Language of document : ECLI:EU:T:2011:461

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 septembre 2011(*)

« Marchés publics de services – Procédures de passation des marchés de l’EMSA – Intervention de navires de secours pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures – Rejet de l’offre – Recours en annulation – Non‑conformité de l’offre avec l’objet du marché – Conséquences – Égalité de traitement – Proportionnalité – Définition de l’objet du marché – Absence de communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue – Motivation – Attribution du marché – Absence d’intérêt à agir – Demande en déclaration de nullité du contrat conclu avec l’attributaire – Demande de dommages-intérêts »

Dans l’affaire T‑8/09,

Dredging International NV, établie à Zwijndrecht (Belgique),

Ondernemingen Jan de Nul NV, établie à Hofstade-Aalst (Belgique),

représentées par Mes R. Martens et A. Van Vaerenbergh, avocats,

parties requérantes,

contre

Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), représentée par M. J. Menze, en qualité d’agent, assisté de Mes J. Stuyck et A.-M. Vandromme, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’abord, une demande d’annulation de la décision de l’EMSA du 29 octobre 2008, rejetant l’offre soumise par les requérantes dans le cadre de la procédure négociée EMSA/NEG/3/2008, portant sur la conclusion de marchés de services relatifs à l’intervention de navires de secours pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures (lot n° 2 : mer du Nord) et attribuant le marché à DC International, ensuite, une demande en déclaration de nullité du contrat conclu entre l’EMSA et DC International et, enfin, une demande de dommages‑intérêts,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Marché

1        Par un avis de marché publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne le 8 mars 2008 (JO 2008, S 48), l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA) a ouvert, sous la référence EMSA/NEG/3/2008, une procédure de négociation concernant un marché de services relatif à l’intervention de navires de secours pour la lutte contre la pollution par les hydrocarbures. En même temps que l’avis de marché, l’EMSA a publié, sur son site Internet, une invitation à participer au marché, à laquelle étaient annexées les conditions de participation à celui‑ci et le projet de cahier des charges. Le point VI, paragraphe 3, de l’avis de marché faisait référence à cette publication en ce qui concerne les informations supplémentaires dont il était possible de disposer.

2        Le lot n° 2 du marché de services concernait l’intervention en mer du Nord.

3        Selon le point II, paragraphe 2, 1), de l’avis de marché, le point 3, paragraphe 4, des conditions de participation et le point 5 du projet de cahier des charges, la valeur totale maximale pour le lot n° 2 était de 4 000 000 euros.

4        Selon le point II, paragraphe 3, de l’avis de marché, le point 3, paragraphe 3, des conditions de participation et le point 3, paragraphe 3, du projet de cahier des charges, la durée du marché était de 36 mois à partir de son attribution. Les conditions de participation et le projet de cahier des charges spécifiaient que cette durée était renouvelable une fois pour une durée maximale de trois ans.

5        Selon le point 12, paragraphe 2, du projet de cahier des charges, le fait de présenter une offre supérieure au plafond budgétaire fixé pour chaque lot constituait un motif d’exclusion de la procédure de passation du marché.

2.     Participation des requérantes à la procédure de négociation

6        Les requérantes, Dredging International NV et Ondernemingen Jan de Nul NV, ont constitué ensemble l’entreprise commune Joint Venture Oil Combat (ci-après « JVOC ») et ont présenté leur candidature pour le lot n°  2 le 29 avril 2008.

7        Au terme de la phase d’appel à candidatures, l’EMSA a adressé aux requérantes, le 30 mai 2008, une invitation à soumissionner à laquelle était joint le cahier des charges définitif.

8        Le 18 juin 2008, une réunion de clarification s’est tenue entre les requérantes et l’EMSA. Au cours de cette réunion, d’une part, l’EMSA a précisé que, si les obligations contractuelles étaient exécutées d’une manière satisfaisante, une prolongation de trois années allait être proposée aux cocontractants. D’autre part, l’EMSA a souligné l’importance du respect des plafonds budgétaires.

9        JVOC a présenté son offre le 15 juillet 2008.

10      Par lettre du 14 août 2008, l’EMSA a formulé des observations préliminaires sur l’offre des requérantes. Elle a notamment souligné que, dans la mesure où l’offre de JVOC était supérieure au plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2, elle devait être modifiée, sous peine de son exclusion de la procédure de passation du marché.

11      Par lettre du 1er septembre 2008, les requérantes ont attiré l’attention de l’EMSA sur le fait que leur offre était fondée sur une période de six ans, conformément à la faculté offerte, selon elles, par le cahier des charges. Par conséquent, selon les requérantes, le coût moyen pour une période de trois ans était inférieur au plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2. Les requérantes ont encore précisé, à cet égard, qu’une offre sur six ans représentait une solution mutuellement avantageuse.

12      Par lettre que les requérantes indiquent avoir reçue le 12 septembre 2008, l’EMSA a fait remarquer que, selon le cahier des charges, les offres présentées devaient être fondées sur une durée de trois ans. L’EMSA a donc invité les requérantes à proposer un prix respectant cette exigence.

13      Par lettre du 29 septembre 2008, les requérantes ont contesté l’interprétation par l’EMSA du cahier des charges. Elles ont maintenu leur offre, fondée sur une durée contractuelle de six ans, réitérant que cette durée représentait la solution optimale en l’espèce.

3.     Décisions de l’EMSA et communications subséquentes

14      Par lettre du 29 octobre 2008, l’EMSA a informé les requérantes que, dans la mesure où elles n’avaient pas respecté un critère dont la méconnaissance emportait l’exclusion de la procédure de passation du marché, leur offre n’avait pas été retenue. L’EMSA a précisé que les requérantes pouvaient demander à obtenir le nom de l’adjudicataire ainsi que des informations complémentaires sur les motifs du rejet de leur offre, ce que les requérantes ont fait par lettre du 3 novembre 2008.

15      Par lettre du 6 novembre 2008, l’EMSA a répondu à la demande des requérantes en indiquant que le marché avait été attribué à DC International (ci-après « DCI ») et que le motif du rejet de l’offre de JVOC était le non-respect du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2.

16      Par lettres des 7 et 13 novembre 2008, les requérantes ont contesté le rejet de leur offre, demandé la communication d’une copie du rapport du comité d’évaluation et exprimé des doutes quant au respect par DCI de l’un des motifs d’exclusion prévus au cahier des charges ainsi que des prescriptions techniques énoncées dans ce dernier. Dans le courrier du 13 novembre 2008, les requérantes ont, en outre, demandé à l’EMSA de respecter un délai d’attente et de s’abstenir de signer le contrat avec DCI tant qu’elles n’auraient pas reçu les informations relatives à la procédure d’évaluation des offres. Ces demandes ont été réitérées dans la lettre des requérantes du 21 novembre 2008.

17      Par lettre du 19 novembre 2008, que les requérantes indiquent avoir reçue le 24 novembre 2008, l’EMSA a répondu que seuls les soumissionnaires dont l’offre était recevable avaient le droit de recevoir des informations sur les avantages relatifs de l’offre retenue. Or, selon l’EMSA, l’offre de JVOC était irrecevable dans la mesure où elle ne respectait pas un motif d’exclusion, à savoir le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2. Afin de répondre aux doutes exprimés par les requérantes, l’EMSA a ajouté que les bateaux proposés par DCI respectaient bien le motif d’exclusion évoqué par ces dernières.

18      Par lettre du 27 novembre 2008, les requérantes ont contesté l’irrecevabilité de l’offre de JVOC et réitéré leur demande visant à obtenir copie du rapport du comité d’évaluation.

19      Par lettre du 28 novembre 2008, l’EMSA a répondu qu’elle allait examiner la demande des requérantes. Le 16 décembre 2008, elle leur a adressé une nouvelle lettre, dans laquelle elle réaffirmait que l’offre de JVOC dépassait le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 et que, par conséquent, elle devait être rejetée au stade de l’évaluation. Dans ces circonstances, selon l’EMSA, les requérantes pouvaient uniquement recevoir des informations portant sur les motifs du rejet de leur offre, et non pas des détails sur l’offre retenue.

20      Les requérantes n’ayant reçu la lettre du 16 décembre 2008 que le 5 janvier 2009, elles ont, dans l’intervalle, réitéré leurs demandes par courrier du 17 décembre 2008.

4.     Signature du contrat avec DCI

21      L’EMSA a signé le contrat avec DCI le 17 novembre 2008.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 janvier 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, le 19 octobre 2009, d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci a posé, par écrit, des questions aux parties, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont déféré à cette demande.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 décembre 2010.

26      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’EMSA du 29 octobre 2008 « de rejeter l’offre de JVOC et d’attribuer le marché à DCI » ;

–        prononcer la nullité du contrat signé entre l’EMSA et DCI ;

–        allouer à JVOC des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ladite décision, estimés à 725 500 euros, majorés des intérêts moratoires ;

–        condamner l’EMSA aux dépens.

27      L’EMSA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation non fondé ;

–        déclarer la demande en réparation irrecevable ou, à tout le moins, non fondée ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

1.     Sur la demande d’annulation

28      Les requérantes demandent l’annulation de la décision de l’EMSA du 29 octobre 2008, par laquelle l’offre de JVOC a été rejetée et le marché attribué à DCI. À l’appui de leur demande, elles invoquent quatre moyens.

29      Le premier moyen comporte deux branches. La première branche est tirée d’une violation de l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier général »), de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de l’EMSA du 9 décembre 2003, établissant les modalités d’exécution du règlement financier de l’EMSA (ci-après les « modalités d’exécution de l’EMSA »), de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, liée à l’absence de communication de certains documents aux requérantes et à la motivation prétendument insuffisante du rejet de l’offre de JVOC.

30      La seconde branche soulevée par les requérantes est tirée d’une violation de l’article 105, paragraphe 2, du règlement financier général, de l’article 158 bis, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier général (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution générales »), et du principe du respect des droits de la défense. Cette violation serait liée au refus de l’EMSA de suspendre la signature du contrat avec DCI jusqu’à la communication aux requérantes des documents sollicités par elles.

31      Le deuxième moyen est tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, liée à une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de DCI.

32      Le troisième moyen est tiré d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination, liée à une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de JVOC.

33      Le quatrième moyen est tiré du caractère manifestement inadéquat et déraisonnable du plafond budgétaire prévu pour le lot n°  2.

34      Il convient néanmoins d’observer que le rejet de l’offre de JVOC n’est pas intervenu au même stade de la procédure de passation du marché que l’attribution de ce marché à DCI. En effet, l’offre de JVOC a été rejetée avant la phase de comparaison des autres offres restant en lice. L’attribution du marché à DCI, quant à elle, constitue le résultat de ladite comparaison.

35      Dans ces circonstances, en dépit du libellé de la requête, il y a lieu de juger que le rejet de l’offre de JVOC et l’attribution du marché à DCI constituent deux décisions distinctes (ci‑après, respectivement, la « décision de rejet » et la « décision d’attribution »), et il convient d’examiner séparément les demandes d’annulation les visant.

36      À cet égard, parmi les moyens soulevés par les requérantes, la décision de rejet est visée par la première branche du premier moyen ainsi que par les troisième et quatrième moyens. En revanche, la seconde branche du premier moyen et le deuxième moyen visent la légalité de la décision d’attribution et de sa mise en œuvre.

37      Par ailleurs, c’est la demande d’annulation de la décision de rejet qui doit être examinée dans un premier temps. En effet, c’est par cette décision que l’EMSA a rejeté l’offre présentée par les requérantes en vue d’obtenir le marché litigieux. C’est donc cette décision qui a mis un terme à leurs chances d’obtenir l’attribution du marché pour lequel elles avaient soumissionné.

38      Dans un second temps, il y aura lieu d’examiner la recevabilité et, le cas échéant, le bien‑fondé de la demande d’annulation de la décision d’attribution.

 Sur la décision de rejet

39      Dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision de rejet, le Tribunal traitera, d’abord, la question de la conformité de l’offre de JVOC avec le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2, visée par le troisième moyen et par une partie des arguments présentés dans le cadre de la première branche du premier moyen. Ensuite, le quatrième moyen, relatif au caractère approprié dudit plafond budgétaire, sera abordé. Enfin, il conviendra d’examiner les arguments présentés dans le cadre de la première branche du premier moyen, relatifs à l’absence de communication de certains documents aux requérantes et à la motivation prétendument insuffisante du rejet de l’offre de JVOC.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non‑discrimination, liée à une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de JVOC, ainsi que sur la première branche du premier moyen, pour autant qu’elle concerne la conformité de l’offre de JVOC avec le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2

–       Arguments des parties

40      À titre liminaire, les requérantes ont précisé qu’elles se réservaient le droit d’élargir et de compléter leur argumentation en fonction des éléments du dossier de l’EMSA auxquels elles obtiendraient, le cas échéant, accès en vertu des mesures d’organisation de la procédure.

41      Quant au fond, les requérantes font valoir que l’EMSA a commis une erreur manifeste d’appréciation et a, par conséquent, violé les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non‑discrimination, en considérant que l’offre de JVOC devait être rejetée en ce qu’elle ne respectait pas le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2.

42      À cet égard, premièrement, les requérantes soutiennent que le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 ne constitue pas un critère d’exclusion au sens des articles 93 et 94 du règlement financier général, dès lors qu’il ne concerne pas la fiabilité ou l’adéquation des soumissionnaires en général, mais un aspect essentiel de leur offre. Par conséquent, le non‑respect de ce plafond ne rendrait pas l’offre concernée irrecevable.

43      Deuxièmement, le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 n’aurait pas été désigné en tant que critère d’exclusion dans l’avis de marché ou dans les conditions de participation, ainsi que l’exigeraient l’article 116, paragraphe 3, sous a), des modalités d’exécution de l’EMSA et l’article 130, paragraphe 3, sous a), des modalités d’exécution générales. À cet égard, la simple mention du plafond budgétaire dans lesdits documents ne serait pas suffisante. De même, le projet de cahier des charges n’aurait servi, selon ses propres termes, qu’à donner une orientation générale aux documents qui devaient être présentés par les candidats.

44      Troisièmement, les requérantes estiment qu’elles ont respecté le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2. Elles expliquent, à cet égard, que, afin de pouvoir proposer la solution la plus avantageuse économiquement, elles ont opté pour une période d’exploitation de six ans, permettant d’amortir les coûts d’investissement sur une longue durée et, partant, de réduire le prix unitaire. Selon les requérantes, une période contractuelle de six ans semblait correspondre aux attentes de l’EMSA, étant donné que le point 3, paragraphe 3, du cahier des charges prévoyait expressément une reconduction du marché pour une durée de trois ans et que l’EMSA a confirmé, lors de la réunion de clarification, qu’elle recherchait un partenariat à long terme.

45      Or, selon les requérantes, lorsque le prix total du marché proposé par JVOC est divisé par deux, afin de le ramener à une durée de trois ans, il est inférieur au plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2.

46      Les requérantes ajoutent que, en cas de renouvellement du contrat initial de trois ans conclu avec DCI, l’EMSA aura manqué à son obligation de sélectionner l’offre la plus avantageuse et aura violé le principe d’égalité de traitement, dans la mesure où elle a rejeté l’offre de JVOC couvrant l’ensemble des six années. En effet, l’offre de JVOC serait la plus avantageuse pour une telle durée.

47      Quatrièmement, les requérantes font valoir que le rejet de l’offre de JVOC est discriminatoire et disproportionné. En effet, selon les requérantes, l’EMSA n’aurait pas eu l’obligation d’exclure toute offre dépassant le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2, mais aurait été tenue d’examiner s’il existait des raisons permettant à l’offre de ne pas être directement exclue, et notamment d’examiner les avantages éventuels de la configuration spécifique proposée.

48      L’EMSA conteste le bien‑fondé des arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

49      À titre liminaire, il convient d’observer que l’accès au dossier de l’EMSA que réclament les requérantes dans le cadre de leur demande de mesures d’organisation de la procédure ne vise pas les éléments relatifs au rejet de l’offre de JVOC, mais uniquement ceux liés à l’offre de DCI et à son évaluation par le comité d’évaluation. Dans ces circonstances, l’accès éventuel à ces derniers éléments n’est pas susceptible d’avoir une influence sur les moyens et les arguments visant la décision de rejet, dont le troisième moyen et la première branche du premier moyen.

50      Quant au fond, il y a lieu de remarquer, d’emblée, que, dans la décision de rejet, l’EMSA a retenu la non‑conformité de l’offre de JVOC avec le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 comme étant le motif explicite du rejet de cette offre.

51      Or, ainsi qu’il ressort de l’argumentation des requérantes et des éléments du dossier, le prétendu dépassement dudit plafond budgétaire n’est que la conséquence de ce que l’offre de JVOC était fondée sur une durée contractuelle de six ans.

52      Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner, outre la question du respect du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2, celle du respect de la durée du contrat telle que prévue dans les documents d’appel à la concurrence. Dès lors, il y a lieu d’apprécier si les requérantes étaient fondées à présenter une offre et à proposer un prix sur la base d’une durée contractuelle de six ans.

53      Ainsi qu’il a été indiqué au point 4 ci‑dessus, le point II, paragraphe 3, de l’avis de marché, le point 3, paragraphe 3, des conditions de participation et le point 3, paragraphe 3, du projet de cahier des charges spécifiaient que la durée du marché était de 36 mois à partir de son attribution. Les conditions de participation et le projet de cahier des charges précisaient, à cet égard, que cette durée était renouvelable une fois pour une durée maximale de trois ans. Par ailleurs, le projet de contrat de mise à disposition des navires, annexé au projet de cahier des charges, spécifiait, en son article V, paragraphe 2, que le renouvellement était soumis à l’accord écrit exprès des parties.

54      Il est certes vrai, dans ce contexte, que le projet de cahier des charges précisait, au point 4 de la partie introductive, que l’information qui y était contenue était fournie aux soumissionnaires uniquement afin de les assister dans la préparation de leur participation éventuelle à la phase de soumission des offres. Toutefois, au point 5 de la partie introductive, l’EMSA indiquait que, si le cahier des charges était fourni sous forme de projet, des modifications majeures n’étaient cependant pas prévues. Au demeurant, le cahier des charges définitif a repris le contenu du projet de cahier des charges s’agissant de la durée prévue du contrat.

55      S’agissant de la réunion de clarification tenue avec les requérantes, il ressort du procès‑verbal établi à cette occasion que l’EMSA a déclaré qu’elle recherchait un partenariat à long terme. Toutefois, ses représentants ont explicitement conditionné le renouvellement du contrat à l’exécution satisfaisante des obligations contractuelles, soulignant ainsi clairement que ledit renouvellement dépendait de la volonté des parties, notamment de l’EMSA, et qu’il n’était pas automatique.

56      De surcroît, dans la lettre reçue par les requérantes le 12 septembre 2008, l’EMSA a spécifiquement attiré leur attention sur le fait que la durée contractuelle prévue était de trois ans et leur a indiqué que toutes les offres présentées devaient être fondées sur cette durée, afin de permettre une comparaison conforme au principe d’égalité de traitement. L’EMSA a expressément demandé aux requérantes de revoir leur offre financière sur la base d’une durée contractuelle de trois ans et en tenant compte du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2.

57      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’il ressort de manière claire et précise de l’avis de marché, des documents publiés concomitamment auxquels ce dernier renvoyait ainsi que des déclarations ultérieures de l’EMSA que la durée du contrat recherchée était de 36 mois et que le renouvellement dudit contrat, emportant le doublement de cette durée, n’était pas automatique, mais était, au contraire, soumis à l’accord de l’EMSA.

58      Dans ces circonstances, les requérantes n’étaient pas fondées à présenter une offre et à proposer un prix sur la base d’une durée de six ans, ce qui implique que l’offre de JVOC n’était pas conforme aux documents d’appel à la concurrence s’agissant de la durée du contrat.

59      Quant aux conséquences de ce constat, les requérantes soutiennent à juste titre que ni la non‑conformité de l’offre de JVOC avec la durée prévue du contrat ni le dépassement du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 qui en découle ne constituent des motifs d’exclusion au sens des articles 93 à 96 du règlement financier général. En effet, ces circonstances ne correspondent pas à la finalité desdites dispositions, qui est de vérifier la fiabilité générale des soumissionnaires, leur moralité et l’absence de conflit d’intérêts.

60      De même, les circonstances concernées ne constituent pas des critères de sélection au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier général et des articles 135 à 137 des modalités d’exécution générales, dès lors qu’elles ne mettent pas directement en jeu la capacité financière, économique, technique et professionnelle des requérantes.

61      Ces constats sont corroborés par le fait que, au terme de la phase d’appel à candidatures consistant à vérifier notamment le respect des critères d’exclusion et de sélection, l’EMSA a adressé aux requérantes une invitation à soumissionner.

62      En revanche, la question de la conformité d’une offre avec la durée prévue du contrat et, par conséquent, avec un plafond budgétaire ne vise pas à la comparaison avec les autres offres présentées et ne permet donc pas de déterminer laquelle de ces offres est, selon les cas, la plus avantageuse économiquement ou la moins disante. Par conséquent, lesdites circonstances ne constituent pas des critères d’attribution au sens de l’article 97 du règlement financier général et de l’article 138 des modalités d’exécution générales.

63      En effet, les circonstances en cause correspondent aux conditions que doit respecter une offre pour satisfaire les besoins du pouvoir adjudicateur. Elles relèvent, par conséquent, de la définition de l’objet du marché.

64      Ainsi, la durée prévue d’un contrat de prestation de services contribue à déterminer l’objet du marché visant ces services, dans la mesure où elle sert de base pour le calcul des prix et, en particulier, de l’amortissement des investissements initiaux.

65      De même, en désignant un plafond budgétaire, c’est-à-dire un paramètre de prix absolu, le pouvoir adjudicateur définit une condition à laquelle est soumise la réalisation de l’objet du marché, précisant ainsi ce dernier.

66      La définition de l’objet du marché est visée par l’article 92 du règlement financier général, selon lequel « [l]es documents d’appel à la concurrence doivent fournir une description complète, claire et précise de l’objet du marché et préciser les critères d’exclusion, de sélection et d’attribution du marché ». Il ressort de cette disposition que la définition de l’objet du marché est distincte des critères d’exclusion, de sélection et d’attribution.

67      En ce qui concerne les conséquences de la non‑conformité d’une offre avec l’objet du marché, l’article 146, paragraphe 3, premier alinéa, des modalités d’exécution générales prévoit que « [l]es demandes de participation et les offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés dans les documents d’appels d’offres ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées ».

68      Il convient d’ajouter, à cet égard, que la finalité de la procédure de passation du marché est de satisfaire aux meilleures conditions possibles les besoins du pouvoir adjudicateur. Par conséquent, le pouvoir adjudicateur doit pouvoir définir librement l’objet d’un marché public en fonction de ses besoins, ce qui implique qu’il ne peut pas être tenu de prendre en considération une offre portant sur un objet autre que celui qu’il recherche, tel qu’énoncé dans les documents d’appel à la concurrence.

69      De même, en règle générale, le non‑respect de l’objet du marché rend impossible la comparaison effective des offres présentées, dans la mesure où il fait disparaître leur base de référence commune.

70      En outre, le fait, pour le pouvoir adjudicateur, de s’écarter des documents d’appel à la concurrence, en acceptant des offres ne correspondant pas à l’objet du marché, tel que défini dans lesdits documents, serait inconciliable avec les principes de transparence et d’égalité de traitement.

71      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il est essentiel que le pouvoir adjudicateur soit en mesure de s’assurer avec précision du contenu de l’offre et, notamment, de la conformité de celle‑ci avec les conditions prévues dans les documents d’appel à la concurrence. Ainsi, lorsqu’une offre est ambiguë et que le pouvoir adjudicateur n’a pas la possibilité d’établir, rapidement et efficacement, ce à quoi elle correspond effectivement, il n’a pas d’autre choix que de rejeter cette offre (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 34). La même conséquence s’impose, a fortiori, lorsque, comme en l’espèce, l’offre ne correspond manifestement pas à l’objet du marché.

72      Dans ces circonstances, il convient de considérer que la conformité avec l’objet du marché, tel que décrit dans les documents d’appel à la concurrence, constitue une condition préalable à laquelle doit satisfaire toute offre pour pouvoir être prise en considération dans le cadre de la procédure de passation du marché. Le non‑respect de cette condition doit entraîner l’élimination de l’offre concernée par le pouvoir adjudicateur, sans que cette dernière soit comparée aux autres offres présentées.

73      Or, en l’espèce, il ressort des points 58 et 63 ci‑dessus que l’offre de JVOC n’était pas conforme aux documents d’appel à la concurrence en ce qui concerne un élément de la définition de l’objet du marché, à savoir la durée prévue du contrat. Par conséquent, l’EMSA n’a pas commis d’erreur d’appréciation en rejetant ladite offre sans la comparer aux autres offres, avant de procéder à l’attribution du marché.

74      Quant à la question de savoir si la durée prévue du contrat et le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 ont été valablement définis dans les documents pertinents, il a été constaté ci‑dessus que ces conditions relevaient de la définition de l’objet du marché. Par conséquent, il convient d’appliquer l’article 92 du règlement financier général, qui dispose que « [l]es documents d’appel à la concurrence doivent fournir une description complète, claire et précise de l’objet du marché ». En revanche, l’article 130, paragraphe 3, sous a), des modalités d’exécution générales, invoqué par les requérantes, vise uniquement les critères d’exclusion et de sélection, et n’est donc pas applicable en l’espèce.

75      S’agissant, à cet égard, de la durée prévue du contrat, il suffit de renvoyer aux points 53 à 57 ci‑dessus, où il a été constaté qu’il ressortait des documents d’appel à la concurrence, de manière claire et précise, que la durée du contrat recherchée par l’EMSA était de 36 mois et que le renouvellement du contrat, entraînant le doublement de cette durée, n’était pas automatique, mais était, au contraire, soumis à l’accord des parties, dont l’EMSA.

76      En ce qui concerne le plafond budgétaire pour le lot n° 2, il a été indiqué au point 3 ci‑dessus que, selon le point II, paragraphe 2, 1), de l’avis de marché, le point 3, paragraphe 4, des conditions de participation et le point 5 du projet de cahier des charges, la valeur totale maximale pour le lot n° 2 était de 4 000 000 euros. En outre, selon le point 12, paragraphe 2, du projet de cahier des charges, le fait de présenter une offre supérieure au plafond budgétaire fixé pour chaque lot justifiait l’exclusion de la procédure de passation du marché, ainsi qu’il ressort du point 5 ci‑dessus.

77      Pour autant que les requérantes font valoir, à cet égard, que le projet de cahier des charges était uniquement destiné à assister les soumissionnaires, il suffit de renvoyer au point 54 ci‑dessus. Quant au fait que, selon le point 5 de la partie de l’avis de marché relative à la description du lot n° 2, la valeur du plafond budgétaire était estimative, il convient d’observer qu’elle a été fixée de manière catégorique tant dans le projet de cahier des charges que dans le cahier des charges définitif.

78      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que tant la durée prévue du contrat que le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 ont été décrits de manière claire et précise dans les documents d’appel à la concurrence, conformément à l’exigence posée par l’article 92 du règlement financier général.

79      Par ailleurs, les requérantes ne présentent pas d’arguments spécifiques pour étayer leur allégation selon laquelle le rejet de l’offre de JVOC sur le fondement de sa non‑conformité avec l’objet du marché serait discriminatoire ou disproportionné. Il ressort, au contraire, de ce qui a été exposé aux points 68 à 70 ci‑dessus que cette conséquence était la seule compatible avec la finalité de la procédure de passation du marché, ainsi qu’avec les principes de transparence et d’égalité de traitement, étant donné, d’une part, que l’offre de JVOC ne correspondait pas aux besoins de l’EMSA, tels qu’énoncés dans les documents d’appel à la concurrence, et, d’autre part, que le non‑respect de la durée prévue du contrat rendait impossible la comparaison de ladite offre avec les autres offres présentées.

80      Dans ce contexte, dans la mesure où il ressort des points 53 à 57 ci‑dessus que la durée du contrat recherchée par l’EMSA était de trois ans, l’allégation selon laquelle l’offre de JVOC serait plus avantageuse sur une durée de six ans que l’offre de DCI est dépourvue de pertinence.

81      En dernier lieu, il convient de constater que l’arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑406/06, non publié au Recueil), invoqué par les requérantes, n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, une offre qui correspondait à l’objet du marché et pouvait, dès lors, être comparée aux autres offres, n’avait pas atteint, dans le cadre de cette comparaison, le seuil minimal de points défini par rapport aux différents critères d’attribution. Dans la présente affaire, en revanche, l’offre de JVOC a été rejetée avant le stade de la comparaison des offres et, par suite, de l’attribution, pour cause de non‑respect de l’objet du marché.

82      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’écarter le troisième moyen, ainsi que la première branche du premier moyen pour autant qu’elle concerne la conformité de l’offre de JVOC avec le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2.

 Sur le quatrième moyen, tiré du caractère manifestement inadéquat et déraisonnable du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2

–       Arguments des parties

83      Les requérantes considèrent que le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 était excessivement bas et ne permettait donc pas aux soumissionnaires de présenter une offre répondant à l’ensemble des exigences posées par l’EMSA. Elles en déduisent que toute offre respectant ledit plafond budgétaire était non conforme auxdites exigences. Les requérantes précisent, dans ce contexte, que trois des quatre offres initiales dépassaient le plafond budgétaire. Elles ajoutent qu’elles ont contesté à deux reprises l’application du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2.

84      L’EMSA conteste le bien‑fondé des arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

85      Il convient de constater d’emblée que les requérantes n’ont pas présenté d’éléments circonstanciés étayant leurs allégations. En effet, l’unique circonstance concrète invoquée par elles est le prix élevé d’acquisition des équipements de récupération de pétrole, qui atteindrait 1 960 000 euros dans leur cas.

86      Or, les requérantes n’ont pas présenté d’éléments suggérant qu’un tel coût était nécessaire pour respecter l’ensemble des exigences définies par l’EMSA, ou encore que ce coût, à lui seul, rendait impossible le respect du plafond budgétaire pour le lot n° 2.

87      De même, le fait que trois des quatre offres initialement présentées ne respectaient pas le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 n’établit pas, à lui seul, que ce plafond était excessivement bas ou que la seule offre le respectant ne répondait pas à l’ensemble des exigences définies par l’EMSA. En effet, il est tout aussi possible que cette dernière offre ait été la seule à respecter tant le plafond budgétaire que les autres exigences prévues.

88      Par ailleurs, en tout état de cause, ainsi qu’il a été constaté au point 68 ci‑dessus, le pouvoir adjudicateur doit pouvoir définir librement l’objet du marché et, partant, choisir les conditions que doivent satisfaire les offres présentées. Ainsi, il peut notamment déterminer la durée du contrat à conclure et établir des plafonds budgétaires auxquels les offres doivent se conformer, en accord avec ses contraintes budgétaires. À cet égard, il n’est pas tenu de consulter les soumissionnaires potentiels en ce qui concerne l’adéquation des conditions qu’il définit.

89      Si le pouvoir adjudicataire détermine effectivement un plafond budgétaire excessivement bas, il s’expose au risque qu’aucune offre satisfaisante ne soit présentée, de sorte que la procédure de passation du marché devra être répétée avec des conditions modifiées. Toutefois, cette circonstance n’implique pas qu’il soit tenu de prendre en considération les observations des soumissionnaires ni, a fortiori, de se conformer à leurs suggestions.

90      Ce constat implique que la circonstance selon laquelle les requérantes auraient invoqué auprès de l’EMSA le caractère prétendument inadéquat du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 est dépourvue de pertinence.

91      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur la première branche du premier moyen, pour autant qu’elle concerne l’absence de communication de certains documents aux requérantes et la motivation du rejet de l’offre de JVOC

–       Arguments des parties

92      Les requérantes font valoir que l’EMSA a violé l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général, l’article 135, paragraphe 2, des modalités d’exécution de l’EMSA, l’obligation de motivation, le principe du respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective en ce que, d’une part, elle ne leur a pas communiqué certains documents et, d’autre part, elle n’a pas motivé à suffisance de droit le rejet de l’offre de JVOC.

93      S’agissant du premier grief, les requérantes rappellent que, nonobstant plusieurs demandes en ce sens, l’EMSA a refusé de leur communiquer le rapport du comité d’évaluation et l’offre de DCI ou des extraits pertinents de ces documents. Or, il ressortirait de l’article 135, paragraphe 2, des modalités d’exécution de l’EMSA, lu en liaison avec l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général et l’article 149 des modalités d’exécution générales, que l’EMSA était tenue de transmettre des informations relatives aux caractéristiques et aux avantages relatifs de l’offre retenue à un soumissionnaire qui avait présenté une offre recevable et qui en avait fait la demande.

94      Selon les requérantes, l’objectif de cette obligation de communication est de permettre à un soumissionnaire écarté de comprendre les raisons pour lesquelles son offre a été rejetée et de s’assurer qu’il n’a pas fait l’objet d’une discrimination par rapport à d’autres soumissionnaires. En effet, un soumissionnaire dont l’offre a été écartée en raison du non-respect du cahier des charges aurait le droit de disposer de toutes les informations nécessaires lui permettant de prouver que les offres des autres soumissionnaires n’étaient pas non plus conformes au cahier des charges et auraient dû, elles aussi, être écartées.

95      Les requérantes précisent que, même si l’offre de JVOC n’a pas été effectivement comparée à celle de DCI, de sorte qu’il n’existe pas d’éléments concernant les avantages relatifs de cette dernière, il y a toujours lieu de communiquer les caractéristiques de l’offre du soumissionnaire retenu ainsi que l’appréciation de celles‑ci par le pouvoir adjudicateur.

96      Quant à la motivation du rejet de l’offre de JVOC, les requérantes font valoir que l’EMSA n’a pas indiqué, dans la décision de rejet, le motif pour lequel ladite offre avait été écartée et n’a pas mentionné les voies de recours disponibles pour contester ladite décision.

97      Les requérantes expliquent, dans ce contexte, que la simple mention, dans la décision de rejet, du non-respect d’un critère d’exclusion n’est pas une motivation adéquate, en ce qu’elle ne leur a pas permis d’apprécier le motif pour lequel l’offre de JVOC avait été écartée. En effet, le motif spécifique sous‑tendant la décision de rejet n’aurait été exposé que dans la lettre du 6 novembre 2008.

98      En dernier lieu, les requérantes font valoir que les violations de l’obligation de communiquer les informations pertinentes et de l’obligation de motivation constituent également une violation de leurs droits de la défense et de leur droit à une protection juridictionnelle effective.

99      L’EMSA conteste le bien‑fondé des arguments soulevés par les requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

100    Selon l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier général, « [l]e pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire ».

101    L’article 149 des modalités d’exécution générales, dont le contenu est identique à celui de l’article 135 des modalités d’exécution de l’EMSA, apporte les précisions suivantes :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché […]

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier [général].

3. Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, […] le pouvoir adjudicateur notifie, simultanément et individuellement à chaque soumissionnaire ou candidat évincé, par lettre, par télécopie ou courrier électronique, que leur offre ou candidature n’a pas été retenue […]

Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature ainsi que les voies de recours disponibles.

[…]

Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite, […] et pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier [général]. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande. »

102    Afin de déterminer l’étendue des obligations auxquelles était soumise l’EMSA vis-à-vis des requérantes en vertu de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général, de l’article 149 des modalités d’exécution générales et de l’article 135 des modalités d’exécution de l’EMSA, il convient donc de vérifier si l’offre de JVOC était recevable au sens de ces dispositions.

103    À cet égard, l’article 146, paragraphe 3, troisième alinéa, des modalités d’exécution générales dispose que « [s]ont jugées recevables les offres des candidats ou des soumissionnaires qui ne sont pas exclus et qui satisfont aux critères de sélection ».

104    Or, dès lors qu’elle se borne à mentionner les critères d’exclusion et de sélection, cette disposition méconnaît la circonstance, exposée aux points 59 à 72 ci‑dessus, selon laquelle la conformité avec l’objet du marché constitue une condition préalable, dont le non‑respect justifie que l’offre concernée soit rejetée sans qu’elle soit comparée aux autres offres présentées.

105    Ainsi, le libellé de l’article 146, paragraphe 3, troisième alinéa, des modalités d’exécution générales ne correspond pas à la finalité de l’obligation de communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, ainsi que du nom de l’attributaire, prévue à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général.

106    Cette finalité consiste à permettre à un soumissionnaire dont l’offre a atteint le stade précédant l’attribution du marché, a été comparée aux autres offres et a été jugée moins avantageuse de vérifier si la comparaison a été opérée de manière correcte et de la contester, le cas échéant. En effet, une telle vérification ne peut être effectuée sans disposer des informations pertinentes concernant l’offre retenue.

107    En revanche, lorsque le rejet d’une offre intervient avant la phase d’attribution, il ne résulte pas, par définition, de la comparaison avec l’offre retenue. Par conséquent, la vérification du bien‑fondé du rejet n’est pas subordonnée à la communication d’éléments relatifs à l’offre retenue.

108    À cet égard, il convient encore de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, l’obligation de communication prévue à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier général ne vise pas à permettre à un soumissionnaire de vérifier la conformité de l’ensemble des autres offres avec les critères d’exclusion et de sélection et avec l’objet du marché. En effet, si tel était le cas, cette disposition ne se bornerait pas à prévoir la communication des éléments portant sur la seule offre retenue.

109    Au demeurant, un soumissionnaire dont l’offre a été écartée avant le stade précédant l’attribution du marché dispose de la possibilité de présenter au pouvoir adjudicateur des observations au sujet des irrégularités dont sont entachées, à son avis, les offres des autres soumissionnaires et qui n’ont pas été identifiées. S’il estime que le pouvoir adjudicateur a méconnu les observations présentées et que l’attribution du marché a, par conséquent, donné lieu à une fraude ou à une irrégularité financière, il peut avertir les instances compétentes en la matière, et notamment l’Office européen de lutte antifraude.

110    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’une offre qui n’est pas conforme à l’objet du marché n’est pas recevable au sens de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, de l’article 149 des modalités d’exécution générales et de l’article 135 des modalités d’exécution de l’EMSA.

111    En l’espèce, il ressort des points 53 à 73 ci‑dessus que l’offre de JVOC n’était pas conforme à l’objet du marché en ce qui concerne la durée prévue du contrat.

112    Par conséquent, l’EMSA était seulement tenue, en vertu de l’obligation de motivation, telle qu’explicitée à l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier général, à l’article 149 des modalités d’exécution générales et à l’article 135 des modalités d’exécution de l’EMSA, d’informer les requérantes sur les motifs du rejet de leur offre et sur les voies de recours disponibles.

113    En ce qui concerne, d’une part, les motifs du rejet de l’offre de JVOC, l’EMSA a indiqué ce qui suit dans la décision de rejet :

« Le comité d’évaluation a considéré que votre offre, telle que présentée, n’était pas acceptable au vu des conditions du marché. Le comité était d’avis qu’un critère d’exclusion n’avait pas été satisfait et que, par conséquent, l’offre ne respectait pas les exigences indiquées pour la présente procédure de passation du marché. »

114    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 60, et la jurisprudence citée).

115    De plus, selon la jurisprudence, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt du Tribunal du 14 février 2006, TEA-CEGOS et STG/Commission, T‑376/05 et T‑383/05, Rec. p. II‑205, point 48, et la jurisprudence citée). Ainsi, il convient de replacer la décision de rejet dans le contexte des échanges précédents, entre l’EMSA et les requérantes, intervenus dans le cadre de la procédure de passation du marché.

116    Or, la durée prévue du contrat et l’importance du respect du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 ont été discutées par les requérantes et l’EMSA lors de la réunion de clarification, qui s’est tenue le 18 juin 2008. La non‑conformité de l’offre de JVOC avec ladite durée et le non‑respect dudit plafond budgétaire qui en découlait ont, par la suite, été abordés dans les lettres des 14 août et 1er, 12 et 29 septembre 2008.

117    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, à la lecture de la décision de rejet, les requérantes étaient en mesure de comprendre que la mention de ce que l’offre de JVOC était inacceptable au vu des conditions du marché, de ce qu’un critère dont la méconnaissance emportait l’exclusion de la procédure de passation du marché n’avait pas été satisfait et du non‑respect des exigences indiquées visait, très précisément, le non-respect de la durée prévue du contrat et le non‑respect du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 qui en découlait.

118    De surcroît, en réponse à la demande des requérantes du 3 novembre 2008, l’EMSA leur a adressé la lettre du 6 novembre 2008, dans laquelle elle a indiqué explicitement que le rejet de l’offre de JVOC résultait du non‑respect du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2, découlant du non‑respect de la durée prévue du contrat. Cette explication a été réitérée dans la lettre de l’EMSA du 19 novembre 2008.

119    Au demeurant, la motivation fournie a permis aux requérantes de faire valoir leurs droits, dès lors que, comme il ressort du présent recours, elles ont soulevé des moyens et des arguments concernant le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2 et la question sous‑jacente du respect de la durée prévue du contrat. De même, le Tribunal est en mesure d’apprécier de manière adéquate ces mêmes moyens et arguments sur la base de la motivation fournie.

120    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’EMSA n’a pas violé l’obligation de motivation en ce qui concerne l’indication des motifs du rejet de l’offre de JVOC.

121    D’autre part, il convient de constater que, que ce soit dans la décision de rejet ou dans ses écrits ultérieurs, l’EMSA n’a pas indiqué les voies de recours ouvertes aux requérantes.

122    L’argument présenté par l’EMSA à cet égard, selon lequel elle estimait que de telles voies n’existaient pas, ne saurait être retenu. En effet, dans cette hypothèse, l’EMSA aurait dû, à tout le moins, indiquer cette position dans les communications échangées avec les requérantes.

123    Toutefois, il y a lieu de constater que, dans la mesure où l’indication des voies de recours disponibles est indépendante de l’objet de la décision de rejet, son absence n’est pas susceptible d’affecter la légalité de cette dernière. Cette circonstance pourrait, tout au plus, être pertinente s’agissant de l’exercice du droit de recours par les requérantes, notamment en ce qui concerne le respect du délai de recours.

124    Or, force est de constater que les requérantes ont introduit, dans les délais requis, le présent recours visant, notamment, à l’annulation de la décision de rejet et qu’elles n’avancent aucun argument ou aucune preuve permettant de conclure que l’absence d’indication des voies de recours disponibles dans ladite décision les aurait empêchées d’exercer effectivement leur droit de recours.

125    Dans ces circonstances, il convient de constater que, si l’EMSA a omis de mentionner les voies de recours disponibles dans la décision de rejet, cette circonstance est dépourvue de pertinence en l’espèce.

126    En dernier lieu, dans la mesure où il a été constaté ci‑dessus que l’EMSA n’était pas tenue de communiquer aux requérantes des éléments portant sur l’offre de DCI, qu’elle a motivé à suffisance de droit le rejet de l’offre de JVOC et que l’absence d’indication des voies de recours disponibles est dépourvue de pertinence en l’espèce, il n’apparaît pas en quoi l’EMSA aurait violé les droits de la défense des requérantes ou leur droit à une protection juridictionnelle effective. Les allégations des requérantes en ce sens, qui ne sont pas étayées par des arguments plus précis, doivent donc être rejetées.

127    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen, pour autant qu’elle concerne l’absence de communication de certains documents ou informations aux requérantes et la motivation du rejet de l’offre de JVOC.

128    Tous les moyens et arguments visant la décision de rejet ayant été écartés, il y a lieu de rejeter la demande tendant à son annulation.

 Sur la décision d’attribution

129    À titre liminaire, il y a lieu d’examiner l’intérêt à agir des requérantes concernant la demande d’annulation de la décision d’attribution, le défaut d’intérêt à agir constituant une fin de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union peut examiner d’office (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 45, et la jurisprudence citée).

 Arguments des parties

130    Les requérantes estiment que, dans la mesure où elles ont demandé l’annulation de la décision de rejet, elles ont également un intérêt à agir contre la décision d’attribution. Elles font valoir, à cet égard, que, à défaut d’annulation de la décision d’attribution, l’annulation éventuelle de la décision de rejet serait dépourvue d’objet.

131    Par ailleurs, les requérantes soutiennent qu’elles ont également intérêt à démontrer que toutes les autres offres auraient dû être éliminées de la procédure d’appel à la concurrence.

132    Selon l’EMSA, un soumissionnaire dont l’offre a été éliminée avant le stade précédant la décision d’attribution n’a pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision attribuant le marché.

 Appréciation du Tribunal

133    Selon la jurisprudence, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, point 33, et la jurisprudence citée).

134    Or, lorsque l’offre d’un soumissionnaire est rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution du marché, de sorte qu’elle n’est pas comparée aux autres offres, l’existence d’un intérêt à agir du soumissionnaire concerné contre la décision attribuant le marché est subordonnée à l’annulation de la décision rejetant son offre. En effet, ce n’est que si cette dernière décision est annulée que l’annulation de la décision attribuant le marché est susceptible, le cas échéant, d’avoir des conséquences juridiques pour le soumissionnaire dont l’offre a été rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution du marché et de lui procurer un bénéfice, en supprimant une décision adoptée au terme d’une comparaison n’ayant pas inclus, à tort, son offre.

135    En revanche, lorsque la demande en annulation de la décision rejetant l’offre est rejetée, l’annulation de la décision attribuant le marché n’est pas susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour le soumissionnaire dont l’offre a été rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution. Dans cette hypothèse, la décision rejetant l’offre fait obstacle à ce que le soumissionnaire concerné soit affecté par la décision subséquente attribuant le marché à un autre soumissionnaire.

136    Par ailleurs, il ressort des points 108 et 109 ci‑dessus que, dans l’économie des dispositions du règlement financier général et des modalités d’exécution générales relatives aux marchés publics, il n’appartient pas au soumissionnaire dont l’offre a été rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution de vérifier la conformité de l’ensemble des offres admises audit stade avec les critères d’exclusion et de sélection et avec l’objet du marché. Par conséquent, le soumissionnaire concerné ne saurait fonder son intérêt à agir contre la décision attribuant le marché sur la nécessité d’opérer une telle vérification.

137    En l’espèce, la demande visant à l’annulation de la décision de rejet a été rejetée au point 128 ci‑dessus. Dans ces circonstances, il ressort de ce qui a été exposé aux points 133 à 136 ci‑dessus que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir contre la décision d’attribution, de sorte que leur demande visant à l’annulation de cette dernière décision est irrecevable.

2.     Sur la demande en déclaration de nullité du contrat signé avec DCI

138    Les requérantes font valoir que les illégalités invoquées par elles dans le cadre des deux branches du premier moyen ont pour conséquence que le contrat signé par l’EMSA avec DCI doit être déclaré nul.

139    Or, d’une part, l’examen de la première branche du premier moyen n’a révélé aucune illégalité dont serait entachée la décision de rejet. Par conséquent, s’agissant de cette branche, l’argumentation des requérantes est fondée sur une prémisse erronée.

140    D’autre part, il convient d’observer que la signature du contrat avec DCI par l’EMSA est le résultat de la mise en œuvre de la décision d’attribution. Or, il ressort des points 133 à 137 ci‑dessus que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir contre ladite décision. Dans ces circonstances, elles ne disposent pas non plus d’un intérêt à obtenir la déclaration de nullité du contrat signé entre l’EMSA et DCI sur le fondement des allégations concernant la légalité de la décision d’attribution, telles que les allégations présentées dans le cadre de la seconde branche du premier moyen (voir point 36 ci‑dessus).

3.     Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

141    Les requérantes soutiennent que l’adoption des décisions de rejet et d’attribution leur a causé un préjudice qui serait constitué par la perte d’une chance substantielle de se voir attribuer le marché, par les dépenses supportées à l’occasion de la procédure de passation du marché et de la procédure devant le Tribunal ainsi que par une baisse de leur notoriété.

142    L’EMSA conteste tant la recevabilité que le bien‑fondé de la demande des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

143    Selon une jurisprudence bien établie, le bien-fondé d’un recours en indemnité introduit au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

144    En l’espèce, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il a été constaté aux points 34 et 35 ci‑dessus que l’objet du recours en annulation était constitué de deux décisions distinctes, à savoir la décision de rejet et la décision d’attribution.

145    Or, d’une part, l’examen des moyens et des arguments des requérantes visant la décision de rejet n’a pas révélé que cette dernière serait entachée d’une illégalité. Par conséquent, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’EMSA n’est pas remplie à l’égard de cette décision.

146    D’autre part, la circonstance constatée aux points 133 à 137 ci‑dessus, selon laquelle les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir contre la décision d’attribution, implique que le préjudice qu’elles ont prétendument subi ne saurait être, à le supposer constitué, la conséquence de ladite décision, mais de la décision de rejet. Ainsi, la condition liée à l’existence d’un lien de causalité fait défaut s’agissant de la décision d’attribution.

147    Dans ces circonstances, il convient de rejeter la demande en indemnité comme étant non fondée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

4.     Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

148    Les requérantes demandent au Tribunal l’adoption de mesures d’organisation de la procédure visant la production, d’une part, du rapport du comité d’évaluation et d’une copie de l’offre de DCI ou des extraits pertinents de ces documents et, d’autre part, d’éléments concernant d’éventuelles augmentations de prix dans le cadre de l’exécution du contrat conclu avec DCI. Toutefois, dans la mesure où lesdits documents ne remettraient pas, en toute hypothèse, en cause l’examen opéré ci‑dessus, il y a lieu de rejeter cette demande.

149    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

150    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EMSA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dredging International NV et Ondernemingen Jan de Nul NV sont condamnées aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2011.

Table des matières


Antécédents du litige

1.  Marché

2.  Participation des requérantes à la procédure de négociation

3.  Décisions de l’EMSA et communications subséquentes

4.  Signature du contrat avec DCI

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la demande d’annulation

Sur la décision de rejet

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non‑discrimination, liée à une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de JVOC, ainsi que sur la première branche du premier moyen, pour autant qu’elle concerne la conformité de l’offre de JVOC avec le plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré du caractère manifestement inadéquat et déraisonnable du plafond budgétaire prévu pour le lot n° 2

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la première branche du premier moyen, pour autant qu’elle concerne l’absence de communication de certains documents aux requérantes et la motivation du rejet de l’offre de JVOC

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la décision d’attribution

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur la demande en déclaration de nullité du contrat signé avec DCI

3.  Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

4.  Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.