Language of document : ECLI:EU:T:2013:39

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 janvier 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑496/10,

Bank Mellat, établie à Téhéran (Iran), représentée initialement par MM. S. Gadhia, S. Ashley, solicitors, D. Anderson, QC, et R. Blakeley, barrister, puis par MM. Blakeley, S. Zaiwalla, solicitor, et M. Brindle, QC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme S. Boelaert et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), du règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 25), de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO L 281, p. 1), de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11), et du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO L 88, p. 1), pour autant que ces actes concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Bank Mellat, est une banque commerciale iranienne.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, la requérante a été inscrite sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire iranienne qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste de l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO L 195, p. 25). Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

5        Dans la décision 2010/413, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants :

« La Banque Mellat est une banque d’État. Elle a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’UE, à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles. Elle est la société mère de la banque First East Export, qui est désignée dans la résolution 1929 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. »

6        Les motifs retenus dans le règlement d’exécution no 668/2010 sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

7        Le Conseil a informé la requérante de l’inclusion de son nom dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007 par lettre du 27 juillet 2010.

8        Par lettres des 16 et 24 août et des 2 et 9 septembre 2010, la requérante a invité le Conseil à lui communiquer les éléments sur lesquels il s’était basé pour adopter les mesures restrictives à son égard.

9        En réponse aux demandes d’accès au dossier de la requérante, le Conseil lui a communiqué, par lettre du 13 septembre 2010, les copies de deux propositions d’adoption des mesures restrictives présentées par des États membres. Il a également fixé à la requérante un délai expirant le 25 septembre 2010 pour présenter ses observations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard.

10      Par lettre du 24 septembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de l’inclure dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007.

11      L’inscription du nom de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 a été maintenue par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81). Les motifs retenus sont les suivants :

« La Banque Mellat a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’UE, à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles. Elle est la société mère de First East Export, qui est désignée dans la résolution 1929 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. »

12      Le règlement no 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1), le nom de la requérante a été inclus par le Conseil dans l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement.

13      Les motifs retenus dans le règlement no 961/2010 sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/644.

14      Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu à la lettre de la requérante du 24 septembre 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait la demande de la requérante tendant à ce que son nom soit supprimé de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a précisé, à cet égard, qu’il estimait qu’il n’y avait pas de garanties suffisantes que la requérante ne fournirait pas à l’avenir des services bancaires à des personnes et entités participant à la prolifération nucléaire.

15      En annexe à la duplique, le Conseil a communiqué à la requérante la copie d’une troisième proposition d’adoption des mesures restrictives présentée par un État membre.

16      L’inscription du nom de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe VIII du règlement no 961/2010 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71) et du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11).

17      Le règlement no 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), le nom de la requérante a été inclus par le Conseil dans l’annexe IX de ce dernier règlement. Les motifs retenus sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/644. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante sont gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Conseil. Par ordonnance du 8 mars 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2012, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution no 1245/2011.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties ont déféré à ces demandes.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2012, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption du règlement no 267/2012.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 mai 2012, Provincial Investment Companies Association, Saba Tamin Investment, Common Investment Fund, Shirin Asal Food Industrial Group, Sorbon Industrial Production Group et Individual Stock Association ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la partie requérante. Par ordonnance du 16 mai 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a rejeté cette demande en raison de sa tardiveté.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 mai 2012.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le point 4 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413, le point 2 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution no 668/2010, le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644, le point 4 du tableau B de l’annexe VIII du règlement no 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution no 1245/2011 et le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe IX du règlement no 267/2012, pour autant que ces actes la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

28      La requérante fait valoir trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à son égard. Le troisième moyen est tiré d’une violation de son droit de propriété et du principe de proportionnalité.

29      Le Conseil et la Commission contestent le bien‑fondé des moyens présentés par la requérante. Ils soutiennent, en outre, à titre liminaire, qu’en tant qu’émanation de l’État iranien, la requérante ne peut pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux.

30      Avant d’aborder les différents moyens et arguments présentés par les parties, il y a lieu d’examiner la recevabilité de l’adaptation des conclusions opérée par la requérante.

 Sur l’adaptation des conclusions de la requérante

31      Ainsi qu’il ressort des points 11, 12 et 17 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644, et le règlement no 423/2007, tel que modifié par le règlement d’exécution no 668/2010, a été abrogé et remplacé par le règlement no 961/2010, qui a lui-même été remplacé et abrogé par le règlement no 267/2012. En outre, dans les considérants de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution no 1245/2011, le Conseil a explicitement constaté qu’il avait procédé à un réexamen complet de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 et qu’il était parvenu à la conclusion que les personnes, entités et organismes dont les noms y sont énumérés, dont la requérante, devaient continuer à faire l’objet des mesures restrictives. La requérante a adapté ses conclusions initiales de façon à ce que sa demande en annulation vise, outre la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, la décision 2010/644, le règlement no 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution no 1245/2011 et le règlement no 267/2012 (ci-après, pris dans leur ensemble, les « actes attaqués »). Le Conseil et la Commission n’ont pas soulevé d’objections à cette adaptation.

32      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union européenne contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

33      La même conclusion s’applique aux actes, tels que la décision 2011/783 et le règlement d’exécution no 1245/2011, qui constatent qu’une décision ou un règlement doivent continuer à viser directement et individuellement certains particuliers, à la suite d’une procédure de réexamen expressément imposée par cette même décision ou ce même règlement.

34      Il convient donc, en l’espèce, de considérer que la requérante est recevable à demander l’annulation de la décision 2010/644, du règlement no 961/2010, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012, pour autant que ces actes la concernent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, point 32 supra, point 47).

 Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux

35      Le Conseil et la Commission font valoir que, au regard du droit de l’Union, des personnes morales qui constituent des émanations des États tiers ne peuvent pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Dans la mesure où la requérante est, selon eux, une émanation de l’État iranien, cette règle lui serait applicable.

36      À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, que ni la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389) ni le droit primaire de l’Union ne prévoient de dispositions excluant les personnes morales qui sont des émanations des États du bénéfice de la protection des droits fondamentaux. Au contraire, les dispositions de ladite charte qui sont pertinentes par rapport aux moyens soulevés par la requérante, et notamment ses articles 17, 41 et 47, garantissent les droits de « [t]oute personne », formulation qui inclut des personnes morales telles que la requérante.

37      Le Conseil et la Commission invoquent néanmoins, dans ce contexte, l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui n’admet pas la recevabilité des requêtes présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales.

38      Or, d’une part, l’article 34 de la CEDH est une disposition procédurale qui n’est pas applicable aux procédures devant le juge de l’Union. D’autre part, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le but de cette disposition est d’éviter qu’un État partie à la CEDH soit à la fois requérant et défendeur devant ladite Cour (voir, en ce sens, Cour. eur. D. H., arrêt Compagnie de navigation de la République islamique d’Iran c. Turquie du 13 décembre 2007, Recueil des arrêts et décisions, 2007-V, § 81). Ce raisonnement n’est pas applicable au cas d’espèce.

39      Le Conseil et la Commission font également valoir que la règle qu’ils invoquent est justifiée par le fait qu’un État est garant du respect des droits fondamentaux sur son territoire, mais ne peut pas bénéficier de tels droits.

40      Toutefois, à supposer même que cette justification trouve à s’appliquer en ce qui concerne une situation interne, la circonstance selon laquelle un État est le garant du respect des droits fondamentaux sur son propre territoire est sans pertinence s’agissant de l’étendue des droits dont peuvent bénéficier des personnes morales qui sont des émanations de ce même État sur le territoire des États tiers.

41      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne comporte pas de règle empêchant des personnes morales qui sont des émanations des États tiers d’invoquer à leur profit les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Ces mêmes droits peuvent donc être invoqués par lesdites personnes devant le juge de l’Union pour autant qu’ils soient compatibles avec leur qualité de personne morale.

42      Au demeurant et en tout état de cause, le Conseil et la Commission n’ont pas avancé d’éléments permettant d’établir que la requérante était effectivement une émanation de l’État iranien, à savoir une entité qui participait à l’exercice de la puissance publique ou qui gérait un service public sous le contrôle des autorités (voir, en ce sens, Cour. eur. D. H., arrêt Compagnie de navigation de la République islamique d’Iran c. Turquie, point 38 supra, § 79).

43      À cet égard, tout d’abord, le Conseil soutient que la requérante gère un service public sous le contrôle des autorités iraniennes dans la mesure où elle fournit des services financiers qui sont nécessaires pour le fonctionnement de l’économie iranienne. Or, il ne conteste pas les allégations de la requérante selon lesquelles lesdits services représentent des activités commerciales exercées dans un secteur concurrentiel et soumises au droit commun. Dans ces circonstances, le fait que lesdites activités soient nécessaires pour le fonctionnement de l’économie d’un État ne leur confère pas, à lui seul, la qualité de service public.

44      Ensuite, la Commission soutient que la circonstance selon laquelle la requérante est impliquée dans la prolifération nucléaire démontre qu’elle participe à l’exercice de la puissance publique. Or, en procédant de la sorte, la Commission prend pour prémisse factuelle une circonstance dont la réalité est contestée par la requérante et qui est au cœur même des débats devant le Tribunal. De surcroît, la prétendue implication de la requérante dans la prolifération nucléaire, telle qu’exposée dans les actes attaqués, ne relève pas de l’exercice des pouvoirs étatiques, mais des transactions commerciales effectuées avec des entités participant à la prolifération nucléaire. Partant, cette allégation ne justifie pas que la requérante soit qualifiée d’émanation de l’État iranien.

45      Enfin, la Commission estime que la requérante est une émanation de l’État iranien en raison de la participation de ce dernier à son capital. Or, outre le fait que, selon les indications fournies par la requérante et non contestées par le Conseil et la Commission, la participation en cause n’est que minoritaire, elle n’implique pas, à elle seule, que la requérante participe à l’exercice de la puissance publique ou gère un service public.

46      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante peut invoquer à son profit les protections et garanties liées aux droits fondamentaux.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective

47      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Conseil a violé l’obligation de motivation, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective dans la mesure où, d’une part, il ne lui a pas communiqué suffisamment d’informations pour lui permettre de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et pour lui assurer un procès équitable et, d’autre part, tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures sont viciés par plusieurs erreurs.

48      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il soutient, en particulier, que la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense.

49      Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement no 267/2012, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

50      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 49 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

51      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 49 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

52      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 49 supra, point 91).

53      Le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, elle doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 93).

54      Partant, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une nouvelle possibilité pour l’entité concernée de faire valoir son point de vue (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 53 supra, point 137).

55      Il y a lieu, en outre, de remarquer que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 49 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

56      En troisième lieu, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union, que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

57      Au vu de cette jurisprudence, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner les arguments présentés par les parties sous le premier moyen selon les cinq étapes décrites ci-après. Premièrement, il y a lieu d’examiner l’argument liminaire du Conseil et de la Commission selon lequel la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense. Deuxièmement, il convient d’examiner les arguments relatifs, d’une part, à l’obligation de motivation et, d’autre part, à la prétendue violation des droits de la défense de la requérante en ce qui concerne la communication initiale des éléments à charge. Troisièmement, il y a lieu d’examiner l’argumentation liée à la prétendue violation des droits de la défense s’agissant de l’accès au dossier du Conseil. Quatrièmement, le Tribunal examinera les arguments ayant trait, d’une part, à la prétendue violation des droits de la défense de la requérante en ce qui concerne la possibilité pour elle de faire valoir son point de vue et, d’autre part, à la prétendue violation de son droit à une protection juridictionnelle effective. Cinquièmement, les arguments relatifs aux prétendues erreurs viciant l’examen et le réexamen opérés par le Conseil seront abordés.

 Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

58      Le Conseil et la Commission contestent l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), ils font valoir que la requérante n’a pas été visée par des mesures restrictives en raison de son activité propre, mais en raison de son appartenance à la catégorie générale des personnes et des entités ayant apporté un appui à la prolifération nucléaire. Par conséquent, la procédure d’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été ouverte à l’encontre de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 52 ci‑dessus et elle ne pourrait, dès lors, pas se prévaloir des droits de la défense ou pourrait seulement s’en prévaloir dans une mesure restreinte.

59      Cette argumentation ne saurait être retenue.

60      En effet, d’une part, l’arrêt Tay Za/Conseil, point 58 supra, a été annulé sur pourvoi, dans son intégralité, par l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P). Par conséquent, les constats opérés dans ledit arrêt ne font plus partie de l’ordre juridique de l’Union et ne sauraient donc être valablement invoqués par le Conseil et par la Commission.

61      D’autre part, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007, l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement no 961/2010 et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement no 267/2012 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 49 supra, point 37).

62      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense, tel que rappelé aux points 52 à 55 ci‑dessus, peut être invoqué par la requérante en l’espèce.

 Sur l’obligation de motivation et sur la communication initiale des éléments à charge

63      Il convient de remarquer, d’emblée, que, pour apprécier le respect de l’obligation de motivation et de l’obligation de communiquer à l’entité intéressée les éléments retenus à sa charge, il y a lieu de prendre en considération, outre les motifs figurant dans les actes attaqués, les trois propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par le Conseil à la requérante.

64      En effet, d’une part, il ressort desdites propositions, telles que communiquées à la requérante, qu’elles ont été soumises aux délégations des États membres dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives la visant et qu’elles constituent, par conséquent, des éléments sur lesquels sont fondées ces mêmes mesures.

65      D’autre part, il est vrai que la troisième proposition a été communiquée à la requérante tant après l’introduction du recours qu’après l’adaptation des conclusions consécutive à l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010. Dès lors, elle ne peut pas valablement compléter la motivation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution no 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010. Elle peut, néanmoins, être prise en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité des actes ultérieurs, à savoir de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012.

66      Les actes attaqués mentionnent les quatre motifs suivants qui concernent la requérante :

–        selon la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, la requérante est une banque d’État (ci-après le « premier motif ») ;

–        la requérante a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci-après le « deuxième motif ») ;

–        la requérante fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’UE, à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles (ci-après le « troisième motif ») ;

–        la requérante est la société mère de First East Export (ci-après « FEE »), qui est désignée dans la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « quatrième motif »).

67      La première des deux propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées le 13 septembre 2010 recoupe, en partie, le deuxième motif fourni dans les actes attaqués. Elle ajoute les motifs suivants :

–        la requérante fournit des services bancaires à l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (ci-après « AEOI ») et à Novin Energy Company (ci-après « Novin »), qui sont visées par des mesures restrictives adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « cinquième motif ») ;

–        la requérante gère les comptes des hauts responsables de l’Organisation des industries aérospatiales et d’un responsable des achats iranien (ci-après le « sixième motif »).

68      La seconde proposition communiquée le 13 septembre 2010 recoupe, pour l’essentiel, la motivation des actes attaqués. Elle ajoute un seul motif, selon lequel la requérante aurait facilité le mouvement de millions de dollars pour le programme nucléaire iranien depuis au moins 2003 (ci-après le « septième motif »).

69      La troisième proposition d’adoption des mesures restrictives, qui est annexée à la duplique, ne comporte pas d’éléments supplémentaires par rapport aux actes attaqués et aux deux propositions communiquées le 13 septembre 2010.

70      La requérante soutient que cette motivation ne précise pas suffisamment les raisons de l’adoption des mesures restrictives à son égard. Elle estime que cette insuffisance implique, par ailleurs, une violation de ses droits de la défense.

71      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé de l’argumentation de la requérante.

72      Le premier motif est suffisamment précis dès lors qu’il permet à la requérante de comprendre que le Conseil lui reproche la participation de l’État iranien à son capital.

73      En revanche, les deuxième et troisième motifs sont excessivement vagues en ce qu’ils ne précisent ni le comportement reproché à la requérante ni les autres entités concernées.

74      Le quatrième motif est exposé de manière suffisamment claire, dès lors qu’il permet à la requérante de comprendre que le Conseil lui reproche le contrôle qu’elle exerce sur FEE.

75      Il en est de même du cinquième motif, qui identifie les entités auxquelles ont prétendument été fournis les services financiers en cause.

76      Enfin, les sixième et septième motifs ne sont pas suffisamment précis, le sixième n’identifiant pas les personnes concernées et le septième ne comportant aucune précision sur les entités et transactions concernées.

77      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Conseil a violé l’obligation de motivation ainsi que l’obligation de communiquer à la requérante, en sa qualité d’entité intéressée, les éléments retenus à sa charge en ce qui concerne les deuxième, troisième, sixième et septième motifs. En revanche, ces mêmes obligations ont été respectées en ce qui concerne les autres motifs.

 Sur l’accès au dossier

78      Ainsi qu’il a été constaté aux points 9 et 15 ci‑dessus, le Conseil a communiqué à la requérante, le 13 septembre 2010, deux propositions d’adoption des mesures restrictives émanant d’États membres, puis une troisième proposition en annexe à la duplique.

79      La requérante estime que cet accès n’était pas suffisant pour lui permettre de faire valoir utilement son point de vue.

80      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante.

81      À cet égard, en ce qui concerne l’étendue de l’accès accordé, il convient d’observer qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que le Conseil se serait fondé, lors de l’adoption des actes attaqués, sur des éléments autres que les trois propositions présentées par les États membres. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Conseil de n’avoir pas communiqué à la requérante des éléments supplémentaires.

82      En revanche, à la différence des deux propositions d’adoption des mesures restrictives annexées à la lettre du 13 septembre 2010, la troisième proposition n’a été communiquée à la requérante qu’en annexe à la duplique, c’est-à-dire après l’expiration du délai fixé à la requérante par le Conseil pour présenter ses observations à la suite de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, après l’introduction du recours ainsi qu’après l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010.

83      Le Conseil soutient encore, à cet égard, qu’il a communiqué la troisième proposition à la requérante dès qu’il a recueilli l’accord de l’État membre dont elle émanait.

84      Or, cet argument ne saurait être retenu. En effet, lorsque le Conseil entend se fonder sur des éléments fournis par un État membre pour adopter des mesures restrictives à l’égard d’une entité, il est tenu de s’assurer, avant l’adoption desdites mesures, que les éléments en question peuvent être communiqués à l’entité concernée en temps utile afin que celle-ci puisse faire valoir utilement son point de vue.

85      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où le Conseil n’a communiqué la troisième proposition d’adoption des mesures restrictives à la requérante qu’en annexe à la duplique, il ne lui a pas donné accès à cet élément de son dossier en temps utile, en violation des droits de la défense.

 Sur la possibilité pour la requérante de faire valoir utilement son point de vue et sur le droit à une protection juridictionnelle effective

86      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu l’occasion de faire valoir utilement son point de vue et que, en tout état de cause, les observations qu’elle a pu formuler n’ont pas été prises en considération par le Conseil.

87      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante.

88      Il y a d’abord lieu de constater que, à la suite de l’adoption des premiers actes par lesquels ses fonds ont été gelés, le 26 juillet 2010, la requérante a adressé au Conseil, le 24 septembre 2010, une lettre dans laquelle elle a exposé son point de vue et demandé que les mesures restrictives adoptées à son égard soient supprimées. Le Conseil a répondu à cette lettre le 28 octobre 2010. Ensuite, avant l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution no 1245/2011, la requérante a présenté ses observations au Conseil par lettre du 29 août 2011, à laquelle le Conseil a répondu le 5 décembre 2011. Enfin, la requérante ne présente pas d’arguments suggérant qu’elle n’était pas en mesure de présenter de nouvelles observations au Conseil, de façon similaire, avant l’adoption du règlement no 267/2012.

89      Partant, il y a lieu de considérer que la requérante a eu l’occasion de faire valoir utilement son point de vue, sauf en ce qui concerne, d’une part, les deuxième, troisième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil, qui sont excessivement vagues (voir point 77 ci‑dessus), et, d’autre part, la proposition d’adoption des mesures restrictives communiquée en annexe à la duplique, pour autant qu’elle n’en disposait pas au moment de la présentation des observations (voir point 82 ci‑dessus).

90      S’agissant de la prise en considération des observations formulées, il est certes vrai que la réponse aux arguments de la requérante dans les lettres du Conseil du 28 octobre 2010 et 5 décembre 2011 est brève. Il n’en demeure pas moins que ce dernier a précisé, dans la lettre du 28 octobre 2010, qu’il estimait, contrairement à la requérante, qu’il n’y avait pas de garanties suffisantes que cette dernière ne fournirait pas à l’avenir des services bancaires à des personnes et entités participant à la prolifération nucléaire. Il a réitéré cette position dans la lettre du 5 décembre 2011.

91      Au demeurant, il n’est pas contesté que le Conseil a supprimé, dans la décision 2010/644 et dans le règlement no 961/2010, la mention selon laquelle la requérante était une banque d’État, dont l’exactitude a été contestée par cette dernière.

92      Au vu de ces circonstances, il y a lieu de considérer que les observations de la requérante ont été prises en considération par le Conseil lors du réexamen opéré par lui, contrairement à ce que prétend la requérante.

93      En second lieu, la requérante soutient que le caractère insuffisant des informations et éléments qui lui ont été communiqués a affecté son droit à une protection juridictionnelle effective.

94      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé de cet argument.

95      À l’instar de ce qui a été constaté au point 89 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, pour autant que la requérante a obtenu la communication individuelle de motifs suffisamment précis, à savoir les premier, quatrième et cinquième motifs invoqués par le Conseil, son droit à une protection juridictionnelle effective a été respecté.

96      En revanche, le caractère vague des deuxième, troisième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil ainsi que la communication tardive de la troisième proposition d’adoption des mesures restrictives sont constitutifs d’une violation du droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective.

 Sur les vices affectant l’examen opéré par le Conseil

97      La requérante soutient que le Conseil n’a pas procédé à un véritable examen des circonstances de l’espèce, mais qu’il s’est borné à adopter les propositions présentées par les États membres. Ce vice affecterait tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures.

98      En outre, selon la requérante, il ressort des câbles diplomatiques, rendus publics par l’intermédiaire de l’organisation Wikileaks (ci-après les « câbles diplomatiques »), que les États membres, et en particulier le Royaume-Uni, ont subi des pressions de la part du gouvernement des États-unis d’Amérique visant à faire adopter des mesures restrictives à l’égard des entités iraniennes. Or, cette circonstance jetterait un doute sur la légalité des mesures adoptées et sur celle de la procédure de leur adoption.

99      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante. Il soutient, en particulier, qu’il n’y a pas lieu de tenir compte des câbles diplomatiques.

100    En premier lieu, il convient de relever que les actes arrêtant des mesures restrictives à l’encontre des entités prétendument impliquées dans la prolifération nucléaire sont des actes du Conseil, qui doit, partant, s’assurer que leur adoption est justifiée. Par conséquent, lors de l’adoption d’un premier acte arrêtant de telles mesures, le Conseil est tenu d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve qui lui sont soumis, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413, par un État membre ou par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Lors de l’adoption des actes successifs visant la même entité, le Conseil est tenu, conformément à l’article 24, paragraphe 4, de la même décision, de réexaminer la nécessité du maintien desdites mesures à la lumière des observations présentées par cette entité.

101    En l’espèce, d’une part, le dossier ne contient aucun indice suggérant que le Conseil a vérifié la pertinence et le bien‑fondé des éléments visant la requérante qui lui ont été soumis avant l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010. Au contraire, l’indication erronée, dans ces actes, selon laquelle la requérante était une banque d’État, dont l’inexactitude n’est pas contestée par le Conseil, tend à établir qu’aucune vérification en ce sens n’a eu lieu.

102    D’autre part, il ressort des points 90 à 92 ci‑dessus que, lors de l’adoption des actes attaqués ultérieurs, le Conseil a réexaminé les circonstances de l’espèce à la lumière des observations de la requérante, dès lors qu’il a supprimé l’indication selon laquelle elle était une banque d’État et qu’il s’est exprimé sur son argumentation relative aux services financiers fournis à des entités impliquées dans la prolifération nucléaire.

103    En second lieu, s’agissant des câbles diplomatiques, la circonstance selon laquelle certains États membres auraient subi des pressions diplomatiques, à la supposer établie, n’implique pas, à elle seule, que ces mêmes pressions aient affecté les actes attaqués qui ont été adoptés par le Conseil ou l’examen opéré par ce dernier à l’occasion de leur adoption.

104    Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir les arguments de la requérante relatifs aux vices dont serait affecté l’examen opéré par le Conseil, en ce qui concerne la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, et de les rejeter pour le surplus.

105    Au vu des points 47 à 104 ci‑dessus, il y a d’abord lieu d’observer que le Conseil a violé les droits de la défense de la requérante et son droit à une protection juridictionnelle effective en ce qu’il ne lui a pas communiqué, en temps utile, la proposition d’adoption des mesures restrictives annexée à la duplique. Dans la mesure où ladite proposition a été retenue par le Conseil pour fonder l’ensemble des actes attaqués à l’égard de la requérante et compte tenu de la date de sa communication, ce vice affecte la légalité de la décision 2010/413, du règlement d’exécution no 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010, pour autant que ces actes concernent la requérante.

106    Ensuite, lors de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, le Conseil n’a pas respecté l’obligation d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve à l’égard de la requérante qui lui ont été soumis, entachant ainsi lesdits actes d’illégalité.

107    Enfin, le Conseil a violé l’obligation de motivation en ce qui concerne les deuxième, troisième, sixième et septième motifs invoqués à l’égard de la requérante. Néanmoins, compte tenu de ce que les différents motifs invoqués par le Conseil sont indépendants les uns des autres et du caractère suffisamment précis des autres motifs, cette circonstance ne justifie pas l’annulation de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012. Elle implique seulement que les deuxième, troisième, sixième et septième motifs ne peuvent pas être pris en considération lors de l’examen du deuxième moyen concernant le bien‑fondé des mesures restrictives visant la requérante.

108    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen dans la mesure où il vise à l’annulation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution no 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010 pour autant que ces actes concernent la requérante, et de le rejeter pour le surplus.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante

109    La requérante soutient que les motifs invoqués à son égard par le Conseil, énumérés aux points 66 à 69 ci‑dessus, ne remplissent pas les conditions prévues par la décision 2010/413, le règlement no 423/2007, le règlement no 961/2010 et le règlement no 267/2012 et ne sont pas étayés par des preuves. Par conséquent, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en adoptant des mesures restrictives à son égard sur la base de ces motifs.

110    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

111    Selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 49 supra, points 37 et 107).

112    Au vu de cette jurisprudence, et compte tenu du défaut de motivation des deuxième, troisième, sixième et septième motifs invoqués par le Conseil à l’égard de la requérante (voir point 107 ci‑dessus), il convient de se limiter à la vérification du bien‑fondé des premier, quatrième et cinquième motifs invoqués. 

113    S’agissant du premier motif, invoqué uniquement dans la décision 2010/413 et dans le règlement d’exécution no 668/2010, il est désormais établi que la requérante n’est pas une banque d’État. Partant, le premier motif repose sur un constat factuel erroné et ne saurait donc pas justifier les mesures restrictives adoptées à l’égard de la requérante par la décision 2010/413 et par le règlement d’exécution no 668/2010.

114    En ce qui concerne le quatrième motif, il est certes exact que FEE, filiale détenue à 100 % par la requérante, est visée par la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies.

115    Or, d’une part, il ressort de ladite résolution que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de FEE était motivée uniquement par la prétendue implication de la requérante dans la prolifération nucléaire.

116    D’autre part, cette implication a été décrite dans la résolution 1929 (2010) en des termes imprécis qui correspondent, pour l’essentiel, au septième motif fourni par le Conseil, à savoir que, « [a]u cours des sept dernières années, [la requérante] a permis aux entités iraniennes associées au programme d’arme nucléaire, de missiles et de défense d’effectuer des transactions de plusieurs centaines de millions de dollars ».

117    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le quatrième motif, d’une part, est fondé sur de simples allégations et, d’autre part, ne constitue pas un motif autonome par rapport à ceux visant la requérante directement. Par conséquent, il ne saurait justifier l’adoption des mesures restrictives à l’égard de cette dernière.

118    En ce qui concerne le cinquième motif, la requérante conteste avoir fourni des services à AEOI. Or, le Conseil n’a produit aucun élément de preuve ou d’information pour établir que de tels services ont été fournis. Dès lors, il y a lieu de conclure que les allégations concernant AEOI ne justifient pas non plus l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

119    En revanche, la requérante admet avoir fourni des services de gestion de comptes à Novin, qui est visée par des mesures restrictives adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies depuis le 24 mars 2007, en raison de sa participation alléguée à la prolifération nucléaire. La requérante explique toutefois, d’une part, qu’elle n’était pas informée de l’implication de Novin dans la prolifération nucléaire, étant donné notamment que les services fournis n’y étaient pas liés. D’autre part, la requérante aurait progressivement limité, puis cessé totalement ses relations avec Novin après l’adoption des mesures restrictives visant cette dernière.

120    Le Conseil, soutenu par la Commission, répond que les services fournis par la requérante à Novin justifient l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante, compte tenu du risque qu’elle fournisse à l’avenir un appui analogue à d’autres entités désignées. Dans ce contexte, il serait sans pertinence que la requérante ait su ou pu savoir que Novin était effectivement impliquée dans la prolifération nucléaire ou que les transactions concernées y étaient liées.

121    Au vu de l’argumentation des parties, il convient d’examiner si, ainsi que le soutient le Conseil, les services fournis par la requérante à Novin constituent un appui à la prolifération nucléaire au sens de la décision 2010/413, du règlement no 423/2007, du règlement no 961/2010 et du règlement no 267/2012.

122    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 18 du règlement no 423/2007, de l’article 39 du règlement no 961/2010 et de l’article 49 du règlement no 267/2012, lesdits règlements s’appliquent au territoire de l’Union, y compris à son espace aérien, à bord de tout aéronef ou de tout navire relevant de la juridiction d’un État membre, à tout ressortissant d’un État membre à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de l’Union, à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, établi ou constitué selon le droit d’un État membre, ainsi qu’à toute personne morale, à toute entité ou à tout organisme en ce qui concerne toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans l’Union.

123    Ainsi, s’agissant des transactions réalisées en dehors de l’Union, le règlement no 423/2007, le règlement no 961/2010 et le règlement no 267/2012 ne sont pas susceptibles de créer des obligations juridiques à l’égard d’un établissement financier établi dans un État tiers et constitué selon le droit de ce même État (ci-après un « établissement financier étranger »), tel que la requérante. Par conséquent, un tel établissement financier n’est pas tenu, en vertu desdits règlements, de geler les fonds des entités impliquées dans la prolifération nucléaire.

124    Il n’en demeure pas moins que, si un établissement financier étranger participe, est directement associé ou apporte un appui à la prolifération nucléaire, ses fonds et ses ressources économiques situés sur le territoire de l’Union, impliqués dans une opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans l’Union ou détenus par des ressortissants des États membres ou par des personnes morales, entités ou organismes établis ou constitués selon le droit d’un État membre, peuvent être frappés par des mesures restrictives adoptées en vertu du règlement no 423/2007, du règlement no 961/2010 et du règlement no 267/2012.

125    Il s’ensuit qu’un établissement financier étranger a tout intérêt à s’assurer qu’il ne participe pas, n’est pas directement associé et n’apporte pas d’appui à la prolifération nucléaire, notamment en fournissant des services financiers à une entité impliquée dans cette dernière. Par conséquent, lorsqu’il sait ou peut raisonnablement suspecter que l’un de ses clients est impliqué dans la prolifération nucléaire, il lui revient de cesser la fourniture de services financiers à ce dernier sans délai, compte tenu des obligations légales applicables, et de ne lui fournir aucun nouveau service.

126    En l’espèce, il n’est pas contesté par le Conseil que les services fournis à Novin par la requérante l’ont été sur le territoire iranien, leur relation étant régie par le droit iranien.

127    Partant, il convient d’examiner si la requérante a agi sans délai afin de cesser la fourniture de services financiers à Novin, compte tenu des obligations applicables prévues par le droit iranien, une fois qu’elle a su ou qu’elle pouvait raisonnablement suspecter que Novin était impliquée dans la prolifération nucléaire.

128    À cet égard, la requérante conteste avoir été au courant de l’implication de Novin dans la prolifération nucléaire avant l’adoption des mesures restrictives visant celle‑ci par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans la mesure où le Conseil n’a pas présenté, en vertu de la jurisprudence citée au point 111 supra, d’éléments de preuve ou d’information précis et concrets suggérant que la requérante savait ou pouvait raisonnablement suspecter que Novin participait à la prolifération nucléaire à une date antérieure, il y a lieu de tenir compte de l’allégation de la requérante sur ce point.

129    S’agissant de la période postérieure à l’adoption des mesures restrictives visant Novin, la requérante explique qu’elle a établi sans délai une circulaire interne demandant à ses employés d’informer Novin qu’elle ne pouvait plus lui fournir de services. Par la suite, aucun nouveau service n’aurait été fourni et aucune nouvelle instruction n’aurait été acceptée. La requérante se serait bornée à effectuer, depuis les comptes de Novin, des paiements découlant des instructions, des chèques et des billets à ordre établis avant la date d’adoption des mesures restrictives visant Novin, étant entendu qu’aucun de ces paiements n’était lié à la prolifération nucléaire ou à l’acquisition de biens en général. Une fois le solde des comptes épuisés du fait des paiements effectués, ils auraient été clôturés par la requérante. Les soldes résiduels éventuels, de faible importance, auraient été rendus à Novin.

130    Le Conseil et la Commission ne contestent pas l’exactitude de cet exposé factuel qui est étayé par les déclarations écrites du directeur de la requérante.

131    Quant à la question de savoir si ces mesures sont suffisantes par rapport au critère exposé au point 124 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que, compte tenu du caractère particulier des services de gestion de comptes, la requérante démontre avoir agi sans délai afin de cesser la fourniture de services financiers à Novin une fois avoir appris l’implication de cette dernière dans la prolifération nucléaire.

132    À cet égard, d’une part, il est vrai que des paiements ont été réalisés par la requérante depuis les comptes de Novin après l’adoption desdites mesures restrictives.

133    Toutefois, la requérante explique, sans être contredite par le Conseil ou par la Commission, qu’elle était tenue, en vertu de ses obligations envers Novin, d’effectuer les paiements correspondant aux instructions, chèques et billets à ordre établis antérieurement.

134    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 20, paragraphe 6, de la décision 2010/413, l’article 9 du règlement no 423/2007, l’article 18 du règlement no 961/2010 et l’article 25 du règlement no 267/2012 autorisent, en substance, que les fonds des entités visées par des mesures restrictives soient débloqués pour effectuer des paiements en vertu des obligations souscrites par elles antérieurement à leur désignation, pour autant que lesdits paiements ne soient pas liés à la prolifération nucléaire. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’exiger de la requérante, qui n’était pas tenue, en l’espèce, de geler les fonds de Novin en vertu des textes susmentionnés, ainsi qu’il ressort des points 123 et 126 ci‑dessus, qu’elle applique un régime plus strict à l’égard de cette dernière.

135    Or, le Conseil et la Commission n’allèguent même pas que les paiements en cause auraient été liés à la prolifération nucléaire.

136    D’autre part, la requérante admet avoir reversé les soldes résiduels éventuels des comptes clôturés à Novin. Elle précise, néanmoins, sans que le Conseil ou la Commission ne le contestent, qu’elle n’était pas en droit de retenir les soldes en question.

137    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que ni les services fournis par la requérante à Novin avant l’adoption des mesures restrictives visant cette dernière ni les modalités de la cessation de la relation commerciale de la requérante avec Novin ne constituent un appui à la prolifération nucléaire au sens de la décision 2010/413, du règlement no 423/2007, du règlement no 961/2010 et du règlement no 267/2012.

138    Partant, ces circonstances ne justifient pas l’adoption des mesures restrictives visant la requérante.

139    Aucun des premier, quatrième et cinquième motifs invoqués par le Conseil à l’encontre de la requérante ne justifiant l’adoption des mesures restrictives la visant, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen.

140    Au vu de tout ce qui précède, il convient d’annuler les actes attaqués pour autant qu’ils concernent la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

142    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant qu’ils concernent Bank Mellat :

–        le point 4 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC ;

–        le point 2 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 ;

–        le point 4 du tableau B de l’annexe VIII du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 ;

–        la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 ;

–        le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe IX du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bank Mellat.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.