Language of document : ECLI:EU:T:2021:637

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

29 septembre 2021 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des prix dans l’ensemble de l’EEE – Amendes – Immunité partielle d’amende – Paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 – Réduction du montant de l’amende – Paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Plafond de 10 % du chiffre d’affaires – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑344/18,

Rubycon Corp., établie à Ina (Japon),

Rubycon Holdings Co. Ltd, établie à Ina,

représentées par Mes J. Rivas Andrés et A. Federle, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes B. Ernst, L. Wildpanner et F. van Schaik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision C(2018) 1768 final de la Commission, du 21 mars 2018, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs), en ce que celle-ci concerne les requérantes et, d’autre part, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. D. Gratsias, Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt (1)

I.      Antécédents du litige

A.      Requérantes et secteur concerné

1        Les requérantes, Rubycon Corp. (ci-après la « première requérante ») et Rubycon Holdings Co. Ltd (ci-après la « seconde requérante »), sont des sociétés établies au Japon. La première requérante fabrique et vend des condensateurs électrolytiques à l’aluminium. Depuis le 1er février 2007, la seconde requérante détient 100 % du capital de la première requérante.

2        L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique. Les condensateurs électrolytiques sont utilisés dans presque tous les produits électroniques, tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La clientèle est donc très diversifiée. Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.

B.      Procédure administrative

3        Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont saisi la Commission européenne d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.

4        Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, dont les requérantes.

5        Le 26 mai 2014, les requérantes ont présenté auprès de la Commission une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006.

6        Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée notamment aux requérantes. Les requérantes n’ont pas répondu à la communication des griefs.

7        Les destinataires de la communication des griefs, dont les requérantes, ont été entendus par la Commission lors de l’audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.

C.      Décision attaquée

8        Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).

1.      Infraction

9        Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, Nichicon, Nippon Chemi-Con, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble), et les requérantes ont participé (ci-après, pris ensemble, les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1er de la décision attaquée)

10      La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).

11      L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente et, tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).

12      Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques » ou de « conférence des condensateurs électrolytiques » (ci-après les « réunions ECC »). Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale », de « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » ou de « réunions ATC ». Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de « groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci-après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP ») ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).

13      Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée) (ci-après, pris ensemble, les « échanges anticoncurrentiels »).

14      Dans le cadre des échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente, en substance, échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).

15      La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visait un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).

16      La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).

2.      Responsabilité des requérantes

17      La Commission a retenu la responsabilité de la première requérante en raison de sa participation directe à l’entente du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 [considérant 961 et article 1er, sous h), de la décision attaquée].

18      En outre, la Commission a retenu la responsabilité de la seconde requérante en sa qualité de société mère, détenant la totalité du capital social de la première requérante, pour la période allant du 1er février 2007 au 23 avril 2012 [considérants 962 et 963 et article 1er, sous h), de la décision attaquée].

3.      Amendes infligées aux requérantes

19      L’article 2, sous k) et l), de la décision attaquée inflige, d’une part, une amende d’un montant de 27 718 000 euros à la première requérante « conjointement et solidairement » avec la seconde requérante et, d’autre part, une amende d’un montant de 706 000 euros à la première requérante.

4.      Calcul du montant des amendes

20      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a suivi la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).

21      En premier lieu, pour déterminer le montant de base des amendes infligées aux requérantes, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).

22      La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).

23      En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée).

24      La Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).

25      De plus, la Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).

26      S’agissant encore du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, accordé à la première requérante une immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction, correspondant à la période d’infraction allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003, au motif qu’elle avait fourni des preuves déterminantes pour établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la durée de l’infraction pour cette période (voir considérant 1087 de la décision attaquée).

27      Ainsi, la Commission a retenu, en ce qui concerne la première requérante, un coefficient multiplicateur de 8,65, correspondant à la période comprise entre le 29 août 2003 et le 23 avril 2012 et sans tenir compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 (voir point 26 ci-dessus). En ce qui concerne la seconde requérante, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur de 5,22, correspondant à la période comprise entre le 1er février 2007 et le 23 avril 2012 (considérant 1007, tableau 1 et note en bas de page no 1658 de la décision attaquée).

28      La Commission a, dès lors, fixé à 61 434 000 euros le montant de base de l’amende pour la première requérante et à 39 598 000 euros le montant de base de l’amende pour la seconde requérante (considérant 1010 de la décision attaquée).

29      En second lieu, s’agissant des ajustements du montant de base des amendes, tout d’abord, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une réduction additionnelle de l’amende sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (considérants 1052 et 1053 de la décision attaquée).

30      De plus, la Commission n’a retenu l’existence d’aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard des requérantes (considérant 1054 de la décision attaquée).

31      Ensuite, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (considérants 1057 et 1058 de la décision attaquée).

32      Enfin, après l’application dudit plafond de 10 %, la Commission a accordé aux requérantes, au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006, une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée, dans la mesure où elle a estimé qu’elles avaient été la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative (considérants 1082 et 1083 de la décision attaquée).

33      En outre, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction, au titre dudit paragraphe 26, troisième alinéa, au motif que les preuves qu’elles avaient fournies ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction (considérants 1093 à 1096 de la décision attaquée).

34      La Commission a dès lors fixé à 28 424 000 euros le montant total des amendes infligées aux requérantes (considérant 1139 de la décision attaquée).

[omissis]

II.    Procédure et conclusions des parties

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2018, les requérantes ont introduit le présent recours.

37      Le 27 septembre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

38      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 21 novembre 2018 et le 29 janvier 2019.

39      Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

40      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

41      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

42      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 octobre 2020.

43      À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

44      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle les concerne et, en particulier, annuler l’article 1er, sous h), l’article 2, sous k) et l), et l’article 4 de la décision attaquée ;

–        réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

45      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

[omissis]

B.      Sur le fond

53      Les requérantes invoquent deux moyens à l’appui tant de leurs conclusions tendant à l’annulation des amendes qui leur ont été infligées que de leurs conclusions qui tendent à la réduction du montant de ces amendes. Le premier moyen est relatif au refus de la Commission d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende en raison des preuves qu’elles ont produites, relatives à des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction. Le second moyen est relatif au refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 37 de ces lignes directrices.

1.      Sur les conclusions tendant à l’annulationde la décision attaquée

[omissis]

a)      Sur le premier moyen, relatif au refus de la Commission d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende en raisondes preuvesqu’elles ont produites, relatives à des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction

59      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que c’est à tort que la Commission a refusé de leur accorder une immunité partielle d’amende au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, dans la mesure où les preuves qu’elles ont fournies concernant les réunions ECC et CUP auraient permis à la Commission de renforcer la gravité de l’infraction.

[omissis]

2)      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 

[omissis]

i)      Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a retenu la responsabilité des requérantes pour leur participation aux réunions ECC et aux réunions CUP

78      Les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a utilisé les preuves qu’elles ont produites concernant les réunions CUP et les réunions ECC pour les tenir pour responsables de tous les éléments de l’infraction, y compris de ces réunions. En effet, les requérantes auraient été les premières à produire des preuves concernant les réunions CUP, dont l’existence était inconnue de la Commission jusqu’à cette date. En outre, les requérantes auraient été les seules à fournir des preuves concernant les réunions ECC.

79      La Commission conteste ces arguments.

80      En l’espèce, il y a lieu de constater que, d’une part, la Commission a retenu la responsabilité de la première requérante en raison de sa participation directe à l’entente du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 et de la seconde requérante en sa qualité de société mère de la première, pour la période allant du 1er février 2007 au 23 avril 2012 (voir points 17 et 18 ci-dessus).

81      D’autre part, la Commission a estimé que les requérantes avaient été les seules à fournir des preuves concernant les échanges anticoncurrentiels qui ont eu lieu au cours des années 1998 à 2004, à l’exception d’un échange qui a eu lieu au cours de l’année 2003, et que ces preuves lui avaient permis d’augmenter la durée de l’infraction pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 (considérant 1080 et notes en bas de page nos 1708 et 1709 de la décision attaquée).

82      En outre, la Commission a estimé que les requérantes avaient été les premières à fournir des preuves concernant les réunions CUP (considérants 1080 et 1096 et note en bas de page no 1710 de la décision attaquée) et que ces preuves lui avaient permis de découvrir un autre aspect fonctionnel de l’entente, à savoir l’existence, la nature et le contenu des réunions CUP, organisées entre 2006 et 2008 (considérant 1080 et note en bas de page no 1710 de la décision attaquée).

83      À la suite de ces considérations, d’une part, la Commission a accordé à la première requérante une immunité partielle d’amende, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, pour la période d’infraction allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003. En effet, bien que la Commission ait retenu la responsabilité de la première requérante en raison de sa participation directe à l’entente pendant la période allant du 26 juin 1998 au 23 avril 2012, elle n’a pas tenu compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 lors de la fixation du coefficient multiplicateur pour la durée de participation à l’infraction (voir points 17 et 26 ci-dessus).

84      Ainsi, la Commission a estimé que la période correspondant à cette immunité partielle d’amende, accordée en ce qui concerne la durée de l’infraction, comprenait la période pendant laquelle ont eu lieu toutes les réunions ECC, à l’exception de la réunion du 7 novembre 2003 (voir considérants 78 et 80 et note en bas de page no 128 de la décision attaquée ainsi que points 12 et 26 ci-dessus).

85      D’autre part, la Commission a estimé que les preuves fournies par les requérantes, relatives aux réunions ECC et aux réunions CUP, ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction. Par conséquent, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 33 ci-dessus).

86      Par ailleurs, la Commission a estimé, en fonction de l’ensemble des preuves fournies par les requérantes, que celles-ci devaient être considérées comme la deuxième entreprise à fournir une valeur ajoutée significative (considérants 1082 et 1083 de la décision attaquée). Par conséquent, la Commission a accordé aux requérantes une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée, conformément au paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 32 ci-dessus).

87      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que les requérantes prétendent, c’est sans commettre d’erreur que la Commission les a tenues pour responsables de l’infraction dans les termes mentionnés au point 80 ci-dessus.

88      En effet, l’immunité partielle d’amende prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 ne concerne que le montant de l’amende. Ainsi qu’il a été rappelé au point 75 ci-dessus, lorsque les conditions pour pouvoir bénéficier de ladite immunité partielle sont remplies, la seule conséquence qui en découle est que la Commission ne peut pas s’appuyer sur les éléments de preuve en cause pour déterminer la gravité ou la durée de l’infraction du demandeur de clémence. Autrement dit, dans cette hypothèse, la Commission ne tient pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende.

89      Partant, l’immunité partielle d’amende, prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, n’a aucune incidence sur l’étendue de la responsabilité pour l’infraction retenue à l’égard des entreprises bénéficiaires d’une telle immunité.

[omissis]

91      Le premier grief de la deuxième branche du premier moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a retenu la responsabilité des requérantes pour leur participation aux réunions ECC et aux réunions CUP, doit donc être écarté.

ii)    Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a conclu que les preuves produites par les requérantes étaient sans incidence sur la gravité de l’infraction

92      Les requérantes contestent la conclusion de la Commission, aux considérants 1094 et 1096 de la décision attaquée, selon laquelle les preuves produites par elles concernant les réunions ECC et les réunions CUP n’avaient pas d’incidence sur la gravité de l’infraction. Selon les requérantes, ces preuves avaient permis d’établir que l’infraction couvrait également des accords en matière de prix et ne se limitait donc pas à des discussions concernant des informations sur les prix et sur l’offre et la demande. De plus, ces preuves démontreraient l’existence d’un mécanisme de signalement et d’un mécanisme de surveillance destinés à assurer le respect par les entreprises des accords en matière de prix. Partant, ces preuves auraient été déterminantes pour renforcer la gravité de l’infraction. À l’appui de leur position, les requérantes invoquent les arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38), et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission (T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115).

93      La Commission conteste ces arguments.

94      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 et 74 ci-dessus, le bénéfice de l’immunité partielle d’amende prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 exige que plusieurs conditions soient remplies, à savoir que l’entreprise en cause ait été la première à fournir des preuves déterminantes au sens du paragraphe 25 de ladite communication, que ces preuves doivent permettre d’établir des éléments de fait supplémentaires par rapport à ceux que la Commission est en mesure d’établir et que ces éléments de fait supplémentaires renforcent la gravité ou la durée de l’infraction.

95      Il en résulte que pour l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, il ne suffit pas que des éléments de preuve soient déterminants au sens du paragraphe 25 de cette communication, encore faut-il qu’ils permettent à la Commission d’établir des éléments de faits supplémentaires qui renforcent la gravité ou la durée de l’infraction (arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 405).

96      En l’espèce, la Commission a estimé que la première requérante a été la seule à fournir des preuves concernant les réunions ECC et que les requérantes ont été les premières à fournir des preuves concernant les réunions CUP. La Commission a considéré que les preuves fournies par la première requérante concernant les réunions ECC lui avaient permis d’augmenter la durée de l’infraction et, de ce fait, elle a accordé à celle-ci une immunité partielle d’amende pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 (voir points 80 à 84 ci-dessus).

97      Cependant, la Commission a estimé que lesdites preuves, notamment celles concernant les réunions CUP, ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction (considérants 1094 et 1096 de la décision attaquée). Par conséquent, elle a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction (voir point 85 ci-dessus).

98      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé que, pendant toute la durée de l’entente, les parties avaient échangé des informations sur les prix, l’offre et la demande et que, certes, lors de certaines réunions ECC et CUP, les entreprises avaient conclu des accords sur les prix. Toutefois, selon la Commission, tant les pratiques concertées que les accords sur les prix, en tant que manifestations du comportement collusoire en l’espèce, s’inscrivaient dans la même violation grave de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, le fait que les parties aient participé non seulement à des pratiques concertées, mais également à des accords, n’avait aucune incidence sur la gravité de l’infraction. En outre, selon la Commission, les réunions ECC et les réunions CUP n’étaient pas matériellement différentes des autres réunions multilatérales mentionnées au point 12 ci-dessus, faisant partie de la même infraction unique et continue qui fait l’objet de la décision attaquée (voir considérants 72, 1094 et 1096 de la décision attaquée).

99      En particulier, s’agissant des réunions CUP, la Commission a estimé que, compte tenu de la période pendant laquelle se sont tenues ces réunions et eu égard à leur nature et au fait que celles-ci se tenaient en parallèle avec les réunions MK, la révélation, par les requérantes, de l’existence des réunions CUP n’a pas accru la durée ni la gravité de l’infraction (voir considérant 1096 de la décision attaquée).

100    De même, s’agissant de la surveillance assurée dans le cadre des réunions CUP, la Commission a considéré que cette surveillance n’était pas une particularité de l’entente de nature à influer sur la gravité de l’infraction, étant donné notamment que les entreprises surveillaient leur comportement réciproque de façon générale ainsi qu’en dehors des réunions CUP (voir considérant 716 de la décision attaquée).

101    Il en résulte que la Commission a conclu que ni les réunions ECC ni les réunions CUP n’avaient une nature différente des autres manifestations du comportement collusoire en l’espèce, qui constituaient toutes des pratiques concertées et/ou des accords sur les prix qui s’inscrivaient dans la même violation grave de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En particulier, s’agissant des réunions CUP, la Commission a conclu que, même sans ces réunions, l’infraction aurait été tout aussi longue et aurait constitué une infraction tout aussi grave aux règles de la concurrence.

102    L’argumentation des requérantes ne remet pas en cause ces conclusions.

103    À cet égard, il convient de rappeler que la notion d’accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, telle qu’elle a été interprétée par la jurisprudence, est axée sur l’existence d’une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celles-ci (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 413 et jurisprudence citée).

104    En outre, la notion de pratique concertée au sens de cette même disposition vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 414 et jurisprudence citée).

105    Or, selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (voir arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 52 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 132).

106    Partant, si les notions d’accord et de pratique concertée comportent des éléments constitutifs partiellement différents, elles ne sont pas réciproquement incompatibles. La Commission n’a donc pas l’obligation de qualifier d’accord ou de pratique concertée chacun des comportements constatés, mais peut qualifier à bon droit certains de ces comportements d’« accords » et d’autres de « pratiques concertées » (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 132, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 453).

107    Ainsi, la double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 165 et jurisprudence citée).

108    Tel est le cas en l’espèce. En effet, par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix dans le secteur des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir points 9 et 10 ci-dessus).

109    En particulier, il résulte des considérants 704 à 743 de la décision attaquée que la Commission a estimé que, l’infraction en cause étant complexe et de longue durée, elle n’était pas censée qualifier les comportements d’accord ou de pratique concertée. À cet égard, la Commission a, tout d’abord, considéré que les échanges anticoncurrentiels, mentionnés aux points 12 et 13 ci-dessus, avaient tous le même objectif anticoncurrentiel, à savoir celui de la coordination des politiques de prix. Ensuite, la Commission a précisé que les comportements des entreprises incluaient à la fois des échanges d’informations sur les prix, des échanges d’informations sur l’offre et la demande, et la conclusion d’accords sur les prix, accompagnés d’un mécanisme de surveillance afin d’en garantir l’application. De plus, la Commission a considéré que ce mécanisme de surveillance n’était pas une particularité de l’entente, dans la mesure où, indépendamment de l’existence d’un tel mécanisme, les entreprises surveillaient leur comportement réciproque de façon générale. Enfin, la Commission a considéré que ces comportements prenaient la forme d’accords et/ou de pratiques concertées et suivaient un plan global poursuivant un but anticoncurrentiel unique.

110    Il est, certes, vrai que, dans la décision attaquée, la Commission mentionne les réunions ECC et les réunions CUP comme des exemples de réunions multilatérales lors desquelles les entreprises ont conclu des accords sur les prix, accompagnés d’un mécanisme de surveillance afin d’en garantir l’application [voir considérant 715, sous c), de la décision attaquée].

111    Mais il n’en demeure pas moins que la Commission a considéré que l’ensemble des réunions multilatérales décrites au point 12 ci-dessus présentait des caractéristiques communes et que l’objet des discussions menées lors de ces réunions multilatérales était resté le même ou largement similaire pendant toute la période infractionnelle (considérants 70 à 72 et 741 de la décision attaquée). De plus, elle a considéré que le mécanisme de surveillance n’était pas une particularité de l’entente, les entreprises exerçant une surveillance généralisée et réciproque en dehors de ce mécanisme (considérant 716 de la décision attaquée).

112    Ainsi, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 107 ci-dessus, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la présente infraction complexe, qui a impliqué plusieurs entreprises poursuivant un objectif commun de coordination des politiques de prix, pendant plusieurs années, la Commission n’était pas censée qualifier avec précision chacun des comportements infractionnels d’accord ou de pratique concertée. En toute hypothèse, ces deux formes d’infraction sont visées à l’article 101 TFUE.

113    Il en découle qu’une distinction entre une prétendue gravité accrue des « accords » par rapport à une gravité plus faible des « pratiques concertées » ne saurait être établie en l’espèce. En effet, dans un contexte comme celui de l’espèce, où les comportements infractionnels ont été qualifiés sans distinction d’accords « et/ou » de pratiques concertées, chacun d’entre eux corroborant l’existence d’une infraction complexe, unique et continue à l’article 101 TFUE, une qualification précise de ces comportements d’accords ou de pratiques concertées ne saurait être de nature à établir une différence entre la gravité de chaque comportement.

114    Au contraire, une qualification précise de chaque comportement infractionnel constitutif de l’entente d’accord ou de pratique concertée ne serait pas susceptible d’avoir une incidence sur la gravité de l’infraction, dès lors que ces deux formes d’infraction sont visées à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et que celui-ci ne prévoit pas de qualification spécifique pour un type d’infraction complexe, telle que celle de l’espèce.

115    Par ailleurs, il convient de relever que les arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38), et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission (T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115), invoqués par les requérantes, n’offrent aucun soutien à leur position. À la différence de la présente affaire, les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts concernaient des situations de participation plus limitée, voire de non-participation, à certains éléments de l’entente, tels que des mécanismes de compensation ou de surveillance (voir arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, points 28, 29, 78, 86 et 93, et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115, points 418, 439, 563 et 566). De même, à la différence desdites affaires, dans la présente affaire aucun système de surveillance ou autre mécanisme autonome n’a été identifié en tant que composant distinct de l’infraction objet de la décision attaquée.

116    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, d’une part, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, la Commission a tenu compte de la nature de l’infraction, à savoir du fait que celle-ci consistait en des « arrangements » horizontaux de coordination des prix, qui se trouvaient parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE. De plus, elle a tenu compte de la portée géographique de l’infraction, en indiquant que celle-ci s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (voir point 24 ci-dessus).

117    D’autre part, la Commission a estimé que le mécanisme de surveillance discuté lors des réunions CUP n’était pas une particularité de l’entente, les entreprises exerçant une surveillance généralisée et réciproque en dehors de ce mécanisme (voir point 111 ci-dessus).

118    Ainsi, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point 115 ci-dessus, l’infraction en cause en l’espèce n’a pas d’autres composants, qui seraient autonomes par rapport à l’ensemble d’accords et/ou de pratiques concertées visant la coordination des politiques de prix, qui forment cette infraction. En particulier, les réunions CUP s’inscrivaient dans cet ensemble d’accords et/ou de pratiques concertées et ne présentaient pas de particularités susceptibles d’avoir un impact spécifique sur la gravité de l’infraction (voir points 98 et 99 ci-dessus).

119    Au vu de tout ce qui précède, il convient de relever que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que les requérantes n’avaient pas produit d’éléments de preuve permettant d’établir des faits supplémentaires qui renforçaient la gravité de l’infraction.

120    Le deuxième grief de la deuxième branche du premier moyen doit donc être écarté.

[omissis]

3)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

131    Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû leur accorder une réduction du montant de base de l’amende d’au moins 3 %, équivalant à la réduction qu’elle a octroyée aux entreprises dont la participation à certains groupes de réunions n’a pas été établie, à savoir, Sanyo, NEC Tokin (Nec Corp. et Tokin Corp.), Matsuo et Nichicon. En ne procédant pas de la sorte, la Commission aurait traité les participants à l’entente, qui ont dissimulé des éléments de fait de l’infraction concernant certains groupes de réunions, plus favorablement que les requérantes, qui ont divulgué l’existence d’un de ces groupes de réunions.

132    La Commission conteste ces arguments.

[omissis]

134    En l’espèce, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes repose sur une comparaison erronée entre la notion d’immunité partielle d’amende, telle que prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, et les circonstances atténuantes qui doivent être prises en compte par la Commission, telles que celles énumérées au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

135    En effet, en premier lieu, la situation des requérantes n’est pas comparable, sur le plan factuel, à celle des autres participants à l’entente mentionnées par elles.

136    D’une part, s’agissant de la participation aux réunions CUP, ainsi qu’aux réunions MK, il y a lieu de constater que la Commission a estimé que la première requérante y avait participé (voir considérants 88 et 95 de la décision attaquée), ce que, au demeurant, les requérantes ne contestent pas.

137    En revanche, la Commission a estimé que la participation de Sanyo, de NEC Tokin et de Matsuo aux réunions CUP n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient eu connaissance (considérants 754, 759 et 764 de la décision attaquée). De même, la Commission a estimé que la participation de Nichicon aux réunions MK n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elle en avait eu connaissance (considérant 761 de la décision attaquée).

138    D’autre part, s’agissant de la coopération à l’enquête de la Commission, il y a lieu de constater que les requérantes ont fourni des preuves qui ont permis à la Commission d’établir l’existence, la nature et le contenu des réunions CUP (voir point 82 ci-dessus), ce qui n’était pas le cas en ce qui concerne Sanyo, NEC Tokin, Matsuo et Nichicon.

139    Partant, la situation factuelle des requérantes et celle de Sanyo, de NEC Tokin, de Matsuo et de Nichicon sont substantiellement différentes.

140    En second lieu, les deux situations ne sont pas comparables d’un point de vue juridique. D’une part, il s’agissait, pour la Commission, d’évaluer si la non-participation à certains échanges anticoncurrentiels de Sanyo, de NEC Tokin, de Matsuo et de Nichicon devait être prise en compte dans le cadre des circonstances atténuantes au sens du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. D’autre part, dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006, il s’agissait, pour cette institution, d’évaluer si la coopération des requérantes à son enquête devait conduire à leur accorder l’immunité partielle d’amende.

141    À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant des infractions qui relèvent du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006, en principe, l’intéressé ne peut valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de ladite communication (voir arrêt du 29 février 2016, EGL e.a./Commission, T‑251/12, non publié, EU:T:2016:114, point 190 et jurisprudence citée).

142    Partant, la coopération fournie par les requérantes ne saurait être valorisée en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006, en particulier, en tant que circonstance atténuante au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. À cet égard il convient de relever que, selon le quatrième tiret de ce paragraphe, peut être considéré comme une circonstance atténuante de nature à entraîner une réduction du montant de base de l’amende le fait que l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer.

143    Par ailleurs, contrairement à ce qui semble ressortir de l’argumentation des requérantes, les conditions qui peuvent justifier l’application des circonstances atténuantes ne sont aucunement comparables à celles exigées pour l’application de l’immunité partielle d’amende, notamment en ce qui concerne l’appréciation de la gravité des faits en cause.

144    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la Commission peut tenir compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire soit lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction au sens de l’article 23 du règlement no 1/2003, soit lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, points 104 et 105 ; voir, également, arrêt du 26 janvier 2017, Laufen Austria/Commission, C‑637/13 P, EU:C:2017:51, point 71 et jurisprudence citée).

145    En revanche, il ressort du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 que l’immunité partielle d’amende est accordée, notamment, lorsqu’un demandeur de clémence fournit à la Commission des preuves que celle-ci utilise pour établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la gravité de l’infraction, c’est-à-dire la gravité globale de l’infraction.

146    En l’espèce, d’un côté, la réduction de 3 % accordée à Sanyo, à NEC Tokin, à Matsuo et à Nichicon a tenu compte de la gravité relative de leur participation à l’infraction, voire de leur non-participation à certains groupes de réunions.

147    D’un autre côté, le refus d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende concernant la gravité de l’infraction s’est fondé sur le fait que les preuves concernant notamment les réunions CUP n’avaient pas permis à la Commission de renforcer la gravité globale de l’infraction (voir points 33 et 97 ci-dessus).

148    Il s’ensuit qu’un traitement moins favorable des requérantes n’est pas démontré en l’espèce, puisque leur situation et celle des entreprises susmentionnées n’est pas comparable, ni d’un point de vue factuel ni d’un point de vue juridique.

149    La troisième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent donc être écartés.

b)      Sur le second moyen, relatif au refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 37 de ces lignes directrices

[omissis]

2)      Sur la seconde branche du second moyen, tirée d’une erreur de droit et d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines et des sanctions

169    Dans le cadre de la seconde branche du second moyen, les requérantes invoquent une erreur de droit ainsi qu’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines et des sanctions en ce qui concerne le refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et de leur accorder une réduction additionnelle du montant de l’amende sur le fondement du paragraphe 37 de ces mêmes lignes.

[omissis]

174    La Commission objecte, en substance, qu’elle n’était pas tenue, en l’espèce, de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006.

175    À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 ci-dessus, les lignes directrices de 2006 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement.

176    En outre, il convient de rappeler les étapes pour le calcul du montant des amendes infligées aux requérantes qui ont été suivies en l’espèce par la Commission. À cet égard, il ressort du dossier que, tout d’abord, le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante a été calculé sans tenir compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003, dès lors que la Commission lui avait accordé une immunité partielle d’amende pour cette période, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 26 ci-dessus).

177    Ainsi, à la suite des étapes rappelées aux points 21 à 27 ci-dessus, la Commission a fixé à 61 434 000 euros, le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante et à 39 598 000 euros, le montant de base de l’amende à infliger à la seconde requérante.

178    Ensuite, étant donné que le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante dépassait 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent, la Commission a fait application de cette limite et, en conséquence, le montant de base de l’amende a été ramené à 40 606 385 euros, conformément à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 (voir point 31 ci-dessus).

179    Enfin, sur ce montant de base de 40 606 385 euros, la Commission a appliqué une réduction de 30 % au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006. Le montant total des amendes infligées aux requérantes s’élève donc à 28 424 000 euros (voir points 32 et 34 ci-dessus).

180    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes.

181    En premier lieu, il convient de relever que c’est à tort que les requérantes font valoir qu’il ressortirait de la jurisprudence que la Commission serait tenue de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 en raison du fait que l’utilisation de la méthode prévue dans ces lignes directrices conduisait à une application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires à plusieurs participants à l’entente.

182    Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, leur argumentation ne trouve aucun appui dans l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289). À cet égard, il convient de constater que, au point 75 de cet arrêt, tout d’abord, le Tribunal a, certes, relevé que la multiplication du montant déterminé en fonction de la valeur des ventes par le nombre d’années de participation à l’infraction pouvait impliquer que, dans le cadre des lignes directrices de 2006, l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23 du règlement no 1/2003 soit désormais la règle plutôt que l’exception pour toute entreprise qui opérait principalement sur un seul marché et qui avait participé pendant plus d’un an à une entente. De plus, le Tribunal a estimé que, dans ce cas, toute différenciation en fonction de la gravité ou de circonstances atténuantes ne serait normalement plus susceptible de se répercuter sur une amende qui avait été écrêtée afin d’être ramenée à 10 %.

183    Toutefois, au point 75 de l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), le Tribunal, tout d’abord, s’est limité à relever que l’absence de différenciation résultant de la nouvelle méthodologie de calcul des amendes dans le cadre des lignes directrices de 2006 pouvait nécessiter qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction dans les cas concrets où la seule application de ces lignes directrices ne permettait pas une différenciation appropriée. En outre, ainsi qu’il ressort de ce même point 75, ainsi que des points 81 à 87 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que, en l’occurrence, c’était à bon droit que la Commission avait conclu qu’il n’y avait pas de motif de nature à justifier la réduction de l’amende demandée par la partie requérante. Ainsi, il a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’exercer sa compétence de pleine juridiction.

184    Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), l’amende finale infligée par la Commission correspondait à l’amende maximale, à savoir l’amende correspondant au plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’exercice précédent. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, après l’application dudit plafond, les requérantes ont encore bénéficié d’une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée (voir points 32, 178 et 179 ci-dessus).

185    De même, l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), n’offre aucun soutien à l’argumentation des requérantes. D’une part, aux points 50 et suivants de cet arrêt, le Tribunal n’a examiné que la question du respect de l’obligation de motivation de la Commission. D’autre part, au point 51 dudit arrêt, le Tribunal ne se réfère pas directement à l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), mais se limite à reprendre ce que la Commission a relevé à ce sujet dans la décision attaquée.

186    Partant, l’argumentation des requérantes ne saurait utilement s’appuyer sur ces arrêts. D’une manière générale, cette argumentation n’est pas confirmée par la jurisprudence.

187    En effet, la Cour a déjà jugé qu’il n’était pas contraire aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement que, par application de la méthode de calcul des amendes prévue dans les lignes directrices de 2006, une entreprise se voie infliger une amende représentant une proportion de son chiffre d’affaires global plus élevée que celle que représentaient les amendes infligées respectivement à chacune des autres entreprises. En effet, il est inhérent à cette méthode de calcul, laquelle n’est pas fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises concernées, que des disparités apparaissent entre ces entreprises en ce qui concerne le rapport entre ce chiffre d’affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 64).

188    De plus, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, de s’assurer, dans le cas où de telles amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent une différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d’affaires global (voir arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 65 et jurisprudence citée).

189    De surcroît, la Cour a jugé que la différence de pourcentage que représenterait l’amende dans le chiffre d’affaires total des entreprises concernées en raison du caractère moins diversifié de leur activité ne saurait en soi constituer un motif suffisant pour justifier que la Commission s’écarte de la méthode de calcul qu’elle s’est elle-même fixée. En effet, cela reviendrait à avantager certaines entreprises sur la base d’un critère qui est sans pertinence au regard de la gravité et de la durée de l’infraction. Or, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 66 et jurisprudence citée).

190    Il résulte de ce qui précède que la circonstance que la Commission soit obligée d’appliquer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires au montant de base des amendes à infliger aux requérantes ainsi qu’à d’autres entreprises à caractère « monoproduit », en admettant que ce dernier soit établi, n’imposait pas à la Commission de s’écarter de la méthode de calcul des amendes prévue aux lignes directrices de 2006.

191    En deuxième lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que semblent faire valoir les requérantes, la circonstance que la première requérante soit une entreprise « monoproduit » ne justifie pas, à elle seule, que la Commission s’écarte des lignes directrices de 2006 pour accorder une réduction des amende infligées aux requérantes.

192    Tout d’abord, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 189 ci-dessus que le fait qu’une entreprise participant à une entente ait un portefeuille de produits réduit n’est pas une raison suffisante pour justifier que la Commission s’écarte de la méthode de calcul des amendes qu’elle s’est elle-même fixée. D’une part, la méthode de calcul des amendes n’est pas, en toute hypothèse, fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises, mais, au contraire, sur la valeur des biens ou des services en relation avec l’infraction. Par conséquent, il est inhérent à cette méthode que des disparités apparaissent entre les entreprises en ce qui concerne le rapport entre ce chiffre d’affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées. D’autre part, le caractère moins diversifié des activités de certaines entreprises n’est pas un critère pertinent au regard de la gravité et de la durée de l’infraction et ne saurait donc constituer un motif pour avantager ces entreprises par l’application de méthodes de calcul différentes.

193    Ensuite, la forte spécialisation des requérantes ou la moindre diversification de leur activité par rapport à d’autres participants à l’entente ne sauraient suffire, en elles-mêmes, pour établir que la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en n’appliquant pas des critères particuliers pour le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes. En effet, il résulte de la jurisprudence que la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction en cause est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction. Par conséquent, dès lors que les requérantes réalisent une part particulièrement importante, voire la quasi-totalité, de leur chiffre d’affaires total avec les produits qui font l’objet de l’infraction, le fait que le montant de l’amende infligée aux requérantes représente un pourcentage plus élevé du chiffre d’affaires total par rapport à d’autres participants à l’entente ne fait que refléter l’importance économique de cette infraction pour les requérantes. Un tel résultat n’est pas contraire aux principes d’égalité de traitement ou de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T‑1/16, EU:T:2019:514, point 112 et jurisprudence citée).

194    Enfin, une entreprise, telle que la première requérante, qui réalise une part particulièrement importante de son chiffre d’affaires total avec le produit relevant de l’entente retire en conséquence un bénéfice particulièrement important de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1923).

195    En troisième lieu, dans la mesure où les requérantes font valoir que, dans le passé, la Commission aurait adopté une approche différente pour le calcul des amendes infligées à des entreprises « monoproduit » dépassant le plafond de 10 %, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure, cette dernière ne constituant pas, en tout état de cause, un cadre juridique pour le calcul du montant des amendes (voir arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 82 et jurisprudence citée, et du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 68 et jurisprudence citée).

196    En quatrième lieu, il convient d’écarter les arguments des requérantes tirés du fait que l’application, en l’espèce, du plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’aurait permis ni de différencier les requérantes des autres entreprises « monoproduit », notamment en ce qui concerne la durée différente de leur participation à l’entente, ni de prendre en considération le degré de coopération des requérantes, lequel ne serait pas reflété dans le montant final des amendes qui leur ont été infligées.

197    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 990 de la décision attaquée, la Commission a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée à l’égard tant des requérantes que d’Elna et de Nippon Chemi-Con (voir point 27 ci-dessus et considérant 1007, tableau 1 de la décision attaquée). Il est, certes, vrai, que ces coefficients ont été appliqués sur la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base des amendes, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (voir point 21 ci-dessus). Il est également vrai que, compte tenu du résultat de cette opération, la Commission a eu besoin de faire application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23 paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 pour ramener le montant de base des amendes infligées à ces entreprises en dessous de ce plafond (voir considérant 1058 de la décision attaquée).

198    Toutefois, l’argumentation des requérantes selon laquelle l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’aurait pas permis de différencier les requérantes des autres entreprises « monoproduit » ne tient pas compte de la différence de finalité entre les critères pertinents pour la détermination du montant de base de l’amende et le plafond de 10 % du chiffre d’affaires.

199    À cet égard, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 2 des lignes directrices de 2006, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, tandis que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction.

200    Ainsi, il ressort de la jurisprudence que, si l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir. Ainsi, le montant de l’amende susceptible d’être infligée à une entreprise connaît un plafond chiffrable et absolu, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 78 et jurisprudence citée).

201    D’une part, cette limite vise à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 281). D’autre part, elle a pour objectif d’éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter. Une telle limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l’infraction soit réduit au niveau maximal autorisé lorsqu’il dépasse ce dernier. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 257 et jurisprudence citée).

202    Il en résulte que, même si l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires est plus probable pour les entreprises ayant un portefeuille de produits réduit, il n’en demeure pas moins que cette application ne saurait, en elle-même, avoir une incidence sur la méthode de calcul du montant des amendes, cette méthode et ce plafond ayant des objectifs distincts et autonomes, ainsi qu’il résulte des points 199 à 201 ci-dessus.

203    En cinquième lieu, il convient de relever que c’est à tort que les requérantes font valoir que l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires en l’occurrence ne permettrait pas de refléter le degré de coopération fournie par elles à l’enquête de la Commission.

204    À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 124 ci-dessus, l’objectif du programme de clémence de la Commission ne vise pas à ménager aux entreprises participant aux ententes secrètes la possibilité d’échapper aux conséquences pécuniaires de leur responsabilité, mais à faciliter la détection de telles pratiques et, ensuite, au cours de la procédure administrative, à aider la Commission dans ses efforts visant à la reconstitution des faits pertinents dans la mesure du possible.

205    Ainsi, la récompense prévue par le programme de clémence n’est pas accordée dans un but d’équité, mais en contrepartie d’une coopération ayant facilité le travail de la Commission (voir arrêt du 29 février 2016, EGL e.a./Commission, T‑251/12, non publié, EU:T:2016:114, point 184 et jurisprudence citée).

206    En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée que les requérantes ont bénéficié, tout d’abord, d’une immunité partielle d’amende pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 ; ensuite, de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 et, enfin, d’une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de ladite communication (voir points 26, 31 et 32 ci-dessus).

207    Or, s’agissant de l’immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction, il convient de rappeler qu’il est inhérent à la logique de la politique de clémence que cette immunité partielle, visé au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, ne se traduit jamais par une réduction du montant final de l’amende, mais par une exemption de l’application du coefficient multiplicateur au titre de la durée afin de s’assurer que les entreprises ayant formé une demande de clémence ne se voient pas infliger une amende au titre de la période d’infraction pour laquelle elles ont fourni des informations à la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 mars 2011, FRA.BO/Commission, T‑381/06, non publié, EU:T:2011:111, point 70).

208    En outre, s’agissant de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, il convient de relever, ainsi que la Commission l’a observé au considérant 1062 de la décision attaquée, que le fait qu’une réduction de l’amende accordée à une entreprise soit rendue caduque par les effets d’une autre disposition appliquée en faveur et pour le bénéfice de ladite entreprise – en l’espèce, le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – ne saurait remettre en cause la méthode appliquée par la Commission pour le calcul du montant des amendes.

209    De surcroît, la Commission a reconnu que les requérantes avaient été la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative et leur a accordé une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée, correspondant au pourcentage maximal de réduction prévu au paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006.

210    Ainsi, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré d’une prétendue absence de différenciation en ce qui concerne leur coopération à l’enquête de la Commission. Au contraire, il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires ainsi que de la réduction de 30 % au titre de la coopération ont entraîné une importante réduction de l’amende les concernant. En effet, le montant de base de l’amende avait été fixé à 61 434 000 euros pour la première requérante et à 39 598 000 euros pour la seconde requérante, soit à un total de 101 032 000 euros, tandis que le montant final de l’amende s’élève à 28 424 000 euros (voir points 177 et 179 ci-dessus).

211    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par application de la méthode de calcul des amendes prévue dans les lignes directrices de 2006 n’est pas démontrée en l’espèce.

212    Par ailleurs, s’agissant du principe d’individualisation des peines et des sanctions, il convient de rappeler que ce principe exige que, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, le montant de l’amende devant être payée solidairement soit déterminé en fonction de la gravité de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée et de la durée de celle-ci (voir arrêt du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 107 et jurisprudence citée). Il en découle que, lorsqu’elle détermine le rapport externe de solidarité, la Commission est en particulier tenue de respecter le principe d’individualisation des peines et des sanctions (arrêt du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission, C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 52).

213    Or, l’argumentation des requérantes ne porte aucunement sur la contestation d’un rapport de solidarité que la Commission aurait appliqué, par erreur, en infligeant une amende unique à des entreprises différentes.

214    La seconde branche du second moyen et, par conséquent, le second moyen doivent donc être écartés.

[omissis]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rubycon Corp. et Rubycon Holdings Co. Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.