Language of document : ECLI:EU:T:2015:447

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

30 juin 2015 (*)

« Aides d’État – Vente de terrains – Aide accordée à Schouten-de Jong Bouwfonds par un partenariat public-privé mis en place par la commune de Leidschendam-Voorburg – Réduction du prix de vente de terrains et exonération rétroactive du paiement des redevances pour l’exploitation et la qualité – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Notion d’aide – Critère de l’investisseur privé – Appréciation au regard de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte »

Dans les affaires jointes T‑186/13, T‑190/13 et T‑193/13,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Bulterman, B. Koopman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

partie requérante dans l’affaire T-186/13,

Gemeente Leidschendam-Voorburg (Pays-Bas), représentée par Mes A. de Groot et J.-K. Sluijs, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-190/13,

Bouwfonds Ontwikkeling BV, établie à Hoevelaken (Pays-Bas),

Schouten & De Jong Projectontwikkeling BV, établie à Leidschendam (Pays-Bas)

représentées par Mes E. Pijnacker Hordijk et X. Reintjes, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T-193/13,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2013) 87 de la Commission, du 23 janvier 2013, concernant l’aide d’État SA.24123 (2012/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par les Pays-Bas – Vente présumée de terrains à un prix inférieur au prix du marché par la commune de Leidschendam-Voorburg,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents des litiges

1        Le requérant dans l’affaire T-186/13 est le Royaume des Pays-Bas.

2        La requérante dans l’affaire T-190/13 est la Gemeente Leidschendam-Voorburg (la commune de Leidschendam-Voorburg, ci-après la « commune »), située près de La Haye (Pays-Bas).

3        Les requérantes dans l’affaire T-193/13 sont les sociétés Bouwfonds Ontwikkeling BV (ci-après « Bouwfonds ») et Schouten & De Jong Projectontwikkeling BV (ci-après « Schouten de Jong »), membres du groupement Schouten-de Jong Bouwfonds (ci-après « SJB ») qui est le bénéficiaire de la mesure d’aide d’État en cause. SJB a été constitué aux fins du projet immobilier en cause en l’espèce et n’a pas la personnalité juridique en droit néerlandais.

4        Schouten de Jong, dont le siège est situé à Voorburg (Pays-Bas), a pour activité la conception de projets immobiliers aux Pays-Bas, notamment dans la région de Leidschendam. En 2011, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros.

5        Bouwfonds, filiale de Rabo Vastgoed, a son siège à Delft (Pays-Bas) et est le plus grand promoteur immobilier des Pays-Bas et l’un des trois plus grands acteurs du marché immobilier européen. Bouwfonds exerce ses activités principalement aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. En 2011, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 1,6 milliard d’euros.

6        En tant que membres de SJB, Schouten de Jong et Bouwfonds doivent également être considérées comme bénéficiaires de la mesure d’aide d’État en cause.

 Projet immobilier

7        Le 6 avril 2004, le conseil communal de la commune a approuvé le Concept Grondexploitatie Masterplan Damcentrum (plan directeur conceptuel pour l’exploitation foncière du centre de Dam) et le Concept Masterplan Damcentrum (plan directeur conceptuel du centre de Dam), qui constituent un accord-cadre pour le réaménagement du centre de Leidschendam (ci-après le « projet du centre de Leidschendam »). Le projet du centre de Leidschendam concernait un territoire d’une superficie d’environ 20,7 hectares et comprenait la démolition d’environ 280 logements, principalement sociaux, la réhabilitation des espaces publics et des infrastructures publiques et la construction d’approximativement 600 nouvelles unités d’habitation, comprenant tant des logements sociaux que des logements du secteur libre, la réalisation d’environ 3 000 mètres carrés de surface commerciale et d’un parking souterrain de deux niveaux, ainsi que le déménagement et la reconstruction d’une école. Le projet du centre de Leidschendam a été scindé en différents sous-projets, l’un d’eux étant le projet immobilier concernant la Damplein (ci-après le « projet Damplein »). La Damplein est la place qui constitue le centre de Leidschendam.

8        Sur la base du projet du centre de Leidschendam, la commune a conclu le 9 septembre 2004 un accord de coopération avec plusieurs promoteurs privés, dont SJB (ci-après l’« accord de coopération de 2004 »).

9        La réalisation du projet du centre de Leidschendam comprenait deux phases, à savoir une phase d’exploitation foncière et une phase de construction.

10      En effet, avant que les travaux de construction correspondant à chacun des volets du projet immobilier en cause ne puissent démarrer, le terrain devait être acheté (celui-ci n’appartenant pas encore à la commune), les infrastructures publiques réhabilitées et le terrain viabilisé. Étant donné que, d’après les prévisions, cette phase d’exploitation foncière du projet devait occasionner des coûts élevés et impliquer des risques importants, la commune a décidé de conclure avec SJB un partenariat public-privé (ci-après le « PPP »), sous la forme d’une société en nom collectif, pour mener à bien les travaux en cause. Ainsi, le 22 novembre 2004, la commune et SJB ont conclu un accord de PPP pour l’exploitation foncière (ci-après l’« accord GREX »). L’article 4.1 de l’accord GREX prévoit, d’une part, que la commune et SJB fondent une société en nom collectif dans laquelle les associés sont collectivement responsables de l’exploitation du terrain sur l’ensemble de la zone de planification du centre de Leidschendam et, d’autre part, que les coûts et risques de l’exploitation du terrain sont supportés à 50 % par la commune, les 50 % restants étant supportés par SJB. Au sein du PPP, les décisions étaient prises à l’unanimité. Les deux parties devaient fournir au PPP une contribution financière directe pour l’exécution des travaux d’exploitation foncière. Le montant final des bénéfices/pertes de l’exploitation foncière devait être réparti selon les règles de l’accord de coopération de 2004, en vertu de l’article 14.3 de celui-ci.

11      Outre la viabilisation du terrain, faisaient également partie de la phase d’exploitation foncière la construction, l’exploitation temporaire et la revente de la partie publique du parking souterrain et la construction de l’école (article 4 de l’accord GREX). À cet effet, le PPP était convenu avec SJB que celui-ci bâtirait le parking public souterrain, qui était considéré comme intrinsèquement lié à la partie privée du parking (article 9 de l’accord GREX). En contrepartie, l’article 6 d’un autre accord, signé le 22 novembre 2004 entre la commune et SJB, à savoir l’accord relatif au projet SJB, prévoyait que SJB recevrait du PPP un montant maximal d’environ 4,6 millions d’euros (prix au 1er janvier 2003). La construction de la partie privée du parking devait être financée par SJB lui-même. Le PPP avait l’intention de vendre la totalité du parking à un tiers et le produit de cette vente lui serait revenu, pour ensuite le répartir entre la commune et SJB.

12      Aux fins d’exécution de l’accord de coopération de 2004 et de l’accord GREX, le PPP a, pour son propre compte, divisé le terrain de la Damplein en droits de propriété sur les parties d’un bien immeuble. Le terrain était destiné :

a)       au développement et à la réalisation par SJB d’espaces commerciaux et d’appartements d’habitation en surface ainsi que du parking privé correspondant en surface, des remises et ascenseurs/trappes d’ascenseur sur le terrain acheté au PPP ;

b)       au développement et à la réalisation pour le compte du PPP d’un parking public en sous-sol et des espaces correspondants au profit de la commune ;

c)       à l’aménagement par le PPP de la place publique sur le parking et d’un terre-plein situé en partie sur le parking au profit de la commune, autour des espaces commerciaux et des appartements sur le Damplein .

Les constructions mentionnées ci-dessus sous a) à c) forment ensemble le projet Damplein pour lequel un permis de construire global a été accordé.

13      Dans la phase d’exploitation foncière, le PPP devait générer des revenus issus, d’une part, de la vente du terrain, après sa viabilisation par le PPP, à des promoteurs privés, dont SJB, ainsi que, d’autre part, des redevances pour l’exploitation du terrain et pour la qualité dont le montant dépendait du nombre d’unités d’habitation réellement construites.

14      Chaque promoteur de projet devait acheter la partie du terrain qui lui était attribuée pour construire des logements et, dans le cas de SJB, des espaces commerciaux. Le prix du terrain était fixé à l’article 10 et à l’annexe 3 A de l’accord de coopération de 2004. Dans cet accord, il était expressément mentionné que les prix étaient des prix minimaux, qui pouvaient être majorés si la surface de plancher hors d’œuvre était plus importante que celle prévue. Ces prix étaient fondés sur un rapport d’estimation du 11 mars 2003, rédigé par un expert indépendant, dans lequel le prix était jugé conforme au marché. Le prix du terrain devait être payé dès que le promoteur privé concerné aurait reçu le permis de construire requis et au plus tard lors du transfert juridique du terrain (article 10.5 de l’accord de coopération de 2004).

15      Le prix du terrain que le PPP a vendu à SJB pour l’ensemble du projet du centre de Leidschendam a été fixé à au moins 18,5 millions d’euros (prix au 1er janvier 2003). Le prix du terrain de la partie du projet correspondant à la Damplein (ci-après le « terrain concerné ») que le PPP a vendu à SJB a été fixé à au moins 7,2 millions d’euros (prix au 1er janvier 2003), à indexer annuellement au taux de 2,5 % jusqu’à parfait paiement.

16      En outre, le PPP devait obtenir des revenus complémentaires en facturant à chaque promoteur privé, conformément à l’article 10.3 de l’accord de coopération de 2004, une redevance pour l’exploitation foncière et une redevance pour la qualité. Les montants de ces redevances ont été calculés sur la base du nombre d’unités d’habitation que chaque promoteur immobilier privé chargé des diverses parties des sous-projets devait construire et lesdites redevances pouvaient être majorées ou minorées en fonction du nombre d’unités effectivement construites. Les redevances devaient être versées au plus tard le 1er juillet 2004, en un paiement unique pour toutes les unités d’habitation que le promoteur privé concerné aurait construites dans le cadre du projet du centre de Leidschendam.

17      Pour toutes les unités d’habitation que SJB construirait dans la zone du projet du centre de Leidschendam, la redevance totale pour l’exploitation foncière était fixée à environ 1,1 million d’euros et la redevance pour la qualité à environ 0,9 million d’euros (prix au 1er janvier 2003), à indexer annuellement au taux de 2,5 % jusqu’à parfait paiement. Le montant exact qui serait finalement payé au titre des redevances dépendait du nombre d’unités d’habitation effectivement construites.

18      En ce qui concerne la phase de construction, celle-ci devait être réalisée par des promoteurs privés, dont SJB. Pour chacune des parties spécifiques du projet du centre de Leidschendam qui leur étaient attribuées, les promoteurs privés devaient construire et vendre le bien immobilier prévu pour leur propre compte et à leurs propres risques (et bénéfices). La commune n’était donc pas impliquée dans la phase de construction du projet et elle n’assumait aucun risque lié à la vente des unités d’habitation et des espaces commerciaux.

19      L’accord de coopération de 2004 prévoyait que les travaux de construction débuteraient lorsque les terrains seraient viabilisés et que les permis de construire nécessaires seraient délivrés. En ce qui concerne la construction des logements du secteur libre, les promoteurs privés pouvaient toutefois reporter les travaux de construction jusqu’à ce que 70 % desdits logements, combinés ou non aux logements sociaux, correspondant aux parties spécifiques concernées aient été prévendus (article 7.5 de l’accord de coopération de 2004, ci-après la « clause des 70 % »).

20      D’après les termes de l’accord de coopération de 2004 de même que ceux de l’accord relatif au projet SJB, SJB construirait sur la Damplein de nombreux logements et un espace commercial ainsi que le parking souterrain, avec, outre une partie privée, une partie publique. Tant les espaces commerciaux que les unités d’habitation seraient bâtis au-dessus du parking souterrain.

 Accord complémentaire de 2010

21      Les travaux de construction sur la Damplein devaient initialement commencer en novembre 2005. Cependant, les permis de construire nécessaires n’ont été délivrés qu’en novembre 2008.

22      En février 2007, SJB avait commencé la prévente des logements, mais rencontrait des difficultés à trouver des acquéreurs, si bien que seulement 20 des 67 unités d’habitation prévues ont finalement pu être prévendues. En raison de l’obtention tardive des permis de construire nécessaires, ces accords de prévente ont été annulés en septembre 2008, de telle manière qu’aucune des unités d’habitation que celui-ci devait construire sur la Damplein n’avait été prévendue lorsque SJB a enfin obtenu, en novembre de la même année, les autorisations pour commencer les travaux de construction. Entre-temps avait éclaté la crise financière qui a durement touché notamment le marché immobilier néerlandais.

23      SJB a fait savoir à ce sujet à la commune qu’il ne commencerait pas les travaux de construction, en invoquant la clause de l’accord de coopération de 2004 selon laquelle la construction des unités d’habitation pouvait être reportée si moins de 70 % de ces unités étaient vendues.

24      C’est dans ce contexte que les parties contractantes ont décidé d’entamer des négociations à la fin de l’année 2008 en vue de modifier l’accord de coopération de 2004. Après avoir confié à un expert indépendant la mission d’évaluer si le nouveau prix proposé par SJB était conforme au marché, la commune a approuvé la décision du PPP accordant à SJB une réduction du prix dont ce dernier était redevable pour le terrain concerné, ainsi qu’une renonciation au paiement des redevances dues. Cela a été formalisé dans un accord conclu le 1er mars 2010 entre la commune, le PPP et SJB (ci-après l’« accord complémentaire de 2010 »). Par cet accord, l’accord de coopération de 2004, l’accord relatif au projet SJB et l’accord GREX ont été modifiés.

25      L’article 2.1.2, paragraphe 1, de l’accord complémentaire de 2010 dispose :

« En dérogation de ce qui a été prévu dans un ou plusieurs contrats mentionnés dans les considérants[,]

i)      la somme d’achat de l’objet vendu, dont l’acheteur est redevable au vendeur à la livraison, est fixée en vertu des conditions du présent contrat à 4 000 000 euros (quatre millions d’euros) hors TVA et frais d’acheteur, majorée des intérêts [au taux] de 5 % à compter du 1er janvier 2010 [;]

ii)      les redevances liées à la viabilisation et à la qualité initialement convenues ne sont pas dues [;]

iii)      le terrain est livré aménagé. Le prix de vente est basé sur le niveau des prix au 1er janvier 2010 et n’est pas compensable. » 

26      L’accord complémentaire de 2010 mentionne également que SJB a commencé les travaux de construction sur la Damplein le 7 juillet 2009 et qu’il devait les exécuter selon un calendrier de construction ne prévoyant aucune interruption. Les travaux devaient être achevés en décembre 2011. En cas de livraison tardive, SJB devait rembourser une partie du prix réduit. La livraison du terrain concerné aurait lieu au plus tard à la mi-mars 2010 et le paiement serait effectué au plus tard le jour de la livraison.

27      Ensuite, le PPP et SJB ont conclu le 13 juillet 2009 un nouvel accord concernant le parking public souterrain. Selon cet accord, SJB commencerait les travaux de construction du parking public au deuxième trimestre de l’année 2009 et exécuterait le travail dans un délai convenu. Le PPP verserait à SJB 5,4 millions d’euros (prix au 1er avril 2009) pour la construction du parking public ; ce montant serait ferme jusqu’à la livraison et ne serait pas indexé.

 Procédure

28      Par courrier du 10 septembre 2007, la fondation Stichting Behoud Damplein Leidschendam (ci-après la « fondation »), créée en 2006 pour défendre les intérêts des riverains de la Damplein, a déposé auprès de la Commission des Communautés européennes une plainte concernant l’octroi présumé d’une aide d’État dans le contexte du projet du centre de Leidschendam.

29      Par lettre du 12 octobre 2007, la Commission a transmis la plainte aux autorités néerlandaises pour examen, en leur demandant de répondre à plusieurs questions. Les autorités néerlandaises ont répondu par courrier du 7 décembre 2007. Les 25 avril 2008, 12 septembre 2008, 14 août 2009, 12 février 2010 et 2 août 2011, la Commission a adressé aux autorités néerlandaises des demandes de renseignements complémentaires. Les autorités néerlandaises ont répondu à ces demandes respectivement les 30 mai 2008, 7 novembre 2008, 30 octobre 2009, 12 avril 2010, 29 septembre 2011 et 3 octobre 2011. Le 12 mars 2010, une réunion a eu lieu entre les services de la Commission et les autorités néerlandaises et des informations complémentaires ont ensuite été fournies à la Commission par lettre du 30 août 2010.

30      Par lettre du 26 janvier 2012, la Commission a notifié au Royaume des Pays-Bas sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant une mesure spécifique dans le contexte du projet immobilier en cause. Le 23 mars 2012, la décision de la Commission d’ouvrir ladite procédure (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure ») a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 86, p. 12). Par cette décision, la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur son appréciation provisoire de la mesure.

31      Par lettre du 18 avril 2012, les autorités néerlandaises ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture de la procédure, après un report à deux reprises du délai fixé pour la présentation des observations et après la tenue, le 12 mars 2012, d’une réunion avec les services de la Commission en présence de SJB.

32      Par lettre du 16 avril 2012, la fondation a adressé à la Commission ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure. La version non confidentielle de ces observations a été transmise aux autorités néerlandaises le 16 mai 2012. Par lettre du 14 juin 2012, les autorités néerlandaises ont présenté leur point de vue sur les observations de la fondation.

 Décision attaquée

33      Le 23 janvier 2013, la Commission a adopté la décision C (2013) 87, concernant l’aide d’État SA.24123 (2012/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par les Pays-Bas – Vente présumée de terrains à un prix inférieur au prix du marché par la commune de Leidschendam-Voorburg (ci-après la « décision attaquée »).

34      Tout d’abord, la Commission a précisé que la mesure en cause consistant en une réduction du prix du terrain et en la renonciation aux redevances (ci-après, prises ensemble, la « mesure en cause ») avait été accordée par le PPP, c’est-à-dire avec l’accord nécessaire de la commune, qui détenait une participation de 50 % dans celui-ci et que, étant donné que, au sein du PPP, les décisions étaient prises à l’unanimité et qu’aucun accord n’avait pu être conclu à propos de cette mesure sans le consentement exprès du conseil communal, la décision du PPP d’accorder la mesure en cause était imputable à l’État. Selon la Commission, si la commune n’avait pas consenti à cette mesure, le risque financier auquel elle était exposée du fait de sa participation au PPP aurait été proportionnellement moins grand. Elle en a conclu que la mesure en cause constituait donc une perte de ressources publiques (considérant 65 de la décision attaquée).

35      Dans le cadre du calcul de la valeur de l’aide, et premièrement, quant à la quantification de la réduction du prix, la Commission a constaté que le prix du terrain vendu à SJB par le PPP était fixé, dans l’accord de coopération de 2004, à 7,2 millions d’euros, à indexer chaque année au taux de 2,5 % jusqu’à parfait paiement, et que, selon les autorités néerlandaises, la valeur marchande de cette parcelle au 1er janvier 2010 s’élevait à 8,6 millions d’euros. Elle a aussi constaté que, par l’accord complémentaire de 2010, le PPP avait réduit ce prix à 4 millions d’euros (considérant 109 de la décision attaquée).

36      La Commission en a conclu que l’avantage que SJB avait reçu du fait de la réduction du prix de vente du terrain concerné se chiffrait à environ 4,6 millions d’euros (considérant 110 de la décision attaquée).

37      Deuxièmement, quant à la renonciation aux redevances, la Commission a rappelé que les redevances que SJB devait payer en vertu de l’accord de coopération de 2004 s’élevaient au total à environ 2 millions d’euros (prix au 1er janvier 2003), à indexer chaque année au taux de 2,5 % jusqu’à parfait paiement. Elle a aussi précisé que ces redevances étaient fondées sur le nombre prévu d’unités d’habitation à construire et qu’il était stipulé dans l’accord de coopération de 2004 que ces redevances seraient adaptées conformément à l’accord si moins de logements étaient construits (considérant 115 de la décision attaquée).

38      Puisque, en vertu de l’accord de coopération de 2004, SJB devait construire 74 unités d’habitation sur la Damplein et que, d’après l’accord définitif, seules 67 unités d’habitation avaient en fait été réalisées, les redevances devaient donc être réduites à un montant d’environ 1,9 million d’euros (prix au 1er janvier 2003). Le 1er janvier 2010, ces redevances avaient une valeur d’environ 2,3 millions d’euros (considérant 116 de la décision attaquée).

39      La Commission a également constaté que, sur la base de l’accord complémentaire de 2010, SJB n’était plus redevable des redevances convenues dans l’accord de coopération de 2004. Elle en a conclu que le montant de l’aide accordée à SJB du fait de la renonciation à ces redevances par le PPP s’élevait à environ 2,3 millions d’euros (considérant 117 de la décision attaquée).

40      Le calcul de la valeur de l’aide a été résumé comme suit (tableau 3 figurant au considérant 120 de la décision attaquée) :


Accord de coopération de 2004

Accord complémentaire de 2010

Réduction

 

Prix au 1. 1. 2003

Prix au 1. 1. 2010

Prix au 1. 1. 2010

Prix au 1. 1. 2010

Prix du terrain

7 253 793 EUR

8 622 480 EUR

4 000 000 EUR

4 622 480 EUR

Redevance pour l’exploitation foncière

1 077 941 EUR

1 281 333 EUR

0

1 281 333 EUR

Redevance pour la qualité

856 667 EUR

1 018 308 EUR

0

1 018 308 EUR

Total

9 188 401 EUR

10 922 121 EUR

4 000 000 EUR

6 922 121 EUR


41      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

L’aide d’État d’un montant de 6 922 121 [euros], que les Pays-Bas ont accordée illégalement le 1er mars 2010, en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], en faveur de [SJB], groupement composé de Schouten & De Jong Projectontwikkeling BV et Bouwfonds Ontwikkeling BV, sous la forme d’une réduction avec effet rétroactif du prix de vente du terrain et de la renonciation avec effet rétroactif à la redevance pour l’exploitation foncière et à la redevance pour la qualité, convenues avec la commune de Leidschendam-Voorburg, est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

[…] Les Pays-Bas récupèrent l’aide incompatible visée à l’article 1er auprès de [SJB] et/ou Schouten & De Jong Projectontwikkeling BV et/ou Bouwfonds Ontwikkeling BV […] »

 Procédure et conclusions des parties

42      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 2 avril 2013, le Royaume des Pays-Bas (affaire T‑186/13), la commune (affaire T‑190/13) et Bouwfonds et Schouten de Jong (affaire T‑193/13) (ci-après, pris ensemble, les « requérants ») ont introduit les présents recours.

43      Dans les mémoires en duplique respectifs, la Commission a soutenu que, dans les répliques, les requérants avaient soulevé des moyens nouveaux et que ces derniers étaient donc irrecevables.

44      Sur invitation du Tribunal, les requérants ont présenté des observations sur les arguments de la Commission relatifs à l’irrecevabilité des prétendus moyens nouveaux, respectivement les 23 décembre 2013 (affaire T‑186/13), 7 janvier 2014 (affaire T‑190/13) et 24 décembre 2013 (affaire T‑193/13).

45      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

46      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 17 juillet 2014, les parties entendues, les affaires T‑186/13, T‑190/13 et T‑193/13 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 octobre 2014.

48      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

49      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme non fondés ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

50      Les arguments des requérants, présentés dans un ordre différent dans chacune des trois affaires, peuvent être regroupés, en substance, en trois moyens. Ainsi, dans le cadre d’un premier moyen, les requérants affirment que la Commission a violé l’exigence fondamentale de respect d’un délai raisonnable dans la procédure administrative, et par conséquent, l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Bouwfonds et Schouten de Jong invoquent, en outre, la violation de leurs droits de la défense. Par le deuxième moyen, les requérants invoquent la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, découlant d’une erreur dans la qualification d’aide de la mesure en cause et, en tout état de cause, dans la quantification de ladite aide. Par le troisième moyen, les requérants invoquent l’application erronée de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

51      Il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

52      Dans le cadre du deuxième moyen, les requérants allèguent que la Commission a violé les dispositions de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que, à tort, elle a qualifié la mesure en cause d’aide d’État, en retenant erronément l’existence d’un avantage en faveur de SJB après avoir mis en œuvre le critère de l’investisseur privé ainsi que celui de l’incidence sur les échanges entre les États membres. En ce qui concerne le calcul de l’aide, celui-ci serait également erroné, notamment car la Commission n’aurait pas pris en compte les réductions de prix antérieures et aurait mal évalué le montant des redevances auxquelles la commune a renoncées.

 Sur la qualification d’aide de la mesure en cause

53      En substance, les requérants soutiennent que la commune a agi conformément au principe de l’investisseur privé dans une économie de marché, puisque celui-ci, dans les circonstances de l’espèce, aurait pu consentir à la même réduction du prix et à la renonciation aux redevances. La Commission aurait erronément apprécié une série de circonstances factuelles, portant notamment sur la relation juridique de droit privé entre la commune et SJB. Étant donné que ce dernier refusait de commencer la construction en invoquant la clause des 70 %, que le parking souterrain était lié de manière inextricable sur le plan architectural aux bâtiments en surface, que la non-exécution du projet Damplein aurait eu une influence sur l’ensemble du projet prévu pour le Leidschendam et que l’accord de coopération de 2004 excluait toute dissolution du contrat du fait de circonstances imprévues, la commune aurait été obligée de renégocier le contrat et de baisser le prix afin d’obtenir la garantie d’une poursuite immédiate de la construction et d’éviter les coûts liés à la non-exécution. La commune aurait ainsi agi en tenant compte des prévisions financières et dans son propre intérêt. En outre, la mesure en cause aurait été la contrepartie accordée par la commune à SJB pour la renonciation par celui-ci à la clause des 70 %. La commune aurait ainsi obtenu la certitude que les travaux de construction sur la Damplein seraient exécutés. Selon les requérants, la commune n’aurait ainsi accordé aucun avantage à SJB et, en toute hypothèse, aucun avantage que ce dernier n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

54      À cet égard, les requérants soutiennent que si la commune avait laissé le projet ne pas être réalisé, les coûts directs et indirects engendrés auraient été très importants. En outre, l’expert mandaté par la commune aurait estimé que le prix réduit du terrain concerné correspondait à sa valeur de marché.

55      Enfin, en considérant dans la décision attaquée que la réduction du prix et la renonciation aux redevances convenues par le PPP avec SJB correspondaient à 100 % de pertes de ressources publiques et donc d’aides d’État, la Commission aurait méconnu le fait que 50 % de ces baisses de prix étaient supportés par la commune et 50 % par SJB lui-même. Le prétendu avantage accordé à SJB ne serait pas de 6,9 millions d’euros et la partie de la réduction du prix et de la renonciation aux redevances à la charge de SJB ne saurait constituer une aide d’État. Cette conclusion de la Commission serait en outre contraire à ce qu’elle avait affirmé dans la décision d’ouverture de la procédure.

56      La Commission rétorque que la réduction du prix du terrain et la renonciation aux redevances constituent à l’évidence un avantage pour SJB et que cet avantage n’a pas été obtenu dans des conditions normales de marché. Selon elle, il est improbable qu’un investisseur privé ait été disposé à indemniser SJB en diminuant le prix du terrain concerné et en renonçant aux redevances pour compenser la baisse des prix des logements et les mauvaises perspectives du marché de l’immobilier, hormis lorsque les avantages apparaissent supérieurs aux coûts supportés. En effet, un investisseur privé n’aurait accordé aucun crédit particulier au fait qu’un retard dans les projets immobiliers aurait eu pour conséquence de laisser déserte une zone du centre de la commune, mais il se serait laissé guider uniquement par des considérations d’ordre financier. En revanche, ainsi que cela aurait été confirmé par les autorités néerlandaises, tant pendant la procédure administrative que devant le Tribunal, la commune aurait aspiré à ce que le projet Damplein soit exécuté le plus rapidement possible. En prenant la mesure en cause, celle-ci aurait ainsi agi non pas en tant qu’investisseur privé, mais en tant qu’autorité publique.

57      En outre, la Commission affirme que le calcul du préjudice, tel qu’il est présenté par les autorités néerlandaises dans leur courrier du 18 avril 2012 en réponse à la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, est erroné. En toute hypothèse, selon elle, pour éviter un préjudice de 2,8 millions d’euros, tel que calculé par les autorités néerlandaises, un investisseur privé n’aurait pas consenti à une perte de 6,9 millions d’euros, ni d’ailleurs, ainsi qu’avancé par lesdites autorités, à une perte de 3,45 millions d’euros. Par ailleurs, en l’espèce, l’élément déterminant pour la qualification d’aide de la mesure en cause ne serait pas la valeur du terrain au prix du marché, mais sa valeur contractuelle.

58      La Commission ajoute que, même si un lien architectural devait exister entre le parking et les habitations à construire sur celui-ci, il ne s’agirait pas d’une raison pour admettre d’emblée que cela donne à SJB le droit de reporter toutes les activités de construction pour une durée indéterminée.

59      Enfin, la Commission fait valoir qu’il convient de distinguer la perte de ressources d’État de l’avantage octroyé à SJB. Pour le calcul du montant à rembourser par le bénéficiaire, le seul élément déterminant serait l’avantage dont celui-ci a joui à la suite d’une mesure prise par les autorités. L’avantage ayant été accordé à SJB par le PPP non par la commune elle-même, mais avec l’accord de celle-ci, alors qu’elle détenait une part de 50 % dans le PPP, lui serait donc imputable. Pour rétablir la situation initiale du marché, ce serait au PPP et non à la commune que SJB devrait rembourser l’avantage dont il a bénéficié.

60      À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

61      Selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies. Ainsi, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, Rec, EU:C:2013:348, point 25 et jurisprudence citée).

–       Sur la condition tenant à la nature de ressources publiques et à leur imputabilité à l’État

62      Les requérants font valoir que la Commission n’a pas pris en considération le fait que la réduction du prix et la renonciation aux redevances décidées par le PPP étaient supportées à 50 % par SJB. Par leurs arguments, ils invoquent notamment une erreur dans le calcul du montant de l’aide et dans l’application du critère de l’investisseur privé par la Commission. Cependant, certains de ces arguments peuvent être rattachés à l’une des conditions pour la qualification d’aide d’État, à savoir celle tenant aux ressources publiques.

63      À cet égard, il convient de rappeler que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêt du 19 décembre 2013, Vent De Colère e.a., C‑262/12, Rec, EU:C:2013:851, point 16 et jurisprudence citée). Ces deux conditions sont distinctes et cumulatives (arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 103).

64      S’agissant, en premier lieu, de la condition tenant à l’imputabilité de la mesure à l’État, il convient d’observer que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 65 de la décision attaquée, la décision du PPP d’octroyer à SJB la mesure en cause nécessitait l’approbation du conseil communal et était donc imputable à l’État.

65      Concernant, en second lieu, la condition tenant aux ressources d’État, seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État ou constituant une charge supplémentaire pour l’État sont à considérer comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, il résulte des termes mêmes de cette disposition et des règles de procédure instaurées à l’article 108 TFUE que les avantages accordés par d’autres moyens que des ressources d’État ne tombent pas dans le champ d’application des dispositions en cause (voir arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑399/10 P et C‑401/10 P, Rec, EU:C:2013:175, point 99 et jurisprudence citée).

66      Par ailleurs, la jurisprudence a reconnu que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État étaient considérés comme des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, la distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (voir arrêt Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, point 61 supra, EU:C:2013:348, point 26 et jurisprudence citée).

67      Il s’ensuit que pour qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il faut notamment, d’une part, qu’elle comporte un avantage, qui est susceptible de prendre des formes diverses (« sous quelque forme que ce soit »), et, d’autre part, que cet avantage découle, de manière directe ou indirecte, de ressources publiques (accordé « par les États ou au moyen de ressources d’État ») (arrêt du 21 mai 2010, France e.a./Commission, T‑425/04, T‑444/04, T‑450/04 et T‑456/04, Rec, EU:T:2010:216, point 215).

68      Or, il importe de relever qu’il n’est pas nécessaire d’établir, dans tous les cas, qu’il y a eu un transfert de ressources d’État pour que l’avantage accordé à une ou à plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, sont notamment considérées comme aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par-là, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, point 65 supra, EU:C:2013:175, points 100 et 101 et jurisprudence citée).

69      En effet, il est de jurisprudence constante que l’article 107, paragraphe 1, TFUE définit les interventions étatiques en fonction de leurs effets (voir arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, Rec, EU:C:2012:318, point 77 et jurisprudence citée ; arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, point 65 supra, EU:C:2013:175, point 102).

70      Aux fins de la constatation de l’existence d’une aide d’État, la Commission doit établir un lien suffisamment direct entre, d’une part, l’avantage accordé au bénéficiaire et, d’autre part, une diminution du budget étatique, voire un risque économique suffisamment concret de charges le grevant (arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, point 65 supra, EU:C:2013:175, point 109).

71      Enfin, la Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire que la diminution du budget étatique, voire le risque d’une telle diminution, corresponde ou soit équivalente audit avantage, ni que ce dernier ait pour contrepartie une telle diminution ou un tel risque, ni qu’il soit de même nature que l’engagement de ressources d’État dont il découle (arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, point 65 supra, EU:C:2013:175, point 110).

72      En l’espèce, la Commission a correctement établi, au point 65 de la décision attaquée, que la réduction du prix et la renonciation aux redevances décidées par le PPP constituaient une perte de ressources publiques. La première condition posée par l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit donc être considérée comme remplie.

–       Sur l’existence de l’avantage et l’application du critère de l’investisseur privé

73      Il ressort d’une jurisprudence constante que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, Rec, EU:C:2013:288, point 83 et jurisprudence citée).

74      Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante que, en application du principe d’égalité de traitement entre entreprises publiques et privées, les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’« aide » au sens de l’article 107 TFUE ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, cette appréciation s’effectuant, pour les entreprises publiques, par application, en principe, du critère de l’investisseur privé (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑399/00 et C‑328/99, Rec, EU:C:2003:252, point 37, et arrêt Commission/EDF, point 69 supra, EU:C:2012:318, point 78 et jurisprudence citée).

75      Ainsi, l’application du critère de l’investisseur privé vise à prévenir que, au moyen de ressources de l’État, l’entreprise bénéficiaire dispose d’une situation financière plus favorable que celle de ses concurrents (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, point 69 supra, EU:C:2012:318, point 90 et jurisprudence citée).

76      Or, la situation financière de l’entreprise bénéficiaire dépend non pas de la forme de la mise à disposition de cet avantage, quelle qu’en soit la nature, mais du montant dont elle bénéficie en définitive (arrêt Commission/EDF, point 69 supra, EU:C:2012:318, point 91).

77      S’agissant de l’appréciation de la valeur d’une aide sous la forme d’une vente d’un terrain par une entité publique à une personne privée à un prix prétendument préférentiel, le principe de l’investisseur privé opérant dans une économie de marché s’applique. Dès lors, la valeur de l’aide est égale à la différence entre ce que le bénéficiaire a en fait payé et ce qu’il aurait dû payer à l’époque dans des conditions normales de marché pour acheter un terrain équivalent auprès d’un vendeur du secteur privé (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2011, Konsum Nord/Commission, T‑244/08, EU:T:2011:732, point 61 et jurisprudence citée).

78      À cet égard, il convient de relever que l’intitulé de la décision attaquée comporte la mention « Vente présumée de terrains à un prix inférieur au prix du marché par la commune de Leidschendam  ». En outre, dans le cadre de l’appréciation de la mesure en cause, la Commission commence son analyse de l’avantage en rappelant la jurisprudence constante selon laquelle la vente par les autorités publiques de terres ou de bâtiments à une entreprise ou à un particulier exerçant une activité économique constitue une aide d’État, notamment lorsqu’elle ne s’effectue pas à la valeur du marché, c’est-à-dire au prix qu’un investisseur privé, agissant dans des conditions de concurrence normales, aurait pu fixer. Ensuite, la Commission fait remarquer que les transactions foncières doivent en principe s’apprécier au regard de sa communication 97/C 209/03 concernant les éléments d’aide d’État contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics (JO 1997, C 209, p. 3), qui contient un certain nombre de recommandations aux États membres afin de garantir que la vente de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics ne comporte pas d’aide d’État. Aux considérants suivants de la décision attaquée, la Commission constate que, en l’espèce, les autorités néerlandaises n’ont pas organisé de procédure d’offre inconditionnelle et que le rapport de l’expert du 11 février 2009 sur la valeur marchande du terrain au 1er janvier 2010 est fondé sur la méthode de la valeur résiduelle qui ne convient pas pour calculer la valeur marchande du terrain sur un marché du logement en récession comme en l’espèce (considérants 69 à 72 de la décision attaquée).

79      Dans la partie concernant la quantification de l’aide, la Commission constate que, « [g]râce [à la] mesure[ en cause], SJB a payé pour le terrain [concerné] un montant inférieur à celui initialement convenu dans l’accord de coopération de 2004 [et qu’il] ne devait plus payer les redevances pour l’exploitation foncière et pour la qualité qui avaient également été convenues » (considérant 108 de la décision attaquée). Quantifiant la réduction du prix, au considérant 109 de la décision attaquée, et faisant référence à la lettre des autorités néerlandaises du 12 avril 2010, la Commission affirme que « [s]elon les autorités néerlandaises, la valeur marchande de cette parcelle au 1er janvier 2010 s’élevait à 8,6 millions d’[euros] ».

80      Enfin, la Commission procède au calcul du montant total de l’aide en comparant le prix du terrain concerné et les redevances dues selon l’accord de coopération de 2004 avec le prix et les redevances convenues dans l’accord complémentaire de 2010 (considérant 120 de la décision attaquée).

81      À cet égard, force est de constater que le considérant 109 de la décision attaquée est entaché d’une erreur. En effet, dans la lettre du 12 avril 2010, à laquelle fait référence la Commission pour établir la « valeur marchande » du terrain concerné, et en réponse à la question n° 12 de la Commission concernant la valeur mentionnée dans l’accord de coopération de 2004 pour ce terrain, les autorités néerlandaises ne se sont pas prononcées sur la valeur marchande du terrain concerné, mais sur le prix dudit terrain tel que fixé par l’accord de coopération de 2004 et donc sur la valeur contractuelle de celui-ci.

82      Cette erreur, prise isolément, pourrait être considérée comme matérielle. En revanche, étant donné que, d’une part, au considérant 72 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’estimation de la valeur marchande du terrain concerné en 2010, telle qu’elle avait été demandée par la commune à un expert indépendant avant la signature de l’accord complémentaire de 2010 en étant fondée sur la méthode de la valeur résiduelle, et que, d’autre part, elle n’a pas présenté d’autres calculs ou estimations en ce sens, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas établi la valeur marchande du terrain concerné au moment de la signature de l’accord complémentaire de 2010. Dès lors, aucune conclusion valable quant à l’avantage accordé par rapport à cette valeur n’a pu être dégagée. Les conséquences de cette situation seront analysées au point 128 ci-après.

83      Dans ses écritures, la Commission a affirmé que, en l’espèce, l’élément déterminant pour la qualification d’aide de la mesure en cause n’était pas la valeur du terrain au prix du marché, mais sa valeur contractuelle. En effet, selon elle, un investisseur privé qui vend un terrain en 2004 pour une certaine somme ne saurait se satisfaire en 2009 d’un prix inférieur à celui convenu contractuellement en 2004, au seul motif que la valeur du terrain au prix du marché aurait diminué dans l’intervalle. En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la Commission a confirmé que, selon elle, la valeur marchande du terrain concerné était d’une importance « limitée » en l’espèce.

84      Dès lors, il convient d’examiner si, dans le cadre de la renégociation des obligations contractuelles respectives entre la commune et SJB, qui a abouti tant à une baisse du prix du terrain concerné qu’à une renonciation aux redevances prévues par l’accord de coopération de 2004, celles-ci sont constitutives d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

85      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le critère de l’investisseur privé s’applique dans les situations où l’intervention de l’État présente un caractère économique (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, Rec, EU:T:2009:505, points 223 et 224 et jurisprudence citée). C’est donc à bon droit que la Commission a appliqué ce critère dans le cas d’espèce.

86      Pour déterminer l’« avantage » en l’espèce, il y a donc lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d’une taille comparable à celle de la commune aurait pu être amené à accepter une telle renégociation des obligations contractuelles et si SJB a obtenu un avantage qu’il n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. Cette appréciation doit se faire, notamment, en tenant compte des différentes dispositions de l’accord de coopération de 2004 et des accords bilatéraux définissant les obligations respectives des deux parties concernées.

87      À cet égard, il ne saurait être considéré que l’exercice intellectuel qui consiste à vérifier si une opération s’est déroulée dans des conditions normales de l’économie de marché doit nécessairement être fait par référence au seul investisseur privé, ou à la seule entreprise bénéficiaire d’une mesure, alors que l’interaction entre les différents agents économiques est justement ce qui caractérise l’économie de marché (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec, EU:T:2003:57, point 327).

88      En effet, afin d’apprécier si l’avantage aurait pu être obtenu dans des conditions normales de marché, la Commission est tenue de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné (voir, en ce sens, arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 87 supra, EU:T:2003:57, point 251). À cet égard, la Commission peut en particulier examiner la question de savoir si, dans un cas comme celui de l’espèce, SJB aurait pu obtenir la même réduction du prix du terrain et la même renonciation aux redevances d’un cocontractant privé et, le cas échéant, à quelles conditions, dès lors qu’une mesure ne saurait constituer une aide d’État si elle ne place pas l’entreprise dans une situation plus avantageuse que celle qui serait la sienne sans l’intervention de l’autorité publique.

89      Il convient aussi de rappeler que l’appréciation par la Commission de la question de savoir si un investissement procure un avantage que l’entreprise n’aurait pu se procurer sur le marché implique une appréciation économique complexe. Or, la Commission, lorsqu’elle adopte un acte impliquant une telle appréciation, jouit d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle juridictionnel dudit acte, même s’il est en principe entier pour ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision (arrêts du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission, T‑296/97, Rec, EU:T:2000:289, point 105, et Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 87 supra, EU:T:2003:57, point 282).

90      Pour apprécier la légalité de la décision attaquée au regard des principes susmentionnés, il y a lieu de tenir compte des éléments d’information dont la Commission disposait ou pouvait disposer au 23 janvier 2013, date à laquelle elle a adopté la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec, EU:C:2008:224, point 54 et jurisprudence citée). À cet égard, s’il s’avère que l’appréciation de la Commission se trouve contredite ou mise en doute par des éléments d’information dont elle n’aurait pas eu connaissance lors de la procédure administrative, il y aura lieu de vérifier si de tels éléments pouvaient être connus et pris en considération d’elle en temps utile et, le cas échéant, de savoir si ces éléments d’information auraient dû normalement être pris en considération par la Commission, à tout le moins en tant que données pertinentes pour appliquer le critère de l’investisseur privé.

91      En outre, il y a lieu de relever que, dans les cas où une institution de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. La Cour a ainsi eu l’occasion de préciser que, parmi ces garanties, figuraient l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de motiver sa décision de façon suffisante (voir arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec, EU:C:2007:698, point 58 et jurisprudence citée).

92      C’est à la lumière des principes jurisprudentiels évoqués ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier si, en l’espèce, la Commission a correctement établi dans la décision attaquée que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

93      À cet égard, il ressort du dossier que, selon les accords initiaux entre les parties, les travaux de construction sur la Damplein devaient commencer en novembre 2005, mais que les permis de construire dont SJB avait besoin pour commencer la construction ont fait l’objet de retards en raison de diverses actions en justice intentées au niveau national et n’ont finalement été délivrés qu’en novembre 2008. En raison de cette obtention tardive des permis de construire nécessaires, les accords de prévente conclus précédemment par SJB ont été annulés en septembre 2008. Entre-temps avait éclaté la crise financière qui a durement touché notamment le marché immobilier néerlandais (considérants 26 et 27 de la décision attaquée).

94      Dans ces circonstances, SJB a fait savoir à la commune qu’il ne commencerait pas les travaux de construction et a, à l’automne 2008, proposé au PPP de verser, au lieu des 7,2 millions d’euros initialement convenus, un montant de 4 millions d’euros pour le terrain situé sur la Damplein, tout en proposant de commencer les travaux de construction en avril 2009, quel que soit le nombre d’unités d’habitation vendues. Ainsi, en contrepartie de cette réduction du prix, SJB était disposé à renoncer à son droit d’invoquer la clause des 70 % prévue dans l’accord de coopération de 2004 (considérants 28 et 29 de la décision attaquée).

95      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure en cause ainsi accordée par la commune avait conféré un avantage à SJB et n’était pas conforme au principe de l’investisseur privé dans une économie de marché, parce que les autorités néerlandaises n’avaient pas démontré qu’un hypothétique vendeur privé opérant dans des conditions de marché normales aurait consenti à cette mesure (considérant 86 de la décision attaquée).

96      Force est d’observer que la Commission a fondé cette conclusion notamment sur le fait que la clause des 70 % ne concernait que la construction du secteur libre, que SJB ne pouvait donc valablement l’opposer en ce qui concernait la construction du parking et de l’espace commercial, que la commune ou le PPP avaient droit au paiement du prix tel que convenu et que, malgré le fait qu’elle n’était aucunement tenue d’entrer dans des négociations avec SJB, la commune lui aurait accordé une compensation au titre de la dégradation des conditions sur le marché du logement, alors qu’il avait été convenu contractuellement que la phase de construction se déroulait pour le compte et aux risques des promoteurs immobiliers. Un investisseur privé n’aurait donc pas accepté une telle réduction de prix, mais aurait insisté sur les termes définis dans l’accord de coopération de 2004 (considérants 74, 76, 83 et 85 de la décision attaquée). En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la Commission a confirmé que, selon elle, l’élément déterminant en l’espèce était que la commune avait renoncé à un droit dont elle disposait selon l’accord de coopération de 2004, à savoir celui d’obtenir un prix supérieur à celui issu de la renégociation.

97      Cependant, dans ce cadre, la Commission n’a pas pris en considération tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte et notamment ceux concernant la position juridique dans laquelle se trouvait la commune sur la base de l’accord de coopération de 2004 et des différents accords bilatéraux.

98      En premier lieu, au regard de différentes dispositions de l’accord de coopération de 2004, la thèse de la Commission selon laquelle la commune avait droit au paiement du prix tel que convenu initialement et qu’elle n’était aucunement obligée d’entrer dans des négociations avec SJB ne saurait être retenue. En effet, selon l’article 6.6 de l’accord de coopération de 2004, les parties doivent entamer une renégociation des prix des terrains et des délais de paiement en cas de retard dans l’obtention du permis de construire. En outre, l’article 16 du même accord prévoit qu’une dissolution ou résiliation précoce, partielle ou totale de celui-ci n’est possible que dans les cas expressément prévus par le même article qui, parmi les stipulations suivantes qu’il comporte, impose que, si une circonstance imprévue au sens de l’article 6:258 du code civil néerlandais se produit et que, en conséquence, une partie estime que l’autre partie ne peut plus exiger l’exécution de l’accord tel que convenu, lesdites parties doivent entamer des consultations en vue d’examiner si l’accord doit être raisonnablement adapté à des conditions mutuellement acceptables. Le différend – qui naît entre les parties uniquement si, en l’absence d’un accord écrit dans un délai prévu, une des parties met fin à ces consultations – doit être, de préférence, résolu à l’amiable ou soumis à l’arbitrage. Cet article dresse également une liste non exhaustive des situations devant être considérées comme des « circonstances imprévues », mentionnant même le cas d’une violation de l’accord ou des accords bilatéraux, à condition que ce ne soit pas la partie responsable de la violation qui demande une renégociation. Enfin, l’article 18 de l’accord de coopération de 2004 prévoit que tous les différends ou les divergences d’opinion entre les parties au cours de l’exécution de cet accord et des accords bilatéraux doivent être, dans la mesure du possible, réglés à l’amiable et, à défaut, soumis à l’arbitrage.

99      Il convient d’en déduire une intention claire des parties à l’accord de coopération de 2004 de maintenir, dans la mesure du possible et en prévoyant différents instruments en ce sens, l’accord de coopération de 2004 valable et de limiter son éventuelle résiliation uniquement aux cas où un désaccord entre les parties ou une violation de la part de celles-ci serait tellement grave qu’aucune renégociation ne serait possible (ce qui rendrait l’exécution dudit accord impossible). Au regard du dossier, cette volonté pourrait s’expliquer par la complexité évidente du projet constitué de plusieurs sous-projets techniquement liés (voir points 116 à 119 ci-après) et du fait qu’il impliquait plusieurs parties liées par l’accord de coopération de 2004 ainsi que par différents accords bilatéraux.

100    Indépendamment du point de savoir si le refus de SJB de commencer les travaux de construction pouvait être considéré comme légal ou non, il était évident que, une fois obtenu le permis de construire en novembre 2008, SJB ne voulait plus exécuter l’accord de coopération de 2004 dans les termes qui avaient été négociés initialement, étant donné que les conditions avaient changé et compte tenu des retards dans l’obtention du permis de construire. Dans ces circonstances, SJB a invoqué certaines dispositions contractuelles et a demandé à la commune une renégociation des accords.

101    Dans ses écritures, la Commission n’avance pas de précision sur la question de savoir si et dans quelle mesure les clauses de renégociation de l’accord de coopération de 2004 avaient été prises en considération dans le cadre de son analyse. Répondant au moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, elle indique uniquement que les mauvaises ventes d’habitations du secteur libre et le tassement du marché immobilier aux Pays-Bas ne peuvent pas être qualifiés de circonstances imprévues, mais de risques commerciaux normaux auxquels sont confrontées les entreprises de construction privées dans ce type de projet.

102    Toutefois, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les dispositions concernées de l’accord de coopération de 2004 pouvaient s’appliquer au cas d’espèce et, dans l’affirmative, lesquelles parmi celles-ci, il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission n’a pas pris en considération ces dispositions faisant état de la volonté des parties de préserver ledit accord, même dans des termes renégociés. Or, ces dispositions font partie de l’accord de coopération de 2004 qui, en l’espèce, constitue le cadre des obligations mutuelles des parties.

103    La Commission a affirmé, au considérant 76 de la décision attaquée, qu’« [u]n investisseur privé qui recherch[ait], dans des conditions de marché normales, un rendement maximal sur la vente de son terrain, n’aurait probablement pas consenti [à la] mesure[ en cause] qui [avait] contribué aux pertes lors de la phase d’exploitation foncière du projet, pour laquelle l’investisseur privé était lui-même responsable à hauteur de 50 % », et qu’un tel investisseur privé aurait « plutôt veillé à ce que les travaux relatifs à l’exploitation foncière soient exécutés rapidement, de telle manière que le terrain puisse être livré aux promoteurs du projet, et aurait demandé aux promoteurs privés de payer le prix de vente du terrain et les redevances qui étaient fixés dans les accords librement négociés ».

104    Ces conclusions sont fondées sur la prémisse selon laquelle, dans les circonstances de l’espèce, la commune disposait d’un droit d’obtenir le prix du terrain concerné tel que fixé par l’accord de coopération de 2004. Cependant, la Commission ne pouvait pas valablement parvenir à ces conclusions sans avoir au préalable établi, notamment, si, compte tenu des dispositions dudit accord mentionnées ainsi que de leur contexte, tel était effectivement le cas et si et dans quelles conditions la commune pouvait résilier ledit accord ou obtenir une exécution forcée des travaux relatifs à l’exploitation foncière.

105    De même, et en deuxième lieu, il ressort du dossier que, au moment où SJB a fait savoir à la commune qu’il ne commencerait pas les travaux de construction, le projet se trouvait encore dans la phase d’exploitation foncière dans le cadre de laquelle la commune supportait 50 % des coûts et des risques. Il ressort du considérant 21 de la décision attaquée que les coûts de la phase d’exploitation foncière du projet comportaient essentiellement les coûts d’acquisition du terrain, dans la mesure où ce terrain n’appartenait pas encore à la commune, les coûts de viabilisation dudit terrain, les coûts liés à la partie publique du parking souterrain et 50 % des coûts de construction de l’école. En outre, la Commission rappelle, au considérant 19 de la décision attaquée, que le PPP avait convenu avec SJB que celui-ci bâtirait le parking public souterrain, qui était considéré comme intrinsèquement lié à la partie privée du parking et que, en contrepartie, SJB recevrait du PPP un montant fixe. Le PPP avait l’intention de vendre la totalité du parking à un tiers et le produit de cette vente serait revenu au PPP, qui l’aurait réparti entre la commune et SJB.

106    Pour pouvoir solder cette phase, la seule dans laquelle la commune était financièrement impliquée, cette dernière devait notamment revendre le terrain concerné. Or, pour obtenir le paiement du prix du terrain qui, conformément à l’article 10.5 de l’accord de coopération de 2004, devait avoir lieu au plus tard au moment du transfert juridique de la propriété dudit terrain, cette phase d’exploitation foncière devait être terminée et le terrain livré.

107    En affirmant, au considérant 74 de la décision attaquée, qu’il était « improbable qu’un investisseur privé dans des conditions de concurrence normales aurait décidé d’assumer le risque – qu’il ne supportait pas préalablement – d’un marché du logement en récession, en consentant à une réduction du prix initialement convenu pour le terrain et à la renonciation aux redevances, sans un avantage financier tangible plus grand que les pertes qu’il subit en raison de sa décision », la Commission ne prend pas en compte le fait que la phase de l’exploitation foncière, dans le cadre de laquelle la commune supportait 50 % des coûts et des risques, n’était pas encore achevée.

108    En outre, même si, au considérant 76 de la décision attaquée, la Commission admet qu’un investisseur privé dans la position de la commune aurait veillé à ce que les travaux relatifs à l’exploitation foncière soient exécutés rapidement, de telle manière que le terrain puisse être livré aux promoteurs du projet (voir également point 103 ci-dessus), il ressort du contexte de cette affirmation que la Commission avait écarté la possibilité que tel aurait pu être le but de la commune en l’espèce. Cette contradiction dans les motifs ne peut être expliquée que par le défaut de prise en considération par la Commission de tous les éléments pertinents de la mesure en cause.

109    À cet égard, la Commission affirme qu’un investisseur privé n’aurait accordé aucun poids particulier au fait qu’un retard dans les projets immobiliers aurait eu pour conséquence de laisser déserte une zone du centre de la commune, mais qu’il se serait laissé guider uniquement par des considérations d’ordre financier. En essayant de faire construire la Damplein le plus rapidement possible, la commune n’aurait pas agi en tant qu’investisseur privé, mais bien sur la base de considérations d’intérêt général.

110    De plus, la Commission fait valoir que, dans les observations relatives à l’existence d’une aide, les autorités néerlandaises ont affirmé que la mesure en cause était la contrepartie accordée par la commune à SJB pour avoir accepté de renoncer à son droit de se prévaloir de la clause des 70 % (considérant 47 de la décision attaquée). Cet objectif de réalisation du projet de revitalisation du centre de Leidschendam aurait été confirmé par le Royaume des Pays-Bas et la commune dans leurs écritures.

111    À cet égard, il convient de rappeler que si, selon la jurisprudence, il convient de prendre en compte l’objectif poursuivi par l’État afin de déterminer si l’intervention de celui-ci présente un caractère économique ou si elle relève d’un acte de puissance publique, l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’établit toutefois pas de distinction selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets, à savoir l’éventualité d’une distorsion de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, point 69 supra, EU:C:2012:318, points 76, 77 et 87 et jurisprudence citée). À cet égard, ainsi qu’il a été observé au point 85 ci-dessus, la Commission a, à bon droit, appliqué le critère de l’investisseur privé dans le cas d’espèce.

112    Or, pour déterminer si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de la commune, seuls les bénéfices et obligations liés à la situation de cette dernière en qualité d’investisseur, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, étaient à prendre en compte par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, point 69 supra, EU:C:2012:318, point 79 et jurisprudence citée).

113    Ainsi, en appliquant en l’espèce le critère de l’investisseur privé, la Commission aurait dû prendre en considération l’intérêt purement économique et financier, et non l’intérêt social, de la commune à exécuter les travaux en cause rapidement, à savoir l’intérêt consistant à limiter les coûts de son financement et à percevoir les montants issus de la vente du terrain et du parking souterrain.

114    Or, il ressort de la décision attaquée que la Commission n’a aucunement examiné la mesure en cause comme un moyen pour la commune de parvenir à ce que les travaux relatifs à l’exploitation foncière soient exécutés rapidement, de telle manière qu’elle puisse percevoir le montant de la vente du terrain.

115    En troisième lieu, force est d’observer que les affirmations de la Commission, rappelées aux points 107 et 108 ci-dessus, sont fondées notamment sur le fait que la commune n’a été associée qu’à la phase d’exploitation foncière, alors que la phase de construction s’est faite pour le compte et aux risques des promoteurs immobiliers concernés (considérant 82 de la décision attaquée).

116    À cet égard, il convient d’observer qu’il est exact que l’article 7.5 de l’accord de coopération de 2004 prévoyait la clause des 70 % uniquement en ce qui concernait les habitations du secteur libre et ne concernait donc pas les espaces commerciaux et le parking souterrain. Or, ainsi qu’il a été rappelé, notamment aux points 105 à 107 ci-dessus, le projet a été arrêté dans la phase d’exploitation foncière dont faisaient notamment partie la construction, l’exploitation temporaire et la revente de la partie publique du parking souterrain. Pendant la procédure administrative ainsi que lors de la présente procédure, les requérants ont fait valoir à cet égard que, en raison du lien architectural existant entre le parking, les espaces commerciaux et les logements situés au-dessus, ainsi que d’un permis de construire unique pour tout le projet Damplein, une construction séparée du parking et des espaces commerciaux sans les logements prévus n’était pas possible. Dans leurs écritures, ils ont fait référence à l’article 6.1 de l’accord relatif au projet SJB, communiqué à la Commission lors de la procédure administrative, qui prévoyait que « conformément à la convention de coopération [de 2004] et au présent contrat, l’exploitant du terrain [avait] transf[éré] la charge de la construction du parking public, qui [était] lié de manière inextricable sur le plan architect[ural] au bâtiment en surface et au parking SJB, aux coûts et aux risques de SJB qui [avait] accept[é] cette mission ».

117    La Commission soutient qu’aucun élément de preuve n’avait été fourni dans la lettre du 18 avril 2012 quant à la connexité technique alléguée du parking et des habitations et espaces commerciaux qui sont situés au-dessus de celui-ci. L’accord relatif au projet SJB aurait certes été joint en annexe à la lettre du 12 avril 2010, mais les autorités néerlandaises n’auraient pas fait référence, de même que dans la lettre du 18 avril 2012, à cette disposition pour étayer leur argument selon lequel le parking était indissociable, du point de vue architectural, de la partie en surface. En outre, l’explication très succincte que lesdites autorités ont donnée sur ce point ne correspondrait pas aux termes clairs de l’accord de coopération de 2004.

118    Toutefois, premièrement, force est d’observer que, en faisant référence à l’article 6 de l’accord relatif au projet SJB, la Commission a rappelé, notamment, au considérant 19, ainsi qu’au considérant 84 de la décision attaquée que, alors que la construction de la partie privée du parking devait être financée par SJB, le PPP avait convenu avec ce dernier qu’il bâtirait le parking public souterrain, qui était considéré comme intrinsèquement lié à la partie privée du parking, et que, en contrepartie, il recevrait du PPP un montant fixe. Deuxièmement, il ressort du considérant 83 de la décision attaquée que SJB avait allégué que la construction des espaces commerciaux et du parking souterrain ne pouvait pas démarrer, parce que les différents volets du projet immobilier étaient techniquement liés, mais que la Commission a rejeté cette argumentation. Dès lors, il ne saurait être considéré que la Commission ne disposait pas de cet élément pertinent.

119    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, dans un cas comme celui de l’espèce, il était probable qu’un investisseur privé opérant dans des conditions de concurrence normales, ayant intérêt à ce que l’ensemble du projet immobilier soit réalisé, aurait exigé de SJB qu’il satisfasse à ses obligations contractuelles en ce qui concerne la construction des espaces commerciaux et du parking souterrain. Elle a considéré que, à supposer que ces travaux n’aient pu effectivement démarrer, parce que les différents volets du projet immobilier étaient techniquement liés, ce serait SJB, en tant qu’unique responsable de la phase de construction du projet, qui aurait dû supporter ce risque, de sorte qu’il n’y avait aucune raison de présumer qu’un investisseur privé opérant dans des conditions de concurrence normales assumerait ce risque pesant sur SJB. Elle a en outre rappelé que, avant la construction de la partie publique du parking souterrain, le PPP avait déjà décidé en 2004 d’attribuer le marché de ces travaux à SJB pour un montant fixe et que, par conséquent, aucune raison financière ne justifiait le refus de SJB de commencer les travaux de construction du parking et un investisseur privé opérant dans des conditions de concurrence normales n’avait donc aucune raison d’accepter un report supplémentaire en faisant dépendre la construction du parking de la vente des habitations du secteur libre par SJB (considérants 83 et 84 de la décision attaquée).

120    Il ressort du dossier que, malgré la disposition claire de l’accord de coopération de 2004, l’applicabilité de la clause des 70 % aux volets autres que les habitations du secteur libre, interprétée sur la base des accords bilatéraux conclus par la suite, n’était pas clairement établie. D’après la décision attaquée, cette clause est habituelle dans les contrats néerlandais de construction et a pour but de limiter les risques pour les promoteurs de projets au cas où l’immeuble qu’ils ont construit ne serait pas vendu (considérant 14 de la décision attaquée). Or, en prenant en compte cet objectif et en admettant que, ainsi que l’affirme la Commission, le projet avait pour but de faire porter les risques de la phase de construction par les promoteurs privés, il serait plausible de considérer que cette clause pouvait être opposée à tous les volets du projet pour lesquels SJB portait les coûts et les risques de la construction. À cet égard, il convient d’observer que, ainsi qu’il a été rappelé aux points 13 et 19 ci-dessus, la commune n’était pas impliquée dans la phase de construction et elle n’assumait aucun risque lié, notamment, à la vente des espaces commerciaux. En outre, ainsi qu’il a été rappelé aux points 11 et 118 ci‑dessus, la construction de la partie privée du parking devait être financée par SJB, alors que cette dernière, en recevant en échange un montant fixe de la part du PPP, avait accepté les coûts et les risques afférents à la construction du parking public, celui-ci étant intrinsèquement lié à sa partie privée. Enfin, force est d’observer que, à la suite du retard dans l’obtention du permis de construire, tous les délais prévus pour les différentes étapes de la construction avaient été dépassés et que, au moment de l’obtention dudit permis, il pouvait difficilement être considéré que SJB restait tenu par un délai précis.

121    Dans ses écritures, la Commission fait valoir que, même s’il faut admettre qu’il était impossible de réaliser le parking et les espaces commerciaux de manière distincte, cela signifie seulement que l’intention des parties, telle qu’elle est établie dans l’accord de coopération de 2004, ne peut être réalisée, et que ce serait au juge d’interpréter cette clause soit en faveur de SJB, soit en faveur de la commune, voire d’adopter une solution intermédiaire. Dans ces conditions, la Commission ne verrait a priori aucune raison de préférer l’interprétation favorable à SJB.

122    Cependant, la décision attaquée ne laisse pas apparaître une quelconque analyse par la Commission de la portée de la clause des 70 % quant aux autres volets du projet, en prenant en considération l’ensemble des faits et des accords conclus entre les parties. D’une part, en rappelant que cette clause était limitée aux habitations du secteur libre et ne concernait pas la construction des espaces commerciaux et du parking souterrain, elle a considéré qu’il était probable qu’un investisseur privé aurait exigé de SJB qu’il satisfasse à ses obligations contractuelles, et ce tant en ce qui concerne la construction du parking souterrain que des espaces commerciaux. D’autre part, en réponse à l’allégation de SJB quant aux liens techniques des différents volets du projet, elle s’est prononcée uniquement en termes de prise en charge du risque de la construction et aucunement en termes d’applicabilité de la clause des 70 % dans ce cadre.

123    En toute hypothèse, il y a lieu de considérer que, dans un tel contexte, la Commission ne pouvait pas valablement parvenir à la conclusion selon laquelle il était « dès lors improbable qu’un investisseur privé dans des conditions de concurrence normales aurait consenti [à la] mesure[ en cause], comme la commune l’a fait, sans envisager d’abord d’autres options commercialement plus intéressantes, comme la résiliation de l’accord de coopération de 2004, et sans réclamer à SJB des dommages-intérêts pour le retard et lancer un appel d’offres » et que « les autorités néerlandaises n’[avaient] pas démontré que le PPP avait examiné ses options d’une telle manière » (considérant 85 de la décision attaquée).

124    En effet, en admettant que, au regard des dispositions de l’accord de coopération de 2004 prévoyant une renégociation (voir points 98 à 104 ci-dessus), une résiliation aurait effectivement été possible dans le cas où aucune solution satisfaisante entre les parties ne pouvait être trouvée à l’amiable ou par le biais de l’arbitrage, la Commission aurait dû prendre en considération tous les éléments pertinents de la mesure en cause et de son contexte afin d’établir si l’avantage aurait pu être obtenu dans les conditions normales de marché.

125    Notamment, l’insécurité quant à la portée de la clause des 70 %, la complexité du projet, la position contractuelle très forte de SJB au sein de celui-ci , puisqu’il était le seul à avoir conclu un PPP avec la commune, le fait que, d’une part, la Damplein constituait la partie centrale du projet du centre de Leidschendam et que, d’autre part, la commune avait également un intérêt à commencer à percevoir le plus rapidement possible les revenus dégagés par les espaces commerciaux et les habitations, l’imprévisibilité de la charge des éventuels dommages et intérêts à supporter, le préjudice allégué en cas de non-exécution du projet de la Damplein, ainsi que le fait que la commune ne devait supporter in fine que 50 % de la perte causée par la mesure en cause sont des éléments d’une pertinence telle que la Commission aurait dû les prendre en considération pour pouvoir analyser si la résiliation de l’accord de coopération de 2004, qui aurait vraisemblablement eu des conséquences sur la validité des autres accords bilatéraux, notamment celui concluant le PPP, aurait été une meilleure solution pour la commune du point de vue économique.

126    Or, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait pris en considération les éléments mentionnés ci-dessus dans le cadre de son examen. Par ailleurs, il convient de constater que l’analyse des coûts directs et indirects résultant de la non-exécution du projet de la Damplein, tels qu’allégués par les autorités néerlandaises, a été effectuée uniquement à titre subsidiaire et de manière isolée et que, comme telle, elle ne permet pas à la Commission de parvenir à une conclusion valable quant à la rationalité économique du comportement de la commune en l’espèce.

127    En outre, il est exact que, en ce qui concerne la position de la commune comme investisseur, le fait que l’opération litigieuse soit raisonnable pour elle ne l’exempte pas de l’application du droit de l’Union en matière d’aides d’État. Ce fait n’évite pas la nécessité de savoir si cette opération renforce la position de SJB en lui donnant un avantage qu’il n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens, arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 87 supra, EU:T:2003:57, point 315).

128    Toutefois, force est d’observer que, en toute hypothèse, la Commission ne pouvait pas valablement considérer que l’option de la résiliation, combinée à un nouvel appel d’offres, aurait été « commercialement plus intéressante » pour la commune sans avoir au préalable établi la valeur marchande du terrain concerné au moment de la signature de l’accord complémentaire de 2010. Or, ainsi qu’il ressort des points 78 à 82 ci-dessus, la Commission n’a pas établi cette valeur dans la décision attaquée.

129    Par ailleurs, eu égard à tous les arguments et documents avancés par les autorités néerlandaises au cours de la procédure administrative, et notamment à ceux relatifs aux éléments mentionnés au point 125 ci-dessus, ainsi qu’au fait que, puisque l’expert indépendant mandaté par la commune avant la signature de l’accord complémentaire de 2010 avait estimé que la valeur de marché du terrain concerné à cette époque correspondait au prix réduit du terrain, lesdites autorités pouvaient valablement présumer que la réduction du prix était légale, de sorte que la Commission ne pouvait pas affirmer qu’elles n’avaient pas démontré que le PPP avait examiné ses options d’une telle manière.

130    Ainsi qu’il a été rappelé au point 89 ci-dessus, la notion d’« aide d’État », telle qu’elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le juge de l’Union doit, notamment, vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France, C‑533/12 P et C‑536/12 P, Rec, EU:C:2014:2142, point 15 et jurisprudence citée).

131    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que, en ne prenant pas en compte tous les éléments pertinents de la mesure en cause et de son contexte, la Commission n’a pas pu valablement analyser si SJB aurait pu obtenir le même avantage dans les conditions normales du marché. Or, une analyse complète de ces éléments aurait pu conduire à une conclusion différente quant à la qualification de la mesure en cause en tant qu’aide d’État.

132    Il s’ensuit que la Commission n’a pas valablement démontré que la mesure en cause conférait un avantage à SJB. Ainsi, au moins une des conditions cumulatives visées au point 61 ci-dessus n’est pas remplie, de sorte que la Commission ne pouvait pas qualifier la mesure en cause d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

133    Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et moyens soulevés par les parties, il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être déclaré fondé et que la décision attaquée doit être annulée.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérants, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2013) 87 de la Commission, du 23 janvier 2013, concernant l’aide d’État SA.24123 (2012/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par les Pays-Bas – Vente présumée de terrains à un prix inférieur au prix du marché par la commune de Leidschendam-Voorburg, est annulée.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Royaume des Pays-Bas, la Gemeente Leidschendam-Voorburg, Bouwfonds Ontwikkeling BV et Schouten & De Jong Projectontwikkeling BV.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.