Language of document : ECLI:EU:T:2011:168

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 avril 2011 (*)

« Marque communautaire – Enregistrement international désignant la Communauté européenne – Marque figurative représentant un chevron bordé de pointillés – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑202/09,

Deichmann SE, anciennement Heinrich Deichmann-Schuhe GmbH & Co. KG, établie à Essen (Allemagne), représenté par MO. Rauscher, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Weberndörfer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 3 avril 2009 (R 224/2007-4), concernant l’enregistrement international désignant la Communauté européenne d’une marque figurative représentant une bande en angle avec des lignes pointillées,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 août 2009,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 janvier 2006, Heinrich Deichmann-Schuhe GmbH & Co. KG a présenté auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) une demande d’enregistrement international de la marque figurative suivante :

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2        L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a reçu notification de l’enregistrement international de la marque en cause le 11 mai 2006.

3        Les produits pour lesquels la protection de cette marque est revendiquée relèvent des classes 10 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 10 : « Chaussures orthopédiques » ;

–        classe 25 : « Chaussures ».

4        Le 17 novembre 2006, l’OHMI a notifié un refus provisoire ex officio de protection de la marque en cause dans la Communauté européenne, conformément à l’article 5 du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989 (JO 2003, L 296, p. 22), à la règle 17, paragraphes 1 et 2, du règlement d’exécution commun à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques et au protocole relatif à cet arrangement ainsi qu’à la règle 113 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié, pour tous les produits couverts par l’enregistrement international désignant la Communauté. Le motif invoqué était l’absence de caractère distinctif de la marque en cause au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

5        Le 12 décembre 2006, Heinrich Deichmann-Schuhe a indiqué que, selon elle, le signe litigieux ne constituait pas une caractéristique usuelle d’une chaussure, orthopédique ou autre, mais une marque figurative abstraite.

6        Par décision du 22 janvier 2007, l’examinateur a refusé la protection de la marque en cause dans la Communauté pour tous les produits couverts par l’enregistrement international désignant la Communauté, au motif que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

7        Le 24 janvier 2007, Heinrich Deichmann-Schuhe a informé l’examinateur que la reproduction des pages 4 à 6 et 8 de la décision du 22 janvier 2007 était de mauvaise qualité et que les signes apparaissant dans lesdites pages ne pouvaient pas être reconnus. Elle a demandé que lui soit transmise la version électronique de la décision de l’examinateur. L’OHMI lui a en conséquence envoyé une version électronique de ladite décision.

8        Le 2 février 2007, Heinrich Deichmann-Schuhe a formé un recours contre la décision de l’examinateur du 22 janvier 2007 auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009).

9        Par décision du 3 avril 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

10      La chambre de recours a tout d’abord relevé que, compte tenu des indications de Heinrich Deichmann-Schuhe, la marque en cause consistait en une applique placée sur une chaussure. Elle a ensuite considéré que les produits pour lesquels la protection avait été revendiquée étaient des produits de consommation courante et que le public pertinent était composé de « consommateurs moyens de presque tous les âges au sein de l’Union européenne », censés être normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. En outre, elle a confirmé l’appréciation de l’examinateur selon laquelle les points de couture présents sur la marque en cause étaient banals. Enfin, elle a considéré de façon plus générale que la marque en cause ne possédait aucun trait caractéristique pertinent qui la distinguait suffisamment de celles utilisées par d’autres entreprises ou de celles habituellement utilisées dans le secteur de la chaussure. Elle en a conclu que, en l’absence de toute « caractéristique frappante » ou de tout autre signe distinctif, le consommateur moyen percevrait la marque en cause comme un élément décoratif banal ou une pièce destinée à renforcer certaines parties de la chaussure.

11      Au vu de ces éléments, la chambre de recours a constaté que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et a considéré que la protection de celle-ci dans la Communauté devait par conséquent être refusée.

12      Par lettre du 11 mars 2010, l’avocat de Heinrich Deichmann-Schuhe a informé le Tribunal, d’une part, que ladite société avait été dissoute sans liquidation, dans la mesure ou son associé personnellement responsable avait quitté la société et, d’autre part, que l’ayant cause à titre universel de celle-ci était la requérante, Deichmann SE. À cet égard, il a produit un extrait de la banque de données des marques communautaires daté du 10 mars 2010 duquel il ressort que le changement de titulaire de la demande d’enregistrement international désignant la Communauté a été enregistré par l’OHMI.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

  En droit

15      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

16      La requérante fait tout d’abord valoir qu’il n’a pas été démontré que le signe litigieux était habituellement utilisé en tant qu’applique sur les chaussures.

17      La requérante fait ensuite observer que le critère selon lequel, pour être distinctif, le signe faisant l’objet de la demande d’enregistrement international désignant la Communauté doit se distinguer sensiblement de la norme ou des usages du secteur concerne en réalité les marques tridimensionnelles, qui sont constituées par la forme des produits qu’elles désignent. Or, la marque en cause serait une marque figurative totalement indépendante des produits qu’elle désigne.

18      Selon la requérante, la marque n’est pas la reproduction d’un élément indispensable ou usuel pour la fabrication des chaussures. Elle estime qu’aucune preuve de l’utilisation d’un élément de chaussure sous la forme de la marque en cause n’a été apportée. Elle fait, à cet égard, valoir que les reproductions des chaussures transmises par l’OHMI sont de mauvaise qualité et ne permettent donc pas de justifier le fait que l’utilisation de la marque est usuelle pour des formes équivalentes de chaussures pour des raisons fonctionnelles ou pour d’autres raisons. Elle ajoute que la marque en cause ne saurait être assimilée à l’image de simples coutures nécessaires pour fabriquer des chaussures en assemblant différentes pièces de matière.

19      En outre, la requérante affirme que le signe litigieux est suffisamment complexe en raison de sa forme non géométrique, asymétrique et inhabituelle et que le seul fait que ledit signe doté d’un caractère distinctif puisse être cousu sur une chaussure ne saurait ôter à ce signe la protection qu’il mérite.

20      Par ailleurs, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait qu’il existait des possibilités alternatives d’utilisation du signe litigieux, celui-ci pouvant être reproduit sur les semelles des chaussures ou à l’intérieur de celles-ci, sur les boîtes des chaussures, sur les brochures publicitaires, etc. Selon elle, la possibilité d’utiliser ledit signe à des fins distinctives permettant de caractériser les produits désignés suffit à éviter l’écueil du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

21      De même, selon la requérante, la marque en cause revêt un caractère distinctif même si celle-ci est apposée sur la face extérieure des chaussures. À cet égard, elle fait valoir que les fabricants de chaussures de sport et de loisirs ont l’habitude de caractériser leurs produits en y apposant un signe particulier, le plus souvent sur le côté de la chaussure, et que le consommateur déterminera son choix quasi exclusivement en fonction du signe en question.

22      Enfin, la requérante fait observer que les produits désignés s’adressent à l’ensemble des consommateurs, en ce compris les responsables de l’OHMI et les membres du Tribunal, et que, partant, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de produire des documents spécifiques pour prouver cette pratique notoire et la perception du public en la matière.

23      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

24      Aux termes de l’article 146, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 151, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), tout enregistrement international désignant la Communauté produit, à compter de la date d’enregistrement visée à l’article 3, paragraphe 4, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, les mêmes effets qu’une demande de marque communautaire. L’article 149, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 154, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009) dispose que tout enregistrement international désignant la Communauté est subordonné à un examen relatif aux motifs absolus de refus, suivant la même procédure que pour les demandes de marque communautaire.

25      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 37 ; du 5 mai 2009, Rotter/OHMI (Forme d’un assemblage de saucisses), T‑449/07, Rec. p. II‑1071, point 18, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 14].

26      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement ou la protection de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou de ces services [arrêt du Tribunal du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, Rec. p. II‑467, point 30, et arrêt Forme d’un assemblage de saucisses, point 25 supra, point 19].

27      Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne soit pas applicable [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 44, et du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD et PAYWEB CARD), T‑405/07 et T‑406/07, Rec. p. II‑1441, point 57].

28      En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que la protection de la marque en cause dans la Communauté a été refusée pour l’ensemble des produits pour lesquels cette protection était revendiquée, à savoir des chaussures orthopédiques relevant de la classe 10 et des chaussures relevant de la classe 25. Par ailleurs, s’agissant de produits de consommation courante, il y a lieu de considérer que le public pertinent est composé de consommateurs moyens censés être normalement informés et raisonnablement attentifs, ce qui n’est pas contesté par les parties.

29      Il convient également d’observer que, au point 13 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, compte tenu des indications qui lui avait été données par la requérante dans son mémoire exposant les motifs de son recours devant la chambre de recours, elle avait considéré que le signe litigieux se présentait comme une applique sur une chaussure. Au point 14 de la décision attaquée, ledit signe a ainsi été décrit comme la représentation de « deux lignes verticales asymétriques similaires formant un angle droit, reliées à leurs extrémités par deux lignes droites horizontales » au sein de laquelle figurait sur chaque côté vertical une ligne discontinue composée de tirets.

30      S’agissant du caractère distinctif de cette marque, la chambre de recours a, tout d’abord, considéré au point 14 de la décision attaquée, que les lignes discontinues placées à l’intérieur de la forme correspondaient à la représentation de points de couture tels qu’ils apparaîtraient s’ils étaient cousus sur les chaussures en question. Ensuite, elle a indiqué au point 18 de la décision attaquée que la forme angulaire était très simple et ne contenait aucun élément qui pourrait être considéré comme « attirant [pour] l’œil ». Elle en a déduit que la marque en cause ne comportait aucun trait caractéristique pertinent qui la distinguait suffisamment de celles utilisées par d’autres entreprises ou habituellement utilisées dans le secteur de la chaussure. En outre, elle a relevé au point 21 de la décision attaquée que, pour être perçue comme une marque, la forme du produit devait diverger de manière significative des formes de base des produits en question. Elle a souligné, à cet égard, au point 22 de la décision attaquée, que, dans le secteur pertinent, il était courant que des morceaux de tissu ou de cuir fussent cousus sur les chaussures de différents types afin de renforcer certaines de leurs parties telles que les bouts, les dessus, les côtés ou les talons. Enfin, au point 24 de la décision attaquée, elle a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque en cause étant donné que tous les produits désignés pouvaient comprendre des morceaux de tissu ou de cuir de formes très semblables à celle représentée par ladite marque et que les matières dans lesquelles ils sont produits présentent manifestement des points de couture.

31      Cette analyse de la chambre de recours doit être approuvée.

32      En effet, la pratique consistant à utiliser des appliques décoratives ou de renforcement est notoire dans le secteur de la chaussure, ce qui n’a pas été sérieusement remis en cause par la requérante. À cet égard, il est utile de rappeler que, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits [arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 19, et du 5 mai 2009, ars Parfum Creation & Consulting/OHMI (Forme d’un vaporisateur), T‑104/08, non publié au Recueil, point 20].

33      Il y a également lieu de souligner que, en tant que telle, la marque en cause constitue une forme simple et banale qui ne diverge pas significativement des formes communément utilisées dans le secteur de la chaussure et que les lignes discontinues figurant dans cette forme correspondent à la représentation des points de couture tels qu’ils apparaîtraient si la marque en cause était cousue sur la chaussure.

34      Compte tenu de ces considérations relatives au caractère banal de la marque en cause et à la pratique notoire des appliques dans le secteur de la chaussure, il y a lieu de considérer que la marque en cause ne présente aucune caractéristique susceptible d’attirer l’attention du public pertinent et de la distinguer d’autres appliques sur des chaussures et ne saurait ainsi être appréhendée immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés.

35      Ainsi, comme l’a indiqué à juste titre la chambre de recours, la marque en cause sera exclusivement perçue comme un élément décoratif ou de renforcement pour les produits désignés. Partant, elle ne permettra pas au public pertinent d’identifier l’origine commerciale desdits produits.

36      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

37      La requérante se prévaut à tort du fait que la chambre de recours n’a présenté aucune preuve tendant à démontrer l’utilisation usuelle de la marque demandée pour les produits désignés. En effet, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 impose d’analyser le caractère distinctif d’une marque en dehors de tout usage effectif au sens de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009). Il convient donc de rechercher si la marque demandée permettra au public ciblé de distinguer les produits ou services visés de ceux provenant d’autres entreprises, lorsqu’il sera appelé à effectuer son choix lors de l’acquisition de ces produits ou services [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 avril 2001, Bank für Arbeit und Wirtschaft/OHMI (EASYBANK), T‑87/00, Rec. p. II‑1259, point 40 ; du 23 novembre 2004, Frischpack/OHMI (Forme d’une boîte de fromage), T‑360/03, Rec. p. II‑4097, point 29, et Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 25 supra, point 38]. La chambre de recours n’a dès lors pas à présenter des preuves tendant à démontrer l’utilisation usuelle de la marque en cause pour conclure que celle-ci était dépourvue de caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 septembre 2010, Rosenruist/OHMI (Représentation de deux courbes sur une poche), T‑388/09, non publié au Recueil, point 37].

38      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours s’est appuyée sur les seuls principes établis aux fins de l’appréciation du caractère distinctif de marques tridimensionnelles constituées exclusivement par la forme du produit qu’elles désignent, il doit être rejeté. En effet, il ressort clairement des points 17 et 18 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause en raison du caractère banal des points de couture et au motif que la forme angulaire de la marque en cause est très simple, ne possède pas de trait caractéristique et ne contient aucun élément considéré comme « attirant [pour] l’œil ».

39      Il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a erronément appliqué un critère qui est exclusivement applicable pour l’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles, à savoir celui relatif à la nécessité de se distinguer de la norme ou des habitudes du secteur en cause lorsque la marque coïncide avec la forme des produits eux-mêmes.

40      En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 26 ci-dessus, le caractère distinctif de la marque en cause doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels la protection a été revendiquée et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent. Or, la perception du public pertinent est susceptible d’être influencée par la nature du signe dont la protection a été revendiquée. Dès lors, dans la mesure ou les consommateurs moyens n’ont pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur des signes qui se confondent avec l’aspect de ces mêmes produits, de tels signes sont distinctifs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 seulement s’ils divergent, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, points 30 et 31 ; du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, points 28 et 31, et du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, points 36 et 37). Comme le rappelle à juste titre l’OHMI, ces considérations sont également applicables dans l’hypothèse où la marque consisterait en la représentation d’un des éléments constitutifs du produit [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 octobre 2008, Inter-Ikea/OHMI (Représentation d’une palette), T‑387/06 à T‑390/06, non publié au Recueil, point 36].

41      Il importe également de relever que l’application de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus ne dépend pas de la qualification du signe litigieux de signe figuratif, tridimensionnel ou autre, mais bien du fait que celui-ci se confonde avec l’aspect du ou des produits désignés. Ainsi, ce critère a été appliqué, outre aux marques tridimensionnelles (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173), à des marques figuratives consistant en une reproduction bidimensionnelle du produit désigné [arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, et arrêt du Tribunal du 21 avril 2010, Schunk/OHMI (Représentation d’une partie d’un mandrin), T‑7/09, non publié au Recueil, point 20] ou encore à un signe constitué par un motif appliqué à la surface du produit (ordonnance de la Cour du 28 juin 2004, Glaverbel/OHMI, C‑445/02 P, Rec. p. I‑6267).

42      Dans ces circonstances, il convient de vérifier si la marque demandée se confond avec l’aspect des produits désignés ou si, comme le prétend la requérante, elle est indépendante de ceux-ci.

43      À cet égard, force est de constater que, en raison de sa forme en angle droit et de la représentation des points de couture, la marque en cause pourrait constituer une applique de renforcement ou simplement décorative, que ce soit sur la pointe, le dessus, les côtés ou le talon de la chaussure, et qu’elle ne diverge donc nullement de la norme ou des habitudes du secteur de la chaussure.

44      Dans ce contexte, il doit être rappelé que la chambre de recours s’est référée aux preuves fournies par l’examinateur dans la décision du 22 janvier 2007, à savoir des photos de chaussures relevant des classes 10 et 25. Certes, ainsi que l’a relevé la requérante, lesdites photos sont de mauvaise qualité. Toutefois, il convient tout d’abord de constater que l’examinateur a clairement indiqué l’adresse du site Internet sur lequel ces photos avaient été publiées, lequel pouvait aisément être consulté par la requérante afin d’obtenir une meilleure qualité d’image des différentes chaussures reproduites sur ces mêmes photos. Ensuite, l’OHMI a transmis à la requérante une version électronique de la décision attaquée. Dans ses écritures, la requérante s’est contentée de faire valoir, sans en apporter la moindre preuve, que les photos reproduites dans la version électronique de la décision attaquée étaient également de mauvaise qualité. Enfin, il y a lieu de relever que les photos concernées sont identiques à celles reproduites dans la décision portant refus provisoire ex officio du 17 novembre 2006, dont la requérante a parfaitement pris connaissance. Or, ces dernières photos permettent à suffisance de constater que des morceaux de tissus ou de cuir constituant des éléments de différentes chaussures représentent des variations de la représentation de la marque en cause et que ceux-ci se confondent avec l’aspect des produits désignés.

45      Par conséquent, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas apporté la preuve que, dans le cadre de la fabrication des chaussures, un élément de la même forme que la marque en cause est usuel.

46      La requérante n’a pas non plus présenté d’arguments permettant de remettre en cause le fait que la marque en cause pouvait être considérée comme une applique et que les lignes discontinues pouvaient être assimilées à des points de couture. Ainsi que le souligne l’OHMI, c’est sur la base des indications fournies par la requérante elle-même que la chambre de recours a été amenée à conclure que la marque en cause consistait en la représentation graphique bidimensionnelle d’un élément faisant partie de la forme d’un produit, à savoir une applique sur une chaussure (voir point 13 de la décision attaquée). Il ressort, en effet, des observations présentées par la requérante dans son mémoire du 16 février 2007 déposé devant la chambre de recours que celle-ci a explicitement admis que les lignes discontinues représentaient des points de couture. La requérante a également précisé que l’hypothèse selon laquelle la marque en cause serait utilisée sous la forme d’une applique n’était pas du tout obligatoire, mais que, même si ladite marque était apposée sur une chaussure, le public la percevrait comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés, dès lors qu’il est notoire et habituel pour les fabricants de chaussures d’utiliser des appliques en tant que signes distinctifs de cette origine.

47      Dans ces circonstances, et compte tenu de la possibilité, consacrée par la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus, dont dispose l’OHMI de fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, il ne saurait être reprochée à la chambre de recours d’avoir fondé son examen de la marque en cause sur l’utilisation la plus probable de celle-ci, à savoir celle en tant qu’applique décorative ou de renforcement sur des chaussures.

48      Pour les mêmes raisons, ne saurait prospérer l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours devait tenir compte des possibilités autres d’utilisation de la marque en cause au motif qu’il ne suffit pas, pour déclarer qu’une marque est dépourvue de caractère distinctif, qu’un seul type d’utilisation de celle-ci ne soit pas susceptible d’être appréhendé immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés.

49      En effet, à supposer même que la marque en cause puisse davantage être appréhendée comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés en fonction de la manière dont elle est utilisée, il n’en reste pas moins qu’il n’en est pas ainsi dans au moins une des façons de l’utiliser, à savoir son utilisation comme une applique décorative ou de renforcement sur des chaussures. De surcroît, ainsi qu’il a été souligné au point 47 ci-dessus, l’utilisation de la marque en cause comme une applique décorative ou de renforcement sur des chaussures est la plus probable.

50      Au surplus, la chambre de recours s’est, à juste titre, fondée sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des chaussures (voir points 32 et 47 ci-dessus). Or, il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur l’expérience susvisée, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage (arrêt Forme d’une bouteille en plastique, point 32 supra, point 50). Or, la requérante n’a présenté aucune indication concrète et étayée à cet égard.

51      Quant à la référence faite par la requérante à une décision de la chambre de recours relative à l’apposition de plusieurs lignes ou de bandes sur la face extérieure de chaussures, elle est dénuée de pertinence en l’espèce. En effet, le seul fait que d’autres marques, quand bien même elles seraient également simples, ont été considérées comme ayant la capacité d’être perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause et, dès lors, comme n’étant pas dépourvues de tout caractère distinctif n’est pas concluant pour déterminer si la marque en cause possède également le caractère distinctif minimal nécessaire pour pouvoir être protégée dans la Communauté (voir, en ce sens, arrêt Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, point 25 supra, point 34).

52      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, s’agissant de chaussures de sport et de loisirs, le consommateur se déterminerait quasi exclusivement en fonction des signes reconnaissables sur les chaussures, il doit être rejeté. En effet, à supposer cette allégation correcte, il n’est nullement invoqué, ni a fortiori démontré, qu’elle concernerait l’ensemble des chaussures visées par la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement. Or, il convient d’observer que, lors de l’examen du caractère enregistrable d’un signe, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits telle qu’elle découle de la demande de marque concernée. En l’espèce, la liste des produits visés par la marque demandée mentionne les « chaussures orthopédiques » et les « chaussures » au sens générique du terme. Par conséquent, les arguments de la requérante relatifs spécifiquement aux chaussures de sport et de loisirs sont sans pertinence en l’espèce.

53      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante selon lequel elle n’avait pas à prouver la pratique consistant à apposer un signe sur la face extérieure des chaussures afin d’indiquer leur origine commerciale, du fait du caractère notoire de cette pratique, il est dénué de pertinence en l’espèce. En effet, d’une part, comme il a été rappelé au 52 ci-dessus, la pratique consistant à apposer un signe sur la face extérieure des chaussures en tant qu’indication de leur origine commerciale concerne essentiellement les chaussures de sport et de loisirs et non l’ensemble des chaussures concernées par la demande d’enregistrement international désignant la Communauté. D’autre part, cet argument ne permet nullement de remettre en cause le fait que, eu égard à son caractère intrinsèquement banal, la marque en cause sera davantage perçue comme un élément décoratif plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés.

54      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la marque en cause était dépourvue du minimum de caractère distinctif requis pour échapper au motif absolu de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que sa protection dans la Communauté devait de ce fait être refusée.

55      Partant, le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être rejeté comme non fondé, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deichmann SE est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 avril 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.