Language of document : ECLI:EU:T:2014:134

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 février 2014(*)

« Recours en annulation – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Liste des personnes et entités auxquelles s’appliquent ces mesures restrictives – Délai de recours – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑187/13,

Mahmoud Jannatian, demeurant à Téhéran (Iran), représenté par Mes E. Rosenfeld et S. Monnerville, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. F. Naert et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, dans la mesure où ils concernent le requérant, de : la position commune 2008/479/PESC du Conseil, du 23 juin 2008, modifiant la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 43) ; la décision 2008/475/CE du Conseil, du 23 juin 2008, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 29) ; la position commune 2008/652/PESC du Conseil, du 7 août 2008, modifiant la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 213, p. 58) ; la décision 2009/840/PESC du Conseil, du 17 novembre 2009, mettant en œuvre la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 303, p. 64) ; le règlement (CE) n° 1100/2009 du Conseil, du 17 novembre 2009, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la décision 2008/475/CE (JO L 303, p. 31) ; la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39) ; la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81) ; le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1) et le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

2        Le requérant, M. Mahmoud Jannatian, est un citoyen iranien qui travaille dans le secteur de l’énergie en Iran.

3        Par la position commune 2008/479/PESC, du 23 juin 2008, modifiant la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 43), et par la décision 2008/475/CE, du 23 juin 2008, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 29), le Conseil de l’Union européenne a décidé d’inscrire le nom du requérant sur les listes des personnes et entités auxquelles s'appliquaient ces mesures restrictives.

4        Les listes d’origine ont été modifiées à plusieurs reprises, ce qui a donné lieu aux listes modifiées visées aux points 5 à 9 ci-après (ci-après, prises ensemble, la « liste »).

5        Par la position commune 2008/652/PESC, du 7 août 2008, modifiant la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 213, p. 58), le Conseil a maintenu l’inscription du nom du requérant sur la liste.

6        Par la décision 2009/840/PESC, du 17 novembre 2009, mettant en œuvre la position commune 2007/140/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 303, p. 64), le Conseil a maintenu l’inscription du nom du requérant sur la liste. Pareillement, le règlement (CE) n° 1100/2009, du 17 novembre 2009, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la décision 2008/475/CE (JO L 303, p. 31), maintient l’inscription du nom du requérant sur la liste.

7        Par la décision 2010/413/PESC, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), le Conseil a maintenu l’inscription du nom du requérant sur la liste.

8        Par la décision 2010/644/PESC, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), le Conseil a maintenu l’inscription du nom du requérant sur la liste. Le règlement (UE) n° 961/2010, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), a également maintenu l’inscription du nom du requérant sur la liste.

9        Par le règlement (UE) n° 267/2012, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), le Conseil a maintenu l’inscription du nom du requérant sur la liste.

10      Tous les actes attaqués, sous la forme de positions communes, décisions et règlements, sont énumérés aux points 3 à 9 ci-dessus (ci-après les « actes attaqués »).

11      Le 11 décembre 2012, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision 2010/413 et par le règlement n° 267/2012 (JO C 380, p. 7). Cet avis attire l’attention des personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 quant à la possibilité d’adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle elles ont été inscrites sur la liste en question, en y joignant des pièces justificatives.

Procédure

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2013, le requérant a introduit le présent recours.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 juin 2013, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

14      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2013, le requérant a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité en modifiant par ailleurs ses chefs de conclusions pour, d’une part, soutenir la recevabilité du recours et, d’autre part, exciper de l’illégalité de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012.

Conclusions

15      Dans la requête et ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler les actes attaqués, en ce qu’ils la concernent ;

–        déclarer l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 illégal ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

16      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

17      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

18      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la demande du Conseil sans ouvrir la procédure orale.

19      Le Conseil excipe de l’irrecevabilité du présent recours contre les actes attaqués au motif qu’il a été introduit hors délai. Même en calculant le délai de deux mois prévu à l’article 263 TFUE à partir des actes les plus récents, à savoir l’avis du 11 décembre 2012 (voir point 11 ci-dessus) et la lettre de notification adressée au requérant le même jour, le recours serait hors délai. À cet égard, le Conseil relève qu’il a également adressé au requérant des lettres de notification l’informant de son inscription sur la liste et de la possibilité de contester cette inscription, les 25 juin 2009, 18 novembre 2009, 24 mai 2011 et 5 décembre 2011.

20      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

21      Selon une jurisprudence constante, le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Il appartient au juge de l’Union de vérifier, le cas échéant d’office, s’il a été respecté (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39).

22      Or, il convient de constater, en l’espèce, que le recours a été introduit le 2 avril 2013, à savoir plus de trois mois et demi après la publication, le 11 décembre 2012, du dernier avis annonçant le maintien du nom du requérant sur la liste (voir point 11 ci-dessus). Même en tenant compte du fait que le délai de deux mois pour l’introduction d’un recours en annulation ne commence à courir, conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, qu’à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel et que ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, en application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, ce délai était expiré lors de l’introduction du recours, le 2 avril 2013. Il en va nécessairement de même des délais de recours applicables aux actes d’inscription et de réinscription du nom du requérant sur la liste, qui font également l’objet du présent recours, dans la mesure où l’ensemble de ces actes se fonde sur des motifs strictement identiques. Ces motifs se réfèrent aux fonctions que le requérant a exercées au sein de l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran lors de son inscription initiale et qu’il affirme avoir cessé d’exercer en 2007.

23      Le requérant considère néanmoins que son recours est recevable. Il estime en substance que le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE n’a pas commencé à courir, parce que la publication d’un avis ne saurait constituer le point de départ de ce délai. Il fait valoir que le Conseil ne pouvait pas procéder à la publication d’un avis pour trois raisons. D’abord, le requérant excipe de l’illégalité de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, qui permet au Conseil, sous certaines conditions, de communiquer une décision d’inscription du nom d’une personne sur une liste, au moyen de la publication d’un avis au Journal officiel. Ensuite, cette disposition ne s’appliquerait qu’aux décisions d’inscription initiale et non aux décisions de réinscription subséquentes. Enfin, les conditions énoncées à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 ne seraient en tout état de cause pas réunies dans le cas d’espèce.

24      Il convient donc de vérifier si ces trois arguments permettent d’infirmer le constat fait au point 22 ci-dessus, selon lequel le recours est tardif.

25      S’agissant, en premier lieu, de l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, il convient de relever que cette disposition, ainsi que les dispositions correspondantes dans les règlements antérieurs, prévoient que le Conseil communique sa décision d’inscription sur la liste à la personne concernée, y compris les motifs de cette inscription, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d'un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

26      Le requérant estime que cette disposition est contraire à l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Cet article ne permettrait pas de remplacer une notification individuelle par la publication d’un avis général. Selon le requérant, le critère décisif prévu par cet article concerne la question de savoir si la personne intéressée a effectivement pris connaissance des mesures restrictives adoptées à son encontre. Or, la publication d’un avis, conformément à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, ne permettrait pas de répondre à cette question.

27      Cet argument ne saurait être accueilli.

28      Premièrement, l’article 263, sixième alinéa, TFUE ne prévoit ni une réglementation exhaustive des modes de communication des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, ni une telle règlementation en ce qui concerne la computation du délai de recours. Il s’agit d’une disposition susceptible de faire l’objet d’une réglementation interprétative plus détaillée.

29      C’est ainsi que les articles 253 TFUE, 254 TFUE et 257 TFUE prévoient l’adoption de règlements de procédure par les juridictions de l’Union, qui, selon l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, concernent également les délais de distance qui doivent être pris en compte pour le calcul du délai de recours. Par ailleurs, dans la mesure où l’article 263, sixième alinéa, TFUE prévoit trois types de communication des actes émanant des institutions de l’Union et étant susceptibles de recours, à savoir la publication de l’acte attaqué, sa notification au requérant ou, à défaut, la prise de connaissance, sans préciser les conditions dans lesquelles chacun de ces modes de communications s’applique, des réglementations plus détaillées, telles que celle contenue à l’article 46, paragraphe 3, du règlement 267/2012, peuvent être requises pour apporter les précisions nécessaires.

30      Deuxièmement, il y a lieu d’observer que la Cour a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de dispositions similaires à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, sans qu’elle ait émis de réserves quant à leur validité. Il s’agit notamment de l’arrêt de la Cour 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil), dans lequel la Cour a jugé valable la communication indirecte des actes contestés aux personnes intéressées par un avis publié au Journal officiel, lorsqu’il était impossible de procéder à une communication directe à cette personne par voie de notification. La Cour n’a pas conditionné son analyse à la question de savoir si la communication par avis avait permis aux personnes intéressées de prendre effectivement connaissance des actes attaqués (arrêt Gbagbo/Conseil, précité, points 60 à 62).

31      S’agissant en deuxième lieu, de l’argument selon lequel l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 ne peut s’appliquer à des décisions de réinscription, le requérant fait valoir que cette disposition doit être interprétée à la lumière du paragraphe 2 de ce même article, qui autorise le Conseil à modifier l’annexe IX dudit règlement, lorsqu’il décide d’appliquer des mesures restrictives à une personne ou à une entité. Il s’ensuivrait a contrario que l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 ne concerne pas les décisions de maintien d’une inscription sur une liste.

32      Cet argument ne saurait prospérer.

33      Contrairement à ce que le requérant fait valoir, l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 concerne tant les décisions d’inscription que les décisions de réinscription du nom d’une personne sur une liste. En effet, cette disposition doit être interprétée non seulement à la lumière du paragraphe 2 du même article, mais par rapport à l’ensemble des paragraphes de ce même article. Or, il ressort de l’ensemble des dispositions qu’il comporte que l’article 46 du règlement n° 267/2012, y compris son paragraphe 2, se réfère aux décisions d’inscrire une personne sur la liste, et ce sans distinguer entre les décisions d’inscription initiale et les décisions subséquentes de maintien sur la liste. Au contraire, il ressort des trois derniers paragraphes dudit article que les décisions de soumettre des personnes physiques ou morales aux mesures restrictives sont revues à intervalles réguliers, notamment en fonction de nouveaux éléments de preuve ou des observations des intéressées, ce qui implique que les décisions de maintien d’inscription de personnes sur les listes sont également visées par cette disposition.

34      S’agissant en troisième et dernier lieu, de l’argument selon lequel les conditions d’application de l’article 46, paragraphe 3, n’étaient pas réunies en l’espèce, il convient de rappeler, d’une part, l’importance du droit à une protection juridictionnelle effective dans le domaine des mesures restrictives. Selon la jurisprudence, ce droit implique que l’autorité de l’Union qui adopte un acte entraînant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité doit faire connaître à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels cet acte est fondé, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cet acte est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’il l’a été, afin de permettre à cette personne ou à cette entité l’exercice de son droit de recours (arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I‑11381, point 47). Il découle également de la jurisprudence que, si l’entrée en vigueur d’actes tels que les actes attaqués a certes lieu en vertu de leur publication, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre ces actes court, pour chacune des personnes et entités concernées, à compter de la date de la communication qui doit lui être faite (arrêt Gbagbo/Conseil, précité, point 59).

35      D’autre part, il y a lieu de se référer à la finalité du délai de recours, qui consiste à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit, en particulier à l’égard de requérants cherchant à retarder le point de départ du délai de recours en se prévalant de l’absence de communication directe ou de la prise de connaissance effective ultérieure des actes litigieux. En outre, l’application stricte des règles de procédure répond non seulement à l’exigence de sécurité juridique, mais également à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir arrêt Gbagbo/Conseil, précité, points 62 et 71, et la jurisprudence citée).

36      Or, les règles prévues à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 permettent de concilier le droit à une protection juridictionnelle effective, dont jouissent les personnes visées par des mesures restrictives, avec le principe de sécurité juridique qui est d’intérêt public. Il en va de même des réglementations similaires qui ont précédé la disposition en cause, telles que, par exemple, l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010. En effet, en prévoyant que le Conseil doit communiquer sa décision, y compris les motifs de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste, soit directement à la personne ou à l’entité concernée, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations, ces réglementations mettent l’accent sur une communication individuelle, tout en permettant une communication par avis lorsqu’une notification individuelle ne s’avère pas possible.

37      Au vu de ce qui précède, il est nécessaire d’examiner si le Conseil avait la possibilité de communiquer les actes attaqués au requérant par notification individuelle, avant de se prévaloir d’une communication par avis.

38      En l’espèce, le Conseil fait valoir qu’il a pris le soin de communiquer les actes attaqués tant par des lettres de notification individuelles que par la publication d’avis au Journal officiel. Il s’est toutefois avéré que l’adresse à laquelle ces lettres ont été envoyées n’était plus l’adresse du requérant et que le requérant n’a donc pas reçu ces lettres.

39      Le requérant soutient que son adresse n’était pas inconnue. Selon lui, une simple recherche sur l’internet aurait permis aux services du Conseil de retrouver l’adresse correcte. Dans la mesure où le Conseil n’aurait entrepris aucun effort de recherche, le requérant estime que le Conseil ne saurait se prévaloir de la possibilité de lui communiquer les actes attaqués par la publication d’avis.

40      Il ressort tant du libellé de l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 que de la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt Gbagbo/Conseil, précité (point 61), qu’une communication par voie d’avis ne constitue qu’une méthode de communication subsidiaire, dont le Conseil ne peut se prévaloir que si une communication individuelle s’avère impossible (voir point 30 ci-dessus).

41      Dans le cas d’espèce, le Conseil a procédé à des notifications individuelles par les lettres visées au point 19 ci-dessus. Il est vrai que ces lettres n’ont été envoyées qu’à partir de l’année 2009 et, de surcroît, à l’ancienne adresse du requérant. De plus, le Conseil n’a pas obtenu d’accusés de réception démontrant que les lettres avaient été effectivement reçues par le requérant.

42      Toutefois, eu égard aux circonstances de l’espèce, le Conseil n’avait pas de raison de penser, en 2012, que ces lettres n’avaient pas atteint leur destinataire et qu’il y avait lieu de vérifier l’adresse du requérant. En effet, le nom du requérant figure sur la liste de façon interrompue et ses avoirs ont été gelés depuis l’année 2008. Depuis cette époque, le Conseil a procédé à plusieurs notifications successives, tout d’abord de l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste, puis des décisions ultérieures de maintien de ladite inscription, à une adresse professionnelle du requérant, sans qu’il ressorte du dossier que le Conseil ait été informé du fait que l’adresse utilisée était erronée. De plus, ces lettres ont été envoyées à une entité gouvernementale où le requérant exerçait une haute fonction. Il n’était donc pas déraisonnable pour le Conseil de considérer que cette entité ferait suivre le courrier qu’il adressait au requérant à la nouvelle adresse de ce dernier ou qu’elle le retournerait à l’expéditeur.

43      Il s’ensuit que la véritable adresse du requérant était inconnue du Conseil et qu’il n’existait pas de raison pour lui de vérifier si l’adresse dont il disposait était exacte. Dans la mesure où l’adresse du requérant était ainsi objectivement inconnue du Conseil, l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012 permettait à celui-ci de procéder à la communication des actes attaqués par la publication d’un avis au Journal officiel.

44      Par conséquent, aucun des trois arguments soulevés par le requérant pour infirmer le constat de tardivité du recours fait au point 22 ci-dessus n’est fondé. Le recours doit donc être déclaré irrecevable dans son intégralité.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Mahmoud Jannatian supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 20 février 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : l’anglais.