Language of document : ECLI:EU:T:2012:81

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS

16 février 2012 (*)

  « Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel de fonds et de ressources économiques – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑656/11 R,

Morison Menon Chartered Accountants, établie à Dubaï (Émirats arabes unis),

Morison Menon Chartered Accountants – Dubaï Office, établie à Dubaï,

Morison Menon Chartered Accountants – Sharjah Office, établie à Sharjah (Émirats arabes unis),

représentées par Mes H. Viaene, T. Ruys et D. Gillet, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M.-M. Joséphidès et S. Kyriakopoulou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution, d’une part, du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 11), et, d’autre part, de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 319, p. 71), dans la mesure où ils ajoutent à la liste des personnes et des entités dont les fonds et les ressources économiques sont gelés l’entité désignée sous le nom de « Morison Menon Chartered Accountant »,


LE JUGE DES RÉFÉRÉS,

remplaçant le président du Tribunal, conformément à l’article 106 du règlement de procédure du Tribunal,

rend la présente

Ordonnance

1        Les requérantes, Morison Menon Chartered Accountants, Morison Menon Chartered Accountants – Dubaï Office et Morison Menon Chartered Accountants – Sharjah Office, sont trois sociétés de conseil établies aux Émirats arabes unis.

2        Le présent litige trouve son origine dans l’inclusion de « Morison Menon Chartered Accountant », parmi les entités faisant l’objet de gel de fonds et de ressources économiques, dans le cadre du régime de mesures restrictives instauré en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran pour qu’elle mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        À cet égard, il convient de rappeler que, le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1737 (2006), dont l’annexe énumère les personnes et entités qui, selon le Conseil de sécurité, étaient impliquées dans la prolifération nucléaire en Iran et dont les fonds et ressources économiques devaient être gelés. Cette liste a été régulièrement mise à jour par le Conseil de sécurité par le biais de différentes résolutions.

4        Afin de mettre en œuvre la résolution 1737 (2006), le Conseil de l’Union européenne a, le 27 février 2007, adopté la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49). Cette position commune a été abrogée et remplacée par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 39).

5        Outre le gel de fonds et de ressources économiques des personnes et des entités désignées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, envisagé à l’article 20, paragraphe 1, sous a), de la décision 2010/413, l’article 20, paragraphe 1, sous b), de cette même décision prévoit le gel de fonds et de ressources économiques de personnes et d’entités non désignées par lesdites résolutions, mais concourant au programme nucléaire ou de missile balistique de la République islamique d’Iran. Il est notamment prévu le gel des fonds et des ressources économiques des entités qui sont la propriété de, sont sous le contrôle de ou agissent pour le compte de l’Islamic Republic of Iran Shipping Lines (IRISL).

6        La décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), a inscrit l’entité « Morison Menon Chartered Accountant » sur la liste des personnes et des entités visées à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.

7        En vue de mettre en œuvre la position commune 2007/140, le Conseil avait adopté le règlement (CE) n° 423/2007, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1). Le règlement n° 423/2007 a été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 961/2010 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques qui appartiennent aux personnes et aux entités non visées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui ont été reconnues « conformément à l’article 20, paragraphe 1, [sous] b), de la décision 2010/413 […] comme étant une personne morale, une entité ou un organisme détenu par [l’IRISL] ou se trouvant sous son contrôle ».

8        Par son règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11), le Conseil a inscrit l’entité « Morison Menon Chartered Accountant » sur la liste des personnes et des entités auxquelles l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 s’applique, liste figurant à l’annexe VIII de ce règlement.

9        La justification de l’inscription de l’entité « Morison Menon Chartered Accountant » sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 est la suivante : « Société écran d’IRISL, détenue ou contrôlée par [l’]IRISL ou une filiale d’IRISL ».

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2011, les requérantes ont introduit un recours visant à obtenir l’annulation de la décision 2011/783 ainsi que du règlement n° 1245/2011 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») dans la mesure où ils les concernent.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent, en substance, à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        déclarer la demande de mesures provisoires recevable ;

–        surseoir, en application de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, à l’exécution des actes attaqués ;

–        surseoir à l’exécution des actes attaqués ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

12      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 13 janvier 2012, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

13      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

14      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

15      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

16      Par ailleurs, il importe de souligner que l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

17      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

18      Il convient d’examiner d’abord si la condition de l’urgence est remplie.

19      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du président du Tribunal du 8 juin 2009, Dover/Parlement, T‑149/09 R, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

20      En application d’une jurisprudence bien établie, un préjudice d’ordre purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94], les circonstances exceptionnelles étant établies s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui sollicite la mesure provisoire se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale. L’imminence de la disparition du marché constituant effectivement un préjudice tant irrémédiable que grave, l’adoption de la mesure provisoire demandée apparaît justifiée dans une telle hypothèse (voir ordonnance du président du Tribunal du 9 juin 2011, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, T‑533/10 R, non publiée au Recueil, point 30, et la jurisprudence citée).

21      Les requérantes soutiennent que, à défaut d’obtenir le sursis à exécution sollicité, elles seront confrontées à un risque de disparition imminente du marché. Au soutien de cette allégation, elles allèguent trois types de préjudices qui seraient causés par les actes attaqués : premièrement, une perte grave et irrémédiable de clientèle, deuxièmement, la fermeture de leurs comptes bancaires et, troisièmement, le risque de devoir rembourser de manière anticipée les sommes dues au titre d’un contrat de prêt conclu pour l’acquisition de l’un de leurs locaux.

22      Il convient d’emblée d’écarter plusieurs des préjudices allégués comme étant dénués de pertinence pour l’examen de l’urgence.

23      Il en est ainsi, en premier lieu, de la fermeture des comptes bancaires des requérantes auprès de l’Abu Dhabi Commercial Bank et de la National Bank of Dubaï. En effet, ainsi que les requérantes le reconnaissent elles-mêmes dans la demande en référé, ces établissements bancaires ne sont pas légalement tenus au respect des mesures de gel de fonds et de ressources économiques décidées au titre de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010, en ce qu’ils ne peuvent être considérés comme relevant de la juridiction d’un des États membres de l’Union. Partant, à supposer même que les requérantes ne soient pas en mesure d’ouvrir un compte bancaire auprès d’un autre établissement, il n’est pas démontré qu’un sursis à l’exécution des actes attaqués soit de nature à empêcher la réalisation des préjudices qu’elles présentent comme la conséquence directe de la clôture de ses comptes bancaires (impossibilité de rémunérer ses salariés, départ de ceux-ci, impossibilité d’obtenir les permis de travail nécessaires à leur remplacement, perte de clientèle).  En tout état de cause, il convient de souligner que de tels préjudices auraient pour cause déterminante un choix autonome d’opérateurs économiques et non les actes attaqués (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du président du Tribunal du 26 mars 2010, PPG et SNF/ECHA, T‑1/10 R, non publiée au Recueil, points 64 à 66 ; voir, également, ordonnances du président du Tribunal du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission, T‑326/07 R, non publiée au Recueil, point 110 ; du 17 décembre 2007, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑367/07 R, non publiée au Recueil, points 103 et 104, et du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée au Recueil, point 56).

24      Il en va de même, en deuxième lieu, de l’éventualité qu’un autre établissement bancaire, la Bank of Baroda, demande le remboursement anticipé d’un prêt consenti aux requérantes pour l’acquisition de l’un de leurs locaux. D’une part, il convient de souligner qu’un tel préjudice ne revêt pas un degré de probabilité suffisant pour être pris en compte. L’article 12 du contrat de prêt, auquel les requérantes se réfèrent, prévoit la possibilité d’une résiliation unilatérale du contrat dans l’éventualité où, en substance, le maintien dudit prêt revêtirait un caractère illégal. Or, dans la mesure où la Bank of Baroda n’apparaît pas être tenue au respect des mesures de gel de fonds et de ressources économiques décidées au titre de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010, il peut apparaître douteux que la condition d’application de l’article 12 du contrat puisse être considérée comme remplie. D’autre part, et par voie de conséquence, dans l’éventualité même où un tel événement trouverait à se réaliser, il conviendrait également de conclure, pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 23 ci-dessus, que les actes attaqués ne pourraient être considérés comme la cause déterminante de ce préjudice.

25      En ce qui concerne, en troisième lieu, le préjudice allégué consistant en une perte totale et irrémédiable de leur clientèle, les requérantes exposent ce qui suit :

–        certains de leurs clients font partie de groupes de sociétés dont le siège se situe dans l’Union et sont légalement tenues d’interrompre leurs relations (ci-après les « clients européens »). La part importante que représentent ces clients dans le total de leurs revenus suffirait à démontrer la gravité du préjudice et l’existence d’une urgence ;

–        ce préjudice vaut également à l’égard de leurs autres clients et, notamment, ceux établis dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ;

–        il est très probable que les établissements bancaires situés aux Émirats arabes unis les retirent de leur liste d’auditeurs agréés, ce qui occasionnera une perte supplémentaire de clientèle et qu’ils ne recourent plus à elles pour l’audit de leurs comptes fiduciaires.

26      En ce qui concerne ces deux dernières allégations de perte de clientèle, et pour des raisons identiques à celles exposées au point 23 ci-dessus, elles ne sauraient être prises en compte dans l’examen de la condition relative à l’urgence, en ce qu’elle ont pour cause déterminante le comportement d’opérateurs économiques non soumis au respect des actes attaqués. Seule la première allégation sera donc examinée.

27      Il ressort, certes, des documents fournis en annexe de la demande de référé que les clients européens des requérantes ont généré près de 26 % de leurs revenus. Si cette proportion n’est pas négligeable, elle ne permet, cependant, pas d’établir que, en l’absence d’octroi du sursis à l’exécution des actes attaqués, les requérantes se trouveraient dans une situation susceptible de mettre en péril leur existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale.

28      Il convient également de rappeler que s’il ressort de la jurisprudence qu’il peut être tenu compte du fait que, en l’absence de la mesure provisoire demandée, les parts de marché de la partie qui la sollicite seraient modifiées de manière irrémédiable, ce n’est qu’à la condition que cette modification irrémédiable des parts de marché présente aussi un caractère grave, ce qui implique que la part de marché risquant d’être irrémédiablement perdue doive être suffisamment importante. Une partie sollicitant une mesure provisoire qui se prévaut de la perte d’une telle part de marché doit démontrer, en outre, que des obstacles de nature structurelle ou juridique rendent impossible la reconquête d’une fraction appréciable de celle-ci, notamment par des mesures appropriées de publicité (ordonnance du président du Tribunal du 27 août 2008, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 R, non publié au Recueil, point 35).

29      Ainsi, pour que le préjudice financier consistant dans la perte de ses clients européens puisse être considéré comme relevant des circonstances exceptionnelles mentionnées au point 20 ci-dessus, il aurait été nécessaire que les requérantes démontrent que, au regard des circonstances propres de l’espèce, il revêtait un caractère non seulement grave, mais également irrémédiable. Or, s’il n’est pas douteux que le préjudice consistant dans la perte des clients européens des requérantes revêt un caractère grave, il n’est pas démontré qu’il est irrémédiable, en ce que les requérantes, dans l’éventualité où il serait fait droit au recours principal, ne seraient pas en mesure de renouer leurs relations commerciales avec une fraction appréciable de leurs clients européens. En cela, la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à l’ordonnance United Phosphorus/Commission, point 23 supra, à laquelle les requérantes se réfèrent.

30      Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que la condition relative à l’urgence fait défaut et que la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’un sursis à exécution sont remplies.

31      Partant, il convient de rejeter les chefs de conclusions demandant au Tribunal de surseoir à l’exécution des actes attaqués.

Par ces motifs,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 16 février 2012.

Le greffier

 

       Le juge

E. Coulon

 

       M. Prek


* Langue de procédure : l’anglais.