Language of document : ECLI:EU:T:2008:20

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 janvier 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2003 – Attribution de points de priorité – Refus de promotion »

Dans l’affaire T‑394/04,

Guido Strack, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Wasserliesch (Allemagne), représenté initialement par MJ. Mosar, puis par Mes F. Gengler et P. Goergen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Berscheid et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la procédure de promotion conduite à l’égard du requérant pour l’exercice 2003, de l’attribution des points effectuée dans le cadre de cette procédure ainsi que de la décision subséquente de ne pas promouvoir le requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), comporte un article 43, rédigé comme suit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

2        L’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut est rédigé comme suit :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet. »

3        L’article 110 du statut prévoit :

« Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut prévu à l’article 10.

Toutes les dispositions générales d’exécution visées au premier alinéa, ainsi que toutes les réglementations arrêtées d’un commun accord des institutions, sont portées à la connaissance du personnel.

L’application des dispositions du statut fait l’objet d’une consultation régulière entre les administrations des institutions. »

4        Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut et une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE 43 » et les « DGE 45 »).

5        L’article 1er, paragraphe 1, des DGE 43 dispose qu’un rapport périodique, appelé rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC »), « est établi chaque année en ce qui concerne les compétences, le rendement et la conduite dans le service pour chaque membre du personnel permanent ».

6        L’article 2 des DGE 43 définit les notions de points de mérite (ci-après les « PM ») et de points de priorité (ci-après les « PP ») aux fins des DGE 43 et des DGE 45. Selon l’article 2, paragraphe 1, deuxième à cinquième alinéa, des DGE 43 :

« Tant les [PM] que les [PP] ont pour objet de récompenser le mérite et l’attribution de [PP] doit toujours être justifiée par des considérations axées sur le mérite.

Les [PM] sont ceux qui résultent des notes et appréciations du [REC].

[…]

Les [PM] comme les [PP] sont capitalisés au fil des années. Après une promotion, le nombre de points correspondant au seuil de promotion est déduit ; le solde éventuel est conservé pour l’exercice suivant. »

7        Selon les Informations administratives n° 99‑2002, du 3 décembre 2002, relatives à l’exercice d’évaluation du personnel 2001/2002, « [l]ors de [son] évaluation, chaque fonctionnaire reçoit une note globale comprise entre [0] et [20] sur [20] ». Cette note est ensuite transformée en PM utilisables aux fins de la promotion. Il ressort de mêmes Informations administratives que le nombre de PM correspond, sauf exceptions, à la note globale d’évaluation.

8        L’article 3 des DGE 45 dispose que les fonctionnaires ne peuvent être promus qu’« après prise en compte des mérites comparés des fonctionnaires promouvables ». Il ressort de cet article que « [l]e premier élément à prendre en considération est donc le nombre de [PM] et de [PP] que chaque fonctionnaire a accumulés au cours de l’année ou des années précédentes ». Il est précisé dans la même disposition que « [d]’autres considérations accessoires peuvent entrer en ligne de compte, dans les conditions énoncées à l’article 10, paragraphe 1, [des DGE 45,] pour départager les fonctionnaires totalisant le même nombre de [PM] et de [PP] ».

 Antécédents du litige

9        Le requérant est entré au service de la Commission le 1er septembre 1995. Depuis le 1er janvier 2001, il était classé au grade A 6. Pendant la période allant du 1er septembre 1995 au 31 mars 2002, il a travaillé à l’Office des publications officielles des Communautés européennes. Entre le 1er avril 2002 et le 15 février 2003, il a travaillé à la direction générale (DG) « Entreprises ». Depuis le 16 février 2003, il était affecté à Eurostat (Office statistique des Communautés européennes).

10      Le requérant s’est vu attribuer, le 2 mai 2003, une note de 13 sur 20 dans son REC pour la période allant de juillet 2001 à décembre 2002. Cette note a été transformée en 13 PM.

11      Le 7 avril 2003, la Commission a publié la liste des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, dont le requérant faisait partie.

12      Le 7 juillet 2003, la liste de mérite visée à l’article 8 des DGE 45, concernant les fonctionnaires de grade A 6 comme le requérant, a été publiée aux Informations administratives n° 48‑2003 relatives à l’exercice de promotion 2003. Elle comporte l’indication pour chaque fonctionnaire concerné du nombre cumulé des PM et des PP, lesquels comprennent notamment les PP mis à la disposition de chaque direction générale (PPDG) ainsi que les PP attribués au titre de l’ancienneté (PPTDG). Le nom du requérant n’y figurait pas.

13      Le 30 juin 2003, le requérant a introduit un recours gracieux dans le système informatique de gestion du personnel, appelé « Sysper 2 », en vertu de l’article 13 des DGE 45 contre le fait de n’avoir obtenu que 3 PPTDG et aucun autre PP.

14      Le comité de promotion a arrêté le 13 novembre 2003 la liste de mérite prévue à l’article 10 des DGE 45. Cette liste a été publiée aux Informations administratives n° 69‑2003, du même jour, relatives à l’exercice de promotion 2003. Le nom du requérant n’y figurait pas.

15      Le 20 novembre 2003, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a établi la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 2003, laquelle ne comprenait pas le requérant. Cette liste a été publiée aux Informations administratives n° 73‑2003, du 27 novembre 2003.

16      Le 12 février 2004, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de l’AIPN de ne pas augmenter le nombre de ses PP et contre la décision subséquente de ne pas le promouvoir au grade supérieur (en l’espèce le grade A 5).

17      Par décision du 5 juillet 2004, l’AIPN a rejeté cette réclamation. Cette décision énonce, en particulier, ce qui suit :

« [E]n n’octroyant au [requérant] aucun [PP], l’AIPN a bien tenu compte de la qualité [de son] travail [...] Elle a choisi d’attribuer les [PP] disponibles aux fonctionnaires qu’elle a jugés plus méritants et qui avaient obtenu plus de [PM]. Aucun autre des 13 fonctionnaires de son grade à la DG [‘Entreprises’] ayant reçu 13 [PM] n’avait reçu [1] PPDG, comme l’avait confirmé la DG [‘Entreprises’]. Parmi les 10 fonctionnaires ayant reçu 14 [PM], seules 3 personnes ayant une ancienneté d’au moins 5 ans ont reçu des PPDG. »

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 octobre 2004, le requérant a introduit le présent recours.

19      Sur rapport du juge rapporteur, il a été décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, les parties ont été invitées à produire un document et à répondre à une question écrite du Tribunal. Les parties ont déféré à ces demandes.

20      Par ordonnance du 13 décembre 2006, les affaires T‑394/04 et T‑85/04 ont été jointes aux fins de la procédure orale.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience publique du 9 janvier 2007.

22      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la procédure de promotion conduite à son égard pour l’exercice 2003 ;

–        annuler l’attribution des points effectuée dans le cadre de cette procédure ;

–        annuler la décision subséquente de ne pas le promouvoir ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

24      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut à tout moment, d’office, examiner les fins de non-recevoir d’ordre public. Les conditions de recevabilité étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 4 mai 1999, Z/Parlement, T‑242/97, RecFP p. I‑A‑77 et II‑401, point 58, et la jurisprudence citée).

25      En l’espèce, en premier lieu, il convient d’examiner d’office si les actes dont le requérant demande l’annulation constituent des actes faisant grief, susceptibles de faire l’objet d’un recours au titre des articles 90 et 91 du statut.

26      Il ressort d’une jurisprudence constante que constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, et qui fixent définitivement la position de l’institution (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Yorck von Wartenburg/Parlement, T‑57/92 et T‑75/92, Rec. p. II‑925, point 36, et la jurisprudence citée).

27      En outre, il convient de relever que, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent un acte attaquable dans le cadre d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale. Ainsi, en matière de recours de fonctionnaires, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêts du Tribunal du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission, T‑6/93, RecFP p. I‑A‑155 et II‑497, point 34 ; du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 29, et du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 28).

28      En l’espèce, s’agissant, tout d’abord, de la décision de ne pas promouvoir le requérant, il convient de relever que cette décision constitue à l’évidence une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant.

29      S’agissant, ensuite, de l’attribution des points effectuée dans le cadre de la procédure de promotion du requérant pour l’exercice 2003, il importe de rappeler que l’attribution de points lors d’une année déterminée a des effets qui ne sont pas uniquement limités et circonscrits à l’exercice de promotion en cours. En effet, le nouveau système de promotion repose sur la prise en considération de mérites cumulés, représentés par des points accumulés année après année. Il s’ensuit que les points attribués lors d’une année déterminée sont de nature à influer sur plusieurs exercices de promotion. Par conséquent, la fixation du nombre de points en vue d’une promotion est un acte autonome qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du fonctionnaire en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, alors même qu’il ne constitue qu’une des étapes de la procédure de promotion (arrêt du Tribunal du 19 octobre 2006, Buendía Sierra/Commission, T‑311/04, Rec. p. II‑4137, point 89).

30      S’agissant, enfin, de la procédure de promotion conduite à l’égard du requérant pour l’exercice 2003, il convient de relever que celle-ci ne constitue pas un acte faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut, dès lors que cette procédure en tant que telle ne produit aucun effet de droit susceptible d’affecter directement les intérêts du requérant.

31      Par conséquent, seules sont recevables les demandes du requérant dirigées contre l’attribution des PP et la décision de ne pas le promouvoir.

 Sur le fond

32      À l’appui de sa demande en annulation, le requérant invoque onze moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 26 du statut, deuxièmement, de la violation de l’article 25 du statut, troisièmement, de la violation de l’article 24, troisième et quatrième alinéas, du statut, quatrièmement, de la violation des dispositions combinées de l’article 110 et de l’article 45 du statut, cinquièmement, de la violation de l’article 43 du statut, sixièmement, de la violation de l’article 45, paragraphe 1, du statut et du principe d’égalité de traitement, septièmement, de la violation du devoir de sollicitude, huitièmement, de la violation des DGE 45, neuvièmement, de la violation du droit à une bonne administration prévu à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du droit à une procédure administrative équitable, du devoir de sollicitude et du principe du respect des droits de la défense, dixièmement, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que de l’interdiction de l’arbitraire et, onzièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la règle patere legem quam ipse fecisti.

33      Il convient d’examiner, en premier lieu, le sixième moyen et plus particulièrement l’argument soulevé dans le cadre de ce moyen selon lequel la procédure de promotion est irrégulière étant donné qu’elle est fondée sur un REC irrégulier.

 Arguments des parties

34      Le requérant estime que l’irrégularité matérielle dont le REC pour l’exercice d’évaluation 2001/2002 est entaché implique qu’il est nul et non avenu et doit être remplacé, avec effet rétroactif, par un nouveau rapport pour le même exercice. En outre, cette irrégularité rejaillirait sur les décisions qui se fondent sur ce rapport et entraînerait leur propre irrégularité.

35      La Commission fait observer que le REC pour l’exercice d’évaluation 2001/2002 ne doit pas être considéré comme nul et non avenu, contrairement à ce qu’affirme le requérant. L’illégalité du REC ne saurait être admise tant que le Tribunal n’a pas statué. Ce serait donc à juste titre que l’AIPN s’est fondée, pendant la procédure de promotion, sur le REC du requérant pour la période 2001/2002.

 Appréciation du Tribunal

36      Par arrêt de ce jour rendu dans l’affaire T‑85/04, le Tribunal a annulé la décision portant adoption du REC du requérant pour l’exercice d’évaluation 2001/2002 en raison de la méconnaissance des DGE 43.

37      Étant donné que la note que chaque fonctionnaire reçoit dans le cadre de son REC est automatiquement transformée à la fin de la procédure d’évaluation en PM utilisables aux fins de la promotion, l’annulation du REC implique l’annulation de l’attribution des PM.

38      Cette annulation n’est pas sans conséquence sur l’attribution de PP ainsi que sur la décision de promotion relatives à l’exercice de promotion 2003, en particulier, lorsque comme en l’espèce l’AIPN justifie sa décision relative à l’attribution du nombre exact de PP à un fonctionnaire par le nombre de PM que ce fonctionnaire a obtenu lors de l’exercice d’évaluation correspondant (voir point 17 ci-dessus).

39      Il s’ensuit que le non-respect des DGE 43 dans la procédure d’évaluation concernant le requérant et relative à l’exercice 2001/2002, ayant conduit à l’annulation de son REC, et, par conséquent, à l’annulation de l’attribution des PM relatifs à cet exercice, n’a pu qu’avoir une incidence décisive sur la décision relative à l’attribution de PP au requérant et sur la décision subséquente de ne pas le promouvoir.

40      Il en découle que ces deux décisions doivent être annulées, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et arguments soulevés par le requérant.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

42      La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.

Par ces motifs,









LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision portant attribution du nombre de points de priorité à M. Guido Strack pour l’exercice de promotion 2003 ainsi que celle de ne pas le promouvoir lors de cet exercice sont annulées.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Vilaras

Šváby

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2008.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.