Language of document : ECLI:EU:T:2008:172

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

2 juin 2008 (*)

« Recours en annulation – Quotas de pêche – Règlement (CE) n° 2371/2002 – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑172/07,

Atlantic Dawn Ltd, établie à Killybegs, Donegal (Irlande),

Antarctic Fishing Co. Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Atlantean Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Killybegs Fishing Enterprises Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Doyle Fishing Co. Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Western Seaboard Fishing Co. Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

O’Shea Fishing Co. Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Aine Fishing Co. Ltd, établie à Burtonport, Donegal,

Brendelen Ltd, établie à Greencastle, Donegal,

Cavankee Fishing Co. Ltd, établie à Greencastle, Donegal,

Ocean Trawlers Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Eileen Oglesby, demeurant à Burtonport, Donegal,

Noel McGing, demeurant à Killybegs, Donegal,

Mullglen Ltd, établie à Balbriggan, Dublin (Irlande),

Bradan Fishing Co. Ltd, établie à Sligo, Sligo (Irlande),

Larry Murphy, demeurant à Castletownbere, Cork (Irlande),

Pauric Conneely, demeurant à Claregalway, Galway (Irlande),

Thomas Flaherty, demeurant à Kilronan, Aran Islands, Galway,

Carmarose Trawling Co. Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

Colmcille Fishing Ltd, établie à Killybegs, Donegal,

représentés par MM. G. Hogan, SC, N. Travers, T. O’Sullivan, BL, et D. Barry, solicitor,

parties requérantes

soutenus par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, abogado del Estado,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme K. Banks, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 147/2007 de la Commission, du 15 février 2007, modifiant certains quotas de pêche de 2007 à 2012 conformément à l’article 23, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2371/2002 relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 46, p. 10),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi et L. Truchot (juge rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige et procédure

1        Une enquête menée par les autorités du Royaume-Uni en 2005 et 2006 a révélé que les quotas de pêche alloués à l’Irlande et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord avaient été dépassés pour le maquereau et le hareng entre 2001 et 2005. Les informations communiquées par les autorités du Royaume-Uni ont conduit la Commission à opérer une déduction des captures excédentaires sur les quotas attribués à ces deux États membres pour les espèces pélagiques concernées au titre des années 2007 à 2012.

2        Dans le cadre de la politique commune de la pêche, le Conseil fixe les possibilités de pêche accordées aux États membres et détermine les conditions de leur ajustement d’une année sur l’autre, conformément au règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 358, p. 59). Un système de déduction a été institué en cas de dépassement des possibilités de pêche allouées. L’article 23, paragraphe 4, du règlement précité permet à la Commission de déduire les quantités excédentaires pêchées au cours d’une année par les navires d’un État membre des futures possibilités de pêche de ce dernier pour la même espèce pélagique. Auparavant, le règlement (CE) n° 847/96 du Conseil, du 6 mai 1996, établissant des conditions additionnelles pour la gestion interannuelle des totaux admissibles des captures et quotas (JO L 115, p. 3), ne prévoyait ce pouvoir de déduction que d’une année sur l’autre.

3        En application de l’article 23, paragraphe 4, du règlement n° 2371/2002, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 147/2007, du 15 février 2007, modifiant certains quotas de pêche de 2007 à 2012 conformément à l’article 23, paragraphe 4, du règlement n° 2371/2002 (JO L 46, p. 10, ci-après le « règlement attaqué»), qui réduit les quotas de maquereaux attribués au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et à l’Irlande, ainsi que les quotas de hareng attribués au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord au titre de la période 2007-2012.

4        Le ministère des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles irlandais répartit le quota annuel de pêche attribué à l’Irlande selon une pratique de ratios pour les membres du segment de la flotte pélagique d’eau de mer réfrigérée. Les dix plus gros navires bénéficient d’un ratio de dix, les huit navires de taille moyenne d’un ratio de sept et les cinq plus petits d’un ratio de cinq. Les navires du segment polyvalent se voient attribuer une quantité fixe, actuellement limitée à 7 000 tonnes par an.

5        Les requérants, Atlantic Dawn Ltd et autres, font partie de la flotte pélagique d’eau de mer réfrigérée d’Irlande, composée de 23 titulaires de licence, conformément aux objectifs de capacités de la flotte pélagique irlandaise fixés par le quatrième programme d’orientation pluriannuel communiqué par la Commission le 27 juin 2007.

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 mai 2007, ils ont introduit le présent recours en annulation.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2007, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérants.

8        Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 13 novembre 2007, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2007, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

10      Le 5 novembre 2007, les requérants ont déposé leurs observations sur cette exception.

11      Le 28 décembre 2007, le Royaume d’Espagne a fait savoir qu’il renonçait à déposer un mémoire en intervention sur la recevabilité.

 Conclusions des parties

12      Dans leur requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      à titre principal, annuler le règlement attaqué dans sa totalité ;

–      à titre subsidiaire, annuler l’article 1er et l’annexe I du règlement attaqué, en ce que ces dispositions réduisent les quotas de maquereaux attribués à l’Irlande au titre des années 2007 à 2012 ;

–      condamner la Commission aux dépens.

13      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–      condamner les requérants aux dépens.

14      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–      ou joindre l’exception d’irrecevabilité à l’examen du fond de la requête.

 En droit

15      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 4 du même article, le Tribunal statue sur la demande ou la joint au fond.

16      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il y a lieu, en conséquence, de statuer sans poursuivre la procédure.

17      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, « toute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement. »

18      La Commission estime que les requérants ne sont ni directement ni individuellement concernés par le règlement attaqué.

19      Compte tenu du caractère cumulatif de ces deux conditions, le Tribunal considère qu’il convient d’examiner d’abord si les requérants sont directement concernés, puisque, dans l’hypothèse où ils ne le seraient pas, il deviendrait superflu de rechercher s’ils sont affectés d’une façon individuelle par les dispositions attaquées.

 Arguments des parties

20      La Commission souligne, à titre liminaire, qu’afin de déterminer si une partie est directement concernée, conformément aux dispositions de l’article 230, quatrième alinéa, CE, il convient d’apprécier si les dispositions attaquées produisent directement des effets juridiques à l’égard de cette partie et si la mise en œuvre de ces dispositions revêt un caractère purement automatique, sans exigence de règles intermédiaires pour les appliquer.

21      La Commission expose que, en application de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 2371/2002, les possibilités de pêche sont réparties entre les États membres concernés par le Conseil et que ce dernier n’attribue pas les quotas directement aux particuliers.

22      Elle ajoute que, conformément à l’article 20, paragraphe 3, du même règlement, chaque État membre décide de la méthode d’attribution des possibilités de pêche pour les navires battant son pavillon. Les possibilités de pêche ne seraient donc pas mises en œuvre de manière purement automatique à l’égard des particuliers et les règles intermédiaires fixées par chaque État membre seraient indispensables.

23      La Commission fait valoir que la réduction des quotas de maquereaux alloués à l’Irlande en vertu de l’article 23, paragraphe 4, du règlement n° 2371/2002 ne modifierait pas la nature juridique des possibilités de pêche de l’État membre concerné. L’intervention de l’État membre resterait nécessaire avant qu’il n’en résulte des droits ou des préjudices pour les particuliers.

24      Elle avance que le règlement attaqué ne s’écarte pas du système de répartition des compétences prévu par le règlement n° 2371/2002 et n’affecte donc pas le pouvoir dont dispose l’Irlande d’adapter les possibilités de pêche entre ses navires.

25      La Commission insiste, en outre, sur la faculté que conserveraient les États membres d’échanger tout ou partie des possibilités de pêche qui leur ont été allouées, en application de l’article 20, paragraphe 5, du règlement n° 2371/2002. Le règlement (CE) n° 41/2007 du Conseil, du 21 décembre 2006, établissant, pour 2007, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de captures (JO 2007, L 15, p. 1), rappelle l’existence de cette faculté. De tels échanges pourraient conduire certains États membres à obtenir des quotas substantiellement différents de ceux accordés par le Conseil.

26      Selon la Commission, la nature indirecte de l’effet du règlement attaqué serait illustrée par les éléments d’information fournis par les requérants. En effet, ceux-ci rapportent que le ministère des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles aurait décidé de modifier la méthode traditionnelle de répartition des quotas, afin que les déductions opérées ne s’appliquent qu’aux navires responsables de la surpêche. Cette décision, objet d’un recours devant les juridictions nationales, témoignerait du rôle indispensable des autorités gouvernementales pour l’adaptation du règlement attaqué.

27      La Commission conclut que ce n’est pas le règlement attaqué, pas plus que son article 1er et son annexe I, pris séparément, qui concerne directement les requérants, mais la décision de mise en œuvre de ce règlement prise par les autorités irlandaises.

28      Les requérants considèrent, au contraire, que les dispositions attaquées les concernent directement.

29      Selon eux, l’article 20 du règlement n° 2371/2002, dont le paragraphe 3 prévoit que « chaque État membre décide, pour les navires battant son pavillon, de la méthode d’attribution des possibilités de pêche allouées à cet État membre, conformément au droit communautaire », oblige les États membres à répartir les possibilités de pêche mais ne leur donne aucun pouvoir discrétionnaire en la matière, dans la mesure où la méthode de répartition est clairement établie et automatique. Les circonstances ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 9 janvier 2007, Lootus Teine Osaühing/Conseil (T-127/05, non publiée au Recueil), citée par la Commission, ne seraient pas transposables à la présente espèce. Le large pouvoir discrétionnaire dont bénéficient les autorités estoniennes pour la répartition de leur quota ne serait pas comparable aux exigences constitutionnelles auxquelles les autorités irlandaises sont soumises pour la répartition de leur quota.

30      Les requérants avancent que le mode de répartition adopté en Irlande a été reconnu et confirmé par la High Court (Haute Cour de justice, Irlande), dont le jugement Atlantean/Ministre des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles, du 12 juillet 2007, mentionne qu’il pourrait exister un droit, relevant de la « confiance légitime, à ce que le ministre, dans l’allocation du quota total de l’Irlande, aborde la division du quota national en allocations pour les navires individuels d’une manière juste et appropriée ». Selon eux, cette confiance légitime impliquerait la poursuite de la pratique administrative des ratios employée depuis une vingtaine d’années pour répartir automatiquement le quota entre les 23 navires de la flotte pélagique d’eau de mer réfrigérée.

31      À cet égard, ils font valoir qu’il y a lieu de distinguer entre des méthodes d’allocation des quotas établies et des méthodes qui ne seraient pas encore établies, en particulier dans les nouveaux États membres. En l’absence de règles établies, la marge d’appréciation des autorités nationales serait réelle et l’effet direct de la législation européenne en matière de quotas plus difficile à discerner. En revanche, en Irlande, la méthode d’allocation du quota serait si bien établie que la législation européenne affecterait directement la situation juridique des détenteurs de licence de pêche. La nécessité d’informer la Commission de la méthode choisie pour l’allocation du quota témoignerait du caractère pérenne de cette méthode.

32      Les circonstances ayant donné lieu à l’ordonnance Lootus Teine Osaühing/Conseil, précitée, se distingueraient également du cas d’espèce, car le requérant fondait ses moyens sur des droits historiques et des principes de droit estonien. Dans l’instance en cours, les requérants ne prétendent pas que le droit national est en contradiction avec le droit communautaire. Ils soutiennent au contraire que leur situation juridique est directement affectée par le règlement attaqué en vertu du système irlandais d’allocation des quotas. Les requérants seraient directement affectés non seulement en tant que détenteurs de licences de pêche, mais aussi en tant que groupe, au sein duquel est réparti le quota.

33      Par ailleurs, la possibilité d’échanger les quotas entre États membres serait purement théorique, en raison de la réduction constante des quotas. L’argument de la Commission, qui voudrait ainsi démontrer l’absence d’effet direct et préjudiciable du règlement attaqué sur les requérants, serait sans rapport avec la réalité et ne saurait fonder l’irrecevabilité de la requête. Les requérants indiquent également que cet argument présuppose que les règlements relatifs aux quotas attribués pour la période 2008-2012 prévoiront la possibilité de l’échange de quotas. Quand bien même cet échange serait possible, il n’en reste pas moins que cette faculté de modifier les quotas de facto reposerait uniquement sur des décisions nationales et ne priverait pas d’effet direct et immédiat la législation communautaire réduisant les quotas alloués à l’Irlande.

 Appréciation du Tribunal

34      Selon une jurisprudence constante, l’affectation directe d’un particulier exige que l’acte communautaire attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte chargés de sa mise en œuvre, cette dernière ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70 à 44/70, Rec. p. 411, points 23 à 29, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I-2477, point 9 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 2000, DSTV/Commission, T-69/99, Rec. p. II-4039, point 24, et ordonnance Lootus Teine Osaühing/Conseil, précitée, point 39).

35      Il convient d’examiner si les dispositions du règlement attaqué produisent directement des effets sur la situation juridique des requérants et si le gouvernement irlandais dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’application des dispositions attaquées ou si celles-ci ont un caractère purement automatique, sans que leur application exige l’intervention de règles intermédiaires.

36      En l’espèce, plusieurs éléments révèlent que les dispositions attaquées ne peuvent pas, en elles-mêmes, produire directement des effets sur la situation juridique des requérants et que le gouvernement irlandais jouissait d’une marge d’appréciation dans leur mise en œuvre.

37      Il résulte, en effet, de l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 2371/2002 que le Conseil arrête la répartition des possibilités de pêche entre les États membres concernés sans que des quotas soient directement assignés aux particuliers par les règlements adoptés chaque année.

38      Il appartient à chaque État membre, en application de l’article 20, paragraphe 3, du règlement n° 2371/2002, de décider, pour les navires battant son pavillon, de la méthode d’attribution des possibilités de pêche qui lui sont allouées, conformément au droit communautaire.

39      L’article 23, paragraphe 4, du règlement n° 2371/2002 prévoit enfin que la Commission procède à des déductions sur les futures possibilités de pêche d’un État membre, lorsqu’elle a établi que ce dernier a dépassé les possibilités de pêche qui lui ont été attribuées. Les déductions opérées par la Commission à l’article 1er du règlement attaqué sur le fondement de ces dispositions modifient le quota de maquereaux alloué par le Conseil à l’Irlande sans être davantage attribuées directement aux particuliers.

40      Les règles gouvernant tant l’attribution des possibilités de pêche que leurs déductions telles que fixées par le règlement attaqué ne constituent donc pas des dispositions d’application purement automatique qui produiraient des effets juridiques sans l’intervention de règles intermédiaires. Au contraire, elles confèrent aux États membres le pouvoir de fixer la méthode d’attribution aux particuliers des possibilités de pêche et des déductions décidées par la Commission.

41      En ne déterminant pas un système ou une méthode spécifique d’allocation des possibilités de pêche aux particuliers, le règlement n° 2371/2002 laisse aux États membres un large pouvoir discrétionnaire dans la gestion de leurs possibilités de pêche (ordonnance Lootus Teine Osaühing/Conseil, précitée, point 43). Ainsi, les États membres seraient libres de choisir, par exemple, entre un système de déductions par répartition égale entre toutes les entreprises de pêche ou par imputation aux seules entreprises de pêche qui sont à l’origine du dépassement du quota.

42      Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas du règlement n° 2371/2002 que l’obligation de porter à la connaissance de la Commission la méthode d’attribution des possibilités de pêche adoptée par les États membres implique un choix définitif.

43      En l’espèce, il ressort du jugement de la High Court du 12 juillet 2007 précité, qui annule deux décisions du ministre des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles visant à réduire le quota de pêche de maquereaux alloué au navire Atlantean Ltd, désigné comme responsable de la surpêche de 2001 à 2005, que le ministre des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles irlandais est compétent pour répartir le quota attribué à l’Irlande entre les entreprises de pêche autorisées et mettre en œuvre les déductions décidées par la Commission. Les décisions du ministre ont été annulées au motif que le changement de méthode, en soi légitime, n’avait pas respecté certains principes constitutionnels. Le jugement de la High Court confirme ainsi la nécessité de l’intervention du gouvernement irlandais pour la répartition du quota national et des déductions, ainsi que l’existence d’une marge d’appréciation des autorités nationales.

44      Il convient en outre de rappeler que, en application de l’article 20, paragraphe 5, du règlement n° 2371/2002, les États membres peuvent échanger tout ou partie des possibilités de pêche qui leur ont été allouées. Ces dispositions permettent aux États membres d’échanger entre eux des quotas de pêche, ce qui pourrait aboutir à ce que les États membres utilisant cette possibilité détiennent des quotas de pêche à attribuer aux particuliers bien différents de ceux qui leur auraient été attribués originairement par le Conseil (voir, par analogie, ordonnance Lootus Teine Osaühing/Conseil, précitée, point 44). Les États membres disposent, là encore, d’un pouvoir d’appréciation exclusif de tout effet direct du règlement attaqué.

45      À supposer même que, comme le soutiennent les requérants, la réduction constante du total admissible de captures de maquereaux ait contribué à la raréfaction des échanges de possibilités de pêche depuis les années 90, cette faculté d’échange n’en existe pas moins et demeure à la disposition des États.

46      Ces constatations ne sont pas infirmées par les allégations des requérants selon lesquelles, en Irlande, la méthode de répartition du quota, établie de longue date, ne pourrait subir aucune modification et donnerait ainsi un effet direct à la réglementation communautaire.

47      C’est par rapport à l’acte communautaire en question que l’on analyse si celui-ci produit des effets directs sur la situation du particulier en cause (arrêts de la Cour International Fruit Company e.a./Commission, précité, points 23 à 29, Sofrimport/Commission, précité, point 9, et du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C-386/96, Rec. p. I‑2309, point 43 ; arrêt DSTV/Commission, précité, point 24, et ordonnance Lootus Teine Osaühing/Conseil, précitée, point 47). Ainsi, le fait que, en raison des particularités du droit national d’un État membre à un moment donné, cet État membre se voit contraint dans sa marge de manœuvre quant à la gestion des possibilités de pêche qui lui ont été accordées ne peut pas mettre en cause le fait que la mise en oeuvre des dispositions attaquées ne peut se faire directement sans l’intervention de règles intermédiaires (ordonnance Lootus Teine Osaühing/Conseil, précitée, point 47).

48      Au demeurant, il ressort d’une lettre du ministère des Communications, de la Marine et des Ressources naturelles irlandais datée du 17 octobre 2001, et d’une réponse à une question au parlement irlandais formulée en 2005, produites par les requérants, que le système de répartition du quota en vigueur en Irlande présente un caractère à la fois mixte et évolutif. Ces documents montrent que coexistent un système de ratios pour le segment de la flotte pélagique d’eau de mer réfrigérée et l’attribution d’un tonnage fixe pour le segment de la flotte polyvalente. Les ratios et le tonnage en question sont susceptibles d’être modifiés, ainsi qu’en témoigne le fait que, en 2001, le ratio accordé aux petits navires de la flotte pélagique d’eau de mer réfrigérée est passé de 3,5 à 5 et la quantité de maquereau que le segment polyvalent de la flotte a été autorisé à capturer est passée de 1 000 à 7 000 tonnes.

49      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les requérants ne satisfont pas à l’une des conditions de recevabilité posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE.

50      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé et la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission. L’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il y a donc lieu de décider que le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Les requérants, Atlantic Dawn Ltd et autres, supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 juin 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l'anglais.