Language of document : ECLI:EU:C:2021:885

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

28 octobre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Soins de santé transfrontaliers – Notion de “personne assurée” – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 1er, sous c) – Article 2 – Article 24 – Droit aux prestations en nature servies par l’État membre de résidence pour le compte de l’État membre débiteur de la pension – Directive 2011/24/UE – Article 3, sous b), i) – Article 7 – Remboursement des coûts des soins de santé reçus dans un État membre autre que l’État membre de résidence et que l’État membre débiteur de la pension – Conditions »

Dans l’affaire C‑636/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas), par décision du 22 août 2019, parvenue à la Cour le 26 août 2019, dans la procédure

Y

contre

Centraal Administratie Kantoor,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. S. Rodin et N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, initialement par MM. D. Martin, L. Malferrari et M. van Beek ainsi que par Mme A. Szmytkowska, puis par MM. D. Martin, L. Malferrari et P. Vanden Heede ainsi que par Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions combinées de l’article 3, sous b), i) et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2011, relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (JO 2011, L 88, p. 45), de l’article 1er, sous c), des articles 2 et 24 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43) (ci-après le « règlement no 883/2004 »), ainsi que sur l’interprétation de l’article 56 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Y au Centraal Administratie Kantoor (bureau de l’administration centrale, Pays-Bas) (ci-après le « CAK ») au sujet du refus, par ce dernier, de rembourser à Y les coûts afférents à des soins de santé qu’elle a reçus dans un État membre autre que celui de sa résidence et que celui qui est débiteur de sa pension de vieillesse.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 883/2004

3        Les considérants 3, 20 et 22 du règlement no 883/2004 énoncent :

« (3)      Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil[,] du 14 juin 1971[,] relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté [(JO 1971, L 149, p. 2)] a été modifié et mis à jour à de nombreuses reprises afin de tenir compte non seulement des développements intervenus au niveau communautaire, y compris des arrêts de la Cour de justice [de l’Union européenne], mais également des modifications apportées aux législations nationales. Ces facteurs ont contribué à rendre les règles communautaires de coordination complexes et lourdes. Remplacer ces règles en les modernisant et en les simplifiant est dès lors essentiel à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes.

[...]

(20)      En matière de prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, il importe d’assurer la protection des personnes assurées ainsi que des membres de leur famille qui résident ou séjournent dans un État membre autre que l’État membre compétent.

[...]

(22)      La position spécifique des demandeurs et des titulaires de pensions et des membres de leur famille nécessite des dispositions en matière d’assurance maladie adaptées à cette situation. »

4        Aux termes de l’article 1er de ce règlement :

« Aux fins du présent règlement :

[...]

c)      le terme “personne assurée” désigne, par rapport aux différentes branches de sécurité sociale visées au titre III, chapitres 1 et 3, toute personne qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II pour avoir droit aux prestations, compte tenu des dispositions du présent règlement ;

[...]

l)      le terme “législation” désigne, pour chaque État membre, les lois, règlements et autres dispositions légales et toutes autres mesures d’application qui concernent les branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1.

[...]

[...]

q)      le terme “institution compétente” désigne :

i)      l’institution à laquelle l’intéressé est affilié au moment de la demande de prestations,

ou

ii)      l’institution de la part de laquelle l’intéressé a droit ou aurait droit à des prestations s’il résidait ou si le ou les membres de sa famille résidaient dans l’État membre où se trouve cette institution,

[...]

s)      le terme “État membre compétent” désigne l’État membre dans lequel se trouve l’institution compétente ;

[...]

v bis)            les termes “prestations en nature” désignent :

i)      aux fins du titre III, chapitre 1 (prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées), les prestations en nature prévues par la législation d’un État membre qui sont destinées à fournir, mettre à disposition, prendre en charge ou rembourser des soins de nature médicale et des produits et services annexes à ces soins, y compris les prestations en nature pour les soins de longue durée ;

[...] »

5        L’article 2 dudit règlement, intitulé « Champ d’application personnel », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. »

6        L’article 3 du même règlement, intitulé « Champ d’application matériel », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

a)      les prestations de maladie ;

[...] »

7        Intitulé « Règles générales », l’article 11 du règlement no 883/2004 figure dans le titre II « Détermination de la législation applicable » de celui-ci. Cet article prévoit, à son paragraphe 3 :

« Sous réserve des articles 12 à 16 :

[...]

e)      les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres. »

8        Aux termes de l’article 16, paragraphe 2, de ce règlement :

« La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui réside dans un autre État membre peut être exemptée, à sa demande, de l’application de la législation de ce dernier État, à condition qu’elle ne soit pas soumise à cette législation en raison de l’exercice d’une activité salariée ou non salariée. »

9        L’article 24 dudit règlement, intitulé « Absence de droit aux prestations en nature en vertu de la législation de l’État membre de résidence », dispose :

« 1.      La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres, et qui ne bénéficie pas des prestations en nature selon la législation de l’État membre de résidence, a toutefois droit, pour elle-même et pour les membres de sa famille, à de telles prestations, pour autant qu’elle y aurait droit selon la législation de l’État membre ou d’au moins un des États membres auxquels il incombe de servir une pension, si elle résidait dans l’État membre concerné. Les prestations en nature sont servies pour le compte de l’institution visée au paragraphe 2 par l’institution du lieu de résidence, comme si l’intéressé bénéficiait de la pension et des prestations en nature selon la législation de cet État membre.

2.      Dans les cas visés au paragraphe 1, l’institution à laquelle il incombe d’assumer la charge des prestations en nature est déterminée selon les règles suivantes :

a)      si le titulaire de pension a droit à des prestations en nature en vertu de la législation d’un seul État membre, la charge en incombe à l’institution compétente de cet État membre ;

b)      si le titulaire de pension a droit à des prestations en nature en vertu de la législation de deux ou plusieurs États membres, la charge en incombe à l’institution compétente de l’État membre à la législation duquel l’intéressé a été soumis pendant la période la plus longue ; au cas où l’application de cette règle aurait pour effet d’attribuer la charge des prestations à plusieurs institutions, la charge en incombe à celle de ces institutions qui applique la législation à laquelle le titulaire de pension a été soumis en dernier lieu. »

10      L’article 27 du même règlement, intitulé « Séjour du titulaire de pension et des membres de sa famille dans un État membre autre que l’État membre de résidence – Séjour dans l’État membre compétent – Autorisation de recevoir les soins nécessaires hors de l’État membre de résidence », prévoit, à son paragraphe 3 :

« L’article 20 s’applique mutatis mutandis à un titulaire de pension et/ou aux membres de sa famille qui séjournent dans un État membre autre que celui dans lequel ils résident aux fins d’y recevoir le traitement adapté à leur état. »

11      L’article 31 du règlement no 883/2004, intitulé « Disposition générale », compris dans le chapitre 1, section 3, de celui-ci, est rédigé comme suit :

« Les articles 23 à 30 ne sont pas applicables au titulaire de pension [...] lorsque l’intéressé bénéficie de prestations selon la législation d’un État membre sur la base d’une activité salariée ou non salariée. Dans ce cas, l’intéressé est régi, aux fins du présent chapitre, par les articles 17 à 21. »

 La directive 2011/24

12      Les considérants 29 et 30 de la directive 2011/24 énoncent :

« (29)      Il convient d’exiger que les patients qui cherchent à se faire soigner dans un autre État membre dans d’autres circonstances que celles prévues dans le règlement [no 883/2004] soient également en mesure de bénéficier des principes de la libre circulation des patients, des services et des biens conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et à la présente directive. Il y a lieu de garantir aux patients la prise en charge des coûts desdits soins de santé au minimum à hauteur de ce qui serait offert pour des soins identiques dispensés dans l’État membre d’affiliation. Cette garantie devrait pleinement respecter la responsabilité qu’ont les États membres de déterminer l’étendue de la couverture de leurs citoyens contre la maladie et empêcher toute incidence considérable sur le financement des systèmes nationaux de soins de santé.

(30)      Les deux systèmes devraient dès lors être cohérents pour les patients ; soit la présente directive s’applique, soit les règlements de l’Union sur la coordination des systèmes de sécurité sociale s’appliquent. »

13      L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)      “personne assurée” :

i)      les personnes, y compris les membres de leur famille et leurs survivants, qui sont couvertes par l’article 2 du règlement [no 883/2004] et qui sont des personnes assurées au sens de l’article 1er, point c), dudit règlement ; [...]

[...]

c)      “État membre d’affiliation” :

i)      pour les personnes visées au point b) i), l’État membre qui est compétent pour accorder à la personne assurée une autorisation préalable de recevoir un traitement adapté en dehors de l’État membre de résidence conformément au règlement [no 883/2004] et au règlement (CE) no 987/2009 [du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1)] ;

[...] »

14      L’article 7 de ladite directive, intitulé « Principes généraux applicables au remboursement des coûts », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Sans préjudice du règlement [no 883/2004] et sous réserve des dispositions des articles 8 et 9, l’État membre d’affiliation veille à ce que les frais engagés par une personne assurée qui reçoit des soins de santé transfrontaliers soient remboursés, si les soins de santé en question font partie des prestations auxquelles la personne assurée a droit dans l’État membre d’affiliation.

2.      Par dérogation au paragraphe 1 :

a)      si un État membre figure à l’annexe IV du règlement [no 883/2004] et a reconnu, conformément audit règlement, le droit aux prestations de maladie pour les titulaires d’une pension et les membres de leur famille qui résident dans un autre État membre, il leur fournit à ses frais des soins de santé au titre de la présente directive lorsqu’ils séjournent sur son territoire, conformément à sa législation, comme si les personnes concernées résidaient dans l’État membre figurant à ladite annexe ;

[...] »

15      L’article 8 de la même directive, intitulé « Soins de santé susceptibles d’être soumis à autorisation préalable », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      L’État membre d’affiliation peut mettre en place un régime d’autorisation préalable pour le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers, conformément au présent article et à l’article 9. Le régime d’autorisation préalable, y compris les critères, l’application de ceux-ci et les décisions individuelles de refus d’autorisation préalable, se limite à ce qui est nécessaire et proportionné à l’objectif poursuivi et ne peut constituer un moyen de discrimination arbitraire ni une entrave injustifiée à la libre circulation des patients.

2.      Les soins de santé susceptibles d’être soumis à autorisation préalable sont limités aux soins de santé qui :

a)      sont soumis à des impératifs de planification liés à l’objectif de garantir sur le territoire de l’État membre concerné un accès suffisant et permanent à une gamme équilibrée de soins de qualité élevée ou à la volonté d’assurer une maîtrise des coûts et d’éviter autant que possible tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines et :

[...]

ii)      nécessitent un recours à des infrastructures ou à des équipements médicaux hautement spécialisés et coûteux ;

[...] »

16      L’article 9 de la directive 2011/24, intitulé « Procédures administratives concernant les soins de santé transfrontaliers », est ainsi libellé :

« 1.      L’État membre d’affiliation veille à ce que les procédures administratives afférentes au recours à des soins de santé transfrontaliers et au remboursement des coûts de soins de santé engagés dans un autre État membre reposent sur des critères objectifs et non discriminatoires, nécessaires et proportionnés à l’objectif à atteindre.

2.      Toute procédure administrative de la nature de celles visées au paragraphe 1 est facilement accessible, et des informations relatives à une telle procédure sont mises à la disposition du public au niveau approprié. Une telle procédure permet de garantir que les demandes sont traitées de façon objective et impartiale.

3.      Les États membres fixent des délais raisonnables dans lesquels les demandes de soins de santé transfrontaliers doivent être traitées et les rendent publics préalablement à leur application. Pour l’examen des demandes de soins de santé transfrontaliers, les États membres tiennent compte :

a)      de l’état pathologique spécifique ;

b)      de l’urgence et des circonstances particulières.

4.      Les États membres veillent à ce que toute décision individuelle concernant le recours à des soins de santé transfrontaliers et le remboursement des coûts de soins de santé engagés dans un autre État membre soit dûment motivée et puisse faire l’objet, au cas par cas, d’un réexamen et qu’elle puisse être contestée en justice, et notamment donner lieu à des mesures provisoires.

5.      La présente directive ne porte pas atteinte au droit des États membres d’offrir aux patients un système volontaire de notification préalable dans lequel le patient reçoit, en échange de cette notification, une confirmation écrite du montant qui sera remboursé sur la base d’une estimation. Cette estimation tient compte du cas clinique du patient et précise les actes médicaux susceptibles d’être pratiqués.

Les États membres peuvent choisir d’appliquer les mécanismes d’indemnisation entre institutions compétentes prévus par le règlement [no 883/2004]. Lorsqu’un État membre d’affiliation n’applique pas ces mécanismes, il veille à ce que les patients reçoivent le remboursement de leurs frais sans délai injustifié. »

 Le droit néerlandais

17      L’article 69 de la Zorgverzekeringswet (loi relative à l’assurance soins de santé, Stb. 2005, no 358), dans sa version en vigueur du 1er avril 2014 au 1er janvier 2017 (Stb. 2013, no 578), dispose :

« 1.      Les personnes résidant à l’étranger qui, par application d’un règlement du Conseil des communautés européennes ou par application d’un règlement adopté en vertu de l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un traité en matière de sécurité sociale, ont droit, en cas de besoin, aux soins ou au remboursement de ceux-ci, comme le prévoit la législation sur l’assurance des soins dans leur pays de résidence, se font connaître auprès du [CAK], à moins qu’elles ne relèvent, en vertu de la présente loi, de l’assurance obligatoire.

2.      Les personnes visées aux paragraphes 1, 14 et 15 sont redevables d’une cotisation qui sera fixée par arrêté ministériel. Pour une partie qui sera fixée par cet arrêté, ladite cotisation est considérée, pour l’application de la Wet op de zorgtoeslag [(loi sur les allocations de soins de santé)], comme une prime d’assurance soins de santé.

[...]

4.      Le [CAK] est chargé de la mise en œuvre des dispositions des paragraphes 1, 14 et 15 et des règlements internationaux qui y sont mentionnés, ainsi que de l’adoption des décisions concernant le prélèvement et la perception des cotisations visées aux paragraphes 2 et 3.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      Y est une ressortissante néerlandaise qui réside en Belgique et perçoit une pension de vieillesse versée par le Royaume des Pays-Bas, en vertu de l’Algemene Ouderdomswet (loi générale sur la vieillesse), du 31 mai 1956 (Stb. 1956, no 281). À l’époque des faits au principal, Y pouvait bénéficier, en vertu de l’article 24 du règlement no 883/2004, des prestations de soins de santé prévues par la législation de son État de résidence, pour le compte du Royaume des Pays-Bas, auquel elle était tenue de verser une cotisation, conformément à l’article 69 de la loi relative à l’assurance soins de santé. Néanmoins, en tant que titulaire non-résidente au Royaume des Pays-Bas d’une pension à charge de cet État membre, Y ne relevait pas du régime d’assurance soins de santé obligatoire néerlandais et était exemptée des cotisations y afférentes.

19      Le 6 mars 2015, à la suite d’une consultation chez un médecin généraliste en Belgique, Y a subi un examen radiologique à l’Academisch Ziekenhuis Maastricht (hôpital universitaire de Maastricht, Pays-Bas), puis, le 8 mars 2015, un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM).

20      Les 9 et 11 mars 2015, le conjoint de Y a pris contact par téléphone avec le CAK, au sujet d’un traitement médical qu’elle envisageait de recevoir en Allemagne. Le CAK a attiré son attention sur le fait que ce traitement était subordonné à une procédure d’autorisation.

21      Le 12 mars 2015, à la suite des examens pratiqués à l’hôpital universitaire de Maastricht, Y s’est vue diagnostiquer un cancer du sein de grade 2. Une proposition de traitement lui a alors été présentée.

22      Le 13 mars 2015, Y a demandé un second avis médical auprès du Franziskus Hospital Harderberg, situé à Osnabrück (Allemagne), pour lequel elle avait sollicité l’autorisation préalable du CAK. Lors de cette consultation, un cancer du sein de grade 3 lui a été diagnostiqué.

23      Le 20 mars 2015, Y a subi une opération aux seins dans cet hôpital et, le 25 mars 2015, des ganglions lymphatiques lui ont été retirés. Par la suite, entre le 14 avril 2015 et le 24 juin 2015, Y a reçu dans ledit hôpital des traitements postopératoires, parmi lesquels une radiothérapie. Pour ces opérations et traitements, aucune autorisation n’a été demandée au préalable au CAK.

24      Le 19 mars 2015, l’organisme belge d’assurance maladie dont relevait Y a sollicité auprès du CAK une autorisation a posteriori afférente aux traitements médicaux reçus à la suite de la consultation du 13 mars 2015 auprès du Franziskus Hospital Harderberg.

25      Le 1er mai 2015, le CAK a refusé d’accorder cette autorisation, au motif que celle‑ci n’aurait pu être accordée que si Y l’avait demandée avant d’avoir reçu ces traitements, ce qu’elle n’avait pas fait.

26      Le 1er juillet 2015, Y a néanmoins demandé au CAK le remboursement des frais afférents auxdits traitements, d’un montant total de 16 853,13 euros, en présentant les factures correspondantes.

27      Par décision du 20 juillet 2015, le CAK a rejeté cette demande, au motif que Y s’était rendue en Allemagne en vue de bénéficier de « soins programmés », visés aux dispositions combinées de l’article 20 du règlement no 883/2004 et de l’article 26 du règlement no 987/2009, pour lesquels Y n’avait pas demandé une autorisation préalable.

28      Par décision du 4 janvier 2016, la réclamation introduite par Y contre la décision du 20 juillet 2015 a été rejetée par le CAK.

29      Le recours introduit par Y contre cette décision devant le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) a également été rejeté. Cette juridiction a jugé, en substance, que l’entretien préliminaire, l’hospitalisation et le traitement reçus en Allemagne, espacés à chaque fois d’une semaine, permettaient de considérer que ces soins de santé n’avaient pas été dispensés dans une situation d’urgence extrême relative à l’état de santé de Y. Selon ladite juridiction, le CAK était fondé à qualifier le traitement médical prodigué à Y en Allemagne de « soins programmés », pour lequel aucune autorisation n’avait été préalablement accordée, et, par conséquent, à refuser le remboursement des frais médicaux y afférents.

30      Y a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas). Elle fait valoir, d’une part, que les opérations chirurgicales pratiquées les 20 et 25 mars 2015 dans l’hôpital allemand devaient être considérées, du fait de leur caractère urgent et inopiné sur le plan médical, comme des soins « non programmés », au sens des dispositions combinées de l’article 19 du règlement no 883/2004 et de l’article 26 du règlement no 987/2009, dont le remboursement n’était pas soumis à une autorisation préalable. D’autre part, Y fait valoir que les coûts des traitements postopératoires, parmi lesquels une radiothérapie, qui lui ont également été prodigués en Allemagne entre le 14 avril et le 24 juin 2015, n’étaient pas non plus subordonnés à une autorisation préalable, au titre de l’article 8 de la directive 2011/24.

31      La juridiction de renvoi considère que le CAK n’était pas tenu de rembourser les coûts exposés par Y en Allemagne, au motif qu’elle n’avait pas demandé l’autorisation préalable visée à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, disposition qui s’applique, mutatis mutandis, aux titulaires de pension tels que Y, en vertu de l’article 27, paragraphe 3, de ce règlement. Tout en admettant qu’il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si la seule absence d’une demande d’autorisation préalable de la part de Y suffisait pour que le CAK pût refuser le remboursement de ces coûts, la juridiction de renvoi constate que, même si une telle autorisation avait été demandée à temps, celle-ci aurait pu être refusée par le CAK, sur la base d’une déclaration de l’organisme belge d’assurance maladie produite au cours de la procédure devant cette juridiction, attestant que le même traitement aurait pu être prodigué à Y en Belgique dans le même délai qu’en Allemagne.

32      Toutefois, la juridiction de renvoi se demande si, ainsi que le fait valoir Y, le titulaire d’une pension peut, néanmoins, invoquer les dispositions de la directive 2011/24 afin de se voir rembourser, en tout ou en partie, les coûts des soins postopératoires, y compris la radiothérapie, reçus en Allemagne, lesquels, selon elle, ne sont pas soumis à une autorisation, conformément à l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), de cette directive. Cette juridiction cherche ainsi à savoir si Y, titulaire d’une pension sans être affiliée à un régime national d’assurance maladie obligatoire, relève du champ d’application personnel de la directive 2011/24, en tant que « personne assurée », au sens de l’article 3, sous b), i) de celle-ci.

33      Au cas où la Cour devrait juger que Y ne relève pas du champ d’application personnel de la directive 2011/24, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’article 56 TFUE fait obstacle à ce que l’État membre débiteur de la pension de Y refuse de lui rembourser, en l’absence d’une autorisation préalable obtenue par celle-ci, les coûts des soins de santé ambulatoires reçus en dehors de cet État membre et de l’État de résidence, en tant qu’entrave injustifiée à la libre prestation des services garantie par cette disposition.

34      C’est dans ces conditions que le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La directive 2011/24 doit-elle être interprétée en ce sens que les personnes visées à l’article 24 du règlement no 883/2004, qui bénéficient dans le pays de résidence de prestations en nature qui sont à la charge du Royaume des Pays-Bas, mais qui n’y sont pas assurées au titre de l’assurance maladie obligatoire, peuvent invoquer directement cette directive pour obtenir le remboursement des coûts de soins qui leur ont été servis ?

En cas de réponse négative,

2)      Résulte-t-il de l’article 56 TFUE que, comme en l’espèce, le refus de rembourser des soins servis dans un État membre autre que l’État membre de résidence ou de pension constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des services ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

35      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous b), i), et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24, lus en combinaison avec l’article 1er, sous c), et l’article 2 du règlement no 883/2004, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une pension en vertu de la législation d’un État membre, qui a droit, au titre de l’article 24 de ce règlement, aux prestations en nature servies par l’État membre de sa résidence pour le compte de l’État membre débiteur de sa pension, doit être considéré comme une « personne assurée », au sens de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, pouvant obtenir le remboursement des coûts des soins de santé qu’il a reçus dans un troisième État membre, sans être affilié au régime d’assurance maladie obligatoire de l’État membre débiteur de sa pension.

36      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24 dispose que, sans préjudice du règlement no 883/2004 et sous réserve des dispositions des articles 8 et 9 de cette directive, l’État membre d’affiliation veille à ce que les frais engagés par une personne assurée qui reçoit des soins de santé transfrontaliers soient remboursés, si les soins de santé en question font partie des prestations auxquelles la personne assurée a droit dans l’État membre d’affiliation.

37      La notion de « personne assurée » visée à l’article 3, sous b), i), de la directive 2011/24 désigne « les personnes [...] qui sont couvertes par l’article 2 du règlement [no 883/2004] et qui sont des personnes assurées au sens de l’article 1er, sous c), dudit règlement ». Cette notion est donc définie par renvoi à ces deux dispositions du règlement no 883/2004, en vue notamment d’assurer la cohérence entre ce règlement et la directive 2011/24, ainsi que l’énonce le considérant 30 de celle-ci. Dès lors que l’article 3, sous b), i), de la directive 2011/24 se réfère de manière cumulative aux deux dispositions susmentionnées du règlement no 883/2004, pour qu’une personne soit qualifiée de « personne assurée », au sens de cette directive, elle doit remplir toutes les conditions prévues par ces dispositions.

38      D’une part, l’article 2 du règlement no 883/2004, qui définit le champ d’application personnel de ce règlement, dispose, à son paragraphe 1, que ledit règlement « s’applique aux ressortissants de l’un des États membres [...] qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres ». D’autre part, en vertu de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004, le terme « personne assurée » désigne, par rapport aux différentes branches de sécurité sociale visées au titre III, chapitre 1, relatif aux prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, et chapitre 3, relatif aux allocations de décès, de ce règlement, toute personne qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II dudit règlement pour avoir droit à ces prestations, compte tenu des autres dispositions pertinentes de celui-ci.

39      S’agissant, premièrement, de déterminer si une personne se trouvant dans la situation de Y, qui perçoit une pension de vieillesse, en vertu de la législation de l’État membre dont elle est ressortissante, réside dans un autre État membre et, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, a droit aux prestations en nature servies par l’État membre de résidence, pour le compte de l’État membre débiteur de sa pension, doit être considérée comme étant « soumise à la législation d’un État membre », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, il y a lieu de considérer, à l’instar de M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, qu’une telle personne, du fait même qu’elle perçoit ladite pension de vieillesse, relève de la législation d’un État membre, au sens de cette disposition, à savoir la législation de l’État membre débiteur de sa pension. Il en va de même pour ce qui est du fait que cette personne est redevable, en vertu de la législation de l’État membre débiteur de sa pension, d’une cotisation pour la couverture des prestations de soins de santé prévues à l’article 24, paragraphe 1, dudit règlement.

40      S’agissant, deuxièmement, de déterminer si une personne dans la situation de Y relève de la notion de « personne assurée », au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004, il est, d’une part, constant que les prestations de soins de santé en cause au principal figurent parmi les branches de sécurité sociale visées au titre III, chapitre 1, de ce règlement. D’autre part, il importe de vérifier si une telle personne satisfait aux conditions requises par la législation de l’État membre compétent pour avoir droit à ces prestations.

41      À cet égard, il ressort des dispositions combinées de l’article 11, paragraphe 3, sous e), et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 que, si le titulaire d’une pension servie en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres qui réside dans un autre État membre doit normalement être soumis à la législation de l’État membre de résidence, ce titulaire peut néanmoins être exempté, à sa demande, de l’application de cette législation, sauf s’il est soumis à celle-ci en raison de l’exercice d’une activité salariée ou non salariée.

42      Lorsqu’une telle exemption est demandée par le titulaire de pension, l’institution à laquelle il incombe d’assumer la charge des prestations en nature auxquelles ce titulaire a droit au titre de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 est déterminée selon les règles énoncées au paragraphe 2 de cet article. L’État membre dont relève cette institution est donc l’État membre compétent en vertu du titre II de ce règlement.

43      En l’occurrence, il est constant que Y est soumise à la législation du Royaume des Pays-Bas, en tant qu’État membre compétent en vertu du titre II du règlement no 883/2004.

44      Se pose alors la question de savoir si une personne dans la situation de Y satisfait aux conditions requises par cette législation, « compte tenu des dispositions [de ce] règlement », pour avoir droit aux prestations prévues à l’article 24, paragraphe 1, de celui-ci.

45      Afin d’y répondre, il convient de constater que la notion de « législation » visée à cette disposition est définie, à l’article 1er, sous l), premier alinéa, du règlement no 883/2004, comme désignant, pour chaque État membre, les « lois, règlements et autres dispositions légales et toutes autres mesures d’application qui concernent les branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1 », de ce règlement.

46      Or, l’argument du gouvernement néerlandais – selon lequel un titulaire de pension en vertu de la législation d’un État membre, qui réside dans un autre État membre et qui a droit aux prestations en nature servies par ce dernier pour le compte du premier État membre, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, n’est pas une « personne assurée », au sens de l’article 1er, sous c), de ce règlement, au motif que ce titulaire ne dispose pas d’une assurance maladie obligatoire dans l’État membre débiteur de sa pension – procède d’une interprétation restrictive de cette dernière disposition, qui ne tient pas compte du droit aux prestations en nature conféré audit titulaire directement par l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, interprétation qui revient à établir une condition qui ne ressort pas du libellé de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004 et qui méconnaît, partant, les dispositions de ce règlement.

47      En tout état de cause, s’il n’appartient pas à la Cour de vérifier ces conditions, il y a lieu de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour que les conditions requises par la législation néerlandaise pour avoir droit auxdites prestations en nature sur le territoire du Royaume des Pays-Bas correspondent, en substance, aux conditions fixées à l’article 24 du règlement no 883/2004. Cet article subordonne le droit aux prestations en nature qu’il prévoit à trois conditions. Premièrement, l’intéressé doit percevoir une ou des pensions en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres, deuxièmement, il ne doit pas bénéficier des prestations en nature selon la législation de l’État de sa résidence, et, troisièmement, il devrait avoir droit à ces prestations, selon la législation de l’État débiteur de la pension, s’il résidait dans cet État membre. Ainsi que le gouvernement néerlandais l’a confirmé, aucune autre condition n’est exigée au titre de la législation néerlandaise afin de pouvoir bénéficier du droit à des prestations en nature en vertu de l’article 24 de ce règlement.

48      Il s’ensuit que la notion de « personne assurée », au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004, couvre également un titulaire de pension en vertu de la législation d’un État membre qui a droit, au titre de l’article 24 de ce règlement, aux prestations en nature servies par son État membre de résidence, pour le compte de l’État membre débiteur de sa pension, même s’il ne dispose pas d’une assurance maladie obligatoire auprès de ce dernier État membre.

49      Cette interprétation n’est pas remise en cause par l’argument du gouvernement néerlandais, qui soutient que les dispositions du titre III, chapitres 1 et 3, du règlement no 883/2004 opèrent une nette distinction entre celles qui s’appliquent, d’une part, aux « personnes assurées », et, d’autre part, aux « titulaires de pension », notion qui, contrairement à la première, n’est pas définie par ce règlement, si bien que ces deux catégories de personnes s’excluent mutuellement. Ainsi, un titulaire d’une pension, en vertu de la législation d’un État membre, qui aurait droit, au titre de l’article 24, paragraphe 1, de ce règlement, aux prestations en nature servies par l’État membre de résidence, pour le compte de l’État membre débiteur de sa pension, ne relèverait pas de la notion de « personne assurée », au sens de l’article 1er, sous c), dudit règlement, comme le confirmerait le fait que ledit article 24, paragraphe 1, figure dans la section 2, relative aux titulaires de pension et aux membres de leur famille, du chapitre 1 du titre III du même règlement.

50      En effet, premièrement, cet argument est contredit par le libellé de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004, qui se réfère à « toute personne ». Cette notion exclut donc toute distinction entre les différentes catégories de personnes relevant du champ d’application personnel de ce règlement, sous réserve qu’une telle personne satisfasse aux conditions prévues par la législation de l’État membre compétent pour pouvoir prétendre à des prestations de soins de santé à charge de ce dernier, « compte tenu des dispositions de ce règlement ».

51      Deuxièmement, l’interprétation de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004 visée au point 48 du présent arrêt est corroborée par la finalité poursuivie par ce règlement, qui, ainsi qu’il ressort de son considérant 3, vise à remplacer, en les modernisant et simplifiant, les règles de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale, que les nombreuses modifications apportées au règlement no 1408/71 ont contribué à rendre complexes et lourdes.

52      La notion de « personne assurée », au sens du règlement no 883/2004, résulte de cette volonté de simplification et comprend, de manière générale et exhaustive, les ressortissants des États membres, les apatrides et les réfugiés résidant dans un État membre, qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi que les membres de leur famille et leurs survivants. Toutes ces personnes, pourvu qu’elles satisfassent aux conditions requises par la législation de l’État membre compétent pour avoir droit à des prestations, au sens de l’article 1er, sous c), de ce règlement, relèvent, ainsi que M. l’avocat général l’a précisé au point 56 de ses conclusions, de la notion de « personne assurée » prévue par cette disposition, aux fins de l’application des dispositions du titre III, chapitres 1 et 3, dudit règlement.

53      Si, au sein du titre III, chapitre 1, du règlement no 883/2004, les dispositions applicables, d’une part, aux « personnes assurées et les membres de leur famille, à l’exception des titulaires de pension et des membres de leur famille » et, d’autre part, aux « titulaires de pension et membres de leur famille » figurent dans deux sections distinctes de ce chapitre, cette systématisation ne vise qu’à « assurer la protection des personnes assurées ainsi que les membres de leur famille qui résident ou séjournent dans un État membre autre que l’État membre compétent », ainsi qu’il découle d’une lecture conjointe des considérants 20 et 22 de ce règlement. Il s’agit, compte tenu de « [l]a position spécifique des [...] titulaires de pensions et des membres de leur famille », de prévoir des « dispositions particulières en matière d’assurance maladie adaptées à cette situation », plutôt que deux catégories de personnes distinctes et mutuellement exclusives.

54      Ainsi, le titre III, chapitre 1, section 2, du règlement no 883/2004 comprend des dispositions adaptées aux besoins des titulaires de pension et des membres de leur famille qui se trouvent dans une situation particulière, due, notamment, au fait que ces titulaires résident, comme Y, dans un État membre autre que celui qui est débiteur de leur pension, situation à laquelle les dispositions générales de la section 1 de ce chapitre ne sont pas, en tant que telles, applicables. Les dispositions du titre III, chapitre 1, section 2, du règlement no 883/2004 constituent donc, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 61 de ses conclusions, une lex specialis par rapport à celles du titre III, chapitre 1, section 1, de ce règlement, qui constituent la lex generalis.

55      Le caractère complémentaire des dispositions du titre III, chapitre 1, section 2, du règlement no 883/2004 – applicables aux « titulaires de pension et [aux] membres de leur famille » – par rapport à celles de la section 1 de ce chapitre – applicables aux « personnes assurées et [aux] membres de leur famille, à l’exception des titulaires de pension et des membres de leur famille » – est confirmé par l’article 31 de ce règlement, aux termes duquel ses articles 23 à 30, compris dans cette section 2, ne sont pas applicables au titulaire de pension lorsque celui-ci bénéficie de prestations de soins de santé en vertu de la législation d’un État membre sur la base d’une activité salariée ou non salariée. Dans ce cas, le droit d’un tel intéressé à ces prestations, visées au titre III, chapitre 1, dudit règlement, est régi par les articles 17 à 21 de ce dernier, compris dans la section 1 de ce chapitre 1.

56      Troisièmement, l’interprétation de la notion de « personne assurée », au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 883/2004, retenue au point 50 du présent arrêt, est également corroborée par plusieurs dispositions de la directive 2011/24.

57      D’une part, la notion d’« État membre d’affiliation », visée à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, est définie, pour les personnes visées à l’article 3, sous b), i), de celle-ci, au point c) de ce dernier article, comme désignant « l’État membre qui est compétent pour accorder à la personne assurée une autorisation préalable de recevoir un traitement adapté en dehors de l’État membre de résidence conformément au règlement [no 883/2004] et au règlement [no 987/2009] ». Nonobstant son libellé, cette notion ne requiert pas, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé à juste titre, une « affiliation » au régime d’assurance maladie obligatoire d’un État membre.

58      D’autre part, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/24, si un État membre figure à l’annexe IV du règlement no 883/2004 et a reconnu, conformément à ce règlement, le droit aux prestations de soins de santé en faveur des titulaires d’une pension et des membres de leur famille qui résident dans un autre État membre, il leur fournit, à ses frais, des soins de santé, au titre de cette directive, lorsqu’ils séjournent sur son territoire, conformément à sa législation, comme si les personnes concernées résidaient sur ce territoire. En étendant ainsi, au profit des « titulaires de pension [...] qui résident dans un autre État membre », le droit au remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers qu’ils ont encourus dans l’État membre débiteur de leur pension, lorsque ce dernier est mentionné à l’annexe IV du règlement no 883/2004, quand bien même ces titulaires ne seraient pas affiliés au régime d’assurance maladie obligatoire de cet État membre, la directive 2011/24 inclut lesdits titulaires dans la notion de « personne assurée », au sens de l’article 3, sous b), i), de celle-ci.

59      Il convient d’ajouter que le gouvernement néerlandais a indiqué, dans sa réponse à une question posée par la Cour, que le Royaume des Pays-Bas n’a pas fait usage de la faculté, prévue à l’article 8 de la directive 2011/24, d’établir un régime d’autorisation préalable pour le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers. Partant, en l’occurrence et sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer à cet égard, Y ne saurait être privée d’un remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers qu’elle a reçus en Allemagne, conformément aux dispositions de la directive 2011/24, au motif qu’elle n’avait pas obtenu une autorisation préalable pour ces soins.

60      Enfin, s’agissant de la question de savoir si une personne dans la situation de Y peut se prévaloir de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24, il a été itérativement jugé par la Cour que des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive peuvent être invoquées par les justiciables à l’encontre d’un État membre et de l’ensemble des organes de son administration, ainsi qu’à l’encontre d’organismes ou d’entités qui sont soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État ou qui détiennent des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers. Peuvent également être assimilés à l’État des organismes ou des entités qui ont été chargés par une autorité d’exercer une mission d’intérêt public et qui ont été dotés à cet effet de pouvoirs exorbitants (arrêt du 19 décembre 2019, Pensions-Sicherungs-Verein, C‑168/18, EU:C:2019:1128, point 48 et jurisprudence citée).

61      Or, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24 , en imposant aux États membres de veiller à ce que les frais engagés par une personne assurée qui reçoit des soins de santé transfrontaliers soient remboursés, si les soins de santé en question font partie des prestations auxquelles la personne assurée a droit dans l’État membre d’affiliation, contient une obligation claire, précise et inconditionnelle incombant aux États membres, ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, de telle sorte que ces derniers peuvent invoquer directement cette disposition devant un juge national.

62      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3, sous b), i), et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24, lus en combinaison avec l’article 1er, sous c), et l’article 2 du règlement no 883/2004, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une pension en vertu de la législation d’un État membre, qui a droit, au titre de l’article 24 de ce règlement, aux prestations en nature servies par l’État membre de sa résidence pour le compte de l’État membre débiteur de sa pension, doit être considéré comme une « personne assurée », au sens de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, pouvant obtenir le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers qu’il a reçus dans un troisième État membre, sans être affilié au régime d’assurance maladie obligatoire de l’État membre débiteur de sa pension.

 Sur la seconde question

63      Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

64      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 3, sous b), i), et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2011, relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, lus en combinaison avec l’article 1er, sous c), et l’article 2 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une pension en vertu de la législation d’un État membre, qui a droit, au titre de l’article 24 de ce règlement, tel que modifié, aux prestations en nature servies par l’État membre de sa résidence pour le compte de l’État membre débiteur de sa pension, doit être considéré comme une « personne assurée », au sens de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, pouvant obtenir le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers qu’il a reçus dans un troisième État membre, sans être affilié au régime d’assurance maladie obligatoire de l’État membre débiteur de sa pension.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.