Language of document : ECLI:EU:T:2004:368

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)
16 décembre 2004 (1)

« Fonctionnaires  –  Retrait d'emploi  –  Indemnité mensuelle au titre de l'article 50 du statut  –  Services pris en considération pour le calcul de l'indemnité  –  Emplois antérieurs à l'entrée en service auprès des Communautés  –  Transfert des droits à pension »

Dans l'affaire T-11/02,

Spyridon de Athanassios Pappas, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Mes K. Adamantopoulos et V. Akritidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission fixant la durée de l'indemnité mensuelle dont le requérant bénéficie à la suite du retrait de son emploi dans l'intérêt du service, au titre de l'article 50 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),



juge : M. M. Jaeger,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 5 juillet 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L’article 50 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») dispose :

« Tout fonctionnaire titulaire d’un emploi des grades A 1 et A 2 peut se voir retirer cet emploi dans l’intérêt du service par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination.

Ce retrait d’emploi n’a pas le caractère d’une mesure disciplinaire.

Le fonctionnaire ainsi privé de son emploi et qui n’est pas affecté à un autre emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade bénéficie d’une indemnité calculée dans les conditions fixées à l’annexe IV.

[…] »

2
L’article unique de l’annexe IV du statut intitulée « Modalités d’octroi de l’indemnité prévue aux articles 41 et 50 du statut » stipule :

« 1. Le fonctionnaire auquel il est fait application des articles 41 et 50 du statut a droit :

a)
pendant trois mois, à une indemnité mensuelle égale à son traitement de base ;

b)
pendant une période déterminée, en fonction de son âge et de la durée de ses services, sur la base du tableau figurant au paragraphe 3, à une indemnité mensuelle égale :

à 85 % de son traitement de base du quatrième au sixième mois,

à 70 % de son traitement de base au cours des cinq années suivantes,

à 60 % de son traitement de base au-delà.

[…]

3. Pour déterminer en fonction de l’âge du fonctionnaire la période pendant laquelle il bénéficie de l’indemnité prévue aux articles 41 et 50 du statut, il est appliqué à la durée de ses services le coefficient fixé dans le tableau ci-après ; cette période est arrondie, le cas échéant, au mois inférieur.

[…] »


Faits à l’origine du litige

3
Le requérant a été recruté le 1er décembre 1995 sur la base de l’article 29, paragraphe 2, du statut, en qualité de directeur général de grade A 1 auprès de la direction générale « Politique des consommateurs » de la Commission.

4
À la suite de ses demandes de transfert de droits à pension introduites conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, et compte tenu du versement aux Communautés de l’équivalent actuariel des droits à pension qu’il a acquis aux Pays-Bas et en Grèce dans le cadre de ses activités professionnelles exercées antérieurement à sa nomination à la Commission, le requérant a été informé du nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime de pensions des Communautés européennes au titre de la période de service antérieur, soit 23 années, 2 mois et 1 jour.

5
Par décision du 17 janvier 2001, prenant effet au 1er février 2001, le requérant a fait l’objet d’un retrait d’emploi dans l’intérêt du service, au titre de l’article 50 du statut. N’ayant pas été affecté à un autre emploi correspondant à son grade, il a été admis au bénéfice des droits pécuniaires prévus à l’article 50, troisième alinéa, du statut.

6
Par décision du 7 mars 2001, l’indemnité visée à l’article 50, troisième alinéa, du statut, et dont les modalités d’octroi sont précisées à l’annexe IV du statut, a été accordée pour une durée de trois ans et quatre mois.

7
Par note du 5 juin 2001, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 13 juin 2001, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre cette décision, faisant valoir que, pour calculer cette indemnité, l’administration aurait dû prendre en considération non seulement ses années de service à la Commission, mais également les années de service effectuées au niveau national, soit une période totale de 27 ans, 10 mois et 6 jours.

8
Par décision du 26 octobre 2001, dont le requérant a accusé réception le 5 novembre 2001, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant.


Procédure et conclusions des parties

9
C’est dans ces circonstances que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2002, le requérant a introduit le présent recours.

10
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

11
Conformément aux dispositions de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a attribué l’affaire à M. M. Jaeger, siégeant en qualité de juge unique.

12
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 5 juillet 2004.

13
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision de l’AIPN fixant la durée de l’indemnité visée à l’article 50 du statut ;

condamner la Commission aux dépens.

14
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

statuer sur les dépens comme de droit.


En droit

15
Le requérant soutient que, pour calculer l’indemnité dont il bénéficie au titre de l’article 50 du statut, la Commission aurait dû prendre en considération les années durant lesquelles il a travaillé au niveau national avant de rejoindre la Commission. À l’appui de son recours, le requérant, formule, en substance, trois griefs, tirés, premièrement, du texte et de la finalité de l’article 50 et de l’annexe IV du statut, deuxièmement, du principe d’égalité de traitement et, troisièmement, de la libre circulation des personnes.

Arguments des parties

Sur le premier grief, relatif au texte et à la finalité de l’article 50 du statut

16
Le requérant fait valoir, en premier lieu, que l’article 11, paragraphe 2, et l’article 12 de l’annexe VIII du statut prévoient, respectivement, qu’en cas de transfert des droits à pension ou en cas d’octroi d’une allocation de départ la durée des services antérieurs à l’entrée en fonctions aux Communautés dudit fonctionnaire est considérée comme service effectif. Le requérant soutient que cette règle doit être appliquée par analogie lorsqu’il s’agit de calculer l’indemnité visée à l’article 50 du statut.

17
Le requérant ayant transféré aux Communautés les droits à pension acquis aux Pays‑Bas et en Grèce, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut relatif aux droits à pension, les années de service effectuées au niveau national avant sa nomination comme fonctionnaire à la Commission devraient, selon lui, être considérées comme service effectif, en d’autres termes, comme « service effectué au sein des Communautés », et être prises en considération pour le calcul de l’indemnité visée à l’article 50 du statut.

18
Le requérant estime, en deuxième lieu, que, en vertu du principe général de droit selon lequel, lorsque le législateur ne procède pas à des distinctions, celui qui applique le droit n’est pas autorisé à le faire lui‑même, il n’est pas permis d’établir une différence entre les années de service effectuées au niveau national, d’une part, et les années de service effectuées au niveau communautaire, d’autre part, pour calculer l’indemnité visée à l’article 50 du statut. Ainsi, on ne pourrait, par exemple, tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle de l’intéressé lors de son recrutement conformément à l’article 29, paragraphe 2, du statut, ou lors de son classement à un des échelons de son grade conformément à l’article 32 du statut, mais ne pas prendre en considération cette même expérience lors de l’application de l’article 50.

19
Le requérant affirme, en troisième lieu, que si le législateur avait voulu viser exclusivement le service au niveau communautaire lors de l’application de l’article 50 du statut, il aurait soit utilisé l’expression « à la durée de son service », plutôt que l’expression « durée de ses services », soit décrit la période à prendre en considération de façon précise ainsi qu’il l’a fait à l’article 34, paragraphe 5, du statut, relatif à la non-titularisation d’un fonctionnaire.

20
En tout état de cause, le requérant soutient qu’effectuer une distinction entre service effectif et service non effectif, là où le législateur communautaire utilise une formulation générale, constituerait une interprétation arbitraire et erronée de la législation.

21
Le requérant souligne, en quatrième lieu, que l’article 50 du statut vise à la fois à satisfaire à l’intérêt du service et à réparer le préjudice subi par le fonctionnaire pour des raisons étrangères à ses capacités ou à la qualité de ses prestations dans le service. L’indemnité étant accordée au bénéfice de l’intéressé en contrepartie du large pouvoir discrétionnaire dont l’AIPN dispose en la matière, l’article 50 du statut devrait être interprété en faveur de l’intéressé.

22
L’adoption de l’interprétation la plus avantageuse pour l’intéressé quant au calcul de la durée du bénéfice de l’indemnité visée à l’article 50 du statut serait confortée par la rédaction de l’annexe IV du statut. Le requérant relève, à cet égard, la formulation générale utilisée au paragraphe 3 de cette annexe qui mentionne la « durée de ses services », sans faire de distinction entre service effectif ou service non effectif, ou entre service effectué dans les institutions communautaires et service effectué au niveau national. De même, le requérant fait observer que le paragraphe 1 de cette même annexe prévoit que le bénéfice de l’indemnité est maintenu au-delà de l’âge de 60 ans, aussi longtemps que le fonctionnaire n’a pas encore atteint le taux maximal de la pension d’ancienneté.

23
L’argument de la Commission selon lequel la prise en compte des années de service au niveau national en cas de transfert des droits à pension reviendrait à opérer, dans l’application de l’article 50 du statut, une différence de traitement difficilement justifiable au regard de l’objectif poursuivi par l’indemnité entre fonctionnaires ayant sollicité un transfert de leurs droits à pension et ceux qui ne l’ont pas fait ne serait pas fondé. En effet, d’une part, chacun serait libre de demander ou non le transfert de ses droits à pension et, d’autre part, le transfert des droits à pension aux Communautés impliquerait la perte de certains avantages découlant du système de pension antérieure.

Sur le deuxième grief, relatif au principe d’égalité de traitement

24
Le requérant soutient que l’interprétation de l’article 50 du statut retenue par la Commission viole l’article 12 CE ainsi que le principe d’égalité de traitement qui en découle, en ce qu’elle conduit à traiter de manière discriminatoire les fonctionnaires qui ont travaillé antérieurement en dehors de l’administration communautaire par rapport aux fonctionnaires qui ont effectué toute leur carrière professionnelle au sein de celle-ci. Or, l’article 39 CE, selon lequel toute discrimination en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail est interdite, viserait toutes formes de discrimination fondées sur la nationalité, c’est-à-dire non seulement les discriminations directes, mais aussi les formes dissimulées de discrimination qui aboutissent, par application d’autres critères de distinction, au même résultat. Le principe d’égalité de traitement serait devenu un principe de protection du citoyen européen et plus uniquement un moyen de non-discrimination entre ressortissants des États membres en raison de la nationalité (arrêts de la Cour du 12 mai 1998, Martínez-Sala, C-85/96, Rec. p. I-2691, et du 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C‑274/96, Rec. p. I-7637).

25
De nombreux arrêts de la Cour sanctionneraient la violation du principe d’égalité de traitement, eu égard à la non-prise en compte de services effectués dans un autre État membre, lors du recrutement de personnel par l’administration publique (arrêt de la Cour du 23 février 1994, Scholz, C-419/92, Rec. p. I-505), aux fins du classement d’un médecin au sein d’un groupe de rémunération (arrêt de la Cour du 15 janvier 1998, Schöning-Kougebetopoulou, C-15/96, Rec. p. I-47), aux fins de l’octroi de suppléments d’ancienneté et de classement dans un grade déterminé au sein de l’administration publique (arrêt de la Cour du 12 mars 1998, Commission/Grèce, C‑187/96, Rec. p. I‑1095), aux fins de la détermination de la rémunération lors du recrutement (arrêt de la Cour du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund, C‑195/98, Rec. p. I-10497), et cette jurisprudence serait transposable au cas d’espèce.

26
Dans ce contexte, le requérant soutient qu’il ne devrait pas y avoir de traitement différent entre les directeurs généraux nommés en application de l’article 29, paragraphe 2, du statut, en raison de leur expérience professionnelle précédente, d’une part, et les directeurs généraux promus à ce grade selon des procédures internes, d’autre part.

Sur le troisième grief, relatif à la libre circulation des personnes

27
Le requérant rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les règles communautaires relatives à la libre circulation des personnes contenues aux articles 39 CE à 42 CE s’opposent à une législation nationale défavorable aux ressortissants communautaires souhaitant poursuivre une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (arrêts de la Cour du 7 juillet 1988, Wolf e.a., 154/87 et 155/87, Rec. p. 3897, point 13, et Stanton, 143/87, Rec. p. 3877, point 13 ; du 7 juillet 1992, Singh, C-370/90, Rec. p. I‑4265, points 16 et 23) et soutient que ces règles s’opposent, dès lors, à une interprétation de l’article 50 du statut selon laquelle l’intéressé ne pourrait faire valoir ses années de service effectuées au niveau national. Une telle interprétation conduirait en effet à créer un obstacle à la libre circulation, car personne n’accepterait de rejoindre l’administration communautaire s’il devait renoncer à ses droits découlant de ses services antérieurs.

28
Le requérant prétend que la différenciation entre directeurs généraux, selon qu’ils ont été recrutés soit par le biais d’une procédure de concours visée à l’article 29, paragraphe 1, du statut, soit sur la base de la procédure de l’article 29, paragraphe 2, du statut, aurait pour effet de créer une catégorisation des directeurs généraux entre directeurs généraux de « premier ordre » et directeurs généraux de « deuxième ordre » et aurait, par conséquent, un effet dissuasif pour les candidats extérieurs aux fonctions de directeur général dans la mesure où les garanties et les droits financiers attachés à la fonction seraient moins favorables. L’interprétation de l’article 50 du statut défendue par la Commission découragerait les candidats dotés de hautes qualifications et bénéficiant de conditions de travail intéressantes de proposer leurs services à l’administration communautaire. Or, afin d’attirer les meilleurs candidats externes aux institutions, il conviendrait de leur offrir au moins les mêmes droits que ceux accordés aux candidats internes.

29
La Commission soutient que seules les années de service effectuées au niveau communautaire sont à prendre en compte pour calculer l’indemnité au titre de l’article 50 du statut.

Appréciation du Tribunal

30
Aux termes de l’article 50 du statut, tout fonctionnaire des grades A 1 et A 2 peut se voir retirer son emploi dans l’intérêt du service par décision de l’AIPN. Le fonctionnaire ainsi privé de son emploi qui n’est pas affecté à un autre poste correspondant à son grade bénéficie d’une indemnité calculée dans les conditions fixées à l’annexe IV du statut. Le paragraphe 3 de l’article unique figurant à cette annexe IV prévoit que, pour déterminer la période pendant laquelle le fonctionnaire bénéficie de l’indemnité prévue à l’article 50, il est appliqué à la durée de ses services un coefficient fixé en fonction de l’âge du fonctionnaire.

31
À titre liminaire, il convient de souligner que le requérant, ainsi qu’il l’a expressément confirmé à l’audience en réponse à une question du Tribunal, ne conteste pas la légalité de l’article 50 du statut ou de l’annexe IV du statut au regard des traités, mais uniquement l’interprétation donnée par la Commission aux termes « durée de ses services » mentionnés à ladite annexe. En substance, le requérant soutient que l’expression « durée de ses services » vise non seulement les services effectués au profit des Communautés, mais également les emplois occupés antérieurement au niveau national.

32
Il résulte d’une jurisprudence constante que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit communautaire ne fournit aucune définition doit être établie en considération du contexte général dans lequel ils sont utilisés et conformément à leur sens habituel en langage courant (voir, notamment, arrêts de la Cour du 27 janvier 1988, Danemark/Commission, 349/85, Rec. p. 169, point 9, et du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C-164/98 P, Rec. p. 447, point 26).

33
Il y a lieu, d’abord, de constater que, selon le langage courant, l’expression « ses services » est équivalente à l’expression « ses fonctions », de sorte que la « durée de ses services » ne couvre que la durée pendant laquelle le fonctionnaire a exercé ses fonctions au sein des institutions et non l’ensemble des emplois qu’il a occupés dans sa carrière. Il s’ensuit dès lors que la circonstance que la disposition de l’annexe IV du statut fasse référence à la « durée de ses services » au lieu de la « durée de son service » est dépourvue de toute pertinence.

34
Il convient de rappeler, ensuite, que selon une jurisprudence constante « la nécessité d’une interprétation uniforme du droit communautaire exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit considéré isolément mais exige, au contraire, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles » (arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, Koschniske, 9/79, Rec. p. 2717, point 6 ; arrêts du Tribunal du 29 septembre 1999, Neumann et Neumann-Schölles/Commission, T-68/97, RecFP p. I‑A‑193 et II‑1005, points 79 et 80, et du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, Rec. p. II‑3099, point 81). Or, force est de constater que l’interprétation littérale de l’expression « durée de ses services » est confortée par les autres versions linguistiques du statut. Ainsi, en néerlandais, c’est le terme « diensttijd » qui est utilisé, en allemand c’est l’expression « Dienstzeit » et, en anglais, le terme « length of service », soit de façon littérale « durée du service ».

35
En outre, lorsqu’une disposition du statut se réfère, sans autre précision, aux « services » d’un fonctionnaire, ceux-ci doivent se comprendre, en principe, comme visant les services que ce fonctionnaire effectue ou a effectué dans le cadre de sa relation d’emploi avec les Communautés, dès lors que le statut a pour objet de définir les droits et obligations des fonctionnaires des Communautés européennes dans leurs relations avec les institutions communautaires.

36
Enfin, l’économie générale de l’article 50 du statut et sa finalité confirment également que l’expression la « durée de ses services » figurant dans l’annexe IV du statut doit être interprétée comme visant uniquement les services effectués au sein des institutions communautaires.

37
Il convient, en effet, de rappeler à cet égard qu’en matière de retrait d’emploi dans l’intérêt du service, prévu pour les fonctionnaires des grades A 1 et A 2, l’AIPN détient un large pouvoir discrétionnaire. Le retrait d’emploi dans l’intérêt du service ne constituant pas une mesure disciplinaire, cette décision s’accompagne, si l’intéressé ne reçoit pas une nouvelle affectation, de l’octroi d’une indemnité destinée à sauvegarder les intérêts financiers des fonctionnaires qui se voient du jour au lendemain retirer leurs fonctions (arrêts de la Cour du 30 juin 1971, Almini/Commission, 19/70, Rec. p. 623, point 9, et du 11 mai 1978, Oslizlok/Commission, 34/77, Rec. p. 1099, point 15).

38
Il s’ensuit que la finalité de l’indemnité visée à l’article 50 est de compenser la décision de retrait d’emploi, laissée à la discrétion de l’AIPN, et d’assurer au fonctionnaire qui a travaillé au service des Communautés sa réinsertion dans le monde du travail, en lui octroyant, pendant une période déterminée, une indemnité mensuelle destinée à sauvegarder ses intérêts financiers. Cet avantage étant intrinsèquement lié aux services rendus aux institutions en tant que fonctionnaire des Communautés, ladite indemnité doit être proportionnelle à l’étendue de la carrière dudit fonctionnaire au sein des Communautés. Il convient d’ailleurs d’observer que le requérant n’a fait état d’aucune réglementation en vigueur dans les États membres selon laquelle, en cas de licenciement, le préavis ou l’indemnité de licenciement sont déterminés en considération de l’ensemble de la carrière et non pas en fonction de la durée du travail effectuée auprès de l’employeur qui licencie l’intéressé.

39
Enfin, il y a lieu d’admettre que la durée des services accomplis aux sein des institutions constitue un critère objectif et pertinent pour le calcul de l’indemnité visée à l’article 50 du statut, dès lors qu’il permet de compenser le préjudice subi par le fonctionnaire faisant l’objet d’une mesure de retrait d’emploi tout en assurant une proportionnalité entre cette prestation financière et l’apport pour l’institution que représente le travail effectué pour elle par le fonctionnaire.

40
Il résulte de ce qui précède que les termes « durée de ses services » mentionnés au paragraphe 3 de l’annexe IV du statut doivent se comprendre comme se référant à la durée des seules fonctions exercées par le fonctionnaire au sein des Communautés.

41
Aucun des arguments avancés par le requérant n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.

42
Premièrement, le requérant ne saurait déduire des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut un principe général, devant s’appliquer par analogie au cas d’espèce, selon lequel la durée des services antérieurs à l’entrée en fonctions dans les institutions communautaires serait à considérer comme service effectif, et, partant, à prendre en compte pour calculer l’indemnité prévue à l’article 50 du statut.

43
Conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir cessé ses activités auprès d’une administration ou d’une organisation nationale ou après avoir exercé une activité salariée ou non salariée a la faculté de transférer aux Communautés les droits à pension qu’il a acquis au titre de ses activités antérieures. Dans ce cas, l’institution au sein de laquelle le fonctionnaire entre en service détermine le nombre des annuités qu’elle prend en compte au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension transférés. De même, l’article 12 de l’annexe VIII du statut précise que, pour le calcul de l’allocation de départ, qui est versée au fonctionnaire âgé de moins de 60 ans qui cesse définitivement ses fonctions et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté, sont à considérer comme service effectif non seulement les années de service effectivement effectuées au sein des Communautés, mais également la durée de service antérieure à raison des annuités que l’institution a prises en compte au titre de la période des activités antérieures.

44
Cette règle prévue aux articles 11 et 12 de l’annexe VIII est spécifique au régime des pensions et ne saurait être lue comme l’expression d’un principe général imposant de considérer comme service effectif le travail effectué avant l’entrée au service des Communautés. En effet, d’une part, cette règle figure dans une annexe particulière du statut intitulée « Modalités du régime de pensions » et, d’autre part, elle concerne une question particulière liée à la durée des services à prendre en considération en fonction du transfert d’une somme d’argent correspondant aux cotisations payées par le fonctionnaire au niveau national. Le bénéfice des droits à pension ou l’allocation de départ étant la contrepartie des cotisations versées par le fonctionnaire durant ses années de travail, les droits à pension acquis par le fonctionnaire au niveau national et transférés aux Communautés s’ajoutent au montant de sa pension d’ancienneté ou à celui de l’allocation de départ à raison des annuités prises en compte par l’institution intéressée. Eu égard à la finalité poursuivie par les droits à pension ou l’allocation de départ, il est indispensable de prendre en considération les « années antérieures » à l’entrée en fonctions du fonctionnaire au sein des Communautés sur la base du montant des droits à pension transférés, sous peine de priver le fonctionnaire des droits à pension qu’il a acquis au niveau national avant son entrée au service des Communautés et qu’il a transférés à celles-ci.

45
En revanche, aucune considération de même nature n’impose de tenir compte des années antérieures à l’entrée en fonctions aux Communautés pour le calcul de l’indemnité mensuelle visée à l’article 50 du statut. Le fonctionnaire concerné bénéficiera en tout état de cause, outre de l’indemnité visée à l’article 50 du statut, d’une pension qui tiendra déjà compte des cotisations versées, d’une part, dans le cadre des années de service effectuées aux Communautés et, d’autre part, de ses activités antérieures à son entrée en fonctions au sein des Communautés, s’il a choisi de transférer au niveau communautaire les droits à pension qu’il a acquis au titre desdites activités.

46
De plus, les dispositions prévues à l’article 50 du statut constituent un régime autonome régissant, à la section 3 du chapitre 4 du statut intitulé « Cessation définitive des fonctions », le retrait d’emploi dans l’intérêt du service pour les fonctionnaires des grades A 1 et A 2. Partant, il ne saurait être appliqué par analogie à cette indemnité compensatoire d’une décision de retrait d’emploi une règle spécifique au régime des pensions.

47
En outre, tenir compte, ainsi que le soutient le requérant, des années de service antérieures, lorsqu’il y a eu transfert des droits à pension aux Communautés, pour calculer le montant de l’indemnité due en vertu de l’article 50 du statut aboutirait à créer une différence de traitement non justifiable, au regard de la fonction compensatoire de l’indemnité, entre les fonctionnaires ayant opéré ce transfert et ceux qui ne l’ont pas fait, car les premiers bénéficieraient d’une indemnité supérieure aux seconds pour une durée identique de services rendus aux Communautés.

48
Par ailleurs, force est de constater que le requérant n’a apporté aucun élément, ni dans ses mémoires ni lors de la procédure orale, permettant de déduire de la formulation des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut un principe selon lequel la durée des années antérieures à l’entrée en fonctions aux Communautés serait à considérer comme service effectif et qui s’appliquerait à d’autres situations, telles que le retrait d’emploi dans l’intérêt du service.

49
Deuxièmement, l’argument du requérant tiré du principe selon lequel, lorsque le législateur lui-même ne procède pas à des distinctions entre plusieurs situations, il n’y a pas lieu d’en créer une lors de l’application de la disposition en cause est manifestement dépourvu de tout fondement. En effet, il convient de constater que le législateur précisément ne fait pas de distinction entre les directeurs nommés sur la base de l’article 29, paragraphe 2, du statut et les fonctionnaires nommés directeurs par voie de promotion. Il résulte en effet d’une lecture combinée de l’article 50 du statut et de l’annexe IV du statut que tout fonctionnaire du grade A 1 ou A 2, indépendamment du type de recrutement qui lui a permis d’accéder aux fonctions qui lui ont été confiées, qui se voit retirer son emploi dans l’intérêt du service sans recevoir de nouvelle affectation a droit à une indemnité fixée en fonction de la durée de ses services au sein des institutions. Par conséquent, ainsi que le soutient le requérant lui-même, effectuer une distinction entre les directeurs selon le type de recrutement aux fins de calculer le montant de l’indemnité en cause reviendrait à procéder à une interprétation erronée et arbitraire de l’article 50 du statut. Il n’y a donc pas lieu de distinguer là où le législateur ne distingue pas et, indépendamment du mode de recrutement, seules les années de service effectuées au sein des Communautés doivent être prises en considération pour calculer l’indemnité dont l’intéressé bénéficie.

50
Troisièmement, l’argument du requérant selon lequel, si le législateur avait voulu viser exclusivement le service effectué au niveau communautaire pour calculer l’indemnité prévue à l’article 50 du statut, il l’aurait mentionné expressément soit en utilisant l’expression « durée de son service » au lieu de l’expression « durée de ses services », soit en décrivant de façon précise la période à prendre en considération comme c’est le cas à l’article 34 du statut relatif à la non-titularisation d’un fonctionnaire, doit être rejeté. En effet, d’une part, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, l’utilisation du pluriel plutôt que du singulier dans l’expression « durée de ses services » n’a aucune incidence. D’autre part, si le législateur avait voulu que les années de service effectuées au niveau national soient prises en compte pour le calcul de l’indemnité visée à l’article 50 du statut, il l’aurait expressément mentionné comme il l’a fait à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII, relatif au transfert des droits à pension, ou à l’article 12 de cette même annexe, relatif à l’octroi de l’allocation de départ.

51
De même, la référence du requérant à l’article 34, paragraphe 5, du statut est dénuée de pertinence dans la mesure où cette disposition concerne la question, sans aucun rapport avec la présente espèce, de la non-titularisation du fonctionnaire stagiaire. En outre, l’article 34, paragraphe 5, du statut ne fait que confirmer le bien-fondé de l’interprétation de l’annexe IV du statut dès lors qu’il prévoit également que, en cas de non-titularisation du fonctionnaire stagiaire, il lui est accordé une indemnité de licenciement qui est proportionnelle aux services rendus à l’institution communautaire.

52
Quatrièmement, s’agissant de l’argument du requérant relatif à l’interprétation la plus avantageuse pour l’intéressé de la disposition en cause quant au calcul de l’indemnité, il suffit de rappeler que cette interprétation ne peut conduire à une interprétation contraire aux termes du texte ni à sa finalité.

53
Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions ouvrant droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (voir arrêt du Tribunal du 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, non encore publié au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée). Dès lors, en l’absence de toute référence dans le statut aux années de service antérieures à l’entrée en fonctions au sein des institutions communautaires quant à l’application de l’article 50 du statut et dès lors que le régime prévu audit article est un régime autonome, il ne saurait être contesté que la volonté du législateur était de ne tenir compte que des années de service effectuées au sein des institutions communautaires pour calculer le montant de l’indemnité compensatoire prévue en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service.

54
Il résulte de ce qui précède que, eu égard tant à l’interprétation littérale de l’article unique de l’annexe IV du statut qu’à la finalité de l’indemnité prévue à l’article 50 du statut, et eu égard au lien entre le service rendu au sein des institutions et ladite indemnité compensatoire, seules doivent être prises en considération les années de service effectuées au sein des institutions pour le calcul de l’indemnité visée à l’article 50 du statut.

55
Il s’ensuit que les griefs relatifs aux principes de non-discrimination et de libre circulation, dès lors qu’ils ne visent pas, ainsi que l’a expressément confirmé le requérant à l’audience, à contester la légalité de l’annexe IV ou de l’article 50 du statut, mais uniquement l’interprétation qu’en a faite la Commission, ne sauraient prospérer.

56
En tout état de cause, ces griefs sont manifestement dépourvus de tout fondement.

57
S’agissant de l’allégation selon laquelle l’interprétation retenue par la Commission aboutirait à traiter de manière discriminatoire les directeurs généraux nommés en application de l’article 29, paragraphe 2, du statut et les directeurs généraux promus à ce grade à travers des procédures internes de promotion, il suffit de constater, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, que, pour tous les fonctionnaires de grade A 1 ou A 2 qui font l’objet d’une mesure de retrait d’emploi dans l’intérêt du service, le calcul de l’indemnité s’opère de la même façon en fonction des données objectives que sont l’âge et le nombre d’années de service effectuées au sein des Communautés, et ce indépendamment de leur mode de recrutement.

58
S’agissant, enfin, du grief tiré d’une atteinte à la libre circulation des personnes, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si l’article 39 CE a vocation à s’appliquer dans le cadre du statut, il suffit de noter que l’interprétation litigieuse ne saurait être considérée comme introduisant une discrimination fondée sur la nationalité contraire à l’article 39 CE dès lors que le montant de l’indemnité visée à l’article 50 du statut est fixé indépendamment de l’État membre d’origine ou de résidence du fonctionnaire concerné par une décision de retrait d’emploi. D’autre part, l’octroi de cette indemnité dépend essentiellement d’un événement futur et hypothétique, à savoir d’une décision de retrait d’emploi dans l’intérêt du service. Or, pareil événement constitue une circonstance trop aléatoire et indirecte pour que l’interprétation de l’article 50 retenue par la Commission puisse être regardée comme étant de nature à entraver la libre circulation des travailleurs (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 janvier 2000, Graf, C‑190/98, Rec. p. I‑493, point 25).

59
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme non fondé.


Sur les dépens

60
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1
Langue de procédure : le français.