Language of document : ECLI:EU:C:2016:635

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 septembre 2016 (*)

« Recours en annulation – Choix de la base juridique – Article 43, paragraphe 2, TFUE ou article 43, paragraphe 3, TFUE – Organisation commune des marchés des produits agricoles – Règlement (UE) no 1308/2013 – Article 7 – Règlement (UE) no 1370/2013 – Article 2 – Mesures relatives à la fixation des prix – Seuils de référence – Prix d’intervention »

Dans l’affaire C‑113/14,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, introduit le 10 mars 2014,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et A. Lippstreu ainsi que par Mme A. Wiedmann, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. M. Holt ainsi que par Mmes C. Brodie et J. Kraehling, en qualité d’agents, assistés de M. A. Bates, barrister,

et

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Škeřík, J. Vláčil et D. Hadroušek, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes L. G. Knudsen et R. Kaškina ainsi que par M. U. Rösslein, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. G. Maganza et J.‑P. Hix ainsi que par Mme S. Barbagallo, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par :

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et G. von Rintelen, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur), A. Borg Barthet, E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de l’article 7 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671, ci-après le « règlement OCM unique »), ainsi que de l’article 2 du règlement (UE) no 1370/2013 du Conseil, du 16 décembre 2013, établissant les mesures relatives à la fixation de certaines aides et restitutions liées à l’organisation commune des marchés des produits agricoles (JO 2013, L 346, p. 12, ci-après le « règlement de fixation »).

 Le cadre juridique

 Le règlement OCM unique

2        Aux termes des considérants 2, 5, 10, 12 et 14 du règlement OCM unique :

« (2) Il importe que le présent règlement contienne tous les éléments fondamentaux de l’organisation commune des marchés des produits agricoles.

[...]

(5)      Conformément à l’article 43, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Conseil doit adopter les mesures relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives. Dans un souci de clarté, lorsque l’article 43, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’applique, le présent règlement devrait indiquer explicitement que les mesures seront adoptées par le Conseil sur cette base juridique.

[...]

(10)      Afin de stabiliser les marchés et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, un système de soutien du marché prix différencié en fonction des secteurs a été mis en place et des régimes de soutien direct ont été instaurés en tenant compte des besoins propres à chacun de ces secteurs, d’une part, et de l’interdépendance entre ces derniers, d’autre part. Ces mesures prennent la forme d’une intervention publique ou d’un paiement d’une aide au stockage privé. Il reste nécessaire de maintenir des mesures de soutien du marché tout en les rationalisant et en les simplifiant.

[...]

(12)      Par souci de clarté et de transparence, il y a lieu de prévoir une structure commune pour les dispositions relatives à l’intervention publique, tout en maintenant la politique menée dans chaque secteur. À cet effet, il convient d’opérer une distinction entre les seuils de référence et les prix d’intervention et de définir ces derniers. Ce faisant, il importe, en particulier, de préciser que seuls les prix de l’intervention publique correspondent aux prix administrés appliqués visés à l’annexe 3, paragraphe 8, première phrase, de l’accord de l’OMC sur l’agriculture (c’est-à-dire le soutien des prix du marché). Dans ce contexte, il convient de considérer que l’intervention sur les marchés peut prendre la forme d’une intervention publique ainsi que d’autres formes d’intervention qui ne sont pas fondées sur des indications de prix établies au préalable.

[...]

(14)      Il convient que le prix de l’intervention publique consiste en un prix fixe pour certaines quantités de certains produits et dépende dans les autres cas de la procédure d’adjudication, reflétant la pratique et l’expérience tirées des [organisations communes des marchés] antérieures. »

3        L’article 7 du règlement OCM unique, intitulé « Seuil de référence », prévoit :

« 1.      Les seuils de référence suivants sont fixés :

a)      en ce qui concerne le secteur des céréales, 101,31 [euros] par tonne, au stade du commerce de gros, marchandise rendue magasin non déchargée ;

b)      en ce qui concerne le riz paddy, 150 [euros] par tonne pour la qualité type telle qu’elle est définie à l’annexe III, point A, au stade du commerce de gros, marchandise rendue magasin non déchargée ;

c)      en ce qui concerne le sucre de qualité type telle qu’elle est définie à l’annexe III, point B, non emballé, départ usine :

i)      pour le sucre blanc : 404,4 [euros] par tonne ;

ii)      pour le sucre brut : 335,2 [euros] par tonne ;

d)      en ce qui concerne la viande bovine, 2 224 [euros] par tonne pour les carcasses de bovins mâles de classe de conformation R3, conformément à la grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses de bovins âgés de huit mois ou plus visée à l’annexe IV, point A ;

e)      en ce qui concerne le secteur du lait et des produits laitiers

i)      246,39 [euros] par 100 kg pour le beurre ;

ii)      169,80 [euros] par 100 kg pour le lait écrémé en poudre ;

f)      en ce qui concerne la viande de porc, 1 509,39 [euros] par tonne pour les carcasses de porcs de qualité type définie en termes de poids et de teneur en viande maigre, conformément à la grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses de porcs visée à l’annexe IV, point B, comme suit :

i)      les carcasses d’un poids de 60 à moins de 120 kg : classe E ;

ii)      les carcasses d’un poids de 120 à 180 kg : classe R ;

g)      en ce qui concerne l’huile d’olive :

i)      1 779 [euros] par tonne pour l’huile d’olive vierge extra ;

ii)      1 710 [euros] par tonne pour l’huile d’olive vierge ;

iii)      1 524 [euros] par tonne pour l’huile d’olive lampante à 2 degrés d’acidité libre (ce montant étant réduit de 36,70 [euros] par tonne pour chaque degré d’acidité supplémentaire).

2.      Les seuils de référence prévus au paragraphe 1 sont régulièrement examinés par la Commission, compte tenu de critères objectifs, notamment de l’évolution de la production, des coûts de production (en particulier du prix des intrants) et des tendances du marché. Si nécessaire, les seuils de référence sont mis à jour conformément à la procédure législative ordinaire en fonction de l’évolution de la production et des marchés. »

4        L’article 15 du règlement OCM unique, intitulé « prix d’intervention publique », dispose :

« 1.      On entend par “prix d’intervention publique”,

a)      le prix auquel les produits sont achetés dans le cadre de l’intervention publique lorsque cet achat est effectué à un prix fixe ; ou

b)      le prix maximal auquel les produits admissibles à l’intervention publique peuvent être achetés lorsque cet achat est effectué dans le cadre d’une adjudication.

2.      Les mesures relatives à la fixation du niveau du prix d’intervention publique, y compris les montants des augmentations et des réductions, sont adoptées par le Conseil conformément à l’article 43, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

 Le règlement de fixation

5        Aux termes des considérants 2 et 3 du règlement de fixation :

« (2) Par souci de clarté et de transparence, il y a lieu de prévoir une structure commune pour les dispositions relatives à l’intervention publique, tout en maintenant la politique menée dans chaque secteur. À cet effet, il convient d’opérer une distinction entre les seuils de référence établis dans le règlement [OCM unique], d’une part, et les prix d’intervention, d’autre part, et de définir ces derniers. Seuls les prix d’intervention publique correspondent aux prix administrés appliqués visés à l’annexe 3, paragraphe 8, première phrase, de l’accord de l’OMC sur l’agriculture (c’est-à-dire le soutien des prix du marché). Dans ce contexte, il convient de considérer que l’intervention sur les marchés peut prendre la forme d’une intervention publique ainsi que d’autres formes d’intervention qui ne sont pas fondées sur des indications de prix établies au préalable.

(3)      Il convient de prévoir le niveau du prix d’intervention publique auquel l’achat est effectué à un prix fixe ou dans le cadre d’une adjudication, notamment lorsqu’une adaptation des prix d’intervention publique peut s’avérer nécessaire. De même, des mesures doivent être prises concernant les limitations quantitatives pour l’exécution de l’achat à un prix fixe. Dans les deux cas, les prix et les limitations quantitatives devraient refléter la pratique et l’expérience tirées des organisations communes de marché antérieures. »

6        L’article 1er du règlement de fixation, qui définit le champ d’application de ce règlement, prévoit :

« Le présent règlement prévoit les mesures relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives liés à l’organisation commune unique des marchés agricoles établie par le règlement [OCM unique]. »

7        L’article 2 du règlement de fixation, intitulé « Prix d’intervention publique », dispose :

« 1.      Le niveau du prix d’intervention publique :

a)      pour le froment tendre, le froment dur, l’orge, le maïs, le riz paddy et le lait écrémé en poudre, est égal aux seuils de référence respectifs fixés à l’article 7 du règlement [OCM unique] dans le cas d’un achat à prix fixe et n’est pas supérieur aux seuils de référence respectifs dans le cas d’un achat effectué dans le cadre d’une adjudication ;

b)      pour le beurre, est égal à 90 % du seuil de référence fixé à l’article 7 du règlement [OCM unique] dans le cas d’un achat à prix fixe et n’est pas supérieur à 90 % du seuil de référence dans le cas d’un achat effectué dans le cadre d’une adjudication ;

c)      pour la viande bovine, n’est pas supérieur au niveau visé à l’article 13, paragraphe 1, point c), du règlement [OCM unique].

2.      Les prix d’intervention publique pour le froment tendre, le froment dur, l’orge, le maïs et le riz paddy visés au paragraphe 1 sont ajustés par l’application de bonification ou de réfactions sur la base des principaux critères de qualité pour ces produits.

3.      La Commission adopte des actes d’exécution déterminant les bonifications ou réfactions du prix d’intervention publique pour les produits visées au paragraphe 2 du présent article dans les conditions qu’il précise. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 15, paragraphe 2. »

 Les antécédents du litige

8        L’organisation commune des marchés agricoles a été codifiée pour la première fois d’une manière homogène et globale par le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (JO 2007, L 299, p. 1), adopté sur base de l’article 37 CE.

9        Les dispositions dont la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation ont été adoptées dans le contexte d’une réforme de la politique agricole commune (PAC) intervenue après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et du traité FUE.

10      Le 12 octobre 2011, la Commission a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant organisation commune des marchés des produits agricoles, en application de l’article 43, paragraphe 2, TFUE. L’article 7 de cette proposition de règlement OCM unique portait, dans cette version, sur la fixation des « prix de référence ».

11      Le même jour, la Commission a présenté une proposition de règlement du Conseil établissant les mesures relatives à la fixation de certaines aides et restitutions liées à l’organisation commune des marchés des produits agricoles qui était fondée sur l’article 43, paragraphe 3, TFUE.

12      Le 13 septembre 2012, la présidence du Conseil de l’Union européenne a fait savoir au Comité spécial « Agriculture » que, selon son appréciation, seul le Conseil était habilité à fixer les prix de référence des produits agricoles pouvant faire l’objet d’interventions publiques, conformément à l’article 43, paragraphe 3, TFUE. Selon le Conseil, une large majorité des États membres partageaient cette appréciation.

13      Après de longues discussions entre le Parlement, la présidence du Conseil et la Commission, le secrétariat général du Conseil a transmis, le 4 juin 2013, un rapport sur l’état du trilogue informel concernant le règlement OCM unique entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Il en ressortait que la fixation des prix de référence constituait un point de litige. Au cours des négociations, le Parlement avait signalé qu’il n’approuverait pas le paquet de réforme de la PAC, en l’absence de réglementation sur les prix de référence dans le futur règlement OCM unique.

14      Le 25 juin 2013, la présidence du Conseil a transmis un addendum à un document de travail, qui reprenait les points de litige subsistant. Sous l’intitulé « Prise de position sur les dispositions relatives à l’article 43, paragraphe 3 » (« Positions on Article 43(3) related provisions ») concernant le règlement OCM unique, elle a proposé, comme objectif de compromis (landing zone) l’utilisation de la notion de « seuil de référence ».

15      Lors du vote portant sur la modification de l’orientation générale, qui a eu lieu également le 25 juin 2013, cette orientation a été adoptée à la majorité. Toutefois, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord se sont abstenus.

16      Le 25 septembre 2013, la présidence du Conseil a transmis un document de travail comportant l’intégralité de la version consolidée du projet de règlement OCM unique. Dans cette version, l’ensemble du projet reflétait l’accord trouvé au sein des trilogues internes. L’article 7 de la version consolidée du projet de règlement OCM unique était intitulé « Seuils de référence » et non plus « Prix de référence ». Le contenu de la réglementation restait toutefois inchangé.

17      Le 13 décembre 2013, le secrétariat général du Conseil a transmis une note aux délégations, selon laquelle le « résultat des négociations relatives au recours à l’article 43, paragraphe 3, TFUE s’inscri[vai]t dans le cadre du compromis global sur la réforme actuelle de la PAC et ne préjuge[ait] en rien de la position de chaque institution concernant le champ d’application de cette disposition ni de tout développement ultérieur sur la question, notamment de toute nouvelle jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ».

18      Dans une « [d]éclaration du Conseil sur l’article 43, paragraphe 3, [TFUE] », il a été indiqué, en ce qui concerne les résultats des négociations relatives à la PAC, lors du trilogue du mois de juin 2013, que « le Conseil confirm[ait] que sa décision visant à ce que le règlement OCM unique porte sur des questions relevant de l’article 43, paragraphe 3, du TFUE avait pour seul objectif, dans les circonstances exceptionnelles de ce trilogue, de permettre un compromis ».

19      La République fédérale d’Allemagne a déclaré qu’elle ne pouvait, pour différentes raisons, soutenir certaines des propositions de règlements relatifs à l’organisation commune des marchés. Cet État membre faisait notamment valoir que, en vertu de l’article 43, paragraphe 3, TFUE, le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte les mesures relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives et qu’il relève donc de la compétence exclusive du Conseil d’arrêter de telles règles. Également selon cet État membre, il n’était pas acceptable de s’écarter de cette règle claire de répartition des compétences entre les institutions de l’Union, prévue par les traités.

20      Le 16 décembre 2013, lors du vote relatif à l’adoption du règlement OCM unique, la République fédérale d’Allemagne s’est opposée à cette adoption et le Royaume-Uni s’est abstenu. Lors du vote relatif à l’adoption du règlement de fixation, qui a eu lieu le même jour, ces États membres se sont abstenus.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

21      La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour d’annuler l’article 7 du règlement OCM unique et l’article 2 du règlement de fixation, de maintenir les effets desdites dispositions jusqu’à l’entrée en vigueur des réglementations adoptées sur la base juridique appropriée et de condamner le Parlement ainsi que le Conseil aux dépens.

22      Le Parlement demande à la Cour de déclarer le recours irrecevable et, à titre subsidiaire, de le rejeter comme non fondé. Cette institution demande par ailleurs à la Cour de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

23      Le Conseil s’en remet à la sagesse de la Cour pour statuer sur les demandes principales de la République fédérale d’Allemagne et demande à la Cour, dans le cas où cette dernière accueillerait ces demandes, de dire pour droit que les effets des dispositions attaquées doivent être considérés comme « définitifs », au sens de l’article 264, deuxième alinéa, TFUE, jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions adoptées sur la base juridique appropriée, et de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

24      Par une décision du président de la Cour du 22 mai 2014, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Parlement. Par des décisions du président de la Cour des 7 et 17 juillet 2014, la République tchèque et le Royaume-Uni, respectivement, ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République fédérale d’Allemagne.

 Sur la recevabilité

 Argumentation des parties

25      Le Parlement et la Commission considèrent que la demande d’annulation partielle du règlement OCM unique est irrecevable au motif que la disposition dont l’annulation est demandée n’est pas détachable des autres dispositions de l’acte en cause. En effet, l’article 7 du règlement OCM unique remplirait plusieurs fonctions dans le cadre de ce règlement, lesquelles seraient étroitement liées aux autres dispositions dudit règlement. En outre, cet article s’inscrirait pleinement dans les objectifs du règlement OCM unique et servirait à atteindre ces objectifs. Partant, la substance du même règlement serait modifiée si ledit article 7 devait être annulé.

26      En revanche, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République tchèque et le Royaume-Uni ainsi que le Conseil, considère que les dispositions dont l’annulation est demandée sont détachables des autres dispositions des règlements dont elles font partie. À l’appui de son argumentation, elle fait valoir, notamment, que la proximité entre les seuils de référence et les prix d’intervention figurant dans le règlement de fixation est plus importante que celle existant entre les seuils de référence et les autres dispositions du règlement OCM unique. Il n’existerait de surcroît aucun élément susceptible de démontrer que la substance du règlement OCM unique, qui comporte plus de deux cents articles, serait modifiée par l’annulation de son article 7, relatif aux seuils de référence.

 Appréciation de la Cour

27      En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte en cause. La Cour a itérativement jugé qu’il n’est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 18 mars 2014, Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point 16 ainsi que jurisprudence citée).

28      En l’espèce, il convient de rappeler, d’une part, que l’article 7 du règlement OCM unique fixe les seuils de référence de différents produits agricoles en euros et en cents par unité de poids du produit concerné.

29      D’autre part, le règlement OCM unique établit une organisation commune des marchés pour tous les produits agricoles énumérés à l’annexe I des traités et porte sur des aspects aussi divers que, notamment, l’intervention publique sur les marchés, l’aide au stockage privé, les régimes d’aides dans les différents secteurs agricoles concernés, les règles relatives à la commercialisation et aux organisations de producteurs ainsi que les échanges avec les États tiers.

30      Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 41 de ses conclusions, ces différents aspects visés par le règlement OCM unique sont dépourvus de lien avec les seuils de référence fixés à l’article 7 de celui-ci. Seuls les prix d’intervention, dont la définition figure certes à l’article 15 de ce règlement, mais qui sont établis dans le règlement de fixation, peuvent être considérés comme ayant un lien avec lesdits seuils.

31      Il s’ensuit que l’article 7 du règlement OCM unique concerne un aspect détachable du cadre réglementaire établi par celui-ci et, par conséquent, son annulation éventuelle n’affecterait pas la substance de ce règlement.

32      Partant, le recours de la République fédérale d’Allemagne tendant à l’annulation partielle du règlement OCM unique est recevable.

 Sur le fond

 Argumentation des parties

33      La République fédérale d’Allemagne soutient que le Parlement et le Conseil ont fondé l’article 7 du règlement OCM unique sur une base juridique erronée. Cette disposition contiendrait des « prix de référence » qui, même si cette dénomination a été remplacée par l’expression « seuils de référence », constituent une « mesure relative à la fixation des prix ». Partant, cet article aurait impérativement dû être adopté sur le fondement de l’article 43, paragraphe 3, TFUE.

34      À l’appui de sa position, la République fédérale d’Allemagne, premièrement, avance des arguments tenant au régime antérieur de l’organisation commune des marchés agricoles, à savoir celui résultant du règlement no 1234/2007, dont le considérant 16 définissait le « prix de référence » comme étant un prix résultant d’une décision de principe du Conseil. Dans ce contexte, cet État membre rappelle que le règlement no 1234/2007 conférait expressément au Conseil le pouvoir de modifier les prix de référence. De surcroît, l’ancienne organisation commune du marché agricole tout comme la genèse du règlement OCM unique en général et de l’article 7 de celui-ci en particulier démontreraient que le système des mesures relatives à la fixation des prix des produits agricoles n’a pas été modifié quant au fond et que les « prix de référence », désormais appelés « seuils de référence », continuent à servir de « filet de sécurité » de la PAC.

35      Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne se réfère au libellé de l’article 43, paragraphe 3, TFUE, qui n’opère, selon elle, aucune distinction entre les prix au sens strict ou au sens large, dès lors qu’il vise toutes les « mesures relatives à la fixation des prix ». Ainsi, tous les éléments essentiels de la fixation des prix relèveraient de la compétence exclusive du Conseil. D’ailleurs, il ressortirait des points 54 et 59 de l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790), que l’article 43, paragraphe 3, TFUE accorde au Conseil le pouvoir d’adopter des actes autres que des actes d’exécution et que le champ d’application de cette disposition ne se limite pas aux mesures relatives à la fixation des prix. Il conviendrait de conclure, a fortiori, que l’article 7 du règlement OCM unique relève du champ d’application de cette disposition. En effet, étant donné que l’article 7 du règlement OCM unique fixe une unité monétaire précise pour certains produits agricoles et que, par la suite, l’article 2 du règlement de fixation définit le prix d’intervention comme étant un certain pourcentage du « seuil de référence », l’article 7 du règlement OCM unique constituerait un élément essentiel de la fixation des prix.

36      Troisièmement, s’agissant des objectifs poursuivis à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, la République fédérale d’Allemagne soutient qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du règlement OCM unique que les seuils de référence doivent être mis à jour en fonction de l’évolution de la production et des marchés. Si l’autorité normative compétente doit réagir de manière rapide, flexible et efficace à des perturbations du marché, cette réaction serait beaucoup plus rapide si le Conseil était compétent puisque, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, cette institution ne serait plus obligée de consulter le Parlement.

37      Quatrièmement, la République fédérale d’Allemagne soutient qu’il ressort du point 58 de l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790), que l’article 43, paragraphe 2, TFUE et l’article 43, paragraphe 3, TFUE constituent deux bases juridiques clairement distinctes qui s’excluent mutuellement, sans qu’existe entre elles une hiérarchie. D’ailleurs, l’article 43, paragraphe 3, TFUE serait complètement vidé de son sens et perdrait donc son effet utile si l’article 43, paragraphe 2, TFUE était retenu comme base juridique en l’espèce.

38      À l’objection du Parlement, selon laquelle il résulte de l’article 40, paragraphe 2, TFUE que, en exerçant son pouvoir en vertu de l’article 43, paragraphe 2, TFUE, le législateur de l’Union est libre d’adopter toutes les mesures indiquées à l’article 40, paragraphe 2, TFUE, y compris des « réglementations des prix », la République fédérale d’Allemagne rétorque que cet argument ne tient pas compte de l’existence de l’article 43, paragraphe 3, TFUE et remet en cause l’effet utile de cette dernière disposition.

39      Au vu de l’ensemble de ces éléments, la République fédérale d’Allemagne conclut que l’article 43, paragraphe 3, TFUE constitue la seule base juridique valable pour l’adoption de l’article 7 du règlement OCM unique.

40      La République tchèque, le Royaume-Uni et le Conseil reprennent l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne. En outre, le Conseil fait valoir, en se référant à l’article 294, paragraphe 1, TFUE, que les traités n’étayent en aucune manière l’hypothèse selon laquelle la procédure législative ordinaire aurait une prééminence sur les dispositions prévoyant l’adoption d’actes non législatifs.

41      La République tchèque ajoute, notamment, que l’article 43, paragraphe 3, TFUE constitue une lex specialis par rapport aux mesures plus larges visées à l’article 43, paragraphe 2, TFUE. Cette interprétation ne serait d’ailleurs pas infirmée par l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790).

42      En outre, selon cet État membre, l’existence de deux bases juridiques distinctes serait due au fait que, au moment des négociations du traité établissant une Constitution pour l’Europe, qui ont abouti à l’adoption du traité de Lisbonne, les États membres auraient voulu rester souverains en ce qui concerne les coûts de la PAC. Ce serait précisément pour cette raison que l’article 37 CE, qui constituait une base juridique unique, a été, ainsi que l’a constaté la Cour au point 57 de l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790), remplacé par deux bases juridiques distinctes qui poursuivent des finalités différentes et ont chacune un champ d’application spécifique.

43      Le Royaume-Uni précise qu’il ressort de l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790), que l’article 43, paragraphe 3, TFUE ne se limite pas à conférer un pouvoir résiduel ou à accorder une délégation de pouvoir au Conseil, mais attribue un pouvoir exclusif à cette institution pour l’adoption de toutes les mesures relatives à la fixation des prix, en particulier celles impliquant des appréciations techniques et scientifiques. L’adoption d’une disposition telle que l’article 7 du règlement OCM unique, qui fixe directement des prix, relèverait donc a fortiori de la compétence exclusive du Conseil.

44      Le Parlement, soutenu par la Commission, partage l’opinion de la République fédérale d’Allemagne, selon laquelle l’article 43, paragraphe 2, TFUE et l’article 43, paragraphe 3, TFUE constituent deux bases juridiques distinctes. Ces deux institutions considèrent que l’article 43, paragraphe 3, TFUE ne confère au Conseil que le pouvoir très spécifique, à caractère exécutif, de fixer les montants exacts et finaux des prix. Toute mesure allant au-delà d’une telle fixation relèverait du champ d’application de l’article 43, paragraphe 2, TFUE.

45      Selon le Parlement, cette interprétation est confirmée par l’arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790). En effet, il ressortirait du point 58 de cet arrêt que toutes les mesures nécessaires pour poursuivre les objectifs afférents aux politiques communes de l’agriculture et de la pêche impliqueraient un choix politique. Leur adoption serait donc réservée au législateur de l’Union.

46      Or, le mécanisme de l’intervention constituerait un élément essentiel pour atteindre les objectifs de la PAC, tels qu’énumérés à l’article 39 TFUE, ainsi que le prouverait la circonstance que, aux termes de l’article 40, paragraphe 2, TFUE, le législateur de l’Union est compétent pour adopter des réglementations des prix.

47      Le Parlement en déduit que les « mesures » que l’article 43, paragraphe 3, TFUE habilite le Conseil à adopter peuvent être qualifiées d’« actes d’exécution sui generis ». Selon lui, la procédure non législative prévue à l’article 43, paragraphe 3, TFUE doit être conçue comme une exception à la règle générale prévue à l’article 43, paragraphe 2, TFUE. La Commission, en revanche, considère qu’il existe un rapport hiérarchique entre l’article 43, paragraphe 2, TFUE et l’article 43, paragraphe 3, TFUE. Elle ajoute que le législateur de l’Union dispose d’un pouvoir d’appréciation considérable lorsqu’il accorde des délégations de pouvoirs à l’exécutif et que, en l’espèce, aucune erreur manifeste n’a été commise dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, même si l’article 43, paragraphe 3, TFUE prévoit une délégation explicite de pouvoirs.

48      En ce qui concerne l’objectif et le contenu de l’article 7 du règlement OCM unique, le Parlement fait valoir que cet objectif, identique à celui du règlement OCM unique et donc indissociable de celui-ci, vise à « établi[r] une organisation commune des marchés pour les produits agricoles ». Selon le Parlement et la Commission, l’article 7 du règlement OCM unique constitue la disposition de base du régime d’intervention dans l’organisation commune du marché. Les seuils de référence seraient, en tant que « filet de sécurité de la PAC », les déclencheurs du mécanisme d’intervention et d’autres types de mesures de soutien des marchés.

49      S’agissant de la dénomination des « seuils de référence », qui, tant dans le règlement no 1234/2007 que dans le cadre des négociations sur la réforme de la PAC, étaient appelés « prix de référence », le Parlement relève que l’intitulé de l’article 7 du règlement OCM unique a été modifié en vue de répondre à une exigence du Conseil. Pour la Commission, l’ancienne dénomination des « seuils de référence » était trompeuse car les « prix de référence » étaient déjà des valeurs seuils, qui guidaient la fixation de prix réels et n’avaient qu’une fonction d’orientation.

50      En ce qui concerne la référence faite par la République fédérale d’Allemagne au régime antérieur de l’organisation commune des marchés, le Parlement et la Commission considèrent que cet État membre omet le fait que le règlement no 1234/2007 avait été adopté sur une autre base juridique, à savoir l’article 37 CE.

51      Quant à l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel l’effet utile de l’article 43, paragraphe 3, TFUE serait compromis si l’article 7 du règlement OCM unique pouvait être fondé sur l’article 43, paragraphe 2, TFUE, le Parlement considère que l’adoption du règlement de fixation en tant que tel suffit à démontrer l’effet utile de l’article 43, paragraphe 3, TFUE. D’ailleurs, ni le Parlement ni la Commission ne voient la nécessité d’un ajustement rapide des seuils de référence eu égard aux évolutions du marché qui, selon la République fédérale d’Allemagne, exigeraient une intervention du Conseil. Selon le Parlement, même si l’article 43, paragraphe 3, TFUE vise à garantir la fixation rapide des prix et si cette mission était, lors de l’instauration de la PAC, une exigence importante, celle-ci a perdu de plus en plus de son importance et a, en pratique, disparu.

52      À titre subsidiaire, le Parlement soutient que, si l’article 7 du règlement OCM unique poursuivait des objectifs visés à l’article 43, paragraphe 2, TFUE et à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, la disposition attaquée serait toujours valable en raison de la prépondérance des objectifs visés à l’article 43, paragraphe 2, TFUE au sein du règlement OCM unique.

 Appréciation de la Cour

53      Par son moyen unique, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, en adoptant l’article 7 du règlement OCM unique sur le fondement non pas de l’article 43, paragraphe 3, TFUE, mais de l’article 43, paragraphe 2, TFUE, le Parlement et le Conseil ont choisi une base juridique erronée.

54      À cet égard, il importe, tout d’abord, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 43, paragraphe 2, TFUE, le Parlement et le Conseil sont tenus d’adopter, conformément à la procédure législative ordinaire, notamment, les « dispositions nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique commune de l’agriculture et de la pêche », alors que, conformément à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte « les mesures relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives, ainsi qu’à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche ».

55      Il convient, ensuite, de préciser que des mesures qui impliquent un choix politique réservé au législateur de l’Union en raison de leur caractère nécessaire pour poursuivre des objectifs afférents aux politiques communes de l’agriculture et de la pêche doivent être fondées sur l’article 43, paragraphe 2, TFUE. En revanche, l’adoption des mesures relatives à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche, conformément à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, ne nécessite pas de procéder à un tel choix, dès lors que de telles mesures revêtent un caractère principalement technique et qu’elles sont censées être prises pour l’exécution des dispositions adoptées sur la base de l’article 43, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2014, Parlement et Commission/Conseil, C‑103/12 et C‑165/12, EU:C:2014:2400, point 50, ainsi que du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil, C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790, points 48 et 50).

56      À cet égard, si l’article 43, paragraphe 3, TFUE accorde au Conseil le pouvoir d’adopter, notamment, des actes d’exécution dans le domaine concerné, il n’en reste pas moins que ces actes ne se confondent pas purement et simplement avec les actes conférant des compétences d’exécution, au sens de l’article 291, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil, C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790, point 54).

57      Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le Parlement, cette disposition accorde au Conseil le pouvoir d’adopter des actes qui vont au-delà de ce qui peut être considéré comme un « acte d’exécution ».

58      Par ailleurs, l’article 43, paragraphe 2, TFUE et l’article 43, paragraphe 3, TFUE poursuivent des finalités différentes et ont chacun un champ d’application spécifique de telle sorte qu’ils peuvent être utilisés séparément pour fonder l’adoption de mesures déterminées dans le cadre de la PAC, étant entendu que, lorsqu’il adopte des actes sur le fondement de l’article 43, paragraphe 3, TFUE, le Conseil doit agir en respectant les limites de ses compétences ainsi que, le cas échéant, le cadre juridique déjà établi en application de l’article 43, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce qui concerne la politique commune de la pêche, applicable mutatis mutandis à la PAC, arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil, C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790, point 58).

59      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne saurait être valablement soutenu que la Cour aurait reconnu l’existence d’une hiérarchie entre les deux dispositions en question. En effet, l’utilisation, par la Cour, des termes « le cas échéant » permet d’inférer que le Conseil peut faire usage des compétences qui lui sont reconnues à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, alors même que le législateur de l’Union n’a pas encore établi de cadre juridique en exerçant les compétences qui lui sont reconnues à l’article 43, paragraphe 2, TFUE.

60      Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que le champ d’application de l’article 43, paragraphe 3 , TFUE est susceptible de couvrir des mesures qui ne se limitent pas à la fixation et à la répartition des possibilités de pêche, pour autant que ces mesures n’impliquent pas un choix politique réservé au législateur de l’Union en raison de leur caractère nécessaire pour poursuivre des objectifs afférents aux politiques communes de l’agriculture et de la pêche (arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil, C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790, point 59).

61      Il importe, enfin, de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de cet acte (arrêts du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, C‑440/05, EU:C:2007:625, point 61, et du 26 novembre 2014, Parlement et Commission/Conseil, C‑103/12 et C‑165/12, EU:C:2014:2400, point 51).

62      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le point de savoir si le Parlement et le Conseil étaient fondés à retenir l’article 43, paragraphe 2, TFUE comme base juridique pour l’adoption de l’article 7 du règlement OCM unique.

63      S’agissant du but poursuivi à l’article 7 du règlement OCM unique, il importe de constater qu’il ressort certes, d’une part, du considérant 10 de ce règlement que, afin de stabiliser les marchés et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, un système de soutien direct a été instauré et que les mesures adoptées dans le cadre de ce système peuvent prendre la forme d’une intervention publique ainsi que, d’autre part, du considérant 12 dudit règlement, qu’il convient d’opérer une distinction entre les seuils de référence et les prix d’intervention.

64      Toutefois, ces deux éléments, en l’absence de toute autre précision de la part du législateur de l’Union, notamment à l’article 7 du règlement OCM unique, quant à l’importance alléguée des choix politiques effectués au travers de l’adoption de ces seuils, ne sont pas de nature à établir à suffisance de droit l’existence d’une telle importance.

65      Cette constatation est corroborée par la circonstance que, au vu du libellé de l’article 2 du règlement de fixation, les seuils de référence servent exclusivement d’éléments de base pour la fixation des prix d’intervention pour les produits en question.

66      D’ailleurs, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 83 de ses conclusions, les considérants 16 et 28 du règlement no 1234/2007 décrivent, de manière abstraite, le rapport existant entre les prix de référence, désormais appelés « seuils de référence », et les prix d’intervention, et permettent de considérer que les premiers constituent des éléments nécessaires au calcul des seconds. Dès lors que, conformément au considérant 12 du règlement OCM unique, le législateur de l’Union entendait maintenir la politique d’intervention menée dans chaque secteur, il y a lieu de conclure que le rapport existant entre les seuils de référence et les prix d’intervention n’a pas été affecté par l’adoption du règlement OCM unique.

67      En ce qui concerne le contenu de l’article 7 du règlement OCM unique, il importe de rappeler que le paragraphe 1 de cet article fixe, pour les produits qu’il vise, des valeurs monétaires par unité de poids. Or, la seule circonstance que le législateur de l’Union a décidé d’utiliser le terme « seuils », au lieu du terme « prix » utilisé antérieurement, ne saurait contredire le fait que ces valeurs constituent des prix. D’ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, les seuils en question sont établis en fonction, notamment, des « prix » des intrants.

68      Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il ressort du point 65 du présent arrêt, le libellé de l’article 7 du règlement OCM unique ne permet ni d’identifier les objectifs poursuivis par les seuils de référence qu’il prévoit ni de déterminer si l’adoption de cet article par le législateur de l’Union a impliqué un choix politique réservé à ce dernier en raison de son caractère nécessaire pour la poursuite des objectifs de la PAC.

69      En outre, il importe de relever que ni l’article 7 du règlement OCM unique ni aucune autre disposition de ce règlement ne contiennent une définition de la notion de « seuil de référence ». Or, l’absence, dans ledit règlement, d’une telle définition, alors que la notion de « prix d’intervention » est définie à l’article 15 du même règlement, est de nature à infirmer l’argument du Parlement selon lequel la détermination des seuils de référence implique des choix politiques réservés au législateur.

70      À cet égard, il y a lieu d’ajouter qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du règlement OCM unique que les seuils de référence doivent être réexaminés compte tenu de facteurs objectifs tels que l’évolution de la production, les coûts de production et les tendances du marché.

71      Or, ainsi que la République fédérale d’Allemagne, la République tchèque, le Royaume-Uni ainsi que le Conseil le soutiennent, un tel réexamen nécessite de procéder à des appréciations principalement techniques et scientifiques, et doit donc être distingué des mesures qui impliquent des décisions politiques qui, selon la jurisprudence de la Cour, sont réservées au législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2014, Parlement et Commission/Conseil, C‑103/12 et C‑165/12, EU:C:2014:2400, point 50). Or, l’appréciation d’éléments principalement techniques en vue de l’adoption de mesures relatives à la fixation des prix est une prérogative que l’article 43, paragraphe 3, TFUE réserve au Conseil.

72      Dans la mesure où il n’existe aucun autre élément dans le règlement OCM unique permettant d’établir valablement une distinction entre le réexamen des seuils en question et leur première fixation, et eu égard à la circonstance, relevée au point 66 du présent arrêt, selon laquelle les prix d’intervention émanent des seuils de référence, il y a lieu de conclure que la fixation desdits seuils constitue une mesure relative à la fixation des prix. Par conséquent, l’article 7 du règlement OCM unique aurait dû être adopté sur la base de l’article 43, paragraphe 3, TFUE.

73      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument du Parlement selon lequel l’article 7 du règlement OCM unique poursuit des objectifs visés tant à l’article 43, paragraphe 2, TFUE qu’à l’article 43, paragraphe 3, TFUE, de sorte que, eu égard à la prépondérance des objectifs visés à l’article 43, paragraphe 2, TFUE, l’article 7 de ce règlement ne devrait pas être annulé.

74      En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 31 du présent arrêt, l’article 7 du règlement OCM unique est clairement détachable des autres disposions de ce règlement. D’autre part, comme la Cour l’a jugé au point 58 de son arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil (C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790), l’article 43, paragraphe 2, TFUE et l’article 43, paragraphe 3, TFUE poursuivent des finalités différentes et ont chacun un champ d’application spécifique. Partant, tout comme le Conseil doit respecter les limites de ses compétences lorsqu’il adopte des mesures sur le fondement de l’article 43, paragraphe 3, TFUE, le législateur de l’Union est tenu de respecter les limites des compétences qui lui sont dévolues, lorsqu’il adopte des mesures sur le fondement de l’article 43, paragraphe 2, TFUE.

75      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le moyen unique de la République fédérale d’Allemagne.

76      Par conséquent, l’article 7 du règlement OCM unique doit être annulé.

77      Eu égard à la circonstance que l’article 2 du règlement de fixation se réfère explicitement, pour établir les prix d’intervention, aux seuils de référence fixés à l’article 7 du règlement OCM unique, l’annulation de ce dernier article vide cet article 2 de sa substance.

78      Partant, au vu des liens indissociables qui unissent l’article 7 du règlement OCM unique et l’article 2 du règlement de fixation, il y a lieu d’annuler également cet article.

 Sur la demande de maintien des effets des dispositions attaquées

79      La République fédérale d’Allemagne, aux fins de la protection d’intérêts supérieurs, et notamment pour des raisons de protection de la confiance légitime des exploitants agricoles ainsi que de sécurité juridique, demande à la Cour de maintenir, conformément à l’article 264, second alinéa, TFUE, les effets des dispositions attaquées jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions adoptées sur la base juridique appropriée. La Commission soutient cette argumentation à titre subsidiaire.

80      Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

81      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles. Ces motifs incluent, en particulier, l’erreur commise quant à la base juridique de l’acte contesté (arrêt du 1er décembre 2015, Parlement et Commission/Conseil, C‑124/13 et C‑125/13, EU:C:2015:790, point 86).

82      En l’espèce, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 232 du règlement OCM unique, ce dernier, y compris son article 7, est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 20 décembre 2013, et est applicable depuis le 1er janvier 2014.

83      Or, dans la mesure où les dispositions en cause fixent les prix auxquels l’intervention publique doit être effectuée et que cette dernière vise à garantir la stabilité des marchés et à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, leur annulation avec effet immédiat serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour les personnes concernées.

84      Dans ces conditions, il existe d’importants motifs de sécurité juridique justifiant que la Cour accède à la demande tendant au maintien des effets de l’article 7 du règlement OCM unique et de l’article 2 du règlement de fixation. Par ailleurs, il importe de relever que la République fédérale d’Allemagne n’a pas contesté la légalité de l’article 7 du règlement OCM unique en raison de sa finalité ou de son contenu, de telle sorte qu’il n’existe pas, à cet égard, d’obstacle qui pourrait empêcher la Cour d’ordonner un tel maintien des effets de ces articles.

85      Il y a lieu, par conséquent, de maintenir les effets de l’article 7 du règlement OCM unique et de l’article 2 du règlement de fixation jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder cinq mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle réglementation, fondée sur la base juridique appropriée, à savoir l’article 43, paragraphe 3, TFUE.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant conclu à la condamnation du Parlement ainsi que du Conseil et le présent recours ayant été déclaré fondé, il y a lieu de les condamner aux dépens. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, la République tchèque et le Royaume-Uni ainsi que la Commission, qui sont intervenus dans le présent litige, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1)      L’article 7 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, est annulé.

2)      L’article 2 du règlement (UE) no 1370/2013 du Conseil, du 16 décembre 2013, établissant les mesures relatives à la fixation de certaines aides et restitutions liées à l’organisation commune des marchés des produits agricoles, est annulé.

3)      Les effets de l’article 7 du règlement no 1308/2013 et de l’article 2 du règlement no 1370/2013 sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder cinq mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle réglementation, fondée sur la base juridique appropriée, à savoir l’article 43, paragraphe 3, TFUE.

4)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne sont condamnés aux dépens.

5)      La République tchèque et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.