Language of document : ECLI:EU:T:2011:191

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 mai 2011 (*)

« Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑239/08 DEP,

Comtec Translations Ltd, établie à Leamington Spa (Royaume-Uni),

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Bambara et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par Comtec Translations à la Commission à la suite de l’ordonnance du Tribunal (huitième chambre) du 3 février 2009, Comtec Translations/Commission (T-239/08, non publiée au Recueil),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président (rapporteur), Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2008, enregistrée sous la référence T-239/08, la requérante, Comtec Translations Ltd (ci-après « Comtec ») a demandé l’annulation de la décision de la Commission du 16 avril 2008 rejetant l’offre qu’elle avait soumise dans le cadre de la procédure d’appel d’offres visant la conclusion de contrats-cadres multiples pour la traduction de documents relatifs aux politiques et à l’administration de l’Union européenne à partir de toutes les langues officielles de l’Union vers l’anglais (FL-GEN07-EN) (JO 2007/S 180-219517). La Commission a déposé un mémoire en défense le 3 octobre 2008.

2        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2008, Comtec s’est désistée de son recours, en indiquant qu’elle ne disposait pas de ressources suffisantes pour continuer la procédure. Elle s’est opposée à sa condamnation aux dépens.

3        Par ordonnance du 3 février 2009, le Tribunal a rayé l’affaire T‑239/08 du registre et a condamné Comtec aux dépens, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 5, premier alinéa, de son règlement de procédure.

4        Par lettre du 25 mars 2009, la Commission a informé Comtec que ses dépens dans l’affaire T‑239/08 s’élevaient à 11 266,44 euros, dont 260 euros pour ses dépens administratifs et 11 006,44 euros pour les honoraires facturés par son conseil juridique externe.

5        Par lettre du 23 avril 2009, Comtec a contesté le montant réclamé par la Commission et lui a demandé d’en détailler la composition.

6        Par lettre du 18 mai 2009, la Commission a envoyé à Comtec les factures de son conseil juridique externe ainsi que les détails des heures facturées et la preuve du paiement de la somme facturée (à savoir 11 006,44 euros).

7        Dans la correspondance suivante, Comtec a rappelé ses difficultés financières, a demandé davantage d’explications et a notamment contesté son obligation de rembourser les coûts de trois avocats ayant travaillé sur l’affaire selon le relevé des heures travaillées.

8        Comtec n’a pas payé à la Commission la somme réclamée.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2010, la Commission a introduit la présente demande de taxation des dépens, conformément à l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure.

10      Comtec n’a pas déposé d’observations sur cette demande dans le délai imparti. Par lettre du 20 septembre 2010, le solicitor ayant représenté Comtec dans l’affaire principale a informé le Tribunal qu’il n’était plus mandaté par cette dernière.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle l’affaire a par conséquent été attribuée.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner Comtec à lui verser la somme de 11 006,44 euros correspondant aux dépens supportés par elle dans l’affaire T‑239/08, majorée des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement, publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, en vigueur à la date de l’ordonnance du Tribunal en l’espèce et majoré de trois points et demi à compter du jour de calendrier suivant la date de l’ordonnance, jusqu’au paiement intégral des dépens réclamés ;

–        condamner Comtec aux dépens de la présente procédure de taxation.

 En droit

 Arguments de la Commission

13      La Commission indique que la somme de 11 006,44 euros qu’elle réclame correspond aux honoraires facturés par son conseil juridique externe, pour les prestations fournies dans l’affaire principale, afférentes à la préparation et au dépôt de son mémoire en défense.

14      Elle fait valoir que l’affaire était particulièrement sensible pour elle puisqu’elle concernait la régularité d’un appel d’offres ouvert et communiqué à toutes les sociétés intéressées des 27 États membres de l’Union. L’affaire aurait été d’autant plus significative que l’appel d’offres concerné visait la conclusion de contrats-cadres pour la traduction de documents relatifs aux politiques et à l’administration de l’Union à partir de toutes les langues officielles de cette dernière vers l’anglais.

15      La Commission estime que l’affaire principale revêtait un caractère particulièrement complexe des points de vue factuel, technique et économique. Selon elle, il aurait fallu traiter de manière adéquate tout un éventail de questions de procédure, allant de la recevabilité aux questions de fond et à la production de documents.

16      Son avocat et ses associés auraient consacré 105 heures et six minutes de travail à cette affaire, facturables à des tarifs horaires variant de 50 à 140 euros, dont une partie seulement aurait été facturée à la Commission, car l’avocat aurait lui-même décompté 2 000 euros de la facture finale, en application de tarifs spéciaux qu’il aurait accordés à la Commission.

17      La Commission estime que, étant donné la complexité de l’affaire, le travail de préparation exigée et le contenu et le volume du mémoire déposé, la rémunération horaire moyenne tout comme le nombre total d’heures consacrées à l’affaire par son avocat et payées par elle étaient objectivement justifiés aux fins de la procédure devant le Tribunal.

 Appréciation du Tribunal

18      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, « [s]’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations ».

19      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

20      Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13).

21      Lorsqu’une institution décide, comme l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour lui en donne la faculté, de faire assister par un avocat l’agent qui la représente, la rémunération de cet avocat constitue nécessairement des frais indispensables exposés aux fins de la procédure, au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2009, Groupe Perry et Isibiris/Commission, T‑132/98 DEP, non publiée au Recueil, point 23).

22      Selon une jurisprudence constante, le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance Airtours/Commission, point 20 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

23      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnance Airtours/Commission, point 20 supra, point 18, et la jurisprudence citée).

24      En outre, il appartient au juge de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir ordonnance du Tribunal du 24 juin 2010, Gogos/Commission, T‑66/04 DEP, non publiée au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée).

25      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

26      En premier lieu, concernant l’objet et la nature de la présente affaire, son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, il convient de relever ce qui suit.

27      Contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne saurait être admis que l’affaire principale était particulièrement sensible pour la Commission. Dans sa requête, Comtec faisait valoir, en substance, que c’était à tort que le comité d’évaluation avait rejeté son offre au stade de la sélection au motif qu’elle n’avait pas suffisamment prouvé l’expérience professionnelle des personnes composant l’équipe qu’elle avait proposée. Le recours principal concernait, en substance, trois questions, à savoir, premièrement, celle de savoir si, au vu des exigences définies par le cahier de charges, les justificatifs fournis par Comtec afin de démontrer l’expérience professionnelle de ces personnes étaient suffisants ou non, deuxièmement, celle de savoir si, comme le soutenait Comtec, le comité d’évaluation n’avait pas dûment tenu compte des bonnes performances dont elle avait fait preuve pendant douze ans dans l’exécution de ses traductions pour la Commission et, troisièmement, celle de savoir si la décision de rejet était suffisamment motivée. Il ne saurait être admis, comme le soutient la Commission, qu’il y aurait eu des répercussions sur la crédibilité et l’image de la Commission si Comtec avait obtenu gain de cause, car les questions faisant l’objet de la procédure principale ne sauraient être considérées comme particulièrement sensibles.

28      S’agissant de l’importance de l’affaire sous l’angle du droit communautaire, il convient de relever que celle-ci ne soulevait aucune question inédite de droit communautaire.

29      Enfin, il convient de souligner que l’affaire ne soulevait pas non plus de difficulté particulière et qu’elle n’était pas complexe, ni d’un point de vue factuel ni d’un point de vue technique.

30      En deuxième lieu, il convient de relever que l’affaire présentait un certain intérêt économique pour la Commission car l’appel d’offres concerné visait la conclusion de contrats-cadres pour la traduction de documents relatifs aux politiques et à l’administration de l’Union à partir de toutes les langues officielles de cette dernière vers l’anglais.

31      En troisième lieu, s’agissant de l’ampleur du travail exigé au cours de la procédure, il convient de relever que, dans l’affaire principale, un seul échange de mémoires a eu lieu, Comtec s’étant désistée de son recours avant le dépôt d’une réplique. Les seuls dépens récupérables sont donc ceux liés à l’étude du dossier et à la rédaction du mémoire en défense.

32      Il y a en outre lieu de constater que la requête dans l’affaire principale ne comportait que cinq pages et cinq annexes de 24 pages au total. Il est certes vrai que l’avocat représentant la Commission et ses associés ont dû faire un certain effort afin d’analyser la requête principale et d’identifier les arguments soulevés et qu’ils ont identifié un problème de recevabilité. Il est également vrai que la préparation du mémoire en défense, qui comportait 19 pages et neuf annexes d’un nombre total de 71 pages, nécessitait l’analyse d’un certain nombre de documents. Pourtant, le volume de la documentation que l’avocat représentant la Commission et ses associés ont dû étudier afin de préparer ce mémoire doit être considéré comme assez limité.

33      En l’espèce, vu la concision de l’argumentation juridique développée dans la requête, le total de 105 heures et six minutes de travail facturé semble excessif.

34      Le Tribunal estime que, dans les circonstances de l’espèce, la durée totale du travail objectivement indispensable pour l’étude du dossier et la préparation du mémoire en défense était de 50 heures.

35      Concernant les honoraires professionnels, il convient de relever que le taux moyen facturé par l’avocat représentant la Commission et ses associés, sans tenir compte de la remise de 2 000 euros qui a été déduite de la facture finale, était de 123,75 euros par heure.

36      Au regard de l’intérêt économique que représentait l’affaire pour la Commission, ce tarif horaire était justifié.

37      Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la Commission auprès de Comtec en fixant leur montant à 6 187,50 euros, correspondant à 50 heures de travail à 123,75 euros.

38      S’agissant des frais de la présente procédure, il convient de rappeler que le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens. Il n’y a donc pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés aux fins de la présente procédure (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, Rec. p. I‑1, point 87). En conséquence, il n’y a pas lieu d’augmenter le montant des dépens récupérables en ajoutant à ceux-ci une somme relative à la présente procédure en taxation des dépens.

39      Quant à la demande de la Commission de majorer la somme d’intérêts de retard, il convient de relever qu’une demande d’intérêts de retard est fondée à compter du jour de la signification de l’ordonnance de taxation des dépens aux parties (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 10 novembre 2009, X/Parlement, F‑14/08 DEP, non encore publiée au Recueil, point 38).

40      Le taux d’intérêt applicable est calculé sur la base des taux fixés par la BCE pour ses opérations principales de refinancement applicables pendant la période concernée, majorés de trois points et demi, en application du taux prévu à l’article 86, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par Comtec Translations Ltd est fixé à 6 187,50 euros, ladite somme portant intérêts de retard, de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement. Le taux d’intérêt à appliquer est calculé sur la base des taux fixés par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement applicables pendant la période susmentionnée, majorés de trois points et demi.

Fait à Luxembourg, le 3 mai 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.