Language of document : ECLI:EU:T:2008:543

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

2 décembre 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale Cellutrim – Marque nationale verbale antérieure Cellidrin – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑169/07,

Longevity Health Products, Inc., établie à Nassau (Bahamas), représentée par Me J. Korab, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Hennig Arzneimittel GmbH & Co. KG, établie à Flörsheim (Allemagne), représentée par Mes S. Ziegler, C. Kleiner et F. Dehn, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 mars 2007 (affaire R 1123/2006‑1), relative à une procédure de nullité opposant Celltech Pharma GmbH & Co. KG, puis Hennig Arzneimittel GmbH & Co. KG à Longevity Health Products, Inc.,


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2007,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 14 novembre 2007,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2007,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Longevity Health Products, Inc., est titulaire de la marque communautaire verbale Cellutrim. Il ressort du dossier de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) que cette marque a été enregistrée le 29 septembre 2005 sous le numéro 3 979 036.

2        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement de la marque contestée a été obtenu relèvent des classes 3, 5 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »), et correspondent, pour chacune des classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; préparations pour les soins de santé, produits diététiques à usage médical, préparations d’oligo-éléments pour la consommation humaine et animale, compléments alimentaires à usage médical, compléments alimentaires minéraux, préparations vitaminées » ;

–        classe 35 : « Publicité ».

3        Le 7 novembre 2005, Celltech Pharma GmbH & Co. KG a présenté une demande en nullité de la marque communautaire pour une partie des produits protégés. Ladite demande était fondée sur son droit antérieur, à savoir la marque verbale allemande Cellidrin, enregistrée le 13 novembre 1953 et désignant des produits compris dans la classe 5 (médicaments).

4        Par décision du 3 juillet 2006, la division d’annulation a annulé l’enregistrement de la marque communautaire pour les produits relevant de la classe 5 au motif de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié. L’autre branche de la demande en nullité, concernant les produits de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice, a été rejetée.

5        Par décision du 7 mars 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours formé par la requérante contre la décision de la division d’annulation. Selon la chambre de recours, les produits visés relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice s’adressent autant aux spécialistes de la médecine qu’aux consommateurs moyens en général. Compte tenu de la nature des produits en cause, il y aurait lieu de considérer que les consommateurs ciblés feront preuve, lors de l’acte d’achat, d’une attention adéquate pour ne pas choisir le mauvais produit. Par ailleurs, dans la prononciation allemande des signes respectifs, il n’y aurait guère de différence phonétique entre les groupes de consonnes « dr » et « tr » et entre les consonnes finales « m » et « n ». Sur le plan visuel, les signes seraient également fortement similaires. Sur le plan conceptuel, l’évocation du mot « Zelle » (cellule) serait commune aux deux signes. Compte tenu de la similitude des signes et des produits en cause, il y aurait lieu de considérer qu’il existe un risque de confusion, même dans l’hypothèse d’un niveau d’attention accru de la part du public ciblé.

6        Alors que la procédure de recours était pendante, Celltech Pharma a cédé la marque Cellidrin à l’intervenante, Hennig Arzneimittel GmbH & Co. KG. Cette dernière a notifié à l’OHMI le transfert de la marque antérieure un mois avant que la chambre de recours ne rende sa décision. Cependant, cette modification des parties n’a pas été prise en compte dans la rédaction de la décision attaquée.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer recevable son recours ;

–        annuler la décision attaquée et rejeter la demande de l’intervenante tendant à l’annulation de l’enregistrement de la marque contestée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

10      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité

11      Sans soulever une exception d’irrecevabilité formelle, l’OHMI conteste, tout d’abord, la recevabilité du recours.

 Arguments des parties

12      L’OHMI estime que le recours est irrecevable pour défaut de preuve de l’établissement régulier du mandat du représentant de la requérante. Il expose que le mandat donné à Me Korab a été établi par M. Zerga, au sujet duquel aucune information n’est fournie, et qu’il date du 16 août 2005. Le pouvoir de M. Zerga aurait été établi et signé par M. Gape. L’OHMI fait valoir que, même en acceptant le pouvoir donné en 1998 à M. Zerga comme un commencement de preuve de la validité du mandat donné en 2005 à Me Korab, la preuve que M. Gape est qualifié pour représenter la requérante aurait dû être fournie par la présentation d’actes authentiques, tels qu’un extrait du registre du commerce ou les statuts de la société. L’attestation, en l’espèce, par le biais d’un document établi par un cabinet d’avocats – dont M. Gape, la personne présentée comme étant le président de la société, est un associé – ne constituerait pas une preuve suffisante.

13      L’intervenante n’a pas formulé d’observations à cet égard.

14      La requérante n’a pas demandé l’autorisation de déposer un mémoire en réplique.

 Appréciation du Tribunal

15      Aux termes de l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure, « [s]i le requérant est une personne morale de droit privé, il joint à sa requête : […] b) la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet ».

16      En vertu de l’article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure, il incombe au greffier de vérifier d’office la régularité de la requête et de fixer au requérant, le cas échéant, un délai raisonnable aux fins de régularisation de la requête ou de production de la pièce mentionnée ci-dessus.

17      En l’espèce, le greffe a demandé la régularisation de la requête afin d’obtenir la preuve que M. Gape était autorisé à représenter la requérante. Dans les délais impartis, la requérante a produit un « Certificate of Incumbency » (liste certifiée des administrateurs avec leurs fonctions), établi par un notaire le 30 juillet 2007, dont il ressort que M. Gape était le directeur et président de la requérante et qu’il occupait cette position à la date à laquelle il a établi un pouvoir en faveur de M. Zerga, signataire du mandat donné à Me Korab. Dans ces conditions, il a été établi sur la base de preuves documentaires que ce dernier était autorisé à représenter la requérante.

18      Dans la mesure où l’OHMI fait valoir que la personne présentée comme étant le président de la requérante est un associé du cabinet d’avocats qui a établi le « Certificate of Incumbency », force est de constater que l’OHMI n’a pas expliqué la pertinence de ce fait, à supposer même qu’il soit établi. En outre, le « Certificate of Incumbency » n’a pas simplement été établi par un avocat, mais par un avocat en sa qualité de notaire (notary public).

19      Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par l’OHMI doit être rejetée.

 Sur le fond

20      Au soutien de son recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

21      La requérante fait valoir que, en vertu d’une jurisprudence constante, le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être apprécié globalement en fonction de la perception générale que le public ciblé a des deux marques opposées.

22      Selon la requérante, étant donné que les produits et les services en cause concernent la santé humaine au sens le plus large, les consommateurs font preuve d’une attention accrue, car ils sont conscients du fait que, s’agissant de marques dérivées ou inspirées de la nomenclature chimique, le moindre écart peut être décisif et qu’une confusion entre les produits peut entraîner des conséquences non désirées.

23      En outre, la chambre de recours n’aurait pas pris position sur les moyens du titulaire de la marque, mais aurait considéré que les similitudes des deux marques verbales en cause étaient suffisantes pour constater l’existence d’un risque de confusion.

24      L’OHMI soutient que les arguments de la requérante ne sont pas concluants, voire qu’ils ne sont pas suffisamment étayés pour lui permettre de préparer sa défense.

25      L’intervenante expose que les produits opposés sont identiques ou similaires, qu’il existe une ressemblance tant phonétique que visuelle entre les marques en cause et que, dès lors, l’OHMI aurait conclu, à juste titre, que même dans le cas d’une attention accrue du public, il y aurait un risque de confusion.

 Appréciation du Tribunal

26      En vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, une marque communautaire est déclarée nulle, sur demande formée auprès de l’OHMI, lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement et que les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement sont remplies.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 17 septembre 2008, FVB/OHMI – FVD (FVB), T‑10/07, non publié au Recueil, points 25 à 27, et la jurisprudence citée].

28      En l’espèce, il est constant entre les parties que les produits opposés sont identiques ou similaires. En outre, la requérante ne conteste pas la définition du public ciblé, mais seulement le niveau d’attention sur lequel la chambre de recours s’est fondée et éventuellement les conclusions qu’elle en a tirées pour affirmer l’existence d’un risque de confusion.

–       Sur le niveau d’attention du public ciblé

29      Il convient de relever qu’il existe un différend entre les parties quant aux constatations de la chambre de recours relatives au niveau d’attention du public ciblé. Dans sa requête, la requérante reproche en substance à la chambre de recours de ne pas être partie de l’hypothèse d’un niveau d’attention accru de la part du public ciblé, tandis que l’OHMI affirme que tel était le cas. L’intervenante adopte un point de vue intermédiaire, en avançant que la chambre a conclu, à titre principal, que l’on ne pouvait pas supposer une attention accrue du public, mais que celle-ci a ajouté, à titre subsidiaire, que, même dans le cas d’une attention accrue du public, il y aurait néanmoins un risque de confusion.

30      Il convient, à cet égard, de constater que la chambre de recours a suivi un raisonnement en trois étapes. Tout d’abord, elle part du principe que, étant donné que sont en cause, en partie, des produits du secteur de la santé qui peuvent être obtenus sans ordonnance, on ne peut pas, de manière générale, supposer une attention accrue du public (point 46 de la décision attaquée). Toutefois, même un consommateur moyen fera preuve d’une « attention adéquate » en présence de produits relevant de la classe 5 (point 47 de la décision attaquée). Enfin, même en supposant, de manière générale, un niveau d’attention accru, le risque de confusion persisterait (point 57 de la décision attaquée).

31      Dès lors, il convient de constater que, en fin de compte, la chambre de recours se rallie à la position de la division d’annulation et constate qu’il existe un risque de confusion même si le niveau d’attention du public ciblé est accru (point 57 de la décision attaquée).

32      Il s’ensuit que, dans la mesure où la requérante a fait grief à la chambre de recours de s’être fondée sur un niveau d’attention erroné, ce grief est manifestement dépourvu de tout fondement, car, au moins à titre subsidiaire, la chambre de recours a explicitement considéré l’hypothèse d’un niveau d’attention accru.

–       Sur les autres griefs

33      Dans son mémoire en réponse, l’OHMI n’a pas abordé la question de la similitude des signes opposés, en faisant valoir que, au cas où la requérante ne contesterait pas seulement le niveau d’attention constaté par la chambre de recours, ce grief ne serait pas suffisamment étayé pour permettre à l’OHMI de préparer sa défense et doit être rejeté comme irrecevable.

34      À cet égard, force est de constater que, dans la requête, la requérante se borne effectivement à faire valoir que la chambre de recours n’a pas pris position sur les arguments du titulaire de la marque, mais qu’elle a considéré que les similitudes des deux marques verbales en cause étaient suffisantes pour constater l’existence d’un risque de confusion.

35      Hormis les observations sur le niveau d’attention du public ciblé, la requête ne contient aucun argument susceptible de mettre en cause l’analyse relative à la comparaison des signes en conflit effectuée par la chambre de recours. À cet égard, la requête ne satisfait donc pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

36      En outre, au cas où les arguments de la requérante devraient être compris en ce sens qu’elle fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir tiré les conclusions appropriées du fait que le niveau d’attention du public pertinent soit accru, à savoir que, dans ce cas, il y aurait lieu d’exclure un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, ce grief serait également manifestement irrecevable, puisqu’il n’a pas été étayé dans la requête.

37      Enfin, dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner la conclusion de la requérante visant au rejet de la demande de l’intervenante tendant à l’annulation de l’enregistrement de la marque contestée.

38      En conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Longevity Health Products, Inc. est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 décembre 2008.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’allemand.