Language of document : ECLI:EU:T:2010:477



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

24 novembre 2010 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Rejet du recours en première instance comme manifestement irrecevable – Demande de restitution de biens personnels – Notification de la décision de rejet de la réclamation dans une autre langue que celle de la réclamation – Recours tardif – Défaut de réponse à un chef de conclusions présenté en première instance »

Dans l’affaire T‑9/09 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑133/06, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, J. Azizi et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑133/06, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable le recours du requérant visant, notamment, à l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes ayant rejeté sa demande tendant à ce que lui soient livrés, à son domicile actuel, des biens précédemment laissés dans le logement de service qui lui avait été attribué lorsqu’il était affecté à la délégation de la Commission en Angola, d’une part, et à la condamnation de l’institution à lui payer des dommages-intérêts, d’autre part.

 Antécédents du litige, procédure en première instance et ordonnance attaquée

2        Le requérant, ancien fonctionnaire de la Commission, a été affecté du 16 juin 2000 au 1er avril 2002 à Luanda, au sein de la délégation de l’institution en Angola. Un logement de service a été mis à sa disposition, dans lequel il a installé ses effets personnels.

3        Par décision du 18 mars 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a réaffecté le requérant au siège de la Commission à Bruxelles alors que celui-ci se trouvait en congé maladie à son domicile en Italie.

4        Par lettre du 15 octobre 2002, la Commission a informé le requérant qu’il serait procédé à la résiliation du bail du logement à Luanda et au déménagement de ses biens personnels. Le requérant ayant opposé son refus à cette décision, ses biens ont été stockés à Luanda.

5        À la suite de nombreux courriers, restés sans réponse, invitant le requérant à prendre possession de ses biens, la Commission a procédé au transfert et au stockage des biens du requérant en Italie.

6        Par décision du 30 mai 2005, le requérant étant toujours en congé maladie en Italie, l’AIPN a décidé de le mettre à la retraite et de lui accorder une allocation d’invalidité.

7        Par note datée du 31 août 2005, parvenue à la Commission le 8 septembre suivant, le requérant a demandé à la Commission, au titre de l’article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut des fonctionnaires »), de lui restituer ses biens à son domicile actuel. Le silence gardé par l’institution durant quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet (ci-après la « décision litigieuse ») le 8 janvier 2006.

8        Le 20 mars 2006, le requérant a introduit une réclamation, en langue italienne, à l’encontre de la décision litigieuse. L’AIPN a rejeté cette réclamation par décision du 20 juillet 2006, communiquée au requérant le 30 août 2006 en version française (ci-après la « décision communiquée le 30 août 2006 »). Une version en langue italienne n’a été communiquée au requérant, à sa demande, que le 6 novembre 2006.

9        Le 24 novembre 2006, le requérant a déposé auprès du Tribunal de la fonction publique une demande d’aide judiciaire afin d’introduire un recours contre la décision litigieuse. Par ordonnance du président du Tribunal de la fonction publique du 8 mai 2007, Marcuccio/Commission (F‑133/06 AJ, non publiée au Recueil), cette demande d’aide judiciaire a été rejetée.

10      Le 11 juillet 2007, le requérant a introduit un recours en annulation devant le Tribunal de la fonction publique tendant notamment à l’annulation de la décision litigieuse et, en tant que de besoin, de la décision communiquée le 30 août 2006.

11      Par ordonnance du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑133/06, non encore publiée au Recueil) (ci-après l’« ordonnance attaquée »), le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable sur le fondement de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique et de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, applicable mutatis mutandis au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur de son propre règlement de procédure, le 1er novembre 2007.

12      Le Tribunal de la fonction publique a considéré que, tout en tenant compte du fait que l’introduction d’une demande d’aide judiciaire suspend le délai de recours, la requête avait été introduite tardivement. Ledit délai aurait commencé à courir à compter de la notification au requérant de la décision communiquée le 30 août 2006.

13      Afin de déterminer le point de départ du délai de recours, le Tribunal de la fonction publique, au point 42 de l’ordonnance attaquée, s’est fondé sur la jurisprudence établissant que la notification d’une décision de rejet d’une réclamation peut être adressée dans une langue autre que la langue maternelle de l’intéressé ou de celle dans laquelle la réclamation a été rédigée à condition que ce dernier puisse en prendre utilement connaissance (arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Bonaiti Brighina/Commission, T‑118/99, RecFP p. I‑A‑25 et II‑97, point 17, et arrêt du Tribunal de la fonction publique du 13 décembre 2007, Duyster/Commission, F‑51/05 et F‑18/06, non encore publié au Recueil, point 57). Aux points 44 à 48 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique s’est appuyé sur les éléments factuels présentés par la Commission dans son mémoire en défense pour conclure à la connaissance suffisante de la langue française par le requérant.

14      S’agissant des dépens, le Tribunal de la fonction publique, aux points 56 à 58 de l’ordonnance attaquée, a considéré qu’il y avait lieu de condamner le requérant à l’ensemble des dépens puisque les frais qu’il avait fait exposer à la Commission devaient être jugés frustratoires ou vexatoires, au motif que le requérant se serait obstiné à faire preuve d’obstruction vis-à-vis de la Commission en refusant de coopérer avec elle et en optant pour la voie contentieuse sans aucune justification.

15      À cet égard, le Tribunal de la fonction publique rappelle que la Commission, après avoir informé le requérant que ses effets personnels ainsi que son véhicule avaient été transférés en Italie, lui avait demandé de prendre contact d’urgence avec la société ayant stocké ses biens en Italie afin de s’accorder sur les modalités de livraison de ceux-ci à son domicile. Pourtant, le requérant n’aurait accompli aucune démarche en ce sens et aurait, au contraire, exigé de l’institution qu’elle procède elle-même à la livraison desdits biens.

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2009, le requérant a introduit le présent pourvoi.

17      À la suite du dépôt du mémoire en réponse par la Commission le 31 mars 2009, le requérant a, par lettre du 17 avril 2009, demandé de pouvoir présenter un mémoire en réplique, conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

18      Le président de la chambre des pourvois du Tribunal ayant fait droit à cette demande par décision du 28 avril 2009, le deuxième échange de mémoires a eu lieu et la procédure écrite a été close le 14 juillet 2009.

19      Par lettre du 27 juillet 2009, le requérant a formulé une demande motivée, au titre de l’article 146 du règlement de procédure, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, dans sa totalité et sans exception aucune, l’ordonnance attaquée ;

–        déclarer que le recours en première instance dans le cadre duquel l’ordonnance litigieuse a été rendue était parfaitement recevable ;

–        faire droit en totalité et sans exception aux demandes du requérant dans son recours en première instance et condamner la Commission à l’ensemble des dépens relatifs tant à la procédure en première instance qu’à celle en pourvoi ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer la présente affaire au Tribunal de la fonction publique.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi au motif qu’il est irrecevable et/ou dénué de fondement ;

–        condamner le requérant à supporter l’ensemble des dépens ;

–        à titre subsidiaire, déclarer en tout état de cause que le recours en première instance est irrecevable et/ou dénué de fondement.

 En droit

22      Le requérant soulève huit moyens à l’appui de son pourvoi. Le premier moyen est tiré du défaut absolu d’instruction par le Tribunal de la fonction publique et de l’omission par celui-ci de statuer sur l’inexistence en droit de la décision litigieuse. Le deuxième moyen est tiré du défaut de motivation des points de l’ordonnance attaquée concernant l’irrecevabilité des conclusions du requérant visant la condamnation de la Commission à lui restituer ses biens. Le troisième moyen est tiré du défaut absolu de motivation des points de l’ordonnance attaquée concernant l’irrecevabilité de la demande d’annulation de la décision litigieuse. Le quatrième moyen est tiré du défaut absolu de motivation des constatations du Tribunal de la fonction publique concernant l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires du requérant. Le cinquième moyen est tiré de l’illégalité des affirmations du Tribunal de la fonction publique concernant l’irrecevabilité manifeste du recours en première instance dans son ensemble. Le sixième moyen est tiré du défaut de motivation, lié notamment au défaut absolu de mesures d’instruction, relatif à l’omission par le Tribunal de la fonction publique de constater que le mémoire en défense aurait été déposé hors délai. Le septième moyen est tiré du défaut absolu de motivation des constatations relatives à la condamnation du requérant aux dépens. Le huitième moyen est tiré de la violation des règles relatives à un procès équitable, notamment de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), moyen qui résulterait de ceux qui précèdent.

 Sur le premier moyen, tiré du défaut absolu d’instruction par le Tribunal de la fonction publique et de l’omission par celui-ci de statuer sur l’inexistence en droit de la décision litigieuse

–       Arguments des parties

23      Par son premier moyen, le requérant allègue qu’il avait conclu, dans la requête introductive d’instance devant le Tribunal de la fonction publique, à l’inexistence en droit de la décision litigieuse. Cependant, le Tribunal de la fonction publique ne se serait pas prononcé sur ce chef de conclusions, manquant ainsi à son devoir d’instruire l’affaire.

24      Cette omission serait d’autant plus grave que, selon le requérant, à supposer même que sa demande d’annulation ait été irrecevable parce que tardive, sa demande visant à faire déclarer l’inexistence de la décision litigieuse était en tout état de cause recevable, puisqu’une demande visant la constatation d’inexistence d’un acte ne serait soumise à aucun délai.

25      L’inexistence de la décision litigieuse découlerait du fait que celle-ci aurait entraîné le refus de la part de la Commission de réintégrer le requérant dans la possession légitime de tous les biens dont il aurait été illégalement privé par la Commission, laquelle aurait perpétré à son encontre une violation de domicile en s’appropriant sans titre lesdits biens. La décision litigieuse serait, dès lors, contraire au droit de propriété, et ce sans aucun motif d’intérêt ou d’utilité publique, sans avoir suivi les conditions prévues par la loi ainsi que par les principes généraux du droit, et, enfin, sans qu’il ait été versé en temps utile de juste indemnité au requérant. L’ordre juridique de l’Union ne pourrait admettre le fait que la Commission se soit approprié les biens du requérant et encore moins qu’il existe ou qu’il ait existé un acte par lequel la Commission aurait refusé de pallier les effets de cette action.

26      La Commission fait valoir que le requérant n’a invoqué ce chef de conclusions que dans la partie introductive de la requête, mais qu’il a omis, ensuite, de s’y référer dans ses conclusions figurant à la fin de la requête en première instance. Ce moyen serait dès lors inopérant et dénué de fondement.

27      En tout état de cause, selon la Commission, il devrait être tenu compte du fait que la décision litigieuse est une décision implicite, par rapport à laquelle la notion d’inexistence ne semblerait pas pouvoir s’appliquer. Par ailleurs, le fait d’invoquer l’inexistence d’un acte ne permettrait pas à un requérant de contourner les délais impartis par le statut des fonctionnaires.

28      Enfin, la Commission soutient que la constatation d’inexistence d’un acte est réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes qui ne seraient pas prouvées en l’espèce. En effet, la violation présumée du droit de propriété de M. Marcuccio, outre qu’elle ne se rattacherait pas à la prétendue illégalité de la décision litigieuse, serait dépourvue de tout fondement.

–       Appréciation du Tribunal

29      Selon une jurisprudence constante, un moyen tiré du défaut de réponse par le juge de première instance à un chef de conclusions ou à un moyen invoqué devant lui revient, en substance, à invoquer une violation par le Tribunal de la fonction publique de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour, applicable au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut (arrêt du Tribunal du 8 juin 2009, Krcova/Cour de justice, T‑498/07 P, non encore publié au Recueil, point 34 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission, C‑283/90 P, Rec. p. I‑4339, point 29, et du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, points 80 à 83).

30      À cet égard, il convient de rappeler que, si l’obligation qui incombe au Tribunal de la fonction publique de motiver ses décisions n’implique pas que celui-ci réponde dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier si ce dernier ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés, elle lui impose, à tout le moins, d’examiner toutes les violations de droits alléguées devant lui (voir arrêt du Tribunal du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑50/08 P, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée).

31      Force est de constater qu’il ressort de la requête introductive d’instance devant le Tribunal de la fonction publique que le requérant a invoqué l’inexistence en droit de la décision litigieuse à l’appui de son recours devant ladite juridiction, formulant un chef de conclusions visant expressément à ce que le Tribunal de la fonction publique déclare la décision litigieuse inexistante. En outre, il a présenté les motifs soutenant cette critique d’une manière suffisamment claire et précise.

32      Or, il ressort de l’ordonnance attaquée que le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris position sur la demande du requérant tendant à la déclaration d’inexistence de la décision litigieuse.

33      Bien que cette demande n’ait pas été répétée dans la partie finale de la requête, il n’en reste pas moins que, au vu des circonstances rappelées ci-dessus, une telle omission est constitutive une violation du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, Rec. p. I‑4967, point 11).

34      Il convient donc d’accueillir le présent moyen et d’annuler l’ordonnance attaquée dans la mesure où il n’y a pas été statué sur la demande du requérant visant à la déclaration d’inexistence de la décision litigieuse.

35      En application de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et, lorsque le litige est en état d’être jugé, statue lui-même sur le litige.

36      En l’espèce, le litige est en état d’être jugé sur ce point. Il convient donc d’examiner immédiatement la demande du requérant visant à la déclaration d’inexistence de la décision litigieuse.

37      À cet égard, il convient de rappeler que les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés. Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique de l’Union doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique. La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de l’Union postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (voir arrêt du Tribunal du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequeira Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, non encore publié au Recueil, points 150 à 152, et la jurisprudence citée).

38      Au soutien de sa demande de déclaration d’inexistence, le requérant a allégué, en première instance, que l’obligation qui s’imposait à la Commission de lui restituer ses biens résultait du principe du respect du droit de propriété tel qu’il figure à l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, qui serait partie intégrante et substantielle de l’ordre juridique de l’Union. La violation prétendument perpétrée par la Commission en s’abstenant de se conformer à l’obligation de respecter le droit de propriété aurait un caractère si grave qu’elle emporterait l’inexistence des actes faisant l’objet du recours en première instance, compte tenu également de la prétendue illégalité manifeste du déménagement d’office.

39      Il convient de rappeler, tout d’abord, que la décision litigieuse est une décision de rejet implicite, qui s’est formée de jure, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, dernière phrase, du statut des fonctionnaires, au motif que l’AIPN n’a pas répondu dans le délai prévu à la demande du requérant parvenue à la Commission le 8 septembre 2005.

40      Or, à supposer même qu’une telle décision, qui constitue une fiction juridique, puisse être déclarée inexistante conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, il y a lieu de constater que la violation de son droit de propriété invoquée par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme relevant des hypothèses extrêmes auxquelles ladite jurisprudence se réfère, ne serait-ce qu’aux motifs, d’une part, que la Commission n’a jamais nié que le requérant était le seul propriétaire des biens ayant été déménagés et, d’autre part, que la circonstance que ce dernier n’en dispose pas encore est due, à tout le moins en partie, à un manque de coopération de la part du requérant lui-même. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance du Tribunal du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission (T‑241/03, RecFP p. I‑A‑2-111 et II-A-2-517, point 39), le déménagement effectué par la Commission doit être considéré comme une mesure d’ordre pratique par laquelle celle-ci a cherché à surmonter, par ses propres moyens, les difficultés rencontrées par le requérant dans l’exécution de l’obligation de libérer le logement de service qui lui incombait.

41      Il s’ensuit que la demande de déclaration d’inexistence de la décision litigieuse doit être rejetée. Il convient donc d’examiner les moyens du pourvoi restants.

 Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de motivation des points de l’ordonnance attaquée concernant l’irrecevabilité des conclusions du requérant visant à la condamnation de la Commission à lui restituer ses biens

–       Arguments des parties

42      Le requérant considère que le Tribunal de la fonction publique n’a pas suffisamment motivé sa décision en énonçant, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions ou de se substituer à ces dernières. Il considère également que l’ordonnance attaquée est entachée d’une violation des articles 235 CE et 288 CE, tels qu’interprétés par la jurisprudence selon laquelle le juge de l’Union a compétence pour imposer aux institutions toute forme de réparation qui est conforme aux principes généraux communs aux droits des États membres en matière de responsabilité non contractuelle, y compris, si elle apparaît conforme à ces principes, une réparation en nature, le cas échéant sous forme d’injonction de faire ou de ne pas faire (arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec. p. II‑1291, point 63).

43      La Commission conteste les arguments du requérant.

–        Appréciation du Tribunal

44      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que le point 35 de l’ordonnance attaquée satisfait à l’obligation de motivation dans la mesure où, au soutien de sa prise de position selon laquelle il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions ou de se substituer à ces dernières, le Tribunal de la fonction publique s’est référé à l’arrêt du Tribunal du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes (T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 30), qui énonce un principe applicable en l’espèce et qui a été reconnu par une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Parlement, T‑275/01, RecFP p. I‑A‑171 et II‑765, point 78 ; ordonnance du Tribunal du 22 mars 2006, Strack/Commission, T‑4/05, RecFP p. I‑A‑2-83 et II-A-2-361, point 55).

45      Par ailleurs, s’agissant de la référence faite par le requérant à l’ordonnance Galileo International Technology e.a./Commission, point 42 supra, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un litige entre un fonctionnaire et l’institution dont il dépend ou dépendait, et visant à la réparation d’un dommage, relève de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires et se trouve, en ce qui concerne, notamment, sa recevabilité, en dehors du champ d’application des articles 268 TFUE et 340 TFUE (voir arrêt du Tribunal du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 74, et la jurisprudence citée).

 Sur le troisième moyen, tiré du défaut absolu de motivation des points de l’ordonnance attaquée concernant l’irrecevabilité de la demande d’annulation de la décision litigieuse

–       Arguments des parties

46      Le requérant admet que la notification d’une décision de rejet d’une réclamation dans une langue qui n’est ni la langue maternelle du fonctionnaire ni celle dans laquelle la réclamation est rédigée peut être régulière, mais il souligne qu’une telle possibilité est soumise à la condition que l’intéressé puisse prendre utilement connaissance de cette décision. Ainsi, selon le requérant, si la langue utilisée par l’AIPN n’est pas maîtrisée d’une façon approfondie par le fonctionnaire destinataire de la décision de rejet et que celui-ci en demande une traduction avec célérité, le délai de recours ne commence à courir qu’à partir du moment où il a reçu cette traduction.

47      Le requérant observe ensuite que, au titre de l’article 1 quinquies, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires et conformément à la jurisprudence, sont interdites toutes les discriminations, même indirectes, entre fonctionnaires ou anciens fonctionnaires, fondées sur leur langue maternelle ou sur leurs connaissances linguistiques. Des limitations à une telle interdiction ne seraient possibles que si elles étaient objectivement et raisonnablement justifiées, répondaient à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel et n’affectaient pas le droit de la personne concernée à ne pas faire l’objet de discrimination. Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas expliqué en quoi la limitation qu’il a appliquée était justifiée.

48      Selon le requérant, pour qu’une décision rédigée dans une autre langue déclanche le délai de recours, il serait nécessaire, notamment, qu’il soit démontré sans aucun doute que l’intéressé a effectivement, parfaitement et facilement compris le contenu de la décision de rejet de la réclamation dans son ensemble, comme si cette décision avait été rédigée dans sa langue maternelle ou dans la langue dans laquelle la réclamation a été introduite, ce que le Tribunal de la fonction publique aurait omis de faire dans l’ordonnance attaquée.

49      En effet, le Tribunal de la fonction publique, afin d’apprécier si le requérant maîtrisait le français à la date à laquelle il a reçu la décision communiquée le 30 août 2006, aurait pris en compte des données factuelles non pertinentes. En ce qui concerne le fait, relaté au point 45 de l’ordonnance attaquée, que le requérant avait lui-même indiqué, dans le curriculum vitae qu’il avait joint à son dossier d’engagement en qualité de fonctionnaire, qu’il possédait une bonne maîtrise de cinq langues, au nombre desquelles figurait le français, le requérant fait valoir, premièrement, que son auto-évaluation n’est pas pertinente puisque l’appréciation devrait être objective, deuxièmement, que des bonnes connaissances n’équivalent pas, en tout état de cause, au niveau requis pour que le délai de recours puisse courir dès la notification de la décision communiquée le 30 août 2006 et, troisièmement, que ledit curriculum vitae faisait référence au niveau de maîtrise linguistique du requérant à la date à laquelle il a été engagé par la Commission, à savoir en juin 2000, tandis que, selon le requérant, ce qui importe, en l’espèce, est son niveau de maîtrise du français le 30 août 2006, à savoir plus de six ans plus tard. À cet égard, le requérant observe qu’il a souffert d’une grave maladie, qu’il a été mis à la retraite et qu’il réside en Italie, dans une petite ville du sud, sans avoir désormais l’occasion de se servir du français ni d’aucune autre langue étrangère.

50      Le requérant fait valoir des arguments similaires à l’égard de son rapport de stage, établi en 2001, à propos duquel le Tribunal de la fonction publique, aux points 46 et 47 de l’ordonnance attaquée, a affirmé qu’il en ressortait, directement pour certains aspects, implicitement pour d’autres, que le requérant comprenait le français et utilisait cette langue dans l’accomplissement de ses tâches professionnelles.

51      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

52      À titre liminaire, il convient de relever que la question du respect de l’obligation de motivation, prévue à l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique à l’égard d’une ordonnance rejetant le recours comme manifestement irrecevable, doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, cette question relevant de la légalité au fond de l’ordonnance en cause (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I-2481, point 35, et du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, point 48).

53      En effet, d’une part, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 181, et la jurisprudence citée). D’autre part, le fait que le juge de première instance soit, sur le fond, parvenu à une conclusion différente de celle du requérant ne saurait en soi entacher l’ordonnance attaquée d’un défaut de motivation (voir arrêt de la Cour du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, non encore publié au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée).

54      Or, le Tribunal de la fonction publique a motivé l’ordonnance attaquée à suffisance de droit, dès lors que, aux points 41 à 52 de celle-ci, il a premièrement, rappelé la jurisprudence relative à la notification des décisions et notamment aux conditions requises pour que la notification puisse être considérée comme régulière bien que la décision répondant à la réclamation ne soit pas rédigée dans la langue choisie par le réclamant, deuxièmement, examiné si les faits de l’espèce réunissaient ces conditions en concluant par l’affirmative et, troisièmement, tiré les conséquences de la conclusion à laquelle il était parvenu.

55      Il s’ensuit que l’ordonnance attaquée n’est pas viciée par un défaut de motivation.

56      Pour autant que le requérant conteste l’appréciation des éléments factuels qui a amené le Tribunal de la fonction publique à conclure qu’il maîtrisait la langue française, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pourvoi devant le Tribunal étant limité aux questions de droit conformément à l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, point 44, et ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, non publiée au Recueil, point 45).

57      En outre, l’appréciation par le juge de première instance de la force probante d’un document ne peut, en principe, être soumise au contrôle du Tribunal dans le cadre d’un pourvoi. Le Tribunal de la fonction publique est ainsi seul compétent pour apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise au juge du pourvoi (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, non encore publié au Recueil, point 198, et la jurisprudence citée).

58      Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêts du Tribunal du 12 mars 2008, Rossi Ferreras/Commission, T‑107/07 P, non encore publié au Recueil, point 30, et du 26 novembre 2008, OHMI/López Teruel, T‑284/07 P, non encore publié au Recueil, point 47).

59      Le pouvoir de contrôle du Tribunal sur les constatations de fait opérées par le Tribunal de la fonction publique s’étend donc, notamment, à l’inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier, à la dénaturation des éléments de preuve, à la qualification juridique de ceux-ci et à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 39, et la jurisprudence citée).

60      Or, les allégations du requérant dans le cadre du présent pourvoi concernant sa prétendue perte de la connaissance de la langue française ne permettent pas de considérer que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits ou commis des inexactitudes matérielles lorsqu’il a apprécié, aux points 44 à 47 de l’ordonnance attaquée, les éléments factuels produits par la Commission dans son mémoire en défense et dans ses annexes. De même, dans la mesure où c’est la Commission qui a fourni les éléments de preuve permettant au Tribunal de la fonction publique de conclure à l’irrecevabilité du recours, les règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve ont été respectées. Quant à la qualification des faits effectuée par le Tribunal de la fonction publique afin d’en tirer la conclusion que la notification de la décision communiquée le 30 août 2006 déclanchait le délai de recours, elle doit être confirmée. En effet, dès lors que le Tribunal de la fonction publique a considéré comme suffisamment établi par les pièces du dossier que le requérant maîtrisait le français, il était en droit d’en tirer les conséquences ressortant de l’application de la jurisprudence relative aux notifications de décisions rédigées dans une langue autre que celle choisie par le fonctionnaire (arrêts du Tribunal du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, points 42 à 45, et du 7 février 2001, Bonaiti Brighina/Commission, point 13 supra, points 16 et 17).

61      Il ressort de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré du défaut absolu de motivation des constatations du Tribunal de la fonction publique concernant l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires du requérant

62      Le requérant prétend que les erreurs de droit invoquées dans le cadre de son troisième moyen de pourvoi affectent inévitablement l’affirmation faite par le Tribunal de la fonction publique quant à l’irrecevabilité des conclusions en indemnité.

63      La Commission conteste les arguments du requérant.

64      Force est de constater que, puisqu’il ressort de l’examen du troisième moyen que le Tribunal de la fonction publique a à bon droit déclaré irrecevables les conclusions en annulation dont le requérant l’avait saisi, c’est également à bon droit que ledit Tribunal a fondé le rejet des conclusions en indemnité du requérant sur la jurisprudence selon laquelle des telles conclusions sont irrecevable lorsqu’elle présentent un lien étroit avec des conclusions en annulation, elles-mêmes déclarées irrecevables (arrêt de la Cour du 14 septembre 2006, Commission/Fernández Gómez, C‑417/05 P, Rec. p. I‑8481, point 51 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, non encore publié au Recueil, point 178).

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’illégalité des affirmations du Tribunal de la fonction publique concernant l’irrecevabilité manifeste du recours en première instance dans son ensemble

65      Le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir déclaré irrecevable le recours dans son ensemble en s’appuyant sur des arguments entachés d’erreurs de droit.

66      La Commission conteste les arguments du requérant.

67      Force est de constater que, les moyens précédents ayant été rejetés, le présent moyen est manifestement non fondé et doit dès lors être également rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré du défaut de motivation, lié notamment au défaut absolu de mesures d’instruction, relatif à l’omission par le Tribunal de la fonction publique de constater que le mémoire en défense aurait été déposé hors délai

–       Arguments des parties

68      Le requérant estime que le mémoire en défense de la Commission a été déposé tardivement et que le Tribunal de la fonction publique a commis un vice de procédure en le versant au dossier au lieu de le déclarer irrecevable.

69      Le dépôt dudit mémoire, parvenu au greffe du Tribunal de la fonction publique le 4 octobre 2007, serait tardif parce qu’il ressortirait de la lettre du 19 juillet 2007 du greffier de ce tribunal au requérant que le recours avait été notifié à la Commission à cette dernière date, avec la conséquence que le délai prévu pour présenter ce mémoire aurait expiré le 1er octobre 2007.

70      Ce vice de procédure aurait porté préjudice au requérant puisque le Tribunal de la fonction publique, en faisant droit, au point 49 de l’ordonnance attaquée, à un argument de la Commission figurant dans le mémoire en défense, aurait tenu compte de ce dernier alors qu’il n’aurait pas dû le faire, eu égard à l’introduction tardive de ce document. Selon le requérant, il ne saurait être exclu que, si le Tribunal de la fonction publique n’avait pas tenu compte du mémoire en défense, il aurait pu statuer de manière différente et plus favorable au requérant.

71      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

72      En l’espèce, il ressort du dossier de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique que le requérant a déposé l’original de sa requête en première instance au greffe de ce Tribunal le 16 juillet 2007. Le 19 juillet 2007, le greffe du Tribunal de la fonction publique a, par courrier recommandé avec accusé de réception, envoyé la requête à la Commission et celle-ci en a accusé réception le 25 juillet suivant. La Commission a déposé son mémoire en défense au greffe du Tribunal de la fonction publique le 4 octobre 2007.

73      Or, aux termes de l’article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, applicable mutatis mutandis au Tribunal de la fonction publique jusqu’au 1er novembre 2007, lu conjointement avec l’article 102, paragraphe 2, du même règlement, la partie défenderesse présente le mémoire en défense dans les deux mois et dix jours qui suivent la signification de la requête.

74      En outre, il ressort du dossier du Tribunal de la fonction publique que ce dernier a signifié la requête à la Commission par envoi postal recommandé avec accusé de réception à l’adresse de celle-ci. Il y a lieu de relever que le Tribunal de la fonction publique ne disposait d’aucune autre possibilité pour procéder à la signification, dans la mesure où, s’agissant de la signification de la première pièce dans le cadre d’une nouvelle affaire, la Commission n’avait pas encore eu l’occasion d’élire domicile à Luxembourg ni d’accepter de recevoir les significations par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication.

75      Par ailleurs, en cas d’envoi postal recommandé, la date de la signification qui déclenche les délais est celle à laquelle le destinataire a accusé réception de l’envoi postal recommandé qui lui a été adressé (voir ordonnance du Tribunal du 23 mars 2010, Marcuccio/Commission, T‑16/09 P, non encore publiée au Recueil, point 64, et la jurisprudence citée).

76      Ainsi, la Commission ayant accusé réception du courrier recommandé du Tribunal de la fonction publique contenant la requête le 25 juillet 2007, le délai de deux mois et dix jours pour le dépôt du mémoire en défense devait se calculer à compter de cette dernière date et expirait donc le 5 octobre 2007. La Commission ayant déposé son mémoire en défense le 4 octobre 2007, elle n’a manifestement pas déposé celui-ci hors délai. Dès lors, le présent moyen manque en fait.

77      Il en découle que le Tribunal de la fonction publique pouvait prendre en considération le mémoire en défense de la Commission.

78      Partant, le sixième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré du défaut absolu de motivation des constatations relatives à la condamnation du requérant aux dépens

–       Arguments des parties

79      Le requérant conteste le fait que le Tribunal de la fonction publique l’ait condamné à l’ensemble des dépens en jugeant que sa conduite, prétendument obstructionniste à l’égard de la Commission, avait exposé celle-ci à des frais frustratoires ou vexatoires. Il fait valoir, à ce propos, que sa conduite ne saurait être qualifiée d’obstructionniste et qu’il aurait, en revanche, fait preuve de disponibilité vis-à-vis de ladite institution, en dépit du caractère incomplet des informations que celle-ci lui avait données et en dépit du fait que la Commission aurait disposé de toutes les informations nécessaires pour pouvoir, éventuellement par personne interposée, réintégrer le requérant dans la possession de ses biens si elle avait eu l’intention de le faire. Ce serait la Commission qui aurait eu une attitude d’obstruction, dès lors qu’elle aurait omis de répondre à la demande du requérant du 31 août 2005.

80      Par ailleurs, le requérant soutient que, le mémoire en défense étant à son avis irrecevable, il ne peut exister aucun droit de la Commission aux dépens qu’elle a exposés pour la rédaction dudit mémoire, seule activité de défense de ladite institution dans le cadre de la première instance.

81      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

82      Il ressort de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour qu’un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens. Il en résulte que, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal de la fonction publique sur les dépens doivent être rejetées comme irrecevables (ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission, T‑46/08 P, non encore publiée au Recueil, point 84 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, non encore publié au Recueil, point 111, et la jurisprudence citée).

83      Il s’ensuit que le septième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation des règles relatives à un procès équitable

–       Arguments des parties

84      Le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a violé les exigences du procès équitable, notamment eu égard à l’article 6 de la CEDH ainsi qu’à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux et observe que ce moyen ressort inévitablement des autres moyens exposés ci-dessus.

85      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

86      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure du Tribunal. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête. À cet égard, il n’appartient pas au Tribunal d’aller rechercher dans l’ensemble des éléments invoqués au soutien d’un premier moyen si ces éléments peuvent également être utilisés au soutien d’un second moyen (voir ordonnance du Tribunal du 23 mars 2010, Marcuccio/Commission, point 75 supra, point 15, et la jurisprudence citée).

87      La mention selon laquelle le « moyen résulte inévitablement de ceux qui précèdent » ne permettant pas de comprendre les violations alléguées des règles relatives à un procès équitable, de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le huitième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

88      Il résulte de tout ce qui précède que le présent pourvoi ne peut être accueilli que dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a violé l’obligation de motivation en ne statuant pas sur la demande du requérant visant à la déclaration d’inexistence de la décision litigieuse. Le pourvoi doit être rejeté comme en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé pour le surplus.

89      Toutefois, en statuant sur le litige en première instance, en application de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, le Tribunal a jugé que la demande de déclaration d’inexistence devait être rejetée. Il en découle que le recours, en tant qu’il visait à la déclaration d’inexistence de la décision litigieuse, doit être rejeté.

 Sur les dépens

90      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

91      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

92      Le requérant ayant succombé en l’essentiel de ses moyens et la Commission ayant conclu en ce sens, il convient de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance. S'agissant des dépens liés à la procédure de première instance ayant abouti à l'ordonnance attaquée, ils seront supportés selon les modalités déterminées au point 2 du dispositif de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑133/06, non encore publiée au Recueil) est annulée en tant qu’elle a omis de statuer sur la demande de déclaration d’inexistence de la décision attaquée en première instance.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      Le recours, en tant qu’il visait à la déclaration d’inexistence de la décision litigieuse, est rejeté.

4)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance. Les dépens liés à la procédure de première instance ayant abouti à l'ordonnance Marcuccio/Commission, précitée, seront supportés selon les modalités déterminées au point 2 du dispositif de celle-ci.

Jaeger

Azizi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.