, p. 6, ci-après le « règlement attaqué »). En vertu du règlement attaqué, le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, a été établi à 33,9 % pour les produits en provenance du Kazakhstan.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2008, les requérantes ont introduit le présent recours.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 1er et le 3 septembre 2008, Euroalliages et la Commission ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 octobre 2008, les requérantes ont demandé que, en application de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication à Euroalliages. Aux fins de cette communication, les requérantes ont produit une version non confidentielle des mémoires et pièces en question.

14      Par ordonnances des 2 décembre 2008 et 16 février 2009, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis respectivement les demandes d’intervention de la Commission et d’Euroalliages.

15      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 2009, Euroalliages a déclaré ne pas avoir d’objections à l’égard de la demande de traitement confidentiel formulée par les requérantes.

16      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2009, la Commission a informé le Tribunal qu’elle renonçait à déposer un mémoire en intervention, mais qu’elle prendrait part à l’audience.

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater la recevabilité du recours ;

–        annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il s’applique à elles ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

19      Euroalliages conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux qu’elle a supportés en raison de son intervention.

 En droit

20      À l’appui de la demande d’annulation, les requérantes invoquent quatre moyens. Dans le cadre du premier moyen, elles contestent l’évaluation de l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. Dans le cadre du deuxième moyen, elles mettent en cause l’analyse de l’intérêt communautaire. Dans le cadre du troisième moyen, elles critiquent l’appréciation faite par les institutions de leur coopération à l’enquête, l’application de l’article 18 du règlement de base et le traitement de la demande d’octroi du SEM. Dans le cadre du quatrième moyen, elles invoquent une violation de leurs droits de la défense.

A –  Sur le premier moyen, relatif au lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice

21      Les griefs invoqués par les requérantes, dans le cadre du premier moyen, peuvent être regroupés en trois catégories :

–        premièrement, les griefs liés à l’interprétation des principes juridiques régissant l’analyse du lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire, les requérantes invoquant, dans le cadre de la première branche, l’existence d’erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base (devenu article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement n° 1225/2009) ;

–        deuxièmement, les griefs relatifs à l’analyse individuelle consacrée par les institutions à un certain nombre de facteurs autres que les importations faisant l’objet d’un dumping et ayant pu causer le préjudice subi par l’industrie communautaire ou y contribuer, les requérantes invoquant, à ce titre, dans les deuxième à huitième branches, des erreurs manifestes d’appréciation ainsi que diverses violations commises par les institutions dans le cadre de l’analyse individuelle de certains facteurs de préjudice ;

–        troisièmement, les griefs relatifs à l’absence d’analyse collective des différents facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, les requérantes invoquant plus particulièrement, dans les première et huitième branches, une erreur manifeste d’appréciation commise par les institutions en ce qu’elles auraient omis de procéder à une analyse collective de ces facteurs.

22      Ces trois catégories de griefs seront examinées successivement.

1.     Sur l’interprétation des principes juridiques applicables à l’analyse du lien de causalité (première branche du premier moyen)

a)     Arguments des parties

23      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir que la méthodologie adoptée par le Conseil, dans le cadre de l’établissement du lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice, est entachée de deux erreurs de droit.

24      En premier lieu, les requérantes affirment que l’approche du Conseil reflète une division artificielle de l’analyse d’imputation et de non-imputation du préjudice. Aux termes de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, une analyse adéquate du lien de causalité exigerait la prise en compte des autres facteurs connus dès le départ, afin d’éviter de confondre l’incidence des importations visées par la procédure d’enquête et celle des autres facteurs. Les institutions n’auraient donc pas pu conclure que les importations visées par la procédure d’enquête avaient occasionné le préjudice sans avoir au préalable examiné si ce n’étaient pas d’autres facteurs qui l’avaient en réalité occasionné.

25      En second lieu, les requérantes avancent qu’il ressort de rapports de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que l’incidence des facteurs causals doit être examinée collectivement.

26      Le Conseil, soutenu par les intervenantes, rétorque, d’une part, que, pour déterminer si les importations faisant l’objet d’un dumping ont entraîné un préjudice important, il est nécessaire d’examiner d’abord si le préjudice a été causé par lesdites importations, compte tenu notamment du volume et des prix des importations faisant l’objet d’un dumping et du calcul de la sous-cotation. Ce ne serait que lorsque l’existence de ce lien de causalité a été établie qu’il serait alors nécessaire d’examiner si d’autres facteurs étaient susceptibles d’avoir contribué au préjudice dans une mesure telle qu’ils auraient rompu le lien de causalité. D’autre part, le Conseil estime que rien n’impose sur le plan juridique l’examen collectif des autres facteurs, qu’un tel examen n’est pas appliqué en pratique et que celui-ci ne constitue pas un principe consacré par le juge de l’Union.

b)     Appréciation du Tribunal

27      La première branche du premier moyen concerne, en substance, les conditions d’application de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base. En vertu de cette disposition, le Conseil et la Commission ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs (arrêt de la Cour du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑3813, point 16, et arrêt du Tribunal du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, Rec. p. II‑669, point 72).

28      En premier lieu, il convient de déterminer si, comme l’affirment les requérantes, cette disposition exige des institutions qu’elles examinent, dans un premier temps, l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping et des autres facteurs connus sur le préjudice subi par l’industrie communautaire, avant de conclure, dans un second temps, à l’existence d’un lien de causalité entre lesdites importations et le dumping, ou si, comme l’affirme le Conseil, il est nécessaire d’examiner, d’abord, si le préjudice a été causé par lesdites importations et, ensuite, lorsque ce lien causal a été établi, si d’autres facteurs sont susceptibles d’avoir contribué au préjudice dans une mesure telle qu’ils rompent ledit lien causal.

29      Afin de répondre à cette question, il convient d’analyser les termes, l’objet ainsi que le contexte de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base.

30      Premièrement, s’agissant des termes de cette disposition, il ressort de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base que les institutions doivent démontrer que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice important à l’industrie communautaire, compte tenu de leur volume et de leur prix. Il s’agit là de l’analyse dite d’imputation. Il ressort, ensuite, de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base que les institutions doivent, d’une part, examiner tous les autres facteurs connus qui causent un préjudice à l’industrie communautaire, au même moment que les importations faisant l’objet d’un dumping, et, d’autre part, faire en sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé auxdites importations. Il s’agit là de l’analyse dite de non-imputation.

31      Deuxièmement, ainsi que l’ont relevé tant les requérantes que le Conseil dans leurs écritures, l’objectif de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base est de faire en sorte que les institutions dissocient et distinguent les effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping de ceux des autres facteurs. Si les institutions s’abstenaient de dissocier et de distinguer l’impact des différents facteurs de préjudice, elles ne pourraient pas valablement conclure que les importations faisant l’objet d’un dumping ont causé un préjudice à l’industrie communautaire.

32      Troisièmement, s’agissant du contexte de cette disposition, dans la mesure où, en vertu du considérant 5 du règlement de base (devenu considérant 3 du règlement n° 1225/2009), l’article 3, paragraphes 6 et 7, dudit règlement constitue la transposition, en droit de l’Union, de l’article 3.5 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3), il convient de se reporter à cette disposition ainsi qu’à l’interprétation qui en a été faite par l’organe de règlement des différends de l’OMC.

33      Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE (arrêts de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C‑149/96, Rec. p. I‑8395, point 47, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 53). Toutefois, dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (arrêts de la Cour Portugal/Conseil, précité, point 49 ; Petrotub et Republica/Conseil, précité, point 54, et du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 30).

34      Or, il ressort du considérant 5 du règlement de base qu’il a notamment pour objet de transposer en droit de l’Union, dans toute la mesure du possible, les règles contenues dans l’accord antidumping de 1994, au rang desquelles figurent, en particulier, celles relatives à la détermination de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice (voir, en ce sens, arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 33 supra, point 55).

35      Il s’ensuit que les dispositions du règlement de base doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord antidumping (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 juillet 1998, Bettati, C‑341/95, Rec. p. I‑4355, point 20, et Petrotub et Republica/Conseil, point 33 supra, point 57).

36      De surcroît, si les interprétations de l’accord antidumping adoptées par l’organe de règlement des différends de l’OMC ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, Rec. p. I‑1465, point 54), rien ne s’oppose à ce que le Tribunal y fasse référence, dès lors qu’il s’agit de procéder, comme dans le cas d’espèce, à l’interprétation d’une disposition du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T‑45/06, Rec. p. II‑2399, point 107).

37      Dans ce contexte, il convient de relever que l’organe d’appel de l’OMC a considéré, dans son rapport relatif au différend « États-Unis – Acier laminé à chaud », adopté le 23 août 2001 (WT/DS184AB/R, point 226), que, pour se conformer au libellé de l’article 3.5 de l’accord antidumping concernant la non-imputation, les autorités chargées de l’enquête devaient procéder à une évaluation appropriée du préjudice causé à l’industrie nationale par les autres facteurs connus ainsi que dissocier et distinguer les effets dommageables des importations faisant l’objet d’un dumping et les effets dommageables de ces autres facteurs.

38      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base n’impose aux institutions aucune obligation quant à la forme ou à l’ordre des analyses d’imputation et de non-imputation auxquelles elles sont tenues de procéder. En revanche, cette disposition prévoit que ces analyses doivent être conduites de telle sorte qu’elles permettent de dissocier et de distinguer les effets dommageables des importations faisant l’objet d’un dumping de ceux causés par d’autres facteurs.

39      Dans ces circonstances, il convient de constater que le différend qui oppose les parties en l’espèce est d’ordre sémantique et non de nature substantielle. En effet, la façon dont le Conseil décrit, dans ses écritures, la méthodologie appliquée par les institutions pour procéder aux analyses d’imputation et de non-imputation importe peu, dès lors que la méthodologie effectivement appliquée par le Conseil et la Commission, en l’espèce, leur a permis de s’assurer que le préjudice causé par des facteurs autres que les importations faisant l’objet d’un dumping n’avait pas été imputé à ces dernières. Ainsi, les institutions ont examiné, dans un premier temps, l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping, aux considérants 112 à 114 du règlement provisoire et aux considérants 85 et 86 du règlement attaqué. Dans un deuxième temps, aux considérants 115 à 136 du règlement provisoire et aux considérants 87 à 101 du règlement attaqué, elles ont analysé les effets des autres facteurs. Dans un troisième temps, aux considérants 137 à 140 du règlement provisoire et aux considérants 102 à 104 du règlement attaqué, elles ont procédé à une brève synthèse des analyses d’imputation et de non-imputation et en ont tiré leurs conclusions quant au lien causal. S’il est vrai que les facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping n’ont été pris en compte que dans un deuxième temps, les institutions n’ont toutefois formulé leur conclusion définitive quant à l’imputation du préjudice qu’à l’issue de cette deuxième étape, de telle sorte que les effets dommageables des importations faisant l’objet d’un dumping ont pu être dissociés et distingués de ceux causés par d’autres facteurs.

40      Il s’ensuit que, en l’espèce, l’analyse du lien de causalité, figurant aux considérants 111 à 140 du règlement provisoire et aux considérants 83 à 104 du règlement attaqué, n’est pas entachée d’une erreur de droit, en ce que les institutions ont effectué d’abord l’analyse d’imputation et ensuite celle de non-imputation.

41      En second lieu, il convient de déterminer si, comme le prétendent les requérantes, les facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping doivent être examinés collectivement ou si, comme le prétend le Conseil, ils doivent l’être individuellement. Tout comme la question précédente, cette question doit être traitée au regard des termes, de l’objet ainsi que du contexte de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base.

42      Premièrement, s’agissant des termes de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, tels que repris au point 30 ci-dessus, il y a lieu de relever que cette disposition ne précise pas si les facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping doivent être analysés collectivement ou individuellement.

43      Deuxièmement, comme cela a été mentionné au point 31 ci-dessus, l’objectif de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base est de dissocier et de distinguer les effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping de ceux des autres facteurs, de telle sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé auxdites importations. Pour que cet objectif soit atteint, dans certaines circonstances, une analyse collective des autres facteurs est nécessaire. Tel est le cas, notamment, si les institutions concluent, à l’issue d’une analyse individuelle, que chacun de ces autres facteurs a eu un effet négatif sur la situation de l’industrie communautaire, sans que cette incidence puisse être considérée comme significative. Comme l’ont relevé les requérantes dans leurs écritures, si une dizaine de facteurs autres que les importations faisant l’objet d’un dumping ont occasionné ensemble 99 % du préjudice, mais qu’aucun d’entre eux n’a eu un impact significatif sur le préjudice subi par l’industrie communautaire, les institutions continueront à considérer que lesdites importations ont occasionné le préjudice matériel, puisque aucun des dix autres facteurs, pris séparément, ne sera considéré comme ayant causé le préjudice. Une telle analyse ne saurait être considérée comme conforme à l’objectif de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base.

44      Troisièmement, l’analyse contextuelle de cette disposition confirme que, dans certaines circonstances, une analyse collective des autres facteurs est nécessaire. Ainsi que cela a déjà été relevé, l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base a pour objet de transposer en droit de l’Union l’article 3.5 de l’accord antidumping. Or, dans son rapport relatif au différend « Communautés européennes – Accessoires de tuyauterie », adopté le 18 août 2003 (WT/DS219/AB/R, points 190 et 192), l’organe d’appel de l’OMC a considéré que, si l’article 3.5 de l’accord antidumping n’imposait pas, dans chaque cas, une évaluation des effets collectifs des autres facteurs causals, il pouvait y avoir des cas dans lesquels, en raison des circonstances factuelles qui leur sont spécifiques, le fait de ne pas effectuer d’examen de l’incidence collective des autres facteurs causals aurait pour conséquence que l’autorité chargée de l’enquête attribuerait à tort les effets des autres facteurs causals aux importations faisant l’objet d’un dumping. Selon l’organe d’appel de l’OMC, une autorité chargée de l’enquête n’est pas tenue d’examiner l’incidence collective des autres facteurs causals, à condition que, compte tenu des circonstances factuelles spécifiques à l’affaire, elle s’acquitte de son obligation de ne pas imputer aux importations faisant l’objet d’un dumping les préjudices causés par les autres facteurs causals.

45      Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer, à l’instar des requérantes, qu’une analyse collective des effets des facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping peut être requise dans certaines circonstances. Tel est notamment le cas lorsque les institutions ont conclu, pour un grand nombre de facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qu’ils ont pu contribuer au préjudice, mais que leur impact ne pouvait, individuellement, être considéré comme significatif.

46      Partant, il convient de considérer que l’interprétation de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base que prône le Conseil non dans le règlement attaqué, mais exclusivement dans ses écritures, est erronée. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que le règlement attaqué soit entaché d’une erreur de droit de nature à justifier l’annulation du règlement attaqué. En effet, dans le règlement attaqué, le Conseil s’est borné à procéder à l’analyse individuelle des différents facteurs de préjudice sans aucunement mentionner qu’il estimait qu’une analyse collective desdits facteurs n’était pas requise. Dès lors, il ne saurait être conclu à l’existence d’une erreur de droit entachant le règlement attaqué que s’il est également conclu que, en l’espèce, une telle analyse collective était requise.

47      Or, il ressort du point 45 ci-dessus qu’il convient de procéder à l’examen des griefs avancés par les requérantes s’agissant de l’analyse individuelle de chacun des autres facteurs connus de préjudice, avant de pouvoir déterminer si une analyse collective était requise en l’espèce. Ce n’est donc qu’à l’issue de l’examen, effectué aux points 49 à 215 ci-après, tendant à vérifier, d’une part, si l’analyse individuelle de chacun des autres facteurs de préjudice connus n’est pas entachée d’illégalité et, d’autre part, si les circonstances de l’espèce exigeaient une analyse collective des autres facteurs de préjudice, qu’il pourrait être conclu que le Conseil a, en se cantonnant à une analyse individuelle des facteurs de préjudice, commis une erreur de droit.

48      En revanche, il y a d’ores et déjà lieu de rejeter la première branche du premier moyen, en ce qu’elle est tirée d’une erreur de droit relative à la méthodologie des institutions s’agissant de l’analyse du lien de causalité.

2.     Sur l’analyse individuelle des facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping (deuxième à huitième branches du premier moyen)

49      À titre liminaire, il convient de rappeler les principes jurisprudentiels à la lumière desquels il convient d’examiner les différents griefs invoqués par les requérantes s’agissant de l’analyse individuelle des différents facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping.

50      Selon la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, le Conseil et la Commission ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs.

51      De surcroît, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si l’industrie communautaire a subi un préjudice et si celui-ci est imputable aux importations faisant l’objet d’un dumping ainsi que celle de savoir si d’autres facteurs connus ont contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire supposent l’évaluation de questions économiques complexes pour lesquelles les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, point 27 supra, point 71, et du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec. p. II‑3685, point 120).

a)     Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’évolution de la demande d’acier et des prix sur les marchés communautaire et mondial

 Arguments des parties

52      Les requérantes soutiennent que le considérant 85 du règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et viole l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, dès lors que la pression sur les prix communautaires ne pourrait être imputée aux importations faisant l’objet d’un dumping, mais devrait être imputée à l’évolution des prix sur le marché mondial et à celle de la demande d’acier.

53      En effet, en premier lieu, les prix du ferrosilicium auraient la même évolution dans chacun des grands marchés mondiaux et l’évolution du prix communautaire reflèterait la dynamique du marché mondial. Selon les requérantes, dès lors que les prix sur tous les marchés étaient en baisse, notamment entre 2005 et la fin de la période d’enquête, il est manifestement déraisonnable de prétendre que, sans les importations faisant l’objet d’un dumping, les prix dans la Communauté auraient augmenté pour couvrir les coûts croissants de l’industrie communautaire majorés d’une marge bénéficiaire raisonnable.

54      En deuxième lieu, le faible niveau des prix du ferrosilicium serait déterminé non par les importations faisant l’objet d’un dumping, mais par l’évolution de la demande. Le Conseil aurait lui-même reconnu, dans le règlement attaqué, que les prix du ferrosilicium suivent les fluctuations de la demande. Néanmoins, il aurait analysé, à tort, l’évolution des prix du ferrosilicium dans la Communauté par rapport à celle de la production mondiale d’acier brut alors qu’ils sont déterminés par la production d’acier dans la Communauté. L’évolution des prix du ferrosilicium dans la Communauté aurait précisément reflété celle de la demande d’acier et lesdits prix auraient diminué proportionnellement à la stagnation et à la baisse de la demande dans la Communauté. Partant, les requérantes sont d’avis que, même s’il n’y avait pas eu de sous-cotation par les importations faisant l’objet d’un dumping, l’industrie communautaire aurait subi des pertes du fait de l’augmentation des coûts et de la baisse simultanée de la demande.

55      En troisième lieu, les requérantes font observer que, au cours de la période d’enquête, le ferrosilicium a été vendu à un prix plus élevé dans la Communauté que sur les autres marchés. Or, sur un marché mondial où les prix tendraient vers l’équilibre, il ne pourrait être prétendu que les prix du marché sur lequel ils sont les plus élevés ont été injustement sous-cotés ou dépréciés.

56      Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

57      La deuxième branche du premier moyen concerne, en substance, l’évaluation par les institutions du rôle de l’évolution mondiale des prix du ferrosilicium et de la demande du secteur sidérurgique, en tant qu’autres facteurs connus ayant pu causer le préjudice subi par l’industrie communautaire ou y contribuer.

58      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que le Conseil a estimé, au considérant 85 du règlement attaqué, que, du fait des importations faisant l’objet d’un dumping, l’industrie communautaire n’avait pas pu augmenter ses prix de vente au niveau nécessaire pour couvrir la totalité de ses coûts. D’autre part, le Conseil a exposé, aux considérants 87 à 90 du règlement attaqué, les raisons pour lesquelles il avait décidé de rejeter l’allégation selon laquelle le faible niveau de prix du ferrosilicium était lié à la dynamique du marché mondial, qui lui-même évoluerait en fonction des fluctuations de la demande du secteur sidérurgique, et non aux importations faisant l’objet d’un dumping. Dans un premier temps, le Conseil a expliqué que, dans les économies de marché, les prix étaient généralement déterminés par les niveaux de l’offre et de la demande, mais que d’autres facteurs pouvaient intervenir, tels que la présence d’importations faisant l’objet d’un dumping. Dans un deuxième temps, il a précisé que, s’il ne faisait aucun doute que la demande mondiale de ferrosilicium, en particulier par le secteur sidérurgique, avait influé sur la fixation du prix à certains moments, au cours de la période considérée, il y avait eu des périodes où les prix du ferrosilicium avaient baissé en dépit d’une demande croissante. Dans un troisième temps, il a constaté que, même au niveau communautaire, les prix du ferrosilicium étaient en baisse à certains moments, malgré une augmentation de la demande du secteur sidérurgique.

59      Les requérantes contestent cette conclusion sur le fondement de trois arguments. Premièrement, les prix sur le marché mondial ayant été en baisse, notamment entre 2005 et la fin de la période d’enquête, même en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping, les prix communautaires n’auraient pas pu augmenter. Deuxièmement, les prix communautaires du ferrosilicium auraient suivi les fluctuations de la production communautaire d’acier et se seraient détériorés en même temps que la demande de l’industrie sidérurgique communautaire a stagné ou diminué. Troisièmement, les prix sur le marché communautaire seraient les plus élevés du monde, ce qui exclurait toute sous-cotation ou dépréciation.

60      Or, aucun de ces trois arguments n’est de nature à démontrer que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base.

61      Ainsi, en premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de l’évolution des prix sur le marché mondial, il convient de relever que les requérantes font référence, au soutien de cet argument, à un tableau reproduit dans la requête qui montre, selon elles, que les prix du ferrosilicium suivent la même évolution sur tous les marchés d’importance dans le monde et que l’évolution du prix communautaire se borne à refléter la dynamique du marché mondial. S’il est vrai que ce tableau montre que le prix communautaire du ferrosilicium suit globalement la même évolution que les prix aux États-Unis et au Japon, il ne confirme en aucune manière que les prix sur le marché mondial étaient en baisse pendant toute la période considérée, à savoir du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2006 ou, à tout le moins, entre janvier 2005 et la fin de la période d’enquête, à savoir le 30 septembre 2006. Au contraire, il ressort de ce tableau que les prix ont augmenté entre 2003 et 2004 et pendant la période d’enquête. Ces tendances sont confirmées par les données relatives aux prix moyens dans la Communauté figurant au considérant 96 du règlement provisoire, données qui n’ont pas été contestées par les requérantes. Partant, ces dernières ne sauraient affirmer que, du fait de la baisse généralisée des prix du ferrosilicium, il était déraisonnable de soutenir que, en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping, les prix communautaires auraient augmenté à un niveau permettant à l’industrie communautaire de couvrir ses coûts croissants ainsi que d’obtenir une marge bénéficiaire raisonnable.

62      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument tiré des fluctuations de la demande du secteur sidérurgique et de l’analyse des prix du ferrosilicium dans la Communauté par rapport à la production mondiale d’acier brut, il convient de relever que les requérantes rejettent le graphique produit par les institutions dans le document d’information finale, illustrant l’évolution des prix du ferrosilicium dans la Communauté à la lumière de celle de la production mondiale d’acier brut, et renvoient, au soutien de leur argument, à un graphique reproduit dans une annexe à la requête, qui illustre l’évolution des prix communautaires du ferrosilicium par rapport à celle de la production communautaire d’acier. Or, contrairement à ce que prétendent les requérantes, ce graphique ne permet pas de démontrer que les prix communautaires du ferrosilicium ont suivi les fluctuations de la production communautaire d’acier et se sont détériorés en même temps que la demande de l’industrie sidérurgique communautaire a stagné ou diminué.

63      Ainsi, premièrement, il importe de relever, à l’instar du Conseil, que ce graphique montre que les prix communautaires n’ont pas toujours suivi les fluctuations de la production d’acier communautaire. Par exemple, le graphique indique que, en 2004, à un moment où la production communautaire d’acier a augmenté, les prix ont continué à baisser. De même, en 2006, selon le graphique, la production d’acier a diminué tandis que les prix ont augmenté. Ces exemples tendent à confirmer que le graphique produit par les requérantes n’est pas suffisant pour étayer leur allégation selon laquelle la baisse de la demande a causé la diminution des prix.

64      Deuxièmement, il convient de remarquer que le graphique ne montre pas une détérioration de la demande pendant toute la période considérée. Il décrit ainsi une augmentation de la production d’acier, du troisième trimestre de 2003 jusqu’au deuxième trimestre de 2004, du quatrième trimestre de 2004 au deuxième trimestre de 2005 et pendant les trois premiers trimestres de la période d’enquête, qui s’étend du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006. Le graphique montre également que les prix du ferrosilicium dans la Communauté ont augmenté, du troisième trimestre de 2003 jusqu’au deuxième trimestre de 2004 et pendant toute la période d’enquête. Compte tenu de ces évolutions positives, il n’est pas suffisant d’affirmer que les prix communautaires se sont détériorés en même temps que la demande de l’industrie sidérurgique communautaire a stagné ou diminué, pour prouver que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en soutenant que, du fait des importations faisant l’objet d’un dumping, l’industrie communautaire n’a pas pu augmenter ses prix de vente au niveau nécessaire pour couvrir ses coûts. Les requérantes auraient dû démontrer que l’augmentation de la production d’acier, pendant les périodes précitées, avait été trop faible pour conduire à une hausse de prix permettant aux producteurs communautaires de ferrosilicium de reporter la hausse des coûts de production sur les consommateurs, ce qu’elles n’ont pas fait.

65      En troisième lieu, s’agissant de l’argument relatif aux prix dans la Communauté dont le niveau serait tel qu’il ne pourrait être prétendu qu’ils ont été injustement sous-cotés ou déprimés, il convient de rappeler que la sous-cotation et la dépression des prix sont des concepts juridiques auxquels il est fait référence à l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009). De façon schématique, dans le cadre de la détermination de la sous-cotation, au sens de cette disposition, les institutions procèdent à une comparaison des prix communautaires avec les prix ajustés des importations, de façon à obtenir une marge de sous-cotation exprimée sous forme de pourcentage. De même, lorsqu’il est constaté que les prix communautaires ont été déprimés ou n’ont pas assez augmenté, les institutions procèdent, toujours de façon schématique, à une comparaison des prix à l’importation par rapport à un prix communautaire cible, c’est-à-dire avec le prix qui aurait été atteint, en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping, de façon à obtenir une marge d’élimination du préjudice, elle aussi exprimée sous forme de pourcentage. En l’espèce, il ressort des considérants 87 à 89 et 112 du règlement provisoire que les institutions ont déterminé la sous-cotation des prix, en application de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base. Ainsi, au considérant 89 du règlement provisoire, la Commission a fait état de ce qu’elle avait calculé des marges de sous-cotation allant de 4 à 11 % selon les producteurs-exportateurs, à l’exception de trois producteurs-exportateurs pour lesquels aucune sous-cotation n’a été constatée. Or, les requérantes n’avancent aucun argument de nature à mettre en cause le calcul des marges de sous-cotation effectué par les institutions. La simple constatation de ce que les prix communautaires sont les plus élevés au monde ne saurait constituer une telle remise en cause.

66      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant que l’industrie communautaire n’avait pas pu augmenter ses prix de vente au niveau nécessaire pour couvrir la totalité de ses coûts non du fait de la dynamique du marché mondial et des fluctuations de la demande du secteur sidérurgique, mais du fait des importations faisant l’objet d’un dumping.

67      Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

b)     Sur la troisième branche du premier moyen, relative aux effets du préjudice que l’industrie communautaire se serait infligée à elle-même

 Sur le premier grief, relatif aux réorientations de production par certains producteurs communautaires

–       Arguments des parties

68      Les requérantes affirment que le Conseil n’a pas tenu compte, de manière adéquate, de l’impact, sur le préjudice subi par l’industrie communautaire, des réorientations volontaires de production mises en œuvre par Huta Laziska S.A., OFZ a.s. et Vargön Alloys AB, en 2004, une année qualifiée de « particulièrement favorable » dans le règlement attaqué.

69      En premier lieu, les institutions auraient commis une erreur de fait grossière ayant eu une incidence importante sur l’analyse du lien de causalité, dans la mesure où, alors qu’il ressortirait du considérant 135 du règlement provisoire que, en 2004, deux producteurs communautaires de ferrosilicium avaient réorienté leur production vers la production d’alliages de manganèse, il ressortirait du considérant 93 de ce même règlement que cette réduction de la production de ferrosilicium n’aurait été prise en considération qu’à compter de l’année 2005. Or, la décision de réduire la production de ferrosilicium, à un moment où les conditions de marché étaient favorables, aurait conduit à une hausse des coûts de production unitaire du ferrosilicium, à une diminution de la production et des ventes ainsi qu’à une plus grande rareté sur le marché. D’autre part, l’absence de prise en considération des réorientations de production pour l’année 2004 aurait engendré une image trompeuse de l’évolution de la capacité de production, de la production et de la rentabilité de l’industrie communautaire.

70      En deuxième lieu, les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant que les réorientations de production étaient une réaction aux importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, d’une part, l’année 2004 aurait été une année exceptionnelle durant laquelle la rentabilité de l’industrie communautaire aurait augmenté au niveau le plus élevé de la période considérée et son niveau de retour sur investissement aurait atteint près de 20 % et, d’autre part, Huta Laziska aurait choisi de réorienter sa production vers le silicomanganèse, un produit exigeant une moindre consommation énergétique et ayant une meilleure rentabilité. Partant, selon les requérantes, le préjudice subi par l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête s’explique par ces réorientations volontaires de production qui ont conduit à une hausse des coûts de production qui a elle-même entraîné des diminutions supplémentaires de production.

71      Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

72      Le présent grief concerne, en substance, la manière dont les institutions ont analysé l’impact, pour l’industrie communautaire, de la réaffectation, par certains producteurs communautaires, en 2004, de fours anciennement affectés à la fabrication de ferrosilicium à la production de silicomanganèse.

73      À cet égard, il convient de relever que la Commission a analysé l’impact de ladite réaffectation aux considérants 135 et 136 du règlement provisoire. Elle y a affirmé que, malgré les coûts induits par une réorientation de la production, une partie de la production avait fait l’objet d’une telle réorientation en 2004, les alliages de manganèse ayant alors fait défaut sur le marché communautaire tandis que l’offre de ferrosilicium était suffisante. Elle en a conclu que la décision de certains producteurs communautaires de réduire leur production n’était pas voulue, mais avait été provoquée par le dumping sur les importations qui avait empêché toute rentabilité de l’industrie communautaire sur les ventes de ferrosilicium. En outre, au considérant 93 du règlement provisoire, elle a ajusté, à compter de l’année 2005, les données relatives aux capacités de production, figurant dans le tableau concernant les capacités de production et les utilisations de capacité, afin de tenir compte de la réaffectation des fours.

74      Les requérantes contestent tant le considérant 93 que les considérants 135 et 136 du règlement provisoire.

75      En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré par les requérantes de l’erreur de fait affectant le considérant 93 du règlement provisoire, le Conseil a expliqué, en réponse à une question écrite qui lui a été posée par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, que la production avait été réorientée au début du mois de décembre 2004. Il a également reconnu, lors de l’audience, que les capacités qui avaient fait l’objet de cette réorientation n’avaient pas pu être utilisées pour la production de ferrosilicium au mois de décembre 2004. Dès lors, il convient de constater que les chiffres relatifs aux capacités de production auraient dû être ajustés, non à partir de 2005, mais à partir de 2004. Il s’ensuit que le considérant 93 du règlement provisoire est entaché d’une inexactitude matérielle.

76      Néanmoins, le Tribunal ne partage pas la position des requérantes s’agissant des conséquences à tirer de cette inexactitude. En effet, d’une part, il y a lieu de constater, comme l’a relevé le Conseil lors de l’audience, que, compte tenu du fait que les capacités de production n’ont diminué qu’au mois de décembre 2004, l’ajustement global desdites capacités, pour l’ensemble de l’année 2004, n’aurait représenté qu’un très faible volume, équivalant à un douzième de l’ajustement opéré pour l’année 2005. D’autre part, à supposer que l’ajustement des capacités de production ait été effectué pour 2004 également, la situation économique du marché communautaire du ferrosilicium pour 2004 aurait été la suivante : une augmentation de la demande, une augmentation du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, une diminution de la production, une faible diminution des capacités de production, une diminution des ventes et des parts de marché de l’industrie communautaire, une augmentation de leur prix, de leur marge bénéficiaire et de leur rendement des investissements. En d’autres termes, à l’exception des capacités de production, de la production, des ventes et des parts de marché, tous les indicateurs économiques auraient montré une évolution favorable. Certes, dans de telles circonstances, il est plausible que la décision de certains producteurs communautaires de réorienter leur production soit le résultat d’un choix commercial dont l’objet est d’atteindre un meilleur niveau de rentabilité sur le marché du silicomanganèse et non la conséquence de la présence d’importations faisant l’objet d’un dumping sur le marché du ferrosilicium qui aurait compromis la rentabilité de l’industrie communautaire. Toutefois, il est également plausible que la décision de certains producteurs communautaires de réorienter leur production ait tenu compte non seulement des perspectives de meilleure rentabilité sur le marché du silicomanganèse, mais aussi de la présence des importations à bas prix dont le volume avait déjà fortement augmenté en 2004 et qui rendaient moins attractives les perspectives de rentabilité sur le marché du ferrosilicium que sur le marché du silicomanganèse.

77      Partant, l’erreur de fait entachant le considérant 93 du règlement provisoire n’est pas susceptible d’avoir faussé l’analyse du lien de causalité.

78      En second lieu, s’agissant de l’argument tiré par les requérantes de l’erreur manifeste d’appréciation commise par les institutions, en ce qu’elles ont affirmé, au considérant 136 du règlement provisoire, que les réorientations de production étaient une réaction aux importations faisant l’objet d’un dumping, il a été établi, au point 76 ci-dessus, que, s’il est plausible que les réorientations aient été le résultat d’une décision commerciale visant à atteindre un meilleur niveau de rentabilité sur le marché du silicomanganèse, et non la conséquence de la présence d’importations faisant l’objet d’un dumping sur le marché du ferrosilicium qui aurait compromis la rentabilité de l’industrie communautaire, il est également plausible que les décisions de réorientation aient été motivées non seulement par les perspectives de meilleure rentabilité sur le marché du silicomanganèse, mais aussi par la présence des importations à bas prix sur le marché du ferrosilicium.

79      Dès lors, il y a lieu de conclure qu’aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation.

80      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

 Sur le deuxième grief, relatif aux interruptions de production par certains producteurs communautaires

–       Arguments des parties

81      Les requérantes soutiennent que le Conseil n’a pas tenu compte des effets, sur le préjudice subi par l’industrie communautaire, d’interruptions de production volontairement mises en œuvre par certains producteurs communautaires et les a imputés, à tort, aux importations litigieuses.

82      En premier lieu, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant, au considérant 101 du règlement attaqué, de tenir compte des effets des interruptions de production mises en œuvre par Huta Laziska, au motif que l’évaluation de l’existence d’un lien de causalité devait être effectuée au niveau de l’industrie communautaire dans son ensemble, et ce quand bien même ledit facteur aurait influé sur la performance de l’industrie communautaire dans son ensemble. À cet égard, les requérantes font observer, premièrement, que Huta Laziska a cessé sa production à plusieurs reprises, au cours de la période considérée, du fait de difficultés dans ses relations avec son fournisseur d’énergie, deuxièmement, qu’elle a été contrainte de se réorienter vers la production de produits, tels que le silicomanganèse, moins consommateurs d’énergie et plus rentables et, troisièmement, que, dans le cadre du règlement (CE) n° 1420/2007 du Conseil, du 4 décembre 2007, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de silicomanganèse originaires de la République populaire de Chine et du Kazakhstan et clôturant la procédure concernant les importations de silicomanganèse originaires d’Ukraine (JO L 317, p. 5), les institutions ont analysé l’évolution de la situation de Huta Laziska séparément.

83      En second lieu, les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en omettant de tenir compte des effets des interruptions de production mises en œuvre, d’une part, par FerroAtlántica SL, au cours de périodes de forte consommation d’énergie, pendant lesquelles ce producteur a maximalisé ses bénéfices en vendant de l’énergie, et, d’autre part, par Vargön Alloys qui a mis un terme à sa production de ferrosilicium durant la période d’enquête. S’agissant de FerroAtlántica, les requérantes relèvent, dans la réplique, que, dans le mémoire en défense, le Conseil a affirmé, pour la première fois, que l’arrêt de la production de ferrosilicium pendant les heures de pointe de consommation d’électricité avait toujours fait partie du modèle commercial de la société. Qui plus est, cette affirmation serait contredite au considérant 81 du règlement attaqué, dans lequel le Conseil aurait affirmé que les réductions de production à la suite de coupures d’électricité n’avaient pas lieu de manière régulière.

84      Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

85      Le présent grief concerne la manière dont les institutions ont analysé l’impact, pour l’industrie communautaire, des interruptions de production ayant eu lieu chez trois producteurs communautaires, Huta Laziska, FerroAtlántica et Vargön Alloys.

86      En substance, les requérantes font grief au Conseil, d’une part, de ne pas avoir correctement analysé, au considérant 101 du règlement attaqué, les effets des interruptions de production ayant eu lieu chez Huta Laziska et, d’autre part, d’avoir omis de prendre en considération celles ayant eu lieu chez FerroAtlántica et Vargön Alloys.

87      En premier lieu, s’agissant de l’erreur manifeste d’appréciation prétendument commise dans le traitement de la situation de Huta Laziska, il convient de rappeler que, au considérant 101 du règlement attaqué, le Conseil a affirmé que la cause du préjudice subi devait être analysée au niveau de l’industrie communautaire dans son ensemble et que, même si les données relatives à ce producteur pouvaient être exclues de l’évaluation du préjudice, les tendances observées pour le reste de l’industrie communautaire resteraient nettement négatives et continueraient à révéler un préjudice important.

88      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu d’observer, à l’instar des requérantes, que l’analyse de l’existence d’un lien de causalité ne doit pas nécessairement être conduite au niveau de l’industrie communautaire dans son ensemble, de sorte que tout préjudice causé à un seul producteur communautaire, par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping, ne pourrait être pris en compte. En effet, il a déjà été souligné, au point 30 ci-dessus, que, dans le cadre de l’analyse de non-imputation envisagée à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, les institutions doivent, d’une part, examiner tous les autres facteurs connus qui causent un préjudice à l’industrie communautaire, au même moment que les importations faisant l’objet d’un dumping, et, d’autre part, faire en sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé auxdites importations. L’article 3, paragraphe 7, du règlement de base ne précise pas que cet examen ne doit tenir compte que d’un préjudice causé, par d’autres facteurs, à l’industrie communautaire dans son ensemble. Eu égard à l’objectif de cette disposition, qui, comme cela a été mentionné au point 31 ci-dessus, est de faire en sorte que les institutions dissocient et distinguent les effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping de ceux des autres facteurs, il est possible que, dans certaines circonstances, un préjudice causé individuellement à un producteur communautaire par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping doive être pris en considération, dès lors qu’il a contribué au préjudice qui a été observé pour l’industrie communautaire dans son ensemble.

89      Ensuite, il est vrai que, au considérant 101 du règlement attaqué, le Conseil a affirmé, de façon peu nuancée, que la cause du préjudice devait être analysée au niveau de l’industrie communautaire dans son ensemble, ce qui peut laisser penser qu’un facteur de préjudice affectant individuellement un producteur communautaire ne peut jamais être pris en considération. Néanmoins, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le préjudice que l’interruption de production a pu causer à Huta Laziska y a été dûment pris en considération. Ainsi, comme il a été exposé au point 87 ci-dessus, le Conseil y a expliqué que, même si les données relatives à ce producteur étaient exclues de l’analyse du préjudice, les tendances observées pour l’industrie communautaire continueraient à refléter l’existence d’un préjudice. Or, les requérantes ne cherchent pas à démontrer que cette dernière considération est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Elles se contentent d’affirmer que les difficultés rencontrées par Huta Laziska avec son fournisseur d’électricité ont été la cause des interruptions de production, ce que le Conseil a accepté de prendre en compte au considérant 101 du règlement attaqué.

90      Enfin, s’agissant du règlement n° 1420/2007, ainsi qu’il a été rappelé aux points 50 et 51 ci-dessus, il appartient aux institutions, dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, d’examiner si l’industrie communautaire a subi un préjudice et si celui-ci est imputable aux importations faisant l’objet d’un dumping ou si d’autres facteurs connus ont contribué au préjudice. Ce pouvoir d’appréciation doit être exercé au cas par cas en fonction de tous les faits pertinents (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, point 43). En tout état de cause, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le traitement de la situation de Huta Laziska, dans le règlement attaqué, ne diffère pas sensiblement du traitement qui lui est réservé dans le règlement n° 1420/2007. Tout comme dans le règlement attaqué, il n’y a pas, dans le règlement n° 1420/2007, de subdivision consacrée à Huta Laziska. De plus, comme dans le règlement attaqué, la situation de Huta Laziska y est traitée dans le cadre de la subdivision consacrée à l’impact de l’évolution des coûts de production sur le préjudice. Seule une différence entre le règlement n° 1420/2007 et le règlement attaqué peut être identifiée. Alors que, dans le règlement attaqué, le Conseil a admis, à titre hypothétique et uniquement afin d’exclure tout impact sur l’évaluation du préjudice subi par l’industrie communautaire dans son ensemble, que le préjudice de Huta Laziska avait pu être consécutif au différend qui l’opposait à son fournisseur d’électricité, dans le règlement n° 1420/2007, il a admis que ce différend ainsi que la hausse des coûts de l’électricité avaient pu avoir une incidence sur la performance de Huta Laziska, mais que, dans l’ensemble, l’évolution des coûts de production n’avait pas contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire.

91      Il s’ensuit qu’aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que le considérant 101 du règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

92      En second lieu, s’agissant de l’erreur manifeste d’appréciation prétendument commise dans le traitement des interruptions de production chez FerroAtlántica et Vargön Alloys, il convient de relever, premièrement, en ce qui concerne FerroAtlántica, que les requérantes ont précisé, lors de l’audience, qu’elles considéraient que les interruptions de production par cette société avaient été à l’origine d’un préjudice « auto-infligé », dans la mesure où l’augmentation du prix de l’électricité avait conduit FerroAtlántica à donner la préférence aux ventes d’énergie par rapport à celles de ferrosilicium. Or, il importe de constater que l’unique document sur lequel les requérantes se fondent, pour alléguer cette prétendue erreur manifeste d’appréciation des institutions, est une lettre de FerroAtlántica à Euroalliages datée du 26 février 2007. Dans cette lettre, FerroAtlántica a expliqué que, en raison de son système tarifaire, la production de ferrosilicium était arrêtée pendant les heures de pointe de consommation d’électricité et que l’électricité produite par elle, pendant ces heures, était revendue. Cette lettre ne prouve en aucune manière que FerroAtlántica interrompt sa production lorsque les prix de l’électricité augmentent. Partant, les requérantes n’ont avancé aucun élément susceptible de démontrer que les diminutions de production par FerroAtlántica, pendant les heures de pointe de consommation d’électricité, avaient contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire dans son ensemble et que le Conseil aurait dû les prendre en compte.

93      Deuxièmement, en ce qui concerne Vargön Alloys, les requérantes se contentent d’affirmer que cette société a cessé la production au milieu de la période d’enquête. Si elles affirment, dans un document annexé à la requête, que cette interruption est la conséquence du niveau des prix de l’électricité, elles n’avancent aucune preuve au soutien de cette affirmation. Elles ne démontrent donc en aucune façon que cette société a elle-même contribué à son propre préjudice et qu’elle n’a pas interrompu sa production en réaction aux importations faisant l’objet d’un dumping. Partant, il ne saurait être affirmé que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne consacrant pas de développements spécifiques à la situation de Vargön Alloys.

94      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief de la troisième branche du premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième grief, relatif à l’utilisation de la capacité de production nominale théorique

–       Arguments des parties

95      Les requérantes soutiennent que le Conseil a commis des erreurs manifestes d’appréciation et a violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base ainsi que leurs droits de la défense, en refusant d’utiliser la capacité de production réelle en lieu et place de la capacité de production nominale théorique.

96      En premier lieu, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dès lors que, premièrement, il aurait ignoré des éléments, tels que les réorientations de production et les interruptions dans la fourniture d’électricité, ayant eu un impact significatif sur les facteurs de préjudice importants que seraient la capacité de production et l’utilisation de la capacité de production.

97      Deuxièmement, les requérantes font observer qu’il est erroné d’affirmer, comme le fait le Conseil, que, même si la capacité de production réelle avait été utilisée, les tendances observées s’agissant de l’évolution des capacités de production et de l’utilisation des capacités ainsi que les conclusions relatives à l’existence d’un préjudice seraient restées inchangées. En effet, à supposer que les tendances observées en ce qui concerne les capacités de production et l’utilisation des capacités soient restées inchangées, le fait que, par exemple, l’utilisation des capacités passe de 50 à 95 % serait important, dès lors qu’une telle augmentation signifierait que l’industrie communautaire n’est pas en mesure de satisfaire la demande.

98      Troisièmement, selon les requérantes, l’affirmation du Conseil selon laquelle la capacité d’utilisation nominale théorique peut être utilisée, parce que les arrêts ou réductions de production n’ont pas eu lieu de manière régulière, procède d’une erreur de fait grossière et d’une erreur manifeste d’appréciation. Les requérantes relèvent, d’une part, que des arrêts ou réductions de production ont eu lieu de manière régulière et auraient dû être pris en considération. Tel serait le cas des arrêts de production par FerroAtlántica, durant les heures de pointe de consommation d’électricité, qui seraient propres à son modèle commercial et auraient donc eu lieu de manière régulière. De même, les fours à ferrosilicium feraient l’objet d’un entretien annuel, durant lequel ils ne pourraient être utilisés. D’autre part, les requérantes avancent que le fait de calculer la capacité de production en ne tenant compte que des événements qui ont lieu de manière régulière est constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi, lorsque son approvisionnement en électricité a été réduit, Huta Laziska aurait connu plusieurs réductions importantes de capacité qui l’auraient empêchée de produire du ferrosilicium, indépendamment des conditions du marché.

99      En deuxième lieu, selon les requérantes, fonder l’analyse du lien de causalité sur la capacité d’utilisation nominale théorique, et non sur la capacité d’utilisation réelle, viole nécessairement la règle de non-imputation, telle qu’envisagée à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, dans la mesure où cela conduirait à dissimuler la véritable cause des changements affectant les chiffres relatifs à la production.

100    En troisième lieu, les requérantes font valoir que le règlement attaqué viole leurs droits de la défense, dès lors que l’affirmation selon laquelle, même si la capacité d’utilisation réelle était prise en considération, les tendances resteraient inchangées ne serait pas étayée.

101    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

102    Dans le cadre du présent grief, les requérantes soutiennent, en substance, que, en faisant usage de la capacité de production nominale théorique, et non de la capacité de production réelle, les institutions ont, premièrement, commis des erreurs manifestes d’appréciation et une erreur de fait, deuxièmement, violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base et, troisièmement, violé leurs droits de la défense.

103    En premier lieu, s’agissant des erreurs manifestes d’appréciation et de l’erreur de fait qui auraient été commises par les institutions, il convient de rappeler que la Commission a, aux considérants 92 et 93 du règlement provisoire, expliqué avoir établi les capacités de production sur la base des capacités nominales théoriques des unités de production de l’industrie communautaire en les ajustant toutefois pour tenir compte du fait que deux producteurs communautaires avaient réorienté une partie de leur production de ferrosilicium vers d’autres ferro-alliages, pendant la période considérée. En outre, au considérant 81 du règlement attaqué, le Conseil a répondu aux critiques formulées à l’encontre de la méthodologie appliquée au considérant 93 du règlement provisoire et, plus particulièrement, aux suggestions qui avaient été faites par certaines parties intéressées, dans le cadre de la procédure administrative, d’employer un chiffre tenant compte des arrêts de production consécutifs aux coupures d’électricité et pour entretien. Il a renvoyé à cet égard à l’enquête qui, selon lui, avait montré que les arrêts des installations pour entretien ou à la suite de coupures d’électricité étaient de nature temporaire et n’avaient pas eu lieu de manière régulière au cours de la période considérée. Il a expliqué également que, même si des ajustements étaient apportés aux capacités de production, l’évolution des capacités de production et de l’utilisation des capacités ainsi que les conclusions formulées quant à l’existence d’un préjudice important resteraient inchangées.

104    Les requérantes estiment que ces considérations sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, notamment parce qu’elles ne tiennent pas compte des interruptions et des réorientations de production. Il importe d’observer que l’allégation des requérantes manque de précision, dès lors que ces dernières ne spécifient pas à quelles interruptions et réorientations elles font référence. À supposer, toutefois, qu’elles fassent référence aux événements visés dans le cadre de l’examen des deux précédents griefs, à savoir la réorientation et l’interruption de production chez Huta Laziska et les interruptions de production ayant eu lieu chez FerroAtlántica et Vargön Alloys, force est de constater, tout d’abord, que les requérantes ne contestent pas que la décision de Huta Laziska, en 2004, de réorienter sa production de ferrosilicium vers la production de silicomanganèse a été prise en compte dans le tableau des capacités de production et des utilisations de capacités figurant au considérant 93 du règlement provisoire, par le biais d’un ajustement desdites capacités pour l’année 2005 et la période d’enquête.

105    Ensuite, en ce qui concerne les interruptions de production ayant eu lieu chez Huta Laziska, en 2005 et en 2006, en raison d’un différend avec son fournisseur d’électricité, et chez Vargön Alloys, en 2006, en raison, selon les requérantes, de la hausse des coûts de l’électricité, la démarche des institutions est non seulement empreinte de bon sens, mais aussi dénuée d’erreur manifeste d’appréciation. En effet, il ressort du considérant 81 du règlement attaqué que les institutions ont décidé de ne pas ajuster les chiffres relatifs aux capacités de production, parce que lesdites interruptions étaient de nature temporaire. L’approche des institutions est correcte, dès lors que, d’une part, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il ressort des éléments du dossier que lesdites interruptions étaient bien de nature temporaire. D’autre part, si les données chiffrées relatives aux capacités de production devaient refléter des arrêts temporaires des installations tels que ceux auxquels il est fait référence en l’espèce, elles seraient détournées de leur fonction qui est de fournir une indication quant à la capacité de production de l’industrie communautaire et non d’indiquer les variations de la production reflétées par les données chiffrées relatives à la production. Néanmoins, pour que l’approche des institutions ne soit pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation, de tels arrêts temporaires des installations doivent être pris en considération, dans le cadre de l’analyse de non-imputation, envisagée à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

106    Or, en l’espèce, les institutions ont affirmé, au considérant 81 du règlement attaqué, que, même si des ajustements étaient apportés aux capacités de production, les conclusions formulées quant à l’existence d’un préjudice important subi par l’industrie communautaire resteraient les mêmes. Si les requérantes prétendent que cette affirmation est erronée, elles n’avancent toutefois aucun élément pour prouver que tel est le cas. Elles se contentent d’affirmer que, même si les tendances observées en ce qui concerne les capacités de production et l’utilisation des capacités étaient restées inchangées, le fait que, par exemple, l’utilisation des capacités passe de 50 à 95 % serait important, dès lors qu’une telle augmentation signifierait que l’industrie communautaire n’est pas en mesure de satisfaire la demande. Outre le fait que le cas de figure auquel se réfèrent les requérantes est purement théorique, le fait que l’industrie communautaire ne soit pas en mesure de satisfaire la demande, dans une situation, comme en l’espèce, où un certain nombre d’indicateurs économiques reflète un préjudice subi par l’industrie communautaire, ne fournit aucune indication quant à l’origine de ce préjudice et n’est donc pas à lui seul susceptible de démontrer que ledit préjudice n’a pas été causé par les importations faisant l’objet d’un dumping.

107    Enfin, en ce qui concerne les interruptions de production ayant eu lieu chez FerroAtlántica, il a déjà été établi, au point 92 ci-dessus, que les requérantes n’avaient avancé aucun élément de nature à démontrer que ces diminutions de production, qui avaient eu lieu de manière régulière, avaient contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire dans son ensemble. Si, comme le soulignent les requérantes, un ajustement des capacités de production pour tenir compte de ces interruptions aurait peut-être pu faire varier le taux d’utilisation des capacités de l’industrie communautaire, montrant ainsi que cette dernière était moins en mesure de satisfaire la demande, il a déjà été relevé au point 106 ci-dessus, que, dans une situation où un certain nombre d’indicateurs économiques reflète un préjudice subi par l’industrie communautaire, un tel fait n’est pas à lui seul susceptible de démontrer que le préjudice n’a pas été causé par les importations faisant l’objet d’un dumping.

108    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure qu’aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’utilisation de la capacité nominale théorique.

109    En deuxième lieu, s’agissant de la violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, il ne saurait être affirmé, comme le font les requérantes, que fonder l’analyse du lien de causalité sur la capacité d’utilisation nominale théorique, et non sur la capacité d’utilisation réelle, viole nécessairement la règle de non-imputation. En effet, il convient de relever que, s’il ne fait aucun doute qu’une réaffectation des moyens de production à un autre marché, comme cela a été le cas en l’espèce, doit conduire à un ajustement des données relatives aux capacités de production, il a déjà été souligné, au point 105 ci-dessus, que lesdites données ne devaient pas refléter tous les arrêts temporaires des installations de production, ces arrêts apparaissant dans les données chiffrées relatives à la production. En revanche, dans de telles circonstances, les institutions doivent s’assurer du respect des obligations visées à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base et conduire une analyse de non-imputation en bonne et due forme qui doit dissocier et distinguer le préjudice causé, le cas échéant, par ces arrêts temporaires de production, du préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping.

110    En troisième lieu, s’agissant de la violation des droits de la défense des requérantes, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que les exigences découlant du respect des droits de la défense s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans celui des procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping, qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle et comporter pour elles des conséquences défavorables (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 15). En particulier, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêt Al-Jubail Fertilizer/Conseil, précité, point 17).

111    À cet égard, il importe de relever, à l’instar du Conseil, que le point 80 du document d’information finale était, en substance, identique au considérant 81 du règlement attaqué, en vertu duquel les tendances seraient restées inchangées, même si les capacités de production avaient été ajustées. Or, les requérantes n’ont pas demandé, dans leurs observations sur le document d’information finale, que leur soient communiqués les chiffres sous-tendant cette affirmation. Partant, elles ne sauraient prétendre que leurs droits de la défense ont été violés.

112    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

 Sur le quatrième grief, relatif aux investissements réalisés par l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête

–       Arguments des parties

113    Les requérantes soutiennent que le Conseil a violé la règle de non-imputation, telle qu’envisagée à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, dans la mesure où il aurait omis de tenir compte, dans le règlement attaqué, des effets d’importants investissements réalisés par l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête, représentant, au cours de la période d’enquête, plus d’un tiers des pertes totales de l’industrie communautaire. À cet égard, les requérantes soulignent que les institutions ont fait état, au considérant 99 du règlement provisoire, de ce que l’industrie communautaire avait investi près de 10 millions d’euros, en 2005, et près de 6 millions d’euros, au cours de la période d’enquête, investissements destinés à la modernisation de l’équipement de production. Selon les requérantes, compte tenu, en particulier, de l’ampleur desdits investissements par rapport à la rentabilité de l’industrie, les effets de ces investissements auraient dû être examinés même s’ils s’étaient dépréciés sur le long terme et quelle que soit la réponse à la question de savoir si se conformer à la législation environnementale contraignante constituait un préjudice que l’industrie communautaire s’est infligée à elle-même.

114    En premier lieu, le Conseil, soutenu par les intervenantes, répond que les requérantes exagèrent l’ampleur des investissements et leur effet sur la rentabilité. Les investissements totaux réalisés au cours de la période d’enquête ne pourraient être comparés avec les pertes totales enregistrées durant cette période. Selon le Conseil, dès lors que les investissements en question étaient des investissements en équipement de production qui ont été amortis sur de nombreuses années, seule une petite partie des investissements réalisés en 2005 et au cours de la période d’enquête avait eu une incidence sur le bénéfice. En deuxième lieu, dès lors que les investissements auraient été réalisés afin de se conformer à une législation environnementale contraignante, ils ne pourraient être considérés comme un préjudice « auto-infligé ». En troisième lieu, il aurait été tenu compte de l’effet desdits investissements sur les indicateurs de préjudice aux considérants 99, 100 et 109 du règlement provisoire ainsi qu’au considérant 82 du règlement attaqué. En quatrième lieu, les requérantes n’auraient avancé aucun élément permettant de démontrer que les institutions avaient commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elles ont conclu que les investissements en question ne constituaient pas un préjudice « auto-infligé ».

–       Appréciation du Tribunal

115    Les requérantes prétendent, en substance, que les institutions ont violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, dès lors que ces dernières auraient omis de tenir compte des effets d’importants investissements réalisés par l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête, représentant, au cours de la période d’enquête, plus d’un tiers des pertes totales de l’industrie communautaire.

116    À cet égard, il importe de relever, à l’instar des requérantes, qu’il ressort du considérant 99 du règlement provisoire que d’importants investissements ont été réalisés, en 2005 et pendant la période d’enquête. Toutefois, ces investissements n’ont fait l’objet d’aucune analyse de non-imputation ni par la Commission, dans le règlement provisoire, ni par le Conseil, dans le règlement attaqué. Ainsi, contrairement à ce qu’avance le Conseil, lesdits règlements ne contiennent aucun développement quant à la question de savoir si lesdits investissements constituent ou non un préjudice « auto-infligé ». Or, compte tenu des montants qu’ils représentent, à savoir près de 10 millions d’euros, en 2005, et près de 6 millions d’euros, pendant la période d’enquête, lesdits investissements sont susceptibles d’avoir contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire. Dès lors, il convient de constater que les institutions ont violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, en omettant de dissocier et de distinguer les effets desdits investissements de ceux des importations faisant l’objet d’un dumping.

117    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments du Conseil. Premièrement, contrairement à ce que ce dernier prétend, le fait que les investissements aient été réalisés afin de se conformer à une législation environnementale contraignante ne permettait pas aux institutions de se soustraire à l’obligation de procéder à une analyse de non-imputation. Que le préjudice soit ou non qualifié de préjudice « auto-infligé » importe peu, dès lors que les investissements étaient susceptibles d’avoir affecté l’industrie communautaire et que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base interdisait aux institutions d’imputer un préjudice qui ne devait pas l’être aux importations faisant l’objet d’un dumping.

118    Deuxièmement, il est exact, comme le fait remarquer le Conseil, que les investissements totaux réalisés au cours de la période d’enquête ne peuvent être comparés avec les pertes enregistrées durant cette même période. Toutefois, il n’en demeure pas moins que les institutions ont omis de réaliser une analyse de non-imputation en bonne et due forme, s’agissant des investissements.

119    Si le Conseil a violé la règle de non-imputation figurant à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, une telle violation ne justifie l’annulation du règlement attaqué que si elle est susceptible de mettre en question sa légalité, en invalidant l’ensemble de l’analyse des institutions relative au lien de causalité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 167). Or, les requérantes n’ont avancé aucun argument à cet égard.

120    Le Tribunal estime que cette violation n’affecte pas la légalité du règlement attaqué. En effet, comme le fait observer le Conseil, les investissements en question étaient des investissements en équipement de production amortis sur de nombreuses années et dont seule une partie a eu une incidence sur la rentabilité de l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête. À cet égard, en réponse à une question écrite qui lui a été soumise par le Tribunal, par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, le Conseil a précisé, sur la base de données chiffrées et d’explications précises, que les investissements réalisés en 2005 étaient responsables de, tout au plus, 4,7 % de la perte de rentabilité de l’industrie communautaire observée en 2005. Partant, lesdits investissements ne sauraient être considérés comme ayant contribué, de façon significative, au préjudice subi par l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête.

121    Il s’ensuit que la violation constatée n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité du règlement attaqué et que le présent grief doit être rejeté, ainsi que la troisième branche du premier moyen dans son ensemble.

c)     Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à l’incidence de la hausse du coût des matières premières

 Arguments des parties

122    Les requérantes affirment que les institutions n’ont pas tenu compte, de manière adéquate, de l’incidence de la hausse du coût des matières premières sur le préjudice subi par l’industrie communautaire, commettant ce faisant des erreurs manifestes d’appréciation.

123    En premier lieu, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant, au considérant 99 du règlement attaqué, que les hausses des coûts de production observées dans le secteur des alliages avaient lieu à l’échelle mondiale et avaient donc la même incidence sur le secteur au niveau mondial. De l’avis des requérantes, si les coûts de production peuvent augmenter au niveau mondial, une telle augmentation n’a pas la même incidence partout dans le monde.

124    En effet, premièrement, le Conseil n’aurait pas tenu compte du fait que les producteurs communautaires supportaient, à la base, des coûts de production plus élevés que le reste des producteurs mondiaux. Selon les requérantes, même lorsque tous les producteurs font face à une hausse des coûts de production analogue, ceux qui supportent des coûts de base plus élevés subissent un préjudice plus important, et ce plus rapidement que les autres. Partant, de l’avis des requérantes, contrairement à ce que le Conseil a affirmé dans le règlement attaqué, un producteur d’un pays tiers ne sera pas nécessairement contraint d’augmenter ses prix de façon aussi importante qu’un producteur communautaire qui fait face à la même hausse de coûts, dès lors que, pour un prix de vente donné, le producteur du pays tiers jouit d’une meilleure rentabilité initiale.

125    Or, tout d’abord, les institutions auraient disposé d’informations démontrant que les producteurs communautaires avaient des coûts structurels de production du ferrosilicium plus élevés que ceux des producteurs des pays visés par la procédure antidumping. Les requérantes demandent au Tribunal d’ordonner la production de ces informations. Ensuite, les requérantes auraient présenté, durant la procédure administrative, des éléments tendant à démontrer que, en 2005 et au cours de la période d’enquête, les prix du ferrosilicium communautaire étaient les plus élevés au monde et les coûts de production supportés par l’industrie communautaire dépassaient ces prix de façon croissante. Enfin, les requérantes relèvent que, en 2005 et pendant la période d’enquête, lorsque les coûts de l’industrie communautaire ont augmenté de façon spectaculaire, les prix sur l’ensemble des marchés mondiaux ont baissé du fait de la diminution de la consommation. Bien que l’industrie communautaire ait pratiqué les prix les plus élevés au monde, elle aurait subi des pertes, en 2005 et durant la période d’enquête, du fait de l’accroissement de ses coûts de production.

126    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que les institutions n’ont pas tenu compte du fait que, même si les prix pratiqués sur l’ensemble des marchés s’étaient équivalents au niveau macroéconomique, compte tenu des disparités microéconomiques, les producteurs communautaires restaient plus affectés par les hausses du coût des intrants que les producteurs des pays concernés par l’enquête antidumping. En effet, d’une part, la plupart des producteurs établis dans lesdits pays seraient intégrés verticalement, ce qui les protègerait de la volatilité des prix sur les marchés mondiaux, et aucun producteur communautaire ne serait intégré verticalement de manière comparable. D’autre part, les producteurs communautaires ne bénéficieraient pas des mêmes économies d’échelle que les producteurs situés dans les pays concernés par l’enquête antidumping. Par exemple, Erdos Xijin Kuangye Co., Ltd, l’un des producteurs de ferrosilicium chinois, disposerait d’une capacité de production presque deux fois supérieure à celle de la totalité des producteurs communautaires. Le coût de production par unité s’en trouverait généralement réduit dans les pays tiers.

127    En deuxième lieu, les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation, en affirmant, au considérant 132 du règlement provisoire, en réponse à l’argument selon lequel la hausse des coûts de production aurait causé un préjudice, que les prix de l’énergie avaient connu une hausse dans le monde entier, parfois plus importante qu’en Europe. En effet, le respect de l’exigence de non-imputation ne serait pas assuré par la simple comparaison des prix de l’électricité dans le monde entier ou dans les pays concernés par l’enquête antidumping avec ceux pratiqués en Europe. De l’avis des requérantes, les institutions étaient tenues d’identifier l’incidence de la hausse des prix de l’électricité sur l’industrie communautaire et de la distinguer de l’incidence des importations de ferrosilicium. Plus précisément, premièrement, les institutions n’auraient pris en considération ni les données d’Eurostat ni leurs propres enquêtes relatives au marché de l’électricité communautaire, qui auraient toutes démontré une augmentation substantielle des coûts de l’énergie dans les États membres dans lesquels les producteurs communautaires de ferrosilicium étaient établis. Deuxièmement, les prix de l’électricité variant considérablement au sein de l’Union, les institutions auraient dû comparer les chiffres réels des producteurs communautaires avec ceux des producteurs établis dans les pays concernés par l’enquête antidumping. Troisièmement, le niveau des prix de l’électricité à l’échelle mondiale serait dépourvu de pertinence, seule la hausse des prix de l’électricité dans les pays producteurs de ferrosilicium par rapport à celle de l’industrie communautaire étant pertinente. Quatrièmement, selon les requérantes, même si les prix de l’énergie dans les pays tiers peuvent avoir augmenté, ils sont néanmoins demeurés inférieurs à ceux supportés par l’industrie communautaire, ce qui a permis aux producteurs de ferrosilicium établis dans les pays tiers de continuer à réaliser des bénéfices, tandis que l’industrie communautaire faisait des pertes.

128    En troisième lieu, au considérant 92 du règlement attaqué, le Conseil aurait commis une erreur manifeste dans l’interprétation du document de travail des services de la Commission, intitulé « Analysis of economic indicators of the EU metals industry : the impact of raw materials and energy supply on competitiveness » (Analyse des indicateurs économiques de l’industrie européenne des métaux : incidence sur la compétitivité de l’approvisionnement en matières premières et en énergie, ci-après le « document de travail de la Commission »), sur lequel il se serait fondé pour rejeter l’argument selon lequel l’industrie communautaire souffrirait d’un manque de compétitivité du fait de sa structure de coûts. Or, selon les requérantes, ce document indique clairement que l’industrie métallurgique communautaire subit une pression croissante de la part de concurrents dont la structure des coûts de production est différente. Plus particulièrement, le document ferait état de ce que les ventes, par les producteurs communautaires, de ferro-alliages dont la production nécessite le plus d’énergie, à savoir le silicium-métal et le ferrosilicium, sont vulnérables en raison de leur manque de compétitivité s’agissant des coûts.

129    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

130    La présente branche du premier moyen concerne la manière dont les institutions ont analysé l’incidence de la hausse du coût des matières premières sur le préjudice subi par l’industrie communautaire. En substance, les requérantes soutiennent que trois erreurs manifestes d’appréciation ont été commises. Ces dernières entachent, selon elles, les considérants 92 et 99 du règlement attaqué ainsi que le considérant 132 du règlement provisoire.

131    En premier lieu, s’agissant du considérant 99 du règlement attaqué, il convient de rappeler que ledit considérant énonce ce qui suit :

« Pour ce qui est des hausses de coûts, l’industrie communautaire a soutenu que celles qui sont observées dans le secteur des alliages ont généralement lieu à l’échelle mondiale et ont donc la même incidence sur le secteur au niveau mondial. Une analyse de l’évolution des principaux éléments de coût au cours de la période considérée montre que certains coûts ont augmenté (électricité, quartzite et pâte à électrode). L’enquête a cependant révélé que, même si ces hausses ont été compensées en partie par des augmentations du prix de vente, la présence d’importations à bas prix faisant l’objet d’un dumping n’a pas permis à l’industrie communautaire de répercuter totalement ces renchérissements. »

132    Les requérantes prétendent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant que les hausses des coûts de production observées dans le secteur des alliages avaient lieu à l’échelle mondiale et avaient donc la même incidence sur le secteur au niveau mondial.

133    À cet égard, il importe d’observer que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le Conseil n’a en aucune manière affirmé, au considérant 99 du règlement attaqué, que les hausses des coûts de production observées dans le secteur des alliages avaient lieu à l’échelle mondiale et avaient donc la même incidence sur le secteur au niveau mondial. Il ressort clairement des termes de ce considérant que le Conseil s’est contenté de rapporter cette affirmation, telle qu’elle avait été formulée par l’industrie communautaire.

134    De surcroît, le Conseil ne s’est aucunement fondé sur cette affirmation de l’industrie communautaire pour justifier la conclusion, déjà formulée au considérant 133 du règlement provisoire, selon laquelle la hausse des coûts de production n’avait pas rompu le lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. Ainsi, au considérant 99 du règlement attaqué, le Conseil a pris acte de l’augmentation de certains coûts de production, mais a conclu que ladite augmentation n’avait pu être que partiellement compensée par des hausses de prix, du fait de la présence des importations faisant l’objet d’un dumping. En d’autres termes, selon le Conseil, s’il y a bien eu hausse des coûts de production, le préjudice subi par l’industrie communautaire a découlé non de cette hausse, mais de l’impossibilité de la répercuter pleinement sur les prix de vente, du fait de la présence des importations litigieuses.

135    Or, les requérantes n’avancent aucun argument de nature à démontrer que le Conseil a, ce faisant, commis une erreur manifeste d’appréciation, dès lors qu’elles se bornent à tenter de démontrer qu’il était erroné d’affirmer que les hausses de coûts avaient eu la même incidence au niveau mondial. Partant, il convient de rejeter l’argument des requérantes relatif au considérant 99 du règlement attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une quelconque production de documents.

136    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument relatif au considérant 132 du règlement provisoire, il convient de rappeler que la Commission a constaté, à ce considérant, d’une part, que les coûts de l’électricité constituaient une part importante des coûts de production du produit concerné et, d’autre part, que l’enquête avait montré que les prix de l’énergie connaissaient une hausse dans le monde entier, y compris dans les pays concernés, parfois même plus importante que dans l’Union. Au considérant 133 du règlement provisoire, la Commission a considéré que, dans ce contexte, la question de l’énergie n’était pas de nature à rompre le lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire.

137    Les requérantes contestent ces considérants au motif que, pour se conformer à la règle de non-imputation, envisagée à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, la Commission n’aurait pu se contenter d’affirmer, de façon générale et non étayée, que les prix de l’énergie avaient connu une hausse dans le monde entier, parfois plus importante que dans l’Union. Les deux raisons invoquées par les requérantes au soutien de cette assertion ne sont toutefois pas convaincantes.

138    En effet, d’une part, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû analyser les données d’Eurostat ainsi que les résultats de ses propres enquêtes relatives au marché de l’électricité qui démontraient, selon elles, que les prix de l’électricité avaient fortement augmenté dans les États membres dans lesquels les producteurs communautaires sont établis. Les requérantes n’avancent toutefois aucun élément de preuve au soutien de cette affirmation.

139    D’autre part, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû procéder à une comparaison des données chiffrées relatives aux producteurs communautaires et aux producteurs-exportateurs visés par la procédure d’enquête. Les requérantes ne produisent, toutefois, aucun élément tendant à démontrer qu’une telle comparaison chiffrée aurait été de nature à démontrer que l’augmentation du coût de l’énergie dans la Communauté avait été telle qu’elle avait été à l’origine du préjudice subi par l’industrie communautaire. Il convient donc de rejeter l’argument des requérantes relatif au considérant 132 du règlement provisoire.

140    En troisième lieu, s’agissant de l’argument relatif au considérant 92 du règlement attaqué, il convient de relever que le Conseil y a traité de la question de la compétitivité de l’industrie communautaire et du document de travail de la Commission qui prouverait, selon les requérantes, l’absence de compétitivité de l’industrie communautaire du fait des coûts élevés qu’elle doit supporter. Audit considérant, le Conseil a estimé que la Commission ne tirait, dans ce document, aucune conclusion quant à une éventuelle absence de compétitivité du secteur européen des ferro-alliages. Au contraire, selon le Conseil, ce document de travail mentionne que les producteurs de ferro-alliages font face à des importations croissantes provenant de pays tiers, tels que la Chine, la Russie, l’Ukraine, le Brésil et le Kazakhstan, ce qui pourrait devenir une menace pour la viabilité à long terme du secteur européen des ferro-alliages si des conditions de concurrence équitables avec les concurrents des pays tiers n’étaient pas assurées rapidement.

141    Les requérantes estiment que le Conseil a fait une erreur de lecture de ce document de travail. En particulier, elles considèrent que la Commission y a confirmé notamment que les ventes communautaires de ferrosilicium étaient vulnérables compte tenu de leur manque de compétitivité s’agissant des coûts.

142    À cet égard, il convient de relever, à l’instar des requérantes, que le document de travail de la Commission fait état de ce que l’industrie métallurgique communautaire subit une pression croissante de la part de concurrents dont la structure des coûts de production est différente et qui bénéficient d’un accès aux matières premières et/ou à l’énergie à un moindre coût.

143    Toutefois, le Tribunal ne partage pas la lecture des requérantes s’agissant de la vulnérabilité des producteurs communautaires de ferrosilicium en raison de leur structure de coûts. Ainsi, les requérantes renvoient à un passage du document de travail selon lequel « les producteurs communautaires de ferro-alliages, en particulier de silicium-métal et de ferrosilicium, font face à un accroissement des importations en provenance de pays tiers tels que la Chine, la Russie, l’Ukraine, le Brésil et le Kazakhstan », précisant que, « [s]auf à instaurer sans tarder des conditions équitables avec les concurrents des pays tiers, la capacité de l’industrie communautaire des ferro-alliages à se maintenir sur le long terme pourrait se trouver menacée ». Or, il ne ressort ni du libellé ni du contexte de ces phrases que les ventes communautaires de ferrosilicium sont vulnérables, compte tenu du manque de compétitivité des producteurs communautaires s’agissant des coûts. D’une part, il serait contraire au bon sens d’interpréter la référence à l’instauration de conditions équitables avec les concurrents des pays tiers comme signifiant que les producteurs communautaires sont vulnérables du fait de la structure des coûts qu’ils supportent. Il est beaucoup plus raisonnable de supposer que la Commission a entendu faire référence aux prix anormalement bas pratiqués par les producteurs-exportateurs des pays tiers. D’autre part, la Commission a mentionné, à la fin du paragraphe contenant ladite référence, les mesures antidumping concernant le ferromolybdenum, ce qui tend à prouver que, lorsque la Commission a mentionné l’instauration de conditions équitables avec les concurrents des pays tiers, elle faisait référence à l’éventuelle adoption de mesures antidumping.

144    Dès lors, il convient de considérer qu’aucun des arguments invoqués par les requérantes n’est de nature à démontrer que le Conseil a fait une lecture erronée du document de travail de la Commission, au considérant 92 du règlement attaqué, et commis une erreur manifeste d’appréciation quant à l’impact de la structure des coûts de production supportés par l’industrie communautaire sur le préjudice subi par cette dernière.

145    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen comme étant non fondée.

d)     Sur la cinquième branche du premier moyen, relative aux effets de la contraction de la demande en 2005

 Arguments des parties

146    Les requérantes affirment que le considérant 81 du règlement provisoire est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’il dispose que la consommation communautaire de ferrosilicium est restée stable pendant la période considérée, sauf en 2003 et en 2004 où elle se serait accrue de 6 % en raison d’une demande exceptionnelle de l’industrie de l’acier. Ce faisant, le Conseil aurait fait une appréciation erronée de l’incidence de l’évolution de la demande et attribué à tort la baisse des prix aux importations litigieuses, en violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

147    En effet, selon les requérantes, la consommation communautaire n’est pas restée stable au cours de la période considérée. Ainsi, les requérantes relèvent que, entre 2004 et 2005, la consommation communautaire a baissé de 4,4 %. Cette contraction de la demande aurait été le reflet d’une stagnation, puis d’un effondrement, de la demande qui auraient eu une incidence négative importante sur les prix pratiqués dans la Communauté. À cet égard, les requérantes soutiennent que, sur un marché transparent et concurrentiel tel que celui du ferrosilicium, les prix sont déterminés en premier lieu par les fluctuations de l’offre et de la demande mondiales ainsi que, dans une certaine mesure, par les coûts de production. Lors des périodes de demande accrue et/ou d’offre réduite, les prix augmenteraient, tandis que, lors des périodes de contraction de la demande et/ou d’augmentation de l’offre, les prix baisseraient, ce qui aurait été expressément reconnu par le Tribunal dans son arrêt Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, point 27 supra, concernant un autre ferro-alliage, le silicium-métal. Les prix du ferrosilicium dans la Communauté auraient ainsi décru alors que les coûts de production supportés par les producteurs communautaires auraient dépassé les prix du marché, impliquant par conséquent des pertes significatives pour l’industrie communautaire.

148    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

149    Par la présente branche du premier moyen, les requérantes contestent, en substance, l’évaluation par les institutions de l’incidence de l’évolution de la demande, au cours de la période considérée. Elles estiment, en particulier, que le considérant 81 du règlement provisoire est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

150    Il y a lieu de rappeler que figure, au considérant 81 du règlement provisoire, un tableau comprenant les données chiffrées relatives à la consommation communautaire, pour la période considérée, ainsi que le commentaire suivant de la Commission : « [l]a consommation communautaire de ferrosilicium est restée stable pendant la période considérée, sauf en 2003 et 2004 où elle s’est accrue de 6 % en raison d’une demande exceptionnelle de l’industrie de l’acier ». Il convient également de relever que, au considérant 124 du règlement provisoire, la Commission a relevé, dans le cadre de l’analyse de non-imputation, ce qui suit :

« [… l]a consommation apparente de ferrosilicium sur le marché de la Communauté a été plutôt stable au cours de la période considérée, à l’exception de 2004. Par conséquent, le préjudice important subi par l’industrie communautaire ne peut pas être imputé à une contraction de la demande sur le marché de la Communauté. »

151    Les requérantes considèrent que ces affirmations sont erronées, dès lors que la consommation communautaire n’est pas restée stable au cours de la période considérée, mais a baissé de 4,4 % entre 2004 et 2005.

152    À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer, à l’instar du Conseil, que les requérantes ne contestent pas l’exactitude des données chiffrées figurant au considérant 81 du règlement provisoire. Comme le fait observer le Conseil, le différend entre les parties ne concerne que l’interprétation de ces données.

153    Ensuite, il importe de constater que les requérantes dénaturent les considérations formulées par la Commission au considérant 81 du règlement provisoire. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission ne s’est pas contentée d’affirmer que la consommation communautaire était restée stable, mais a relevé qu’elle avait augmenté entre 2003 et 2004 en raison de l’accroissement de la demande du secteur sidérurgique. Il ressort de surcroît du considérant 124 du règlement provisoire qu’elle a tenu compte de la variation de la consommation en 2004, dans le cadre de l’analyse de non-imputation, mais a considéré que, en dépit de cette variation, la consommation devait être considérée comme globalement stable, ce qui impliquait que le préjudice subi par l’industrie communautaire ne pouvait être imputé à une contraction de la demande communautaire. Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission s’est acquittée de l’obligation à laquelle elle est soumise en vertu de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, à savoir de dissocier et de distinguer le préjudice causé spécifiquement par la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation.

154    Enfin, aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que la conclusion de la Commission figurant au considérant 124 du règlement provisoire est constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, les requérantes se contentent de proposer leur interprétation des chiffres figurant au considérant 81 du règlement provisoire, mais n’expliquent en aucune manière en quoi l’interprétation de ces chiffres, telle que proposée par les institutions, est constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il est plausible, comme l’affirment les requérantes, que la diminution de la consommation communautaire de 4,4 %, observée entre 2004 et 2005, ait eu une incidence négative sur les prix pratiqués dans la Communauté. Néanmoins, il est également plausible d’interpréter les chiffres figurant au considérant 81 du règlement provisoire comme le font les institutions, c’est-à-dire comme indiquant une demande relativement stable sur l’ensemble de la période d’enquête, auquel cas les variations observées en 2004 et en 2005 peuvent se lire comme reflétant une demande exceptionnelle du secteur sidérurgique en 2004, suivie d’un retour à la normale en 2005. Dans cette dernière hypothèse, il est légitime de considérer que le préjudice subi par l’industrie communautaire, tel qu’il transparaît au regard des données relatives à l’ensemble de la période considérée, ne peut pas être imputé aux variations de la consommation de 2004 et de 2005. Dans ces circonstances, il convient de considérer que les requérantes ne démontrent pas que les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation.

155    Partant, il y a lieu de rejeter la cinquième branche du premier moyen comme étant non fondée.

e)     Sur la sixième branche du premier moyen, relative aux effets des importations en provenance d’autres pays tiers

 Arguments des parties

156    Les requérantes soutiennent que les institutions ont violé la règle de non-imputation, dès lors qu’elles n’auraient pas tenu compte de manière adéquate des effets des importations en provenance de pays tiers autres que ceux visés par la procédure d’enquête (ci-après les « autres pays tiers »). Les requérantes font valoir que la Commission s’est bornée à affirmer, dans le règlement provisoire, tel que confirmé par le règlement attaqué, que l’incidence des importations en provenance des autres pays tiers ne pouvait être considérée comme significative eu égard au volume et aux prix des importations ayant fait l’objet d’un dumping, ce qui ne serait pas suffisant pour assurer le respect du principe de non-imputation.

157    En effet, selon les requérantes, bien que, aux considérants 116, 118 et 120 du règlement provisoire, les institutions aient identifié certains effets des importations en provenance des autres pays tiers, elles ne les ont pas isolés afin de procéder à une imputation correcte des causes du préjudice. Premièrement, au considérant 116 du règlement provisoire, la Commission aurait indiqué que les prix des importations en provenance de ces pays tiers étaient inférieurs de 2,3 à 5,7 % à ceux que pratiquait l’industrie communautaire. Or, une marge de sous-cotation de niveau comparable aurait justifié, dans le règlement n° 1420/2007, que des droits antidumping soient institués. Deuxièmement, aux considérants 118 et 120 du règlement provisoire, concernant plus particulièrement les importations en provenance d’Islande et du Venezuela, la Commission aurait confirmé que lesdites importations avaient eu un effet négatif sur la situation de l’industrie communautaire. Or, les institutions seraient tenues de prendre en considération les effets cumulés de l’ensemble des importations dommageables en provenance de pays tiers, ainsi que de tous les autres facteurs connus de préjudice, et de ne pas attribuer lesdits effets aux importations litigieuses.

158    Dans la réplique, les requérantes ajoutent que le Conseil a ignoré le fait qu’une grande partie de l’accroissement en volume des importations faisant l’objet d’un dumping était destiné à combler le « vide » laissé sur le marché par le retrait de certains producteurs des pays tiers au cours de la période examinée.

159    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

160    Par la présente branche du premier moyen, les requérantes contestent, en substance, l’évaluation, par les institutions, de l’incidence des importations en provenance des autres pays tiers sur le préjudice subi par l’industrie communautaire. Elles estiment, en particulier, que les considérants 116, 118 et 120 du règlement provisoire sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission y aurait identifié certains effets desdites importations, mais ne les aurait pas correctement isolés.

161    Il convient de rappeler que, au considérant 116 du règlement provisoire, la Commission a constaté, pour l’ensemble des importations en provenance d’autres pays tiers, que, sur la période considérée, leur volume avait diminué de 45 % environ et leur part de marché était passée de 54,8 à 30 %, que, sur la même période, les prix de ces importations avaient progressé de 7 % et que le prix moyen de ces importations était supérieur à celui des importations ayant fait l’objet d’un dumping au cours de la période considérée et entre 2,3 et 5,7 % inférieur à celui de l’industrie communautaire sur la même période. Aux considérants 117 à 120 du même règlement, la Commission a analysé l’impact sur le préjudice des importations en provenance, respectivement, de Norvège, d’Islande, du Brésil et du Venezuela. Elle a considéré que ni les importations en provenance du Brésil ni les importations en provenance de Norvège n’avaient contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire. En revanche, elle a conclu que les importations en provenance d’Islande et du Venezuela avaient pu avoir un effet négatif sur la situation de l’industrie communautaire, cette incidence ne pouvant toutefois pas être considérée comme significative eu égard au volume et aux prix des importations ayant fait l’objet d’un dumping. Au considérant 121 du règlement provisoire, la Commission a déduit des éléments exposés aux considérants 116 à 120 du même règlement que les importations en provenance des autres pays tiers n’avaient pas véritablement contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire.

162    Les arguments avancés par les requérantes ne sont pas susceptibles de démontrer que ce raisonnement est constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation.

163    En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes relatif au considérant 116 du règlement provisoire, il importe de constater que celles-ci se contentent d’affirmer qu’une marge de sous-cotation de 2,3 à 5,7 % a justifié, dans le règlement n° 1420/2007, que des droits antidumping soient institués, ce qui démontrerait que la Commission ne pouvait conclure que les importations en provenance des autres pays tiers n’avaient pas contribué au préjudice.

164    À cet égard, premièrement, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 90 ci-dessus, d’une part, qu’il appartient aux institutions, dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, d’examiner si l’industrie communautaire a subi un préjudice et si celui-ci est imputable aux importations faisant l’objet d’un dumping ou si d’autres facteurs connus ont contribué au préjudice et, d’autre part, que ce pouvoir d’appréciation doit être exercé au cas par cas en fonction de tous les faits pertinents. En tout état de cause, il importe de remarquer que, dans le règlement n° 1420/2007, la marge de sous-cotation sur la base de laquelle les mesures antidumping ont été instituées était de 4,5 %. Dans ce règlement, le Conseil ne faisait pas référence à la fourchette citée par les requérantes. De surcroît, de façon plus significative, dans le règlement n° 1420/2007, le Conseil s’est fondé sur plusieurs autres considérations pour conclure à la nécessité d’adopter ces mesures. Dès lors, aucune conclusion ne saurait être tirée de ce que, dans le règlement n° 1420/2007, le Conseil a, d’une part, calculé une marge de sous-cotation de 4,5 % et, d’autre part, institué des mesures antidumping.

165    Deuxièmement, il importe d’observer, à l’instar du Conseil, que, au considérant 116 du règlement provisoire, la Commission ne s’est pas référée à la marge de sous-cotation des importations en provenance des autres pays tiers, mais a fait état de ce que le prix desdites importations était inférieur à celui de l’industrie communautaire pendant la période considérée. Or, il a déjà été relevé, au point 65 ci-dessus, que la sous-cotation était un concept juridique envisagé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, en vertu duquel les institutions procèdent à une comparaison des prix communautaires avec les prix ajustés des importations, de façon à obtenir une marge de sous-cotation exprimée sous forme de pourcentage. Partant, aucune analogie ne saurait être faite entre une marge de sous-cotation et une simple comparaison des prix.

166    Troisièmement, la constatation de la Commission relative au niveau de prix n’est qu’un élément d’un raisonnement plus large développé au considérant 116 du règlement provisoire. Si le niveau des prix des importations en provenance des autres pays tiers par rapport au niveau des prix communautaires peut constituer un élément tendant à démontrer que lesdites importations ont contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire, il ne peut pour autant être fait abstraction des autres éléments du raisonnement de la Commission qui l’ont amené à écarter une telle contribution. Ainsi, la Commission a constaté que les parts de marché desdites importations avaient diminué au cours de la période considérée et que, pendant cette même période, leurs prix avaient augmenté et avaient toujours été supérieurs aux prix des importations faisant l’objet d’un dumping. Il s’ensuit, comme l’a relevé le Conseil, qu’il est impossible, à supposer que la consommation n’ait pas augmenté, que les importations des autres pays tiers aient pu, collectivement, prendre des parts de marché au détriment de l’industrie communautaire contrairement aux importations faisant l’objet d’un dumping.

167    Il s’ensuit qu’aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que le considérant 116 du règlement provisoire est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

168    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument relatif aux considérants 118 et 120 du règlement provisoire, il importe de remarquer que les requérantes ne contestent pas la constatation de la Commission selon laquelle, si les importations en provenance d’Islande et du Venezuela ont pu avoir une incidence négative sur la situation de l’industrie communautaire, cette incidence ne peut être considérée comme significative, eu égard au volume et aux prix des importations faisant l’objet d’un dumping. Elles se bornent à affirmer que les institutions auraient dû procéder à une analyse des effets cumulés des importations en provenance des autres pays tiers ainsi qu’à une analyse collective de tous les autres facteurs connus de préjudice.

169    Premièrement, en ce qui concerne l’analyse des effets cumulés des importations en provenance des autres pays tiers, il convient de relever que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, une telle analyse a été conduite par la Commission. Cette analyse est la première des trois étapes de l’examen de l’incidence des importations en provenance des autres pays tiers. Ainsi, dans un premier temps, la Commission a, au considérant 116 du règlement provisoire, exposé l’évolution des indicateurs économiques relatifs à l’ensemble des importations en provenance des autres pays tiers. Ainsi qu’il a été mentionné au point 166 ci-dessus, compte tenu de cette évolution, il ne saurait être considéré que les importations en provenance des autres pays tiers aient pu, collectivement, prendre des parts de marché au détriment de l’industrie communautaire. Dans un deuxième temps, la Commission a examiné, aux considérants 117 à 120 du règlement provisoire, si les effets individuels des importations en provenance respectivement de Norvège, d’Islande, du Brésil et du Venezuela étaient susceptibles d’avoir causé le préjudice. Ainsi qu’il a été expliqué au point 161 ci-dessus, la Commission a conclu que, individuellement, les importations en provenance d’Islande et du Venezuela avaient pu avoir un effet négatif sur la situation de l’industrie communautaire, cette incidence ne pouvant toutefois pas être considérée comme significative eu égard au volume et aux prix des importations ayant fait l’objet d’un dumping. Dans un troisième temps, la Commission a tiré les conclusions des deux premières étapes de son raisonnement et a, de façon logique, constaté, au considérant 121 du règlement provisoire, que les importations en provenance des autres pays tiers n’avaient pas contribué au préjudice.

170    Deuxièmement, en ce qui concerne l’analyse collective de tous les autres facteurs connus de préjudice, il a déjà été expliqué, au point 47 ci-dessus, qu’il convenait de conclure l’analyse des griefs avancés par les requérantes s’agissant de l’analyse individuelle de chacun des autres facteurs connus avant de pouvoir déterminer si une telle analyse collective était requise. Cette question sera examinée aux points 204 à 215 ci-après.

171    Partant, aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que les considérants 118 et 120 du règlement provisoire sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.

172    En troisième lieu, s’agissant de l’argument relatif au « vide » laissé sur le marché par le retrait de certains producteurs des autres pays tiers, soulevé pour la première fois dans la réplique, force est de constater qu’il ne tend pas à prouver que les institutions ont mal évalué le préjudice causé par les importations en provenance des autres pays tiers, mais à démontrer que les importations faisant l’objet d’un dumping n’ont pas causé de préjudice à l’industrie communautaire, car elles ont remplacé les importations en provenance des autres pays tiers. Dès lors, il ne présente pas de lien étroit avec le moyen initialement soulevé dans la requête et ne constitue pas l’ampliation de celui-ci. Il s’ensuit que, dans la mesure où il n’est pas fondé sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure, ledit argument doit être considéré comme un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 février 1997, Petit-Laurent/Commission, T‑211/95, Rec. p. II‑57, points 43 à 45). Il doit donc être rejeté comme étant irrecevable.

173    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la sixième branche du premier moyen comme étant partiellement non fondée et partiellement irrecevable.

f)     Sur la septième branche du premier moyen, relative à l’absence de compétitivité des producteurs communautaires avant la survenance de tout dumping préjudiciable

 Arguments des parties

174    Les requérantes soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé la règle de non-imputation, telle qu’envisagée à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, dès lors que, aux considérants 93 et 94 du règlement attaqué, il a rejeté l’argument selon lequel la plupart des producteurs communautaires étaient déjà non rentables avant la survenance de tout dumping préjudiciable, au motif que l’industrie communautaire aurait été globalement rentable en 2004. À cet égard, les requérantes font valoir que trois des six producteurs communautaires étaient déjà déficitaires en 2003 et tous, sauf FerroAtlántica, étaient déficitaires au cours de l’année 2004 – une « année exceptionnellement prospère » pour l’industrie des ferro-alliages. La rentabilité globale de 3 % de l’industrie communautaire pour 2004 aurait donc été intégralement attribuable à FerroAtlántica. De surcroît, bien que, en 2004, la performance globale de l’industrie communautaire ait été meilleure qu’en 2003 et que cette dernière ait augmenté ses prix de 10 %, cinq des six producteurs auraient connu une aggravation de leur situation pour des motifs ne tenant pas aux importations faisant l’objet d’un dumping. Les institutions auraient au minimum dû tenir compte de ce fait, car il serait d’importance pour expliquer l’évolution du préjudice des producteurs communautaires et mettrait clairement en évidence l’absence de compétitivité de l’industrie communautaire, en particulier s’agissant de sa structure de coûts. Cela serait confirmé par les réorientations et les réductions de production entreprises par l’industrie communautaire dès 2004, en dépit de l’accroissement de la consommation et de la rentabilité des ventes de ferrosilicium.

175    En substance, le Conseil, soutenu par les intervenantes, fait observer que, bien que les requérantes prétendent que les institutions aient commis une erreur manifeste d’appréciation en déclarant que l’industrie communautaire était rentable en 2003 et en 2004, elles ne contestent pas les chiffres des marges bénéficiaires avant impôts cités au considérant 94 du règlement attaqué. De surcroît, le Conseil soutient que la référence des requérantes à la situation des différents producteurs communautaires en 2003 et en 2004 ne permet pas de démontrer l’existence d’une erreur manifeste. Premièrement, l’évaluation du préjudice et du lien de causalité devrait être réalisée en examinant la situation de l’industrie communautaire en général, et non celle des différents producteurs de la Communauté. Deuxièmement, le fait que trois producteurs communautaires, représentant ensemble 24 à 28 % de la production communautaire totale, étaient en situation déficitaire en 2003 ne signifierait pas que toute l’industrie communautaire souffrait d’un manque de compétitivité. Troisièmement, le Conseil fait observer que l’année 2004 est caractérisée par une contraction de la part de marché de l’industrie communautaire, par une baisse de 2 % des ventes de cette dernière par rapport à 2003, par une augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping, ainsi que de leur part de marché, et par une diminution de leurs prix, ce qui signifierait que certains producteurs communautaires subissaient déjà les effets négatifs des importations faisant l’objet d’un dumping en 2004, même si, globalement, l’industrie communautaire a pu augmenter ses bénéfices.

 Appréciation du Tribunal

176    Par la présente branche du premier moyen, les requérantes critiquent le fait que, aux considérants 93 et 94 du règlement attaqué, le Conseil ait rejeté l’argument selon lequel l’industrie communautaire était déjà non rentable avant la survenance de tout dumping préjudiciable.

177    Il convient de rappeler que, au considérant 94 du règlement attaqué, en réponse à cet argument, le Conseil a expliqué que, comme le démontre le considérant 97 du règlement provisoire, l’industrie communautaire était rentable en 2003, avec une marge bénéficiaire avant impôt de 2,3 %, qui est passée à 2,7 % en 2004, et que des pertes ont été observées en 2005 et pendant la période d’enquête.

178    Si les requérantes ne contestent pas, comme le relève le Conseil, les données chiffrées figurant au considérant 97 du règlement provisoire, données qui indiquent que l’industrie communautaire était globalement rentable en 2003 et en 2004, elles reprochent, en revanche, aux institutions de ne pas avoir tenu compte de la situation individuelle de trois des six producteurs communautaires, en 2003, et de celle de cinq des six producteurs communautaires, en 2004.

179    À cet égard, il importe de relever que les requérantes fondent leur argumentation sur des données chiffrées, qui montrent que cinq des six producteurs communautaires ont connu des pertes en 2004. Ces données chiffrées ne sont pas contestées par le Conseil. En outre, les requérantes affirment que trois des six producteurs communautaires étaient non rentables en 2003. Bien qu’elles n’avancent aucun élément de preuve au soutien de cette affirmation, le Conseil confirme, dans ses écritures, que tel était le cas.

180    Dans ce contexte, il faut rappeler, ainsi que cela a été exposé au point 88 ci-dessus, que, contrairement à ce qu’affirme le Conseil, l’analyse de l’existence d’un lien de causalité ne doit pas nécessairement être conduite au niveau de l’industrie communautaire dans son ensemble, de sorte que tout préjudice causé individuellement à un producteur communautaire par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping ne pourrait être pris en compte. Un préjudice causé individuellement à un producteur communautaire par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping doit être pris en considération, dès lors qu’il a contribué au préjudice qui a été observé pour l’industrie communautaire dans son ensemble.

181    Dans la mesure où les données produites par les requérantes indiquent effectivement que certains producteurs étaient non rentables en 2003 et en 2004, les institutions étaient tenues d’évaluer l’impact de cette situation sur le préjudice subi par l’industrie communautaire dans son ensemble, ce qu’elles n’ont pas fait. Il s’ensuit que les institutions ont failli à leur obligation de procéder à une analyse de non-imputation et ont donc violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

182    Néanmoins, ainsi qu’il a été relevé au point 119 ci-dessus, il est nécessaire de démontrer qu’une telle violation est susceptible d’affecter la légalité du règlement attaqué, en invalidant l’ensemble de l’analyse des institutions relative au lien de causalité. En l’espèce, les requérantes doivent donc prouver que la situation particulière d’une partie des producteurs communautaires, en 2003 et en 2004, a été à l’origine du préjudice subi par l’industrie communautaire dans son ensemble, ou a contribué à ce préjudice. Elles doivent également démontrer que les pertes enregistrées par cinq producteurs communautaires sur six n’ont pas été la conséquence des importations faisant l’objet d’un dumping.

183    Aux fins de cette démonstration, les requérantes affirment que l’absence de rentabilité de cinq des six producteurs communautaires, en 2004, est consécutive à l’absence de compétitivité de ces dernières, ce qui serait confirmé par les réorientations et les réductions de production entreprises par l’industrie communautaire dès 2004, en dépit de l’accroissement de la consommation et de la rentabilité des ventes de ferrosilicium. Toutefois, le Tribunal considère qu’une autre interprétation des données relatives à l’année 2004 est possible. Ainsi, trois producteurs communautaires, représentant ensemble 24 à 28 % de la production communautaire totale, étaient déficitaires en 2003 et cinq producteurs accusaient des pertes en 2004. Or, il convient d’observer, à l’instar du Conseil, que, malgré l’augmentation de la consommation, l’année 2004 est caractérisée par une contraction de la part de marché de l’industrie communautaire, par une baisse de 2 % des ventes de cette dernière par rapport à 2003, par une augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping, ainsi que de leur part de marché, et par une diminution de leurs prix, ce qui peut signifier que certains producteurs communautaires subissaient déjà les effets négatifs des importations faisant l’objet d’un dumping en 2004, même si, globalement, l’industrie communautaire a pu augmenter ses bénéfices.

184    Dès lors que le déficit que certains producteurs communautaires ont connu, en 2003 et en 2004, a pu être causé par les importations faisant l’objet d’un dumping, la violation constatée au point 181 ci-dessus n’est pas susceptible d’invalider la légalité du règlement attaqué.

185    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la septième branche du premier moyen.

g)     Sur la huitième branche du premier moyen, en ce qu’elle concerne les circonstances propres aux producteurs

 Arguments des parties

186    Les requérantes font valoir que les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, dès lors qu’elles auraient refusé de procéder à un examen des facteurs ayant causé individuellement un préjudice aux producteurs communautaires tout en ayant également eu une incidence sur l’industrie communautaire dans son ensemble, alors que lesdits producteurs étaient peu nombreux et que leur situation économique était très contrastée.

187    Ainsi, premièrement, les requérantes relèvent, s’agissant de Huta Laziska, que, en 2004, elle a réorienté une partie de sa production de ferrosilicium vers la production de silicomanganèse afin d’augmenter sa rentabilité. Il s’en serait suivi une baisse de la production de ferrosilicium de cette société ainsi qu’une réduction des ventes de ferrosilicium aux clients indépendants. Compte tenu des baisses de production et des coûts fixes inchangés, en 2004, ses coûts de production à la tonne auraient augmenté d’environ 17 % et ses pertes auraient plus que triplé, sans que cela soit lié aux importations. Néanmoins, le chiffre d’affaires réalisé auprès des clients indépendants aurait augmenté. En 2005, Huta Laziska aurait commencé par réduire sa production, avant d’y mettre fin, au cours de la période d’enquête, à la suite d’un contentieux avec son fournisseur d’électricité. En conséquence, ses ventes auraient baissé et ses coûts de production à l’unité auraient augmenté de façon substantielle, ce qui aurait impliqué une baisse de rentabilité et une diminution de part de marché.

188    Deuxièmement, s’agissant d’OFZ, les requérantes font observer, tout d’abord, que, en 2004, elle a réaffecté ou licencié 47 % de son personnel, ce qui signifierait qu’elle a été incapable de faire face à la demande croissante. OFZ aurait en outre réorienté une partie de sa production de ferrosilicium vers la production de silicomanganèse afin d’augmenter sa rentabilité. Ses ventes aux clients indépendants auraient de ce fait baissé de 19 %. Néanmoins, le marché étant porteur, elle aurait réussi à limiter sa baisse de chiffre d’affaires à 11 %, et ce en dépit de la hausse de 14 % des coûts de production, laquelle serait pour partie résultée de l’existence de coûts fixes alors que la production aurait été réduite. Ensuite, les requérantes affirment que, en 2005, OFZ a fait l’objet d’une restructuration, ce qui lui aurait permis de réduire ses coûts de production et d’accroître sa rentabilité. Pour ce faire, il lui aurait été nécessaire de réduire provisoirement ses ventes et sa part de marché.

189    Troisièmement, s’agissant de TDR – Metalurgija d.d., les requérantes soutiennent que, en 2004, elle a augmenté son volume de ventes aux clients indépendants d’un pourcentage plus élevé que celui de la demande, qu’elle a accru sa production et profité de prix plus élevés en augmentant le chiffre d’affaires réalisé auprès des clients indépendants. Toutefois, du fait d’une hausse générale de 12 % des coûts de production, elle ne serait pas parvenue à redevenir bénéficiaire. Lorsque le marché s’est détérioré, en 2005, TDR aurait été incapable de se remettre des mauvaises performances réalisées pendant l’année 2004, une « année exceptionnellement favorable ».

190    Quatrièmement, s’agissant de Vargön Alloys, les requérantes avancent que, en 2004, elle a augmenté son volume de ventes aux clients indépendants d’un pourcentage plus élevé que celui de la demande ainsi qu’accru sa production et profité de prix plus élevés en augmentant le chiffre d’affaires réalisé auprès des clients indépendants. Ses coûts de production auraient toutefois connu une hausse de 15 %. Les requérantes relèvent que, selon les institutions, Vargön Alloys aurait subi des pertes supplémentaires de 45 %. Bien que les institutions n’aient fourni aucune explication à ce sujet, il serait clair que cette évolution devrait être imputée à des problèmes propres à cette société, et non aux importations litigieuses. Entre 2004 et 2005, Vargön Alloys aurait réduit de moitié sa production de ferrosilicium du fait des hausses du prix de l’électricité. En outre, au cours de la période d’enquête, elle aurait réorienté une partie de sa production de ferrosilicium dans le but d’accroître sa rentabilité, ce qui aurait entraîné une baisse des ventes de ferrosilicium et de part de marché.

191    Cinquièmement, s’agissant de FerroPem SAS et de FerroAtlántica, les requérantes font valoir que, de 2003 à 2004, FerroPem a réduit ses ventes de ferrosilicium aux clients indépendants, mais augmenté sa production et écoulé des stocks, ce qui tendrait à démontrer que FerroPem a augmenté son usage captif. Il s’ensuit, selon les requérantes, que le chiffre d’affaires réalisé par FerroPem auprès des clients indépendants a baissé. En outre, les coûts de production ayant dans le même temps augmenté de 24 %, il serait logique que la rentabilité de FerroPem ait substantiellement diminué. À la suite de la hausse des prix de l’électricité, FerroAtlántica aurait cessé de produire aux heures où la consommation était à son plus haut niveau, permettant ainsi à sa division chargée de l’électricité de réaliser de meilleurs bénéfices. En outre, son acquisition de FerroPem aurait donné lieu à des frais de restructuration pour les deux sociétés. Ces dernières n’en auraient pas moins réalisé les meilleures performances du marché en augmentant leurs ventes entre 2004 et 2005, alors que la consommation globale dans la Communauté aurait été en baisse. Pour ce qui est de 2005 et de la période d’enquête, la division vénézuélienne de FerroAtlántica aurait augmenté ses exportations vers la Communauté. Le groupe FerroAtlántica dans son ensemble aurait réalisé de très bonnes performances et ne semblerait pas avoir subi de préjudice. Selon les requérantes, en tout état de cause, un tel préjudice ne peut être imputé aux importations faisant l’objet d’un dumping.

192    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

193    Dans le cadre de la huitième branche du premier moyen, les requérantes critiquent, notamment, le fait que les institutions aient omis de tenir compte de facteurs ayant causé individuellement un préjudice aux producteurs communautaires tout en ayant également eu une incidence sur l’industrie communautaire dans son ensemble.

194    Il a déjà été établi, au point 88 ci-dessus, que, contrairement à ce qu’affirme le Conseil, l’analyse de l’existence d’un lien de causalité ne doit pas nécessairement être conduite au niveau de l’industrie communautaire dans son ensemble, de sorte que tout préjudice causé individuellement à un producteur communautaire par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping ne pourrait être pris en compte. Un préjudice causé individuellement à un producteur communautaire par un facteur autre que les importations faisant l’objet d’un dumping doit être pris en considération, dès lors qu’il a contribué au préjudice qui a été observé pour l’industrie communautaire dans son ensemble.

195    Toutefois, il importe de préciser que la nécessité de prendre en compte des facteurs ayant causé individuellement un préjudice à un producteur lorsqu’ils ont contribué au préjudice de l’industrie communautaire dans son ensemble ne signifie pas, en l’espèce, que les institutions étaient tenues d’analyser systématiquement la situation individuelle de chaque producteur communautaire.

196    À cet égard, il convient de constater que les arguments soulevés par les requérantes ne sont pas de nature à démontrer que la situation individuelle des producteurs communautaires a été à l’origine du préjudice subi par l’industrie communautaire dans son ensemble ou, à tout le moins, qu’elle y a contribué.

197    Ainsi, premièrement, en ce qui concerne les arguments relatifs à la situation de Huta Laziska, ils sont en substance identiques à certains de ceux soulevés dans le cadre de la troisième branche du présent moyen. Or, il a été constaté que ces arguments étaient non fondés. Il s’ensuit que ces arguments doivent également être rejetés comme non fondés dans le cadre de l’examen de la présente branche.

198    Deuxièmement, en ce qui concerne la situation d’OFZ, les éléments factuels décrits par les requérantes tendent à démontrer que cette société a fait l’objet d’une restructuration, ce qui aurait contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire. Or, il a déjà été constaté, dans le cadre de l’examen de la troisième branche du présent moyen, que les réorientations de production, y compris celle d’OFZ, avaient été prises en compte par les institutions. De surcroît, si la situation décrite par les requérantes pour 2004 et 2005 peut effectivement avoir contribué au préjudice, il est également plausible, comme le relève le Conseil, qu’une telle situation ait été causée par la présence d’importations à bas prix sur le marché communautaire. Dès lors, l ne saurait être considéré que les requérantes démontrent que la situation d’OFZ a contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire.

199    Troisièmement, en ce qui concerne la situation de TDR, les faits dépeints par les requérantes tendent à prouver que le préjudice subi par cette société est lié à la hausse de ses coûts de production. Dans la mesure où une telle allégation a déjà été rejetée dans le cadre de l’examen de la quatrième branche du présent moyen, il convient, de la même façon, de rejeter les arguments relatifs à la situation de TDR, invoqués dans le cadre de la présente branche, comme étant non fondés.

200    Quatrièmement, en ce qui concerne la situation de Vargön Alloys, les requérantes font référence à une réorientation de production mise en œuvre par cette société ainsi qu’à la hausse de ses coûts de production. Les arguments relatifs à l’incidence de ces facteurs sur le préjudice subi par l’industrie communautaire ayant déjà été rejetés dans le cadre de l’examen des troisième et quatrième branches du présent moyen, il convient également de rejeter les arguments relatifs à la situation de Vargön Alloys invoqués dans le cadre de la présente branche.

201    Cinquièmement, en ce qui concerne la situation de FerroPem et de FerroAtlántica, il convient de relever que les requérantes décrivent une situation économique globalement positive pour ces sociétés et ne démontrent pas en quoi une telle situation aurait pu contribuer au préjudice subi par l’industrie communautaire. Partant, les arguments relatifs à la situation de ces deux sociétés ne sauraient prospérer.

202    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter la huitième branche du premier moyen, en ce qu’elle concerne les circonstances propres aux producteurs, comme étant non fondée.

203    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les première, deuxième, quatrième et cinquième branches du premier moyen, les trois premiers griefs de la troisième branche du premier moyen ainsi que la huitième branche du premier moyen, en tant qu’elle concerne l’analyse individuelle des facteurs de préjudice, comme étant non fondés. Il y a également lieu de rejeter la sixième branche du premier moyen comme étant partiellement non fondée et partiellement irrecevable. Enfin, il y a lieu de relever que les violations constatées dans le cadre de l’examen du quatrième grief de la troisième branche du premier moyen ainsi que dans le cadre de celui de la septième branche de ce même moyen ne sont pas susceptibles de justifier l’annulation du règlement attaqué.

3.     Sur l’absence d’analyse collective des facteurs de préjudice (première et huitième branches du premier moyen)

a)     Arguments des parties

204    Dans le cadre de la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir que l’approche du Conseil est manifestement inadéquate, dès lors qu’il aurait analysé si d’autres facteurs, pris individuellement, avaient été la cause du préjudice subi par l’industrie communautaire alors qu’une analyse de l’incidence collective des autres facteurs était nécessaire en l’espèce. En effet, premièrement, un grand nombre d’autres facteurs aurait eu une incidence sur l’industrie communautaire et cette industrie n’aurait subi qu’un faible préjudice. Deuxièmement, les producteurs communautaires se trouveraient individuellement dans des situations très différentes. Troisièmement, plusieurs parties à la procédure antidumping auraient souligné au cours de ladite procédure que d’autres facteurs, pris conjointement, expliquaient le préjudice matériel subi par l’industrie communautaire.

205    Dans le cadre de la huitième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que les institutions auraient dû évaluer collectivement l’impact des facteurs connus autres que les importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, selon les requérantes, si un seul de ces facteurs, pris isolément, peut ne pas suffire à rompre le lien de causalité entre les importations visées par la procédure d’enquête et le préjudice, l’ensemble de ces facteurs le peut. Or, en l’espèce, si une telle analyse avait été réalisée, elle aurait confirmé que le préjudice subi par l’industrie communautaire avait trouvé son origine dans l’évolution des coûts et du marché et n’avait pas été causé par les importations visées par la procédure d’enquête.

206    Ainsi, premièrement, les requérantes expliquent qu’il n’était pas légitime d’imputer l’évolution des prix en 2005 et pendant la période d’enquête – à savoir des prix de 15 %, en 2005, et de 6 %, pendant la période d’enquête, moins élevés qu’en 2004 – aux importations visées par la procédure d’enquête, dès lors que ladite évolution se serait intégrée dans un rééquilibrage général des prix du marché par rapport à 2004. En effet, selon les requérantes, la baisse des prix est la conséquence logique d’une baisse mondiale de la demande en 2005. Or, au cours d’une période de contraction de la demande, il serait prévisible que les producteurs communautaires subissent une perte de bénéfices, ce qui signifierait que des bénéfices réduits ne suffiraient pas, en eux-mêmes, à démontrer un préjudice.

207    Deuxièmement, les requérantes soulignent la corrélation étroite entre les hausses des coûts de production et la perte de rentabilité. Elles avancent ainsi que la diminution des bénéfices en 2005, consécutive à la contraction du marché, a été encore aggravée par la hausse des coûts, lesquels auraient déjà sérieusement affecté la rentabilité des producteurs communautaires en 2004. Cela aurait eu un effet boule de neige en ce qui concerne la hausse des coûts de production et les pertes de bénéfices, effet qui aurait été entretenu par les diminutions de production. Les requérantes relèvent encore que, en 2005 et pendant la période d’enquête, les coûts de production de l’industrie communautaire ont dépassé les prix du marché, alors même que lesdits prix étaient, en 2005, les plus élevés du monde. De surcroît, les requérantes soutiennent que les hausses de coûts de production sont, d’abord, résultés des coûts plus élevés des intrants, ensuite, de la perte d’économies d’échelle consécutive aux diminutions ou aux réorientations de production et, enfin, d’autres facteurs sans rapport avec les importations litigieuses.

208    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

209    Il convient tout d’abord de rappeler qu’il a déjà été établi, au point 43 ci-dessus, qu’une analyse collective des facteurs de préjudice pouvait être requise dans certaines circonstances, notamment lorsque les institutions ont conclu, pour un grand nombre de facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qu’ils avaient pu contribuer au préjudice, mais que cette incidence ne pouvait, individuellement être considérée comme significative.

210    En l’espèce, aux considérants 115 à 136 du règlement provisoire et aux considérants 87 à 101 du règlement attaqué, les institutions ont analysé individuellement douze facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, à savoir les importations en provenance, respectivement, de Norvège, d’Islande, du Brésil et du Venezuela, la concurrence d’un autre producteur communautaire, l’évolution de la demande, les performances à l’exportation de l’industrie communautaire, les fluctuations du taux de change, les coûts de production, les réorientations de production, la manière dont les prix du ferrosilicium étaient fixés et la compétitivité de l’industrie communautaire. Elles ont conclu qu’aucun de ces facteurs n’avait individuellement contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire, à l’exception des importations en provenance d’Islande et du Venezuela dont l’incidence n’a toutefois pas été considérée comme significative.

211    Or, l’analyse développée aux points 49 à 203 ci-dessus a permis d’établir que l’analyse individuelle des facteurs de préjudice n’était pas entachée d’erreur manifeste, à l’exception néanmoins de deux facteurs, visés dans le cadre de l’examen du quatrième grief de la troisième branche et de la septième branche du premier moyen, que les institutions avaient omis d’analyser, mais pour lesquels les requérantes n’apportent pas la preuve de ce qu’ils auraient, en l’espèce, contribué au préjudice subi par l’industrie communautaire. Dès lors, il y a lieu de conclure de ce qui précède que les institutions ont pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, s’abstenir de procéder à une analyse collective des facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping.

212    Cette conclusion ne saurait être mise en cause par les arguments soulevés par les requérantes dans le cadre de la première branche du premier moyen. Premièrement, s’agissant de l’argument tiré des observations formulées par d’autres parties à la procédure antidumping, au cours de la procédure d’enquête, il convient de le rejeter comme étant irrecevable, dès lors que les requérantes ne développent, en substance, aucune argumentation, mais se contentent de renvoyer aux observations d’autres parties à la procédure antidumping qu’elles annexent à la requête. À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les conclusions de la partie requérante et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du Tribunal du 6 mai 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑195/95, Rec. p. II‑679, point 20, et du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 64). Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motors e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49).

213    Deuxièmement, s’agissant de l’argument tiré du fait que les producteurs se trouvaient individuellement dans des situations très différentes, il convient de constater que cet argument est en substance identique aux arguments soulevés dans le cadre de la huitième branche, en tant qu’elle concerne les circonstances propres aux producteurs. Dès lors qu’il a été décidé qu’il convenait de rejeter cette branche comme étant non fondée, l’argument ne saurait contribuer à la démonstration de ce qu’une analyse collective des facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping était requise en l’espèce.

214    De même, cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments soulevés par les requérantes dans le cadre de la huitième branche du premier moyen. En effet, ces arguments sont en substance identiques à certains des arguments soulevés dans le cadre des troisième à cinquième branches du premier moyen. Dès lors qu’il a été décidé, dans le cadre de l’examen de ces branches, que ces arguments étaient non fondés, ces derniers ne sauraient contribuer à la démonstration de ce qu’une analyse collective des facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping était requise en l’espèce.

215    Partant, il y a lieu de rejeter la première et la huitième branches du premier moyen, en ce qu’elles sont tirées de l’absence d’analyse collective des facteurs de préjudice, comme étant non fondées. De surcroît, eu égard à cette conclusion, il y a également lieu de rejeter la première branche du premier moyen, en ce qu’elle est tirée d’une erreur de droit s’agissant de l’obligation de procéder à une analyse collective des différents facteurs de préjudice.

B –  Sur le deuxième moyen, relatif à l’existence d’un intérêt communautaire

1.     Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’évolution à la hausse des prix du ferrosilicium postérieurement à la période d’enquête

a)     Arguments des parties

216    En premier lieu, les requérantes soutiennent que le Conseil a manifestement commis une erreur d’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009). Ainsi, au considérant 106 du règlement attaqué, le Conseil aurait invoqué cette disposition, à tort, afin de faire valoir que, dans le cadre de l’appréciation de l’intérêt communautaire, il n’avait pas à tenir compte de l’évolution postérieure à la période d’enquête. Or, l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base ne s’appliquerait qu’à l’appréciation du dumping et du préjudice. L’article 21 du règlement de base (devenu article 21 du règlement n° 1225/2009), concernant l’intérêt communautaire, ne contiendrait aucune restriction temporelle. Ainsi, le critère de l’intérêt de la Communauté serait un critère prospectif, de sorte que son application ne pourrait par définition être limitée à des données qui concernent une période prenant fin avant le début de l’enquête. De surcroît, les institutions prendraient en considération, de façon habituelle, des informations postérieures à la période d’enquête, ce qu’elles auraient fait, par exemple, dans le règlement n° 1420/2007. Qui plus est, le Tribunal aurait expliqué, dans l’arrêt du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil (T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 59), que l’interdiction de prendre en compte des éléments postérieurs à la période d’enquête visait à assurer que les éléments sur la base desquels se fonde la détermination du dumping et du préjudice ne soient pas influencés par le comportement des producteurs intéressés consécutif à l’ouverture de la procédure antidumping. Néanmoins, ce raisonnement ne s’appliquerait pas à l’appréciation de l’intérêt communautaire, ce dernier n’étant pas susceptible de faire l’objet de manipulations par des parties à l’enquête.

217    En deuxième lieu, les requérantes avancent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en affirmant, au considérant 106 du règlement attaqué, que, dès lors que les coûts de production avaient augmenté au cours des mois suivant la période d’enquête, l’industrie communautaire ne s’était pas redressée à tel point que l’institution de mesures antidumping n’était plus justifiée, en dépit de l’évolution à la hausse des prix du ferrosilicium. Selon les requérantes, s’il est exact que les principaux coûts de production du ferrosilicium ont continué à augmenter après la période d’enquête, l’ampleur de ces hausses de coûts a été plus limitée que celle des hausses du prix du ferrosilicium. Ainsi, alors que les prix du ferrosilicium auraient augmenté de 50 % entre la période d’enquête et l’adoption du règlement attaqué, le prix de l’électricité, qui est le principal coût de production, aurait augmenté d’environ 4 % au cours du second semestre de 2007. Cela aurait permis aux producteurs communautaires de dépasser le seuil de 5 % de marge bénéficiaire, considéré comme raisonnable dans le règlement attaqué. Par suite, les producteurs communautaires auraient recommencé à produire du ferrosilicium.

218    En troisième lieu, les requérantes affirment, dans la réplique, que le Conseil n’a pas motivé de façon adéquate son rejet des arguments et des éléments de preuve qu’elles avaient avancés dans le cadre de l’enquête antidumping, afin de démontrer que l’augmentation des prix du ferrosilicium postérieure à la période d’enquête avait été plus importante que l’augmentation des coûts.

219     Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

220    Dans le cadre de l’examen de la présente branche du deuxième moyen, en premier lieu, il y a lieu de déterminer si le Conseil a commis une erreur de droit en considérant, au considérant 106 du règlement attaqué, que l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base est applicable à la constatation de l’existence d’un intérêt de la Communauté à l’institution de mesures antidumping, ce qui implique que des informations postérieures à la période d’enquête ne peuvent normalement pas être utilisées aux fins de ladite constatation.

221    Une lecture littérale et téléologique tant de l’article 6, paragraphe 1, que de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 21, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009) permet de conclure que, contrairement à ce qu’affirme le Conseil au considérant 106 du règlement attaqué, l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base n’est pas applicable à la constatation de l’existence d’un intérêt de la Communauté, telle qu’envisagée à l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base, ce qui signifie que des données concernant une période plus récente que la période d’enquête peuvent être prises en considération dans le cadre de cette constatation.

222    En effet, il convient de rappeler que l’article 6 du règlement de base est intitulé « Enquête ». L’article 6, paragraphe 1, du règlement de base dispose que l’enquête « porte simultanément sur le dumping et le préjudice ». Il précise également que, « [a]ux fins d’une détermination représentative, une période d’enquête est choisie » et que « [l]es renseignements relatifs à une période postérieure à la période d’enquête ne sont pas, normalement, pris en compte ». Dans la mesure où l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base précise que l’enquête ne concerne que la détermination du dumping et du préjudice, la dernière phrase de cette même disposition, en vertu de laquelle il ne peut normalement pas être tenu compte de l’évolution postérieure à la période d’enquête, ne s’applique de la même façon qu’à l’appréciation du dumping et du préjudice.

223    Cette interprétation est confirmée par l’analyse de l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base. Selon la jurisprudence, la fixation d’une période d’enquête et l’interdiction de prendre en compte des éléments postérieurs à celle-ci visent à garantir que les résultats de l’enquête soient représentatifs et fiables (arrêt du Tribunal du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission, T‑188/99, Rec. p. II‑1757, point 74). La période d’enquête prévue à l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base tend notamment à assurer que les éléments sur la base desquels se fonde la détermination du dumping et du préjudice ne soient pas influencés par le comportement des producteurs intéressés consécutif à l’ouverture de la procédure antidumping et donc que le droit définitif imposé à l’issue de la procédure soit apte à remédier effectivement au préjudice résultant du dumping (arrêt Nanjing Metalink/Conseil, point 216 supra, point 59). Or, il convient de relever, à l’instar des requérantes, que, si les parties intéressées peuvent influer sur la détermination du dumping et du préjudice en modifiant leur politique commerciale, une telle possibilité n’existe pas pour la détermination de l’existence d’un intérêt communautaire à l’imposition des mesures. Dès lors, l’objectif visé par la définition d’une période d’enquête au-delà de laquelle les données ne sont pas prises en compte n’est pas pertinent dans le contexte de l’article 21 du règlement de base.

224    De même, il importe de souligner, d’une part, que l’article 21 du règlement de base ne contient aucune restriction temporelle quant aux données pouvant être prises en compte par les institutions aux fins de la constatation de l’existence d’un intérêt communautaire. D’autre part, selon la jurisprudence, l’examen de l’intérêt communautaire nécessite une évaluation des conséquences probables tant de l’application que de la non-application des mesures envisagées pour l’intérêt de l’industrie communautaire et pour les autres intérêts en jeu. Cette évaluation implique un pronostic fondé sur des hypothèses concernant des événements futurs qui comporte l’appréciation de situations économiques complexes (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission, T‑132/01, Rec. p. II‑2359, point 47). Dès lors que l’analyse envisagée à l’article 21 du règlement de base est de nature prospective, les institutions peuvent être amenées à prendre en compte des informations qui ne concernent pas la période d’enquête, mais qui lui sont postérieures.

225    Partant, il y a lieu de constater, à l’instar des requérantes, que le Conseil a commis une erreur de droit, au considérant 106 du règlement attaqué, en appliquant l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base à la détermination de l’existence d’un intérêt communautaire.

226    Néanmoins, bien que les institutions aient considéré que l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base était applicable à la détermination de l’existence d’un intérêt communautaire, elles ont analysé, au considérant 106 du règlement attaqué, les informations disponibles postérieures à la période d’enquête. L’erreur de droit n’est donc pas susceptible, en tant que telle, d’affecter la légalité du règlement attaqué.

227    En deuxième lieu, il importe de déterminer si l’examen des informations postérieures à la période d’enquête, effectué par les institutions au considérant 106 du règlement attaqué, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il convient de rappeler, à cet égard, que s’agissant de l’évaluation d’une situation économique complexe, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt communautaire. Le juge de l’Union doit donc limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et l’absence de détournement de pouvoir (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 224 supra, point 67).

228    Il importe de rappeler que, au considérant 106 du règlement attaqué, le Conseil a affirmé qu’il ne pouvait être conclu que l’industrie communautaire s’était redressée à tel point que l’institution de mesures n’aurait plus été justifiée, dès lors que, bien que les prix du ferrosilicium aient évolué à la hausse au cours des mois suivant la période d’enquête, les prix des principaux éléments de coût du ferrosilicium avaient également augmenté.

229    L’allégation des requérantes, selon laquelle le considérant 106 du règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, repose sur deux arguments. D’une part, les prix auraient augmenté de 50 % entre la période d’enquête et l’adoption du règlement attaqué. D’autre part, les coûts de production n’auraient pas augmenté autant que les prix du ferrosilicium.

230    Toutefois, il convient d’observer que les documents produits par les requérantes au soutien de ces arguments, tant dans le cadre de la procédure devant le Tribunal que dans le cadre de la procédure antidumping, souffrent d’un défaut fondamental. S’ils sont de nature à prouver que les prix du ferrosilicium ont augmenté dans les mois qui ont suivi la fin de la période d’enquête, ils ne prouvent en aucune manière que l’augmentation de l’ensemble des coûts a été beaucoup plus modeste. À cet égard, les requérantes se limitent à produire un document faisant état d’une augmentation du prix de l’électricité de 4 %, mais ne faisant pas mention de l’évolution du prix des autres intrants.

231    Or, en vertu de l’article 21, paragraphe 7, du règlement de base (devenu article 21, paragraphe 7, du règlement n° 1225/2009), l’information soumise aux institutions n’est prise en compte que lorsqu’elle est étayée par des éléments de preuve concrets qui fondent sa validité. Dès lors que de tels éléments de preuve n’étaient pas disponibles, il ne saurait être reproché aucune erreur manifeste d’appréciation au Conseil.

232    Compte tenu de l’insuffisance des preuves avancées par les requérantes, leur argumentation est d’autant moins justifiée que le règlement de base prévoit des mécanismes spécifiques dont l’objet est de traiter certaines évolutions postérieures à la période d’enquête (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 mai 1987, Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec. p. 1899, point 53). Ainsi, l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009) dispose qu’il peut être procédé à un réexamen intermédiaire dans trois cas de figure : lorsque le maintien de la mesure n’est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping, lorsque la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable si la mesure était supprimée ou modifiée et lorsque la mesure existante n’est pas ou plus suffisante pour contrebalancer le dumping. L’article 11, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 8, du règlement n° 1225/2009) envisage le remboursement des droits antidumping lorsqu’il est démontré que la marge de dumping sur la base de laquelle les droits ont été acquittés a été éliminée ou réduite à un niveau inférieur à celui du droit en vigueur. Enfin, en vertu de l’article 14, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 14, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009), les mesures antidumping peuvent être suspendues si les conditions du marché ont temporairement changé de façon telle qu’il est improbable que le préjudice reprenne à la suite de la suspension.

233    Eu égard à ce qui précède, il ne saurait être considéré que le considérant 106 du règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

234    En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes relatif au rejet non motivé des éléments de preuve qu’elles ont avancés, il n’est pas fondé. En effet, il a été établi, au point 230 ci-dessus, que les documents fournis aux institutions par les requérantes étaient de nature à prouver que les prix du ferrosilicium avaient augmenté dans les mois qui ont suivi la fin de la période d’enquête, mais ne prouvaient en aucune manière que l’augmentation de l’ensemble des coûts avait été beaucoup plus modeste. La motivation figurant au considérant 106 du règlement attaqué est donc suffisante pour rejeter ces documents.

235    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen dans son ensemble. En effet, il y a lieu de relever que l’erreur de droit constatée dans le cadre de l’examen de cette branche n’est pas de nature à justifier l’annulation du règlement attaqué.

2.     Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à l’expérience passée démontrant que les mesures antidumping n’aident pas l’industrie communautaire

a)     Arguments des parties

236    Les requérantes soutiennent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation, dès lors que, aux considérants 117 et 118 du règlement attaqué, il a refusé de tenir compte de l’expérience passée alors que celle-ci montrerait, d’une part, que les mesures antidumping dans le secteur du ferrosilicium ne permettent pas d’obtenir l’effet correctif souhaité et, d’autre part, que ces mesures font peser un fardeau inutile sur l’industrie communautaire. Selon les requérantes, s’il est exact que la décision d’instituer des mesures antidumping devrait se fonder sur des informations collectées et analysées au cours de l’enquête correspondante, l’incidence de mesures antérieures est un facteur important et pertinent qui doit être pris en considération dans le cadre de l’application de l’article 21 du règlement de base. Or, dans la décision 2001/230/CE, du 21 février 2001, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaires du Brésil, de la République populaire de Chine, du Kazakhstan, de Russie, d’Ukraine et du Venezuela (JO L 84, p. 36), la Commission aurait mis fin aux mesures antidumping appliquées aux importations de ferrosilicium depuis 1987, au motif qu’elles n’auraient pas permis d’atteindre l’effet correctif escompté malgré le fardeau significatif qu’elles auraient fait peser sur les épaules des utilisateurs communautaires. La décision de la Commission aurait été confirmée par le Tribunal. Compte tenu de ce précédent, les requérantes sont d’avis que les institutions auraient dû déterminer en quoi le cas d’espèce était différent, de façon à justifier la différence d’analyse adoptée.

237    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

238    Dans le cadre de la présente branche du deuxième moyen, les requérantes prétendent, en substance, que, aux considérants 117 et 118 du règlement attaqué, les institutions auraient dû tenir compte de la décision 2001/230 qui a mis fin aux mesures antidumping imposées sur les importations de ferrosilicium au motif qu’elles n’avaient pas eu l’effet correctif escompté. Ce grief doit être analysé à la lumière de la jurisprudence citée au point 227 ci-dessus.

239    Il convient de relever que le Conseil a, aux considérants 117 et 118 du règlement attaqué, refusé de prendre en compte la décision 2001/230 dans la mesure où le règlement de base dispose que les décisions sont prises en vertu des informations collectées et analysées au cours de l’enquête correspondante et non d’enquêtes antérieures.

240    À cet égard, il importe de rappeler que l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base prévoit qu’il y a lieu, afin de déterminer s’il est de l’intérêt de la Communauté que des mesures soient prises, d’apprécier tous les intérêts en jeu pris dans leur ensemble, y compris ceux de l’industrie communautaire et des utilisateurs et consommateurs. Selon la jurisprudence, l’appréciation de l’intérêt communautaire requiert la mise en balance des intérêts des différentes parties concernées et de l’intérêt général (arrêt Euroalliages e.a./Commission, point 224 supra, point 48).

241    Il convient encore de souligner que, comme il a été relevé au point 227 ci-dessus, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt communautaire. Ce pouvoir d’appréciation doit être exercé au cas par cas en fonction de tous les faits pertinents (voir, en ce sens, arrêt Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 227 supra, point 43). Néanmoins, une décision antérieure concluant à l’absence de caractère correctif de mesures antidumping imposées, par le passé, sur les importations d’un produit identique en provenance des mêmes pays que ceux visés par la procédure d’enquête, peut être pertinente dans le cadre de l’application de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base, si elle contribue à démontrer que l’adoption de mesures antidumping n’est pas dans l’intérêt général. Dans une telle hypothèse, il revient toutefois à la partie invoquant ladite décision d’expliquer en quoi les circonstances dans lesquelles cette décision a été adoptée sont comparables à celles de la procédure antidumping en cours et pourquoi les conclusions tirées dans cette décision devraient être transposées à ladite procédure.

242    En l’espèce, les requérantes ont omis de démontrer en quoi les circonstances dans lesquelles la décision 2001/230 avait été adoptée étaient comparables et justifiaient l’application de ses conclusions aux faits de l’espèce. De surcroît, comme le relève le Conseil, les circonstances dans lesquelles la décision 2001/230 avait été adoptée étaient différentes de celles de l’espèce. Ainsi, cette décision faisait suite à un réexamen de mesures arrivant à expiration et des mesures étaient en vigueur à l’encontre de différents pays depuis de nombreuses années, ce qui implique que l’industrie communautaire bénéficiait, de longue date, d’une protection sur le marché. Tel n’était pas le cas en l’espèce. En outre, dans la décision 2001/230, pour conclure qu’il n’était pas opportun d’adopter des mesures antidumping, la Commission s’était fondée sur le fait que, malgré la protection de longue date, la situation de l’industrie communautaire ne s’était pas améliorée. Les conditions prévalant sur le marché communautaire du ferrosilicium, tel qu’examiné dans la décision 2001/230, étaient donc fondamentalement différentes de celles de l’espèce.

243    Partant, dans la mesure où aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que les considérants 117 et 118 du règlement attaqué sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

3.     Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’analyse de l’impact des mesures antidumping sur les utilisateurs

a)     Arguments des parties

244    En premier lieu, les requérantes avancent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que l’impact des mesures antidumping sur les utilisateurs serait insignifiant. Premièrement, le Conseil se serait borné à mentionner, au considérant 115 du règlement attaqué, l’impact sur le bénéfice, en pourcentage. Cela serait trompeur, dès lors que, avec un taux moyen d’imposition de 23,4 %, les industries utilisatrices devraient supporter un surcoût direct d’environ 104 millions d’euros annuels. En outre, les mesures antidumping engendreraient des coûts indirects supplémentaires pour les utilisateurs communautaires liés à des ruptures d’approvisionnement et à des hausses à court et à moyen terme des prix du ferrosilicium.

245    Deuxièmement, les requérantes font observer que le Conseil a omis de tenir compte du fait que, pendant la période considérée, les utilisateurs communautaires étaient toujours plus dépendants des importations pour satisfaire leurs besoins en ferrosilicium, dans la mesure où les producteurs communautaires n’étaient ni en mesure ni désireux de satisfaire ces besoins. De surcroît, les difficultés d’approvisionnement auraient continué à s’aggraver après la période considérée, dès lors que Vargön Alloys avait décidé de mettre un terme à sa production de ferrosilicium, qu’OFZ avait décidé de se concentrer sur la production captive destinée à ArcelorMittal, que TDR avait décidé de réorienter sa production vers le silicium et que Huta Laziska avait dû continuer son exploitation sous contrôle judiciaire, sans certitude quant à son approvisionnement en électricité.

246    En deuxième lieu, les requérantes estiment que, pour que le principe de proportionnalité soit respecté, les coûts élevés supportés par les utilisateurs doivent être mis en balance avec le bénéfice procuré à l’industrie communautaire. Or, eu égard aux procédures antidumping antérieures et à l’évolution des conditions du marché, l’intérêt de la Communauté aurait voulu qu’aucun droit ne fût imposé.

247    En troisième lieu, les requérantes affirment, dans la réplique, que le Conseil n’a pas motivé de façon adéquate la décision de ne pas prendre en compte les charges découlant des ruptures de production pour les utilisateurs communautaires.

248    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

249    Dans le cadre de la présente branche du deuxième moyen, les requérantes contestent, en substance, le fait que les mesures antidumping auraient une influence peu importante sur les utilisateurs. Comme les deux branches précédentes, la présente branche doit être analysée à la lumière de la jurisprudence citée au point 227 ci-dessus.

250    En premier lieu, les requérantes estiment que le considérant 115 du règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, il convient de préciser que le Conseil a affirmé audit considérant que, compte tenu du fait que le taux de droit définitif moyen était de 23,4 %, l’incidence des mesures sur le secteur sidérurgique et sur les fonderies ne devrait pas être importante, étant donné que l’effet sur leurs résultats financiers serait au maximum, respectivement, de 0,16 et de 0,33 %.

251    Premièrement, les requérantes affirment que ce considérant est trompeur, dès lors que les utilisateurs de ferrosilicium devraient supporter un surcoût direct d’environ 104 millions d’euros annuels. Néanmoins, il convient de remarquer que les requérantes ne prétendent pas que les chiffres avancés par le Conseil, audit considérant, s’agissant de l’effet sur les résultats financiers des utilisateurs, sont erronés. Elles se contentent d’avancer un chiffre correspondant au surcoût absolu supporté par les utilisateurs, mais n’expliquent pas pourquoi ce chiffre serait plus fiable ou plus révélateur que les chiffres avancés par le Conseil.

252    Deuxièmement, s’agissant des coûts indirects que les utilisateurs devront supporter, les requérantes n’avancent aucun élément de preuve au soutien de l’allégation selon laquelle les utilisateurs de ferrosilicium devraient faire face à des ruptures d’approvisionnement. De surcroît, il importe de relever, à l’instar du Conseil, qu’il s’agit d’une allégation purement spéculative dès lors que l’imposition de mesures antidumping n’empêcherait pas la commercialisation du ferrosilicium en provenance des pays visés par la procédure d’enquête, mais empêcherait uniquement les exportateurs de la faire à un prix de dumping.

253    Troisièmement, s’agissant de l’allégation des requérantes selon laquelle les producteurs communautaires n’étaient ni désireux ni en mesure de satisfaire les besoins des utilisateurs pendant la période considérée, il importe de relever que les requérantes se fondent, au soutien de cette allégation, sur deux documents soumis à la Commission par la European Confederation of Iron and Steel Industries (Eurofer, Confédération européenne des industries du fer et de l’acier) dans le cadre de la procédure d’enquête. Dès lors que ces documents ne contiennent eux-mêmes que de simples allégations d’une autre partie intéressée, ils n’ont aucune valeur probante. Les requérantes se fondent également sur un article paru dans la presse spécialisée qui fait état de ce que Vargön Alloys a décidé de réorienter sa production de ferrosilicium vers la production de ferrochrome. Ce document n’est pas suffisant pour démontrer que les producteurs communautaires, dans leur ensemble, n’étaient ni désireux ni en mesure de fournir du ferrosilicium aux utilisateurs communautaires.

254    Il s’ensuit qu’aucun des arguments soulevés par les requérantes n’est de nature à démontrer que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, notamment au considérant 115 du règlement attaqué, que les mesures antidumping auraient une influence peu importante sur les utilisateurs.

255    En deuxième lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du principe de proportionnalité, il suffit de constater que ledit grief reprend en substance les arguments avancés au soutien des première et deuxième branches du deuxième moyen. Ces arguments ayant été considérés comme non fondés, il convient de la même façon de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

256    En troisième lieu, s’agissant de la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne les ruptures d’approvisionnement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’autorité de l’Union, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T‑48/96, Rec. p. II‑3089, point 141). En revanche, les institutions ne sont pas tenues de répondre, dans la motivation du règlement provisoire ou définitif, à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 94).

257    Dans ce contexte, il y a lieu d’observer que la Commission a procédé, aux considérants 159 à 166 du règlement provisoire, à une analyse claire et non équivoque des conséquences des mesures antidumping pour les utilisateurs communautaires de ferrosilicium. De même, le Conseil a effectué, aux considérants 113 à 116 du règlement attaqué, un examen, certes plus concis, mais non moins clair, de l’impact de l’institution de droits antidumping sur lesdits utilisateurs. Dès lors, compte tenu du fait que les institutions ne sont pas tenues de répondre à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative, les requérantes ne sauraient reprocher aux institutions aucune violation de l’obligation de motivation.

258    Il convient donc de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

259    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

C –  Sur le troisième moyen, relatif au défaut de coopération, à l’utilisation des données disponibles et à l’octroi du SEM

1.     Sur la première branche du troisième moyen, relative au défaut de coopération

a)     Arguments des parties

260    Les requérantes font valoir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base (devenu article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1225/2009), l’article 6.8 de l’accord antidumping ainsi que les paragraphes 3 et 5 de l’annexe II dudit accord, dès lors qu’il a considéré qu’elles avaient refusé de coopérer, qu’il a, de ce fait, rejeté leur demande d’octroi du SEM et qu’il s’est fondé sur les données disponibles pour calculer les marges de dumping et le préjudice.

261    En premier lieu, les requérantes expliquent qu’elles ont coopéré à l’enquête antidumping. Leur coopération serait démontrée par les observations qu’elles auraient déposées dans le cadre de la procédure antidumping. Les documents contenant ces observations auraient été plus nombreux que ce qui serait normalement exigé dans le cadre d’une telle procédure.

262    En deuxième lieu, les requérantes avancent que, s’il est exact que, du fait de circonstances exceptionnelles et indépendantes de leur volonté, elles n’ont pas pu accueillir la visite de vérification, cette situation ne constitue pas un refus de coopération au sens du règlement de base, dès lors que, la vérification mise à part, tout aurait été mis en œuvre pour coopérer pleinement à l’enquête. Les requérantes précisent, à cet égard, qu’elles avaient prévu d’accueillir ladite visite, mais que cette dernière avait dû être annulée six jours seulement avant qu’elle n’ait débuté. Elles expliquent qu’elles ne disposaient pas du personnel nécessaire pour cette visite, ledit personnel travaillant à la préparation d’une introduction de plusieurs millions d’euros à la bourse de Londres ainsi qu’à l’enquête antidumping concernant le silicomanganèse. Étant donné la somme extraordinaire de travail à fournir pour assurer une pleine coopération dans une seule enquête antidumping et la nécessité d’un investissement massif en personnel dans la préparation de l’introduction en bourse, les requérantes auraient été contraintes de choisir entre la poursuite de la pleine coopération à l’enquête antidumping concernant le silicomanganèse, qui était déjà à un stade avancé, et la poursuite de la pleine coopération à l’enquête concernant le ferrosilicium. Or, l’enquête concernant le silicomanganèse aurait nécessité moins d’efforts, la visite de vérification ayant déjà eu lieu, et aurait représenté une issue commerciale plus significative, les requérantes ayant réduit leur production de ferrosilicium et non celle de silicomanganèse. C’est pourquoi, elles auraient informé la Commission qu’elles continueraient à coopérer à l’enquête concernant le ferrosilicium, mais qu’elles ne seraient pas aussi actives que dans l’enquête concernant le silicomanganèse.

263    En troisième lieu, les requérantes avancent qu’une visite de vérification n’était pas requise. Premièrement, elles relèvent que plusieurs groupes spéciaux de l’OMC ont donné des précisions sur l’interprétation de l’article 6.8 de l’accord antidumping et des paragraphes 3 et 5 de l’annexe II de ce même accord, que l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base met en œuvre, en vertu du considérant 5 de ce règlement. Ainsi, dans le différend « États-Unis – Tôles en acier » (WT/DS206/R), le groupe spécial aurait indiqué que les renseignements devaient être vérifiables, mais que les autorités chargées de l’enquête ne pouvaient choisir d’écarter les renseignements qui leur avaient été fournis au seul motif que ceux-ci n’avaient pas été vérifiés sur place. Cette affirmation aurait été confirmée par le groupe spécial dans le différend « CE – Saumon (Norvège) » (WT/DS337/R), qui aurait ajouté qu’il était admis dans l’accord antidumping que les enquêtes sur place n’étaient pas la seule façon de constater que les renseignements étaient vérifiables. Deuxièmement, selon les requérantes, si les parties qui coopèrent soumettent des informations qui ne peuvent être vérifiées sur place, la Commission peut rejeter les informations en question si d’autres sources mettent en cause l’exactitude desdites informations. C’est pour cette raison que les requérantes auraient suggéré que la Commission vérifie les données fournies au moyen des autres informations disponibles. En effet, les requérantes expliquent qu’elles étaient sûres que les informations fournies ne seraient pas mises en cause et que rien ne justifierait donc que les institutions de l’Union n’utilisent pas ces informations pour tirer leurs conclusions.

264    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

265    Dans le cadre de la présente branche du troisième moyen, il convient de déterminer si les institutions ont violé le règlement de base et l’accord antidumping en fondant leurs conclusions sur les données disponibles, en raison de la décision des requérantes de renoncer à accueillir la visite de vérification prévue par les services de la Commission, étant entendu qu’elles ont participé de façon active au reste de la procédure d’enquête et que les données fournies par les requérantes étaient vérifiables autrement que par le biais d’une visite de vérification.

266    Le désaccord entre les parties porte, en substance, sur l’interprétation de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base, qui transpose en droit de l’Union l’article 6.8 de l’accord antidumping ainsi que les paragraphes 3 et 5 de l’annexe II de ce même accord. En particulier, il convient de déterminer si, en vertu de cette disposition, le refus d’accueillir une visite de vérification justifie le recours aux données disponibles. Pour répondre à cette question, il y a lieu de tenir compte, d’une part, des termes de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de sa finalité et, d’autre part, de l’économie dudit règlement.

267    En premier lieu, il convient de remarquer que l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base est formulé de telle sorte que les institutions sont en droit d’utiliser les données disponibles lorsqu’une partie intéressée a fait obstacle à une visite de vérification prévue par les services de la Commission.

268    En effet, l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base concerne l’utilisation des données disponibles par les institutions, au détriment des données propres à une ou à plusieurs parties intéressées. Si l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base définit les cas dans lesquels les données disponibles peuvent être utilisées, l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement décrit les cas dans lesquels les données disponibles ne doivent pas nécessairement être utilisées. En vertu de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, la possibilité de recourir aux données disponibles existe dans quatre cas de figure : lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires, lorsqu’elle ne les fournit pas dans les délais prévus, lorsqu’elle fait obstacle de façon significative à l’enquête ou lorsqu’elle fournit un renseignement faux ou trompeur. L’article 18, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que, lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

269    Il s’ensuit que l’article 18 du règlement de base vise, en ses paragraphes 1 et 3, des situations différentes. Ainsi, alors que l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base décrit, de façon générale, des cas dans lesquels les informations qui sont nécessaires aux institutions, aux fins de l’enquête, n’ont pas été fournies, l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base envisage les cas dans lesquels les données nécessaires, aux fins de l’enquête, ont été fournies, mais ne sont pas les meilleures à tous égards.

270    Le Tribunal est d’avis que l’annulation d’une visite de vérification par une partie intéressée doit être envisagée non au regard du paragraphe 3 de l’article 18 du règlement de base, mais au regard de son paragraphe 1. En effet, d’une part, il y a lieu de considérer qu’une telle annulation entre dans le champ d’application de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement. Certes, elle ne peut être considérée comme couverte par les trois derniers cas de figure envisagés par cette disposition, tels que décrits au point 268 ci-dessus. Ainsi, de toute évidence, par une annulation telle que celle dont il est question en l’espèce, une partie intéressée n’omet pas de fournir des informations dans les délais prévus et ne fournit aucun renseignement faux ou trompeur. De même, en l’espèce, au vu des circonstances entourant l’annulation de la visite de vérification, il ne saurait être affirmé que les requérantes ont fait obstacle de façon significative à l’enquête. Cependant, bien que l’annulation d’une visite de vérification, telle que celle dont il est question en l’espèce, ne soit pas visée par les trois derniers cas de figure de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, elle doit être considérée, hormis cas de force majeure, comme un refus d’accès à des informations que la Commission a jugées nécessaires, au sens du premier cas de figure décrit par cette disposition. En l’espèce, les raisons avancées par les requérantes pour justifier l’annulation de la visite ne sauraient constituer un tel cas de force majeure.

271    D’autre part, contrairement à ce que suggèrent les requérantes, l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base ne peut être utilisé pour contourner l’obligation d’accueillir une visite de vérification lorsqu’une telle visite a été considérée comme nécessaire par les services de la Commission. Certes, une visite de vérification a pour objet de corroborer les données fournies par une partie intéressée dans le cadre de la procédure d’enquête et il se peut que ces données puissent être vérifiées par des moyens autres qu’une visite dans les locaux de la partie intéressée. Néanmoins, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, l’usage des données disponibles n’est écarté, en présence d’informations qui ne sont pas les meilleures à tous égards, que si la partie intéressée a agi au mieux de ses possibilités. Or, dans l’hypothèse d’un refus d’accueillir une visite de vérification, une partie ne peut être considérée comme ayant agi de la sorte.

272    En deuxième lieu, la finalité de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base est telle qu’elle confirme que le refus d’accueillir une visite de vérification justifie l’utilisation des données disponibles. Ainsi, en ce qui concerne l’objectif de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dès lors que le règlement de base ne confère à la Commission aucun pouvoir d’enquête lui permettant de contraindre les producteurs ou exportateurs visés par une plainte à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, le Conseil et la Commission dépendent de la coopération volontaire des parties intéressées pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis. Dans ce contexte, les réponses de ces parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base (article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009), ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement (devenu article 16 du règlement n° 1225/2009), sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping. Le risque que, en cas de défaut de coopération des entreprises visées par l’enquête, les institutions prennent en compte des données autres que celles fournies en réponse au questionnaire est inhérent à la procédure antidumping et vise à encourager la coopération loyale et diligente de ces entreprises (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 65). L’article 18, paragraphe 3, du règlement de base vise, quant à lui, à faire en sorte que les institutions n’écartent pas abusivement des données qui, si elles ne sont pas parfaites, sont néanmoins utilisables et contrôlables.

273    Le recours aux données disponibles lorsqu’une partie intéressée refuse d’accueillir une visite de vérification est conforme à ces objectifs. En effet, un tel refus contrevient à l’objectif de coopération loyale et diligente dont l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base cherche à assurer le respect. Qui plus est, dans ces circonstances, aucune mise à l’écart abusive de données ne saurait être reprochée aux institutions, ce qui signifie que les données qui n’ont pas été vérifiées dans le cadre d’une vérification sur place ne doivent pas nécessairement être vérifiées par d’autres moyens, mais peuvent être ignorées.

274    En troisième lieu, la possibilité de recourir aux données disponibles lorsqu’une partie intéressée a refusé d’accueillir la visite de vérification est confirmée par une analyse de l’économie du règlement de base. À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 8, du règlement n° 1225/2009), dans le cadre de l’enquête sur le dumping et le préjudice qu’elle est tenue de mener, la Commission doit vérifier, dans la mesure du possible, l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées, sauf dans les circonstances prévues à l’article 18 dudit règlement. En outre, aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009), lorsqu’elle l’estime opportun, la Commission effectue des visites afin d’examiner les livres des importateurs, des exportateurs, des opérateurs commerciaux, des agents, des producteurs, des associations et des organisations professionnelles et de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice.

275    Il s’ensuit, d’une part, que c’est aux institutions de décider si, aux fins de la vérification des informations fournies par une partie intéressée, elles estiment qu’il est nécessaire de corroborer ces informations par le biais d’une visite de vérification dans les locaux de cette partie et, d’autre part, que, dans l’hypothèse où une partie intéressée fait obstacle à la vérification des données qu’elle a fournies, l’article 18 du règlement de base trouve à s’appliquer et les données disponibles peuvent être utilisées.

276    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base autorise les institutions à faire usage des données disponibles lorsqu’une partie intéressée a fait obstacle à la visite de vérification et que l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement n’impose aucune obligation pour les institutions de vérifier les données fournies par une partie intéressée, qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle sur place, par référence à d’autres sources d’information disponibles.

277    Cette conclusion n’est infirmée ni par le rapport du groupe spécial de l’OMC, adopté le 29 juillet 2002, dans le différend « États-Unis – Tôles en acier » (WT/DS206/R), ni par celui adopté le 15 janvier 2008, dans le différend « CE – Saumon (Norvège) ».

278    En effet, dans aucun de ces deux rapports, la question du traitement, par les institutions, d’un refus qui leur est opposé, par une partie intéressée, d’accueillir une visite de vérification n’est abordée. Ainsi, dans le passage du rapport relatif au différend « États-Unis – Tôles en acier », cité par les requérantes dans leurs écritures, le groupe spécial a objecté à l’affirmation des États-Unis, selon laquelle certains renseignements avaient été rejetés dans le cadre de la procédure d’enquête, car ils ne satisfaisaient pas aux critères du paragraphe 3 de l’annexe II de l’accord antidumping. Dans ce contexte, il a défini la notion de renseignements vérifiables. De même, le passage du rapport du groupe spécial dans le différend « CE – Saumon (Norvège) » sur lequel les requérantes se fondent dans leurs écritures, concernait la question de savoir si des renseignements soumis après la visite de vérification pouvaient être considérés comme vérifiables.

279    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que, compte tenu de la décision des requérantes de renoncer à accueillir la visite de vérification prévue par les services de la Commission, le Conseil a pu légalement et sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation avoir recours aux données disponibles.

280    Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme étant non fondée.

2.     Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative à l’utilisation des données disponibles sans tenir compte des données vérifiables

a)     Arguments des parties

281    Les requérantes soutiennent que le Conseil a violé l’article 18, paragraphe 5, du règlement de base (devenu article 18, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009), l’article 6.8 ainsi que les paragraphes 3 et 5 de l’annexe II de l’accord antidumping, dès lors qu’il aurait omis d’examiner les renseignements vérifiables qui lui avaient été fournis, de manière exhaustive et dans les délais. En effet, les institutions auraient été tenues de vérifier leurs conclusions par référence aux renseignements que les requérantes avaient fournis, en leur qualité de partie concernée, et en les confrontant avec d’autres renseignements disponibles. Cela serait confirmé par le rapport du groupe spécial de l’OMC, adopté le 20 décembre 2005, dans le différend « Mexique – Mesures antidumping visant le riz » (WT/DS295/R).

282    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

283    Les requérantes affirment, dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, que les institutions auraient dû vérifier leurs conclusions par référence aux renseignements qu’elles avaient fournis.

284    À cet égard, il convient de relever qu’il est exact, au regard de l’article 18, paragraphe 5, du règlement de base, que lorsque les institutions font usage des données disponibles, elles sont tenues, dans la mesure du possible, de les vérifier par référence à d’autres sources indépendantes ou par référence aux renseignements obtenus d’autres parties concernées au cours de l’enquête.

285    Néanmoins, en l’espèce, il importe de constater, à l’instar du Conseil, que les requérantes ne précisent pas quelles conclusions auraient été remises en cause si les données disponibles avaient été vérifiées par référence à des renseignements fournis par elles. Elles ne précisent pas non plus quels renseignements auraient permis de remettre en cause lesdites conclusions.

286    Il s’ensuit, eu égard à la jurisprudence citée au point 212 ci-dessus, qu’il y a lieu de rejeter la présente branche du troisième moyen comme étant irrecevable.

3.     Sur la troisième branche du troisième moyen, relative au rejet de la demande d’octroi du SEM

a)     Arguments des parties

287    En premier lieu, les requérantes soutiennent que les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, dès lors que ces dernières auraient imposé une condition supplémentaire non prévue par cette disposition et négligé des renseignements importants au seul motif que des événements indépendants de leur volonté les auraient empêchées d’accueillir une visite de vérification.

288    Ainsi, premièrement, contrairement à ce que laisseraient entendre les institutions aux considérants 10 et 25 du règlement provisoire, l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base n’imposerait pas que les demandes d’octroi du SEM donnent lieu à une visite de vérification sur place. Cela résulterait également de la pratique des institutions qui, lorsque la vérification de certains renseignements sur place n’est pas possible, se fonderaient sur une analyse documentaire. Tel aurait été le cas dans le cadre des enquêtes antidumping ayant donné lieu au règlement (CE) n° 1212/2005 du Conseil, du 25 juillet 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines pièces de voirie en fonte originaires de la République populaire de Chine (JO L 199, p. 1) ainsi qu’au règlement (CE) n° 426/2005 de la Commission, du 15 mars 2005, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains tissus finis pour vêtements en filaments de polyester originaires de la République populaire de Chine (JO L 69, p. 6).

289    Deuxièmement, selon les requérantes, les institutions disposaient de renseignements substantiels sur leur fonctionnement, dès lors que, dans le cadre de l’enquête antidumping concernant le silicomanganèse, la Commission aurait confirmé qu’elles opéraient dans les conditions d’une économie de marché et qu’elles pouvaient se voir octroyer le SEM.

290    En second lieu, les requérantes affirment que les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, dès lors qu’elles n’auraient été informées du rejet de leur demande d’octroi du SEM que le 5 juillet 2007, soit sept mois après l’ouverture de l’enquête. De l’avis des requérantes, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base exige que la détermination intervienne dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, ce qu’aurait confirmé le Tribunal. En outre, les requérantes indiquent que, si la Commission avait agi dans le délai requis de trois mois, elles auraient pu accueillir la visite de vérification, dans la mesure où celle-ci n’aurait pas coïncidé avec l’introduction en bourse.

291    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

292    En premier lieu, les requérantes affirment que, en rejetant la demande d’octroi du SEM, parce que aucune visite de vérification n’avait été effectuée, les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, dès lors, d’une part, qu’aucune visite de vérification ne serait requise en application de cette disposition et, d’autre part, que les institutions auraient disposé de renseignements substantiels concernant leur fonctionnement, obtenus dans le cadre de la procédure antidumping concernant le silicomanganèse.

293    Premièrement, s’agissant de l’argument tiré du fait que l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base n’exige pas qu’une visite de vérification soit conduite, il a déjà été fait référence, au point 274 ci-dessus, à l’article 6, paragraphe 8, et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base.

294    En vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base, la Commission est tenue de vérifier, dans la mesure du possible, l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées. Dès lors que l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base ne contient aucune limitation de la portée de l’obligation de vérification des données utilisées pour fonder les conclusions des institutions, une telle obligation s’étend aux informations fournies par une partie intéressée dans le cadre d’une demande d’octroi du SEM.

295    De surcroît, aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission peut, aux fins de l’obligation de vérification, effectuer des visites dans les locaux des parties intéressées, lorsqu’elle l’estime opportun. Cette disposition ne contient aucune limitation de la possibilité d’effectuer de telles visites, en fonction des renseignements que la Commission cherche à corroborer. Il s’ensuit que l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base autorise la Commission à effectuer une visite dans les locaux d’un producteur-exportateur afin de traiter sa demande d’octroi du SEM et de s’assurer de l’exactitude des renseignements qui y sont fournis, si elle l’estime nécessaire.

296    Partant, le fait que l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base ne requiert pas qu’une visite de vérification soit effectuée dans les locaux du producteur-exportateur ayant demandé le SEM ne signifie pas qu’une telle visite ne peut avoir lieu. De même, il ne saurait être considéré que l’organisation d’une visite de vérification, dans le cadre du traitement d’une demande d’octroi du SEM, impose une condition supplémentaire à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base.

297    Cette conclusion ne saurait être mise en cause par les précédents cités par les requérantes, dans le cadre desquels la Commission, alors qu’elle examinait des demandes d’octroi du SEM, n’a pas effectué de visite de vérification et s’est contentée d’une analyse documentaire.

298    En effet, tout d’abord, comme il a été relevé au point 295 ci-dessus, il appartient aux institutions d’évaluer l’opportunité d’une visite de vérification. Dès lors, si une telle visite peut être inopportune dans une enquête antidumping, cela ne signifie pas qu’elle ne sera pas nécessaire dans une autre.

299    Ensuite, les précédents cités par les requérantes ne sont pas comparables à la situation de l’espèce. Tant dans le règlement n° 1212/2005 que dans le règlement n° 426/2005, les institutions ont eu recours à la technique de l’échantillonnage, au sens de l’article 17 du règlement de base (devenu article 17 du règlement n° 1225/2009), compte tenu du grand nombre de producteurs-exportateurs concernés et ayant formulé une demande d’octroi du SEM. Dans ce contexte, les institutions ont effectué une visite de vérification uniquement dans les locaux des producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon. Pour les autres producteurs-exportateurs, les institutions se sont contentées d’une analyse documentaire.

300    Deuxièmement, s’agissant de l’argument tiré du fait que les institutions disposaient de renseignements concernant la situation des requérantes, obtenus dans le cadre de la procédure antidumping concernant le silicomanganèse, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, pour que le SEM soit octroyé, il convient d’établir, sur la base d’une requête documentée présentée par un producteur faisant l’objet de l’enquête, que les conditions d’une économie de marché prévalent, pour ce producteur, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Il s’ensuit que les conclusions tirées par les institutions dans le cadre d’une enquête concernant un produit particulier ne peuvent être étendues à un autre produit. À cet égard, il convient d’observer, à l’instar du Conseil, que si une enquête permet d’établir qu’une société satisfait aux critères requis pour obtenir le SEM pour un produit particulier, cela ne signifie pas automatiquement qu’elle satisfait également à ces critères pour un autre produit, dans la mesure où, par exemple, il se peut que l’État possède un intérêt stratégique dans un produit et intervienne dans les décisions concernant son prix, ses coûts et ses intrants.

301    Partant, les données obtenues dans le cadre du traitement des demandes d’octroi du SEM formulées dans l’enquête concernant le silicomanganèse ne sauraient être utilisées pour traiter les mêmes demandes formulées dans l’enquête concernant le ferrosilicium.

302    En second lieu, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, cette disposition prévoit, comme le soulignent les requérantes, que la question de savoir si les conditions de marché prévalent, pour un producteur, doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête. En l’espèce, l’avis d’ouverture de la procédure d’enquête a été publié au Journal officiel le 30 novembre 2006. Le délai de trois mois expirait donc le 28 février 2007. Or, les requérantes ont reçu une réponse à leur demande d’octroi du SEM le 5 juillet 2007, soit plus de six mois après l’ouverture de l’enquête. Par conséquent, il convient de relever, à l’instar des requérantes, que le délai fixé par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base a été dépassé.

303    Néanmoins, une telle irrégularité n’est susceptible d’affecter la légalité du règlement attaqué que si les requérantes démontrent que, si elle avait été formulée dans les délais, la réponse à la demande d’octroi du SEM aurait pu être différente. Or, l’affirmation des requérantes selon laquelle, si la Commission avait agi de façon à s’assurer que le délai de trois mois soit respecté, elles auraient pu accueillir la visite de vérification, n’est étayée par aucun élément de preuve. Ainsi, lors de l’audience, les requérantes ont affirmé qu’elles auraient été en mesure d’accueillir la visite de vérification – qui devait avoir lieu entre le 21 février et le 2 mars 2007 – si elle avait été organisée en janvier 2007, dès lors que l’introduction en bourse n’avait nécessité un surcroît de travail qu’à compter de la fin de février 2007. Les requérantes n’ont produit aucun document au soutien de cette affirmation. Au contraire, dans leur lettre datée du 14 février 2007 et dans leurs écritures, elles ont expliqué que, en février 2007, les préparations pour l’introduction en bourse avaient commencé depuis déjà plusieurs mois.

304    En outre, dès lors que tant l’introduction en bourse que l’enquête sur le silicomangènese avaient vraisemblablement mobilisé le personnel des requérantes sur une période relativement longue, il est peu probable que ces dernières auraient été en mesure d’accueillir la visite de vérification, même si elle avait eu lieu plus tôt, étant précisé que la demande d’octroi du SEM n’a été introduite que le 15 décembre 2006.

305    Dans ces circonstances, il convient de constater que les requérantes ne démontrent pas que l’irrégularité constatée au regard de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base est susceptible de justifier l’annulation du règlement attaqué.

306    Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du troisième moyen.

D –  Sur le quatrième moyen, relatif aux droits de la défense des requérantes

1.     Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, en ce que les institutions auraient omis de leur fournir un résumé significatif, cohérent et en temps utile du dossier confidentiel

a)     Arguments des parties

307    Les requérantes soutiennent que leurs droits de la défense ont été violés, dès lors que la qualité des informations non confidentielles qui ont été mises à leur disposition ainsi que le moment où ces informations leur ont été fournies auraient sérieusement affecté leur capacité à répondre à l’allégation selon laquelle un préjudice important avait été causé par les importations litigieuses.

308    Ainsi, en premier lieu, elles avancent que les données non confidentielles communiquées par les producteurs communautaires, sous forme de données indexées, étaient insuffisantes. Premièrement, celles-ci n’auraient pas été suffisamment détaillées pour leur permettre de comprendre la substance des informations communiquées à titre confidentiel. À cet égard, les requérantes précisent que, dans leur grande majorité, les données non confidentielles indexées n’étaient accompagnées d’aucun texte explicatif, de sorte qu’elles auraient été empêchées d’exercer utilement leurs droits de la défense. Deuxièmement, selon les requérantes, ces données ne contenaient pas d’information concernant tous les indicateurs de préjudice. Ainsi, par exemple, les informations relatives aux exportations ainsi qu’aux ventes aux sociétés liées auraient fait défaut.

309    En deuxième lieu, les requérantes estiment que les résumés des données indexées auraient dû figurer au dossier non confidentiel dès janvier 2007 alors qu’elles y auraient été versées le jour de la publication du règlement provisoire, à savoir le 28 août 2007. Concrètement, cela signifierait que les requérantes auraient perdu neuf mois au cours desquels elles auraient pu examiner ces données et n’auraient donc pu revenir qu’à un stade très avancé de la procédure sur une part substantielle de ce qu’elles avaient déjà présenté. Plus précisément, elles n’auraient pu résoudre des questions en suspens et obtenir certaines informations pertinentes avant la date limite de dépôt des observations sur le document d’information provisoire.

310    En troisième lieu, les requérantes expliquent que les résumés des données indexées versés au dossier non confidentiel le 28 août 2007 contredisent des données non confidentielles antérieures, ce qui signifierait que, vérification faite, il est apparu que les données fournies étaient inexactes. De surcroît, les requérantes indiquent, dans la réplique, que ces données présentaient de nombreuses anomalies, notamment s’agissant des données relatives à FerroAtlántica et à FerroPem.

311    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

312    C’est à la lumière de l’article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1225/2009) ainsi que de la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus qu’il convient de déterminer si les droits de la défense des requérantes ont effectivement été violés du fait de la mauvaise qualité de la version non confidentielle des résumés des données fournies individuellement par les producteurs communautaires en ce qui concerne l’évolution de leur situation économique et du fait du moment auquel celle-ci a été versée au dossier non confidentiel.

313    En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de l’insuffisance de la version non confidentielle desdits résumés du fait, premièrement, de l’absence de texte explicatif, il convient de relever que lesdits résumés consistent en des tableaux détaillant, producteur communautaire par producteur communautaire et année par année, entre 2003 et la période d’enquête, l’évolution de 19 facteurs de préjudice différents. S’il est exact que les données figurant dans ces tableaux sont présentées sous forme d’indexe, elles permettent de comprendre raisonnablement la façon dont la situation des différents producteurs a évolué. Aucun texte explicatif n’est nécessaire pour comprendre ces évolutions et les requérantes étaient en mesure de faire connaître utilement leur point de vue sur lesdites évolutions.

314    Par ailleurs, bien que les requérantes prétendent, dans leurs écritures, que, en l’absence de texte explicatif, elles étaient contraintes d’essayer de deviner la situation réelle des producteurs communautaires, de sorte qu’elles n’auraient pas pu exercer utilement leurs droits de la défense, il ressort de leurs observations sur le document d’information provisoire qu’elles objectent en réalité à l’absence d’explications concernant les causes des tendances observées pour chaque producteur communautaire. Or, les institutions n’étaient pas tenues de demander aux producteurs communautaires de fournir de telles explications, dès lors qu’il n’incombe pas auxdits producteurs de procéder à une analyse de non-imputation, en application de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 7, du règlement n° 1225/2009). En revanche, une telle analyse devait être réalisée par les institutions, aux fins des déterminations provisoire et définitive. En d’autres termes, une telle explication n’était pas à rechercher dans la version non confidentielle des données fournies par les producteurs communautaires, mais dans l’analyse produite par les institutions.

315    Or, ainsi que cela ressort des points 193 à 203 ci-dessus, les institutions ont analysé les raisons sous-tendant certaines tendances particulières de producteurs communautaires. Cette analyse figurant aussi bien dans le règlement provisoire que dans les documents d’information provisoire et finale, les requérantes étaient en mesure de formuler leurs observations à son égard, ce qu’elles n’ont au demeurant pas manqué de faire. Ainsi, par exemple, dans la subdivision de leurs observations sur le document d’information provisoire dans laquelle les requérantes affirment la nécessité d’assortir la version non confidentielle des données relatives à l’évolution de la situation économique individuelle des producteurs communautaires de notes explicatives, elles ont avancé un certain nombre d’arguments concernant les raisons des tendances observées pour chaque producteur communautaire.

316    Dès lors, il y a lieu de constater que les requérantes ont exercé leurs droits de la défense et qu’aucune violation de ces droits ne saurait être reprochée aux institutions du fait de l’absence de notes explicatives accompagnant les données indexées des producteurs communautaires, dans la version non confidentielle du dossier de procédure.

317    Deuxièmement, s’agissant de l’argument relatif à l’absence de données concernant certains indicateurs de préjudice, il convient d’observer que les requérantes font référence aux données relatives aux exportations ainsi qu’aux ventes aux sociétés liées. Or, d’une part, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, les tableaux résumant les données des producteurs communautaires contiennent des données relatives aux exportations. D’autre part, en ce qui concerne les données relatives aux ventes aux sociétés liées, le Conseil explique, dans ses écritures, que, si ces données ne figuraient pas dans les tableaux résumant les indicateurs de préjudice relatifs aux producteurs communautaires, elles figuraient en revanche dans une autre partie du dossier non confidentiel qui a été consulté par les requérantes à plusieurs reprises. En réponse à une demande de production de documents adoptée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, ces données ont été produites par le Conseil, telles qu’elles figuraient au dossier non confidentiel de la procédure.

318    Eu égard à ce qui précède, l’argument relatif à l’absence de données concernant certains indicateurs de préjudice doit être rejeté comme étant non fondé.

319    En deuxième lieu, s’agissant du moment auquel les données non confidentielles relatives aux producteurs communautaires ont été communiquées aux requérantes, force est de constater qu’elles ont été versées au dossier non confidentiel de la procédure le 28 août 2007 et que le règlement attaqué n’a été adopté que le 25 février 2008. Certes, les requérantes n’ont pas pu faire connaître leur point de vue sur ces données avant l’adoption du règlement provisoire. Néanmoins, selon la jurisprudence, à supposer que le principe du respect des droits de la défense exige que les producteurs-exportateurs soient informés des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé d’instituer des droits provisoires, le non-respect de ces droits ne saurait, en tant que tel, avoir pour effet de vicier le règlement instituant les droits définitifs, dès lors que, au cours de la procédure d’adoption de ce dernier règlement, il a été remédié au vice ayant entaché la procédure d’adoption du règlement correspondant instituant les droits provisoires (arrêt de la Cour du 3 mai 2001, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil et Commission, C‑76/98 P et C‑77/98 P, Rec. p. I‑3223, point 67).

320    Dès lors que les requérantes disposaient de plusieurs mois, avant l’adoption du règlement attaqué, pour faire connaître leur point de vue sur ces données, il ne saurait être considéré que leurs droits de la défense ont été violés à la suite de l’inclusion tardive desdites données au dossier de la procédure.

321    En troisième lieu, s’agissant des incohérences et des anomalies affectant ces données, les requérantes ne sauraient confondre le non-respect de leurs droits de la défense avec l’existence d’erreurs matérielles susceptibles d’affecter la légalité du règlement attaqué. En effet, la circonstance que les requérantes estiment que les données relatives aux producteurs communautaires sont incohérentes et entachées d’anomalies ne démontre pas pour autant que la Commission a violé les droits de la défense des requérantes.

322    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen comme étant non fondée.

2.     Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, en ce que les institutions auraient omis de réagir à des anomalies figurant dans le dossier non confidentiel

a)     Arguments des parties

323    Les requérantes affirment que la présence d’anomalies dans le dossier non confidentiel, auxquelles les institutions n’auraient pas réagi malgré des demandes en ce sens, a considérablement amoindri la valeur des informations disponibles dans ledit dossier, portant ainsi sérieusement atteinte à leur faculté d’exercer leurs droits de la défense. Ainsi, premièrement, ni le dossier non confidentiel ni le document d’information finale n’indiqueraient la raison pour laquelle OFZ a réduit sa masse salariale de moitié entre 2003 et 2004. Deuxièmement, ni le dossier non confidentiel ni le document d’information finale n’expliqueraient les modalités de répartition des coûts à la suite de l’acquisition de FerroPem par FerroAtlántica, en 2005. Or, cela aurait eu une incidence importante sur la rentabilité de ces entreprises. Troisièmement, aucun texte explicatif concernant les données relatives aux investissements n’aurait été fourni. Quatrièmement, les requérantes se demandent comment FerroAtlántica a pu augmenter ses ventes alors que celles de Huta Laziska se sont réduites des deux tiers. Cinquièmement, les requérantes soulignent les disparités entre l’information fournie initialement et celle versée au dossier par la suite.

324    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

325    L’argument développé dans la présente branche du quatrième moyen est une variante de celui que les requérantes invoquent dans le cadre de la première branche de ce moyen, selon lequel certaines anomalies auraient affecté les données figurant au dossier non confidentiel. Les requérantes soulignent la présence d’anomalies dans les données figurant au dossier non confidentiel et avancent qu’elles ont signalé ces anomalies aux institutions, au cours de la procédure, mais que ces dernières n’ont pas réagi.

326    À cet égard, ainsi qu’il a été expliqué au point 321 ci-dessus, les requérantes ne sauraient confondre le non-respect de leurs droits de la défense avec l’existence d’erreurs matérielles susceptibles d’affecter la légalité du règlement attaqué. En outre, la circonstance que les requérantes estiment que les données relatives aux producteurs communautaires sont incohérentes et entachées d’anomalies ne démontre pas pour autant que la Commission a violé leurs droits de la défense.

327    En toute hypothèse, dans la mesure où les requérantes affirment avoir attiré l’attention des institutions quant à la présence de ces anomalies, elles démontrent par là même qu’elles ont fait utilement connaître leur point de vue sur ces anomalies. Dès lors, elles ne sauraient invoquer une violation de leurs droits de la défense. Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus, le respect des droits de la défense ne requiert aucunement des institutions qu’elles répondent à chaque argument soulevé par un producteur-exportateur, au cours de la procédure, mais uniquement qu’elles mettent les parties intéressées en mesure de défendre utilement leurs intérêts.

328    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen comme étant non fondée.

3.     Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, en ce que les institutions auraient omis de réagir à leurs observations

a)     Arguments des parties

329    Les requérantes affirment que les institutions ont violé leurs droits de la défense en ignorant plusieurs arguments avancés par elles, au cours de la procédure, et en omettant de motiver leur rejet. Ainsi, les requérantes expliquent que les institutions n’ont, par exemple, pas répondu aux arguments, selon lesquels, premièrement, elles étaient dans l’impossibilité d’accueillir la visite de vérification et avaient fait de leur mieux pour coopérer, deuxièmement, les prix du ferrosilicum sur le marché communautaire étaient les plus élevés au monde, troisièmement, la réduction des effectifs a précédé le déclin de la production de l’industrie communautaire, quatrièmement, Huta Laziska a déclaré que sa production, au cours de la période d’enquête, ne s’était établie qu’à 29 % de sa production de 2003, alors qu’elle avait, pour l’essentiel, employé le même nombre de salariés que lors de cette dernière année, cinquièmement, les prix du ferrosilicum suivent la même évolution sur tous les principaux marchés dans le monde et, sixièmement, si les procédures antidumping antérieures dans le secteur du ferrosilicum étaient prises en considération, il est probable que les mesures antidumping ne profiteraient pas concrètement à l’industrie communautaire.

330    Le Conseil, soutenu par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.

b)     Appréciation du Tribunal

331    Il ressort de l’intitulé de la présente branche du quatrième moyen que les requérantes invoquent une violation de leurs droits de la défense. Il convient, cependant, de constater que, en substance, elles soulèvent également une violation de l’obligation de motivation. Or, selon la jurisprudence, il convient d’interpréter les moyens d’une partie requérante par leur substance plutôt que par leur qualification (arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 559). Dès lors, il y a lieu d’examiner non seulement le grief tiré de la violation des droits de la défense des requérantes, mais aussi le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation.

332    En premier lieu, en ce qui concerne le grief tiré de la violation des droits de la défense des requérantes, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus, le respect des droits de la défense ne requiert aucunement des institutions qu’elles répondent à chaque argument soulevé par un producteur-exportateur, au cours de la procédure, mais uniquement qu’elles mettent les parties intéressées en mesure de défendre utilement leurs intérêts. De surcroît, dans la mesure où les requérantes affirment avoir avancé un certain nombre d’arguments, au cours de la procédure antidumping, elles démontrent par là même qu’elles ont eu l’occasion de faire utilement connaître leur point de vue. Dès lors, elles ne sauraient invoquer une violation de leurs droits de la défense.

333    En second lieu, en ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, force est de constater que le règlement attaqué et le règlement provisoire font apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement ayant amené les institutions à adopter des droits antidumping provisoires, puis définitifs. En particulier, les institutions ont conduit une analyse de non-imputation en application de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base. Dès lors que les conclusions de cette analyse sont exposées aux considérants 115 à 136 du règlement provisoire et aux considérants 96 à 101 du règlement attaqué, eu égard à la jurisprudence citée au point 256 ci-dessus, les institutions n’étaient pas tenues de répondre, au surplus, aux arguments soulevés par les requérantes concernant le niveau et l’évolution des prix du ferrosilicium dans la Communauté et dans le reste du monde, la relation entre la diminution de l’emploi dans l’industrie communautaire et la réduction de sa production, la situation particulière de Huta Laziska ainsi que les procédures antidumping antérieures. De même, dès lors que la Commission a expliqué, aux considérants 10 et 25 du règlement provisoire, qu’elle considérait que le fait que les requérantes avaient fait obstacle à la visite de vérification justifiait la mise à l’écart des données qu’elles avaient présentées, en application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, les institutions n’étaient pas tenues de répondre aux arguments détaillés des requérantes concernant les conséquences de l’absence de visite.

334    En tout état de cause, il convient de remarquer que les institutions ont répondu à l’ensemble de ces arguments. Ainsi, premièrement, en ce qui concerne les arguments invoqués par les requérantes s’agissant de la visite de vérification, la Commission a, au considérant 25 du règlement provisoire, partiellement répondu à ces arguments. En effet, elle y a expliqué pourquoi elle ne pouvait appliquer les conclusions de l’enquête sur le silicomanganèse à l’enquête sur le ferrosilicium. Deuxièmement, les arguments relatifs au niveau et à l’évolution des prix du ferrosilicium dans la Communauté et dans le reste du monde ont été pris en compte aux considérants 87 à 90 du règlement attaqué. Troisièmement, les institutions ont analysé l’évolution de l’emploi et de la production communautaires aux considérants 91, 102 et 103 du règlement provisoire. Quatrièmement, les institutions ont tenu compte de la situation particulière de Huta Laziska, notamment au considérant 93 du règlement provisoire ainsi qu’aux considérants 100 et 101 du règlement attaqué. Cinquièmement, le Conseil a expliqué, aux considérants 117 et 118 du règlement attaqué, pourquoi il considérait qu’il n’était pas possible de se fonder sur les procédures antidumping antérieures.

335    Il s’ensuit que les requérantes ne démontrent pas de violation de l’obligation de motivation. Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du quatrième moyen comme étant non fondée ainsi que le quatrième moyen dans son ensemble.

336    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

337    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil et d’Euroalliages.

338    En outre, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Transnational Company « Kazchrome » AO et ENRC Marketing AG supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et par Euroalliages.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2011.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur le premier moyen, relatif au lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice

1.  Sur l’interprétation des principes juridiques applicables à l’analyse du lien de causalité (première branche du premier moyen)

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur l’analyse individuelle des facteurs de préjudice autres que les importations faisant l’objet d’un dumping (deuxième à huitième branches du premier moyen)

a)  Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’évolution de la demande d’acier et des prix sur les marchés communautaire et mondial

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur la troisième branche du premier moyen, relative aux effets du préjudice que l’industrie communautaire se serait infligée à elle-même

Sur le premier grief, relatif aux réorientations de production par certains producteurs communautaires

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième grief, relatif aux interruptions de production par certains producteurs communautaires

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le troisième grief, relatif à l’utilisation de la capacité de production nominale théorique

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième grief, relatif aux investissements réalisés par l’industrie communautaire en 2005 et pendant la période d’enquête

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

c)  Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à l’incidence de la hausse du coût des matières premières

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Sur la cinquième branche du premier moyen, relative aux effets de la contraction de la demande en 2005

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

e)  Sur la sixième branche du premier moyen, relative aux effets des importations en provenance d’autres pays tiers

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

f)  Sur la septième branche du premier moyen, relative à l’absence de compétitivité des producteurs communautaires avant la survenance de tout dumping préjudiciable

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

g)  Sur la huitième branche du premier moyen, en ce qu’elle concerne les circonstances propres aux producteurs

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur l’absence d’analyse collective des facteurs de préjudice (première et huitième branches du premier moyen)

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le deuxième moyen, relatif à l’existence d’un intérêt communautaire

1.  Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’évolution à la hausse des prix du ferrosilicium postérieurement à la période d’enquête

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à l’expérience passée démontrant que les mesures antidumping n’aident pas l’industrie communautaire

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’analyse de l’impact des mesures antidumping sur les utilisateurs

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le troisième moyen, relatif au défaut de coopération, à l’utilisation des données disponibles et à l’octroi du SEM

1.  Sur la première branche du troisième moyen, relative au défaut de coopération

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative à l’utilisation des données disponibles sans tenir compte des données vérifiables

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur la troisième branche du troisième moyen, relative au rejet de la demande d’octroi du SEM

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

D –  Sur le quatrième moyen, relatif aux droits de la défense des requérantes

1.  Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, en ce que les institutions auraient omis de leur fournir un résumé significatif, cohérent et en temps utile du dossier confidentiel

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, en ce que les institutions auraient omis de réagir à des anomalies figurant dans le dossier non confidentiel

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des droits de la défense des requérantes, en ce que les institutions auraient omis de réagir à leurs observations

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’anglais.