Language of document : ECLI:EU:T:2013:47

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

31 janvier 2013 (*)

« Fonds de cohésion – Réduction du concours financier initialement octroyé par le Fonds à quatre stades de projet concernant la construction de certains tronçons de la ligne à grande vitesse reliant Madrid et la frontière française – Délai d’adoption d’une décision – Article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement (CE) n° 1164/94 – Article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1386/2002 – Travaux ou services complémentaires – Notion de ‘circonstance imprévue’ – Article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38/CEE »

Dans l’affaire T‑540/10,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Muñoz Pérez, puis par M. A. Rubio González, abogados del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2010) 6154 de la Commission, du 13 septembre 2010, portant réduction de l’aide du Fonds de cohésion aux stades de projet intitulés « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida-Martorell (plate-forme). Sous-tronçon IX-A » (CCI 2001.ES.16.C.PT.005), « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida- Martorell (plate-forme). Sous-tronçon X-B (Avinyonet del Penedés-Sant Sadurní d’Anoia) » (CCI 2001.ES.16.C.PT.008), « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida-Martorell (plate-forme). Sous-tronçons XI-A et XI-B (Sant Sadurní d’Anoia-Gelida) » (CCI 2001.ES.16.C.PT.009), « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida-Martorell (plate-forme). Sous-tronçon IX-C » (CCI 2001.ES.16.C.PT.010) et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation partielle de ladite décision, en ce qui concerne les corrections appliquées aux modifications résultant du dépassement des seuils de bruit (sous-tronçon IX-A), du changement de plan général d’aménagement urbain de la municipalité de Santa Oliva (Espagne) (sous-tronçon IX-A) et des variations des conditions géotechniques (sous-tronçons X-B, XI-A, XI-B et IX-C), en réduisant de 2 348 201,96 euros le montant des corrections décidées par la Commission,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Réglementation de l’Union européenne

1        Le règlement (CE) n° 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1264/1999 du Conseil, du 21 juin 1999 (JO L 161, p. 57), par le règlement (CE) n° 1265/1999 du Conseil, du 21 juin 1999 (JO L 161, p. 62), et par l’Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), dispose, en son article 2, paragraphe 1, ce qui suit : 

« Le Fonds fournit une contribution financière à des projets qui contribuent à la réalisation des objectifs fixés par le traité sur l’Union européenne, dans le domaine de l’environnement et dans celui des réseaux transeuropéens d’infrastructures de transport dans les États membres dont le produit national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire, mesurée sur la base des parités du pouvoir d’achat, et qui ont mis en place un programme visant à satisfaire aux conditions de convergence économique visées à l’article [126 TFUE]. »

2        L’article H (« Corrections financières ») de l’annexe II (« Dispositions de mise en application ») du règlement n° 1164/94 prévoit : 

« 1. Si, après avoir effectué les vérifications nécessaires, la Commission conclut :

a)      que la mise en œuvre d’un projet ne justifie ni une partie ni la totalité du concours octroyé, y compris en cas de non‑respect d’une des conditions fixées dans la décision d’octroi du concours, et notamment de modification importante affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre du projet pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée ou

b)      qu’il existe une irrégularité en ce qui concerne le concours du Fonds et que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives nécessaires,

la Commission suspend le concours alloué au projet concerné et demande, en indiquant ses motifs, que l’État membre présente ses observations dans un délai déterminé.

Si l’État membre conteste les observations formulées par la Commission, l’État membre est invité à une audition par la Commission, au cours de laquelle les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions qu’il convient d’en tirer.

2. À l’expiration d’un délai fixé par la Commission, dans le respect de la procédure applicable, en l’absence d’accord [dans un délai de trois mois] et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission décide […] :

[…]

b)      de procéder aux corrections financières requises, c’est-à-dire supprimer totalement ou partiellement le concours octroyé au projet.

Ces décisions doivent respecter le principe de proportionnalité. La Commission, en établissant le montant de la correction, tient compte de la nature de l’irrégularité ou de la modification et de l’étendue de l’impact financier potentiel des défaillances éventuelles des systèmes de gestion ou de contrôle. Toute réduction ou suppression de concours donne lieu à répétition de l’indu.

[…]

4. La Commission arrête les modalités détaillées de mise en œuvre des paragraphes 1, 2 et 3 […] »

3        L’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1386/2002 de la Commission, du 29 juillet 2002, fixant les modalités d’application du règlement n° 1164/94 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle et la procédure de mise en œuvre des corrections financières relatifs au concours du Fonds de cohésion (JO L 201, p. 5), est libellé comme suit :

« Chaque fois que l’État membre conteste les observations de la Commission et qu’une audition a lieu en application de l’article H, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe II du règlement […] n° 1164/94, le délai de trois mois au cours duquel la Commission peut prendre une décision au titre de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II dudit règlement commence à courir à partir de la date de l’audition. »

4        La directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), définit, en son article 1er, point 7, les « procédures ouvertes, restreintes ou négociées » comme suit :

« […] les procédures de passation appliquées par les entités adjudicatrices et dans lesquelles :

a)      en ce qui concerne les procédures ouvertes, tout fournisseur, tout entrepreneur ou tout prestataire de services intéressé peut soumissionner ;

b)      en ce qui concerne les procédures restreintes, seuls les candidats invités par l’entité adjudicatrice peuvent soumissionner ;

c)      en ce qui concerne les procédures négociées, l’entité adjudicatrice consulte les fournisseurs, les entrepreneurs ou les prestataires de services de son choix et négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux. »

5        Selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/38, « [p]our passer leurs marchés de fournitures, de travaux et de services ou organiser leurs concours, les entités adjudicatrices appliquent les procédures qui sont adaptées aux dispositions de la présente directive ». Le paragraphe 2 de cette disposition énonce que « [l]es entités adjudicatrices veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services ».

6        L’article 20, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/38 prévoit :

« 1. Les entités adjudicatrices peuvent choisir l’une des procédures définies à l’article 1er, point 7, pour autant que, sous réserve du paragraphe 2, une mise en concurrence ait été effectuée en vertu de l’article 21.

2. Les entités adjudicatrices peuvent recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable dans les cas suivants :

[…]

f)      pour les travaux ou les services complémentaires ne figurant pas dans le projet initialement adjugé ni dans le premier marché conclu et devenus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à l’exécution de ce marché, à condition que l’attribution soit faite à l’entrepreneur ou au prestataire de services qui exécute le marché initial :

–        lorsque ces travaux ou services complémentaires ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour les entités adjudicatrices ou

–        lorsque ces travaux ou services complémentaires, quoique séparables de l’exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son perfectionnement.

[…] »

 Réglementation nationale

7        Le décret-loi 2/2000, du 16 juin 2000, portant adoption du texte refondu de la loi relative à la passation des marchés publics (BOE n° 148, du 21 juin 2000, p. 21775, ci-après le « TRLCAP »), dans sa version en vigueur à l’époque des faits, prévoyait, en son article 101 (« Modification des contrats de marché »), ce qui suit :

« 1. Une fois le marché conclu, le pouvoir adjudicateur ne pourra introduire de modifications dans les éléments du contrat que pour un motif d’intérêt public, à condition qu’elles soient dues à des nécessités nouvelles ou à des causes imprévues, en le justifiant dûment dans le dossier.

2. Les modifications apportées au marché doivent être formalisées conformément aux dispositions de l’article 54.

3. Outre le rapport visé à l’article 59, paragraphe 2, et le contrôle préalable prévu à l’article 11, paragraphe 2, sous g), le rapport relatif au budget, élaboré par la direction générale du budget du ministère des Finances, est indispensable dans le cadre des modifications, même successives, des marchés, qui entraînent, isolément ou conjointement, des modifications égales ou supérieures à 10 % du prix initial du marché, dès lors que celui-ci est égal ou supérieur à 1 000 000 000 pesetas (6 010 121,04 euros), hors taxe sur la valeur ajoutée. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs transmettent le dossier correspondant à la modification proposée, auquel ils joignent les documents suivants :

a)      un exposé des motifs du directeur chargé des travaux justifiant l’écart à l’origine de la modification et précisant les circonstances non prévues dans le cadre de l’approbation du cahier des charges et, le cas échéant, dans le cadre du projet y afférent, étant entendu que ce document est délivré, pour ce qui est des marchés distincts des marchés de travaux, par le service chargé de la direction et de l’exécution des prestations couvertes ;

b)      un document attestant l’absence de pertinence d’une nouvelle mise en concurrence pour les unités ou prestations faisant l’objet de la modification ;

c)      dans le cadre des marchés de travaux, un rapport de l’Oficina de Supervisión de Proyectos [le bureau chargé de la supervision des projets] sur le caractère approprié de la modification proposée.

La direction générale du budget présente son rapport dans un délai de quinze jours ouvrables.

Les dispositions du présent paragraphe s’appliquent également aux modifications consistant dans le remplacement d’unités faisant l’objet du marché par de nouvelles unités dans des marchés dont le montant est égal ou supérieur à 1 000 000 000 pesetas (soit 6 010 121,04 euros) et aux modifications portant sur 30 %, ou plus, du prix initial du marché, hors taxe sur la valeur ajoutée, indépendamment des répercussions budgétaires auxquelles les modifications ont pu donner lieu ».

8        S’agissant des marchés publics de travaux, l’article 101 du TRLCAP était complété par l’article 146 du TRLCAP (« Modification du contrat de marché de travaux »), qui disposait :

« 1.      Les modifications du contrat de marché de travaux sont obligatoires pour l’entrepreneur dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 101, elles entraînent une augmentation, une réduction ou la suppression de parties d’ouvrage ou la substitution d’une catégorie de fabrication par une autre, dès lors que celle-ci fait partie de celles comprises dans le marché. En cas de suppression ou de réduction de travaux, l’entrepreneur n’a pas le droit de réclamer quelque indemnisation que ce soit, sans préjudice des dispositions de l’article 149, sous e).

[…] »

9        Pour ce qui concerne le mécanisme d’exécution de travaux complémentaires, le TRLCAP disposait, en son article 141 (« Procédure négociée sans publicité ») :

« On peut recourir à la procédure négociée sans publicité préalable lorsque l’une des conditions suivantes est remplie, ce qui doit être établi dans le dossier :

[…]

d)      Lorsqu’il s’agit de travaux complémentaires qui ne figurent ni dans le projet ni dans le marché conclu, mais qu’il est devenu nécessaire d’exécuter en raison d’une circonstance imprévue, et dont l’exécution est confiée au maître d’œuvre de l’ouvrage principal, selon les prix régissant le marché initial ou qui, le cas échéant, auront été fixés contradictoirement.

Pour l’application des dispositions de l’alinéa précédent, le marché principal doit remplir les conditions suivantes :

1. Que les travaux ne puissent être techniquement ou économiquement séparés du marché initial sans que cela cause à l’administration des inconvénients majeurs ou que, bien qu’ils puissent être séparés de l’exécution de ce marché, ils soient strictement nécessaires à son exécution.

2. Que les travaux complémentaires à exécuter définis dans le projet correspondant soient constitués, pour 50 % au moins du coût, par des parties d’ouvrage du marché principal.

3. Que le montant cumulé des travaux complémentaires ne dépasse pas 20 % du prix initial du marché.

Les autres travaux complémentaires qui ne réunissent pas les conditions exigées aux alinéas précédents devront faire l’objet d’une passation de marché autonome. »

10      L’exécution de travaux complémentaires était également prévue dans la loi 48/1998, du 30 décembre 1998, relative aux procédures d’adjudication dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (BOE no 313, du 31 décembre 1998, p. 44329), dont l’article 25 (« Procédure sans mise en concurrence préalable ») disposait :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 23, paragraphe 1, l’entité adjudicatrice peut recourir à une procédure négociée sans mise en concurrence préalable, dans les cas suivants :

[…]

f)      Lorsqu’il s’agit de travaux ou de services complémentaires ne figurant ni dans le projet initialement adjugé ni dans le premier marché conclu, mais qu’il est devenu nécessaire d’exécuter à la suite d’une circonstance imprévue, à condition que leur exécution soit confiée à l’entrepreneur ou prestataire de services qui exécute le marché initial, et que lesdits travaux ou services ne puissent être séparés techniquement ou économiquement du contrat principal sans causer des inconvénients majeurs à l’entité adjudicatrice ou que, bien qu’ils puissent être séparés de l’exécution du marché initial, ils soient strictement nécessaires à son perfectionnement. »

 Antécédents du litige

11      Par les décisions C (2001) 4051, du 20 décembre 2001, C (2001) 4085, du 19 décembre 2001, C (2001) 4086, du 19 décembre 2001, et C (2001) 4087, du 19 décembre 2001, la Commission des Communautés européennes a approuvé l’octroi d’un concours financier au titre du Fonds de cohésion aux stades de projet portant les intitulés respectifs suivants :

–        « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida‑Martorell (plate-forme). Sous‑tronçon IX‑A » (CCI 2001.ES.16.C.PT.005).

–        « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida‑Martorell (plate-forme). Sous‑tronçon X-B (Avinyonet del Penedés-Sant Sadurní d’Anoia) » (CCI 2001.ES.16.C.PT.008).

–        « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida‑Martorell (plate-forme). Sous‑tronçons XI‑A et XI‑B (Sant Sadurní d’Anoia-Gelida) » (CCI 2001.ES.16.C.PT.009).

–        « Ligne à grande vitesse Madrid-Saragosse-Barcelone-Frontière française. Tronçon Lérida‑Martorell (plate-forme). Sous‑tronçon IX‑C » (CCI 2001.ES.16.C.PT.010).

12      Pour chacun de ces stades de projet, respectivement par deux lettres du 18 décembre 2008 et par lettres du 22 décembre et du 2 juin 2008, la Commission a adressé au Royaume d’Espagne une proposition de clôture. Chacune de ces propositions incluait des corrections financières pour irrégularités dans l’application de la législation sur les marchés publics.

13      Les autorités espagnoles ayant exprimé leur désaccord avec les propositions de clôture de la Commission, respectivement par trois lettres du 16 février 2009 et par lettre du 15 juillet 2008, une audition a été tenue le 11 mars 2010, conformément à l’article H, paragraphe 1, de l’annexe II du règlement n° 1164/94. Un procès-verbal de cette audition a été adressé par la Commission au Royaume d’Espagne le 9 avril 2010.

14      Le Royaume d’Espagne a envoyé des informations supplémentaires à la Commission par lettre du 26 mars 2010 et par quatre courriers électroniques du 3 mai 2010.

 Décision attaquée

15      Le 13 septembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 6154, portant réduction de l’aide du Fonds de cohésion aux stades de projet mentionnés au point 11 ci-dessus (ci-après la « décision attaquée »).

16      Dans la décision attaquée, la Commission a constaté plusieurs irrégularités qui affectaient les stades de projet en question et a réduit de 2 728 733,65 euros le concours total octroyé auxdits stades.

17      Premièrement, en ce qui concerne le stade de projet relatif au sous‑tronçon IX-A, la Commission a indiqué que le principal marché de travaux avait fait l’objet d’un appel d’offres par procédure ouverte le 11 janvier 2001 et avait été attribué le 30 mai 2001 pour un montant hors taxes de 33 874 835,80 euros. Le 12 juillet 2004, un marché modifié, d’un montant hors taxes de 5 401 469 euros, a été attribué par procédure négociée sans publication préalable (considérant 50 de la décision attaquée).

18      Deuxièmement, s’agissant du stade de projet relatif au sous‑tronçon X‑B, la Commission a indiqué que le principal marché de travaux correspondant avait fait l’objet d’un appel d’offres par procédure ouverte le 21 avril 2001 et avait été attribué le 2 août 2001 pour un montant hors taxes de 30 056 403,76 euros. Ce marché a été modifié le 2 décembre 2005, afin d’y ajouter des travaux pour un montant hors taxes de 5 483 318,87 euros. Le marché de travaux complémentaires a été attribué directement sans publication préalable (considérants 76 et 78 de la décision attaquée).

19      Troisièmement, quant au stade de projet relatif aux sous-tronçons XI‑A et XI‑B, la Commission a relevé que le principal marché de travaux correspondant avait fait l’objet d’un appel d’offres par procédure ouverte le 21 avril 2001 et avait été attribué le 2 août 2001 pour un montant hors taxes de 23 004 629,09 euros. Ce marché a été modifié le 10 août 2005, afin d’y ajouter des travaux pour un montant hors taxes de 2 862 949,78 euros. Le marché de travaux complémentaires a été attribué directement sans publication préalable (considérants 90 et 93 de la décision attaquée).

20      Enfin, quatrièmement, en ce qui concerne le stade de projet relatif au sous-tronçon IX‑C, la Commission a souligné que le principal marché de travaux avait fait l’objet d’un appel d’offres par procédure ouverte le 21 avril 2001 et avait été attribué le 2 août 2001 pour un montant hors taxes de 32 878 921,63 euros. Ce marché a été modifié le 15 novembre 2004, afin d’y ajouter des travaux pour un montant hors taxes de 4 170 689,48 euros. Le marché de travaux complémentaires a été attribué par procédure négociée sans publication préalable (considérant 104 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2010, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

22      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, en ce qui concerne certaines corrections appliquées aux modifications résultant du dépassement des seuils de bruit (sous-tronçon IX-A), du changement du plan général d’aménagement urbain de la municipalité de Santa Oliva (Espagne) (sous-tronçon IX-A) et des variations des conditions géotechniques (sous-tronçons X-B, XI-A, XI-B et IX-C), en réduisant de 2 348 201, 96 euros le montant total de la correction ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans sa totalité ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 mai 2012.

 En droit

 Sur le premier moyen, tiré du non-respect du délai prévu à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94

25      Le Royaume d’Espagne fait valoir que la décision attaquée méconnaît les exigences procédurales prévues à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94, en sorte qu’elle devrait être annulée.

26      Selon le Royaume d’Espagne, cette disposition doit être interprétée en ce sens que, en l’absence d’accord avec l’État membre concerné au cours de l’audition prévue à l’article H, paragraphe 1, de ladite annexe, la Commission dispose d’un délai de trois mois pour adopter une décision portant réduction de l’acompte ou corrections financières. En l’absence d’une telle décision à l’expiration dudit délai, les dépenses effectuées par les autorités nationales devraient être considérées comme correctes. Cette disposition, qui établirait un délai de forclusion, viserait à garantir la sécurité juridique des États membres, la Commission ne procédant pas au versement du solde final de l’aide avant l’adoption de sa décision définitive. En outre, l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002 prévoirait que le délai de trois mois commence à courir à la date de l’audition.

27      En l’espèce, le délai de trois mois aurait commencé à courir le 11 mars 2010, date de l’audition, en sorte que la Commission aurait eu l’obligation d’adopter la décision attaquée au plus tard le 11 juin 2010. Même à supposer que le délai n’ait commencé à courir qu’après la réception par la Commission des informations complémentaires communiquées par le Royaume d’Espagne le 3 mai 2010 (voir point 14 ci-dessus), le délai aurait expiré le 3 août 2010. Or, la décision attaquée aurait été adoptée le 13 septembre 2010.

28      Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a affirmé, en réponse à une question du Tribunal, que, d’une part, le délai de trois mois visé à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 et, d’autre part, le délai de trois mois visé à l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002 sont deux délais concomitants qui prennent cours à compter de la date de l’audition. Le premier viserait l’obtention d’un accord avec l’État membre concerné, tandis que le second viserait l’adoption par la Commission d’une décision aux fins de procéder aux corrections financières requises et aurait, partant, été violé.

29      Contrairement à ce que fait valoir le Royaume d’Espagne, le Tribunal a jugé, dans son arrêt du 19 novembre 2008, Grèce/Commission (T‑404/05, non publié au Recueil, point 44, confirmé par l’ordonnance de la Cour du 22 janvier 2010, Grèce/Commission, C‑43/09 P, non publiée au Recueil), que l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 ne prévoyait aucun délai dans lequel la Commission devait arrêter sa décision. Une telle interprétation ressort d’ailleurs explicitement du libellé de cette disposition. Le délai de trois mois auquel il est fait référence concerne la conclusion d’un accord entre la Commission et l’État membre concerné.

30      Si, certes, la version française de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 dispose que, « [à] l’expiration d’un délai fixé par la Commission, dans le respect de la procédure applicable, en l’absence d’accord et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission décide, dans un délai de trois mois : […] », le juge de l’Union européenne a relevé que toutes les versions linguistiques autres que la version française de la disposition en question correspondaient au texte cité au point 2 ci-dessus (arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 45, confirmé par ordonnance Grèce/Commission, point 29 supra). Or, selon une jurisprudence constante, la nécessité d’une interprétation uniforme des règlements de l’Union exclut de considérer un texte déterminé isolément, mais exige, en cas de doute, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles (arrêts de la Cour du 27 février 1997, Ebony Maritime et Loten Navigation, C‑177/95, Rec. p. I‑1111, point 30 ; du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877, point 46, et du 27 septembre 2001, Bacardi, C‑253/99, Rec. p. I‑6493, point 41 ; arrêt Grèce/Commission, point 29 supra, point 45).

31      À cet égard, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, le délai de trois mois fixé par l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 permet à l’État membre concerné de présenter à la Commission, à la suite de l’audition, des informations complémentaires et à la Commission de tenir compte de telles informations. Ainsi, ce n’est qu’en l’absence d’accord entre la Commission et l’État membre concerné dans un délai de trois mois, et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, que la Commission adopte une décision.

32      S’agissant de l’affirmation du Royaume d’Espagne, formulée lors de l’audience, relative à la coexistence de deux délais de trois mois (voir point 28 ci-dessus), il ne saurait être considéré que coexisteraient deux délais distincts, concomitants, l’un fixé par l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94, qui viserait l’obtention d’un accord avec l’État membre concerné, et l’autre prévu par l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002, qui viserait l’adoption par la Commission d’une décision aux fins de procéder aux corrections financières requises.

33      Il doit être relevé que l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002 se limite à fixer la date à partir de laquelle le délai pour la prise de décision en vertu de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 commence à courir. À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 29 ci-dessus, le juge de l’Union a considéré que l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 (voir point 2 ci-dessus) ne prévoyait aucun délai dans lequel la Commission devait arrêter sa décision.

34      Or, un règlement d’application, tel que le règlement n° 1386/2002, doit faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions du règlement de base (arrêts de la Cour du 24 juin 1993, Dr Tretter, C‑90/92, Rec. p. I‑3569, point 11 ; du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C‑61/94, Rec. p. I‑3989, point 52, et du 14 mai 2009, Internationaal Verhuis- en Transportbedrijf Jan de Lely, C‑161/08, Rec. p. I‑4075, point 38). Une interprétation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002 qui impliquerait que la Commission dispose d’un délai de trois mois pour adopter la décision attaquée, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 ci-dessus, ne saurait, dès lors, être retenue.

35      Par ailleurs, l’interprétation de ces dispositions proposée par le Royaume d’Espagne priverait le délai prévu à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 de son effet utile, puisqu’il en résulterait que la Commission serait, dans l’hypothèse de l’existence de deux délais distincts et concomitants, dans l’obligation d’adopter une décision au titre de cette disposition dans le délai de trois mois au cours duquel elle tenterait de parvenir à un accord avec l’État membre concerné.

36      Eu égard à ce qui précède, et dès lors que l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002 se limite à fixer la date à partir de laquelle le délai pour la prise de décision en vertu de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94 commence à courir, la circonstance, évoquée lors de l’audience, que les versions allemande, danoise, espagnole et néerlandaise de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1386/2002 font état du délai de trois mois au cours duquel la Commission « doit adopter » ou « adopte » une décision, tandis que la version slovène de celle-ci se réfère, de manière plus générale, à la « décision en vertu de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II de ce règlement » et que les autres versions linguistiques de cette disposition visent le délai de trois mois au cours duquel la Commission « peut » prendre une décision au titre de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II dudit règlement, est dépourvue de pertinence en l’espèce.

37      Il s’ensuit que l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission devait adopter la décision attaquée avant le 3 août 2010 doit être rejeté.

38      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 93/38

39      Le Royaume d’Espagne prétend que c’est à tort que les corrections financières décidées par la Commission sont fondées sur une violation de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38. Il relève qu’il n’a pas procédé à une adjudication de prestations complémentaires, telle que prévue à l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38, à l’article 141, sous d), du TRLCAP et à l’article 25, sous f), de la loi 48/1998, dès lors qu’il n’y aurait pas eu de prestations nouvelles, différentes de celles initialement adjugées. Au contraire, le Royaume d’Espagne aurait procédé à une modification des marchés pendant leur phase d’exécution, au sens des articles 101 et 146 du TRLCAP, en modifiant les prestations adjugées sur certains de leurs éléments caractéristiques, mais en maintenant le même marché initialement conclu, ce qui constituerait, selon le droit national, un cas de figure différent de l’adjudication de prestations complémentaires.

40      Selon le Royaume d’Espagne, les modifications des marchés, qui impliqueraient le maintien du marché initialement conclu et se différencieraient donc de l’adjudication de prestations complémentaires, n’exigeraient pas une nouvelle mise en concurrence. De telles modifications ne relèveraient pas du champ d’application de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38, qui, régissant uniquement la phase de passation des marchés, se référerait seulement à l’adjudication de prestations complémentaires, mais non à la modification des marchés, celle-ci se produisant, non dans la phase de passation des marchés, mais dans celle de leur exécution. Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission assimilerait erronément le mécanisme de la modification contractuelle, prévu aux articles 101 et 146 du TRLCAP, à celui de l’exécution de travaux complémentaires, prévu à l’article 20 de la directive 93/38, à l’article 141, sous d), du TRLCAP et à l’article 25, sous f), de la loi 48/1998.

41      À titre liminaire, il doit être relevé que, même si le Royaume d’Espagne conteste l’applicabilité, en l’espèce, de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38 aux travaux complémentaires visés par la décision attaquée, il ne conteste pas, dans son recours, d’une part, que le pouvoir adjudicateur devait respecter les dispositions de la directive 93/38 lors de la passation des marchés relatifs aux stades de projet visés par la décision attaquée et, d’autre part, que la violation des dispositions d’une directive peut constituer une irrégularité au sens de l’article H, paragraphe 1, sous b), de l’annexe II du règlement n° 1164/94, comme la Commission l’a rappelé au considérant 48 de la décision attaquée.

42      En premier lieu, il doit être rappelé que, selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/38, pour passer leurs marchés de fournitures, de travaux et de services ou organiser leurs concours, les entités adjudicatrices appliquent les procédures qui sont adaptées aux dispositions de cette directive. Selon l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, les entités adjudicatrices veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.

43      Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, le principe d’égalité de traitement, qui constitue la base des directives relatives aux procédures de passation des marchés publics, implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêts de la Cour du 18 novembre 1999, Unitron Scandinavia et 3-S, C‑275/98, Rec. p. I‑8291, point 31 ; du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 91, et du 17 février 2011, Commission/Chypre, C‑251/09, non publié au Recueil, point 38).

44      Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, points 109 et 110).

45      Quant au principe de transparence, qui en constitue le corollaire, il a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra, point 111).

46      S’agissant des procédures de passation de marché, l’article 20, paragraphe 1, de la directive 93/38 ajoute que les entités adjudicatrices peuvent choisir l’une des procédures définies à l’article 1er, point 7, de cette dernière, à savoir les procédures ouvertes, restreintes ou négociées, pour autant que, sous réserve de l’article 20, paragraphe 2, de ladite directive, une mise en concurrence ait été effectuée en vertu de l’article 21 de la même directive. L’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38 prévoit, à cet égard, que les entités adjudicatrices peuvent recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable pour les travaux ou les services complémentaires ne figurant pas dans le projet initialement adjugé ni dans le premier marché conclu et devenus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à l’exécution de ce marché, à condition que l’attribution soit faite à l’entrepreneur ou au prestataire de services qui exécute le marché initial, d’une part, lorsque ces travaux ou services complémentaires ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour les entités adjudicatrices ou, d’autre part, lorsque ces travaux ou services complémentaires, quoique séparables de l’exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son perfectionnement.

47      Contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, il y a lieu de considérer que l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38 s’applique aux modifications des marchés publics décidées lors de leur phase d’exécution.

48      D’une part, ainsi qu’il ressort du libellé même de cette disposition, l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38 vise spécifiquement les travaux qui ne figurent pas dans le projet initialement adjugé ni dans le premier marché conclu et qui s’avèrent nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, « à l’exécution [du] marché ».

49      D’autre part, la Cour a souligné que le pouvoir adjudicateur devait observer strictement les règles qu’il avait lui-même fixées non seulement lors de la procédure d’adjudication, mais, plus généralement, jusqu’au terme de la phase d’exécution du marché en cause (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra, point 115).

50      Le Royaume d’Espagne ne saurait, à cet égard, soutenir que l’arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra, n’est pas transposable en l’espèce. Si, certes, cet arrêt concerne une procédure d’adjudication intervenue dans le cadre de la politique agricole commune, la Cour y a fait application des principes qu’elle avait dégagés dans le cadre du contentieux relatif aux marchés publics.

51      Dans ce contexte, il doit être relevé que, si le pouvoir adjudicateur était autorisé à modifier à son gré, lors de la phase d’exécution du marché, les conditions mêmes de l’adjudication, en l’absence d’habilitation expresse en ce sens figurant dans les dispositions pertinentes applicables, les termes régissant l’attribution du marché, tels que stipulés initialement, seraient dénaturés (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra, point 120).

52      De plus, une telle pratique entraînerait inéluctablement une violation des principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires, puisque l’application uniforme des conditions d’adjudication et l’objectivité de la procédure ne seraient plus garanties (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra, point 121).

53      En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne ne saurait justifier l’attribution des marchés sans nouvelle mise en concurrence en se fondant sur le fait qu’il se serait conformé aux articles 101 et 146 du TRLCAP, relatifs aux modifications des marchés de travaux.

54      Il doit être souligné, tout d’abord, que les seules exceptions permises à l’application de la directive 93/38 sont celles qui y sont expressément mentionnées (arrêt de la Cour du 21 février 2008, Commission/Italie, C‑412/04, Rec. p. I‑619, point 89 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 18 novembre 1999, Teckal, C‑107/98, Rec. p. I‑8121, point 43, et du 11 mai 2006, Carbotermo et Consorzio Alisei, C‑340/04, Rec. p. I‑4137, point 45).

55      Ensuite, selon une jurisprudence constante, les dérogations aux règles visant à garantir l’effectivité des droits reconnus par le traité dans le secteur des marchés publics de travaux doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Sous peine de priver la directive 93/38 de son effet utile, les États membres ne sauraient prévoir des hypothèses de recours à la procédure négociée non prévues par cette directive ou assortir les hypothèses expressément prévues par celle-ci de conditions nouvelles ayant pour effet de rendre le recours à ladite procédure plus aisé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 janvier 2005, Commission/Espagne, C‑84/03, Rec. p. I‑139, point 48, et la jurisprudence citée).

56      Enfin, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (voir arrêt de la Cour du 27 octobre 2011, Commission/Grèce, C‑601/10, non publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée).

57      À cet égard, la circonstance, invoquée par le Royaume d’Espagne, que la législation espagnole permette la modification des marchés publics pendant la phase de leur exécution, depuis une époque antérieure à l’adhésion du Royaume d’Espagne à l’Union, est dénuée de pertinence, dès lors que les règles de l’Union dans le domaine des marchés publics s’appliquent à de tels marchés à partir de la date d’adhésion de cet État (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur, C‑454/06, Rec. p. I‑4401, point 28, et la jurisprudence citée).

58      Le Royaume d’Espagne ne saurait non plus prétendre que le mécanisme de modification de marché prévu aux articles 101 et 146 du TRLCAP n’implique pas nécessairement une augmentation des prestations initialement convenues, mais également une réduction ou une suppression de celles-ci. À supposer même qu’il ait suffi au pouvoir adjudicateur de se conformer aux articles 101 et 146 du TRLCAP, il est en effet constant que les stades de projet concernés par le présent recours ont fait l’objet de contrats additionnels, qui portaient sur des travaux ou services complémentaires ne figurant pas dans le projet initialement adjugé ni dans le marché initialement conclu (voir les considérants 50, 76, 77, 90, 91, 92 et 104 de la décision attaquée). L’argument du Royaume d’Espagne est, partant, sans pertinence en l’espèce.

59      En troisième lieu, le Royaume d’Espagne ne saurait soutenir que la possibilité que le pouvoir adjudicateur soit obligé de modifier les spécifications de la prestation adjugée était connue de tous les soumissionnaires au moment où ils ont soumis leur offre, puisqu’elle aurait figuré dans le cahier des charges des différents marchés.

60      Il y a en effet lieu de rappeler que, ainsi que la Cour l’a souligné dans son arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra (points 116, 118 et 125), il est interdit au pouvoir adjudicateur de modifier, à quelque stade de la procédure que ce soit, les conditions de l’adjudication, sous peine de violer le principe d’égalité de traitement entre tous les soumissionnaires ainsi que celui de transparence, ou d’altérer l’économie générale de l’adjudication en modifiant par la suite unilatéralement une des conditions essentielles de celle-ci. Au cas où le pouvoir adjudicateur souhaiterait que, pour des motifs précis, certaines conditions de l’adjudication puissent être modifiées après le choix de l’adjudicataire, il est tenu de prévoir expressément cette possibilité d’adaptation, de même que ses modalités d’application, dans l’avis d’adjudication qu’il a lui-même établi et qui trace le cadre dans lequel la procédure doit se dérouler, de sorte que toutes les entreprises intéressées à participer au marché en aient connaissance dès le départ et se trouvent ainsi sur un pied d’égalité au moment de formuler leur offre.

61      À cet égard, lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a précisé, en réponse à une question du Tribunal, que le contenu des clauses figurant dans les cahiers des charges des marchés concernés consistait en un renvoi aux dispositions pertinentes de la législation nationale et, en particulier, s’agissant des marchés publics de travaux, aux articles 101 et 146 du TRLCAP. Il doit toutefois être constaté, à l’instar de ce qu’a fait la Commission (considérant 58 de la décision attaquée), que le seul renvoi aux dispositions pertinentes de la législation nationale dans lesdits cahiers ne saurait satisfaire aux principes d’égalité de traitement et de transparence, rappelés aux points 43 à 45 ci-dessus. En effet, il permettrait au pouvoir adjudicateur de procéder à une modification du marché initial, certes pour des raisons d’intérêt public motivées par des causes imprévues, mais également en raison de « nécessités nouvelles » (article 101, paragraphe 1, du TRLCAP). Or, l’utilisation d’un critère relatif à la seule constatation de nécessités nouvelles permettrait au pouvoir adjudicateur de modifier à son gré, lors de la phase d’exécution du marché, les conditions mêmes de l’adjudication (voir points 51 et 60 ci-dessus). Par ailleurs, la référence à l’article 101, paragraphes 2 et 3, et à l’article 146 du TRLCAP ne saurait non plus garantir le respect des principes susmentionnés, dès lors que ces dispositions se réfèrent, en substance, à des exigences formelles relatives à la procédure à suivre par le pouvoir adjudicateur pour procéder à la modification du marché initial.

62      Par ailleurs, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel il aurait modifié les prestations adjugées concernant certains de leurs éléments caractéristiques, mais en maintenant le même marché initialement conclu, en sorte que la modification du marché initial ne pourrait pas être considérée comme substantielle, ne saurait non plus être retenu. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, en vue d’assurer la transparence des procédures et l’égalité de traitement des soumissionnaires, des modifications apportées aux dispositions d’un marché public pendant la durée de sa validité constituent une nouvelle passation de marché lorsqu’elles présentent des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial et sont, en conséquence, de nature à démontrer la volonté des parties de renégocier les termes essentiels de ce marché (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 2000, Commission/France, C‑337/98, Rec. p. I‑8377, points 44 et 46 ; voir, par analogie, arrêt Pressetext Nachrichtenagentur, point 57 supra, point 34).

63      La modification d’un marché public en cours de validité peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient permis l’admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue. De même, une modification du marché initial peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle étend le marché, dans une mesure importante, à des travaux non initialement prévus. Une modification peut également être considérée comme substantielle lorsqu’elle change l’équilibre économique du contrat en faveur de l’adjudicataire du marché d’une manière qui n’était pas prévue dans les termes du marché initial (voir, par analogie, arrêt Pressetext Nachrichtenagentur, point 57 supra, points 35 à 37).

64      En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’annexe de la décision attaquée, les marchés de travaux complémentaires attribués sans publication préalable en ce qui concerne chacun des stades de projet en cause sont d’une valeur économique importante (voir points 17 à 20 ci-dessus). Il est en effet évident que le prix constitue une condition importante d’un marché public (arrêts Commission/CAS Succhi di Frutta, point 44 supra, point 117, et Pressetext Nachrichtenagentur, point 57 supra, point 59).

65      En outre, les spécifications techniques ayant été modifiées ne sauraient être considérées comme accessoires, mais revêtent une importance majeure, dans la mesure où elles ont notamment porté sur l’exécution de faux tunnels et d’un viaduc. Le Royaume d’Espagne ne saurait, dès lors, soutenir que l’ouvrage à exécuter est resté celui qui était initialement prévu, à savoir la ligne de chemin de fer à grande vitesse, ni que les prestations qui ont fait l’objet du marché initialement conclu ont été maintenues sans altération essentielle.

66      Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38

67      À titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne fait valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que la modification d’un marché pendant la phase d’exécution de celui-ci est assimilable à l’adjudication de travaux complémentaires au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38, il conviendrait d’annuler partiellement la décision attaquée, dès lors que la « majeure partie » des prestations supplémentaires décidées par les autorités espagnoles satisferait aux conditions prévues par cette disposition, en sorte que celles-ci pouvaient être adjugées par procédure négociée sans publicité.

68      Le Royaume d’Espagne se réfère spécifiquement, à cet égard, aux modifications découlant du dépassement des seuils de bruit (sous-tronçon IX‑A), du changement du plan général d’aménagement urbain (ci-après « PGAU ») de la municipalité de Santa Oliva (sous-tronçon IX‑A) et des variations des conditions géotechniques (respectivement sous-tronçons X‑B, XI‑A, XI‑B et IX‑C). En particulier, les corrections financières en cause, d’un montant total de 2 348 201,96 euros, seraient les suivantes :

–        sous-tronçon IX-A : travaux complémentaires en raison du dépassement des seuils de bruit de la croissance urbaine (correction de 812 048,78 euros) ;

–        sous-tronçon IX-A : travaux complémentaires en raison de la modification du PGAU de la municipalité de Santa Oliva (correction de 135 186,21 euros) ;

–        sous-tronçon X‑B : travaux complémentaires en raison de l’apparition de niveaux de nuisance supérieurs aux niveaux prévus (correction de 399 472,62 euros) ;

–        sous-tronçon X‑B : travaux complémentaires en raison de variations des conditions géotechniques du sol (correction de 479 963,48 euros) ;

–        sous-tronçons XI‑A et XI‑B : travaux complémentaires en raison de variations des conditions géotechniques du sol (correction de 244 934,47 euros) et

–        sous-tronçon IX‑C : travaux complémentaires en raison de variations dans les conditions géotechniques du sol (correction de 276 596,39 euros).

69      Contrairement à ce que soutiendrait la Commission, les modifications opérées satisferaient à la condition d’imprévisibilité prévue par l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38. En outre, selon le Royaume d’Espagne, l’interprétation stricte qu’il convient de donner à ladite disposition, et qu’il ne conteste pas, ne saurait la priver de toute efficacité. La Commission ne saurait, dès lors, se limiter à formuler à l’égard des preuves et arguments présentés par le Royaume d’Espagne des objections à caractère général, qui ne sont pas liées au cas concret, mais devrait apporter des preuves concrètes que la disposition a été appliquée de manière erronée.

 Sur les griefs relatifs aux modifications dues au dépassement des seuils de bruit (sous-tronçon IX‑A)

70      Le Royaume d’Espagne rappelle que, dans l’avenant n° 1 au marché de travaux relatif au sous-tronçon IX‑A, étaient notamment prévus les travaux de construction de deux faux tunnels permettant d’enterrer la ligne de chemin de fer aux abords des zones urbaines des municipalités d’El Vendrell (Espagne) et Santa Oliva, en vue d’éviter les effets nocifs de la pollution acoustique provoquée par le trafic ferroviaire.

71      Contrairement à ce que soutiendrait la Commission au considérant 70 de la décision attaquée, il ne saurait être reproché au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir démontré qu’il avait déployé toute la diligence requise lors des calculs du niveau de bruit aux abords desdites zones. À cet égard, la Commission se fonderait sur le point 6.6 du rapport de l’Inspector General del Ministerio de Fomento (inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol) du 19 décembre 2002, qu’elle ne citerait que partiellement, celui-ci se référant, d’une part, aux omissions et erreurs dans les mesures du projet de base et à l’absence de consensus préalable sur les solutions prévues avec les municipalités affectées, mais également, d’autre part, à la nécessité de travaux complémentaires destinés à corriger l’impact de l’ouvrage sur l’environnement, justifiée par les accords avec les autres administrations affectées par les travaux, dans le but de diminuer les dommages et l’impact sur l’environnement ainsi que la division physique ou barrière dans un milieu éminemment urbain.

72      Les travaux complémentaires, consistant dans le creusement de deux faux tunnels, seraient ainsi justifiés par la nécessité d’éviter les effets nocifs du projet (pollution acoustique et impact massif sur l’environnement), afin de se conformer aux exigences de la déclaration d’impact du projet sur l’environnement du 19 juillet 1999 (BOE n° 208, du 31 août 1999, p. 32047), qui aurait prévu certains niveaux d’émission sonore. Alors que ces niveaux auraient été respectés lors de la phase de rédaction du projet, ceux-ci auraient été dépassés pendant la phase d’exécution des travaux, en raison de la forte croissance urbaine de la zone concernée, ce qui ressortirait d’une étude du 3 décembre 2002, postérieure à la rédaction du projet initial et qui aurait été à l’origine de la modification de celui-ci. Par ailleurs, il aurait fallu trouver un accord avec les municipalités affectées par la solution concrète à adopter en vue d’éviter les effets nocifs susmentionnés. La modification du projet ne serait donc pas due à une quelconque imprévision, mais à des circonstances survenues durant l’exécution de l’ouvrage.

73      Ainsi qu’il a été rappelé au point 46 ci-dessus, il ressort de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38 qu’un pouvoir adjudicateur peut, sous certaines conditions, recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable pour les travaux ou les services complémentaires ne figurant pas dans le projet initialement adjugé ni dans le premier marché conclu et devenus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à l’exécution de ce marché.

74      À cet égard, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 55 ci-dessus, les dérogations aux règles visant à garantir l’effectivité des droits reconnus par le traité dans le secteur des marchés publics doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. En outre, c’est à celui qui entend s’en prévaloir qu’incombe la charge de la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement (voir arrêt Commission/Grèce, point 56 supra, point 32, et la jurisprudence citée).

75      En particulier, s’agissant des dispositions de la directive 93/38, la Cour a précisé que, dans la mesure où il ressortait d’une lecture combinée des paragraphes 1 et 2 de l’article 20 de cette directive que le second de ces paragraphes constituait une dérogation par rapport au premier de ceux-ci, en tant qu’il prévoyait les cas de figure dans lesquels une entité adjudicatrice pouvait recourir à une procédure de passation de marché sans mise en concurrence préalable, il y a lieu de conclure que toutes les dispositions de cet article 20, paragraphe 2, sont d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juin 2009, Commission/Grèce, C‑250/07, Rec. p. I‑4369, point 35).

76      Ainsi qu’il ressort du point 6.6 du rapport de l’inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol du 19 décembre 2002, les modifications du projet ont été motivées par « [l]es accords passés avec les autres administrations concernées par les travaux, en l’occurrence les conseils municipaux des entités par lesquelles passe le tracé (El Vendrell et Santa Oliva), en vue de réduire les nuisances et l’impact sur l’environnement ainsi que de limiter l’effet de séparation physique ou de barrière dans un milieu aussi urbanisé. » Il résulte de ce même point que, « [e]ntre autres raisons justifiant les modifications, figurent certaines erreurs ou omissions dans les mesures sur lesquelles repose le projet à la base de l’adjudication et, en particulier, l’absence de consensus préalable sur les solutions envisagées avec les municipalités concernées ».

77      D’une part, si, certes, le Royaume d’Espagne soutient que le premier alinéa du même point dudit rapport, ainsi que le document dans son ensemble, reconnaît la nécessité de procéder aux modifications dont il s’agit, ce que la Commission ne conteste pas, il n’avance pas d’arguments visant spécifiquement à démontrer, en l’espèce, qu’une circonstance imprévue serait intervenue après la passation initiale du marché en cause justifiant l’attribution du marché complémentaire sans mise en concurrence préalable. Le Royaume d’Espagne ne soutient pas non plus que le pouvoir adjudicateur n’a pas été en mesure de prévoir la nécessité des travaux en cause lors de la rédaction du projet et, notamment, celle d’obtenir l’accord des autres administrations concernées par les travaux en vue de réduire les nuisances et l’impact sur l’environnement et de limiter l’effet de séparation physique ou de barrière dans un milieu aussi urbanisé.

78      D’autre part, le Royaume d’Espagne ne conteste pas les erreurs ou omissions mentionnées au second alinéa du point 6.6 de ce rapport, relatives aux mesures sur lesquelles reposait le projet à la base de l’adjudication, et l’absence de consensus préalable sur les solutions envisagées avec les municipalités concernées.

79      Le Royaume d’Espagne fait néanmoins valoir que, malgré les mesures des niveaux de bruit effectuées lors de la phase de rédaction du projet, qui auraient mis en évidence le fait que ces niveaux se situaient dans les limites permises par la déclaration d’impact du projet sur l’environnement du 19 juillet 1999 (voir point 72 ci-dessus), la forte croissance et l’avancée des zones urbanisées jusqu’au tracé de la voie ferrée ainsi que de nouveaux secteurs de planification prévus dans la zone pendant la phase d’exécution des travaux auraient justifié de nouvelles mesures des niveaux de bruit, lesquelles recommandaient une modification du tracé de la voie ferrée, conformément à l’article 101, paragraphe 1, du TRLCAP.

80      Toutefois, outre le fait que le Royaume d’Espagne ne saurait se fonder sur l’existence d’une législation nationale aux fins d’écarter l’application de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 93/38 (voir point 56 ci-dessus), il y a lieu de considérer qu’il appartenait au pouvoir adjudicateur, lors de la phase de passation initiale du marché, de tenir dûment compte des nuisances et de l’impact éventuels dudit marché sur l’environnement ainsi que de la nécessité de limiter l’effet de séparation physique ou de barrière dans un milieu urbanisé.

81      À cet égard, premièrement, il n’est pas contesté que la déclaration d’impact du projet sur l’environnement du 19 juillet 1999 énumérait déjà « une série de points sensibles, parmi lesquels les abords des ensembles urbains proches d’El Vendrell, pour lesquels s’imposait l’obligation de réaliser des études spécifiques au stade du projet architectural », pour déterminer notamment la nécessité de mesures de protection acoustique. Il appartenait, dès lors, au pouvoir adjudicateur de prendre dûment en considération la croissance urbanistique de cette région.

82      Deuxièmement, ainsi qu’il ressort d’un graphique représentant l’évolution démographique de la région concernée entre 1975 et 2009, joint au dossier, la croissance démographique de ladite région a été constante. En outre, aucun accroissement de population présentant un caractère exceptionnel ne peut être constaté entre la mise en concurrence du marché en janvier 2001 et l’étude du 3 décembre 2002. Même à supposer, comme le prétend le Royaume d’Espagne, qu’il n’était pas possible de savoir avec certitude où la nouvelle population allait s’établir, les zones concernées étant constructibles, il existait déjà, au moment de la rédaction du projet, la possibilité concrète d’une avancée des zones urbanisées jusqu’au tracé de la voie ferrée. Le Royaume d’Espagne ne saurait, dès lors, soutenir qu’il était impossible de prévoir, au moment de l’élaboration du projet, sur quels sites la population allait s’établir.

83      Troisièmement, il y a lieu de considérer que les travaux de construction d’infrastructures complexes, telles que les voies ferrées, se prolongent en principe sur plusieurs années. Il s’ensuit qu’un pouvoir adjudicateur normalement diligent doit raisonnablement tenir compte de l’évolution possible des conditions socio-économiques et démographiques des zones affectées, à tout le moins au cours de la durée de la réalisation de telles infrastructures.

84      Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de juger que le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que les travaux de construction de deux faux tunnels permettant d’enterrer la ligne de chemin de fer aux abords des zones urbaines des municipalités d’El Vendrell et Santa Oliva étaient dus à des circonstances imprévues au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

85      Les griefs du Royaume d’Espagne doivent, partant, être rejetés.

 Sur les griefs relatifs aux modifications résultant du changement du PGAU de la municipalité de Santa Oliva (sous-tronçon IX‑A)

86      Le Royaume d’Espagne fait valoir que, au mois d’octobre 2004, durant l’exécution des travaux, la municipalité de Santa Oliva a rendu public son PGAU, qui devait assurer la perméabilité transversale du noyau urbain sous la ligne à grande vitesse, en permettant une meilleure accessibilité par la route aux périmètres affectés et en améliorant la connexion avec le centre urbain, par la construction d’un nouveau viaduc sur le territoire municipal à la place de trois viaducs initialement prévus, afin de réduire l’effet de séparation physique ou de barrière créé par la voie ferrée dans un milieu aussi urbanisé. Contrairement à ce que soutiendrait la Commission au considérant 71 de la décision attaquée, les travaux complémentaires ne seraient pas dus à un manque de coordination entre le pouvoir adjudicateur et la municipalité concernée ni à une imprévision imputable au pouvoir adjudicateur, mais à une modification du PGAU de la municipalité par laquelle passe la voie ferrée, laquelle aurait été complètement inconnue au moment de l’adoption du projet architectural, au mois d’octobre 2000. À cet égard, la Commission se fonderait à nouveau sur le point 6.6 du rapport de l’inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol du 19 décembre 2002, qu’elle ne citerait que partiellement (voir point 71 ci-dessus).

87      La compétence pour adopter le PGAU en Espagne appartiendrait non pas à l’État, qui disposerait d’autres compétences qui affectent l’urbanisme, mais aux communautés autonomes et aux municipalités, qui seraient dotées d’une personnalité juridique propre. Les constructions ferroviaires devraient ainsi tenir compte de la planification urbanistique menée par les municipalités dont le territoire doit être traversé par une voie ferrée, laquelle, une fois approuvée définitivement par la communauté autonome compétente, revêtirait un caractère obligatoire pour les citoyens et l’administration. Lorsque les ouvrages ferroviaires relevant de la compétence de l’État vont au-delà de ce qui constitue l’infrastructure ferroviaire au sens strict, ils devraient se conformer à ce qui est prévu dans la planification urbaine et à ses modifications. Ainsi, la planification urbaine pourrait affecter les travaux liés à la réalisation d’infrastructures ferroviaires qui ne seraient pas des ouvrages ferroviaires au sens strict, mais qui devraient néanmoins être effectués en même temps que ceux-ci.

88      En l’espèce, l’administration municipale de Santa Oliva serait une administration publique dotée d’une personnalité juridique propre, distincte de celle de l’administration générale de l’État, ayant des compétences et des fonctions en matière d’urbanisme. Ainsi, on ne saurait considérer qu’il y ait eu quelque imprévision que ce soit, puisque, au moment de la rédaction du projet, le contenu du nouveau PGAU de Santa Oliva était inconnu.

89      En premier lieu, eu égard à la jurisprudence figurant aux points 54 à 56 ci-dessus, le Royaume d’Espagne ne saurait se fonder sur le fait que, en droit espagnol, l’approbation du PGAU relève de la compétence des communautés autonomes et des municipalités et que les projets de constructions ferroviaires doivent tenir compte de la planification urbanistique menée par les municipalités dont le territoire doit être traversé par une voie ferrée pour justifier l’inobservation de l’article 20 de la directive 93/38.

90      En second lieu, il convient de considérer qu’il appartenait au pouvoir adjudicateur, lors de la phase de rédaction du projet, de déployer toute la diligence requise, et notamment d’obtenir un consensus préalable sur les solutions envisagées avec les municipalités concernées au cours de cette période. Or, comme il a été relevé au point 76 ci-dessus, le point 6.6 du rapport de l’inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol du 19 décembre 2002 fait expressément référence à l’absence d’un tel consensus préalable.

91      Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 77 ci-dessus, si, certes, le Royaume d’Espagne soutient que le premier alinéa du même point dudit rapport reconnaît la nécessité de procéder aux modifications dont il s’agit, ce que la Commission ne conteste pas, il n’avance pas d’arguments visant à démontrer, en l’espèce, qu’une circonstance imprévue serait intervenue après la passation initiale du marché en cause justifiant l’attribution du marché complémentaire sans mise en concurrence préalable.

92      À cet égard, premièrement, force est de constater que le Royaume d’Espagne n’apporte aucune preuve que des contacts préalables à la signature du marché initial aient été établis par le pouvoir adjudicateur avec la municipalité de Santa Oliva concernant le projet en cause. Dès lors que, ainsi que l’affirme le Royaume d’Espagne, les municipalités disposent de compétences d’administration et d’exécution en matière d’urbanisme, il appartenait au pouvoir adjudicateur d’entreprendre les démarches nécessaires afin d’obtenir des informations sur le PGAU en vigueur dans la municipalité de Santa Oliva et sur les éventuelles modifications que cette dernière envisageait d’y apporter. Or, le Royaume d’Espagne n’apporte aucune précision à cet égard et ne conteste pas non plus que les autorités espagnoles n’ont pas été en mesure d’apporter des informations et des pièces justificatives établissant l’existence de tels contacts, malgré une demande en ce sens de la Commission lors de l’audition du 11 mars 2010.

93      Deuxièmement, le Royaume d’Espagne ne saurait prétendre que, « au moment de l’adoption du projet de construction (en octobre 2000), on ignorait complètement quel allait être le contenu du nouveau PGAU de Santa Oliva et quelles seraient les voies qui devraient croiser la voie ferrée pour éviter l’effet de barrière ». Il n’est, en effet, pas reproché au Royaume d’Espagne de n’avoir pas eu connaissance, lors de la passation de marché initiale, du contenu du nouveau PGAU de Santa Oliva, mais de n’avoir présenté aucune preuve de quelconques contacts préalables entre le pouvoir adjudicateur et la municipalité concernée avant ladite passation de marché.

94      En tout état de cause, ainsi que le relève à juste titre la Commission, le simple fait qu’une entité publique distincte du pouvoir adjudicateur exige la réalisation de travaux complémentaires ne saurait, en lui-même, être considéré comme une circonstance imprévue au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

95      Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de juger que le Royaume d’Espagne n’a pas démontré que la construction d’un nouveau viaduc sur le territoire municipal concerné était due à des circonstances imprévues au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

96      Le grief du Royaume d’Espagne doit donc être rejeté.

 Sur les griefs relatifs aux modifications des marchés dues à la méconnaissance des niveaux de pollution du sol, aux changements dans la typologie des fondations et des structures, aux écarts dans les conditions géotechniques au niveau des tunnels et des structures et aux écarts dans les conditions de dureté du sol (sous-tronçons X‑B, XI‑A, XI‑B et IX‑C)

97      Le Royaume d’Espagne fait valoir que, s’agissant des sous-tronçons X‑B, XI‑A, XI‑B et IX‑C, il était devenu nécessaire de procéder à une modification des projets de construction du fait de l’existence de variations dans les conditions géotechniques réelles par rapport à celles envisagées dans les projets en cause en raison, primo, de changements de données de la typologie, pour défaut de portance du sol sur lequel les structures sont établies, secundo, de l’apparition imprévisible d’une sérieuse pollution des sols, tertio, de l’apparition de matériaux altérés non décelée durant la phase de projet, quarto, de l’apparition de discontinuités dans le sol durant l’exécution des travaux en tunnel et, quinto, de l’apparition de roches et de discontinuités non décelées durant la phase de projet. Une exacte connaissance des conditions des sols sur lesquels un ouvrage doit être réalisé ne pourrait être obtenue que lorsque les travaux ont débuté. Il s’ensuivrait que, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission dans la décision attaquée, les changements qui ont été rendus nécessaires n’étaient pas dus à la négligence du pouvoir adjudicateur lors de la phase d’élaboration du projet, mais à des limites objectives de la possibilité d’avoir une bonne connaissance des sols durant ladite phase.

98      Dans ses écritures, le Royaume d’Espagne précise que, durant la rédaction du projet, l’on peut obtenir une connaissance approximative de la qualité du sol par les sondages et études qui seraient effectués. Il ne serait toutefois pas possible d’obtenir une connaissance exacte de cette qualité du sol tant que les travaux n’auraient pas débuté. La Commission exigerait de la part du pouvoir adjudicateur une diligence excessive. À cet égard, la question de savoir s’il y a eu imprévision ou manque de diligence dans l’élaboration d’un projet serait de nature strictement technique et devrait être tranchée par des experts en ingénierie et en géotechnique.

99      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 55, 74 et 75 ci-dessus, les dispositions de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38 sont d’interprétation stricte et c’est à celui qui entend s’en prévaloir qu’incombe la charge de la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement.

100    Aux fins de démontrer que les projets de réalisation de l’infrastructure ferroviaire ont été réalisés avec la diligence requise et que les travaux complémentaires étaient, en l’espèce, justifiés par une circonstance imprévue, le Royaume d’Espagne a produit deux études techniques, à savoir, d’une part, une note du 9 mars 2010 rédigée par le Colegio de Ingenieros de Caminos, Canales y Puertos (ordre des ingénieurs des ponts et chaussées espagnol) (ci-après la « note du 9 mars 2010 ») et, d’autre part, un rapport élaboré par l’institut et laboratoire de géotechnique de l’université technologique de Darmstadt (Allemagne) (ci-après le « rapport d’expertise »). Le Royaume d’Espagne se fonde également sur le respect des conditions prévues par la législation nationale.

101    Toutefois, ainsi qu’il a été relevé par la Commission, les observations contenues dans la note du 9 mars 2010 et dans le rapport d’expertise présentent un caractère général, ne sont pas liées au cas concret et ne permettent pas d’établir que les circonstances imprévues justifiant la dérogation existaient effectivement en l’espèce.

102    D’une part, s’agissant de la note du 9 mars 2010, force est de constater que celle-ci comporte un avis général sur les méthodes auxquelles recourt habituellement le pouvoir adjudicateur pour l’élaboration d’études géotechniques concernant la réalisation de projets de plate-forme ferroviaire. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, la note du 9 mars 2010 ne contient toutefois pas d’information sur les travaux de prospection et sur les essais qui ont été ou devaient être réalisés sur les terrains sur lesquels il était prévu d’implanter les chantiers en l’espèce, avant la mise en concurrence des marchés initiaux en cause. Elle ne saurait, dès lors, établir l’existence des circonstances imprévues visées à l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

103    D’autre part, s’agissant du rapport d’expertise, il doit être relevé que celui-ci est une étude à caractère général de l’interaction entre l’enquête géotechnique et le « risque lié au terrain », et que son auteur s’appuie notamment, à cet égard, sur son expérience relative à des projets d’infrastructures réalisés en Allemagne. Toutefois, le rapport d’expertise ne fournit aucune explication sur les démarches qui ont été entreprises par le pouvoir adjudicateur en l’espèce, lors de la rédaction du projet en cause, aux fins de minimiser un tel risque.

104    À cet égard, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le degré de diligence requise de la part des pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de projets tels que ceux en cause en l’espèce, le Royaume d’Espagne ne saurait faire valoir que la note du 9 mars 2010 et le rapport d’expertise établissent que « la technique utilisée par le pouvoir adjudicateur pour la conception du projet initial des contrats a été mise en œuvre avec la plus grande diligence », puisque ces documents ne concernent pas spécifiquement les stades de projet en cause en l’espèce.

105    Dès lors que le Royaume d’Espagne ne formule pas d’arguments visant à contester, de manière spécifique, les conclusions de la Commission relatives aux irrégularités ayant affecté les stades de projet en cause, concernant notamment l’absence de réalisation de tests s’agissant du niveau de contamination des sols (considérant 83 de la décision attaquée), l’absence de caractère adéquat des études réalisées sur la typologie des fondations avant la rédaction du projet (considérant 84 de la décision attaquée), les conditions géotechniques dans les tunnels et les structures permettant de déterminer les caractéristiques réelles du terrain avant le début des travaux (considérant 98 de la décision attaquée) ainsi que la dureté des sols (considérant 110 de la décision attaquée), les griefs soulevés dans le cadre de la présente branche ne sauraient être accueillis.

106    En tout état de cause, s’agissant, en premier lieu, des corrections relatives aux travaux complémentaires en raison de la méconnaissance des niveaux de pollution du sol (sous‑tronçon X‑B) (considérants 79 et 83 de la décision attaquée), il ressort des constatations figurant dans la décision attaquée, non contestées par le Royaume d’Espagne, qu’aucune étude n’a été réalisée par le pouvoir adjudicateur lors de la rédaction du projet (considérant 83 de la décision attaquée). Il résulte, à cet égard, du procès-verbal de l’audition du 11 mars 2010 que, selon le Royaume d’Espagne, l’absence d’étude serait due à l’opposition de l’ancien propriétaire du terrain. Ce dernier se serait opposé à l’expropriation et n’aurait pu être légalement contraint à autoriser le passage des techniciens en l’absence d’acte d’occupation, lequel n’aurait pu être délivré avant l’approbation du projet.

107    Toutefois, dès lors qu’aucune étude du sol n’a été réalisée, le pouvoir adjudicateur ne saurait être considéré comme ayant agi de manière diligente lors de la rédaction du projet. Par ailleurs, il ressort du rapport de l’inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol du 23 décembre 2004, relatif à la proposition de modification du chantier, qu’il y a eu des « erreurs ou omissions » dans la phase d’élaboration du projet initial s’agissant des travaux complémentaires occasionnés par la méconnaissance des niveaux de pollution du sol (sous‑tronçon X‑B). Le Royaume d’Espagne ne saurait, dès lors, se prévaloir d’une circonstance imprévue au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

108    En deuxième lieu, en ce qui concerne les corrections relatives aux travaux complémentaires dus aux changements dans la typologie des fondations et des structures (sous-tronçon X‑B), il ressort du considérant 79, sous b), et du considérant 84 de la décision attaquée que des études avaient été réalisées en mai 1999, avant la rédaction du projet. Toutefois, dès lors que le Royaume d’Espagne ne conteste pas que seules des études réalisées en 2003 et 2004 ont permis de constater la qualité effective du terrain et ne formule pas d’arguments visant à démontrer la survenance d’une circonstance imprévue à cet égard, au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38, cette disposition ne saurait justifier l’attribution directe du marché de travaux complémentaires. Si, certes, le Royaume d’Espagne a expliqué, lors de l’audition du 11 mars 2010, qu’il arrive que le terrain présente une hétérogénéité qui ne se révèle que lorsque l’excavatrice se met à l’œuvre, ce qui constituerait une circonstance imprévisible, force est de constater qu’une telle affirmation présente un caractère général et ne concerne pas spécifiquement les travaux complémentaires en cause en l’espèce.

109    Par ailleurs, il ressort du rapport de l’inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol du 23 décembre 2004, relatif à la proposition de modification du chantier, que le projet à la base de l’adjudication contenait des omissions et des erreurs de mesures ainsi que des solutions architecturales difficiles à mettre en œuvre (viaducs sur cintres au-dessus des cours d’eau, avec des piles d’une hauteur supérieure à 22 mètres), tant en termes de conception que de mesures, et ne comprenait pas tous les services qui se sont finalement avérés nécessaires. Le Royaume d’Espagne ne saurait, dès lors, se prévaloir d’une circonstance imprévue au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

110    En troisième lieu, s’agissant des corrections relatives aux travaux complémentaires occasionnés par l’existence d’écarts dans les conditions géotechniques au niveau des tunnels et des structures (sous-tronçons XI‑A et XI‑B), il ressort du considérant 94, sous a), et du considérant 98 de la décision attaquée que des études avaient été réalisées lors la rédaction du projet. Toutefois, dès lors que le Royaume d’Espagne ne conteste pas que seules des études réalisées en 2003 ont permis de constater la qualité effective du terrain et ne formule pas d’arguments visant à démontrer la survenance d’une circonstance imprévue à cet égard, au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38, cette disposition ne saurait non plus s’appliquer.

111    En tout état de cause, ainsi que le relève la Commission, il ressort de l’annexe I du mémoire technique du pouvoir adjudicateur, communiqué à la Commission le 26 mars 2010 (voir point 14 ci-dessus), que cette étude avait pour objet de compléter les campagnes antérieures de reconnaissance des sols, celles-ci étant incomplètes en raison de l’impossibilité d’accéder aux points à examiner et de vérifier l’exactitude de l’interprétation géologique et géotechnique des études antérieures, qui n’avaient pas fait l’objet d’une reconnaissance géologique et géotechnique adéquate. Enfin, l’argument du Royaume d’Espagne, formulé lors de l’audition du 11 mars 2010, fondé sur la note du 9 mars 2010 ne saurait davantage être retenu, pour les motifs exposés au point 102 ci-dessus. Le Royaume d’Espagne n’a, dès lors, pas démontré la survenance d’une circonstance imprévue au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

112    En quatrième lieu, s’agissant des corrections relatives aux travaux complémentaires afférents à l’existence d’écarts dans les conditions de dureté du sol (sous-tronçon IX‑C), il ressort du considérant 105, sous c), et du considérant 110 de la décision attaquée que, lors de la rédaction du projet, une étude géotechnique avait été réalisée. Certains écarts n’auraient toutefois été détectés que lors des excavations. Le Royaume d’Espagne n’aurait toutefois pas présenté de preuve que des études avaient été réalisées avec la diligence requise lors de la phase de rédaction du projet, afin de déterminer les caractéristiques réelles du terrain. Dès lors que le Royaume d’Espagne ne conteste pas cette constatation et ne formule pas d’arguments visant à démontrer la survenance d’une circonstance imprévue à cet égard, au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38, il ne pouvait avoir recours à une procédure négociée sans publication préalable pour l’adjudication du marché de travaux complémentaires. En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du rapport de l’inspecteur général du ministère de l’Équipement et des Transports espagnol du 23 décembre 2002, relatif à la proposition de modification du chantier, ladite modification était notamment justifiée, d’une part, par les accords passés avec les administrations concernées par les travaux et, d’autre part, par les omissions ou erreurs dans les mesures sur lesquelles reposait le projet à la base de l’adjudication. De telles erreurs ne sauraient, dès lors, être considérées comme des circonstances imprévues au sens de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38.

113    Il s’ensuit que les présents griefs doivent être rejetés ainsi que le moyen dans son ensemble.

114    Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116    Le Royaume d’Espagne ayant succombé en ses conclusions, il doit être condamné aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2013.

Signatures

Table des matières


Réglementation de l’Union européenne

Réglementation nationale

Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré du non-respect du délai prévu à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement n° 1164/94

Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 93/38

Sur le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 20, paragraphe 2, sous f), de la directive 93/38

Sur les griefs relatifs aux modifications dues au dépassement des seuils de bruit (sous-tronçon IX‑A)

Sur les griefs relatifs aux modifications résultant du changement du PGAU de la municipalité de Santa Oliva (sous-tronçon IX‑A)

Sur les griefs relatifs aux modifications des marchés dues à la méconnaissance des niveaux de pollution du sol, aux changements dans la typologie des fondations et des structures, aux écarts dans les conditions géotechniques au niveau des tunnels et des structures et aux écarts dans les conditions de dureté du sol (sous-tronçons X‑B, XI‑A, XI‑B et IX‑C)

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.