Language of document : ECLI:EU:T:2010:153

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

21 avril 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire représentant une partie d’un mandrin avec trois rainures – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑7/09,

Schunk GmbH & Co. KG Spann- und Greiftechnik, établie à Lauffen am Neckar (Allemagne), représentée par Me C. Koppe-Zagouras, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Pohlmann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 31 octobre 2008 (affaire R 1109/2007‑1), concernant l’enregistrement du signe représentant une partie d’un mandrin avec trois rainures comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 janvier 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 3 avril 2009,

à la suite de l’audience du 9 décembre 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 mars 2003, la requérante, Schunk GmbH & Co. KG Spann- und Greiftechnik, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est reproduite ci-après :

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3        La requérante a qualifié la marque demandée, lors du dépôt de la demande d’enregistrement, de marque « autre ».

4        La demande de marque était accompagnée de la description suivante :

« La marque visée par la demande est une marque autre qui se présente sous la forme d’une présentation des produits revendiqués. Cette présentation consiste en trois rainures concentriques ménagées concentriquement par rapport à l’axe de rotation du mandrin de serrage sur la surface d’une partie du mandrin de serrage à symétrie de rotation. Elles n’ont aucune fonction technique. »

5        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7 et 8 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Mandrins de serrage mécaniques pour outils pour le traitement de pièces à usiner, en particulier mandrins de serrage pour machines-outils, mandrins de serrages expansibles » ;

–        classe 8 : « Mandrins de serrage manuels pour outils pour le traitement de pièces à usiner, en particulier mandrins de serrage pour machines-outils, mandrins de serrages expansibles ».

6        Par décision du 23 mai 2007, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement au motif, d’une part, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009] et, d’autre part, que ladite marque n’avait pas acquis de caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009], dès lors que les éléments de preuve produits à cet égard par la requérante étaient considérés comme insuffisants.

7        Le 16 juillet 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

8        Par décision du 31 octobre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours. En substance, la chambre de recours a considéré que la marque demandée consistait en la représentation d’un mandrin de serrage cylindrique présentant trois rainures parallèles ménagées circulairement. La chambre de recours a constaté que la pratique du rainurage des mandrins de serrage était habituelle et que les rainures étaient un élément décoratif de l’une des nombreuses configurations possibles des produits en cause, en sorte que le nombre de rainures ménagées sur le mandrin ne permettrait pas à l’acheteur desdits produits de distinguer ceux-ci des produits d’autres entreprises. Il s’ensuit, selon la chambre de recours, que le public pertinent, constitué de professionnels hautement spécialisés et possédant des connaissances techniques approfondies, ne reconnaîtrait pas les mandrins de serrage à leur forme, mais grâce aux noms commerciaux et aux marques verbales qui l’informent clairement et précisément de l’origine des produits. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que, en l’absence de preuves, la marque demandée ne pouvait pas non plus être enregistrée en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés d’une violation, d’une part, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, d’autre part, de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

12      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir omis de considérer que la marque demandée était, ainsi qu’il ressort des précisions apportées dans la demande d’enregistrement, une marque « autre » et critique celle-ci en ce qu’elle a vu dans les rainures des éléments décoratifs et non une indication d’origine.

13      L’OHMI conclut au rejet du moyen.

14      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

15      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 27].

16      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêts de la Cour Henkel/OHMI, point 15 supra, point 35, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25 ; voir, également, arrêt Forme d’un haut parleur, point 15 supra, point 28).

17      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt Storck/OHMI, point 16 supra, point 26, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêt Forme d’un haut parleur, point 15 supra, point 36).

18      Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Storck/OHMI, point 16 supra, point 27, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêt Forme d’un haut parleur, point 15 supra, point 37).

19      Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 [arrêt Henkel/OHMI, point 15 supra, point 39 ; arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Gerson/OHMI (Filtre à peinture en partie de couleur jaune), T‑201/06, non publié au Recueil, point 22, et du 14 septembre 2009, Lange Uhren/OHMI (Champs géométriques sur le cadran d’une montre), T‑152/07, non publié au Recueil, point 69].

20      Cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même, vaut également lorsque la marque demandée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêt Storck/OHMI, point 16 supra, point 29, et arrêt Champs géométriques sur le cadran d’une montre, point 19 supra, point 70).

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

22      En premier lieu, il convient de relever que, en l’espèce, les parties ne contestent pas l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 11 de la décision attaquée, selon laquelle les produits visés par la marque demandée sont destinés à un public de professionnels hautement spécialisés et possédant des connaissances techniques approfondies. Il y a donc lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de la perception présumée d’un tel consommateur professionnel.

23      En deuxième lieu, s’agissant de la nature de la marque demandée que la requérante a déposée en tant que marque « autre », force est de constater que cette marque est une représentation bidimensionnelle, en perspective, consistant en la reproduction d’une partie d’un mandrin de serrage sur la surface duquel sont ménagées trois rainures (voir, en ce sens, arrêt Storck/OHMI, point 16 supra, points 5 et 29). Même si la chambre de recours a énoncé, au point 12 de la décision attaquée, que « [l]e signe visé par la demande consis[tait] en un mandrin de serrage cylindrique qui présente trois rainures parallèles ménagées circulairement », il y a lieu de constater que, au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le signe demandé était une « reproduction » et a entériné la constatation de l’examinateur, figurant au point 3 de la décision attaquée, selon laquelle le « signe visé par la demande est la reproduction d’une partie cylindrique d’un mandrin de serrage qui présente trois rainures parallèles ménagées circulairement ».

24      Il s’agit donc, en substance, d’une reproduction d’une partie d’un mandrin présentant trois rainures, en sorte que c’est à juste titre que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles, laquelle est, selon la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, applicable aux marques constituées par la représentation bidimensionnelle du produit telles que celle en cause dans la présente affaire.

25      Dans l’hypothèse où la requérante demanderait la protection de la description telle que mentionnée au point 4 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la demande de marque ne saurait être générale et abstraite, sous peine de ne pouvoir constituer une marque au sens de l’article 4 du règlement n° 40/94 (devenu article 4 du règlement n° 207/2009), qui précise que peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, Rec. p. I‑11737, point 39, et du 25 janvier 2007, Dyson, C‑321/03, Rec. p. I‑687, points 27 et 28). Par ailleurs, et en tout état de cause, il n’en reste pas moins que la forme de présentation dont la requérante demande l’enregistrement s’inscrit dans un mandrin qui est précisément le produit pour lequel l’enregistrement de la marque a été demandé et qu’elle constitue une partie intégrante de la forme et de la représentation figurative dudit produit (voir, en ce sens, arrêt Champs géométriques sur le cadran d’une montre, point 19 supra, point 76).

26      En troisième lieu, il convient d’examiner si la forme demandée diverge, en raison de la présence de trois rainures concentriques, de façon significative de la norme ou des habitudes du secteur, et de ce fait, permet au consommateur d’identifier un mandrin correspondant à la forme de présentation demandée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de le distinguer des mandrins provenant d’autres entreprises.

27      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 12 de la décision attaquée, que la pratique consistant à ménager une ou plusieurs rainures sur les mandrins de serrage était usuelle dans le secteur concerné, constatation que la requérante n’a pas contestée.

28      La requérante, en se fondant sur la documentation qu’elle a elle-même fournie devant l’OHMI, réitère, devant le Tribunal, l’affirmation selon laquelle les différents producteurs apposent sur leurs mandrins des rainures dont, notamment, l’espacement, la largeur ou le nombre diffèrent en fonction des producteurs. Elle précise, par ailleurs, que le marquage de mandrins, qui ne répondrait à aucune utilité technique ou esthétique, serait reconnu par les professionnels concernés comme une indication d’origine.

29      À cet égard, d’une part, force est de constater que les caractéristiques auxquelles la requérante se réfère pour considérer la marque demandée comme ayant la capacité intrinsèque de distinguer ses produits de ceux de ses concurrents apparaissent comme de simples variantes habituelles apposées sur des mandrins et non pas comme des caractéristiques capables d’individualiser les produits en cause et de signaler, à elles seules, une origine commerciale déterminée. Les exemples de combinaisons similaires de rainures dont se prévaut la requérante ne diffèrent pas de manière significative des motifs de rainures des mandrins de serrage de la marque demandée, en sorte que ces différentes combinaisons de rainures sont plutôt des caractéristiques de présentation courantes de mandrins de serrage.

30      D’autre part, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il est usuel d’apposer sur les mandrins de serrage des rainures ou des spirales dans le seul but d’en identifier l’origine et ainsi de les distinguer des autres mandrins issus d’entreprises concurrentes et selon lequel le public pertinent perçoit ces rainures comme une indication d’origine, il convient de rappeler qu’il incombe à la requérante qui se prévaut du caractère distinctif d’une marque demandée de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif intrinsèque [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 48, et du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 21, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 50].

31      Or, en l’espèce, la requérante n’a fourni devant la chambre de recours aucun élément permettant de constater la pratique commerciale consistant à ménager dans les mandrins des motifs rainurés pour en indiquer l’origine et n’a pas non plus démontré le fait que le public associerait lesdits motifs rainurés à une indication d’origine des produits. Il s’ensuit que la chambre de recours pouvait conclure, au vu des seuls éléments qui lui ont été fournis, que les rainures figurant sur les mandrins n’étaient que des éléments décoratifs n’ayant aucune fonction d’identification de l’origine du produit.

32      Par ailleurs, la possibilité que le consommateur moyen ait l’habitude de reconnaître les produits de la requérante sur la base des seuls motifs rainurés ne saurait écarter, en l’espèce, l’application du motif absolu de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Une telle perception de la marque demandée ne pourrait être prise en considération que dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, Rec. p. II‑467, point 39, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165]. À cet égard, il convient de souligner que, bien que la requérante déclare que les publicités qu’elle diffuse mettent en exergue l’identification des produits qu’elle commercialise par les trois motifs rainurés, cet élément doit être pris en considération dans le cadre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, dans la mesure où l’acquisition du caractère distinctif résulterait, le cas échéant, notamment, d’un effort publicitaire et non d’un caractère distinctif intrinsèque.

33      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 12 de la décision attaquée, qu’il était usuel dans le secteur concerné de pratiquer une ou plusieurs rainures sur les mandrins de serrage, en sorte que la forme demandée ne diverge pas des habitudes du secteur et ne permet pas au consommateur de distinguer cette forme comme provenant d’une entreprise déterminée.

34      En quatrième lieu, s’agissant du fait que l’OHMI aurait enregistré une marque fortement similaire, il suffit de rappeler que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 40/94, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique antérieure des chambres de recours [arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 48 ; arrêts du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 35, et du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, non publié au Recueil, point 56].

35      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

36      La requérante prétend que la marque demandée a acquis un caractère distinctif en raison de l’usage. La documentation qu’elle a fournie devant l’OHMI établirait la notoriété acquise par la marque demandée en Allemagne ainsi que dans d’autres États et elle se proposerait d’en rapporter la preuve par témoins.

37      L’OHMI conclut au rejet du présent moyen.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009] ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. En effet, dans l’hypothèse visée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le fait que le signe constituant la marque en question est effectivement perçu, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale d’un produit ou d’un service est le résultat d’un effort économique du demandeur de la marque. Cette circonstance justifie d’écarter les considérations d’intérêt général sous-jacentes au paragraphe 1, sous b) à d), du même article, lesquelles exigent que les marques visées par ces dispositions puissent être librement utilisées afin d’éviter de créer un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur économique [voir arrêt du Tribunal 19 novembre 2008, Rautaruukki/OHMI (RAUTARUUKKI), T‑269/06, non publié au Recueil, point 43, et la jurisprudence citée].

39      En premier lieu, il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Toutefois, les circonstances dans lesquelles la condition liée à l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage peut être regardée comme satisfaite ne sauraient être uniquement établies sur la base de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés (voir arrêt RAUTARUUKKI, point 38 supra, point 44, et la jurisprudence citée).

40      En deuxième lieu, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque doit être démontré dans la partie de la Communauté européenne où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), dudit règlement (voir arrêt RAUTARUUKKI, point 38 supra, point 45, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque (voir arrêt Champs géométriques sur le cadran d’une montre, point 19 supra, point 128, et la jurisprudence citée).

41      En troisième lieu, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation, dans un cas d’espèce, de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, de facteurs tels que, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles. Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une fraction significative de ceux-ci, identifient grâce à la marque le produit comme provenant d’une entreprise déterminée, il doit en être conclu que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 pour l’enregistrement de la marque est remplie (voir arrêt RAUTARUUKKI, point 38 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

42      En quatrième lieu, selon la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque, y compris celui acquis par l’usage, doit, également, être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé et en tenant compte de la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits ou des services en cause normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt RAUTARUUKKI, point 38 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

43      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, dans la présente affaire, la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le signe demandé n’avait pas de caractère distinctif acquis par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

44      À cet égard, force est de constater que la requérante invoque sa position de leader sur le marché des mandrins de serrage en Allemagne, en Autriche, en France, en Suède, en Italie et dans les pays du Benelux, sans étayer de quelque manière que ce soit ses allégations. Ainsi, la requérante n’a produit que des extraits de catalogues qu’elle ou que ses concurrents diffusent, lesquels sont totalement insuffisants aux fins de la détermination de la part de marché détenue par la marque, de l’intensité, de l’étendue géographique et de la durée de l’usage de cette marque, de l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, ou de la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque.

45      Or, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il incombe à la requérante qui se prévaut du caractère distinctif d’une marque demandée de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif acquis par l’usage (voir, en ce sens, arrêts Tablette ovoïde, point 30 supra, point 48, et Forme d’une bouteille en plastique, point 30 supra, point 21, confirmé sur pourvoi par arrêt Develey/OHMI, point 30 supra, point 50).

46      Par ailleurs, s’agissant du territoire à prendre en considération, il résulte de la jurisprudence que, dès lors que le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée doit être démontré dans la partie substantielle de la Communauté où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que le motif de refus existe, pour celle-ci, dans toute la Communauté, c’est en principe l’intégralité du territoire de la Communauté telle que composée de quinze États membres à la date du dépôt de la demande en 2003 qui devait être prise en considération (voir, en ce sens, arrêt Champs géométriques sur le cadran d’une montre, point 19 supra, point 133).

47      Or, force est de constater que les éléments d’information soumis par la requérante à la chambre de recours aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 ne concernent que huit États membres.

48      En ce qui concerne l’offre de preuves par témoins faite par la requérante, il y a lieu de considérer qu’elle ne saurait prospérer. En effet, la fonction du Tribunal n’étant pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui, il convient d’écarter les faits invoqués pour la première fois devant le Tribunal s’ils n’ont pas été invoqués préalablement devant l’OHMI [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, Rec. p. II‑411, points 61 et 62, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, Rec. p. I‑8993].

49      Dans ces conditions, le second moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément à ses conclusions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Schunk GmbH & Co. KG Spann- und Greiftechnik est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 avril 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.