Language of document : ECLI:EU:T:2012:688

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 décembre 2012 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement – Cultures arables – Raisins secs – Tabac brut – Mesures spécifiques pour certains produits agricoles en faveur des îles mineures de la mer Égée – Viandes ovine et caprine – Conditionnalité – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑588/10,

République hellénique, représentée par M. I. Chalkias, Mmes E. Leftheriotou et X. Basakou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou, Mmes H. Tserepa-Lacombe et A. Markoulli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2010/668/UE de la Commission, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 288, p. 24), en tant que cette décision exclut certaines dépenses effectuées par la République hellénique,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des cultures arables

1        Dans le cadre des enquêtes portant les références AA/2006/4 et AA/2007/06 et concernant les cultures arables, les services de la Commission des Communautés européennes ont effectué des vérifications en Grèce du 5 au 12 octobre 2006 et du 27 février au 1er mars 2007.

2        Par lettre du 6 juin 2007, la Commission a informé la République hellénique des résultats des contrôles qu’elle a effectués et a ainsi exposé les carences identifiées.

3        Par lettre du 6 septembre 2007, la République hellénique a présenté ses observations sur les constatations issues des contrôles effectués par la Commission.

4        Par lettre du 21 avril 2008, la Commission a invité la République hellénique à une réunion qui s’est finalement tenue le 20 mai 2008.

5        Le compte rendu de la réunion susvisée a été transmis à la République hellénique le 25 juin 2008.

6        Par lettre du 25 août 2008, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur le compte rendu de la réunion.

7        Par lettre du 10 juin 2009, la Commission a formellement communiqué ses conclusions à la République hellénique.

8        La République hellénique a ensuite saisi l’organe de conciliation. Celui‑ci a rendu son rapport final le 14 janvier 2010.

9        Le 19 mars 2010, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils y ont maintenu leur position communiquée dans la lettre du 10 juin 2009.

10      Par la décision 2010/668/UE de la Commission, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 288, p. 24, ci‑après la « décision attaquée »), la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le secteur des cultures arables une correction forfaitaire de 10 % portant sur l’exercice financier 2007, correction qui s’élève à un montant de 210 913 505,66 euros.

11      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 12 du rapport de synthèse, du 19 juillet 2010, concernant les résultats des inspections menées par la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », au titre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1).

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du tabac brut

12      Dans le cadre des enquêtes portant les références VT/2006/08/GR et VT/2007/08/GR et concernant le secteur du tabac brut, les services de la Commission ont effectué des vérifications en Grèce du 23 au 27 octobre 2006 et du 9 au 13 juillet 2007.

13      Par lettre du 3 décembre 2007, la Commission a informé la République hellénique des résultats des contrôles qu’elle avait effectués et a ainsi exposé les carences identifiées.

14      Par lettre du 4 février 2008, la République hellénique a présenté ses observations sur les constatations issues des contrôles effectués par la Commission.

15      Par lettre du 21 novembre 2008, la Commission a invité la République hellénique à une réunion qui s’est finalement tenue le 21 janvier 2009.

16      Le compte rendu de la réunion susvisée a été transmis à la République hellénique le 12 février 2009.

17      Par lettre du 28 avril 2009, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur le compte rendu de la réunion.

18      Par lettre du 2 octobre 2009, la Commission a formellement communiqué ses conclusions à la République hellénique.

19      La République hellénique a ensuite saisi l’organe de conciliation. Celui‑ci a rendu son rapport final le 4 mars 2010.

20      Le 4 mai 2010, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils y ont maintenu leur position communiquée dans la lettre du 2 octobre 2009.

21      Par la décision attaquée, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le secteur du tabac une correction portant sur l’exercice financier 2006, correction qui s’élève à un montant de 19 760 841,95 euros.

22      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 8 du rapport de synthèse.

 Sur la correction relative aux obligations en matière de conditionnalité

23      Les services de la Commission ont effectué des vérifications en Grèce du 6 au 10 novembre 2006, dans le cadre de l’enquête portant la référence AA/2004/48a/GR et concernant la conditionnalité, à savoir les exigences réglementaires en matière de gestion et les bonnes conditions agricoles et environnementales conformément aux articles 4 et 5 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1).

24      Par lettre du 13 février 2007, la Commission a informé la République hellénique des résultats des contrôles qu’elle a effectués et a ainsi exposé les carences identifiées.

25      Par lettre du 12 avril 2007, la République hellénique a présenté ses observations sur les constatations issues des contrôles effectués par la Commission.

26      Par lettre du 30 août 2007, la Commission a invité la République hellénique à une réunion qui s’est finalement tenue le 4 octobre 2007.

27      Le compte rendu de la réunion susvisée a été transmis à la République hellénique le 20 décembre 2007.

28      Par lettre du 20 février 2008, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur le compte rendu de la réunion.

29      Par lettre du 9 juin 2009, la Commission a formellement communiqué ses conclusions à la République hellénique.

30      La République hellénique a ensuite saisi l’organe de conciliation. Celui‑ci a rendu son rapport final le 16 décembre 2009.

31      Le 10 février 2010, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils y ont maintenu leur position communiquée dans la lettre du 9 juin 2009.

32      Par la décision attaquée, dans le cadre des obligations en matière de conditionnalité, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique une correction portant sur les exercices financiers 2006 et 2007, correction qui s’élève à un montant de 4 167 621,65 euros.

33      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 13 du rapport de synthèse.

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

34      Dans le cadre des enquêtes portant les références FV/2003/320/GR, FV/2003/380/GR, FV/2005/320/GR, FV/2005/321/GR, FV/2005/389/GR et FV/2006/381/GR et concernant le secteur des raisins secs, les services de la Commission ont effectué des vérifications en Grèce.

35      Par six lettres des 2 et 12 septembre 2003, 22 septembre et 19 octobre 2005, 21 mars et 3 avril 2006, la Commission a informé la République hellénique des résultats des contrôles qu’elle avait effectués et a ainsi exposé les carences identifiées.

36      Par sept lettres des 31 octobre et 10 novembre 2003, 25 novembre et 16 décembre 2005, 29 mai, 15 et 27 juin 2006, la République hellénique a présenté ses observations sur les constatations issues des contrôles effectués par la Commission.

37      Par quatre lettres des 19 décembre 2003, 10 septembre 2004, 17 juillet 2006 et 19 janvier 2007, la Commission a invité la République hellénique à quatre réunions qui se sont finalement tenues, respectivement, les 20 janvier et 6 octobre 2004, 19 septembre 2006 et 27 février 2007.

38      Les comptes rendus des réunions susvisées ont été transmis à la République hellénique, respectivement, les 18 février et 29 octobre 2004, 24 octobre 2006 et 4 mai 2007.

39      Par lettres des 16 mars, 22 juin et 30 novembre 2004, 10 janvier et 26 juillet 2007, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur les comptes rendus des réunions.

40      Par lettre du 1er avril 2009, la Commission a formellement communiqué ses conclusions à la République hellénique.

41      La République hellénique a ensuite saisi l’organe de conciliation. Celui‑ci a rendu son rapport final le 27 octobre 2009.

42      Le 23 février 2010, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils y ont maintenu leur position communiquée dans la lettre du 1er avril 2009.

43      Par la décision attaquée, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le secteur des raisins secs une correction portant sur les exercices financiers 2003 à 2007, correction qui s’élève à un montant de 54 701 943,48 euros.

44      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 4 du rapport de synthèse.

 Sur la correction appliquée aux dépenses effectuées dans le cadre des mesures spécifiques pour certains produits agricoles en faveur des îles mineures de la mer Égée

45      Du 17 au 21 avril 2000, les services de la Commission ont effectué des contrôles sur la mise en œuvre des aides communautaires au maintien des oliveraies dans les îles mineures de la mer Égée, sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), et de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999.

46      À la suite de la mission des services de la Commission, différents échanges de correspondance ont eu lieu entre ceux‑ci et les autorités helléniques. Après ces échanges, par lettre du 10 janvier 2002, la Commission a informé ces dernières que ses services proposaient l’exclusion du financement communautaire de certaines dépenses liées aux aides pour le maintien des oliveraies dans les îles mineures de la mer Égée et, en particulier, une correction de 25 % à compter du 1er septembre 1998. Les autorités helléniques ont alors saisi l’organe de conciliation qui intervient dans le cadre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999. Cet organe a rendu son rapport le 15 juillet 2002.

47      Par lettre du 21 août 2002, les services de la Commission ont notifié leur position finale aux autorités helléniques.

48      La décision 2003/102/CE de la Commission, du 14 février 2003, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 42, p. 47), a été adoptée par la Commission sur la base du rapport de synthèse Doc AGRI – 63802 – 2002, du 14 octobre 2002, point B.4.2. Celle‑ci portait, pour la République hellénique, sur une correction forfaitaire de 25 % pour les exercices financiers 1999 à 2001, quant au secteur du stockage public, d’un montant de 9 926 005,21 euros.

49      Cette décision a été annulée par l’arrêt de la Cour du 27 octobre 2005, Grèce/Commission (C‑175/03, non publié au Recueil), en tant qu’elle décidait pour la République hellénique de la correction forfaitaire susmentionnée.

50      À la suite de cet arrêt de la Cour, la Commission a invité la République hellénique à une réunion qui s’est finalement tenue le 11 mai 2006.

51      Le compte rendu de la réunion susvisée a été transmis à la République hellénique par lettre du 21 mars 2007.

52      Par lettre du 23 mai 2007, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur le compte rendu de la réunion

53      Par la décision attaquée, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le cadre des mesures spécifiques pour certains produits agricoles en faveur des îles mineures de la mer Égée une correction forfaitaire de 10 % portant sur les exercices financiers 1999 à 2001, correction qui s’élève à un montant de 3 970 402,08 euros.

54      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 10 du rapport de synthèse.

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des viandes ovine et caprine

55      Dans le cadre des enquêtes portant les références AP/2004/4/GR et AP/2005/2/GR et concernant le secteur des viandes ovine et caprine, les services de la Commission ont effectué des vérifications en Grèce du 22 au 26 mars 2004 et du 21 au 25 février 2005.

56      Par deux lettres du 5 août 2004 et du 23 juin 2005, la Commission a informé la République hellénique des résultats des contrôles qu’elle avait effectués et a ainsi exposé les carences identifiées.

57      Par deux lettres du 5 octobre 2004 et du 26 août 2005, la République hellénique a présenté ses observations sur les constatations issues des contrôles effectués par la Commission.

58      Par deux lettres du 9 février 2005 et du 2 mai 2006, la Commission a invité la République hellénique à deux réunions qui se sont finalement tenues, respectivement, le 11 mars 2005 et le 7 juin 2006.

59      Les comptes rendus des réunions susvisées ont été transmis à la République hellénique le 22 juin 2005 et le 22 septembre 2006.

60      Par lettres du 21 juillet 2005 et du 20 octobre 2006, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur les comptes rendus des réunions.

61      Par lettre du 5 août 2009, la Commission a formellement communiqué ses conclusions à la République hellénique.

62      La République hellénique a ensuite saisi l’organe de conciliation. Celui‑ci a rendu son rapport final le 15 janvier 2010.

63      Le 15 juillet 2010, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils y ont maintenu leur position communiquée dans la lettre du 5 août 2009.

64      Par la décision attaquée, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le secteur des viandes ovine et caprine une correction forfaitaire de 10 % portant sur les exercices financiers 2004 à 2006, correction qui s’élève à un montant de 50 166 591,97 euros.

65      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 11 du rapport de synthèse.

 Procédure et conclusions des parties

66      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2010, la République hellénique a introduit le présent recours.

67      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant que celle‑ci la vise ;

–        condamner la Commission aux dépens.

68      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

69      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à différentes questions et à produire divers documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

70      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 26 juin 2012.

 En droit

71      À l’appui du recours, la République hellénique invoque 23 moyens, relatifs aux corrections financières à sa charge concernant les cultures arables, le tabac brut, les obligations en matière de conditionnalité, les raisins secs, les mesures spécifiques pour certains produits agricoles en faveur des îles mineures de la mer Égée et les viandes ovine et caprine.

 Observations liminaires

72      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules sont financées par le FEOGA les interventions entreprises selon les règles de l’Union européenne, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission, lorsqu’elle refuse de mettre à la charge du budget de l’Union certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, de prouver l’existence desdites violations (voir arrêt de la Cour du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec. p. I‑7529, point 6, et la jurisprudence citée). En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 46, et la jurisprudence citée).

73      Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêts de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 36, et Espagne/Commission, point 72 supra, point 47).

74      Il appartient ensuite à l’État membre concerné de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt Belgique/Commission, point 73 supra, point 36). En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles‑ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 7, et Espagne/Commission, point 72 supra, point 48).

75      Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts de la Cour Belgique/Commission, point 73 supra, point 37 ; du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec. p. I‑747, point 37, et Espagne/Commission, point 72 supra, point 49).

76      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la République hellénique.

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des cultures arables

 Constatations des services de la Commission lors de la procédure administrative

77      S’agissant des cultures arables, la Commission a écarté du financement de l’Union, pour l’exercice financier 2007 (demandes de l’année 2006), au titre de deux postes budgétaires distincts, pour respectivement 194 432 515,09 euros et 16 480 990,57 euros, la somme totale de 210 913 505,66 euros, correspondant, de manière forfaitaire, à 10 % des dépenses relatives aux aides liées à la surface, y compris les mesures de développement agricole E et A liées à la surface, au motif, d’une part, que le système d’identification des parcelles agricoles-système d’information géographique (ci‑après le « SIPA‑SIG ») n’était pas totalement opérationnel pendant la période pertinente et, d’autre part, que les contrôles sur place avaient été réalisés avec un retard si important qu’ils n’étaient plus du tout efficaces et que leur qualité n’était pas celle recommandée.

 Sur le premier moyen, tiré de l’inexistence d’une base juridique valable pour l’application, en l’espèce, des lignes directrices de la Commission pour le calcul de corrections forfaitaires

78      Par son premier moyen, la République hellénique invoque l’inexistence d’une base juridique valable, justifiant l’application, dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) ainsi que du régime de paiement unique prévu par le règlement n° 1782/2003, des lignes directrices pour le calcul de corrections forfaitaires prévues dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci‑après les « orientations ») ainsi que dans les documents AGRI VI/216/93, AGRI/17933/2000 et AGRI/61495/2002. Selon la République hellénique, ces documents et les lignes directrices qu’ils énoncent ont été adoptés en tenant compte des dispositions du règlement n° 729/70, ainsi que du règlement n° 1258/1999, lesquelles auraient été abrogées. Il s’ensuivrait qu’ils ne sauraient trouver application dans le cadre du nouveau régime, institué par le règlement n° 1782/2003. La nouvelle réglementation aurait institué un contexte tout à fait différent pour ce qui est du mécanisme de contrôle et de l’imposition des corrections financières, sans rapport avec les différents régimes antérieurs. Ainsi, dans les nouveaux règlements, à savoir le règlement n° 1782/2003 et le règlement n° 1290/2005 qui régit, notamment, la procédure d’apurement des comptes, le législateur n’aurait fait aucune référence aux corrections forfaitaires, aux contrôles clés et aux contrôles secondaires, notions utilisées par la Commission dans la décision attaquée. Seul l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et les critères qu’il prévoit seraient capables de constituer la base juridique de toute correction. Or, en faisant application, dans la décision attaquée, des lignes directrices prévues dans les documents susmentionnés, la Commission n’aurait pas appliqué cet article.

79      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des visas de la décision attaquée qu’elle a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31 du règlement n° 1290/2005.

80      Il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 729/70, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), prévoyait ce qui suit :

« La Commission, après consultation du comité du Fonds :

[…]

c)      décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3, lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

[…]

La Commission évalue les montants à écarter au vu notamment de l’importance de la non‑conformité constatée. La Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté […] »

81      En vertu de l’article 16, paragraphe 1, et de l’article 20, second alinéa, du règlement n° 1258/1999, le règlement n° 729/70 a été abrogé pour les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000. Il a été remplacé par le règlement n° 1258/1999, dont l’article 7, paragraphe 4, est, toutefois, rédigé en des termes identiques à ceux de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, tel que modifié.

82      Le règlement n° 1258/1999 a été abrogé en vertu de l’article 47, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005. Toutefois, aux termes de l’article 49, troisième alinéa, du règlement n° 1290/2005, le règlement n° 1258/1999 est resté applicable pour les dépenses encourues avant le 16 octobre 2006, date d’entrée en vigueur des articles 30 et 31 du règlement n° 1290/2005.

83      L’article 31 du règlement n° 1290/2005 prévoit ce qui suit :

« 1. La Commission décide des montants à écarter du financement [de l’Union] lorsqu’elle constate que des dépenses […] n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union…]

2. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non‑conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à [l’Union]. 

[…] »

84      Il convient d’emblée de constater que c’est à tort que la République hellénique fait valoir que seul l’article 31 du règlement n° 1290/2005 constituait une base juridique valable pour l’imposition, par la décision attaquée, de corrections forfaitaires s’agissant des cultures arables. Dès lors que ces corrections concernaient l’ensemble des demandes de l’année 2006, alors que l’article 31 du règlement n° 1290/2005 n’était applicable qu’aux dépenses encourues à partir du 16 octobre 2006, c’est à juste titre que la Commission a mentionné, dans les visas de la décision attaquée, non seulement cette dernière disposition, mais également celle de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, comme étant les bases légales de la décision attaquée.

85      Ensuite, il convient de relever que, s’il est vrai que, comme le fait valoir la République hellénique, la nouvelle PAC implique des modifications importantes caractérisées par le nouveau régime de paiement unique, il n’en est pas moins vrai que l’article 31 du règlement n° 1290/2005 est rédigé en des termes très analogues à ceux de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 qu’il a remplacé. En particulier, les deux dispositions mentionnent la nature et la gravité de l’infraction comme critères dont la Commission doit tenir compte lorsqu’elle évalue les montants à écarter au vu de l’importance de la non‑conformité constatée.

86      S’agissant des documents de la Commission évoqués par la République hellénique dans son argumentation, il ressort de la page 14 des orientations que celles‑ci ont remplacé les lignes directrices pour les décisions concernant les dépenses à exclure du financement de l’Union en application de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, établies par le document de la Commission VI/216/93, également évoqué par la République hellénique dans son argumentation. C’est donc à tort que celle‑ci fait valoir que la Commission a également fait application, pour l’adoption de la décision attaquée, de ce dernier document.

87      Les orientations prévoient qu’une correction forfaitaire de 2, de 5, de 10 ou de 25 %, voire plus, en fonction de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles, pourra être appliquée aux dépenses déclarées par un État membre, lorsque les informations à la disposition de la Commission ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par l’Union du fait desdits manquements.

88      Selon l’annexe 1 des orientations (p. 6), lorsque des carences sont constatées dans le système de contrôle ou de gestion d’un État membre dans le cadre d’une enquête, l’adoption d’une correction financière est fondée sur le manquement de cet État membre au respect des règles de l’Union, qui a une incidence financière sur les dépenses communautaires.

89      À l’annexe 2 des orientations (p. 8), la Commission précise :

« Lorsqu’un État membre ne respecte pas les règles communautaires visant à vérifier l’éligibilité des demandes, ce seul manquement implique que les paiements contreviennent aux dispositions communautaires applicables à la mesure concernée et à l’obligation générale de détection et de prévention des irrégularités incombant aux États […] Cela ne signifie pas nécessairement que toutes les demandes satisfaites constituent des irrégularités, mais que le risque de voir le [FEOGA] supporter des dépenses indues s’en trouve accru. S’il est vrai que, dans certains cas flagrants, la Commission pourrait être habilitée à refuser toutes les dépenses concernées lorsque les contrôles requis par un règlement ne sont pas effectués, dans un certain nombre de cas le montant des dépenses à écarter excéderait, selon toute probabilité, la perte financière subie par [l’Union]. Il convient alors d’estimer la perte lors de l’évaluation des corrections financières. »

90      À la page 9 de la même annexe des orientations, la Commission indique également que, lorsqu’il est impossible de déterminer le montant réel des paiements irréguliers et, de ce fait, le montant des pertes financières subies par l’Union, ce sont des corrections forfaitaires qui sont appliquées en fonction de l’évaluation du risque de perte encouru par le budget de l’Union du fait des contrôles déficients.

91      Ainsi, conformément à l’annexe 2 des orientations (p. 11 à 13), lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou le sont si mal ou si rarement qu’ils en sont inefficaces, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 10 % des dépenses déclarées. Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais le sont sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 % des dépenses déclarées. Si l’État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet de réaliser un ou plusieurs contrôles secondaires, la correction applicable est une correction à hauteur de 2 % des dépenses déclarées. Dans des cas exceptionnels, l’application de taux de correction plus élevés peut être décidée.

92      Les contrôles clés et les contrôles secondaires sont définis à l’annexe 2, page 11, des orientations, dans les termes suivants :

« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par regroupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux. Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »

93      Par ailleurs, le document AGRI/17933/2000 de la Commission, évoqué par la République hellénique dans son argumentation, fournit une classification, en contrôles clés et en contrôles secondaires, des diverses mesures de contrôles dans divers secteurs.

94      En outre, le document de travail de la Commission AGRI/61495/2002, intitulé « Sur le traitement par la Commission, dans le cadre de l’apurement des comptes de la section ‘Garantie’ du FEOGA, des cas de récurrence d’insuffisance de systèmes de contrôle », également évoqué par la République hellénique dans son argumentation, insère un addendum à l’annexe 2 des orientations, en vue de préciser l’application du principe, énoncé à la page 11, avant‑dernier paragraphe, dernière phrase, des orientations. Selon cet addendum, « [l]e manquement [aux obligations d’un État membre] devient plus grave si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires ».

95      Enfin, à la page 12 de l’annexe 2 des orientations, la Commission précise que le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Ainsi, lorsque la carence résulte de l’absence d’adoption d’un système de contrôle approprié par un État membre, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée.

96      Il y a lieu de relever, à propos des orientations, que rien ne s’oppose à ce que la Commission, afin d’assumer pleinement l’habilitation prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, dans sa version résultant du règlement n° 1287/95, à l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 ou à l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, adopte des orientations internes concernant les corrections financières et donne mission aux services concernés de les appliquer. Ces orientations internes contribuent à assurer que, lorsque la Commission prend des décisions en application de ces dispositions, les États membres ou les autorités désignées par eux bénéficient, dans des situations comparables, d’un traitement identique. Aussi, de telles orientations sont susceptibles de renforcer la transparence des décisions individuelles adressées aux États membres. Les orientations internes indiquent ainsi les lignes générales sur le fondement desquelles la Commission envisage, en application de la réglementation pertinente, d’adopter ultérieurement des décisions individuelles dont la légalité pourra être contestée par l’État membre concerné devant le Tribunal (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, Rec. p. I‑2415, points 31 à 33).

97      Au regard de ces considérations et dès lors que l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 est libellé en des termes quasi identiques à ceux de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, dans sa version résultant du règlement n° 1287/95, sous l’empire duquel les orientations, définies par la Commission le 23 décembre 1997, ont été adoptées (et complétées par les documents AGRI/17933/2000 et AGRI/61495/2002), il convient de conclure que rien n’interdisait à la Commission de les appliquer également dans l’exercice des compétences que l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 lui attribuait.

98      Si la République hellénique soutient que seuls les critères prévus au paragraphe 2 de cet article sont à prendre en considération lors de l’évaluation des montants à écarter du financement, il ne ressort pas de la lecture des orientations que celles‑ci prévoient, à cet égard, des critères différents. Au contraire, elles se limitent à préciser la méthode et les paramètres que la Commission utilisera pour le calcul des montants à écarter du financement, sur la base des critères prévus à l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, lesquels étaient également prévus à l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, dans sa version résultant du règlement n° 1287/95. Il s’ensuit que c’est à tort que la République hellénique soutient que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’a pas fait application de l’article 31 du règlement n° 1290/2005. En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé, les visas de la décision attaquée font explicitement référence à cette disposition et, au demeurant, son application n’est en rien incompatible avec l’application des orientations.

99      La République hellénique soutient également que, en raison de la modification profonde de la PAC en 2005, des faiblesses susceptibles d’impliquer un préjudice financier important sous l’ancien régime ne présentent aucune importance dans le cadre du nouveau régime. Elle mentionne, à titre d’exemple, la date de réalisation des contrôles, laquelle ne jouerait aucun rôle dans le cadre du nouveau régime, lequel prévoit des aides « découplées » d’une exigence spécifique de production. Elle soutient également que les contrôles clés et les contrôles secondaires ont été spécifiés, de manière distincte pour chaque organisation commune de marché, dans le document AGRI/17933/2000 de la Commission. Or, les contrôles clés et les contrôles secondaires n’auraient pas été redéfinis dans le cadre de la nouvelle PAC. Par conséquent, la fixation, dans la décision attaquée, d’« un taux de correction écrasant de 10 % », au motif que des contrôles clés n’auraient pas été réalisés et que de graves carences auraient entraîné un risque pour le budget de l’Union, serait illégale. En tout état de cause, même à admettre que la Commission ait légalement redéfini, par le document AGRI/64041/2005, les contrôles clés et les contrôles secondaires dans le cadre du nouveau régime, seules des faiblesses qui concernent des contrôles secondaires auraient été relevées, lesquelles ne justifieraient qu’un taux de correction de 2 %.

100    À cet égard, il convient de relever que la Commission a adopté le document AGRI/64041/2005 sur « les contrôles clés et les contrôles secondaires dans le secteur des aides à la surface applicables depuis les demandes de l’année 2005 », lequel est évoqué par la République hellénique elle‑même. Par ce document, la Commission a défini les contrôles clés et les contrôles secondaires dans le secteur des aides à la surface applicables, notamment, au régime de paiement unique du règlement n° 1782/2003. Il s’ensuit que l’argument de la République hellénique selon lequel les orientations ne pourraient pas être appliquées dans le cadre du nouveau régime, faute de nouvelle définition des contrôles clés et des contrôles secondaires qui tiendrait compte des caractéristiques particulières de ce nouveau régime, est fondé sur une prémisse erronée et doit être rejeté.

101    S’agissant de l’argument, avancé à titre subsidiaire, selon lequel les faiblesses constatées dans la décision attaquée ne justifieraient qu’un taux de correction de 2 %, il convient de relever qu’il ressort des points 12.2.3 et 12.2.5 du rapport de synthèse que le manquement de la République hellénique à ses obligations, invoqué par la Commission pour justifier l’imposition d’un taux de correction forfaitaire de 10 %, concernait des contrôles clés. Sous réserve de l’analyse de l’exactitude matérielle de cette constatation, contestée par la République hellénique par les troisième et quatrième moyens, il convient de relever qu’un tel manquement était effectivement, selon les orientations (voir point 91 ci‑dessus), à même de justifier l’imposition d’un taux de correction de 10 %. Cet argument doit, par conséquent, être écarté.

102    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité du fait de l’application du taux de correction prévu dans les orientations

103    Dans le cadre de son deuxième moyen, la République hellénique invoque une violation du principe de proportionnalité résultant, selon elle, de l’application, au cas d’espèce, des orientations, dans le contexte tout à fait différent de la nouvelle PAC. En particulier, elle soutient que les corrections forfaitaires de 10 %, voire de 15 %, imposées pour des faiblesses analogues à celle en cause en l’espèce, constatées en 2004 et en 2005, correspondaient à des montants de l’ordre de 63 millions d’euros alors que, en raison de la réforme de la PAC et de l’augmentation très significative de la base de calcul des corrections forfaitaires qui en a résulté, la correction forfaitaire de 10 % imposée en l’espèce correspond à un montant dépassant 210 millions d’euros. Selon la République hellénique, ce résultat aurait dû conduire la Commission à réviser ou à reformuler les orientations ou, du moins, à les appliquer avec souplesse. Or, celle‑ci les aurait appliquées à la lettre, ce qui aurait abouti à des corrections forfaitaires disproportionnées.

104    La République hellénique ajoute que la Commission a elle‑même admis, dans une lettre du 25 juin 2008 contenant le procès‑verbal d’une réunion bilatérale, que l’application des orientations à la nouvelle PAC a impliqué des conséquences beaucoup plus préjudiciables pour les États membres. Par ailleurs, s’agissant des obligations en matière de conditionnalité, la Commission aurait, par son document AGRI/2005/64043, du 9 juin 2006, ramené le taux de correction forfaitaire de 10 à 3 %. De plus, en 2007, elle aurait imposé à la République hellénique, pour les dépenses liées aux cultures arables, une correction forfaitaire de 5 % uniquement. Selon la République hellénique, il ressort de ces éléments que la Commission a elle‑même reconnu le caractère disproportionné des résultats d’une application stricte des orientations à la nouvelle PAC.

105    Au regard de cette argumentation, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81, et du Tribunal du 6 mai 2010, Comune di Napoli/Commission, T‑388/07, non publié au Recueil, point 143).

106    Il convient également de rappeler qu’une correction arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge des FEOGA, Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir arrêt du Tribunal du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié au Recueil, point 136, et la jurisprudence citée). La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettent à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié au Recueil, point 234).

107    Sous la même réserve que celle énoncée au point 101 ci‑dessus, l’imposition, en l’espèce, d’une correction forfaitaire de 10 % était conforme aux orientations. De plus, ainsi que l’admet la République hellénique elle‑même, le taux de la correction appliquée était égal, voire inférieur, à celui des corrections forfaitaires qui lui ont été imposées dans des cas analogues dans le passé. La République hellénique considère, néanmoins, que la Commission aurait dû s’écarter des orientations en l’espèce, dès lors que, en raison de l’augmentation significative de la base de calcul de la correction forfaitaire, augmentation qui, selon la République hellénique, est le résultat direct de l’adoption de la nouvelle PAC, le taux de correction, prévu dans les orientations et effectivement imposé, a conduit à une correction largement supérieure, en chiffres absolus, à celles imposées dans des cas analogues dans le passé.

108    Il convient de constater que la République hellénique soutient que l’adoption de la nouvelle PAC a conduit à une augmentation significative des dépenses relatives aux aides liées à la surface sans toutefois expliquer pour quelle raison, malgré cette augmentation, les manquements à ses obligations, constatées par la Commission, n’impliquaient pas une augmentation correspondante, en chiffres absolus, du risque de mise à la charge du budget de l’Union de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en la matière. À défaut de telles explications, l’imposition, en l’espèce, du taux de correction approprié, prévu dans les orientations, ne saurait être regardée comme constituant une violation du principe de proportionnalité.

109    Cela semble être d’autant plus le cas que, dans sa lettre du 25 juin 2008, invoquée par la République hellénique (voir point 104 ci‑dessus), la Commission, tout en admettant que, « avec la réforme de la PAC la base sur laquelle une correction pourrait éventuellement être appliquée devient plus significative », a indiqué que des efforts devaient être faits pour déterminer les cas où, malgré les faiblesses du SIPA‑SIG constatées, il n’existait pas de risque pour le budget de l’Union ainsi que les « facteurs tempérant le risque ». La Commission a, dans ce contexte, rappelé aux autorités helléniques qu’elles avaient « la faculté de présenter des éléments démontrant clairement que le risque pour le [budget de l’Union était] inférieur à la correction forfaitaire qui [devait] normalement être appliquée » en vertu des orientations. Or, la République hellénique n’allègue pas avoir présenté de tels éléments.

110    En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il est constant que l’adoption de la nouvelle PAC a conduit à une augmentation significative des dépenses relatives aux aides liées à la surface. Or, cette augmentation des dépenses implique une augmentation correspondante, en chiffres absolus, du risque de mise à la charge du budget de l’Union de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en la matière. En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’annexe de la décision attaquée concernant la République hellénique, la Commission a considéré qu’une correction financière forfaitaire nette de 10 % des dépenses relatives aux aides liées à la surface (194 432 515,09 euros, sur 1 944 325 150 euros), y compris les mesures de développement agricole E et A liées à la surface (16 480 990,57 euros, sur 164 809 905,7 euros), était appropriée. Le montant, donc, de la correction imposée pour l’exercice 2007 (demandes de l’année 2006), au titre de deux postes budgétaires distincts, pour respectivement 194 432 515,09 euros et 16 480 990,57 euros, résulte de l’application du pourcentage forfaitaire calculé sur le montant total des ressources octroyées par les fonds pour chaque mesure. Or, ce montant qui, d’après la République hellénique, a plus que triplé à la suite de l’application des orientations en vigueur, par rapport à ce qui aurait été imposé sous le régime antérieur, n’est que le résultat d’un simple calcul mathématique, à savoir l’application par la Commission du taux forfaitaire calculé sur la somme que la République hellénique a reçue au titre des aides directes – cultures arables pour les demandes de l’année 2006.

111    S’agissant du document AGRI/2005/64043, également évoqué par la République hellénique, il est dépourvu de pertinence. Ainsi que la République hellénique le relève elle‑même, ce document concerne l’application des corrections forfaitaires par rapport aux obligations relatives à la conditionnalité. Au paragraphe 3.2.1 de ce document, la Commission a fixé les taux de corrections forfaitaires à appliquer dans ce contexte, en fonction de la nature et de l’étendue des faiblesses constatées. Au paragraphe suivant, elle a prévu une exception pour les première et deuxième années de l’application de la conditionnalité, à savoir, respectivement, les années 2006 et 2007, en ramenant le taux de risque qui était la base de calcul pour l’imposition des corrections forfaitaires, respectivement, à 3 et 6 %. Elle a motivé cette exception par référence au caractère « évidemment limité » de la possibilité de répétition des infractions pendant les première et deuxième années d’application de la conditionnalité. Or, les aides relatives aux cultures arables et les obligations qui en résultent pour les États membres, concernées par le présent moyen, ne présentent aucun caractère nouveau, de sorte qu’aucun argument utile ne saurait être tiré par la République hellénique de ce document.

112    Enfin, pour ce qui est de l’application d’un taux de correction de 5 % pour les aides relatives aux cultures arables de l’année 2007, la Commission a relevé dans son mémoire en défense que la réduction du taux de correction forfaitaire appliqué en 2007 s’expliquait par le fait que ses services avaient constaté des améliorations dans les contrôles effectués par la République hellénique. Au regard de cet argument, aucunement contredit par cette dernière, il convient de conclure que l’application d’un taux de correction moins élevé en 2007 ne constitue pas un élément susceptible de démontrer le caractère disproportionné du taux de correction appliqué en l’espèce.

113    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit de l’Union du fait de l’imposition d’une correction forfaitaire en raison de l’absence d’actualisation du SIPA‑SIG

114    Par son troisième moyen, la République hellénique fait valoir que la décision attaquée, par laquelle la Commission lui a imposé une correction forfaitaire, « est entachée d’une illégalité quant à sa motivation insuffisante », dès lors que la Commission n’a pas tenu compte du fait que l’absence d’actualisation de son SIPA‑SIG était due à des décisions de ses juridictions nationales compétentes, lesquelles avaient, d’abord, suspendu, puis, annulé la procédure d’appel d’offres qu’elle avait lancée en vue de cette actualisation. Elle considère, se fondant sur les arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique (52/84, Rec. p. 89), et du 4 avril 1995, Commission/Italie (C‑348/93, Rec. p. I‑673), que, lorsqu’un État membre est dans l’impossibilité d’exécuter une mesure exigée par le droit de l’Union ou rencontre des difficultés objectives et insurmontables lors de son exécution, il peut échapper aux conséquences de la non‑exécution à condition d’en informer à temps la Commission et de collaborer avec elle en vue de trouver une solution appropriée.

115    L’article 20 du règlement n° 1782/2003, dans sa version résultant du règlement (CE) n° 864/2004 du Conseil, du 29 avril 2004, modifiant le règlement n° 1782/2003 et adaptant ce règlement en raison de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union européenne ( JO L 161, p. 48), tel que rectifié (JO L 206, p. 20), dispose :

« Article 20

Système d’identification des parcelles agricoles

1. Le système d’identification des parcelles agricoles est constitué sur la base de plans et de documents cadastraux ou d’autres références cartographiques. Les techniques utilisées s’appuient sur un système d’information géographique informatisé comprenant de préférence une couverture d’ortho‑imagerie aérienne ou spatiale, avec des normes homogènes garantissant une précision au moins équivalente à celle de la cartographie à une échelle de 1:10000.

[…] »

116    Selon l’article 156, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1782/2003, l’article 20 du même règlement s’applique à compter du 1er janvier 2005.

117    L’article 6 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement n° 1782/2003 (JO L 141, p. 18), dispose :

« Article 6

Identification des parcelles agricoles

1. Le système d’identification des parcelles agricoles visé à l’article 20 du règlement (CE) n° 1782/2003 fonctionne au niveau des parcelles de référence, telles que la parcelle cadastrale ou l’îlot de culture, ce qui garantit l’identification unique de chaque parcelle de référence.

En outre, les États membres assurent la fiabilité de l’identification des parcelles agricoles et exigent en particulier que les demandes uniques soient pourvues des éléments ou assorties des documents prévus par les autorités compétentes afin de localiser et de mesurer chaque parcelle agricole. Le fonctionnement du SIG repose sur un système géodésique national.

[…] »

118    Les dispositions citées aux points 115 à 117 ci-dessus imposent, donc, aux États membres l’obligation de disposer, à partir du 1er janvier 2005, d’un SIPA‑SIG, avec des normes homogènes garantissant une précision au moins équivalente à celle de la cartographie à une échelle de 1/10 000. Toutes les parcelles agricoles doivent être identifiées selon ce système (voir, par analogie, arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, point 106 supra, point 54).

119    Au point 12.2.1.1 du rapport de synthèse, la Commission a notamment constaté que le SIPA‑SIG n’était pas pleinement opérationnel en Grèce, ce qui rendait impossible l’identification des surfaces, la réalisation des contrôles croisés et créait un risque pour le budget de l’Union. En effet, les limites des parcelles de référence et leurs surfaces éligibles ne seraient pas définies correctement. Ainsi, les producteurs seraient mal informés de l’éligibilité de leurs terres et les contrôles croisés ne pourraient pas être réalisés dans des conditions satisfaisantes. Du point de vue de la Commission, ces constatations témoigneraient d’une situation globalement déficiente qui ne relèverait pas de cas isolés. En outre, dès lors qu’aucune mesure correctrice concrète n’aurait été mise en place pour l’exercice 2006, le risque engendré pour le budget de l’Union augmenterait d’année en année, les données étant déjà périmées.

120    Il convient de constater, d’emblée, que l’argumentation avancée par la République hellénique à l’appui du présent moyen est quelque peu ambiguë, dans la mesure où, bien que cette dernière évoque une motivation « insuffisante » de la décision attaquée, elle avance des allégations qui, si elles étaient établies, démontreraient que ladite décision est entachée d’une illégalité quant au fond. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67, et du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35). Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que, dans le contexte de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (voir arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C‑335/03, Rec. p. I‑2955, point 84, et la jurisprudence citée). Or, il ressort notamment des considérations résumées au point 119 ci-dessus que la Commission a fourni à la République hellénique une motivation suffisante pour justifier l’application, en l’espèce, d’une correction forfaitaire du fait de l’absence d’actualisation du SIPA‑SIG, indépendamment de la question du bien‑fondé de cette motivation. C’est cette dernière question qui est concernée par l’argumentation de la République hellénique avancée dans le cadre du présent moyen et il convient, par conséquent, de conclure que, malgré la terminologie ambiguë utilisée dans ses écritures, la République hellénique conteste, en substance, la légalité quant au fond de la décision attaquée sur ce point, et non le caractère suffisant de sa motivation.

121    En particulier, la République hellénique, tout en admettant qu’elle avait manqué à son obligation de mettre à jour son SIPA‑SIG, fait valoir que le retard constaté par les services de la Commission trouve son origine dans des décisions de ses juridictions nationales qui n’ont, d’ailleurs, rien fait d’autre qu’appliquer le droit de l’Union et, notamment, la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33). Il existerait, dès lors, des circonstances exceptionnelles, qui auraient empêché la République hellénique de procéder à l’actualisation requise.

122    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre interne pour justifier le non‑respect des obligations et délais résultant du droit de l’Union (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 2009, Commission/Grèce, C‑248/08, non publié au Recueil, point 56, et la jurisprudence citée). En particulier, il a été jugé qu’un État membre ne saurait justifier le non-respect d’une obligation qui lui incombe dans le contexte de la réglementation relative au FEOGA en invoquant les carences concernant les procédures nationales et les recours qui en résultent (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T‑243/05, Rec. p. II‑3475, point 120).

123    Cette considération n’est pas remise en cause par la jurisprudence invoquée par la République hellénique (voir point 114 ci‑dessus) que celle‑ci résume, d’ailleurs, de manière erronée dans ses écritures. Il résulte de cette jurisprudence qu’un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission, doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, la Commission et l’État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions pertinentes du droit de l’Union et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêts Commission/Belgique, point 114 supra, point 16, et Commission/Italie point 114 supra, point 17).

124    À supposer même que cette jurisprudence, qui concerne les décisions de la Commission en matière d’aides d’État, puisse être transposée à l’obligation d’un État membre dont il est question au point 118 ci‑dessus, il convient de relever que les complications et les retards résultant de l’exercice, par les intéressés, des voies de recours prévues contre un appel d’offres lancé par un État membre en vue de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union ne sauraient, en aucun cas, être qualifiés de difficultés imprévues et imprévisibles, au sens de cette jurisprudence. Il appartient, au contraire, à l’État membre concerné de prendre en considération l’éventualité de tels retards et de lancer en temps utile l’appel d’offres, de manière à assurer l’attribution du marché et l’exécution du contrat dans les délais, en dépit de l’exercice, par les intéressés, des voies de recours qui leur sont ouvertes par le droit de l’Union ou le droit national. De plus, l’État membre en question doit assumer la responsabilité et les conséquences d’une éventuelle illégalité commise par ses services, laquelle conduirait la juridiction nationale compétente à suspendre, voire à annuler, la procédure d’appel d’offres en question.

125    La République hellénique fait encore valoir, en substance, que l’absence d’actualisation de son SIPA-SIG n’a entraîné aucun risque pour le budget de l’Union, dès lors qu’elle continuait à utiliser l’ancien SIPA‑SIG et que « ce qui n’était pas identifié dans ce système n’était pas payé ».

126    Au regard de cet argument, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’absence d’un système fiable d’identification des parcelles implique en soi un risque élevé de préjudice pour le budget de l’Union (arrêts de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 97, et du 17 mars 2005, Grèce/Commission, C‑285/03, non publié au Recueil, point 62). En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence également constante, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien‑fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent éventuellement appliqué serait plus efficace (arrêt de la Cour du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, Rec. p. I‑3005, point 87, et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec. p. I‑7699, point 62). Partant, même à supposer que d’autres contrôles aient été organisés par la République hellénique, ce fait ne saurait infléchir l’appréciation de la Commission fondée sur l’absence de constitution du SIPA‑SIG tel que prévu par la réglementation pertinente (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, point 106 supra, point 56).

127    La République hellénique soutient également que, à la demande de la Commission, une société spécialisée indépendante avait réalisé, en octobre 2006, un contrôle de fiabilité de son SIPA‑SIG, tel qu’il existait à l’époque. Ce contrôle, qui aurait porté sur toute une série d’éléments techniques et aurait concerné l’ensemble des facteurs affectant le régime de paiement unique, n’aurait détecté qu’un seul cas de dépassement de la superficie éligible.

128    La République hellénique renvoie, à l’appui de ses affirmations, à une lettre du 6 septembre 2007, envoyée par l’Organismos Pliromon kai Elenchou Koinotikon Enischiseon Prosanatolismou kai Engyiseon‑Opekepe (agence hellénique de paiement et de contrôle des aides communautaires d’orientation et de garantie, ci‑après l’« Opekepe »), à la Commission. Or, cette lettre indique qu’un dépassement de la superficie éligible a été décelé, lors du contrôle, en ce qui concerne une des trois unités géographiques contrôlées. Un tel résultat ne confirme pas la fiabilité du SIPA‑SIG de la République hellénique, mais, au contraire, l’infirme.

129    La République hellénique invoque, en outre, une violation du principe de protection de la confiance légitime. Elle relève, à cet égard, qu’elle avait conclu avec la Commission un plan d’action de deux ans en vue de l’achèvement du SIPA‑SIG, lequel avait été respecté à la lettre. Ainsi, dès le 31 décembre 2008, comme convenu, le SIPA‑SIG aurait été achevé. L’élaboration et la mise en œuvre de ce plan d’action ainsi que le contrôle de sa réalisation effectué tous les six mois par la Commission auraient fait naître, dans son esprit, la confiance légitime que sa coopération avec la Commission jouerait en sa faveur. Elle ne saurait, en revanche, s’attendre à ce que la Commission ne tienne pas compte de ses efforts et lui impose un taux de correction financière trois fois plus élevé que celui imposé lors de la période de contrôle précédente.

130    Au regard de cette argumentation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à toute personne qui se trouve dans une situation selon laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez elle des espérances fondées (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, Innova Privat‑Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié au Recueil, point 227).

131    En l’espèce, la République hellénique n’affirme pas que la Commission lui avait donné des assurances précises, selon lesquelles elle n’appliquerait pas de corrections financières pour les demandes de l’année 2006 ou qu’elle appliquerait un taux de correction moins élevé que celui imposé par la décision attaquée. Par ailleurs, il ne ressort pas non plus des éléments du dossier que de telles assurances ont été données.

132    La République hellénique a produit, à l’appui de ses affirmations, la correspondance qu’elle avait échangée avec la Commission au sujet de l’actualisation de son SIPA‑SIG. Or, la lecture de cette correspondance ne permet de déceler aucune assurance précise de la Commission relative à la non‑imposition de corrections financières. Au contraire, une lettre du 27 octobre 2006 du directeur général de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission souligne que les fonds agricoles sont exposés à un risque financier considérable, dès lors que le SIPA‑SIG n’est pas opérationnel, ce qui pourrait amener à l’imposition des corrections financières significatives. Une autre lettre du directeur général adjoint de la DG « Agriculture et développement rural » de la Commission, du 4 avril 2007, relève, certes, que les autorités helléniques adoptent des mesures pour se conformer aux obligations imposées par la réglementation de l’Union en cause, mais n’exclut pas la possibilité des corrections résultant des déficiences constatées lors des enquêtes de la Commission au sujet des cultures arables menées en 2006 et en 2007.

133    La République hellénique a également produit, dans le même contexte, le rapport sommaire de la mission des représentants de la Commission en Grèce, des 28 et 29 septembre 2006, lequel ne fait pas non plus état d’assurances précises de la Commission concernant la non‑imposition de corrections financières. Il ressort seulement de ce rapport que les représentants de la Commission avaient, de nouveau, souligné l’importance d’un SIPA‑SIG fiable et avaient présenté aux autorités helléniques certaines propositions concrètes en vue de l’amélioration de la situation dans le futur.

134    Enfin, la République hellénique a produit un document qui présente les étapes de la réalisation du plan d’action et leur approbation par les services de la Commission. Or, ce document, dont ni la nature ni la provenance ne sont précisées par la République hellénique, ne contient non plus aucune assurance au sujet de l’application de corrections financières.

135    La Commission a, de surcroît, produit en annexe à son mémoire en défense une lettre du 26 février 2007 adressée par celui de ses membres qui était alors chargé de l’agriculture et du développement rural au ministre du Développement rural et de l’Alimentation de la République hellénique. Si, certes, dans cette lettre, le membre de la Commission relève que la réalisation des actions sur lesquelles la République hellénique s’était engagée assurerait, à moyen terme, la fiabilité du système de contrôle de celle‑ci, il n’en demeure pas moins qu’il ajoute que cette affirmation est « sans préjudice de la procédure de correction financière ».

136    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’argument tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime n’est pas fondé et doit être rejeté, de même que le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits

137    Par son quatrième moyen, la République hellénique reproche à la Commission une appréciation erronée des faits pertinents de l’espèce, en ce que celle‑ci a constaté un retard dans la réalisation des contrôles sur place prévus à l’article 23 du règlement n° 796/2004 et une mauvaise qualité des contrôles réalisés. Dans le cadre de ce même moyen, elle fait valoir, en outre, que, contrairement aux reproches de la Commission, le SIPA‑SIG était fiable pendant la période pertinente, ainsi qu’il résulte de la comparaison entre les données du SIPA‑SIG, utilisées pour les demandes de l’année 2006, et les données du SIPA‑SIG actualisé de l’année 2009, qui a révélé que les différences entre les deux catégories de données étaient minimes, ne dépassant pas 2,5 points de pourcentage.

138    À cet égard, il convient de rappeler, d’emblée, à l’instar de la Commission, que la correction forfaitaire de 10 % imposée par la décision attaquée aux dépenses dans le secteur des cultures arables n’est pas justifiée uniquement par le retard dans la réalisation des contrôles sur place, et par leur mauvaise qualité, mais également par l’absence d’actualisation du SIPA‑SIG dont disposait la République hellénique (voir point 77 ci‑dessus). Cependant, la Commission n’ayant précisé ni dans la décision attaquée ni dans ses écritures que le même taux de correction forfaitaire aurait été appliqué quand bien même l’une des deux carences constatées ferait défaut, il est nécessaire d’analyser l’ensemble de l’argumentation présentée par la République hellénique dans le cadre du présent moyen.

139    S’agissant des contrôles sur place, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 23 du règlement n° 796/2004, « les contrôles administratifs et les contrôles sur place […] sont effectués de façon à assurer une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides ainsi que des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité ».

140    Le document de travail de la Commission AGRI/60363/2005‑REV1 intitulé « Contrôles sur place des superficies en application des articles 23‑32 du règlement (CE) n° 796/2004 – Orientations applicables aux contrôles sur place des superficies et à la détermination des superficies » contient des instructions concernant les contrôles sur place des parcelles et du mesurage de celles‑ci, opérés par les États membres conformément au règlement n° 796/2004. Il est précisé, dans l’introduction de ces instructions, que celles‑ci soit découlent directement des dispositions applicables, soit constituent des recommandations des services de la Commission aux États membres. Ce document relève, notamment, dans sa partie 5 intitulée « Calendrier », que, pour être efficaces, les contrôles sur place des cultures doivent être effectués avant ou juste après la récolte. Il ajoute que si tel n’est pas le cas, il sera impossible de contrôler de manière fiable les cultures ou le respect de l’exigence de mise en jachère du terrain. Selon cette même partie du document en question, les services de la Commission considèrent les contrôles sur place comme étant complètement inefficaces dès le moment où l’agriculteur commence à cultiver le terrain pour la récolte de l’année suivant celle de référence.

141    En l’espèce, il ressort du point 12.2.1.2 du rapport de synthèse, de la lettre de la Commission du 6 juin 2007 (point 2 ci‑dessus) et de l’annexe 6 de la lettre de la République hellénique du 6 septembre 2007 (point 3 ci‑dessus) que, selon la Commission, même si certains contrôles sur place avaient été réalisés le 8 août 2006, leur grande majorité n’avait débuté que le 16 août 2006, ce qui ne correspondait pas à la bonne pratique de contrôle consistant à procéder à l’analyse du risque au plus tard à la mi‑juillet 2006, à savoir avant ou juste après la récolte, et à entamer immédiatement les contrôles.

142    Par son argumentation, la République hellénique ne remet pas en question cette constatation, mais, premièrement, fait valoir que, dans le cadre de la nouvelle PAC, le calendrier de réalisation des contrôles sur place ne revêt pas la même importance que sous le système antérieur, ce que la Commission a, selon la République hellénique, elle‑même reconnu, ainsi qu’il ressort du point 12.2.3 du rapport de synthèse.

143    Cet argument ne saurait être retenu. La partie du rapport de synthèse invoquée par la République hellénique relève que la Commission avait considéré que les carences constatées dans le secteur des cultures arables auraient pu justifier une correction forfaitaire de 15 %, en raison de leur nature récurrente, mais que les services de la Commission proposent l’application d’un taux de 10 % seulement, en tenant compte, notamment, du passage, en 2006, au régime de paiement unique prévu par la nouvelle PAC, à savoir le paiement d’une aide au revenu des agriculteurs en application de l’article 1er, deuxième tiret, du règlement n° 1782/2003. Il s’ensuit que la Commission a dûment tenu compte des modifications majeures résultant de la nouvelle PAC et que, sur cette base, elle a décidé de ne pas augmenter le taux de correction forfaitaire à appliquer, bien qu’une telle augmentation ait été justifiée.

144    En revanche, le rapport de synthèse ne relève pas, et il ne ressort pas des dispositions applicables, que, sous le nouveau régime de paiement unique, les contrôles sur place sont dépourvus de sens ou peuvent être réalisés à n’importe quel moment.

145    En effet, l’article 51 du règlement n° 1782/2003 prévoit que les agriculteurs peuvent utiliser les parcelles déclarées en vue d’obtenir un paiement unique pour toute activité agricole à l’exception des cultures permanentes et de la production de certains produits, définis dans cette disposition. En outre, dans le respect des conditions prévues aux articles 53 à 56 du même règlement, un agriculteur peut obtenir un paiement unique pour des terres mises en jachère. Conformément à l’article 55, sous b), du règlement n° 1782/2003, « les terres mises en jachère sont utilisées pour la production de matières premières servant à la fabrication dans la Communauté de produits qui ne sont pas directement destinés à la consommation humaine ou animale, à condition que des systèmes efficaces de contrôle soient appliqués ». Il ressort, par ailleurs, de l’article 56, paragraphe 1, du règlement n° 1782/2003, que les terres mises en jachère doivent être maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales et que, sans préjudice de l’article 55, elles ne peuvent pas être affectées à un usage agricole, ni produire une culture destinée à être commercialisée.

146    Il s’ensuit que, sous le régime de paiement unique, des contrôles effectués sur place peuvent servir à vérifier le respect des conditions mentionnées au point 145 ci-dessus, lesquelles doivent être remplies afin qu’un agriculteur puisse bénéficier du paiement unique auquel il prétend. L’efficacité de tels contrôles dépend, notamment, du moment de leur réalisation. Ainsi que l’a souligné, à juste titre, la Commission, dans son document de travail AGRI/60363/2005‑REV1, de tels contrôles deviennent totalement inefficaces à partir du moment où l’agriculteur concerné a déjà commencé à cultiver le terrain pour la récolte de l’année suivant celle de référence. En effet, à partir de ce moment, il est en principe impossible de vérifier l’état et l’utilisation du terrain durant l’année de référence.

147    Deuxièmement, la République hellénique fait valoir que le pourcentage des contrôles sur place à réaliser a été respecté et que la date exacte de leur réalisation résulte des éléments transmis à la Commission. Ces allégations doivent être écartées comme étant dépourvues de pertinence, dès lors que la décision attaquée ne fait, par rapport à ces questions, aucun reproche à la République hellénique. Ce qui lui est reproché, c’est le retard dans la réalisation des contrôles et leur mauvaise qualité.

148    Troisièmement, la République hellénique soutient qu’aucune date précise n’avait été fixée pour la réalisation des contrôles et que la réalisation d’un faible nombre de contrôles au cours des premiers mois de l’année 2007 n’a impliqué aucun risque pour le budget de l’Union, dès lors que ces contrôles ont porté exclusivement sur des cultures permanentes des régions oléicoles.

149    Or, s’il est, certes, vrai qu’aucune date précise pour la réalisation des contrôles n’est fixée par le règlement n° 796/2004, ni même par le document de travail AGRI/60363/2005‑REV1 de la Commission, il n’en est pas moins vrai que, ainsi qu’il a déjà été relevé (point 146 ci‑dessus), c’est à juste tire que la Commission a considéré, dans ce document, que des contrôles qui sont réalisés après que l’agriculteur concerné a commencé à cultiver le terrain pour la récolte de l’année suivant celle de référence ne sont, en principe, aucunement efficaces.

150    S’agissant de l’argument relatif aux contrôles effectués en 2007, il suffit de relever que la décision attaquée reproche à la République hellénique d’avoir, pour la plupart, réalisé les contrôles requis après le 16 août 2006. Or, la République hellénique n’allègue pas que, mis à part le faible nombre de contrôles qu’elle admet avoir réalisés en 2007, les autres contrôles réalisés l’ont été avant le 16 août 2006.

151    Dans la réplique, la République hellénique a ajouté que les principaux produits grecs étaient récoltés en automne, à l’exception du blé dur récolté au mois de juillet, si bien que la réalisation des contrôles sur place après la mi‑août n’aurait impliqué aucun risque sérieux pour le budget de l’Union. Force est, toutefois, de constater que la République hellénique a renvoyé, à l’appui de ses affirmations, à un tableau des principaux produits grecs qui mentionne leurs périodes de récolte respectives, lequel contient plusieurs produits, autres que le blé dur, dont les mois de récolte mentionnés sont les mois de juin, de juillet ou d’août.

152    Il s’ensuit que la République hellénique n’a pas été en mesure de démontrer que les constatations de la Commission sur la réalisation tardive des contrôles sur place pour l’année 2006 étaient inexactes. Ce retard des contrôles sur place implique en soi un risque élevé de préjudice pour le budget de l’Union.

153    S’agissant de la constatation de la décision attaquée relative à la mauvaise qualité des contrôles réalisés sur place, il ressort du point 12.2.1.2 du rapport de synthèse que des différences dans les superficies déclarées auraient été constatées, lesquelles résulteraient de procédures de contrôle inexactes, y compris l’acceptation de terrains non éligibles. Ce reproche est davantage détaillé dans la lettre de la Commission du 6 juin 2007 (point 2 ci‑dessus). Cette lettre énumère plusieurs exemples de divergences de superficie et même de position entre le terrain déclaré par l’agriculteur concerné et le terrain contrôlé lors d’un contrôle sur place réalisé par les autorités de la République hellénique. Elle fait également référence à des exemples concrets d’erreurs dans les mesurages et les conclusions des contrôles réalisés par les services nationaux, constatées par les services de la Commission. Il y est, en outre, souligné à plusieurs reprises que ces erreurs ont conduit à l’admission de terrains non éligibles.

154    La République hellénique n’avance aucun argument remettant en question une ou plusieurs de ces constatations. Elle se limite à affirmer, de manière générale, que la Commission avait elle‑même admis, dans le compte rendu de la réunion bilatérale qui lui a été transmis le 25 juin 2008, que la qualité des contrôles réalisés sur place s’était considérablement améliorée par rapport aux deux ou trois années précédentes. Elle ajoute que les écarts constatés lors des nouveaux contrôles réalisés par les services de la Commission concernent des cas isolés et peuvent résulter des divergences dans l’exactitude des mesurages effectués par les instruments de mesure utilisés, lesquels sont particulièrement sensibles aux conditions climatiques.

155    Comme l’admet la République hellénique elle‑même, ce dernier argument avait déjà été avancé lors de la procédure administrative et il a été, à juste titre, rejeté par la Commission. Ainsi qu’il ressort du compte rendu de la réunion bilatérale susmentionné, les services de la Commission ont relevé, à cet égard, que les divergences constatées lors des contrôles qu’ils avaient eux‑mêmes effectués ne pouvaient pas être attribuées à l’instrument de mesurage utilisé, mais résultaient d’un contrôle initial défectueux, par exemple en raison de l’admission de terrains non éligibles.

156    Il convient, en effet, de constater que, s’agissant des exemples dont il est question au point 153 ci-dessus, les divergences constatées sont, dans la plupart des cas, d’une ampleur tellement significative que l’hypothèse d’une imprécision de l’instrument de mesurage peut être d’emblée exclue. En outre, la lettre de la Commission du 6 juin 2007 fait également référence, dans certains cas, à des terrains inclus dans le mesurage d’une parcelle, alors qu’ils en étaient distincts ou qu’ils faisaient partie d’un chemin. De tels cas ne s’expliquent pas par un hypothétique défaut de précision de l’instrument de mesurage.

157    S’agissant de l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission a, elle‑même, constaté des améliorations de ses contrôles, il convient de relever que, s’il est exact que la Commission a effectivement fait allusion à une telle amélioration, il résulte du point 12.2.3 du rapport de synthèse qu’elle l’a prise en considération afin de maintenir le taux de correction à 10 %, alors que la nature récurrente des carences relevées pouvait, en principe, justifier un taux de 15 % (voir également point 143 ci‑dessus).

158    La République hellénique se réfère également, de manière détaillée, aux différents éléments des contrôles croisés qu’elle réalisait, lesquels assuraient, selon elle, l’exclusion de toute possibilité de double paiement ou de double déclaration de parcelle.

159    À cet égard, il convient de rappeler que les carences relevées par la Commission pour justifier la correction forfaitaire imposée par la décision attaquée concernaient les contrôles sur place et non les contrôles croisés. Admettre la thèse selon laquelle la réalisation de contrôles croisés pourrait exclure tout risque pour le FEOGA s’agissant des carences constatées par la décision attaquée équivaudrait à conclure que les contrôles sur place ne sont, en définitive, d’aucune utilité pratique. Or, pour les motifs déjà exposés aux points 144 à 146 ci‑dessus, une telle conclusion serait erronée.

160    La République hellénique fait encore remarquer que, ainsi qu’il ressort du rapport de synthèse, l’organe de conciliation avait invité la Commission à ramener le taux de la correction de 10 à 5 %, à l’instar de la diminution du taux de correction pour le blé dur, ramené de 15 %, en 2005, à 10 % en raison des améliorations constatées.

161    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la procédure de conciliation est régie par le règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90). Or, aux termes de l’article 12, sous b) et c), du règlement n° 885/2006, l’organe de conciliation a « pour fonction […] b) de tenter de rapprocher les positions divergentes de la Commission et de l’État membre concerné; c) d’établir, à l’issue de ses travaux, un rapport sur le résultat de ses efforts de conciliation, accompagné de toute observation qu’il estime utile au cas où le différend subsisterait, en totalité ou en partie ». Il en résulte que la position prise par l’organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d’apurement des comptes. L’argument en sens contraire de la République hellénique ne peut pas être accueilli. En tout état de cause, il y a lieu de relever que la Commission a, à juste titre, expliqué (point 12.2.5 du rapport de synthèse) que la diminution du taux de correction appliqué pour le blé dur était justifiée par des améliorations constatées dans le déroulement en temps utile des contrôles sur place relatifs à ce produit. Ces constatations étaient dépourvues de pertinence quant aux carences de la République hellénique constatées s’agissant de son SIPA‑SIG, invoquées pour justifier la correction appliquée au secteur des cultures arables.

162    Enfin, la République hellénique fait valoir que, après l’actualisation de son SIPA‑SIG, en 2009, ses services ont effectué une étude comparative, qui n’aurait révélé que des différences minimes entre l’ancien et le nouveau support cartographique, inférieures à 2,5 points de pourcentage.

163    Le seul élément produit par la République hellénique à l’appui de cette partie de son argumentation est une lettre du 21 avril 2009, adressée par l’Opekepe au Nomiko Symvoulio tou Kratous (Conseil juridique de l’État hellénique), par laquelle l’Opekepe demande la saisine de l’organe de conciliation s’agissant de certaines dépenses encourues au titre des demandes de l’année 2007. Cette lettre renvoie à des « éléments annexés », lesquels consistent en des tableaux présentant les superficies pour lesquelles des erreurs avaient été décelées en 2007 et en 2009. Selon l’Opekepe, il ressort de ces éléments que l’utilisation du nouveau « support cartographique » n’aurait pas conduit à des résultats significativement différents de ceux obtenus à l’aide de l’ancien « support cartographique ». Par ailleurs, lesdits éléments indiqueraient que les superficies « non identifiées » pour l’année 2007 s’élevaient à 54 946,50 hectares, sur la base de l’ancienne cartographie et des « données alphanumériques de 2007 », alors qu’elles étaient, en 2009, de 253 240,05 hectares.

164    La République hellénique précise, dans la réplique, que les superficies « non identifiées » pour les années 2007 et 2009 correspondaient à un pourcentage, respectivement, de 0,94 et 3,44 % de la superficie admissible totale déclarée et contrôlée, à savoir 5 868 199,93 hectares en 2007 et 5 744 187,24 hectares en 2009. Sur cette base, elle soutient que le taux de correction forfaitaire à appliquer n’aurait pas dû dépasser la différence entre ces deux pourcentages, à savoir 2,5 points. En outre, elle précise que son SIPA‑SIG n’avait subi aucune modification significative entre 2006 et 2007, dans l’attente de son actualisation qui a été réalisée en 2009, si bien que le résultat de la comparaison entre les données de 2007 et de 2009 est également valable pour l’année 2006, concernée par la décision attaquée.

165    Pour sa part, la Commission souligne que les données évoquées par la République hellénique ne lui avaient pas été communiquées durant la procédure administrative, et ce bien qu’elle ait invité la République hellénique à lui soumettre tout élément qui pourrait être utilisé dans l’appréciation du risque pour le budget de l’Union, résultant des carences constatées. Elle n’en aurait pris connaissance qu’à la lecture de la requête.

166    Au regard de cette partie de l’argumentation de la République hellénique, il convient de constater, d’emblée, que la lettre du 21 avril 2009 en cause et les éléments qui y sont annexés présentent les résultats de la comparaison entre, d’une part, les données du SIPA‑SIG de 2007, c’est‑à‑dire les données relatives aux demandes de l’année 2007, et, d’autre part, les données du SIPA‑SIG actualisé de 2009. Dès lors que seules les demandes de l’année 2006 sont concernées par la décision attaquée, la République hellénique devrait démontrer que le SIPA‑SIG n’avait subi que des modifications limitées entre 2006 et 2007.

167    Or, si elle allègue que les données du SIPA‑SIG de 2006 étaient quasi identiques à celles du SIPA‑SIG de 2007, elle ne fournit pas le moindre élément probant au soutien d’une telle allégation.

168    D’ailleurs, les chiffres qu’elle évoque démontrent que le pourcentage des superficies « non identifiées » (notion qui désigne, ainsi qu’il ressort de l’ensemble de l’argumentation de la République hellénique, les superficies pour lesquelles des erreurs ont été décelées) a plus que triplé entre, d’une part, 2007 et, d’autre part, 2009, année de l’actualisation de son SIPA‑SIG. Ce faisant, ils confortent le raisonnement suivi par la Commission, dans la décision attaquée, et confirment les considérations énoncées au point 126 ci‑dessus, selon lesquelles, en substance, l’absence d’un système fiable de contrôle implique, à elle seule, un risque élevé de préjudice pour le budget de l’Union.

169    Du reste, il convient de relever que l’argumentation susvisée de la République hellénique est, à la fois, lacunaire et non étayée de preuves suffisantes.

170    En premier lieu, force est de constater que la République hellénique n’a pas suffisamment explicité les arguments qu’elle invoque. Elle procède à une comparaison entre le pourcentage de surfaces « non identifiées » en 2007 et en 2009, sans fournir d’éléments permettant de démontrer qu’une telle comparaison est possible et justifiée. En effet, une telle comparaison suppose que, en substance, les mêmes surfaces aient été déclarées et contrôlées aussi bien en 2007 qu’en 2009. Or, à défaut d’une argumentation spécifique de la République hellénique, il n’est pas possible a priori de présumer que tel était le cas. Le fait que, selon les chiffres fournis par la République hellénique, la superficie admissible totale déclarée et contrôlée est passée de 5 868 199,93 hectares en 2007 à 5 744 187,24 hectares en 2009 est également susceptible de jeter un doute supplémentaire sur la validité de la comparaison effectuée par la République hellénique.

171    Par ailleurs, la République hellénique allègue, en substance, que, si le nouveau SIPA‑SIG avait été opérationnel dès 2006, cela n’aurait permis de déceler qu’un pourcentage supplémentaire d’erreurs de 2,5 % par rapport à ce qui a été effectivement constaté. Or, une telle allégation, à la supposer exacte, n’implique pas nécessairement que le taux de correction forfaitaire à appliquer, lequel ne concerne pas les surfaces déclarées, mais les dépenses engagées, devait être de 2,5 %, comme le soutient la République hellénique, sans pourtant étayer cette thèse d’une argumentation spécifique et détaillée. À défaut d’une telle argumentation, il ne saurait être admis qu’il y ait un parallélisme entre l’augmentation du taux des superficies « non identifiées » à la suite de l’actualisation du SIPA‑SIG et le taux de correction à appliquer sur les dépenses engagées avant cette actualisation.

172    En tout état de cause, il convient de rappeler que la correction forfaitaire de 10 % sur les dépenses engagées dans le secteur des cultures arables, imposée par la décision attaquée, n’est pas exclusivement fondée sur le risque résultant de la non‑actualisation du SIPA‑SIG, mais également sur le retard dans la réalisation des contrôles sur place et sur la mauvaise qualité de ces contrôles, ce qui, tout comme les considérations énoncées au point 171 ci-dessus, milite contre le parallélisme préconisé par la République hellénique.

173    En second lieu, il y a lieu de constater que l’argumentation de la République hellénique, résumée aux points 163 et 164 ci‑dessus, n’est pas, en tout état de cause, étayée de preuves suffisantes. En substance, le seul élément invoqué à cet égard par la République hellénique est le tableau annexé à la lettre du 21 avril 2009, mentionnée au point 163 ci-dessus. Or, ce tableau ne constitue, en définitive, qu’une présentation, quelque peu plus détaillée et sous forme tabulaire, des données qui figurent déjà dans le texte de la lettre. En revanche, aucun détail n’est fourni ni quant à la nature et la méthode des calculs, contrôles et vérifications effectués pour obtenir ces chiffres ni quant à l’identité des personnes qui s’en seraient occupées.

174    Ces informations sont d’autant plus nécessaires que, dans ses écritures, la Commission remet en question ces chiffres et renvoie, à cet égard, à la lettre du 6 juin 2007 (point 2 ci‑dessus), laquelle relève que, afin d’estimer le risque résultant de la non-actualisation du SIPA‑SIG, les autorités helléniques avaient procédé à une étude sur échantillon dans les régions de Larissa (Grèce) et de Drama (Grèce), à la suite de laquelle la superficie éligible des parcelles étudiées avait été réduite, respectivement, de 18 et 9,5 %. Au regard de cet élément, il eût été d’autant plus souhaitable que la République hellénique communiquât les informations qu’elle invoque dans le cadre du présent moyen aux services de la Commission qui l’avaient, d’ailleurs, invitée à leur faire parvenir tout élément utile, comme la Commission le rappelle à juste titre (point 165 ci-dessus). L’argument invoqué par la République hellénique pour justifier l’absence d’une telle communication, selon lequel les données résultant de la comparaison entre l’ancien et le nouveau SIPA‑SIG n’étaient pas encore disponibles lors de la réunion bilatérale, ne peut pas prospérer. Dès lors que, selon les propres affirmations de la République hellénique, le nouveau SIPA‑SIG était pleinement opérationnel le 1er janvier 2009, alors que la décision attaquée n’a été adoptée que le 4 novembre 2010, rien n’empêchait la République hellénique de communiquer en temps utile à la Commission les éléments pertinents résultant de la comparaison entre l’ancien et le nouveau système.

175    Dès lors, il convient de conclure que, par cette argumentation, la République hellénique n’est pas parvenue à démontrer, au sens de la jurisprudence citée au point 74 ci‑dessus, que les constatations de la Commission relatives au risque pour le budget de l’Union résultant de la non‑actualisation de son SIPA‑SIG étaient erronées.

176    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du tabac brut

 Constatations des services de la Commission lors de la procédure administrative

177    S’agissant du tabac brut, la Commission a mis à la charge de la République hellénique un montant de 19 760 841,95 euros au motif que, premièrement, des livraisons de tabac en feuilles, d’une valeur de 6 108 114,95 euros, avaient eu lieu tardivement, deuxièmement, 32 contrats de culture, d’une valeur de 12 930 014 euros, avaient été cédés en violation des dispositions applicables et, troisièmement, l’agrément d’entreprises de première transformation avait été entaché d’irrégularités justifiant une correction de 722 713 euros.

178    La République hellénique consacre au volet de la décision attaquée relatif aux corrections appliquées dans le secteur du tabac brut les cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième moyens. Le cinquième moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et concerne l’ensemble des montants mis, par la décision attaquée, à la charge de la République hellénique dans ce secteur. Les sixième, septième et huitième moyens, tirés, respectivement, de l’illégalité de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2848/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, portant modalités d’application du règlement (CEE) n° 2075/92 du Conseil en ce qui concerne le régime de primes, les quotas de production et l’aide spécifique à octroyer aux groupements des producteurs dans le secteur du tabac brut (JO L 358, p. 17), de la violation du principe de proportionnalité ainsi que de l’existence de circonstances exceptionnelles, concernent la correction imposée en raison de la livraison tardive, selon la Commission, de certaines quantités de tabac. Le neuvième moyen est tiré d’une erreur de droit, en ce que la Commission a considéré que la cession des contrats de culture de tabac était interdite par les dispositions applicables. Enfin, le dixième moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 5 et de l’article 6, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement (CEE) n° 2075/92 du Conseil, du 30 juin 1992, portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut (JO L 215, p. 70), en ce qui concerne l’agrément de certaines entreprises de première transformation de tabac.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées des dispositions de l’article 31 du règlement no 1290/2005

179    La République hellénique invoque une interprétation et une application erronées de l’article 31 du règlement n° 1290/2005. Selon elle, les faits constatés dans la décision attaquée pour justifier la mise à sa charge des sommes mentionnées au point 177 ci‑dessus n’impliquaient aucun préjudice pour le FEOGA. Par voie de conséquence, il n’existerait aucune raison susceptible de justifier l’imposition d’une correction, conformément à l’article 31, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1290/2005.

180    Ce raisonnement est fondé sur la prémisse selon laquelle l’imposition d’une correction à la suite du versement d’une aide irrégulière est exclue s’il n’est pas prouvé que cette irrégularité a entraîné un préjudice certain pour le FEOGA.

181    Or, selon une jurisprudence constante en matière de FEOGA, le financement des dépenses effectuées par les autorités nationales est régi par la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées en conformité avec les règles de l’Union sont à la charge du budget de l’Union (arrêts de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, point 74 supra, point 67, et du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec. p. I‑8027, point 26).

182    Il s’ensuit que la Commission est en droit d’exclure de l’imputation au FEOGA l’intégralité des sommes payées lorsque les conditions entourant leur versement prévues par la réglementation pertinente ne sont pas remplies (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission, C‑54/95, Rec. p. I‑35, points 10 et 11). En effet, le versement d’une aide en violation des règles établies par le droit de l’Union constitue, en soi, un préjudice pour le FEOGA et les dispositions de l’article 31, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1290/2005 ne s’opposent pas, dans une telle hypothèse, à l’exclusion du financement des sommes concernées (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 septembre 2009, Pays‑Bas/Commission, T‑55/07, non publié au Recueil, point 118, et du 25 juillet 2006, Belgique/Commission, T‑221/04, non publié au Recueil, point 86).

183    En l’espèce, il ressort des considérations de la décision attaquée résumées au point 177 ci‑dessus que la Commission a considéré que les sommes dont il y est question avaient été payées sans que les conditions de leur versement prévues par la législation pertinente aient été remplies. Cette constatation est, certes, contestée par la République hellénique, par ses sixième à dixième moyens. Toutefois, sous réserve de l’examen de ces moyens qui sera effectué ci-après, il ressort des considérations exposées aux points 181 et 182 ci-dessus que ladite constatation de la décision attaquée, à la supposer exacte, justifiait l’exclusion du financement par le FEOGA des sommes concernées. Il en résulte que le cinquième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98

184    La République hellénique soutient que les conditions d’octroi de la prime au tabac ont été définies limitativement et exclusivement à l’article 5 du règlement n° 2075/92. Ces conditions auraient toutes été remplies dans le cas des dépenses mentionnées au point 177 ci‑dessus, lesquelles auraient été écartées du financement en raison du caractère prétendument tardif des livraisons de tabac en cause. La condition supplémentaire pour le versement de la prime en question, selon laquelle le tabac doit être livré à l’entreprise de première transformation au plus tard le 30 avril de l’année suivant celle de la récolte, aurait été ajoutée par l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98. Or, cette disposition serait illégale, dès lors que la Commission aurait outrepassé la compétence dont l’investirait l’article 7 du règlement nº 2075/92. Cette disposition l’habiliterait uniquement à définir les modalités de l’application de ce règlement et non à ajouter une nouvelle condition, non prévue dans la réglementation de base, pour l’octroi de la prime. Il s’ensuivrait que la Commission ne saurait, en application de la disposition illégale de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, refuser de reconnaître le montant qui représente la valeur du tabac livré après le 30 avril 2006 comme dépense susceptible d’être mise à la charge du FEOGA..

185    L’article 5 du règlement n° 2075/92, qui fait partie du titre I, intitulé « Régime de prime », dispose ce qui suit :

« L’octroi de la prime [pour le tabac brut] est notamment soumis aux conditions suivantes :

a)      provenance du tabac d’une zone de production déterminée pour chaque variété ;

b)      respect d’exigences qualitatives ;

c)      livraison du tabac en feuilles par le producteur à l’entreprise de première transformation, sur la base d’un contrat de culture. »

186    L’article 7 du règlement n° 2075/92, dans sa version résultant du règlement (CE) n° 1636/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, qui le modifie (JO L 210, p. 23), dispose ce qui suit :

« Les modalités d’application du [titre Ι] sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 23.

Ces modalités comportent notamment :

–        la délimitation des zones de production pour chaque variété,

–        les exigences qualitatives du tabac livré,

–        les éléments complémentaires du contrat de culture et la date limite pour sa conclusion,

–        l’exigence éventuelle d’une garantie à constituer par le producteur, ainsi que les conditions de constitution et de libération de cette garantie, en cas de demande d’avance,

–        la détermination de la part variable de la prime,

–        les conditions spécifiques de l’octroi de la prime lorsque le contrat de culture est conclu avec un groupement de producteurs,

–        les mesures à prendre en cas de non‑respect de leurs obligations réglementaires par le producteur ou l’entreprise de première transformation,

–        la mise en œuvre du système d’enchère aux contrats de culture, y compris la possibilité pour le premier acheteur de couvrir les offres éventuelles. »

187    Enfin, l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2848/98, dispose ce qui suit :

« Sauf en cas de force majeure, le producteur doit livrer la totalité de sa production à l’entreprise de première transformation au plus tard le 30 avril de l’année suivant l’année de la récolte pour les groupes de variétés VI, VII, VIII, et le 15 avril de l’année suivant l’année de la récolte pour les autres groupes de variétés sous peine de perdre son droit au versement de la prime. »

188    Il y a lieu de relever, d’emblée, que, ainsi que l’a confirmé la Cour dans son arrêt de du 15 mai 2008, Espagne/Conseil (C‑442/04, Rec. p. I‑3517, point 22), il résulte du libellé de l’article 277 TFUE qu’un État membre peut, à l’occasion d’un litige, contester la légalité d’un règlement contre lequel il n’a pas formé de recours en annulation avant l’expiration du délai prévu à l’article 263, cinquième alinéa, TFUE. Il s’ensuit que l’exception d’illégalité soulevée par la République hellénique dans le cadre du présent moyen ne saurait être considérée comme irrecevable.

189    Il convient, ensuite, de relever que, au titre de l’article 211, troisième tiret, CE, (en vigueur lors de l’adoption du règlement nº 2848/98 et depuis abrogé et remplacé, en substance, par l’article 17, paragraphe 1, TFUE), en vue d’assurer le fonctionnement et le développement du marché commun, la Commission exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l’exécution des règles qu’il établit.

190    Selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’économie du traité, dans laquelle l’article 211 CE doit être placé, ainsi que des exigences de la pratique, que la notion d’exécution doit être interprétée largement. La Commission étant seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés agricoles et d’agir avec l’urgence que requiert la situation, le Conseil peut être amené, dans ce domaine, à lui conférer de larges pouvoirs. Par conséquent, les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées notamment en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché en cause. Ainsi, la Cour a jugé qu’en matière agricole la Commission est autorisée à adopter toutes les mesures d’application nécessaires ou utiles pour la mise en œuvre de la réglementation de base, pour autant qu’elles ne soient pas contraires à celle‑ci ou à la réglementation d’application du Conseil (voir arrêt de la Cour du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, points 74 et 75, et la jurisprudence citée).

191    Il s’ensuit que, en l’espèce, afin de répondre au présent moyen, il s’agit de déterminer si la fixation, par l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, d’une date limite pour la livraison du tabac à l’entreprise de première transformation était nécessaire ou utile pour la mise en œuvre de la réglementation de base, à savoir l’article 5 du règlement n° 2075/92, et n’était pas contraire à ce dernier.

192    À cet égard, il convient de relever que, selon le seizième considérant du règlement nº 2848/98, « il importe de limiter la période de livraison du tabac aux entreprises de transformation afin de prévenir le report frauduleux d’une récolte sur l’autre dans le respect des exigences des différents groupes de variétés ». Il en ressort que l’institution, par l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, d’une date limite pour la livraison du tabac à l’entreprise de première transformation vise à assurer que le tabac livré provient effectivement de la récolte de l’année précédant celle de la livraison et d’éviter, ainsi, le report frauduleux d’une récolte sur l’autre.

193    Il convient de relever, à ce propos, que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2075/92, le Conseil fixe par récolte le montant de la prime pour le tabac brut. En outre, ainsi qu’il a déjà été relevé, l’octroi de la prime est soumis, par l’article 5, sous c), du même règlement, à la livraison du tabac en feuilles par le producteur à une entreprise de première transformation, sur la base d’un contrat de culture conclu entre eux. Aux termes de l’article 9, paragraphe 4, du règlement nº 2848/98, la durée du contrat de culture ne peut pas dépasser une récolte.

194    Il ressort des dispositions citées au point 193 ci-dessus que le report de quantités de tabac en feuille d’une récolte à l’autre est contraire à la lettre et à l’esprit de la réglementation de base, à savoir le règlement n° 2075/92, dans la mesure où le montant de la prime est fixé par récolte et où un tel report conduit directement à ce qu’un montant de prime fixé pour une récolte déterminée soit payé pour du tabac provenant d’une récolte différente. C’est donc à juste titre que la Commission a qualifié, au seizième considérant du règlement n° 2848/98, un tel report de « frauduleux ».

195    Dans ces conditions, l’institution d’une date limite pour la livraison, aux entreprises de première transformation, du tabac provenant d’une récolte déterminée constitue une mesure apte à éviter un report frauduleux d’une récolte à l’autre, dans la mesure où elle assure la livraison de l’intégralité du tabac d’une récolte, susceptible de justifier l’octroi d’une prime, avant la récolte suivante. Cependant, la date limite ainsi instituée doit laisser aux producteurs concernés un délai raisonnable pour la livraison de leur tabac à l’entreprise de première transformation avec laquelle ils ont conclu un contrat de culture.

196    Or, il ressort du tableau produit par la République hellénique dont il est question au point 151 ci‑dessus que le tabac est récolté en Grèce entre le 15 juin et le 30 septembre de l’année de récolte. Au regard de ces dates, il ne peut qu’être conclu que la circonstance que, en application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, la date limite de livraison du tabac aux entreprises de première transformation corresponde, selon la variété de tabac concernée, au 15 ou au 30 avril de l’année suivant celle de la récolte laisse aux producteurs grecs, en principe et à défaut de tout argument de la République hellénique en sens contraire, une période amplement suffisante pour effectuer cette livraison. Le fait, à le supposer établi, que le tabac soit, comme le soutient la République hellénique, dans sa réponse du 11 juin 2012 à une question écrite du Tribunal du 24 mai 2012, récolté en Grèce jusqu’au mois d’octobre n’est d’ailleurs pas de nature à infirmer cette conclusion.

197    En outre, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 2848/98, les contrats de culture doivent être conclus, sauf en cas de force majeure, au plus tard le 30 mai de l’année de la récolte. Par conséquent, la fixation de la date limite de livraison du tabac de la récolte, selon la variété de tabac concernée, au 15 ou au 30 avril, c’est-à-dire à une date antérieure au 30 mai, permet d’éviter ou, à tout le moins, de limiter le risque que, du fait d’une éventuelle augmentation des prix de vente du tabac résultant des négociations en cours jusqu’au 30 mai, des producteurs ne mettent en réserve des quantités de tabac de la récolte passée, afin de les vendre l’année suivante.

198    Il ressort des considérations qui précèdent que l’institution d’une telle date limite par l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98 est utile, voire nécessaire, pour la mise en œuvre de la réglementation de base et n’est aucunement contraire à cette dernière. Partant, l’exception d’illégalité soulevée par la République hellénique et, par voie de conséquence, le présent moyen doivent être rejetés.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

199    La République hellénique fait valoir que, « même à la considérer légale », la disposition de l’article 16 du règlement n° 2848/98 qui conduit à la suppression de la prime au tabac brut en cas de retard dans la livraison viole, en tout état de cause, le principe de proportionnalité. Selon elle, avant de supprimer la prime en cas de retard dans la livraison du tabac, la Commission devait épuiser toutes les autres possibilités permettant d’atteindre l’objectif poursuivi par l’institution d’une date limite pour cette livraison. Ainsi, la Commission aurait pu adopter une sanction modulée en cas de retard dans ladite livraison, par exemple une réduction proportionnelle de la prime en fonction du retard, sans priver le producteur concerné de l’intégralité de la prime. Une telle privation porterait atteinte à la substance même du droit dudit producteur de percevoir la prime et violerait l’article 39, paragraphe 1, sous b), TFUE ainsi que l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2075/92.

200    Ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, par cette argumentation, d’une part, la République hellénique soulève une seconde exception d’illégalité à l’encontre de l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2848/98, qui repose sur des motifs différents de ceux justifiant l’exception d’illégalité qui fait l’objet du sixième moyen. Selon cette seconde exception d’illégalité, à supposer même que la disposition en question ne soit pas illégale pour les motifs avancés dans le cadre du sixième moyen, en d’autres termes, à supposer même que la Commission soit autorisée à fixer une date limite pour la livraison du tabac brut aux entreprises de première transformation, ladite disposition est contraire au principe de proportionnalité et, par conséquent, illégale, pour les motifs avancés dans le cadre du présent (septième) moyen, en tant qu’elle prévoit la suppression de la prime en cas de dépassement de la date limite mentionnée ci‑dessus. D’autre part, la République hellénique soutient, à titre subsidiaire, que le règlement nº 2075/92 et l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2848/98 doivent être interprétés et appliqués de manière à ne priver les producteurs qui ont livré tardivement leur tabac que d’une partie de leur prime, calculée au prorata de la durée du retard dans la livraison.

201    Cela étant, ce moyen ne peut pas prospérer.

202    En premier lieu, il convient de relever que l’article 39, paragraphe 1, sous b), TFUE, prévoit que la politique agricole commune a pour but d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture. Quant à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2075/92, il prévoit que la prime au tabac vise à contribuer au revenu du producteur dans le cadre d’une production répondant aux besoins du marché et à permettre l’écoulement du tabac produit dans l’Union. Force est de constater que ni l’une ni l’autre de ces dispositions ne s’oppose à une disposition prévoyant que la prime en question n’est pas versée en cas de non‑respect des conditions prévues pour son versement dans la réglementation pertinente.

203    En second lieu, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les moyens mis en œuvre par un acte de l’Union soient aptes à réaliser l’objectif visé et n’aillent pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêts de la Cour du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, Rec. p. I‑4999, point 51, et du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert, C‑92/09 et C‑93/09, non encore publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée).

204    En l’espèce, il a déjà été relevé, dans le cadre du sixième moyen, que l’institution d’une date limite pour la livraison, par les producteurs, du tabac brut aux entreprises de première transformation vise à prévenir le report frauduleux d’une récolte sur l’autre et constitue, à cet égard, un moyen utile, voire nécessaire, de mise en œuvre de la réglementation pertinente en la matière. Néanmoins, la République hellénique soutient, en substance, que la suppression de l’intégralité de la prime pour le tabac livré tardivement va au‑delà de ce qui est nécessaire et approprié pour atteindre l’objectif visé par ce délai.

205    La République hellénique soutient, à cet égard, qu’il est tout à fait possible de déterminer la récolte de laquelle provient une quantité de tabac livrée tardivement, même en cas de dépassement du délai de livraison d’environ 30 jours, et qu’il est, ainsi, tout à fait possible d’exclure de la prime le tabac provenant d’une récolte antérieure.

206    Cette argumentation ne saurait prospérer, dès lors que la République hellénique n’explique nullement quels sont les moyens concrets qui permettraient d’exclure la possibilité d’un report d’une récolte de tabac sur une autre, en cas de dépassement du délai de livraison.

207    S’agissant de l’argument de la République hellénique, selon lequel, en substance, le principe de proportionnalité exige de ne pas exclure de la prime l’intégralité d’une quantité de tabac livrée hors délai, mais de diminuer progressivement le montant de la prime, à raison de la durée du dépassement du délai, il doit également être rejeté. En effet, compte tenu de la finalité de ce délai, il convient de constater que son dépassement implique un risque que l’intégralité de la quantité livrée, et non seulement une partie de celle‑ci, ne provienne pas de la récolte concernée. Dans ces conditions, il n’est pas disproportionné d’exclure l’intégralité de cette quantité de la prime, et ce d’autant plus que, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen du sixième moyen, la date fixée pour l’expiration de ce délai laisse aux producteurs concernés un délai amplement suffisant pour livrer leur tabac en temps utile.

208    Il ressort des considérations qui précèdent que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la livraison tardive du tabac

209    La République hellénique fait valoir que la livraison tardive de certaines quantités de tabac est imputable à des circonstances qui échappaient au contrôle des producteurs concernés. Elle explique, à cet égard, que, conformément à sa législation nationale applicable, les entreprises de première transformation devaient fournir une garantie bancaire pour assurer les paiements aux producteurs pour les quantités de tabac qu’ils leur livreraient. Or, une des entreprises concernées n’aurait pas constitué à temps la garantie requise et, par voie de conséquence, l’autorité nationale compétente aurait, en application des dispositions nationales pertinentes, refusé d’approuver le programme de livraison et de réception du tabac destiné à cette entreprise. Les producteurs concernés se seraient ainsi trouvés, sans responsabilité de leur part, dans l’impossibilité de livrer leur tabac dans les délais. La République hellénique considère qu’il est illégal et injustifié de priver ces producteurs de la prime à laquelle ils pouvaient prétendre, et ce d’autant plus que l’impossibilité de constitution d’une garantie bancaire par l’entreprise de première transformation concernée serait due à des difficultés financières extraordinaires auxquelles cette entreprise se serait trouvée confrontée.

210    Il convient de constater que, par son argumentation présentée à l’appui du présent moyen, la République hellénique ne conteste pas le caractère tardif des livraisons de tabac en cause, mais soutient, en substance, que, en raison des circonstances prétendument exceptionnelles qu’elle invoque, le paiement de la prime aux producteurs concernés par ces livraisons tardives était justifié.

211    Il convient de relever, toutefois, que, malgré l’absence de contestation explicite du caractère tardif des livraisons en cause par la République hellénique, l’argumentation que celle‑ci présente à l’appui du présent moyen nécessite, au préalable, l’examen de la question de savoir si, selon les règles du droit applicables, ces livraisons étaient effectivement tardives. En effet, dans le cas contraire, l’examen de l’argumentation selon laquelle le prétendu retard était tout de même justifié n’aurait aucun sens. Il y a lieu, à cet égard, de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le juge, tout en ne devant statuer que sur la demande des parties, auxquelles il appartient de délimiter le cadre du litige, ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par celles‑ci au soutien de leur prétention, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées (voir arrêt de la Cour du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, Rec. p. I‑8533, point 65, et la jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Commission/Putterie‑De‑Beukelaer, T‑160/08 P, Rec. p. II‑3751, point 65).

212    À cet égard, il y a lieu de relever que la décision attaquée et le rapport de synthèse partent de la prémisse que le délai de livraison du tabac provenant de la récolte 2005 expirait, pour les producteurs de la Grèce, le 30 avril 2006, ainsi que le prévoit, d’ailleurs, le texte de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98.

213    Toutefois, la Commission a adopté la décision 2006/331/CE, du 5 mai 2006, dérogeant au règlement n° 2848/98 en ce qui concerne le report de la date limite pour la livraison du tabac brut en Grèce au titre de la récolte 2005 (JO L 121, p. 55). L’article 1er de cette décision prévoit que, par dérogation à l’article 16 du règlement n° 2848/98, « pour la récolte 2005 en Grèce, les dates limites fixées audit article sont reportées de trente jours ». Les considérants 2 et 3 de cette décision relèvent, à cet égard, ce qui suit :

« (2) À la suite de conditions climatiques en Grèce particulièrement difficiles, et notamment d’un niveau de précipitations largement supérieur à la moyenne saisonnière et d’un niveau de températures sensiblement inférieur, les activités de conditionnement et de livraison de tabac ont été fortement retardées.

(3) Il convient donc de reporter les dates limites pour la livraison du tabac aux entreprises de première transformation en Grèce. »

214    Cette décision de la Commission, non invoquée par les parties dans leurs écritures, fait partie des données de droit du litige que le juge non seulement peut, mais, le cas échéant, doit prendre en considération d’office et dont les parties peuvent également faire état à n’importe quel stade de la procédure (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 2009, Mebrom/Commission, C‑373/07 P, non publié au Recueil, point 80).

215    Il ressort de cette décision que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, en ce que la Commission est partie de la prémisse que le délai de livraison du tabac de la récolte 2005 expirait, en Grèce, le 30 avril 2006 et que toute livraison postérieure à cette date était tardive et ne saurait ouvrir le droit à la perception de la prime.

216    Toutefois, il résulte de la réponse de la République hellénique, datée du 11 juin 2012, à une question écrite du Tribunal, ainsi que des documents qui y sont annexés, que les livraisons en cause ont été effectuées au cours des mois de juillet, d’août et de septembre 2006. Par conséquent, s’agissant des livraisons de tabac effectuées après le 30 mai 2006, telles que celles qui, seules, sont en cause en l’espèce, la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle lesdites livraisons étaient tardives, reste valable, malgré l’erreur de droit commise par la Commission.

217    S’agissant de l’argumentation présentée par la République hellénique au soutien de la thèse selon laquelle la livraison tardive des quantités de tabac en cause serait justifiée par des circonstances exceptionnelles, il convient de relever qu’il ressort du libellé même de l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2848/98 que le producteur concerné ne perd pas son droit à la perception de la prime si la livraison tardive de son tabac résulte d’un cas de force majeure.

218    À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, si la notion de force majeure ne présuppose pas une impossibilité absolue, elle exige, néanmoins, que l’absence de réalisation du fait en cause soit due à des circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (voir arrêt du Tribunal du 8 mars 2005, Vlachaki/Commission, T‑277/03, RecFP p. I‑A‑57 et II‑243, et la jurisprudence citée).

219    Il importe de souligner que, en l’espèce, l’existence d’un cas de force majeure est invoquée par la République hellénique, à laquelle la Commission a fait supporter les dépenses correspondant aux quantités de tabac livrées tardivement. Il convient, par conséquent, conformément à la jurisprudence citée au point 218 ci-dessus, d’examiner si les circonstances invoquées par la République hellénique dans ce contexte peuvent être considérées comme ayant été étrangères à celle‑ci, anormales et imprévisibles.

220    Or, il résulte des affirmations de la République hellénique résumées au point 209 ci‑dessus que le retard dans la livraison des quantités de tabac en cause trouve son origine dans le fait que les autorités helléniques, en application de la législation nationale, ont refusé d’approuver le programme de livraison du tabac destiné à une entreprise de première transformation déterminée, laquelle avait manqué à son obligation de constituer, dans le délai prévu par la législation nationale, une garantie bancaire pour assurer le versement aux producteurs concernés du prix du tabac qui serait livré. De telles circonstances résultent de la législation nationale hellénique et, par conséquent, ne sauraient, en principe, être qualifiées d’étrangères à la République hellénique.

221    Certes, il résulte de l’article 9, paragraphe 3, sous j), du règlement n° 2848/98 que le délai de paiement du prix d’achat, qui doit être prévu dans le contrat de culture visé à l’article 5, sous c), du règlement n° 2075/92, ne peut pas dépasser 30 jours à compter de la fin de chaque livraison. Toutefois, pour sanctionner un manquement à cette obligation, l’article 53, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98 prévoit seulement que, si ce délai est dépassé de 30 jours, l’agrément de l’entreprise de première transformation est retiré pour une année. Chaque période additionnelle de 30 jours comporte le retrait de l’agrément pour une année supplémentaire jusqu’à 3 années au maximum.

222    La République hellénique fait, néanmoins, valoir que cette sanction était inefficace lors de la période litigieuse, dès lors que, à partir de l’année 2006, le tabac allait être intégré dans le régime de paiement unique et que l’agrément des entreprises de première transformation perdrait, en tout état de cause, sa raison d’être. Elle aurait alors décidé d’exiger desdites entreprises la constitution d’une garantie bancaire, afin d’assurer l’exécution de leurs obligations à l’égard des producteurs. Dans ce contexte, elle aurait également prévu que, à défaut de constitution d’une telle garantie, le programme de livraison de tabac à l’entreprise concernée ne pourrait être approuvé par l’organisme de contrôle national compétent.

223    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ne saurait, de toute évidence, être reproché à la République hellénique d’avoir pris des mesures visant à assurer le paiement aux producteurs, en temps utile, du prix du tabac qu’ils avaient livré. Il n’en reste pas moins que, en arrêtant de telles mesures, la République hellénique devait prendre en considération les exigences du droit de l’Union. En effet, selon une jurisprudence constante, les modalités prévues par le droit national ne peuvent aboutir à rendre pratiquement impossible la mise en œuvre de la réglementation de l’Union ou porter atteinte à son efficacité (arrêts de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 19, et du 14 décembre 2000, Emsland‑Stärke, C‑110/99, Rec. p. I‑11569, point 54).

224    La République hellénique devait, en particulier, tenir compte des exigences, d’une part, de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, selon lequel les contrats de culture doivent être conclus, sauf en cas de force majeure, au plus tard le 30 mai de l’année de la récolte et, d’autre part, de l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement, qui prévoit des dates limites pour la livraison du tabac cultivé par le producteur à l’entreprise de première transformation avec laquelle il a conclu un contrat de culture. Il ressort de ces dispositions que, en principe et sous réserve de l’examen de la question de la licéité de la cession du contrat de culture, laquelle fait l’objet du neuvième moyen, le producteur ne peut percevoir la prime que s’il livre, dans les délais, le tabac qu’il a produit à l’entreprise de première transformation avec laquelle il a conclu un contrat de culture.

225    Il s’ensuit que l’impossibilité de livraison, par les producteurs concernés, du tabac qu’ils avaient produit à l’entreprise avec laquelle ils avaient conclu un contrat de culture à défaut de constitution, par cette entreprise, d’une garantie bancaire ne constituait pas, à l’égard de la République hellénique, une circonstance étrangère, anormale et imprévisible. Au contraire, cette dernière était certainement consciente des exigences des dispositions mentionnées au point 224 ci‑dessus et aurait dû se rendre compte du fait que, au regard de ces dispositions, une telle situation pouvait se produire si une entreprise n’était pas en mesure de constituer la garantie exigée dans le délai prévu par la législation nationale. Dans ce cas, il ne serait possible aux producteurs ayant conclu un contrat de culture avec cette entreprise ni de conclure un nouveau contrat de culture ni de livrer leur tabac à une entreprise différente. La République hellénique devait, dès lors, prendre les mesures appropriées en procédant, le cas échéant, à une modification de ses dispositions nationales, afin d’éviter une telle situation.

226    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la République hellénique ne saurait valablement invoquer l’existence, à son égard, d’un cas de force majeure qui ferait obstacle à la mise à sa charge des dépenses relatives aux quantités de tabac livrées tardivement.

227    Enfin, il y a encore lieu de rejeter l’argument tiré de l’absence de réaction de la Commission à la suite de la notification par la République hellénique concernant les livraisons tardives de tabac, dès lors que l’absence de réaction de la Commission ne saurait valoir approbation d’une pratique contraire au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Italie/Commission, point 106 supra, point 135).

228    Il ressort des considérations qui précèdent que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le neuvième moyen, relatif à la cession de certains contrats de culture

229    Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 177 ci‑dessus, la Commission a mis à la charge de la République hellénique un montant de 12 930 014 euros, au motif que 32 contrats de culture de tabac avaient été cédés en violation des dispositions applicables.

230    Plus particulièrement, le point 8.1.1, sous c), du rapport de synthèse relève, à cet égard, que, aux termes du point 4 du contrat de culture « type » utilisé en Grèce, en cas de force majeure, l’acheteur, à savoir l’entreprise de première transformation, a le droit soit de céder avec l’accord du groupement des producteurs ses obligations à une autre entreprise agréée, laquelle s’engagera à respecter l’ensemble des clauses contractuelles initiales, soit de soumettre au groupement des producteurs, avant l’expiration du délai pour la soumission du programme de réception du tabac, une déclaration écrite mettant un terme à ses engagements résultant du contrat. Dans ce dernier cas et sous condition qu’un autre acheteur ait été trouvé, le groupement de producteurs notifie par écrit dans un délai de 10 jours au premier acheteur son acceptation de sa déclaration mettant fin à son engagement, ou le rejet de cette déclaration. Enfin, en cas d’impossibilité d’exécution du contrat par l’acheteur 20 jours après l’expiration du délai des 10 jours susmentionné, le groupement de producteurs a le droit de céder unilatéralement le contrat à un nouvel acheteur.

231    Le point 8.1.1, sous c), du rapport de synthèse poursuit en les termes suivants :

« Outre le fait que les dispositions du point 4 des contrats de culture ne sont ni prévues par ni compatibles avec les dispositions des règlements n° 2075/92 et n° 2848/98, leur application en Grèce a eu comme résultat la cession des contrats indépendamment de l’existence ou non d’un cas de force majeure. »

232    La République hellénique fait valoir que c’est à tort que la Commission a considéré que la cession des contrats de culture n’était pas autorisée par le droit de l’Union. En effet, il pourrait s’avérer nécessaire, dans le cadre de l’exécution d’un contrat de culture, de substituer à l’une des parties à ce contrat un tiers, sans modifier les droits et obligations contractuels découlant du contrat. L’objectif du contrat de culture, à savoir l’engagement du producteur de livrer le tabac et de l’acheteur de payer le prix convenu, ne serait en rien affecté par une cession. Selon la République hellénique, dès lors que les parties contractantes étaient d’accord pour la cession et que les conditions d’exécution du contrat n’en étaient pas affectées, ses autorités compétentes avaient autorisé la cession d’un nombre très restreint de contrats de culture. Il ne résulterait aucun risque pour le FEOGA de cette pratique qui ne serait, d’ailleurs, contraire ni au droit national ni au droit de l’Union. Par ailleurs, la cession, à savoir un contrat entre le cédant et le cessionnaire qui serait porté à la connaissance du débiteur, serait une possibilité prévue dans tous les régimes juridiques des États membres de l’Union.

233    Le présent moyen doit être écarté comme étant inopérant. En effet, il ressort du rapport de synthèse (voir point 230 ci-dessus) que le point 4 du contrat de culture type utilisé en Grèce autorisait la cession des contrats de culture « en cas de force majeure ». Il convient de préciser, à cet égard, qu’il résulte de la lecture d’un contrat de culture produit par la République hellénique que le cas de force majeure envisagé devait conduire à l’impossibilité, pour l’acheteur, d’exécuter ses obligations découlant du contrat. Toutefois, il ne ressort pas des 32 actes de cession des contrats de culture produits par la République hellénique dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure que les cessions en question soient justifiées par des cas de force majeure. D’ailleurs, la République hellénique, elle‑même, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal du 24 mai 2012, n’exclut pas que les cessions en cause puissent, notamment, être justifiées par des raisons commerciales.

234    Or, il résulte de l’extrait du rapport de synthèse cité au point 231 ci-dessus que la Commission a conclu à l’exclusion du financement par le FEOGA des dépenses liées aux contrats cédés, en substance, pour un double motif. D’une part, elle a considéré, que le point 4 du contrat type utilisé en Grèce n’était pas conforme aux dispositions applicables du droit de l’Union. D’autre part, elle a considéré que, en tout état de cause, les autorités compétentes de la République hellénique avaient admis des cessions de contrats de culture sans contrôler si la condition tenant à l’impossibilité d’exécution des obligations de l’acheteur résultant d’un cas de force majeure était remplie.

235    Ce dernier motif de la décision attaquée est, à lui seul, suffisant pour fonder son dispositif, en ce qu’il exclut du financement par le FEOGA les dépenses liées aux contrats en cause. En effet, sans qu’il soit besoin d’analyser la licéité de la clause permettant la cession du contrat de culture sous certaines conditions, il va de soi qu’aucune cession n’aurait dû être autorisée par la République hellénique si lesdites conditions n’étaient pas remplies.

236    Or, par son argumentation relative au présent moyen, la République hellénique s’est limitée à critiquer l’affirmation de la Commission selon laquelle la clause autorisant la cession du contrat en cas de force majeure n’était pas conforme aux droit de l’Union, sans démontrer que la condition prévue par cette même clause pour l’autorisation d’une cession, à savoir l’existence d’un cas de force majeure, était remplie.

237    En tout état de cause, à supposer même que l’argumentation avancée par la République hellénique dans le cadre du présent moyen doive être interprétée, à la lumière de ce qui est exposé au point 232 ci‑dessus, en ce sens que, indépendamment des termes du point 4 du contrat type, la cession d’un contrat de culture est toujours permise en droit de l’Union et ne saurait justifier la non-reconnaissance des dépenses encourues en vertu d’un tel contrat, un tel moyen doit être rejeté comme non fondé.

238    Il convient de relever, à cet égard, que la République hellénique soutient que la cession d’une créance par l’ancien créancier à un tiers (le cessionnaire) qui, après notification de la cession au débiteur, est en droit d’exiger de ce dernier la satisfaction de la créance constitue effectivement une possibilité reconnue par le droit de la plupart voire de tous les États membres. Même à supposer que cette allégation soit exacte, il n’en reste pas moins que, en l’espèce, il n’est pas question de la simple cession d’une créance, mais de la cession de l’ensemble d’une relation contractuelle, en d’autres termes du transfert au cessionnaire, qui se substitue à l’acheteur initial désigné dans le contrat, tant des droits que le contrat reconnaît à ce dernier que des obligations qu’il lui impose.

239    En effet, ainsi qu’il ressort des 32 actes de cession des contrats de culture produits par la République hellénique dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, les cessions de contrats dont il est question en l’espèce résultent d’un accord tripartite entre le producteur (ou le groupement de producteurs), l’ancien acheteur mentionné dans le contrat de culture et un nouvel acheteur qui s’est substitué à lui. Cette constatation, présentée à la République hellénique lors de l’audience, n’a pas été expressément contestée par cette dernière.

240    Un accord tripartite, tel que celui qui est évoqué au point précèdent, est nécessaire, dès lors que la cession de l’intégralité des droits et des obligations découlant d’un contrat par l’une des parties à un tiers est conditionnée par l’accord de l’autre partie au contrat initial.

241    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, « les contrats de culture doivent être conclus, sauf en cas de force majeure, au plus tard le 30 mai de l’année de la récolte ». En effet, aux termes du dixième considérant dudit règlement, « il convient […] de fixer suffisamment tôt les dates limites de conclusion et d’enregistrement de ces contrats pour permettre de garantir dès le début de l’année de la récolte à la fois un débouché stable aux producteurs pour leur future récolte et un approvisionnement régulier des entreprises de transformation ».

242    Un accord tripartite de cession du contrat de culture, tel que celui envisagé au point 239 ci‑dessus, s’analyse nécessairement en un premier accord entre le producteur (ou le groupement de producteurs) et l’ancien acheteur mettant fin à leurs droits et obligations réciproques découlant du contrat de culture et un second accord entre le producteur ou le groupement de producteurs et le nouvel acheteur qui obtient les mêmes droits que ceux reconnus à l’ancien acheteur par le contrat de culture et assume, à l’égard du producteur ou du groupement des producteurs, les mêmes obligations.

243    Or, si le premier des accords envisagés au point précédent n’est aucunement interdit par le droit de l’Union, le second équivaut, en réalité, à un nouveau contrat de culture, lequel, s’il intervient après l’expiration du délai prévu à l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98, est contraire tant à la lettre qu’à l’esprit de cette dernière disposition. Cela est d’autant plus le cas que, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du même règlement, la durée d’un tel contrat ne peut pas dépasser une récolte. Compte tenu de cette disposition, l’hypothèse d’un contrat de culture pluriannuel qui a fonctionné pour une ou plusieurs récoltes, mais qui ne peut plus être exécuté par l’acheteur initial, de sorte que sa cession pour le reste de sa durée de vie puisse constituer une solution, doit être exclue.

244    Il s’ensuit que la conclusion de la décision attaquée, selon laquelle la cession des contrats de culture, telle que pratiquée en Grèce, n’est pas conforme aux dispositions du droit de l’Union, n’est entachée d’aucune erreur.

245    La République hellénique fait, également, valoir que les cessions des contrats de culture avaient été pratiquées en Grèce durant chaque campagne, sans que ni la Commission ni la Cour des comptes des Communautés européennes aient jamais soulevé d’objection. Cette absence d’objections aurait fait naître, chez les autorités helléniques, la confiance légitime d’agir en parfaite légalité.

246    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à toute personne qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, notamment, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez elle des espérances fondées (arrêts de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 147, et du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, non publié au Recueil, point 63). En revanche, nul ne peut se prévaloir d’une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies une institution de l’Union (arrêt Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 147).

247    En l’espèce, la République hellénique n’allègue pas que la Commission ou la Cour des comptes lui ont fourni une quelconque assurance expresse et précise au sujet de la licéité des cessions des contrats de culture. Le seul fait, à le supposer avéré, que, dans le passé, la Commission ou la Cour des comptes n’ont soulevé aucune objection à l’encontre de cette pratique ne saurait être assimilé à une telle assurance. Partant, l’argument tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être écarté.

248    La République hellénique soutient, en outre, que l’application informatique existante en Grèce ne permet pas la participation d’un producteur à un contrat s’il n’est pas titulaire d’une attestation de quota spécifique et unique. Cette application empêcherait immédiatement l’enregistrement en cas de double contrat du producteur ou d’inscription dans le contrat d’un quota différent. Ce système ne permettrait pas d’enregistrer une quantité livrée dépassant la limite du quota de chaque producteur et, en tout état de cause, exclurait le producteur du droit à la prime correspondante, si une sanction partielle ou à hauteur de 100 % lui était imposée. Cette argumentation doit être écartée comme étant dépourvue de pertinence, dans la mesure où elle n’est pas susceptible, à la supposer fondée, de démontrer que la cession des contrats de culture pratiquée en Grèce était conforme au droit de l’Union.

249    Enfin, la République hellénique invoque également l’avis du 4 mars 2010 de l’organe de conciliation, lequel, selon la République hellénique, a souscrit à son propre point de vue. Or, dès lors que la cession des contrats de culture, telle que pratiquée en Grèce, n’est pas conforme aux dispositions du droit de l’Union, l’avis de l’organe de conciliation, favorable à la République hellénique, ne pourrait pas exercer d’influence sur la solution du litige, d’autant que, ainsi qu’il a déjà été relevé (point 161 ci-dessus), l’avis de cet organe ne préjuge en rien, en tout état de cause, la décision finale de la Commission. Cet argument doit, par conséquent, également être écarté.

250    En conclusion, le présent moyen ne saurait prospérer et doit être rejeté.

 Sur le dixième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 5 et de l’article 6, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 2075/92

251    Il ressort du point 8.1.5 du rapport de synthèse que la Commission a mis à la charge de la République hellénique un montant de 722 713 euros, en faisant valoir que celle‑ci avait agréé, en tant qu’entreprises de première transformation, des personnes physiques ou morales qui ne possédaient pas et n’exploitaient pas en leur propre nom et pour leur propre compte un établissement de première transformation.

252    La République hellénique soutient que cette conclusion de la décision attaquée procède d’une interprétation et d’une application erronées des dispositions de l’article 5 et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92.

253    Ainsi qu’il a déjà été relevé, l’article 5, sous c), du règlement n° 2075/92 prévoit que l’octroi de la prime est, notamment, soumis à la condition que le producteur livre le tabac en feuilles à l’entreprise de première transformation sur la base d’un contrat de culture. En outre, conformément à l’article 6, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 2075/92, dans sa version résultant du règlement n° 1636/98, on entend par « entreprise de première transformation » « toute personne physique ou morale agréée qui réalise la première transformation du tabac et qui exploite, en son propre nom et pour son propre compte, un ou plusieurs établissements de première transformation de tabac brut possédant des établissements et des équipements appropriés à cette fin ». Enfin, l’article 7, paragraphe 1 du règlement n° 2848/98 prévoit que « [l]’État membre sur le territoire duquel l’entreprise de première transformation a son siège est compétent pour l’agrément des entreprises de première transformation autorisées à signer des contrats de culture ».

254    Il ressort de la requête que la constatation de la décision attaquée qui fait l’objet du présent moyen concerne trois entreprises, à savoir la société A.B. AE, l’entreprise personnelle de Mme D. K. et la société M. EPE.

255    La République hellénique fait valoir que les dispositions pertinentes n’exigent aucunement que, pour être agréée, une entreprise de première transformation doive être propriétaire de ses installations et de son équipement. Elle soutient que rien n’interdit à une telle entreprise de détenir ses installations et son équipement en location. Ces affirmations sont exactes. En effet, une entreprise peut exploiter « en son propre nom et pour son propre compte » un établissement de première transformation, ainsi que l’exige l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92 (voir point 253 ci‑dessus), quand bien même elle en serait le locataire et non le propriétaire. Ainsi, une telle entreprise doit être considérée comme « possédant », aux termes de cette disposition, « des établissements et des équipements appropriés à cette fin », quand bien même elle n’en serait que le locataire.

256    En revanche, dans la mesure où cette disposition exige qu’une entreprise de première transformation doive exploiter, en son propre nom et pour son propre compte, un établissement de première transformation possédant des établissements et des équipements appropriés à cette fin, il convient de conclure qu’une entreprise qui, en vertu d’un contrat de prestations de services avec un tiers, fait procéder à la transformation de son tabac dans les installations de ce tiers, dont elle n’est ni le locataire ni l’exploitant exclusif, ne répond pas aux exigences de cette disposition. Il résulte des éléments du dossier que le différend entre les parties porte précisément sur la question de savoir si les trois entreprises mentionnées au point 254 ci‑dessus relevaient, ou non, de ce dernier cas de figure.

257    En premier lieu, s’agissant de la société A.B., la République hellénique a produit, en annexe à la requête, plusieurs éléments relatifs à cette entreprise. Toutefois, rien dans ces éléments ne permet de conclure que ladite entreprise exploitait en son propre nom et pour son propre compte au moins un établissement de première transformation de tabac brut, possédant des établissements et des équipements appropriés à cette fin. Au contraire, parmi les éléments produits par la République hellénique figure une demande de ladite entreprise, du 15 avril 2006, adressée à l’autorité hellénique compétente et tenant à ce qu’un centre de transformation appartenant à une autre société, S. AE, soit reconnu comme étant son propre centre de transformation. D’autres éléments du dossier permettent de comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un transfert de l’exploitation dudit centre par S. à A.B., mais d’une simple indication que le tabac livré à A.B. serait transformé dans les installations exploitées par S. En effet, il ressort des deux attestations de contrôle de l’autorité compétente hellénique, respectivement, du 17 mai et du 14 juillet 2006, figurant également parmi les documents produits par la République hellénique, que la société A.B. avait envoyé le tabac de la récolte 2005 qui lui avait été livré aux installations de S., laquelle a procédé à sa transformation pour le compte de la société A.B.

258    Au regard de ces éléments, non contredits par le reste du dossier, il convient de conclure que la République hellénique, à laquelle incombe la charge de la preuve ainsi qu’il ressort des considérations énoncées aux points 72 à 74 ci‑dessus, n’a pas démontré que la société A.B. remplissait les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92 et que la Commission était fondée à nourrir un doute sérieux à cet égard. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, à défaut de preuve contraire, ce doute était suffisant pour exclure du financement par le FEOGA les dépenses concernées.

259    En deuxième lieu, s’agissant de l’entreprise de Mme D. K., la République hellénique n’a produit aucun élément permettant de conclure que cette entreprise remplissait les conditions d’agrément prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92. La République hellénique a, certes, produit plusieurs éléments relatifs à l’agrément de cette entreprise. Toutefois, aucun des éléments produits ne démontre que l’entreprise en question exploitait en son propre nom et pour son propre compte au moins un établissement de première transformation de tabac brut, possédant des établissements et des équipements appropriés à cette fin.

260    Au contraire, les éléments produits jettent un doute sérieux sur l’existence d’un établissement exploité par cette entreprise en son nom et pour son compte, dès lors qu’ils démontrent que le tabac de la récolte 2005 livré à cette entreprise a été transformé dans les installations de la société E. AE, qui a facturé à l’entreprise de Mme D. K. le coût de cette transformation.

261    Certes, le dossier contient une attestation formelle de Mme D. K., datée du 15 avril 2002, selon laquelle elle est propriétaire de la moitié d’un entrepôt équipé de rampes et d’engins de levage. Toutefois, cette attestation ne relève pas que cet entrepôt est pourvu de l’équipement approprié, nécessaire pour la transformation du tabac. Au contraire, elle indique uniquement qu’il sera utilisé pour le stockage de tabac.

262    Dans ces conditions, il convient de conclure que la République hellénique, à laquelle incombe la charge de la preuve ainsi qu’il ressort des considérations énoncées aux points 72 à 74 ci‑dessus, n’a pas démontré que les conditions pour l’agrément de l’entreprise de Mme D. K. prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92 étaient remplies. Il ressort, au contraire, des éléments susmentionnés du dossier que la Commission était fondée à nourrir un doute sérieux à cet égard, lequel était suffisant pour exclure du financement par le FEOGA des dépenses concernées.

263    En troisième lieu, s’agissant de la société M., la République hellénique a transmis à la Commission, par lettre du 28 avril 2009, plusieurs éléments relatifs à l’agrément et à l’activité commerciale de cette entreprise. Parmi ces éléments figure, notamment, un contrat de bail qui démontre que cette société avait loué, le 10 mars 2005, un entrepôt à Polydroso, dans le département de Phocide (Grèce), notamment en vue de l’installation de l’équipement nécessaire pour la transformation de tabac. Il existe également un contrat de vente, daté du 12 avril 2005, dont il ressort que la même société avait commandé l’équipement nécessaire, en vue de son installation dans ses locaux. S’agissant de la date de livraison de l’équipement commandé, l’article 4 du contrat prévoyait que, dans un délai de quinze jours à partir de la signature du contrat, les parties devaient se mettre d’accord sur un calendrier de livraison et d’installation. Ce calendrier formerait partie intégrante du contrat. La République hellénique n’a pas produit une copie de ce calendrier.

264    Il ressort, en outre, des mêmes éléments, transmis par la République hellénique, que, par lettre du 4 mai 2005, la société en question a demandé à l’Opekepe son agrément en tant qu’entreprise de première transformation. Cette lettre contient un paragraphe libellé dans les termes suivants :

« Pour couvrir toute éventualité jusqu’à la mise en fonction de nos installations, notre société a contracté avec la société G. AE […] en vue de l’utilisation de ses installations de manière à disposer également d’un centre de transformation alternatif pour les tabacs qui seront achetés en 2005. »

265    La lettre du 4 mai 2005 était accompagnée des pièces justificatives prouvant la mise à disposition des installations en question.

266    Par lettre du 23 mai 2005, l’Opekepe a informé la société en question que le comité compétent avait décidé, le 18 mai 2005, de l’agréer en tant que société de première transformation.

267    Force est de constater que les éléments susmentionnés ne démontrent pas que, au moment où elle a obtenu l’agrément en tant qu’entreprise de première transformation, à savoir le 18 mai 2005, ou au moment où elle a conclu les contrats de culture avec les producteurs du tabac, à savoir au plus tard le 30 mai 2005, la société en question possédait, au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92, un établissement et des équipements appropriés pour la transformation du tabac brut, qu’elle exploitait en son propre nom et pour son propre compte. Certes, cette société avait loué un entrepôt et avait commandé la machinerie nécessaire, qui devait être installée dans cet entrepôt. Toutefois, la République hellénique, à laquelle, ainsi qu’il ressort des considérations énoncées aux points 72 à 74 ci‑dessus, incombe la charge de la preuve, n’a pas démontré que la machinerie ainsi commandée avait été livrée et installée au moment de l’agrément de cette entreprise ou au moment de la conclusion des contrats de culture. Compte tenu de la brève période, d’à peu près un mois entre la commande et l’agrément, il paraît, en effet, peu probable qu’une telle livraison ait pu avoir été effectuée. D’ailleurs la République hellénique, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal du 24 mai 2012, mentionne qu’il n’y a pas d’éléments de preuve concernant la date à laquelle la machinerie commandée par la société en cause a été livrée et installée dans ses locaux à Polydroso. Dans ces conditions, l’agrément de l’entreprise en question semble avoir été fondé sur l’accord passé par la société M. avec la société G. AE, en vue de la transformation du tabac acheté par la première dans les locaux de la seconde. Or, ainsi qu’il ressort du point 256 ci‑dessus, un tel accord n’était pas suffisant pour remplir les conditions de l’agrément prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2075/92. Il s’ensuit que la Commission pouvait nourrir un doute sérieux à cet égard, lequel, à défaut de preuve contraire fournie par la République hellénique, suffit pour justifier l’exclusion des dépenses relatives au tabac livré à cette entreprise du financement par le FEOGA.

268    Il est, certes, vrai que la République hellénique a produit plusieurs éléments démontrant que du tabac a effectivement été livré à l’entreprise en question en 2006 et que sa transformation a été effectuée dans les locaux à Polydroso, plutôt que dans les locaux de la société G. Il semble, dès lors, que la machinerie commandée par cette société a effectivement été livrée et installée à son entrepôt à Polydroso. Toutefois, cette seule circonstance n’est pas susceptible de remettre en question le bien‑fondé de la décision attaquée. En effet, il ressort clairement du point 8.1.5, avant‑dernier paragraphe, du rapport de synthèse que la correction imposée à l’égard de ladite société trouve sa justification dans le fait que celle‑ci avait été agréée sans remplir les conditions prévues à cet effet. Il importe peu, à cet égard, que, en 2006, à savoir postérieurement à son agrément et à l’expiration, le 30 mai 2005, du délai pour la conclusion des contrats de culture, elle ait rempli ces conditions.

269    Par conséquent, le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur la correction relative aux obligations en matière de conditionnalité

 Constatations de la décision attaquée

270    S’agissant de la correction relative aux obligations en matière de conditionnalité, la Commission, invoquant des faiblesses dans la réalisation des contrôles clés et des contrôles secondaires, a imposé à la République hellénique, pour l’année de demandes 2005 (exercices financiers 2006 et 2007), une correction forfaitaire qui s’élève à un montant de 4 167 621,65 euros. Ce montant correspond à 10 % d’un autre montant qui, quant à lui, correspond à 3 % du montant total des paiements directs auxquels la conditionnalité est applicable (voir sur la méthode de fixation de ces pourcentages points 276 à 278 ci‑après).

 Cadre juridique

271    Le règlement n° 1782/2003 dispose :

« Article 3

Exigences principales

1.      Tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de respecter les exigences réglementaires en matière de gestion visées à l’annexe III, conformément au calendrier fixé dans cette annexe, ainsi que les bonnes conditions agricoles et environnementales établies conformément à l’article 5.

2.      L’autorité nationale compétente fournit à l’agriculteur la liste des exigences réglementaires en matière de gestion et des bonnes conditions agricoles et environnementales à respecter.

Article 4

Exigences réglementaires en matière de gestion

1.      Les exigences réglementaires en matière de gestion visées à l’annexe III sont fixées par la législation communautaire dans les domaines suivants :

–        santé publique, santé des animaux et des végétaux,

–        environnement,

–        bien‑être des animaux.

2.      Les actes visés à l’annexe III s’appliquent dans le cadre du présent règlement, dans la version en vigueur et, dans le cas de directives, dans la version mise en œuvre par les États membres.

Article 5

Bonnes conditions agricoles et environnementales

1.      Les États membres veillent à ce que toutes les terres agricoles, en particulier celles qui ne sont plus exploitées à des fins de production, soient maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales. Les États membres définissent, au niveau national ou régional, des exigences minimales pour les bonnes conditions agricoles et environnementales sur la base du cadre fixé à l’annexe IV, qui prennent en compte les caractéristiques des zones concernées, notamment les conditions pédologiques et climatiques, les modes d’exploitation existants, l’utilisation des terres, la rotation des cultures, les pratiques agricoles et la structure des exploitations, sans préjudice des normes régissant les bonnes pratiques agricoles appliquées dans le cadre du règlement (CE) n° 1257/1999 et des mesures agroenvironnementales dont l’application dépasse le niveau de référence des bonnes pratiques agricoles.

[…]

Article 6

Réduction ou exclusion du bénéfice des paiements

1.      Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées en raison d’un acte ou d’une omission directement imputable à l’agriculteur concerné, le montant total des paiements directs à octroyer au titre de l’année civile au cours de laquelle le non-respect est constaté est réduit ou supprimé après application des articles 10 et 11, conformément aux règles détaillées prévues à l’article 7.

2.      Les réductions ou exclusions visées au paragraphe 1 ne s’appliquent que si le non-respect concerne :

a)      une activité agricole, ou

b)      une terre agricole de l’exploitation, y compris les parcelles en jachère.

Article 7

Règles relatives aux réductions et aux exclusions

1.      Les règles détaillées relatives aux réductions et aux exclusions visées à l’article 6 sont fixées conformément à la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2. Dans ce contexte, il y a lieu de prendre en considération la gravité, l’étendue, la persistance et la répétition du non-respect constaté ainsi que les critères fixés aux paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

2.      En cas de négligence, le pourcentage de réduction ne peut dépasser 5 % ou, en cas de non-respect répété, 15 %.

3.      En cas de non-respect délibéré, le pourcentage de réduction ne peut en principe être inférieur à 20 % et peut aller jusqu’à l’exclusion totale d’un ou de plusieurs régimes d’aide et s’appliquer à une ou plusieurs années civiles.

4.      En tout état de cause, le montant total des réductions et exclusions pour une année civile ne peut être supérieur au montant total visé à l’article 6, paragraphe 1.

[…]

Article 9

Montants résultant de la conditionnalité

Les montants résultant de l’application du présent chapitre sont portés au crédit du FEOGA, section ‘Garantie’. Les États membres peuvent conserver 25 % desdits montants. »

272    Selon l’article 2, point 30, du règlement n° 796/2004, on entend par « conditionnalité » « les exigences réglementaires en matière de gestion et les bonnes conditions agricoles et environnementales conformément aux articles 4 et 5 du règlement (CE) n° 1782/2003 ».

273    L’imposition de réductions en cas de négligence et en cas de non‑conformité intentionnelle est régie par les articles 66 et 67 du règlement n° 796/2004, lesquels disposent :

« Article 66

Réductions applicables en cas de négligence

1.      Sans préjudice de l’article 71, si un cas de non‑conformité constatée est dû à la négligence de l’agriculteur, il convient d’appliquer une réduction sur le montant total des paiements directs tels qu’ils sont définis à l’article 2, point d), du règlement […] n° 1782/2003 perçus ou à percevoir par l’agriculteur au titre des demandes qu’il a introduites ou introduira au cours de l’année civile de la constatation. D’une manière générale, cette réduction s’élève à 3 % du montant total.

[…]

4.      Sans préjudice des cas de non‑conformité intentionnelle au sens de l’article 67, si des cas de non‑conformité répétés ont été constatés, il convient, lors de la première répétition, de multiplier par trois le pourcentage fixé conformément au paragraphe 1 pour le premier cas de non-conformité. À cette fin et lorsque ce pourcentage avait été fixé conformément au paragraphe 2, l’organisme payeur détermine le pourcentage qui aurait été d’application pour le premier cas de non‑conformité en lien avec l’exigence ou la norme concernée.

En cas de répétitions ultérieures, le résultat de la réduction calculée pour la répétition précédente est multiplié par trois à chaque fois. Toutefois, la réduction maximale ne peut dépasser 15 % du montant total visé au paragraphe 1.

[…]

Article 67

Réductions et exclusions applicables en cas de non‑conformité intentionnelle

1.      Sans préjudice de l’article 71, si le cas de non‑conformité déterminé est dû à un acte intentionnel de l’agriculteur, la réduction à appliquer au montant total visé à l’article 66, paragraphe 1, premier alinéa, est fixée, de manière générale, à 20 % dudit montant total […] »

274    Il résulte de ces dispositions que le règlement n° 1782/2003 établit un nouveau système d’obligations à respecter par les États membres, d’une part, et par les agriculteurs, d’autre part, en introduisant la nouvelle notion de « conditionnalité », distincte de celle d’éligibilité pour l’octroi des aides. Le règlement n° 1782/2003 introduit, en effet, un principe, selon lequel tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de respecter quelques conditions telles que, d’une part, les exigences réglementaires en matière de gestion (ci‑après les « ERG »), fixées par la législation de l’Union, et, d’autre part, les bonnes conditions agricoles et environnementales (ci‑après les « BCAE ») établies par les États membres. Dans ce cadre, les paiements directs à un agriculteur qui remplit les conditions d’éligibilité pour l’octroi des aides, mais qui ne remplit pas les conditions résultant du système de conditionnalité, sont réduits ou supprimés conformément aux articles 6 et 7 du règlement n° 1782/2003. Les règles relatives aux réductions et aux exclusions sont fixées par les articles 66 et 67 du règlement n° 796/2004. Conformément à l’article 9 du règlement n° 1782/2003, les montants résultant de l’application de la conditionnalité sont portés au crédit du FEOGA, section « Garantie », les États membres pouvant conserver 25 % desdits montants.

275    La Commission a adopté, le 9 juin 2006, le document AGRI/2005/64043, intitulé « Communication de la Commission sur le traitement, par la Commission, dans le contexte de l’apurement des comptes du FEOGA, section ‘Garantie’, des insuffisances constatées dans les systèmes de contrôle de conditionnalité [article 3 du règlement (CE) n° 1782/2003] mis en œuvre par les États membres ». Au point 2 de ce document, elle relève que, bien que la conditionnalité, avec les exigences définies à l’annexe III du règlement n° 1782/2003 et les normes prévues à l’annexe IV du même règlement, ne constitue pas une condition d’éligibilité, mais une base pour l’imposition de sanctions, il est nécessaire d’adopter une approche cohérente pour les deux types d’insuffisances. Selon ce même point dudit document, les dysfonctionnements du système de contrôle d’un État membre dans l’application des règles de conditionnalité font courir un risque au FEOGA en ce sens que les dépenses déclarées au FEOGA sont surévaluées d’un montant équivalent à 100 % des sanctions qui auraient pu être imposées si l’État membre avait appliqué correctement la réglementation.

276    Les sanctions qui auraient pu être infligées constituent le montant du risque engendré pour le FEOGA, lequel est fixé par la Commission à 10 % du montant total des paiements directs auxquels la conditionnalité est applicable. Ce coefficient est déterminé, conformément au document AGRI/2005/64043, en fonction de la moyenne arithmétique des taux de sanctions établis par l’article 66, paragraphes 1 et 4, et par l’article 67 du règlement n° 796/2004 (3 % en cas de négligence, 9 et 15 % en cas de récidive), soit 9 %, majoré de 1 % pour couvrir le risque minimal de non‑conformité intentionnelle (voir point 3.2.1 du document AGRI/2005/64043). Conformément au point 3.2.2 du document AGRI/2005/64043, ce coefficient de risque, fixé à 10 %, est réduit pour les deux premières années d’application de la conditionnalité à 3 %, pour la première année, et à 6 %, pour la deuxième année.

277    Conformément au document AGRI/2005/64043, le coefficient de risque susmentionné, soit 10 % du montant total des paiements directs ou 3 % pour la première année et 6 % pour la deuxième année, est affecté de taux de correction de l’aide de 2, 5 ou 10 %, en fonction de la gravité des infractions (voir point 3.1 et l’exemple cité au point 3.2.1 du document AGRI/2005/64043).

278    S’agissant des taux de correction mentionnés au point précédent, le point 3.1 du document AGRI/2005/64043 prévoit ce qui suit :

« Si un ou plusieurs contrôles secondaires se révèlent insuffisants en matière de conditionnalité, il convient d’appliquer une correction de 2 % […] Si les conditions de la conditionnalité prévues dans un acte (c’est‑à‑dire dans une des directives ou règlements mentionnés à l’annexe III du règlement n° 1782/2003) ou dans une norme (voir annexe IV du règlement n° 1782/2003) sont contrôlées sans que soient respectés le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements ou la législation nationale (dans le cas d’une directive ou des bonnes conditions agricoles et environnementales) ou quand les contrôles n’entraînent pas l’application des sanctions réglementaires prévues, il convient d’appliquer une correction de 5 %. Si les conditions qui doivent être remplies dans le cadre de la conditionnalité ne sont pas contrôlées ou si ces contrôles sont effectués de manière insuffisante ou ne respectent pas la fréquence requise et qu’ils s’avèrent totalement inefficaces pour ce qui est de l’éventuelle imposition de sanctions, il convient d’appliquer une correction de 10 % […] »

 Sur le onzième moyen, tiré de l’absence d’une base juridique valable pour l’imposition de corrections en matière de conditionnalité

279    La République hellénique fait observer que, pour imposer les corrections litigieuses, la Commission s’est fondée sur le document AGRI/2005/64043. Selon elle, ce document contient un exposé des intentions de la Commission et tend, en substance, à l’adoption des règles de droit applicables à la procédure d’apurement des comptes dans le secteur de la conditionnalité. Or, de telles règles n’auraient pu être adoptées que par un règlement du Conseil. Cela serait d’autant plus le cas dès lors que, d’une part, le système de conditionnalité n’aurait été introduit qu’en 2005 et, d’autre part, les corrections financières imposées par la Commission auraient des conséquences graves inattendues pour le budget de l’État membre concerné. Selon la République hellénique, le document en question déploie ses effets dans un « vide juridique ». La République hellénique considère, dès lors, que la correction financière imposée par la décision attaquée en matière de conditionnalité est dépourvue de base juridique valable.

280    Cette argumentation ne saurait prospérer. Il ressort des considérations exposées aux points 181 et 182 ci‑dessus que la Commission est en droit d’exclure de l’imputation au FEOGA l’intégralité des sommes payées si les conditions de leur versement prévues par la réglementation pertinente ne sont pas remplies. En effet, dès qu’elle décèle l’existence d’une violation des dispositions du droit de l’Union dans les paiements effectués par un État membre, la Commission est tenue de procéder à la rectification des comptes (arrêt du 6 octobre 1993, Italie/Commission, point 74 supra, point 67).

281    Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 11 ci‑dessus, il convient de relever que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, lequel dispose ce qui suit :

« 4. La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3, lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

[…]

La Commission évalue les montants à écarter au vu notamment de l’importance de la non‑conformité constatée. La Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté […] »

282    Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 79 à 83 ci‑dessus, cette disposition constituait une base juridique valable pour l’imposition, par la Commission, en ce qui concerne les demandes de l’année 2005, des corrections dans l’hypothèse où elle aurait constaté des manquements de la République hellénique à ses obligations en matière de conditionnalité concernant, d’une part, la définition des exigences minimales pour les BCAE, conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1782/2003 et, d’autre part, les contrôles du respect des ERG et des normes de BCAE par les agriculteurs.

283    S’agissant de l’application, par la Commission, de la méthode énoncée dans son document AGRI/2005/64043 aux fins du calcul du montant des corrections à imposer, celle‑ci n’avait rien d’illégitime, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 96 et 97 ci‑dessus, lesquelles sont applicables, mutatis mutandis, également au présent moyen.

284    Il résulte de tout ce qui précède que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le douzième moyen, tiré de l’application prétendument rétroactive du document AGRI/2005/64043 de la Commission

285    La République hellénique fait valoir que, à supposer même que le document AGRI/2005/64043 constitue la base juridique nécessaire pour l’imposition des corrections litigieuses relatives à la conditionnalité, il n’aurait été adopté que le 9 juin 2006, de sorte qu’il ne serait pas applicable aux faits de l’espèce, qui concernent des demandes de l’année 2005. En déclarant ce document applicable aux demandes d’aides introduites à partir du 1er janvier 2005, la Commission aurait attribué à ce document un effet rétroactif illégal. Pour ces motifs, la République hellénique considère que la décision attaquée est entachée d’une illégalité et doit être annulée.

286    Ce moyen est fondé sur une prémisse erronée et doit être rejeté.

287    Ainsi qu’il a été souligné dans le cadre de l’examen du onzième moyen (voir points 280 et 281 ci‑dessus), dès lors que la Commission avait constaté que la République hellénique avait manqué à ses obligations découlant des dispositions relatives à la conditionnalité, elle était en droit d’écarter du financement une partie, voire l’intégralité, des dépenses affectées de cette illégalité.

288    S’agissant du document AGRI/2005/64043 de la Commission, il ressort des considérations exposées au point 283 ci‑dessus que ce document ne constitue pas, comme le soutient à tort la République hellénique, la base juridique des corrections imposées par la décision attaquée en matière de conditionnalité. Il ne fait qu’exposer, dans un souci de transparence et de prévisibilité (voir point 96 ci‑dessus), la méthode que la Commission se propose de suivre pour le calcul des corrections financières à imposer, lorsqu’elle est en droit de le faire. Il convient de souligner, à cet égard, qu’il ressort des considérations exposées au point 287 ci-dessus que, même en l’absence de ce document, la Commission aurait été parfaitement en droit d’imposer une correction si, comme en l’occurrence, elle avait constaté que des dépenses avaient été engagées sans que les conditions prévues par la réglementation pertinente aient été respectées.

289    Il est, certes, exact que le document AGRI/2005/64043 ne date que du 9 juin 2006 et qu’il prévoit, au point 5, que « les principes du présent document s’appliquent aux dépenses déclarées concernant des demandes d’aide introduites à partir du 1er janvier 2005 par des agriculteurs auxquels le système de la conditionnalité s’applique ».

290    Il ne saurait, pour autant, être question d’une application rétroactive de ce document, comme le fait valoir à tort la République hellénique. En effet, il ressort de tout ce qui précède que ce document expose la méthode qui sera suivie par la Commission pour le calcul des corrections financières à imposer par des décisions postérieures à son adoption. Indépendamment de la question de savoir si la Commission aurait pu faire une application rétroactive de ce document, il ne saurait être question d’une telle application que dans l’hypothèse d’une modification, sur la base de la méthode énoncée dans ce document, d’une décision de la Commission adoptée antérieurement. Tel n’est pas le cas de l’espèce, dès lors que la décision attaquée ne date que du 4 novembre 2010.

291    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le treizième moyen, tiré de la violation de l’obligation de coopération et de l’équité

292    Par le treizième moyen, la République hellénique fait valoir que la Commission a violé l’obligation de coopération imposée par « le traité et le principe général de l’équité ». Elle relève, à cet égard, que l’année 2005 correspondait à la première année d’application du nouveau régime et qu’elle s’est immédiatement et pleinement conformée aux recommandations de l’Union, de sorte que des corrections de l’ordre de 10 % dans un nouveau secteur d’obligations violent le principe général d’équité.

293    Il est, certes, vrai que le système de la conditionnalité constituait un système nouveau qui a été appliqué pour la première fois en Grèce, comme dans les autres États membres, au titre de l’année 2005.

294    Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. Reste donc à la charge des États membres tout autre montant que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune. La Commission ne dispose à cet égard d’aucune marge d’appréciation pour accepter ou rejeter une dépense du financement de l’Union, même dans le cas où un État membre réclame l’indulgence quant à l’application de la réglementation en vigueur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 mars 1988, Royaume‑Uni/Commission, 347/85, Rec. p. 1749, points 52 et 53, et du 18 avril 2002, Belgique/Commission, C‑332/00, Rec. p. I‑3609, points 44 et 45).

295    La finalité de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles de l’Union et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs économiques. Cette finalité serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l’irrégularité d’une pratique nationale, se prévaloir d’une marge d’appréciation pour l’accepter ou la rejeter du financement de l’Union, en fonction de ses effets plus ou moins graves pour le budget national ou pour le revenu des agriculteurs (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 février 1979, Pays­Bas/Commission, 11/76, Rec. p. 245, points 18 à 21, et Allemagne/Commission, 18/76, Rec. p. 343, points 36 et 37).

296    Ainsi, le refus de financement des dépenses non conformes aux exigences de la conditionnalité ne saurait, contrairement à ce que soutient la République hellénique, constituer une violation du principe de l’obligation de coopération ou du « principe général de l’équité ». La Commission ne dispose pas de marge d’appréciation pour rejeter une dépense du financement de l’Union, dès lors qu’une intervention n’a pas été effectuée conformément aux dispositions de l’Union quant à la conditionnalité.

297    Par conséquent, la Commission ne pouvait accepter les dépenses effectuées, dès lors que la réglementation de l’Union en vigueur au moment des faits quant à la conditionnalité n’était pas respectée.

298    Il convient, en outre, de rappeler que, à son point 3.2.2, le document AGRI/2005/64043 prévoit que, au titre de la première année d’application de la conditionnalité, le coefficient de risque, normalement fixé à 10 % du montant total des paiements directs auxquels la conditionnalité est applicable, doit être réduit à 3 % de ce même montant total. S’agissant de la deuxième année ledit document prévoit une réduction de 10 à 6 % (voir point 276 ci‑dessus). Cette exception à la « règle de 10 % » a pour objectif de tenir compte des éventuels problèmes que peuvent rencontrer les États membres lors de la mise en œuvre des nouveaux systèmes de contrôle ainsi que de la possibilité limitée de récidives pendant les deux premières années d’application de la conditionnalité.

299    En l’espèce, dès lors qu’il s’agissait de la première année d’application de la conditionnalité, la Commission a réduit le coefficient de risque à 3 % et n’a appliqué le taux de correction de 10 % que sur le montant obtenu à partir de ce coefficient de risque réduit.

300    La République hellénique fait encore valoir que, conformément aux dispositions de l’article 8 du règlement n° 1782/2003, la Commission était obligée de réexaminer le système de la conditionnalité pour le 31 décembre 2007 au plus tard et que, dans son rapport du 29 mars 2007, elle avait décrit les difficultés d’application du système et les conclusions tirées des treize enquêtes réalisées dans autant d’États membres en 2005 et 2006.

301    Au regard de cette argumentation, il suffit de relever que les éventuelles difficultés qu’aurait pu constater la Commission dans le cadre du réexamen pouvaient, certes, justifier une amélioration du système et une modification des dispositions pertinentes pour le futur, mais ne saurait conduire à l’admission des dépenses engagées en violation des règles applicables.

302    La République hellénique ajoute que la Commission aurait dû tenir compte du fait qu’elle avait immédiatement accepté de modifier certaines dispositions et instructions nationales, afin de se conformer aux recommandations de la Commission. En particulier, elle aurait codifié les instructions dans la circulaire grecque n° 103618, du 1er août 2007, laquelle comporterait des instructions relatives au contrôle et à l’évaluation des manquements aux ERG, applicables depuis 2006 et 2007. Elle aurait également adressé à la Commission, conformément à l’article 76 du règlement n° 796/2004 portant sur l’obligation des États membres de communiquer à la Commission des informations sur le contrôle du respect des règles de conditionnalité, une lettre en date du 26 juillet 2007, laquelle contient des informations concernant les sanctions imposées aux agriculteurs dans le cadre du système de conditionnalité. Parmi ces sanctions figureraient celles résultant des contrôles des services vétérinaires concernant le marquage et l’enregistrement des bovins, pour les demandes de l’année 2005. Après les constatations initiales formulées par la Commission lors de sa mission du 6 au 9 novembre 2006, au cours de laquelle la question de la nécessité de réalisation d’une analyse des risques séparée pour sélectionner l’échantillon de contrôle de la conditionnalité se serait posée, les autorités helléniques auraient suivi cette recommandation et auraient établi une analyse des risques spécifique concernant les obligations en matière de conditionnalité dès 2007, l’analyse des risques pour 2006 ayant déjà été réalisée.

303    En réponse à cette argumentation, il suffit de relever que les mesures invoquées par la République hellénique sont postérieures à l’année 2005, dont les demandes sont concernées par la correction litigieuse. Si elles témoignent de la volonté louable de la République hellénique d’améliorer son système de gestion et de contrôle de manière à éviter l’imposition, dans le futur, des corrections analogues à celles imposées par la décision attaquée, il n’en demeure pas moins qu’elles sont dépourvues de pertinence par rapport aux corrections litigieuses. En effet, il convient de relever que les améliorations introduites ultérieurement ne font pas disparaître le risque qui a été généré pour le FEOGA en 2005 et ne peuvent pas réduire ce risque rétroactivement.

304    S’agissant, en particulier, des documents relatifs au marquage et à l’enregistrement des bovins, également invoqués par la République hellénique, il convient de relever qu’ils sont dénués de pertinence dans le cadre de la présente affaire, dès lors que la Commission n’a jamais mis en doute ni la réalisation des contrôles ni l’imposition de sanctions en matière de marquage et d’enregistrement des bovins.

305    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le quatorzième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits

306    La République hellénique invoque, s’agissant de l’ensemble des six questions concernées par le volet de la décision attaquée relatif à la conditionnalité, une appréciation erronée des faits par la Commission. En particulier, elle conteste l’existence de défaillances dans le déroulement des contrôles clés et des contrôles secondaires (voir, s’agissant de ces notions, point 92 ci‑dessus). Elle ajoute que l’avis de l’organe de conciliation du 16 décembre 2009 a souscrit à son point de vue selon lequel l’imposition d’une correction financière d’un taux de 10 % était injustifiée.

–       Sur l’absence de preuve de la réalisation de contrôles efficaces dans les secteurs de l’environnement et des BCAE

307    La Commission a considéré au point 13.1 (1) du rapport de synthèse que, en ce qui concernait les demandes de l’année 2005, les rapports de contrôle, tels qu’ils avaient été conçus, d’une part, et tels qu’ils avaient été rédigés, d’autre part, ne comportaient ni les éléments nécessaires à la détermination de la nature et de l’étendue des contrôles effectués ni les éléments pertinents pour l’évaluation des infractions. Ce faisant, ces rapports méconnaîtraient les articles 9, 23 et 48 du règlement n° 796/2004. Par conséquent, lesdits rapports ne permettraient pas de vérifier si les ERG et les normes de BCAE avaient effectivement été contrôlées. Les rapports ne feraient aucune distinction entre les contrôles ayant effectivement été réalisés et ceux qui ne l’ont pas été. Dans de nombreux cas, les formulaires ne comporteraient que la signature du contrôleur. Les rapports de contrôle de second niveau effectués par l’Opekepe ne seraient pas non plus conformes à l’article 48 du règlement n° 796/2004.

308    La Commission a ajouté que les autorités helléniques n’avaient même pas défini toutes les normes de BCAE indiquées à l’annexe IV du règlement n° 1782/2003. En particulier, la République hellénique n’aurait pas défini les normes intitulées « Maintien des particularités du paysage, y compris selon le cas l’interdiction d’arrachage d’oliviers » et « Maintien des oliveraies dans de bonnes conditions végétatives ».

309    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1782/2003, « les États membres procèdent à des contrôles sur place pour vérifier si l’agriculteur respecte les obligations visées au chapitre I ». Ces obligations correspondent à l’ensemble des ERG définies à l’article 4 du même règlement, ainsi qu’à l’ensemble des normes en matière de BCAE, telles que définies par les États membres, conformément à l’article 5 du règlement n° 1782/2003.

310    Ainsi, conformément à l’article 9 du règlement n° 796/2004 :

« Les États membres mettent en place un système qui garantit un contrôle efficace du respect de la conditionnalité. »

311    De même, aux termes de l’article 23 du règlement n° 796/2004 :

« Les contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par le présent règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace [...] des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité. »

312    Les exigences relatives à la documentation des rapports de contrôle sont définies de la manière suivante à l’article 48 du règlement n° 796/2004 :

« Article 48

Rapport de contrôle

1.      Tout contrôle sur place effectué au titre du présent chapitre fait l’objet d’un rapport de contrôle établi par l’autorité de contrôle compétente [...]

Ce rapport se subdivise en plusieurs parties :

a)      une section générale indiquant en particulier :

i)      l’identité de l’agriculteur sélectionné aux fins du contrôle sur place ;

ii)      l’identité des personnes présentes ;

iii)      si l’agriculteur a été averti de la visite et, dans l’affirmative, quel était le délai de préavis ;

b)      une partie décrivant, séparément, les contrôles effectués au regard de chacune des exigences ou normes concernées et précisant en particulier :

i)      les normes et exigences visées par le contrôle sur place ;

ii)      la nature et l’étendue des vérifications opérées ;

iii)      les constats ;

iv)      les actes et les normes au regard desquels il a été constaté des cas de non‑conformité ;

c)      une partie évaluative présentant un bilan de l’importance du cas de non‑conformité au regard de chacune des exigences et/ou de chacune des normes concernées, sur la base des critères de ‘gravité’, d’’étendue’, de ‘persistance’ et de ‘répétition’, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1782/2003, assorti d’une indication des facteurs susceptibles d’entraîner un allégement ou un alourdissement de la réduction à appliquer.

[…]

3.      Sans préjudice de toute disposition particulière de la législation relative aux normes et exigences concernées, le rapport de contrôle est achevé dans un délai d’un mois à compter de la date du contrôle sur place. Ce délai peut cependant être étendu à trois mois dans des cas dûment justifiés, en particulier lorsque des analyses physiques ou chimiques l’exigent.

Lorsque l’autorité de contrôle compétente n’est pas l’organisme payeur, le rapport est transmis à l’organisme payeur dans un délai d’un mois après son achèvement. »

313    La République hellénique fait valoir que le respect des dispositions des articles 39, 47, 48 et 65 du règlement n° 796/2004, lesquelles portent sur les rapports de contrôle, est assuré par le fait que les contrôles relatifs à la conditionnalité sont réalisés en même temps que les contrôles de l’admissibilité au régime du paiement unique. Ses contrôleurs devraient réaliser un contrôle sur place de l’ensemble des parcelles agricoles et des animaux de l’exploitation, si bien que les contrôles seraient évidemment complets. Les ERG et les normes de BCAE contrôlées dans le secteur de la conditionnalité seraient expressément mentionnées dans le titre de chaque formulaire de contrôle. Ces formulaires, une fois complétés, indiqueraient clairement quelles seraient les normes de BCAE et les ERG contrôlées. La République hellénique renvoie, à cet égard, à des exemples des formulaires annexés à la requête.

314    Force est de constater que cette argumentation de la République hellénique, de nature plutôt vague et générale, ne suffit pas, en tenant également compte des considérations énoncées aux points 72 à 74 ci‑dessus, pour remettre en cause les constatations formulées par la Commission dans le rapport de synthèse. Le seul fait que les contrôles relatifs à la conditionnalité sont réalisés en même temps que les contrôles sur place est, à cet égard, indifférent. En effet, ce qui importe est de démontrer que des contrôles réels, efficaces et conformes aux dispositions applicables avaient effectivement été réalisés.

315    Or, la République hellénique s’est limitée à présenter, en annexe à la requête, des formulaires vierges de rapport de contrôle. Elle n’a pas présenté des formulaires dûment complétés, ni d’autres éléments susceptibles de démontrer que les contrôles prévus avaient effectivement été réalisés et d’en indiquer les résultats.

316    Par ailleurs, les modèles de formulaires prévus ne paraissent pas tout à fait conformes à toutes les exigences de l’article 48, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 796/2004. En effet, les formulaires comportent une liste des différentes infractions aux ERG et BCAE susceptibles d’être constatées lors d’un contrôle, avec des cases à remplir pour indiquer la nature, la gravité et le caractère éventuellement intentionnel de chaque infraction constatée. Une partie spéciale relative à la description plus détaillée de chaque infraction constatée est également prévue dans lesdits formulaires. En revanche, il ne semble pas possible d’indiquer, sur le formulaire, les vérifications effectuées qui n’ont conduit à déceler aucune infraction.

317    L’affirmation contenue dans le rapport de synthèse selon laquelle plusieurs formulaires ne comportaient que la signature du contrôleur paraît ainsi plausible. En effet, dans l’hypothèse où un contrôleur n’a décelé aucune infraction lors d’un contrôle, il semble effectivement qu’il devait uniquement signer ledit formulaire. Or, dans une telle hypothèse, comme le fait, en substance, valoir la Commission, il est impossible de vérifier quels étaient exactement les contrôles réalisés, ce qui n’est pas conforme aux exigences de l’article 48, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 796/2004.

318    Il convient d’ajouter que, dans certains cas, les formulaires produits par la République hellénique en annexe à la requête prévoient plusieurs cas de figure d’infractions, selon la nature et l’objet de l’exploitation contrôlée. Ainsi, le formulaire relatif à l’élevage prévoit différentes sections, selon le type d’animal élevé dans chaque exploitation. Au début de chaque section, le contrôleur doit répondre par l’affirmative ou par la négative à la question de savoir si les animaux concernés par la section sont élevés dans l’exploitation contrôlée. Cette question initiale est suivie par une liste des infractions susceptibles d’être constatées dans le cas où les animaux visés par la section sont effectivement élevés dans l’exploitation contrôlée. Le formulaire relatif aux exploitations agricoles comporte également certaines sections analogues.

319    Il est évident que, même dans l’hypothèse d’un contrôle n’ayant révélé aucune infraction, au moins les parties relatives aux questions auxquelles il convient de répondre par l’affirmative ou par la négative auraient dû être remplies. Des formulaires qui ne comportent que la signature du contrôleur sont, dès lors, susceptibles de faire naître un doute sérieux quant à la réalité et au caractère sérieux des contrôles ayant été effectués. Or, la République hellénique n’a ni directement contredit l’affirmation de la Commission selon laquelle plusieurs rapports de contrôle ne comporteraient que la signature du contrôleur, ni, encore moins, présenté des éléments de preuve concrets de nature à remettre cette affirmation en question.

320    Par ailleurs, ainsi que l’a relevé la Commission lors de la procédure administrative (voir point 13.1 du rapport de synthèse), les données statistiques relatives aux contrôles qui lui ont été communiquées par la République hellénique semblent également confirmer ces constatations. En effet, la République hellénique a produit, en annexe à la requête, une lettre de l’Opekepe, du 6 mars 2007, par laquelle celui‑ci a transmis à la Commission des tableaux indiquant, pour chaque ERG et BCAE, le nombre et le pourcentage des exploitations contrôlées et des infractions constatées. Dans ces tableaux, le nombre donné pour les demandeurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle est, dans tous les cas, le même (421 686) et correspond, à l’évidence, à l’ensemble des demandeurs. Or, les agriculteurs ne sont pas, à l’évidence, tous concernés par les mêmes ERG et BCAE. Si les autorités helléniques étaient en mesure de distinguer quels agriculteurs étaient concernés par chaque ERG et BCAE, elles auraient pu et dû en mentionner leur nombre exact, différent pour chaque cas, dans ces tableaux. Comme le relève à juste titre le rapport de synthèse, il suit de là que les autorités helléniques n’étaient pas elles‑mêmes en mesure de distinguer les contrôles réalisés de ceux qui ne l’ont pas été. Il s’agit là d’un élément susceptible de jeter un doute supplémentaire sur la réalité et l’efficacité des contrôles que la République hellénique prétend avoir organisés.

321    Les précédentes considérations sont également valables pour les rapports de contrôle relatifs aux contrôles de second niveau, effectués par l’Opekepe, dès lors que la République hellénique confirme, dans la requête, que ces contrôles utilisaient les mêmes formulaires.

322    Les données statistiques relatives aux contrôles, communiquées à la Commission par l’Opekepe dans sa lettre du 6 mars 2007, sont également susceptibles de jeter des doutes supplémentaires sur la réalité et l’efficacité des contrôles. Il en ressort qu’aucun cas de non‑conformité aux ERG A1 à A5 de l’annexe III du règlement n° 1782/2003 dans le domaine de l’environnement n’a été constaté par les autorités helléniques. Or, un tel résultat est peu vraisemblable, eu égard au nombre élevé, en valeur absolue, de bénéficiaires des aides ayant, d’après les autorités helléniques, fait l’objet de contrôles (4 784 bénéficiaires, ainsi qu’il ressort du tableau annexé à ladite lettre de l’Opekepe). S’agissant des BCAE, quelques cas de non‑conformité ont été décelés, mais ils concernaient la norme intitulée « Rotation des cultures » dont le respect peut, en principe, être contrôlé sur la base de la déclaration de l’agriculteur, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission. En ce qui concerne les normes intitulées « Protection des pâturages permanents », « Non‑respect de la densité minimale de pâturage », « Empiètement de végétation indésirable » et « Érosion des sols », les taux de non‑conformité constatés par les autorités nationales sont très proches du zéro, ce qui fait surgir un doute additionnel quant à la réalité et l’efficacité des contrôles organisés.

323    Les précédentes considérations ne sont pas remises en cause par l’argument de la République hellénique selon lequel, s’agissant de certaines infractions ayant trait, par exemple, à la protection de certaines espèces d’oiseaux ou de plantes, l’identification des éventuelles infractions est en pratique très difficile. Les difficultés pratiques invoquées constituent, en revanche, un argument additionnel en faveur de la nécessité de l’établissement et de la conservation d’une trace écrite systématique et cohérente des contrôles effectivement réalisés.

324    La République hellénique conteste également la constatation de la Commission selon laquelle les normes de BCAE mentionnées au point 308 ci‑dessus n’avaient pas été définies. S’agissant de la norme intitulée « Maintien des particularités du paysage, y compris selon le cas l’interdiction d’arrachage d’oliviers », elle fait valoir que les oliviers ne font pas l’objet d’arrachage en Grèce. Or, cette allégation n’est étayée d’aucune preuve. En tout état de cause, une telle allégation, à la supposer exacte, ne constituerait pas un motif valable permettant à un État membre de ne pas se conformer à son obligation, découlant de l’article 5 du règlement n° 1782/2003 et de l’annexe IV dudit règlement, de définir cette norme.

325    S’agissant de la norme de BCAE relative au « [m]aintien des oliveraies dans de bonnes conditions végétatives », la République hellénique soutient qu’elle figure à l’article 2, point A9, de l’arrêté ministériel conjoint grec n° 324032, du 24 décembre 2004 (FEK B’ 1921/24.12.2004). Or, cet article stipule que « [t]out agriculteur percevant des paiements directs est tenu […] de faire des interventions de cultures minimales au sein de la parcelle agricole pour maintenir celle‑ci en bon état et pour prévenir l’invasion d’espèces indésirables » et que « [l]’agriculteur peut enlever la végétation indésirable soit par le pâturage soit par le découpage mécanique et l’enlèvement ». La République hellénique ajoute que l’article 2, paragraphe 4, de l’arrêté ministériel grec n° 262021, du 15 avril 2005 (FEK B’ 538/21.4.2005), prévoit expressément que l’obligation posée par ledit article vise aussi les « parcelles agricoles » couvertes de « cultures permanentes ». Elle précise, enfin, qu’il va de soi que les expressions « parcelles agricoles » et « cultures permanentes » désignent notamment les oliveraies.

326    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’annexe IV du règlement n° 1782/2003, dans sa version résultant de l’annexe, paragraphe 2 bis, du règlement n° 864/2004, dispose que les États membres doivent prévoir, notamment, deux normes de BCAE distinctes, à savoir, d’une part, une norme générale visant à éviter l’empiètement de végétation indésirable sur les terres agricoles et, d’autre part, une norme spéciale visant à maintenir les oliveraies dans de bonnes conditions végétatives.

327    En l’espèce, à supposer même que, telle qu’employée dans la législation nationale invoquée par la République hellénique, l’expression « parcelle agricole couverte de cultures permanentes » englobe les oliveraies, force est de constater que ladite législation nationale ne prévoit pas de norme de BCAE portant sur le « [m]aintien des oliveraies dans de bonnes conditions végétatives ». En effet, ne saurait constituer une telle norme la règle, vague et générale, posée par la législation nationale, selon laquelle tout agriculteur percevant des paiements directs est tenu de faire des interventions de cultures minimales au sein de la parcelle agricole « pour maintenir celle‑ci en bon état ». Pour le reste, l’imposition aux agriculteurs, par la législation nationale, de l’obligation de veiller aussi à la « prévention de l’invasion d’espèces indésirables » ne répond pas non plus aux exigences de la norme en question, puisque la notion, utilisée dans celle‑ci, de maintien des oliveraies dans de « bonnes conditions végétatives » n’est pas dans sa totalité couverte par celle, utilisée dans la législation nationale, de « prévention de l’invasion d’espèces indésirables ».

328    Il convient par ailleurs de relever, de manière plus générale, que la référence, faite par la Commission, à l’absence de définition des normes de BCAE susvisées par la République hellénique ne constitue pas un reproche autonome, mais vise à étayer sa constatation relative à l’absence de preuve de la réalisation de contrôles efficaces. En d’autres termes, la Commission a considéré qu’il était impossible de contrôler le respect d’une norme qui n’avait même pas été définie au niveau national. Indépendamment de l’exactitude de cette dernière considération, force est de constater que la République hellénique n’a invoqué aucun élément susceptible de démontrer que le respect des normes en question avait fait l’objet de contrôles réels et efficaces en Grèce.

–        Sur l’absence de contrôle de l’intégralité des agriculteurs sélectionnés

329    Au point 13.1 du rapport de synthèse, la Commission a constaté que, en violation de l’article 47, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, les agriculteurs sélectionnés n’avaient pas tous été contrôlés sur toutes les ERG et les BCAE relevant de la responsabilité de l’autorité de contrôle compétente. Ces autorités, à savoir les directions départementales de l’agriculture des administrations préfectorales helléniques, n’auraient effectué des contrôles que pour les ERG et les BCAE qui étaient liées à la demande de l’agriculteur.

330    L’article 47, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 prévoit :

« Lors de l’exécution des contrôles portant sur l’échantillon visé à l’article 44, l’autorité de contrôle compétente veille à ce que tous les agriculteurs sélectionnés à cette fin fassent l’objet de vérifications portant sur les normes et exigences qui relèvent de sa responsabilité. »

331    S’agissant de la constatation selon laquelle les agriculteurs sélectionnés n’ont pas tous été contrôlés sur toutes les ERG et les normes de BCAE relevant de la responsabilité de l’autorité de contrôle compétente, la République hellénique soutient que, conformément à sa législation nationale pertinente, les contrôleurs devaient contrôler l’ensemble de l’exploitation pour ce qui était des exigences de la conditionnalité. Toutefois, dès lors que l’année 2005 était la première année d’application du système de la conditionnalité et que des demandes d’aide différentes avaient été introduites pour certaines parties de la même exploitation, il se pourrait que cette obligation de contrôle de l’ensemble de l’exploitation n’ait pas pu être respectée dans de rares cas isolés. Cependant, depuis 2006, dans la mesure où, d’une part, les producteurs devraient déclarer l’ensemble de leur exploitation dans la demande de paiement unique et, d’autre part, des précisions supplémentaires auraient été fournies, le contrôle concernerait toujours et sans exception l’ensemble de l’exploitation. En outre, selon la législation nationale applicable, les producteurs devraient déclarer l’ensemble de leur exploitation dans la demande de paiement unique. En cas de manquement à cette obligation et en vue de permettre de garantir le caractère complet des contrôles réalisés, les services vétérinaires locaux des administrations préfectorales participeraient aussi aux contrôles de la conditionnalité.

332    Force est de constater que ces allégations abstraites et générales de la République hellénique ne sont pas de nature à démontrer que les agriculteurs sélectionnés ont tous été contrôlés sur toutes les ERG et les normes de BCAE relevant de la responsabilité de l’autorité de contrôle compétente. S’agissant des améliorations introduites ultérieurement, à savoir depuis 2006, elles sont, à l’évidence, dépourvues de pertinence pour les demandes de l’année 2005, seule concernée par ce volet de la décision attaquée.

333    Compte tenu de ce qui précède et au regard des considérations énoncées aux points 72 à 74 ci‑dessus, ce grief de la République hellénique doit être écarté.

–        Sur l’absence de réalisation des contrôles relatifs aux exigences ayant trait à l’identification et à l’enregistrement des porcins

334    Le point 13.1 (2) du rapport de synthèse relève que, en 2005, les autorités helléniques n’ont pas effectué de contrôles concernant l’identification et l’enregistrement des porcins.

335    La République hellénique reconnaît que les données statistiques communiquées à la Commission révèlent l’absence de contrôles relatifs au marquage et à l’enregistrement des porcins en 2005. Elle fait, toutefois, valoir que le nombre de demandeurs détenteurs de porcins était restreint, vu que l’élevage des porcins ne faisait pas l’objet d’aides directes. Il s’ensuit, selon elle, que le fait qu’aucune infraction n’ait été identifiée dans ce secteur n’a impliqué aucun risque pour le FEOGA. Elle ajoute que la déclaration des porcins dans la demande de paiement direct est devenue obligatoire depuis 2006, afin de faciliter l’identification et le contrôle des producteurs concernés. Ainsi, en 2006, 65 contrôles sur place auraient été réalisés, en ce qui concerne le marquage et l’enregistrement des porcins, sur un total de 1 184 demandeurs d’aides directes détenant des porcins. Deux infractions auraient été constatées.

336    Force est de constater que la République hellénique admet l’exactitude matérielle des constatations du rapport de synthèse relatives à l’absence de contrôles concernant l’identification et l’enregistrement des porcins en 2005. La circonstance selon laquelle de tels contrôles auraient été organisés en 2006 ne remet pas, à l’évidence, en question cette constatation.

337    Il convient d’ajouter que, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, l’absence des contrôles en la matière, même si ceux‑ci concernaient un nombre restreint des détenteurs de porcins, a effectivement impliqué un risque pour le FEOGA, dans la mesure où la violation des exigences relatives au marquage et à l’enregistrement de porcins aurait justifié l’imposition d’une sanction au producteur concerné, sous la forme d’une réduction de la prime qui lui était payée et qui constituait une dépense financée par le FEOGA. Or, à défaut des contrôles, de telles violations ne pouvaient pas être constatées, ce qui impliquait, comme le relève à juste titre la Commission dans son document AGRI/2005/64043 (voir point 275 ci‑dessus), une surévaluation des dépenses imputables au FEOGA.

338    Il ressort des considérations qui précèdent que le présent grief doit également être écarté.

–       Sur le caractère prétendument imprécis et lacunaire des lignes directrices communiquées par les autorités helléniques aux contrôleurs

339    Les services de la Commission ont constaté que les lignes directrices communiquées par les autorités helléniques aux contrôleurs étaient imprécises et lacunaires. En particulier, les services de la Commission ont considéré qu’il n’existait pas toujours un rapport direct entre les exigences devant être contrôlées selon la législation pertinente hellénique, les points de contrôle mentionnés dans les rapports de contrôle, l’évaluation qui devait être effectuée selon les lignes directrices et, enfin, les sanctions infligées. La Commission a ajouté, dans le même contexte, que ses services avaient décelé des cas où l’Opekepe avait infligé des sanctions qui n’étaient pas prévues par les instructions.

340    La République hellénique soutient qu’elle a transmis aux services de la Commission la circulaire n° 103618, du 1er août 2007, codifiant les principes directeurs et contenant les instructions destinées aux contrôleurs. Elle ajoute que, au‑delà des instructions écrites destinées aux contrôleurs, les treize bureaux régionaux de l’Opekepe avaient organisé deux ou trois conférences afin de donner davantage d’informations aux contrôleurs sur les modalités de déroulement des contrôles et la façon de compléter les rapports de contrôle. En outre, des instructions détaillées sur l’évaluation des cas de non‑conformité figureraient dans un tableau détaillé de quatre pages, joint en annexe à l’arrêté ministériel conjoint grec n° 297285, du 5 août 2005 (FEK B’ 1183/26.8.2005), dont copie aurait été transmise à la Commission. Ce tableau prévoirait différents sous‑cas de non-conformité, qui correspondraient parfaitement aux formulaires de contrôle. Enfin, l’arrêté ministériel grec n° 262021, du 15 avril 2005 (FEK B’ 538/21.4.2005), comporterait, en ses articles 5 à 7, des instructions détaillées concernant le contrôle des normes des BCAE et des ERG A1 à A8 bis de l’annexe III du règlement n° 1782/2003. Ces instructions, codifiées dans un texte unique, à savoir la circulaire n° 103618 susmentionnée, auraient été adoptées le 21 avril 2005 et auraient été connues du personnel de contrôle des administrations préfectorales et de l’Opekepe avant le début des contrôles pour 2005.

341    Force est de constater que cette argumentation de la République hellénique ne répond pas aux constatations de la Commission, résumées au point 339 ci‑dessus. En substance, la République hellénique se limite à la simple énumération des dispositions réglementaires comportant des instructions relatives aux contrôles qu’elle avait adoptées, sans expliquer pourquoi les constatations de la Commission, selon lesquelles, notamment, il n’existait pas une correspondance parfaite entre les instructions adoptées par la République hellénique et les points de contrôle prévus dans les formulaires de rapport de contrôle, étaient erronées. La République hellénique n’a pas non plus répondu à l’affirmation de la Commission selon laquelle l’évaluation devant être effectuée selon les lignes directrices adressées aux contrôleurs ne correspondait pas aux exigences de contrôle prévues dans la législation nationale pertinente.

342    Il convient d’ajouter, en tout état de cause, que l’arrêté ministériel n° 297285 a été publié le 26 août 2005, à savoir quatre mois avant la fin de l’année 2005 et alors que les contrôles de cette année auraient certainement dû déjà débuter.

343    S’agissant de l’arrêté ministériel n° 297285, il convient de constater que celui‑ci comporte, en annexe, des formulaires types de rapports de contrôle, lesquels sont différents des formulaires produits par la République hellénique et utilisés, selon ses affirmations, lors des contrôles réalisés en 2005 (voir point 313 ci‑dessus). Cette constatation constitue un élément additionnel qui vient confirmer les constatations de la Commission contestées dans le cadre du présent grief.

344    Au regard des considérations qui précèdent et en tenant également compte des considérations énoncées aux points 72 à 74 ci‑dessus, il convient d’écarter le présent grief comme étant non fondé.

–       Sur la non‑imposition de réductions et d’exclusions

345    Au point 13.1 (5) du rapport de synthèse, la Commission a rappelé que, lorsque les contrôles sur place révélaient des cas de non‑conformité aux exigences relatives à la conditionnalité, ces constatations devaient être prises en considération pour l’imposition des réductions dans le cadre de la conditionnalité. Or, selon la Commission, il n’existait, en l’espèce, aucun élément démontrant que les cas de non‑conformité constatés par les autorités de contrôle helléniques au titre de leurs autres activités de contrôle avaient été pris en compte pour l’imposition des réductions dans le cadre de la conditionnalité.

346    L’article 39, paragraphe 4, l’article 48, paragraphe 1, et l’article 65, paragraphe 4, du règlement n° 796/2004 sont ainsi libellés :

« Article 39

[…]

4.      Lorsque les contrôles sur place effectués conformément au présent règlement révèlent des cas de non‑conformité aux dispositions du titre I du règlement (CE) n° 1760/2000, des copies du rapport de contrôle prévu à l’article 28 du présent règlement sont immédiatement transmises aux autorités compétentes aux fins de mise en œuvre du règlement (CE) n° 1082/2003.

[…]

Article 48

1.      Tout contrôle sur place effectué au titre du présent chapitre fait l’objet d’un rapport de contrôle établi par l’autorité de contrôle compétente, que l’agriculteur concerné ait été sélectionné à cette fin en application de l’article 45 ou à la suite de cas de non‑conformité portés par toute autre voie à l’attention de l’autorité de contrôle compétente.

[…]

Article 65

[…]

4. Sont considérés comme ‘constatés’ les cas de non‑conformité établis suite à tout contrôle effectué conformément au présent règlement ou ayant été portés à la connaissance de l’autorité de contrôle compétente de quelque autre manière. »

347    Comme l’a relevé à juste titre la Commission dans le rapport de synthèse, s’il résulte de ces dispositions que les cas de non‑conformité aux exigences relatives à la conditionnalité doivent être pris en compte pour l’application de réductions dans le domaine de la conditionnalité, lorsqu’ils sont portés à la connaissance de l’autorité compétente à la suite des contrôles en matière de conditionnalité stricto sensu, il en va de même lorsque les cas de non‑conformité sont « portés par toute autre voie à l’attention de l’autorité de contrôle compétente », au sens de l’article 48, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, ou sont « portés à la connaissance de l’autorité de contrôle compétente de quelque autre manière », au sens de l’article 65, paragraphe 4, du même règlement.

348    La République hellénique soutient, tout d’abord, que si des éléments de non‑conformité sont constatés lors d’un contrôle portant sur les conditions d’éligibilité pour l’octroi des aides, l’Opekepe et, selon le cas, le service vétérinaire compétent en sont informés. L’agriculteur concerné serait ensuite inclus dans l’échantillon de contrôle correspondant. En outre, il ressortirait de la législation nationale pertinente que l’évaluation des infractions concernant la conditionnalité constituerait une obligation des contrôleurs. Certains cas isolés de non‑respect de cette obligation seraient dus au fait que l’année 2005 a été la première année d’application de la conditionnalité. Cette carence aurait été comblée par l’évaluation que les experts de l’Opekepe auraient faite de manière uniforme dans l’ensemble du pays. La décision n° 75804, du 8 août 2006, de l’Opekepe, dont copie aurait été transmise à la Commission, décrirait très clairement la procédure de détermination des réductions et des exclusions pour les demandes de l’année 2005. D’ailleurs, le respect des dispositions des articles 39, 48 et 65 du règlement n° 796/2004 serait confirmé par le fait que les contrôles de la conditionnalité auraient lieu en même temps que les contrôles d’éligibilité.

349    Ensuite, la République hellénique soutient que, conformément au point C1 de la circulaire n° 103618, du 1er août 2007, les directions régionales de l’Opekepe ont constitué des comités d’experts, lesquels ont réexaminé l’évaluation des infractions constatées dans chaque rapport de contrôle, afin de parvenir à une évaluation finale des infractions homogène pour l’ensemble des agriculteurs du pays. Cette évaluation finale aurait été enregistrée dans une base de données et prise en compte pour la détermination des sanctions.

350    Enfin, la République hellénique relève que les montants qui ont résulté des réductions et des exclusions à la suite des contrôles de la conditionnalité durant l’année 2005 ont été communiqués à la Commission par lettre du 20 novembre 2006. Ces montants auraient été récupérés, selon les procédures prévues à l’article 10, paragraphe 2, et à l’article 73, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004.

351    Force est de constater que cette argumentation de la République hellénique est dépourvue de pertinence par rapport aux constatations litigieuses du rapport de synthèse, auxquelles elle n’apporte aucune réponse.

352    En effet, le fait, à le supposer avéré, que les contrôles de la conditionnalité aient eu lieu en même temps que ceux relatifs à l’éligibilité ne signifie pas nécessairement que les cas de non‑conformité constatés par les autorités de contrôle dans le cadre d’autres activités de contrôle ont été pris en compte pour l’application des réductions dans le domaine de la conditionnalité.

353    S’agissant de la décision n° 75804, du 8 août 2006, de l’Opekepe, elle concerne, ainsi que le fait valoir la République hellénique elle‑même, l’évaluation des rapports de contrôle en matière de conditionnalité par un comité de l’Opekepe. De ce document ne ressort aucun élément permettant de conclure que cette évaluation a également visé les rapports de contrôle relatifs à d’autres activités de contrôle.

354    Pour ce qui est de la circulaire n° 103618, du 1er août 2007, elle est postérieure à l’année 2005, seule concernée par ce volet de la décision attaquée, et ne porte que sur les contrôles futurs. De toute évidence, elle est dépourvue de pertinence en ce qui concerne le volet de la décision attaquée visé par le présent grief.

355    Enfin, la lettre du 20 novembre 2006 se limite à indiquer les montants totaux des réductions appliquées et ne comporte aucun élément de nature à démontrer que les cas de non‑conformité constatés par les autorités de contrôle lors d’autres contrôles et, en particulier, lors des contrôles de l’éligibilité avaient été pris en compte pour l’application de réductions dans le domaine de la conditionnalité.

356    Il s’ensuit que le présent grief doit également être écarté comme non fondé.

–       Sur les faiblesses dans la réalisation des contrôles secondaires

357    Selon le rapport de synthèse [point 13.1 (6)], les services de la Commission ont constaté des faiblesses dans la réalisation des contrôles sur place. En particulier, la République hellénique, en méconnaissance de l’article 45, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, aurait sélectionné les exploitations à contrôler pour les exigences de la conditionnalité sans effectuer une analyse des risques suivant la législation applicable ou une analyse des risques adaptée aux normes ou aux exigences concernées. Cette absence d’analyse des risques spécifique, adaptée aux exigences de la conditionnalité, constituerait une lacune ne pouvant toutefois affecter qu’un contrôle secondaire.

358    La République hellénique soutient que le règlement n° 796/2004 n’imposait pas l’application de critères concrets pour la sélection de l’échantillon de contrôle de la conditionnalité. Elle admet que, compte tenu du caractère vague et général, selon elle, de la disposition de l’article 45, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, aucune analyse précise des risques n’a été effectuée aux fins de la sélection de l’échantillon de contrôle en 2005. Les agriculteurs soumis à un contrôle sur place en 2005 auraient été sélectionnés au hasard, parmi ceux qui avaient été soumis à un contrôle d’éligibilité pour des primes aux bovins, aux caprins et aux ovins, aux cultures arables ou aux produits laitiers. D’ailleurs, une importance particulière aurait été accordée à certains critères de risque des contrôles d’éligibilité, comme le nombre de parcelles agricoles et le nombre d’animaux, qui importent pour le système de la conditionnalité.

359    Il convient de souligner que, en vertu du point 3.1 du document AGRI/2005/64043, une correction à hauteur de 10 % ne peut être appliquée que si les contrôles clés sont concernés. Les manquements aux contrôles secondaires ne justifient pas de telles corrections. La Commission ne peut appliquer qu’une correction à hauteur de 2 % si un ou plusieurs contrôles secondaires se révèlent insuffisants (voir, s’agissant des notions des contrôles clés et des contrôles secondaires, point 92 ci‑dessus). En vertu du point 2 dudit document, les insuffisances d’analyse des risques peuvent constituer des faiblesses dans la réalisation d’un contrôle secondaire.

360    Selon la décision attaquée, la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 10 % au titre des exercices financiers 2006 et 2007. Celle‑ci est justifiée à suffisance de droit par les autres constatations du rapport de synthèse servant de support à la décision attaquée, les griefs de la République hellénique mettant ces dernières en question devant être rejetés comme non fondés, ainsi qu’il a déjà été relevé.

361    Il s’ensuit que le présent grief est inopérant. En effet, dès lors que, selon le point 3.1 du document AGRI/2005/64043, une correction forfaitaire de 10 % ne peut être imposée qu’en raison des insuffisances concernant les contrôles clés, la question de savoir si un contrôle secondaire, comme celui en l’espèce (affecté, ainsi qu’il a déjà été relevé, par l’absence d’une analyse des risques spécifique), a été ou non correctement effectué ne remet pas en cause la correction effectuée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 26 novembre 2008, Grèce/Commission, T‑263/06, non publié au Recueil, point 131).

362    En tout état de cause, ce grief ne saurait prospérer. L’article 45, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 796/2004 dispose :

« 1.      Sans préjudice des vérifications effectuées à la suite des cas de non‑conformité portés par tout autre moyen à l’attention de l’autorité de contrôle, la sélection des exploitations à contrôler conformément à l’article 44 se fonde sur une analyse des risques suivant la législation applicable ou sur une analyse des risques adaptée aux normes ou exigences concernées […]

2.      L’autorité de contrôle compétent sélectionne, pour les normes et exigences relevant de sa responsabilité, les agriculteurs à contrôler en application de l’article 44. Elle sélectionne à cet effet un échantillon d’agriculteurs parmi l’échantillon d’agriculteurs déjà retenus en application des articles 26 et 27 et auxquels s’appliquent les normes ou exigences concernées. »

363    Par conséquent, le règlement n° 796/2004 impose l’application de critères concrets pour sélectionner l’échantillon de contrôle de la conditionnalité sur la base d’une analyse spécifique des risques. Or, la République hellénique admet elle‑même avoir sélectionné au hasard les agriculteurs qui seraient soumis aux contrôles sur place relatifs à la conditionnalité, ce qui signifie qu’elle n’a effectué aucune analyse des risques spécifique, contrairement aux exigences de l’article 45, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004.

364    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République hellénique selon lequel aucun document de travail de la Commission ne mentionne l’analyse des risques pour la conditionnalité et selon lequel il n’existe pas de liste de critères de risques à utiliser, comme c’est le cas avec l’éligibilité. En effet, l’absence des documents de travail et de liste de critères de risques n’implique pas que les États membres ne doivent pas se conformer aux exigences claires et non équivoques de l’article 45, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004.

365    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel une importance particulière aurait été accordée à certains critères de risques des contrôles d’éligibilité, il doit être rejeté. En effet, la République hellénique n’a pas invoqué des arguments ou des éléments particuliers susceptibles de démontrer les raisons pour lesquelles ces mêmes critères présentaient une importance particulière pour le contrôle du respect des exigences de la conditionnalité.

–       Sur l’avis de l’organe de conciliation

366    S’agissant de l’avis du 16 décembre 2009, invoqué par la République hellénique, par lequel l’organe de conciliation a souscrit au point de vue de la République hellénique selon lequel la correction de 10 % était injustifiée, il y a lieu de rappeler (voir point 161 ci‑dessus) que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 94/442, la position de cet organe ne préjuge pas la décision définitive de la Commission. Il s’ensuit que la Commission, lorsqu’elle arrête sa décision, n’est pas liée par les conclusions de l’organe de conciliation.

367    Tous les griefs invoqués par la République hellénique dans le cadre du présent moyen devant être écartés, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

368    Ayant constaté plusieurs déficiences dans le système de gestion et de contrôle relatif au secteur des raisins secs, la Commission a appliqué des corrections forfaitaires au titre des exercices financiers 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 qui s’élèvent à un montant de 54 701 943,48 euros.

 Sur le quinzième moyen, tiré d’une interprétation erronée des dispositions pertinentes du règlement n° 1621/1999 et d’erreurs de fait

369    La République hellénique conteste les considérations du rapport de synthèse servant de fondement à la décision attaquée relatives au rendement minimal des parcelles destinées à la production du raisin sec et à l’absence de contrôles de la spécialisation des parcelles et de la destination du raisin et reproche, à cet égard, à la Commission, une interprétation erronée des dispositions pertinentes du règlement (CE) n° 1621/1999 de la Commission, du 22 juillet 1999, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil en ce qui concerne l’aide pour la culture de raisins destinés à la production de certaines variétés de raisins secs (JO L 192, p. 21), ainsi que des erreurs de fait, ayant entaché les constatations de la décision attaquée en la matière.

–       Cadre juridique

370    Le règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29), dispose en son article 7, paragraphe 1 :

« 1.      Une aide est accordée pour la culture de raisins destinés à la production de raisins secs des variétés de sultanines et Moscatel et de raisins secs de Corinthe.

Le montant de l’aide est fixé par hectare de superficies spécialisées récoltées en fonction du rendement moyen à l’hectare de ces dernières. Il est fixé, en outre, compte tenu :

a)      de la nécessité d’assurer le maintien des superficies traditionnellement consacrées auxdites cultures ;

b)      des possibilités d’écoulement de ces raisins secs.

Le montant de l’aide peut être différencié en fonction des variétés de raisins ainsi que d’autres facteurs qui peuvent affecter les rendements. »

371    Conformément à la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1621/1999, on entend par « parcelles spécialisées » les « superficies plantées en vignes des variétés sultanines (soultanina), raisins noirs de Corinthe (korinthiaki) et moscatel dont la totalité de la production récoltée de raisins frais est séchée en vue de sa transformation ».

372    L’article 3, du règlement n° 1621/1999, est libellé en les termes suivants :

« 1. L’aide pour la culture de raisins est accordée pour les parcelles spécialisées :

a)      qui ont fait l’objet d’une inscription dans la base de données ;

b)      qui ont été entièrement cultivées et récoltées et dont la production séchée (raisins secs non transformés) a été livrée à un transformateur au titre d’un contrat ;

c)      qui ont un rendement minimal au moins égal aux quantités suivantes :

–        3 000 kilogrammes de raisins secs non transformés pour les sultanines,

–        2 100 kilogrammes de raisins secs non transformés pour les raisins secs de Corinthe,

–        520 kilogrammes de raisins secs non transformés pour les moscatels ;

[…]

2.      Il est dérogé à l’exigence relative au rendement minimal comme suit :

[…]

–        pour les parcelles ayant subi des dommages attribuables à des calamités naturelles, les États membres réduisent les quantités visées au paragraphe 1, point c), du pourcentage de dommage certifié par les organismes d’assurance ; en cas de dommages non couverts par les organismes d’assurance, les États membres déterminent le pourcentage de réduction du rendement minimal pour les régions sinistrées et en informent la Commission,

[…] »

–       Sur le rendement minimal des parcelles destinées à la production du raisin sec et sur sa réduction par les autorités helléniques

373    Les services de la Commission ont constaté que, pendant la campagne 2003‑2004, des réductions du rendement minimal réglementaire des parcelles destinées à la production du raisin sec avaient été appliquées à l’ensemble du territoire grec. Dans les départements de Crète (Grèce), ces réductions allaient de 45 à 75 %. Leur niveau aurait été fixé de manière que tous les producteurs puissent bénéficier de l’aide. Pour les années suivantes, ces réductions n’étaient pas dûment justifiées et ne fluctuaient pas en fonction des régions, comme l’exigeraient les dispositions applicables. Plus particulièrement, pour les campagnes 2004-2005 et 2005-2006, des réductions forfaitaires de, respectivement, 30 % et 50 % auraient été appliquées à l’ensemble du territoire hellénique. Ces réductions auraient, par ailleurs, été accordées pour des raisons de nature structurelle non prévues par les dispositions applicables, ne seraient pas liées à des catastrophes naturelles, mais, par exemple, à l’altitude, à l’épuisement des sols ou à des greffages inappropriés et leur taux aurait été fixé intentionnellement de manière que tous les producteurs puissent bénéficier de l’aide. D’ailleurs, s’agissant des campagnes 2003-2004 et 2004-2005, le rendement des parcelles viticoles utilisées pour la culture de la sultanine et destinées au marché des raisins frais démontre qu’il était possible de respecter le rendement minimal exigé par le règlement n° 1621/1999 (points 4.1.1.1 et 4.1.4.1 du rapport de synthèse).

374    La République hellénique fait valoir que le rendement minimal fixé par le règlement n° 1621/1999 est irréaliste, dès lors qu’il ne tient pas compte de l’influence sur les vignobles des catastrophes naturelles et des phénomènes météorologiques.

375    Elle relève, en particulier, que le règlement n° 1621/1999 a déterminé la superficie maximale garantie pouvant être cultivée en raisins destinés à être séchés en vue de leur transformation. Cette superficie maximale aurait tenu compte de la moyenne des superficies cultivées dans l’Union pendant les campagnes 1987-1990. Sur la base de cette superficie, le rendement minimal requis aurait été déterminé de manière visiblement artificielle à 3 000 kilogrammes de sultanines à l’hectare et à 2 100 kilogrammes à l’hectare pour le raisin noir de Corinthe, avec quelques dérogations. Selon la République hellénique, ce rendement minimal ne peut être atteint que sur des parcelles d’une qualité particulièrement élevée, au prix de pratiques culturales très attentives et d’une spécialisation complète du vignoble, sur un terrain non épuisé et dans des conditions météorologiques parfaites. Une calamité naturelle affecterait de manière directe et radicale la production de sultanine et de raisin de Corinthe. L’expérience pratique généralement acquise et les règles admises en matière d’agriculture enseigneraient que les successions de calamités naturelles épuisent complètement le vignoble. La République hellénique aurait, à plusieurs reprises, appelé l’attention de la Commission sur cette constatation et aurait demandé qu’elle détermine à nouveau le rendement minimal sur la base des nouvelles données scientifiques, agricoles et culturales.

376    La République hellénique relève, ensuite, que, conformément à l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999, pour les parcelles spécialisées ayant subi des dommages attribuables à des calamités naturelles, ses services avaient déterminé un pourcentage de réduction du rendement minimal qu’ils avaient, par la suite, affiné en utilisant des procédures établies et en se fondant sur des données scientifiques, agricoles, culturales et météorologiques. Durant toutes les récoltes relatives à la période 2002-2005, les autorités helléniques compétentes auraient appliqué ladite disposition en cas des calamités naturelles ayant occasionné des dommages à la production. Le règlement n° 1621/1999 obligerait l’État membre à réduire le rendement minimal en cas de calamités naturelles et ne lui laisserait pas le pouvoir discrétionnaire de se soustraire à cette obligation.

377    La République hellénique ajoute que, en considérant que la réduction annuelle du rendement minimal était anormale, la Commission ne tient pas compte des conditions climatiques prévalant au cours de l’année de production, mais aussi de l’année précédente. L’état du vignoble en Grèce, frappé de manière prolongée pendant plusieurs années par des calamités naturelles successives, s’expliquerait aussi, évidemment, par d’autres facteurs qui contribuent, dans une certaine mesure, à réduire le rendement, comme le vieillissement du vignoble en Crète, qui est cultivé sans interruption depuis une trentaine de siècles, ou le syndrome de dégénérescence, les virus végétaux et d’autres affections.

378    S’agissant des arguments de la République hellénique relatifs au caractère prétendument irréaliste du rendement minimal fixé par le règlement n° 1621/1999 (résumés aux points 374 et 375 ci‑dessus), il convient de constater que la République hellénique n’a ni soulevé expressément une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, ni même avancé un quelconque argument concret susceptible d’étayer la thèse d’une telle illégalité. Or, en l’absence de contestation de la légalité de cette disposition, il ne peut qu’être conclu que l’aide pour les raisins secs ne pouvait légalement être versée que dans l’hypothèse où les conditions prévues pour son versement étaient remplies, y compris celle tenant au rendement minimal. Une dérogation à l’exigence du rendement minimal ne saurait être accordée que dans les cas prévus au paragraphe 2 du même article, au nombre desquels figure celui relatif aux parcelles ayant subi des dommages attribuables à des calamités naturelles.

379    Il paraît, en effet, que, par son argumentation relative au caractère prétendument irréaliste du rendement minimal fixé, la République hellénique plaide pour une interprétation plus souple de cette dernière disposition, susceptible de justifier une dérogation à l’exigence relative au rendement minimal dans tous les cas où les conditions idéales indispensables, selon elle, à l’obtention du rendement minimal prévu n’étaient pas réunies. Une telle interprétation correspond, par ailleurs, à la pratique que prête à la République hellénique le rapport de synthèse et qui consiste à réduire de manière uniforme et généralisée le rendement minimal exigé pour toute une région de la Grèce, voire pour l’intégralité du pays.

380    Une telle interprétation doit, toutefois, être rejetée.

381    En premier lieu, il y a lieu de relever que l’argument de la République hellénique selon lequel le rendement minimal prévu est irréaliste n’est étayé d’aucune preuve. En outre, il ressort de la lettre du 20 septembre 2006, adressée par la Commission à la République hellénique à la suite de la réunion bilatérale du 19 septembre 2006, que le rendement minimal prévu a été fixé en tenant compte du rendement réel moyen des campagnes relatives à la période 1987-1990, à savoir 3 045 kilogrammes de sultanines à l’hectare et 2 450 kilogrammes à l’hectare pour le raisin noir de Corinthe. Or, ce dernier rendement est supérieur à celui fixé par le règlement n° 1621/1999. La République hellénique n’a ni contesté l’exactitude de ces affirmations, ni expliqué pour quelles raisons précises il serait impossible pour les producteurs concernés de réaliser les mêmes rendements que ceux réalisés sur les mêmes parcelles dans des conditions largement semblables une vingtaine d’années auparavant. Par ailleurs, il convient de relever que son argumentation concernant les raisins secs, mentionnée au point 375 ci‑dessus, n’est étayée d’aucun élément concret et que son argumentation mentionnée au point 377 ci‑dessus, également non étayée d’éléments concrets, est de caractère général, dès lors qu’elle concerne le vignoble en Grèce et non spécifiquement les parcelles cultivées avec des raisins secs.

382    En outre, cette même lettre indique que les services de la Commission ont fait de longues recherches sur les rendements auprès d’autres pays producteurs et qu’il en est ressorti que seule la Grèce n’arrivait pas à dépasser le rendement minimal. Si ces statistiques sont à prendre avec précaution, puisque les variétés et les conditions de culture ne sont pas tout à fait comparables, elles ne contredisent toutefois pas le rendement minimal fixé par le règlement n° 1621/1999. Ces éléments, qui n’ont pas fait l’objet d’une contestation spécifique et circonstanciée de la part de la République hellénique, plaident également contre la thèse soutenue par cette dernière.

383    En second lieu, le libellé de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999, en particulier la notion de « calamités naturelles » qui y est utilisée, n’est pas compatible avec l’interprétation large préconisée par la République hellénique.

384    Il convient de relever que le considérant 5 dudit règlement énonce ce qui suit :

« [C]onsidérant qu’en outre, afin d’atteindre le degré de spécialisation requis et éviter des abus, l’aide doit être accordée aux superficies qui ont reçu des soins culturaux adéquats ; que la fixation d’un rendement minimal à respecter et tenant compte des caractéristiques de chaque variété, sous réserve, toutefois, des exceptions liées à des conditions exceptionnelles pouvant influencer les rendements indépendamment des soins prodigués par le producteur, est susceptible d’assurer le respect de cette exigence […] »

385    Il peut en être déduit que l’on doit entendre par « calamités naturelles » des conditions exceptionnelles pouvant influencer les rendements indépendamment des soins prodigués par le producteur. Il s’ensuit qu’une calamité naturelle, au sens de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement no 1621/1999, constitue un événement bien circonscrit dans sa durée, sa nature et ses effets, résultant des forces de la nature et présentant une nature exceptionnelle par rapport aux conditions, y compris météorologiques, normales de la région affectée.

386    La République hellénique fait référence, dans ce contexte et en ce qui concerne, en particulier, la variété sultanine, aux précipitations inhabituelles et abondantes des mois d’août et de septembre, à la grêle durant les mois d’été, à la canicule qui, ces dernières années, a duré plus longtemps qu’il est habituel en Grèce au mois de juillet, à la sécheresse ainsi qu’aux virus végétaux et aux affections du vignoble, comme exemples des calamités naturelles. À cet égard, il convient de relever qu’aucun de ces phénomènes naturels ne saurait a priori être exclu de la notion de calamité naturelle, étant, toutefois, précisé que chacun de ces phénomènes doit constituer une exception aux conditions normales prévalant dans la région concernée et répondre, ainsi, à la définition figurant au point précédent.

387    La République hellénique considère, par ailleurs, qu’il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 en ce sens qu’il est applicable non seulement lorsqu’une calamité naturelle affecte la parcelle, mais également lorsqu’elle frappe le produit, quand il est exposé au séchoir. La République hellénique ne produit toutefois aucun élément probant à l’appui de cet argument. Par ailleurs, ni la décision attaquée, ni le rapport de synthèse, ni les dispositions nationales de la République hellénique ayant réduit le rendement minimal n’ont fait référence à des calamités naturelles ayant prétendument détruit le produit dans le séchoir.

388    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la République hellénique tendant à démontrer que la réduction du rendement minimal en Grèce lors des campagnes 2003‑2004, 2004‑2005 et 2005‑2006 répondait bien aux exigences de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999.

389    La République hellénique produit, à cet égard, différents arrêtés ministériels portant réduction du rendement minimal prévu pour chacune de ces trois campagnes et fait valoir que les considérants de plusieurs d’entre eux font état des conséquences des calamités naturelles sur la production, lesquelles avaient contraint l’administration à procéder à la réduction du rendement des vignobles de raisins secs. Elle ajoute que tous ces arrêtés sont suffisamment motivés, mentionnent les calamités naturelles concrètes et les dommages occasionnés aux vignobles et sont fondés sur les conclusions de comités scientifiques et sur les données climatiques. Il n’existerait aucun indice selon lequel ces réductions auraient été accordées pour des raisons étrangères à une calamité naturelle et il incomberait à la Commission d’apporter la preuve de son affirmation selon laquelle elles viseraient à faire profiter l’ensemble des producteurs de l’aide. La République hellénique considère, par ailleurs, que l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 n’exige pas que la réduction du rendement minimal soit déterminée par parcelle ou par village et qu’une réduction par département est conforme à l’exigence de cette disposition, selon laquelle il s’agit de déterminer le pourcentage de réduction pour les régions sinistrées.

390    Il convient de constater que la République hellénique ne donne, dans son argumentation résumée au point 389 ci-dessus, aucune indication concrète et détaillée s’agissant de la nature, de la date ou de la période exacte et des circonstances particulières des calamités naturelles ayant justifié les réductions du rendement minimal accordées par les arrêtés ministériels qu’elle invoque.

391    Il est vrai que les considérants desdits arrêtés ministériels indiquent qu’ils ont été adoptés au vu des rapports des comités de contrôle ou des rapports des administrations préfectorales sur les causes de la réduction du rendement des parcelles viticoles ainsi que sur l’étendue du dommage. Il n’en demeure pas moins qu’ils ne contiennent aucune description de la calamité naturelle invoquée, laquelle permettrait de confirmer si elle répond à la définition donnée au point 385 ci‑dessus. La République hellénique n’a pas non plus, à deux exceptions, produit les rapports des comités de contrôle invoqués par ces arrêtés ministériels.

392    Les deux rapports des comités de contrôle qui ont effectivement été produits sont invoqués au regard de la campagne 2005-2006. Le premier se réfère au département de Corinthie (Grèce) et évoque une production réduite de 40 à 50 % pour la sultanine et de 25 à 50 % pour les raisins noirs de Corinthe. Selon le rapport, cette réduction serait, notamment, attribuable à la sécheresse de l’été 2004 ainsi qu’à une maladie dont a été atteinte une bonne partie des vignobles. Il convient, toutefois, de relever que, si le rapport contient des données sur les précipitations de l’été de 2004, il ne procède à aucune étude comparative des données relatives à d’autres années. Il est, ainsi, impossible de déterminer si la sécheresse évoquée diverge des conditions météorologiques usuelles estivales dans la même région et peut être qualifiée de calamité naturelle, étant remarqué qu’il est notoire que l’été en Grèce n’est pas, en règle générale, caractérisé par des précipitations fréquentes ou prolongées. En tout état de cause, il convient de constater qu’il ressort de l’arrêt ministériel relatif au même département et à la même campagne que le rendement minimal dans le département de Corinthie a été réduit de 50 % pour toutes les variétés, sans tenir compte de la fourchette mentionnée dans le rapport pour chaque variété.

393    Le second rapport produit se réfère au département d’Hélie (Grèce), est très bref (une seule page) et évoque, de manière très vague, les conditions météorologiques défavorables de l’année 2004 ainsi que l’absence de précipitations à la fin du printemps et durant tout l’été de l’année 2005. À défaut d’une description plus détaillée, il est impossible de déterminer s’il pourrait être question, en l’espèce, d’une calamité naturelle, au sens de la disposition pertinente. Il convient également de faire observer que le rapport ne détermine aucun taux spécifique de réduction de la production.

394    S’agissant de la campagne 2003‑2004, la République hellénique a uniquement fourni un tableau qui présente des éléments de mesurage des précipitations en Crète lors de l’année hydrologique 2003‑2004 démontrant une réduction des précipitations par rapport à l’année hydrologique 2002‑2003, un tableau présentant les températures et les mesurages des précipitations dans les départements d’Héraklion (Grèce) et de Corinthie, un tableau présentant des éléments de mesurage des précipitations en Crète, ainsi qu’un tableau présentant les données mensuelles météorologiques, à savoir la température, l’humidité et la pluie, de mai 2002 et de mai 2003 de trois lieux situés dans le département d’Héraklion. Toutefois, ces données météorologiques ne sont assorties d’aucune explication spécifique et détaillée de la part de la République hellénique et ne permettent pas non plus de déterminer si les réductions décidées par les arrêtés ministériels en question pouvaient être attribuées à une calamité naturelle répondant à la définition de cette notion donnée au point 385 ci‑dessus.

395    De surcroît, s’agissant des campagnes 2003‑2004 et 2004‑2005, la constatation de la Commission selon laquelle le rendement des parcelles viticoles utilisées pour la culture de la sultanine et destinées au marché des raisins frais démontre qu’il était possible de respecter le rendement minimal exigé par le règlement n° 1621/1999 est également susceptible de faire naître un doute sérieux quant au rendement réel des raisins secs lors de cette période. Or, la République hellénique n’a ni directement contredit cette affirmation de la Commission, ni, encore moins, présenté des éléments de preuve concrets, de nature à remettre cette affirmation en question.

396    En outre, s’agissant des campagnes 2004‑2005 et 2005‑2006, il convient de relever que les arrêtés ministériels produits par la République hellénique et relatifs aux départements de Lassithi (Grèce), d’Héraklion et de Rethymnon (Grèce) (ainsi que les rapports des administrations préfectorales auxquels ils renvoient) mentionnent, parmi les motifs ayant justifié la réduction du rendement minimal, le vieillissement du vignoble, l’épuisement des sols et l’altitude du vignoble. Or, ces facteurs ne relèvent pas, à l’évidence, de la notion de calamité naturelle. De même, s’agissant de la campagne 2005-2006, dans les arrêtés ministériels produits par la République hellénique et relatifs aux départements de Messinia (Grèce), d’Achaïe (Grèce), d’Héraklion et de Kefallinia‑Ithaki (Grèce), il est mentionné que le rendement du raisin sec était inférieur en raison, notamment, de la production très élevée de l’année précédente. Il s’agit, manifestement, d’un facteur totalement étranger à la notion de calamité naturelle. En outre, l’arrêté ministériel relatif à la même campagne et adopté pour les départements de Chania (Grèce) et de Rethymnon relève que le rendement du raisin n’avait pas atteint le rendement minimal exigé en raison, notamment, du risque de précipitations pendant le mois de septembre qui avait forcé les agriculteurs à récolter les raisins avant leur maturation complète. Or, le simple risque de précipitations futures, dont la République hellénique ne relève même pas si, et dans quelle mesure, il a été réalisé, ne saurait constituer une calamité naturelle, au sens de la définition donnée au point 385 ci‑dessus. Enfin, en ce qui concerne les données météorologiques des campagnes 2004‑2005 et 2005‑2006, il convient de constater qu’elles ne sont assorties d’aucune explication spécifique et détaillée de la part de la République hellénique et ne permettent pas non plus de déterminer si les réductions décidées par les arrêtés ministériels en question pouvaient être attrribuées à une calamité naturelle au sens de la définition sus‑visée.

397    Quant à la détermination uniforme du taux de réduction du rendement minimal, il convient de relever que, si, certes, l’éventualité d’une calamité naturelle affectant l’ensemble du territoire pertinent d’un État membre ne saurait être exclue, il n’en reste pas moins que cette notion, telle que définit au point 385 ci‑dessus, correspondra, dans la plupart des cas, à un événement affectant une région particulière bien circonscrite. La référence faite par l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 aux « régions sinistrées » corrobore cette dernière considération. De plus, dans l’hypothèse de plusieurs calamités naturelles ayant affecté différentes régions d’un même État membre, le taux de réduction devrait normalement fluctuer entre les régions affectées, en fonction de la nature, de la durée et de l’étendue de la calamité. Au regard de ces considérations, c’est à juste titre que la Commission a, en substance, considéré que la fixation d’un taux de réduction du rendement minimal uniforme pour l’ensemble ou presque des régions concernées de la Grèce constituait un élément supplémentaire qui jetait un doute sur la conformité des réductions ainsi décidées avec les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999.

398    Dans ces conditions et en tenant compte également de la jurisprudence rappelée aux points 72 à 74 ci‑dessus, il convient de conclure que la République hellénique n’est pas parvenue à remettre en question les constatations de la Commission relatives à la réduction du rendement minimal.

–       Sur la spécialisation des parcelles

399    Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1621/1999, les « parcelles spécialisées » sont les superficies plantées en vignes des variétés sultanines (soultanina), raisins noirs de Corinthe (korinthiaki) et moscatel dont la totalité de la production récoltée de raisins frais est séchée en vue de sa transformation. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du même règlement, l’aide pour la culture de raisins est accordée pour les parcelles spécialisées qui ont été entièrement cultivées et récoltées et dont la production séchée (raisins secs non transformés) a été livrée à un transformateur au titre d’un contrat.

400    Pour ce qui est de la spécialisation des parcelles viticoles, la Commission a relevé, au point 4.1.1.1 du rapport de synthèse, que les autorités helléniques, qui considéraient que, pour être inclus dans le régime d’aides, les producteurs devaient atteindre le rendement minimal exigé, après réduction, sans nécessairement le dépasser, avaient estimé qu’une parcelle devait être considérée comme spécialisée, au sens susindiqué, lorsque le producteur livrait une quantité de raisins égale au rendement minimal exigé, après réduction, indépendamment du sort des raisins éventuellement produits en dépassement de cette quantité. Dans le cas particulier de la sultanine, qui conviendrait à des usages différents, les producteurs auraient le droit de vendre la quantité dépassant le rendement minimal sur le marché des raisins frais ou de procéder à sa vinification. Selon la Commission, la thèse adoptée par les autorités helléniques ne serait pas conforme au droit de l’Union. De surcroît, le système hellénique de contrôle n’aurait pas réussi à assurer la spécialisation des parcelles. Les réductions successives et généralisées du rendement minimal auraient entièrement privé d’efficacité cette méthode de contrôle du rendement des parcelles. En outre, les services de la Commission n’auraient trouvé aucune preuve d’un contrôle strict et systématique effectué par les autorités helléniques s’agissant des livraisons de sultanine au marché des fruits frais ou aux caves de vinification.

401    La République hellénique fait, en premier lieu, référence à l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/99. Cette disposition énonce ce qui suit :

« Si des irrégularités sont constatées lors du contrôle des demandes d’aide, des sanctions s’appliquent comme suit :

[…]

c)      S’il est constaté que le rendement obtenu, tout en étant supérieur au rendement minimal, est inférieur au niveau moyen estimé par l’autorité nationale pour la zone géographique concernée, le contrôle s’étend aux quantités vendues par le producteur individuel ou par l’organisation de producteurs sur le marché du frais et à la vinification. Si cette vérification et la vérification de l’état du vignoble démontrent que les quantités récoltées sur les parcelles pour lesquelles l’aide est demandée n’ont pas été séchées dans leur totalité, l’aide est réduite proportionnellement au pourcentage des quantités détournées. Aucune aide n’est payée si les quantités détournées correspondent à plus de 30 % des quantités obtenues […] »

402    Selon la République hellénique, cette disposition contredit partiellement celle de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du même règlement, dès lors qu’elle semble autoriser le paiement d’une aide réduite si un pourcentage inférieur à 30 % de la production de raisins a été détourné vers un autre usage. En tout état de cause, la République hellénique souligne que la Commission a mal interprété sa position soutenue lors de la procédure administrative. En réalité, contrairement à ce que considérerait la Commission, dans l’hypothèse d’une réduction de la quantité minimale en application de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement, l’intégralité de la quantité produite devrait être séchée pour ouvrir droit à l’aide, quand bien même cette quantité serait supérieure à la quantité minimale exigée après réduction.

403    Au regard de cette argumentation, il convient de relever qu’il ne saurait être question d’une contradiction entre les dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1621/1999 et de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du même règlement. La première concerne une condition d’éligibilité pour le versement de l’aide. Il en ressort qu’une ou plusieurs parcelles spécialisées doivent être consacrées intégralement à la culture de raisins destinés au séchage, en ce sens que l’intégralité de leur production doit être séchée. La seconde concerne la sanction imposée lorsque des raisins sont détournés vers d’autres débouchés, tels que le marché du frais ou celui des raisins destinés à la vinification. Dans l’hypothèse où les quantités détournées correspondent à moins de 30 % des quantités obtenues, l’aide est réduite proportionnellement au pourcentage des quantités détournées. En revanche, si les quantités détournées correspondent à plus de 30 % des quantités obtenues, l’aide est supprimée.

404    Quoi qu’il en soit, l’interprétation de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999, contrairement à ce que la République hellénique semble considérer, n’est aucunement pertinente pour infirmer les constatations de la Commission résumées au point 400 ci‑dessus. Il convient de relever, à cet égard, que l’application de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999 exige de contrôler le rendement obtenu et, s’il est inférieur au niveau moyen estimé pour la zone géographique concernée, le contrôle doit s’étendre au marché du frais et à la vinification, afin d’établir quelles sont les quantités détournées et d’imposer les sanctions appropriées prévues par cette disposition. Or, ce qui a été reproché à la République hellénique en l’espèce (points 4.1.1.1 et 4.1.4.1 du rapport de synthèse), c’est précisément d’avoir, à tort, considéré que, dès que la production d’une parcelle spécialisée atteignait le rendement minimal exigé, les producteurs concernés pouvaient vendre l’excédent de la production sur d’autres marchés et de ne pas avoir organisé de contrôles en vue de prévenir cette pratique. Or, une telle attitude constitue une violation non seulement de l’article 3, paragraphe 1, sous b), mais également de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement no 1621/1999 et c’est à juste titre que la Commission l’a qualifiée, dans le rapport de synthèse, de non conforme au droit de l’Union.

405    La République hellénique fait encore valoir que les autorités helléniques garantissent la spécialisation des parcelles sur la base des contrôles sur place des aires de séchage et auprès des transformateurs. La Commission aurait elle‑même admis que la réduction de rendement constatée serait justifiée, dès lors que l’incitation à optimiser la production avait disparu et que les techniques de culture étaient devenues moins intensives, sans que cela soit un indice de détournement de la production vers une autre destination. Elle aurait, en outre, reconnu que des améliorations importantes auraient été mises en application en matière de gestion et de contrôle. Par ailleurs, la République hellénique donne des détails sur les contrôles relatifs aux raisins secs organisés dans le département d’Héraklion.

406    La République hellénique soutient, de plus, qu’elle a contrôlé la destination des raisins conformément aux exigences du règlement n° 1621/1999. Elle soutient, en particulier, que, en 2003, la mission de contrôle de la Commission avait constaté que, dans le département de Corinthie, le contrôle croisé sur place réalisé sur les aires de séchage était appliqué depuis 1999 pour la totalité de la sultanine et que le producteur n’avait pas le droit de présenter une demande d’aide s’il n’avait pas déposé de déclaration concernant la destination du raisin. En outre, les administrations préfectorales contrôleraient systématiquement les mouvements des raisins secs dans les espaces de collecte, de stockage et de chargement. La République hellénique invoque, enfin, des éléments extraits de la base de données des paiements, qui démontrent, selon elle, que des superficies avaient été écartées de l’aide en raison d’un changement d’utilisation ou des contradictions entre les pièces justificatives relatives au raisin sec et celles concernant les raisins non séchés. Selon la République hellénique, cela démontre que la destination du produit est entièrement contrôlée.

407    Dans la réplique, la République hellénique a ajouté qu’elle avait transmis, à plusieurs reprises, à la Commission les procès‑verbaux de contrôles croisés concernant l’aide à l’hectare pour le raisin sec. Elle invoque en particulier un tableau présentant les résultats des contrôles croisés effectués dans l’ensemble du pays pendant les campagnes 2003-2004, 2004-2005 et 2005-2006 dans les aires de séchage, les entreprises vinicoles et les ateliers de conditionnement, indiquant respectivement le nombre de producteurs contrôlés, le nombre de producteurs agréés et les sanctions imposées. Elle fait également référence à certains documents de l’Opekepe concernant l’imposition de sanctions aux producteurs de raisins. Selon la République hellénique, ces éléments démontrent l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle et de sanctions ayant un effet dissuasif général.

408    À cet égard, il ressort du rapport de synthèse, et il est d’ailleurs confirmé par la Commission dans le mémoire en défense, que le reproche fait à la République hellénique, tel qu’il a été résumé aux points 400 et 404 ci‑dessus, est justifié non seulement par la diminution de la quantité de raisins secs produite, mais aussi par l’augmentation des quantités de raisins destinés au marché du frais ou à la vinification, dont la République hellénique a fait part à la Commission. En effet, la Commission a considéré que, durant les campagnes litigieuses, la plupart des parcelles spécialisées atteignaient tout juste le rendement minimal requis, lequel, au demeurant, avait fait l’objet d’une réduction justifiée par de prétendues calamités naturelles, alors que, en même temps, les parcelles viticoles destinées à la production de raisins frais et de raisins destinés à la vinification atteignaient le rendement minimal réglementaire, à savoir le rendement minimal avant la réduction susmentionnée. Cette constatation donnait à penser que des quantités importantes de raisins issues des parcelles spécialisées, destinées à la production de raisins secs, étaient détournées vers d’autres marchés.

409    La Commission a mentionné, en particulier, dans sa lettre du 22 septembre 2005, que, en 2004, la presse grecque avait fait état d’un afflux massif vers la vinification de raisin en principe destiné à être séché qui avait complètement déséquilibré le marché du raisin de cuve. Selon la Commission, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête et il a suffi d’un seul contrôle croisé pour constater qu’environ 4 % des surfaces déclarées comme destinées à la production du raisin à sécher étaient en fait destinées à la production du raisin de table.

410    Or, la République hellénique n’a ni contredit les allégations de la Commission relatives à la divergence entre le rendement des parcelles spécialisées destinées à la production du raisin sec et le rendement des parcelles destinées à la production des raisins frais et des raisins de cuve, ni avancé des arguments spécifiques et circonstanciés, susceptibles de remettre en question les conclusions que la Commission tire de cette divergence. À défaut de tels arguments, les affirmations de la République hellénique relatives aux contrôles organisés par ses services et les éléments de preuve produits à leur appui ne suffisent pas pour prouver l’efficacité desdits contrôles et pour dissiper, ainsi, les doutes raisonnables entretenus par la Commission.

411    S’agissant de l’argumentation de la République hellénique résumée au point 405 ci‑dessus, il convient de relever que la prétendue admission par la Commission du caractère justifié de la réduction de rendement figure dans le compte rendu d’une réunion bilatérale entre les autorités helléniques et les services de la Commission, transmis à la République hellénique par lettre de la Commission du 29 octobre 2004. Il y est seulement constaté que, en raison d’une modification du mode de versement de l’aide, il n’est pas impossible que les producteurs n’aient plus été incités à maximaliser leur production et que celle‑ci ait, par conséquent, baissé, sans que cela constitue une indication d’un détournement de la production vers d’autres débouchés. Or, cette simple remarque, dont l’auteur n’est, d’ailleurs, pas clairement identifié dans le compte rendu, de sorte qu’il ne peut être exclu qu’elle ait été faite par les représentants de la République hellénique lors de la réunion en question, ne suffit manifestement pas pour remettre en question les constatations des services de la Commission.

412    La République hellénique fait également valoir que les services de la Commission avaient constaté des améliorations importantes en matière de gestion et de contrôle. Elle se réfère, à cet égard, au compte rendu d’une autre réunion bilatérale, tenue le 20 janvier 2004. Ce compte rendu contient, effectivement, l’admission des améliorations importantes en matière de gestion et de contrôle, évoquée par la République hellénique, laquelle est, toutefois, nuancée par le fait, également mentionné dans le compte rendu, que les services de la Commission ont fait état de leurs inquiétudes relatives au rendement particulièrement bas des parcelles concernées.

413    Ne sont pas non plus susceptibles de remettre en question les constatations de la Commission les éléments de preuve relatifs aux contrôles effectués par la République hellénique et invoqués par cette dernière de manière générale, sans se livrer à une analyse concrète. En effet, les documents relatifs à l’imposition de sanctions aux producteurs de raisins secs pour lesquels il avait été constaté qu’ils avaient détourné des raisins vers d’autres types de débouchés, produits par la République hellénique, démontrent, plutôt, qu’il s’agissait d’une pratique assez généralisée.

414    En outre, une lettre du 15 juin 2006 de l’Opekepe évoque seulement des contrôles qui commenceraient lors de la campagne suivante et n’est pas, dès lors, à l’évidence, pertinente pour les campagnes litigieuses. S’agissant d’une lettre du 25 novembre 2005 du même service, également invoquée par la République hellénique, il y a lieu de constater que, tout en relevant que l’Opekepe avait effectué des contrôles croisés à partir de la campagne 2003-2004 auprès des caves de vinification, elle souligne que des contrôles croisés systématiques concernant la destination du raisin seront effectués à partir de la campagne 2006-2007, ce qui tend à démontrer que les contrôles effectués durant les campagnes litigieuses n’étaient pas systématiques. Enfin, une lettre de l’Opekepe, du 10 janvier 2007, adressée à la Commission et également produite par la République hellénique paraît dépourvue de pertinence, dès lors qu’elle ne contient aucun élément concernant les constatations de la Commission en question.

415    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en tenant également compte de la jurisprudence mentionnée aux points 72 à 74 ci‑dessus, que les arguments de la République hellénique tirés d’une prétendue interprétation erronée des dispositions pertinentes ne sauraient prospérer et que la République hellénique n’est pas parvenue à remettre en question les constatations en la matière des services de la Commission, lesquelles ont justifié l’imposition des corrections financières litigieuses. Partant, le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le seizième moyen, tiré des erreurs de fait et de droit ayant entaché la détermination du taux de correction financière à imposer en ce qui concerne la sultanine

416    La République hellénique soutient que l’augmentation du taux de la correction financière relative à la sultanine, qui est passé de 2 % pour la campagne 2002-2003 à 10 % pour la campagne 2003-2004, repose sur une appréciation erronée des faits et est, dès lors, arbitraire. Les deux campagnes en question ne seraient pas différentes, aucune absence de contrôle clé ou insuffisance substantielle n’ayant été constatée. Ce serait, donc, en violation des orientations, du principe de proportionnalité et des limites de son pouvoir discrétionnaire que la Commission aurait imposé un taux de correction de 10 % pour la campagne 2003-2004.

417    L’imposition d’un taux de correction de 25 % pour les campagnes 2004-2005 et 2005-2006 serait entachée des mêmes irrégularités. La République hellénique invoque, à cet égard, « les orientations du document n° VI 5330/216/93, du 1er juin 1993, de la Commission, tel que complété », selon lesquelles une correction de 25 % n’est justifiée que si trois conditions cumulatives sont réunies, à savoir lorsque « la mise en œuvre du système de contrôle est complètement absente ou gravement déficiente », lorsqu’« il est prouvé que les irrégularités sont très fréquentes » et lorsqu’« il est fait preuve de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses ». Selon la République hellénique, il est constant, en l’espèce, que le système de contrôle n’était pas inexistant. Il conviendrait, donc, d’examiner l’existence cumulée, premièrement, de déficiences graves, deuxièmement, d’indices d’irrégularités importantes et, troisièmement, d’une négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières. En tout état de cause, il n’existerait pas d’indices d’irrégularités importantes, ni de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses.

418    La République hellénique ajoute que tous les contrôles clés et secondaires prévus dans les règlements applicables ont été effectués. Elle invoque, à cet égard, certains des éléments dont il est question au point 406 ci‑dessus et souligne que le document AGRI/17933/2000 de la Commission, relatif à la distinction entre les contrôles clés et les contrôles secondaires dans le secteur du raisin, classe tous les contrôles administratifs comme étant des contrôles secondaires. Or, les insuffisances des contrôles secondaires justifieraient un taux de correction de seulement 2 %.

419    Il convient, d’emblée, de relever qu’il ressort du rapport de synthèse (point 4.1.41) que, pour la campagne 2002-2003, la Commission, au regard des conditions climatiques particulières ainsi que des efforts des autorités helléniques relatifs à l’organisation de certains contrôles croisés, s’était abstenue de l’imposition de toute correction financière en raison de la réduction du rendement minimal prévu par le règlement n° 1621/1999. Il s’ensuit que l’affirmation de la République hellénique selon laquelle, pour la campagne 2002-2003, une correction financière de 2 % avait été appliquée aux dépenses concernant la sultanine manque en fait.

420    S’agissant de la campagne 2003-2004, la Commission a considéré, ainsi qu’il a déjà été relevé, que les autorités helléniques avaient fixé un pourcentage uniforme de réduction du rendement minimal pour toutes les régions productrices de raisins secs, sans que celui‑ci soit lié à des calamités naturelles et à un niveau tel qu’il permettait à tous les producteurs de profiter de l’aide. Les autorités helléniques ne seraient pas parvenues à prouver qu’elles avaient contrôlé de manière systématique que des quantités de sultanines provenant de parcelles spécialisées destinées à la production de raisins secs n’avaient pas été détournées vers le marché des fruits frais ou la vinification. En effet, les chiffres relatifs à la production destinée au marché des fruits frais et à la vinification démontraient, selon la Commission, que le règlement minimal exigé pour pouvoir bénéficier de l’aide pourrait très bien être atteint. Néanmoins, la Commission n’a pas exclu que la production de raisins secs ait pu être influencée par les conditions climatiques défavorables de l’année 2002 et a donc décidé d’appliquer, s’agissant de la campagne 2003-2004, une correction forfaitaire de 10 % aux dépenses déclarées pour la sultanine (point 4.1.4.1 du rapport de synthèse).

421    Les constatations de la Commission pour les campagnes 2004-2005 et 2005-2006 figurant dans le rapport de synthèse sont rédigées presque dans les mêmes termes que ceux utilisés pour les constatations relatives à la campagne 2003-2004. Toutefois, la Commission a constaté que le taux de réduction du rendement minimal, uniforme pour l’ensemble du territoire hellénique, était de 30 % pour la campagne 2004-2005 et de 50 % pour celle de 2005-2006. De plus, contrairement à ce qui a été le cas s’agissant de la campagne 2003-2004, la Commission n’a pas fait valoir, s’agissant des campagnes 2004-2005 et 2005-2006, que la production de raisins secs était susceptible d’avoir été influencée par les conditions climatiques défavorables des années antérieures.

422    S’agissant du taux de correction financière à imposer pour ces deux campagnes, il ressort du rapport de synthèse que la Commission a considéré que, « en raison des abus auxquels s’étaient livrées les autorités helléniques, l’ensemble du système de gestion et de contrôle du régime d’aide en matière de raisins secs était devenu irrégulier ». Le rapport de synthèse fait ensuite référence à l’annexe 2 des orientations, aux termes de laquelle une correction forfaitaire de 25 % est justifiée lorsqu’une mise en œuvre du système de contrôle est complètement absente ou gravement déficiente et accompagnée d’indices d’irrégularités très fréquentes ainsi que de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, de telle sorte qu’il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des pertes extrêmement élevées pour le budget de l’Union. C’est sur cette base que la Commission a décidé l’imposition d’une correction financière forfaitaire d’un taux de 25 % pour les deux campagnes en question.

423    Il convient, d’abord, de relever que la République hellénique n’a pas produit « les orientations du document n° VI 5330/216/93, du 1er juin 1993, de la Commission, tel que complété », qu’elle évoque dans son argumentation. Il s’agit d’une référence erronée aux orientations contenant, effectivement, des stipulations analogues à celles invoquées par la République hellénique dans son argumentation (voir point 422 ci‑dessus). 

424    Ensuite, il convient d’analyser si les conditions pour l’imposition d’un taux de correction de 25 % prévues dans les orientations étaient réunies, ce que la République hellénique conteste. Celle‑ci fait valoir, à juste titre, que la mise en œuvre du système de contrôle n’était pas complètement absente. Toutefois, il résulte des orientations que l’imposition d’un taux de correction de 25 % est également justifiée lorsque le système de contrôle est gravement déficient. C’est ce qu’a constaté, en substance, la Commission en l’espèce, ainsi qu’il ressort de ses considérations évoquées au point 422 ci‑dessus. Il convient, en outre, de relever que ces considérations ne font que résumer les constatations dont il était question dans le cadre du quinzième moyen, lequel a été rejeté au motif, en substance, que la République hellénique n’était par parvenue à les remettre en question. Pour le même motif, il convient également d’écarter, en l’espèce, les affirmations de la République hellénique, mentionnées au point 418 ci‑dessus, relatives aux contrôles prétendument organisés par ses services qui ne constituent, d’ailleurs, qu’une simple répétition des arguments déjà écartés lors de l’examen du quinzième moyen.

425    Il y a lieu d’ajouter que les constatations de la Commission examinées en détail et confirmées dans le cadre de l’analyse du quinzième moyen témoignent non seulement d’une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle en Grèce, mais également de l’existence d’irrégularités très fréquentes ainsi que de la négligence des autorités helléniques dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses. En effet, la divergence entre le rendement des parcelles spécialisées destinées à la production du raisin sec et le rendement des parcelles destinées à la production des raisins frais et des raisins de cuve, aucunement contestée par la République hellénique, ainsi que le fait que cette dernière, au lieu de se pencher sur le problème que constituait cette divergence, procédait à des réductions systématiques et répétées du rendement minimal exigé pour les parcelles spécialisées, constitue incontestablement un indice important et suffisant à cet égard.

426    Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, l’imposition d’un taux de correction de 25 % pour ces deux campagnes est conforme aux conditions prévues dans les orientations, n’est ni arbitraire ni disproportionnée et ne dépasse pas les limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

427    S’agissant du taux de la correction financière imposée pour la campagne 2003‑2004, il convient de rappeler que les constatations de la Commission relatives à cette campagne étaient en substance les mêmes et auraient, dès lors, pu justifier un taux de correction analogue à celui imposé pour les deux campagnes subséquentes. Toutefois, la Commission a relevé que la production de raisins secs lors de cette campagne a pu être influencée par les conditions climatiques défavorables de l’année précédente et a, par suite, décidé d’imposer un taux de correction réduit, égal à 10 %. Au regard de ces éléments, aucune erreur ne saurait lui être reprochée à cet égard, si bien que les arguments de la République hellénique relatifs à cette correction financière doivent également être rejetés.

428    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le seizième moyen dans son entièreté.

 Sur le dix‑septième moyen, tiré d’une appréciation erronée du taux de correction financière à imposer en ce qui concerne les raisins secs de Corinthe

429    En premier lieu, la République hellénique conteste le taux de la correction financière imposée en ce qui concerne les raisins secs de Corinthe pour la campagne 2004-2005. Elle considère qu’elle est arbitraire, dès lors que, durant cette campagne, aucune aide n’avait été accordée pour des parcelles n’ayant pas atteint le rendement minimal. S’agissant des déficiences relatives au casier vitivinicole ainsi qu’à l’identification et au mesurage des parcelles, elle soutient que la correction de 5 % pour le raisin de Corinthe est injustifiée, puisque ces déficiences n’impliqueraient, pour les motifs exposés dans le cadre du dix‑huitième moyen, aucun risque de pertes pour le FEOGA.

430    En second lieu, la République hellénique conteste l’imposition d’un taux de correction financière de 25 % en ce qui concerne les raisins secs de Corinthe pour la campagne 2005-2006. Elle invoque, dans ce contexte également, le caractère prétendument arbitraire et non motivé de la correction imposée et ajoute que, pour les motifs avancés dans le cadre du seizième moyen, lesquels seraient valides mutatis mutandis également pour les raisins secs de Corinthe, la multiplication par cinq du taux de correction appliqué lors de la campagne précédente constitue une violation des orientations ainsi que du principe de proportionnalité et dépasse les limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission. La République hellénique souligne également que, contrairement à ce qui est le cas s’agissant de la sultanine, le raisin de Corinthe ne peut pas avoir d’autre destination que le séchage.

431    En vue de l’analyse de cette argumentation, il convient de relever que les considérations énoncées dans le rapport de synthèse et rappelées aux points 420 à 422 ci‑dessus concernent également les raisins secs de Corinthe. Toutefois, il ressort du rapport de synthèse que, pour la campagne 2003-2004, la Commission a considéré, pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié l’application d’un taux de correction financière de 10 % pour la sultanine, qu’il convenait d’appliquer un taux de correction de 5 %. S’agissant de la campagne 2004-2005, le rapport de synthèse relève ce qui suit, à propos des raisins secs de Corinthe :

« Tenant compte du fait que pour [la campagne 2004-2005] seulement 1 % de la superficie cultivée avec des raisins secs de Corinthe avait un rendement inférieur [à celui prévu dans la réglementation pertinente] et qu’aucune aide n’a été payée par rapport à ces parcelles, les services de la Commission ne proposent pas une correction financière pour cette variété. »

432    S’agissant de la campagne 2005- 2006, après l’exposé des motifs résumé aux points 421 et 422 ci‑dessus, le rapport de synthèse relève que, à la différence de la campagne 2004‑2005, plus de 76 % de la superficie cultivée avec du raisin de Corinthe avait un rendement inférieur à 2 100 kilogrammes, à savoir le rendement minimal, avant sa réduction par les autorités helléniques. En revanche, un très faible nombre de parcelles, à savoir 5 %, avait un rendement allant de 67 à 100 % du rendement minimal, après sa réduction par les autorités helléniques, alors que 36 % des parcelles avaient un rendement fluctuant entre 100 et 133 % du rendement minimal après réduction, dépassant ainsi de peu le rendement minimal après réduction. Les services de la Commission ont qualifié ces données d’« entièrement pas plausibles ». La Commission a, dès lors, décidé d’appliquer le même taux de correction, à savoir 25 %, aussi bien pour la sultanine que pour les raisins noirs de Corinthe.

433    Enfin, il résulte également du rapport de synthèse que la Commission a appliqué une correction financière forfaitaire additionnelle d’un taux de 5 ou 10 % en raison des déficiences constatées en matière de casier vitivinicole. Les services de la Commission ont fait remarquer que les autorités helléniques n’avaient pas corrigé et actualisé le casier lors des campagnes 2003‑2004 et 2004‑2005, ce qui l’a progressivement rendu inefficace en tant que moyen de contrôle. Ils ont, dès lors, considéré qu’un contrôle clé, à savoir celui tenant à l’identification et au mesurage des parcelles, avait été effectué, mais que, en raison des déficiences du casier vitivinicole, il n’était pas aussi exhaustif que prévu. Ils ont, dès lors, conclu à l’application d’un taux de correction forfaitaire de 5 %. S’agissant de la campagne 2005‑2006, ils ont considéré que le système de contrôle s’était à tel point dégradé qu’il était certain que les bénéficiaires étaient conscients de ses faiblesses, et ils ont conclu à l’application d’un taux de correction forfaitaire de 10 %.

434    Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, le taux de correction imposé pour les campagnes 2004‑2005 et 2005‑2006 n’a pas été multiplié par cinq. La République hellénique confond, à cet égard, les corrections financières imposées à la suite des constatations relatives au rendement minimal, à la spécialisation des parcelles et aux contrôles relatifs à la destination du raisin, à savoir la première catégorie des corrections, et celles imposées à la suite des constatations relatives au casier vitivinicole, à savoir la seconde catégorie des corrections. Or, il résulte de l’argumentation de la République hellénique, résumée aux points 429 et 430 ci‑dessus, que celle‑ci conteste, d’une part, le taux de la correction financière imposée pour la campagne 2004-2005 à la suite des constatations de la seconde catégorie et, d’autre part, le taux de la correction financière imposée pour la campagne 2005-2006 à la suite des constatations de la première catégorie. En raison de la différence dans la nature des constatations ayant justifié ces deux catégories de corrections financières, une comparaison directe entre les taux utilisés n’est pas possible. Il convient, en outre, de faire observer que, pour la campagne 2004-2005, aucune correction financière de la première catégorie n’a été imposée. Quant à la seconde catégorie, le taux utilisé a doublé, passant de 5 à 10 %, entre les campagnes 2004-2005 et 2005-2006, mais les motifs de cette augmentation ont été clairement expliqués par la Commission (voir point 433 ci-dessus). En tout état de cause, le taux de la correction de la seconde catégorie imposée pour la campagne 2005‑2006 n’est pas contesté par la République hellénique.

435    S’agissant de la contestation du taux de la correction de la seconde catégorie imposée pour la campagne 2004-2005, sous réserve de l’examen du dix‑huitième moyen, par lequel la République hellénique conteste les constatations de la Commission ayant justifié cette correction, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la motivation fournie par la Commission, ces constatations, à les supposer fondées, justifient l’imposition du taux de correction choisi, lequel est conforme aux orientations et au principe de proportionnalité. En effet, la Commission a clairement expliqué pour quels motifs les défaillances du casier vitivinicole, constatées par ses services, affectaient la réalisation d’un contrôle clé. Or, il résulte des orientations que, lorsque des contrôles clés sont effectués, mais de manière imparfaite, il y a lieu d’évaluer la gravité de la déficience. À cet égard, les orientations disposent également que le manquement devient plus grave si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires. Tel a effectivement été le cas en l’espèce, dès lors qu’il ressort du rapport de synthèse que les services de la Commission ont constaté des défaillances relatives au casier vitivinicole également pour la campagne 2002-2003, mais n’ont pas proposé une correction financière pour cette campagne. En revanche, pour les deux campagnes suivantes, dont celle de 2004-2005 en cause en l’espèce, ils ont constaté que les autorités helléniques n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour rectifier les défaillances constatées.

436    La République hellénique soutient, à cet égard, que l’organe de conciliation a reconnu que l’écart dans le mesurage des superficies avant et après l’application du casier viticole était minime, voire insignifiant, en ce qui concerne le raisin de Corinthe. La République hellénique invoque également l’arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, point 130 supra (point 298), où le Tribunal a constaté ce qui suit :

« [S]elon les données présentées par les autorités grecques devant l’organe de conciliation et non contestées par la Commission, [l’écart dans le mesurage des superficies avant et après l’application du casier vitivinicole] s’élevait à 14,8 % pour la sultanine et à 3,7 % pour le raisin de Corinthe. Une telle différence concernant les écarts pourrait, en principe, constituer un indice démontrant que la portée des défaillances constatées est limitée ».

437    À cet égard, il suffit de rappeler que tant les défaillances constatées s’agissant du casier vitivinicole que la correction forfaitaire imposée en raison de ces défaillances pour la campagne 2004-2005 concernaient l’ensemble des parcelles enregistrées dans le casier et non seulement celles cultivées avec des raisins de Corinthe. Il appartenait à la République hellénique de prouver concrètement que le casier vitivinicole et les systèmes de contrôle des aides concernant le raisin de Corinthe n’étaient pas affectés par les mêmes défauts que ceux concernant la sultanine. Étant donné qu’elle n’a pas apporté une telle preuve, l’argumentation de la République hellénique ne saurait être accueillie. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la République hellénique, l’avis de l’organe de conciliation concernant la période litigieuse ne fait pas état d’un écart minime dans le mesurage des superficies. Un tel écart n’est mentionné que dans l’avis de l’organe de conciliation du 11 juin 2004, annexé à la requête, qui concernait les exercices financiers 2000 à 2002. Par conséquent, ce dernier avis ne peut pas être invoqué utilement dans le cadre du présent litige, dès lors qu’il ne concerne pas la période litigieuse. Pour ces mêmes raisons, l’arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, point 130 supra, qui concerne une autre période que celle dont il s’agit, n’est pas pertinent dans le cadre du présent litige.

438    S’agissant de la contestation du taux de la correction financière imposée pour la campagne 2005-2006 en ce qui concerne les raisins secs de Corinthe, il convient de relever que, pour autant qu’elle est fondée sur les mêmes arguments que ceux invoqués dans le cadre du seizième moyen, elle ne saurait prospérer, ces arguments devant être rejetés pour les motifs exposés lors de l’analyse de ce dernier moyen. Par conséquent, le seul argument qui nécessite un examen individuel est celui selon lequel, contrairement à la sultanine, le raisin de Corinthe serait exclusivement utilisé pour le séchage, de sorte qu’il n’existerait aucun risque de détournement de la production de cette variété vers d’autres débouchés.

439    Cet argument ne saurait non plus prospérer. D’une part, il convient de relever que, au point 299 de son arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, point 130 supra, le Tribunal a constaté que la République hellénique n’avait pas été en mesure de réfuter l’affirmation de la Commission selon laquelle les raisins de Corinthe étaient aussi utilisés pour la production de vin et il a rejeté son argument selon lequel le raisin de Corinthe était exclusivement utilisé pour le séchage. À défaut d’éléments concrets et circonstanciés, invoqués par la République hellénique, le Tribunal ne peut pas parvenir à une conclusion différente quant à la même question en l’espèce.

440    D’autre part et surtout, indépendamment même de la question d’une éventuelle utilisation du raisin de Corinthe à d’autres fins que le séchage, il convient de relever qu’il ressort du rapport de synthèse que, sur la base de leurs constatations relatives au rendement des superficies cultivées avec du raisin de Corinthe en 2005-2006, résumées au point 432 ci‑dessus, qui démontrent qu’un nombre anormalement élevé de parcelles cultivées avait tout juste atteint le rendement minimal exigé, après la réduction appliquée par les autorités helléniques, ou l’avaient dépassé de très peu et que, en revanche, très peu des superficies cultivées n’avaient pas atteint le rendement minimal réduit, les services de la Commission ont considéré, en renvoyant à un diagramme (voir à, cet égard, la lettre de la Commission du 23 février 2010), que de telles données statistiques ne ressemblaient pas à une distribution symétrique du type « courbe de Gauss », mais à une distribution asymétrique. Il en ressort, selon la Commission, que la distribution normale du rendement a été influencée par des facteurs extérieurs. Sur la base de ces constatations, les services de la Commission ont considéré qu’un mécanisme de compensation par des échanges « sur papier », c’est‑à‑dire fictifs, de quantités de raisins de Corinthe entre producteurs avait été mis sur pied. Autrement dit, dans les cas de parcelles dont le rendement avait excédé de beaucoup le rendement minimal, une partie de la production était déclarée comme provenant d’une autre parcelle dont la production n’avait pas atteint le rendement minimal pour assurer que cette dernière profiterait également de l’aide.

441    Une telle pratique est manifestement contraire aux dispositions pertinentes et implique un risque considérable de pertes pour le FEOGA, dans la mesure où il conduit à ce que des parcelles n’ayant pas atteint le rendement minimal exigé et ne pouvant pas, par conséquent, prétendre à l’aide en bénéficient tout de même. Compte tenu également, d’une part, du fait que, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre du seizième moyen, la République hellénique n’est pas parvenue à remettre en question la constatation des services de la Commission selon laquelle la réduction du rendement minimal lors de la campagne en cause n’était pas conforme aux dispositions pertinentes et, d’autre part, de l’absence de tout argument spécifique de la République hellénique tendant à remettre en cause les considérations de la Commission évoquées au point précédent, il convient de conclure qu’aucune erreur ni violation des orientations ou du principe de proportionnalité n’a été commise et que la Commission n’a pas dépassé les limites de son pouvoir discrétionnaire.

442    Il s’ensuit que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le dix‑huitième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits relative aux carences du casier vitivinicole

443    L’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1621/1999 prévoit, aux fins de la gestion du système d’aide à la production de raisins secs, l’institution d’une base de données alphanumérique informatisée. Cette base de données comporte les éléments figurant à l’article 4 et à l’article 8, paragraphe 4, du même règlement. Sont inscrits dans la base par chaque État membre, sur leur demande, les producteurs individuels, les organisations de producteurs et les transformateurs qui remplissent les conditions techniques pour la participation au régime d’aide (article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1621/1999). Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du même règlement, les intéressés communiquent dans la demande d’inscription, notamment, la superficie totale du vignoble ventilée par parcelle. Ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 433 ci‑dessus), les parties désignent cette base de données par l’expression « casier vitivinicole ».

444    Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1621/1999, les États membres doivent avoir constitué le casier vitivinicole avant le début de la campagne de commercialisation 2002-2003. En l’espèce, les services de la Commission ont reconnu que, durant la campagne de commercialisation 2002-2003, un casier vitivinicole était utilisé « malgré le fait qu’il était défectueux », et n’ont pas proposé l’imposition d’une correction financière pour cette campagne. En revanche, pour les motifs résumés au point 433 ci‑dessus, des corrections financières forfaitaires, de 5 %, pour les campagnes 2003-2004 et 2004-2005, et de 10 %, pour la campagne 2005-2006, ont été imposées.

445    En particulier, selon le rapport de synthèse, lors de leur visite en 2003, les services de la Commission ont constaté que le casier avait été établi l’année précédente et que 90 % des parcelles avaient fait l’objet de contrôles sur place de la part des autorités helléniques. Les services de la Commission auraient effectué leurs propres mesurages tant lors de leur visite de contrôle de 2003 que lors d’une visite subséquente, en 2005, et auraient constaté, dans certains cas, des écarts entre la superficie déclarée et celle cultivée. La Cour des comptes de l’Union européenne serait parvenue à des conclusions analogues. Toutefois, selon la Commission, bien que conscientes de ces écarts, les autorités helléniques auraient décidé de ne pas modifier les demandes d’aide concernées, dès lors qu’elles ne voulaient pas priver les petits producteurs concernés de l’aide. Les autorités helléniques se seraient engagées à mettre à jour le casier. Toutefois, du fait que l’actualisation eût été confiée à des tiers, elle n’aurait commencé qu’en 2005, par le traitement des demandes de modification soumises en 2004. Les demandes analogues, soumises en 2005, auraient été traitées ultérieurement.

446    Pour compenser les défaillances résultant de la non-actualisation du casier vitivinicole, les autorités helléniques auraient adopté un système de gestion et de contrôle hybride, qui ne s’appuierait pas sur des données actualisées, mais sur des données historiques, et qui ne serait pas compatible avec le système intégré de gestion et de contrôle (ci‑après le « SIGC »), contrairement aux exigences du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355, p. 1), dans sa version résultant du règlement (CE) nº 1593/2000 du Conseil, du 17 juillet 2000, modifiant le règlement nº 3508/92 (JO L 182, p. 4).

447    La République hellénique conteste les constatations de la Commission. Elle fait valoir que, avant la création du casier vitivinicole, ses services mesuraient exactement les superficies et que l’écart entre les superficies ainsi mesurées et les données du casier s’était avéré minime et négligeable. Une lettre de la Commission du 12 septembre 2003 ferait état d’un « écart dans des limites raisonnables » et confirmerait cette affirmation. Cela serait d’autant plus le cas que, en raison du phylloxéra, la quasi‑totalité de la superficie, à savoir 15 000 hectares de sultanine, aurait été replantée et contrôlée trois fois, ce qui aurait réduit à néant les cas de fraude ou d’irrégularité quant à l’identification ou la superficie de la parcelle.

448    Pour ce qui est, en particulier, de la campagne 2003-2004 (récolte 2003), la République hellénique fait valoir que, lors de cette campagne, les producteurs avaient le droit de demander la modification des données les concernant incluses dans le casier et, partant, qu’il ne saurait être question d’absence d’actualisation de celui‑ci.

449    Au cours des deux campagnes suivantes, à savoir 2004-2005 et 2005‑2006 (récoltes 2004 et 2005), la procédure d’informatisation et d’actualisation du casier se serait poursuivie et plusieurs demandes d’actualisation auraient été soumises par des producteurs. Ces demandes devraient être traitées par les personnes privées chargées de la tenue et de la mise à jour du casier vitivinicole pour le compte de la République hellénique. Un échantillon des demandes modificatives susmentionnées, présenté sous la forme d’un tableau annexé à la requête, démontrerait qu’elles concernaient, dans leur plus grande partie, des modifications des données alphanumériques qui auraient été prises en compte au moment du paiement de l’aide.

450    La République hellénique ajoute que, en raison de retards liés aux procédures engagées devant les juridictions nationales, les compétences relatives à la mise à jour du casier vitivinicole auraient été transférées aux administrations préfectorales. Des instructions auraient été adressées à ces dernières au sujet de la mise à jour, de manière uniforme, du casier et des séminaires de formation auraient été organisés. En outre, entre le mois d’août 2006 et le mois de novembre 2008, à la suite d’un appel d’offres lancé en décembre 2005, une société de conseil technique aurait été chargée de fournir une assistance aux administrations préfectorales s’agissant de la tenue et de la mise à jour du casier vitivinicole.

451    La République hellénique précise, à cet égard, que les modifications dûment justifiées par des pièces sont enregistrées dans le casier chaque année en juin, selon des procédures qui garantissent l’exactitude des données. Ensuite, une déclaration de culture préétablie sur la base des données extraites du casier serait envoyée aux producteurs pour signature. En cas de désaccord, ceux‑ci soumettraient éventuellement leurs objections par écrit. Après contrôle, les modifications seraient finalisées et le casier serait mis à jour. À la suite de l’examen des objections éventuelles, des modifications seraient, le cas échéant, effectuées et ces informations seraient prises en compte en même temps que celles que le producteur aurait fournies dans sa demande d’inscription au casier ou dans d’autres documents pertinents tels que le contrat, en vue de l’actualisation du casier. La République hellénique en conclut que ses autorités compétentes possèdent dès le départ les informations concernant les superficies des producteurs et que les seules modifications possibles concernent la cession d’exploitations, les changements d’utilisation, l’abandon de superficies ou les changements de catégorie, lesquels seraient pris en considération après vérification.

452    Enfin, la République hellénique soutient que l’affirmation de la Commission selon laquelle une parcelle peut être déclarée par plusieurs producteurs, ou plusieurs fois, est dépourvue de fondement. Selon elle, la Commission part de la prémisse arbitraire que le producteur concerné pourrait soumettre une fausse déclaration et néglige, à cet égard, les sanctions pénales et administratives qu’une telle déclaration pourrait entraîner.

453    Il importe de relever que l’argumentation de la République hellénique résumée ci‑dessus ne remet pas en cause les constatations de la Commission qui ont justifié l’imposition de la correction financière litigieuse. Force est en effet de constater que la République hellénique n’a aucunement contesté l’affirmation de la Commission tenant en ce que, si elle est consciente des écarts entre la superficie réelle de certaines parcelles et la superficie supérieure, enregistrée pour les mêmes parcelles, dans le casier, elle ne procède pas, dans le cadre de l’actualisation du casier, aux corrections nécessaires, afin de ne pas priver les producteurs concernés de leur droit à l’aide.

454    S’agissant de l’actualisation du casier, la République hellénique fait uniquement référence aux demandes de modification soumises par les producteurs eux‑mêmes. Or, de telles demandes ne sont pas susceptibles de porter sur les écarts dont il est question au point 453 ci-dessus, dès lors qu’il n’est guère probable qu’un producteur demandera la modification du casier en sa défaveur. Le seul fait, invoqué par la République hellénique, que la soumission d’une fausse déclaration par un producteur emporte des sanctions pénales et administratives n’est pas susceptible de conduire à une conclusion différente, et ce d’autant plus que la République hellénique n’a ni allégué ni, encore moins, prouvé que ses autorités ont procédé à des contrôles systématiques afin d’identifier de telles fausses déclarations et d’imposer les sanctions appropriées.

455    En tout état de cause, il convient de relever que la République hellénique ne conteste pas expressément l’affirmation de la Commission selon laquelle seules les demandes de modification soumises en 2004 avaient fait l’objet d’un traitement, et ce vers la fin de 2005. Il convient d’ajouter qu’il ressort d’une lettre adressée, en mai 2009, par la direction chargée de la gestion des casiers du ministère du Développement agricole et des Denrées alimentaires grec au conseilleur juridique de l’État grec auprès de ce même ministère, annexée à la requête, que des procédures juridictionnelles concernant l’appel d’offres de 2004 relatif à la tenue et à la mise à jour du casier vitivinicole ont empêché le traitement de ces données. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 124 ci‑dessus, un État membre doit assumer la responsabilité et les conséquences d’une éventuelle illégalité commise par ses services, laquelle conduirait la juridiction nationale compétente à suspendre voire à annuler une procédure d’appel d’offres.

456    S’agissant du tableau présentant un échantillon des demandes de modifications du casier, invoqué par la République hellénique (voir point 449 ci‑dessus), il convient de relever qu’un nombre significatif des demandes reprises dans ce tableau pourrait concerner non seulement des données alphanumériques, mais également des données cartographiques, à savoir la localisation des parcelles ou leurs surfaces. Par ailleurs, dans la lettre mentionnée au point 455 ci-dessus, les autorités helléniques relèvent qu’il n’est pas possible d’estimer les modifications d’informations essentielles qui ont été demandées, étant donné que la source d’information se trouve dans la déclaration des producteurs. La lettre ajoute que ces demandes « devaient faire l’objet d’un traitement par les personnes chargées de la tenue et de la mise à jour du casier ». Cependant, il y aurait eu des procédures juridictionnelles relatives à ce casier. Ces affirmations jettent un doute supplémentaire sur les allégations de la République hellénique. Par ailleurs, il convient de rappeler encore une fois que, en tout état de cause, il n’était guère probable que les producteurs demanderaient eux‑mêmes des modifications du casier qui leur seraient défavorables.

457    S’agissant de l’argument que la République hellénique avance en réponse à l’allégation de la Commission concernant le risque d’une double déclaration de la même parcelle (voir point 452 ci‑dessus), il y a lieu de relever que la République hellénique n’invoque, à cet égard, que le fait que des sanctions sont prévues pour les cas de présentation d’une fausse déclaration. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 454 ci‑dessus), ces sanctions ne sont pas, en elles‑mêmes, suffisantes pour exclure un tel risque.

458    Il convient, en outre, de constater, que la République hellénique n’a pas non plus récusé les constatations de la Commission résumées au point 446 ci‑dessus.

459    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rappeler, de nouveau, la jurisprudence constante citée aux points 72 à 74 ci-dessus. Il en résulte que, en l’espèce, il incombait à la République hellénique d’apporter la preuve détaillée et complète de la réalité de l’actualisation du casier vitivinicole et, partant, du caractère inexact et erroné des constatations de la Commission. Force est de constater que la République hellénique n’a pas apporté cette preuve. Par conséquent, il convient de rejeter le dix‑huitième moyen comme étant non fondé.

 Sur le dix‑neuvième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits relative aux faiblesses en matière de gestion et de contrôle

460    La Commission a également constaté une faiblesse des contrôles secondaires en ce qui concerne les raisins secs et a, pour ce motif, imposé une correction financière forfaitaire de 2 % pour les campagnes 2002-2003 à 2005-2006. Premièrement, la Commission a considéré que, en l’absence de statistiques concernant les contrôles effectués, l’Opekepe n’était pas en mesure d’évaluer si le pourcentage prévu pour les contrôles confiés aux administrations préfectorales avait été respecté. La Commission a, tout de même, admis que le contrôle s’était amélioré après la campagne 2003-2004. Deuxièmement, elle a constaté que les contrôles croisés prévus à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1621/1999 n’étaient pas réalisés, en raison du retard dans l’introduction d’un système entièrement compatible avec le SIGC. Toutefois, la Commission a fait remarquer que des contrôles croisés sur la base des données de l’organisme d’assurances agricoles pertinent étaient prévus à partir de la campagne 2005-2006 et que des contrôles croisés avec les données d’autres secteurs (marché du frais, vinification) étaient prévus à partir de la campagne 2006-2007. Troisièmement, elle a considéré que les rapports de contrôle souvent incomplets ne permettaient pas aux autorités helléniques d’apprécier dûment l’étendue des contrôles effectués. Elle en a conclu que ces déficiences justifiaient une correction forfaitaire de 2 % (points 4.1.1.3 et 4.1.4.3 du rapport de synthèse).

461    La République hellénique fait valoir que les constatations susvisées résultent d’une appréciation erronée des faits. Elle ajoute que, même à les supposer exactes, elles ne justifient pas l’imposition d’une correction financière forfaitaire « d’un taux supérieur à 2 % ».

462    En particulier, elle fait valoir que l’aide à la culture du raisin en vue de la production de raisins secs est accordée en Grèce au niveau départemental, dans le cadre d’un système décentralisé. Les services départementaux disposeraient de la compétence aussi bien pour recevoir et traiter les demandes d’aide que pour effectuer les contrôles sur place et les contrôles croisés exigés.

463    Ces contrôles seraient réalisés par des contrôleurs mandatés, disposant de l’expertise nécessaire et munis d’instructions de l’Opekepe. Des contrôles croisés complémentaires seraient effectués au niveau départemental afin de vérifier la réalisation des contrôles sur place de manière conforme aux exigences. Une attestation en ce sens accompagnerait les listes récapitulatives d’aides à verser, au moment de leur présentation à l’Opekepe en vue du paiement de l’aide.

464    En effet, dans sa lettre du 22 septembre 2005, la Commission admettrait elle‑même que les autorités helléniques avaient instauré un système de contrôle qui comportait des manuels de procédure nationaux et régionaux ainsi que des contrôles sur place.

465    Force est de constater que les affirmations vagues et générales de la République hellénique ne suffisent pas pour remettre en cause les constatations de la Commission, et ce d’autant plus que, selon la jurisprudence citée aux points 72 à 74 ci‑dessus, c’est à la République hellénique qu’incombe la charge de la preuve en la matière.

466    En particulier, ce qui a été reproché par la Commission à la République hellénique tenait, en substance, premièrement, à l’absence de données statistiques relatives au nombre de contrôles réalisés, qui ne permettait pas de s’assurer que le pourcentage exigé avait été respecté, deuxièmement, à l’absence de réalisation de contrôles croisés du fait du retard dans l’introduction d’un système compatible avec le SIGC et, troisièmement, au caractère souvent incomplet et, partant, peu fiable des rapports de contrôle. Or, la République hellénique n’a avancé aucun argument ou élément concret susceptible d’infirmer ces constatations.

467    Elle a relevé, en substance, que le système de gestion et d’aide était organisé de manière décentralisée au niveau départemental, ce qui ne répond aucunement aux critiques de la Commission. En effet, du point de vue de cette dernière, la nature plus ou moins centralisée du système national pertinent importe peu. Ce qui importe, c’est le respect des exigences de la réglementation pertinente. Or, sur ce dernier point, la République hellénique s’est limitée à de simples affirmations générales, non étayées d’éléments de preuve concrets, selon lesquelles tous les contrôles prévus étaient effectivement réalisés. Compte tenu de la charge de la preuve qui pesait sur elle, de telles affirmations ne sauraient être considérées comme suffisantes.

468    S’agissant de la lettre de la Commission que la République hellénique a invoquée (voir point 464 ci‑dessus), elle s’est contentée de citer un passage relativement court, tiré de son contexte. En effet, le paragraphe invoqué par la République hellénique est immédiatement suivi par un autre, aux termes duquel les services de la Commission « estiment qu’ils doivent présenter certaines observations et remarques sur cette question » et précisent que, « étant donné que, durant le mois de septembre, une seconde inspection sera réalisée, ces observations et remarques [devront] être jointes de manière à constituer un ensemble ». En outre, à l’annexe II de la même lettre, les services de la Commission ont formulé des observations et des recommandations concrètes, relatives à l’amélioration de la formation des contrôleurs et à l’augmentation des sources de données à utiliser pour la réalisation de contrôles croisés. Aucun argument utile ne peut, dès lors, être tiré, par la République hellénique, des affirmations de la Commission figurant dans cette lettre et dans ses annexes.

469    Enfin, l’argument de la République hellénique selon lequel, à les supposer établies, les insuffisances constatées par la Commission ne justifiaient pas l’imposition d’une correction financière forfaitaire d’un taux dépassant le 2 % est inopérant, dès lors que le taux de la correction imposée par la Commission est égal à 2 % et ne dépasse pas ce pourcentage.

470    Partant le présent moyen doit être rejeté.

 Sur la correction forfaitaire appliquée aux dépenses déclarées par la République hellénique pour les exercices financiers 1999 à 2001 (secteur du stockage public) relatives aux aides communautaires au maintien des oliveraies dans les îles mineures de la mer Égée

471    Par la décision attaquée, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique pour les exercices financiers 1999 à 2001 (secteur du stockage public) relatives aux aides communautaires au maintien des oliveraies dans les îles mineures de la mer Égée une correction forfaitaire de 10 %, qui se traduit par un montant de 3 970 402,08 euros.

 Sur le vingtième moyen, tiré de la violation de l’article 264 et de l’article 266, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’autorité de la chose jugée

472    La République hellénique invoque la violation de l’autorité de la chose jugée. Elle fait valoir qu’une correction financière analogue d’un taux de 25 % avait été imposée pour les mêmes motifs par la décision 2003/102. Or, cette décision, en ce qu’elle concernait cette correction financière, aurait été annulée par l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra. La République hellénique fait, dès lors, valoir que, en imposant la même correction financière, la Commission renverse le jugement irrévocable de la Cour, en méconnaissance de l’autorité de la chose jugée dont bénéficie l’arrêt en question.

473    La République hellénique fait valoir que l’annulation de la décision antérieure par la Cour n’était pas justifiée par un simple vice procédural ou formel, mais résultait d’une erreur bien plus grave. Elle considère, dès lors, que l’effet d’annulation doit être considéré comme absolu. Selon elle, la Commission ne pouvait pas réparer son erreur en adoptant une autre décision de correction fondée sur la procédure initiale. Il serait d’ailleurs raisonnable d’affirmer que, en imposant une correction au taux de 25 %, la Commission a, en substance, renoncé à son droit d’imposer une correction inférieure. Le fait que la Cour a incidemment fait référence, au point 80 de son arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, à un taux de correction éventuel de 10 % ne signifie pas qu’elle a considéré qu’un tel taux aurait été acceptable. La Cour aurait, tout simplement, jugé que l’imposition d’un taux de correction de 25 % n’était pas justifiée.

474    La République hellénique ajoute que, en adoptant la décision attaquée, qui impose une nouvelle correction analogue à celle annulée par la Cour, la Commission a violé l’article 264 et l’article 266, paragraphe 1, TFUE.

475    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, paragraphe 1, TFUE, si le recours est fondé, la Cour déclare nul et non avenu l’acte contesté. L’article 266, paragraphe 1, TFUE prévoit, quant à lui, ce qui suit :

« L’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. »

476    À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante que, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais également les motifs qui ont amené à celui‑ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé [arrêts de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86 et 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27, et ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99 P, Rec. p. I‑6031, point 20 ; arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 56, et du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec. p. II‑737, point 22]. La procédure visant à remplacer un acte annulé peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (arrêts de la Cour du 3 juillet 1986, Conseil/Parlement, 34/86, Rec. p. 2155, point 47, et du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, point 31). Cependant, l’article 266, paragraphe 1, TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En ce sens, cette disposition impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans ledit arrêt (voir arrêt de la Cour du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 30, et la jurisprudence citée).

477    En l’espèce, il ressort de la lecture de l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, que, conformément aux affirmations de la République hellénique mentionnées au point 472 ci‑dessus, dans la mesure où elle avait imposé cette correction de 25 %, la décision concernée par cet arrêt devait être considérée comme nulle et non avenue, ce qui impliquait que ladite correction devait être considérée comme n’ayant jamais été imposée.

478    Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, ni l’article 264 ou l’article 266, paragraphe 1, TFUE, ni l’autorité de la chose jugée dont est revêtu l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, n’empêchait la Commission d’adopter une nouvelle décision pour remplacer celle annulée par cet arrêt. Elle devait, toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée au point 476 ci‑dessus, prendre en considération les raisons exactes de l’illégalité constatée qui avait conduit à l’annulation de sa décision antérieure par la Cour et éviter que la nouvelle décision, destinée à remplacer celle annulée, ne fût entachée des mêmes irrégularités.

479    Force est de constater que la lecture des motifs de l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, ayant justifié l’annulation prononcée dans son dispositif n’étaye pas la thèse de la République hellénique selon laquelle la Commission n’était pas en mesure d’adopter un nouvel acte pour remplacer celui qui avait été annulé.

480    En effet, au point 74 dudit arrêt, la Cour a rappelé que, selon le document VI/5330/97, une correction forfaitaire de 25 % était justifiée lorsqu’une mise en œuvre du système de contrôle était complètement absente ou gravement déficiente. Au point 75, elle a relevé qu’il était constant entre les parties que la mise en œuvre du système de contrôle n’était pas complètement absente. La Cour a, par la suite, vérifié, aux points 76 à 80 de son arrêt, si cette mise en œuvre pouvait néanmoins être considérée comme gravement déficiente. Elle a conclu, au point 80, qu’un doute pouvait en particulier exister à cet égard, compte tenu de l’existence, dans le document VI/5330/97, de la catégorie des carences immédiatement moins graves, caractérisées par le fait « qu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités », qui laisse supposer « un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA », et qui entraînerait une correction forfaitaire de 10 et non de 25 % comme celle retenue par la Commission dans sa décision attaquée devant la Cour. La Cour a ainsi considéré, au point 81 de son arrêt susvisé, que la décision attaquée dans cette affaire n’était pas justifiée à suffisance de droit et devait être annulée.

481    Ces considérations de la Cour, selon lesquelles, en substance, l’imposition d’un taux de correction financière de 25 % par la décision de la Commission attaquée devant elle n’était pas justifiée à suffisance de droit, ne sont aucunement inconciliables avec l’imposition, par la décision attaquée, d’un taux de correction de 10 %, sur la base des mêmes constatations que celles ayant justifié la correction financière antérieure. Contrairement, donc, à ce que fait valoir la République hellénique, en adoptant la décision attaquée la Commission s’est conformée à l’arrêt d’annulation de la Cour et n’a violé ni l’autorité de la chose jugée dont est revêtue cet arrêt ni l’article 264 ou l’article 266, paragraphe 1, TFUE.

482    Doit, par ailleurs, être également rejeté l’argument de la République hellénique selon lequel, en imposant un taux de correction de 25 %, la Commission s’est implicitement désistée de son droit d’imposer un taux de correction inférieur. Par l’effet de l’arrêt de la Cour, qui a annulé sa décision antérieure fixant un taux de correction de 25 %, la Commission s’est trouvée dans la même situation que celle dans laquelle elle se trouvait avant l’adoption de ladite décision. Elle pouvait, dès lors, choisir de nouveau le taux de correction qui lui paraissait approprié, sous condition de respecter les motifs de l’arrêt d’annulation. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, ces derniers ne concernaient que le choix d’un taux de correction de 25 % et ne faisaient, dès lors, pas obstacle à ce qu’elle optât pour un taux inférieur.

483    Il s’ensuit que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le vingt‑et‑unième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999 et du délai raisonnable

484    Par le vingt‑et‑unième moyen, la République hellénique fait valoir une violation de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999. Cette disposition prévoit ce qui suit :

« Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 2 qui ont été effectuées plus de vingt‑quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications […] »

485    La République hellénique fait valoir que la décision attaquée est fondée sur la même lettre que celle à la base de la décision annulée par l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, à savoir la lettre en date du 17 août 2000 que lui avait envoyée la Commission. La République hellénique considère que, après l’annulation de la première décision, la Commission aurait dû lui envoyer une nouvelle lettre et les corrections n’auraient pu être imposées que pour la période antérieure de 24 mois à compter de la date de cette lettre. Selon elle, la procédure déclenchée par une telle lettre constitue une procédure indivisible, qui ne peut pas être analysée comme étant composée de plusieurs stades distincts. Dans le même contexte, elle se réfère à une violation des formes substantielles et à une incompétence ratione temporis de la Commission pour l’imposition de la correction litigieuse en 2010 sur le fondement d’une lettre envoyée en 2000. Par ailleurs, la République hellénique invoque, sur la même base, une violation des principes généraux de sécurité juridique et du délai raisonnable, dès lors que l’Union n’a pas agi en temps utile et que la durée de la procédure était excessive. La République hellénique soutient que, en raison du dépassement du délai, deux principes ont été violés, le principe du délai raisonnable et le principe de sécurité juridique. Il ressort, toutefois, de l’ensemble de son argumentation qu’elle n’invoque pas le principe de sécurité juridique d’une manière autonome mais associé au principe du délai raisonnable. En d’autres termes, il semble qu’elle invoque le principe de sécurité juridique, en présupposant que le principe du délai raisonnable en constitue une déclinaison particulière.

486    Au regard de cette argumentation, il convient de rappeler que, comme il a déjà été relevé au point 476 ci‑dessus, la procédure visant à remplacer un acte annulé peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue. En effet, l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué, indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 34 ; du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, point 476 supra, point 3 ; du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T‑38/89, Rec. p. II‑43, point 13, et du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T‑17/90, T‑28/91 et T‑17/92, Rec. p. II‑841, point 79).

487    Or, il ressort des considérations de l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, résumées aux points 479 à 481 ci‑dessus, que l’annulation, par cet arrêt, de la décision antérieure de la Commission ne trouvait pas sa justification dans une erreur procédurale quelconque ou, encore moins, dans une violation des formes substantielles, évoquée à tort par la République hellénique, mais qu’elle a résulté d’une erreur ayant entaché le bien‑fondé de l’appréciation des faits pertinents de l’espèce par la Commission dans la décision attaquée, en ce que celle‑ci a imposé une correction forfaitaire de 25 % qui n’était pas justifiée à suffisance de droit par les constatations exposées dans la décision attaquée.

488    Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, les motifs de l’annulation n’obligeaient pas la Commission à envoyer une nouvelle lettre à la République hellénique, en remplacement de celle qu’elle lui avait envoyée le 17 août 2000. En effet, la Cour n’a constaté aucune illégalité entachant cette dernière lettre. C’est donc à juste titre que la Commission s’est fondée, également, lors de l’adoption de la décision attaquée, sur sa lettre du 17 août 2000, par laquelle elle avait informé la République hellénique des résultats des contrôles qu’elle avait effectués et a ainsi exposé les carences identifiées. Cette lettre constitue également le point de départ pour le calcul du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999, si bien que l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission était incompétente, ratione temporis, pour l’imposition de la correction litigieuse doit être écarté.

489    S’agissant de l’argument tiré de la violation du délai raisonnable, il convient de rappeler que, en vertu d’un principe général de droit de l’Union, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01, Rec. p. II‑3987, point 229).

490    À cet égard, il est de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêts du Tribunal du 16 septembre 1999, Partex/Commission, T‑182/96, Rec. p. II‑2673, point 177, et Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, point 489 supra, point 230).

491    En l’espèce, le présent moyen vise la durée globale de la procédure ayant conduit la Commission à imposer la correction litigieuse. Cette procédure se divise en trois phases clairement distinctes, à savoir la procédure administrative avant l’adoption de la décision 2003/102, la procédure juridictionnelle devant la Cour et la procédure administrative tendant à l’exécution de l’arrêt de la Cour.

492    S’agissant de la procédure administrative avant l’adoption de la décision 2003/102, force est de relever que la requérante n’a pas expliqué en quoi sa durée pourrait, en tant que telle, être considérée comme excessive.

493    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra (points 1, 13 et 15 à 17), la Commission a mené une enquête du 17 au 23 avril 2000 et a communiqué les résultats de ses vérifications aux autorités nationales le 17 août 2000. La République hellénique a répondu par lettre du 31 octobre 2000. Après ces échanges, par lettre du 10 janvier 2002, la Commission a informé la République hellénique que ses services proposaient l’exclusion du financement communautaire de certaines dépenses liées aux aides pour le maintien des oliveraies dans les îles mineures de la mer Égée et, en particulier, une correction de 25 % à compter du 1er septembre 1998. Les autorités helléniques ont alors saisi l’organe de conciliation qui intervient dans le cadre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999. Cet organe a rendu son rapport le 15 juillet 2002. Par lettre du 21 août 2002, les services de la Commission ont notifié leur position finale aux autorités helléniques. La Commission a, par la suite, adopté sa décision 2003/102, sur la base du rapport de synthèse Doc AGRI – 63802 – 2002 du 14 octobre 2002.

494    Cette procédure qui a duré deux ans et dix mois environ n’a pas été excessivement longue, eu égard à son caractère contradictoire. Il suffit de relever que la description de la procédure au point 493 ci-dessus ne permet pas de déceler de longues périodes d’inactivité injustifiée.

495    Ensuite, s’agissant de la durée de la procédure juridictionnelle, celle‑ci n’est, à l’évidence, pas imputable à la Commission et il convient de ne pas en tenir compte pour le calcul du délai raisonnable. En tout état de cause, force est de constater que la durée de la procédure juridictionnelle ne saurait être qualifiée d’excessive, la République hellénique ayant déposé sa requête le 10 avril 2003 et la Cour ayant rendu son arrêt le 17 octobre 2005.

496    Enfin, s’agissant de la procédure administrative postérieure à l’annulation de la première décision par la Cour, laquelle a conduit à l’adoption de la décision attaquée, il convient de relever que la Cour a reconnu que l’exécution d’un arrêt ayant annulé un acte antérieur exige l’adoption d’un certain nombre de mesures administratives et ne peut normalement s’effectuer de manière immédiate, si bien que l’institution concernée dispose elle‑même d’un délai raisonnable pour se conformer à l’arrêt d’annulation. La jurisprudence précise que la question de savoir si le délai a été raisonnable ou non dépend de la nature des mesures à prendre ainsi que des circonstances contingentes de l’espèce (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission, T‑73/95, Rec. p. II‑381, point 41, et la jurisprudence citée).

497    En l’espèce, à la suite du prononcé de l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, la Commission a invité la République hellénique à une réunion qui s’est finalement tenue le 11 mai 2006. Le compte rendu de cette réunion a été transmis à la République hellénique par une lettre du 21 mars 2007. Par lettre du 23 mai 2007, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur le compte rendu de la réunion. La décision attaquée a été adoptée le 4 novembre 2010.

498    Il s’ensuit que la procédure contradictoire, après le prononcé de l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, a incontestablement été très longue. En particulier, force est de constater que la Commission a laissé écouler une longue période, de trois ans et six mois environ, entre la réception de la lettre des autorités helléniques du 23 mai 2007 et l’adoption de la décision attaquée.

499    Force est également de constater que la durée de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, prise dans son ensemble, c’est‑à‑dire entre l’envoi de la communication des griefs le 17 août 2000 et l’adoption de la décision attaquée, peut être considérée comme excessivement longue, compte tenu, en particulier, du retard mentionné au point 498 ci-dessus.

500    Toutefois, le dépassement d’un délai raisonnable, à le supposer établi, ne justifierait pas nécessairement l’annulation de la décision attaquée. En effet, pendant la procédure contradictoire, l’État membre doit disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue. Le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision de corrections financières que dès lors qu’il a été établi qu’il a porté atteinte auxdites garanties. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non‑respect de l’obligation de prendre une décision dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure contradictoire (arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, point 130 supra, point 240).

501    À cet égard, la République hellénique soutient que, en raison de la durée excessive de la procédure administrative, elle a été empêchée de faire valoir son point de vue. Ses droits de la défense seraient affaiblis au bout de tant d’années, étant donné que la Commission fonde son argumentation sur des faits qui remontent à la décennie précédente. Par conséquent, il n’a pas été nécessaire qu’elle fût expressément empêchée d’exposer ses points de vue concernant les campagnes 1999 à 2001 lors de la procédure contradictoire, mais il a suffi que ses droits de la défense fussent affaiblis.

502    Ces affirmations, de nature plutôt vague et générale, ne suffisent pas pour démontrer le prétendu « affaiblissement », ni, encore moins, une violation des droits de la défense de la République hellénique. En effet, il ressort du rapport de synthèse que la décision attaquée est fondée sur les mêmes constatations que celles ayant justifié l’adoption de la décision 2003/102, annulée par la Cour. Ces constatations ont été entérinées par la Cour (arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, point 78). En effet, la Cour n’a pas remis en question ces constatations en tant que telles, mais elle a considéré qu’elles ne justifiaient pas, à suffisance de droit, l’imposition d’un taux de correction de 25 % et elle a, dès lors, annulé la décision faisant l’objet du recours devant elle. Dans ces circonstances, à défaut d’arguments spécifiques de la République hellénique susceptibles de démontrer en quoi exactement, et de quelle manière, ses droits de la défense auraient été négativement affectés par la durée excessive de la procédure, ce grief doit être écarté.

503    Quant au grief selon lequel la Commission se serait elle‑même engagée à ce que la durée de la procédure d’apurement des comptes ne dépasse pas 645 jours, ainsi qu’il résulterait du document de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission intitulé « La procédure d’apurement des comptes », publié sur son site Internet, il convient de le rejeter, dès lors que le tableau intitulé « Apurement de conformité », qui est le seul point dans ce document mentionnant le délai de 645 jours, indique expressément que le calendrier est indicatif. En effet, force est de constater qu’il ne s’agit que d’une indication donnée dans le cadre d’une présentation, à titre purement informatif, de la durée d’une procédure d’apurement des comptes. En tout état de cause, la durée indiquée n’engage nullement la Commission et elle est dénuée d’effet juridique.

504    À titre subsidiaire, d’une part, la République hellénique fait valoir que la correction financière imposée doit être limitée aux seules îles de Lesvos (Grèce) et, subsidiairement, de Rhodes (Grèce) et aux dépenses engagées au plus tard le 16 février 2001. D’autre part, elle soutient que le taux de correction ne doit pas dépasser 2 %. En effet, premièrement, la Cour, dans son arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra, aurait considéré que la Commission avait fait une interprétation et une application erronées de certaines dispositions. Deuxièmement, l’appréciation, par la Commission, des faits relevés lors des contrôles serait erronée et insuffisamment motivée, dès lors qu’elle aurait procédé à une extrapolation interdite des constatations relatives aux deux îles contrôlées à l’ensemble des îles de la mer Égée, en méconnaissance des spécificités de chaque île. Troisièmement, elle aurait outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire et violé le principe de proportionnalité, dès lors qu’elle aurait fixé un pourcentage de correction élevé pour toutes les îles de la mer Égée, omettant de prendre en considération le fait que les pertes pour le FEOGA ayant résulté des manquements constatés étaient limitées, le fait que c’était la première fois que des contrôles avaient été réalisés, le fait que les autorités helléniques s’étaient immédiatement conformées aux recommandations des services de la Commission et le fait que les conséquences de sa décision étaient très graves, voire catastrophiques, pour les petites îles.

505    Au regard de cette argumentation, il y a lieu de relever que, certes, dans son arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, point 49 supra (points 45, 50, 60 à 63, 75 et 76), la Cour a effectivement reproché à la Commission des erreurs dans l’interprétation et l’application de certaines dispositions. Toutefois, il ressort du point 78 du même arrêt que la Cour a également considéré que plusieurs reproches faits par la Commission aux autorités helléniques étaient fondés.

506    Compte tenu de ces constatations, la Cour a relevé ce qui suit, au point 79 de son arrêt :

« Néanmoins, l’interprétation par la Commission des critères d’éligibilité à l’aide de même que ses griefs infondés sur certains aspects des contrôles effectués par les autorités grecques ont nécessairement influencé son appréciation de l’étendue du risque de pertes pour le FEOGA. Les carences dans le système de contrôle visées au point précédent du présent arrêt n’ont, dès lors pas, eu égard à leur consistance, signifié une mise en œuvre gravement déficiente du système de contrôle au point d’entraîner vraisemblablement des pertes extrêmement élevées pour le FEOGA. »

507    La Cour a précisé, au point 80 du même arrêt, qu’« un doute peut en particulier exister à cet égard, compte tenu de l’existence, dans le document n° VI/5330/97, de la catégorie des carences immédiatement moins graves caractérisées par le fait ‘qu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités’, qui laisse supposer ‘un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA’, et qui entraînerait une correction forfaitaire de 10 %, et non de 25 % comme celle retenue dans la décision attaquée ». C’est sur la base de cette dernière constatation que la Cour a considéré que l’imposition d’un taux de correction financière de 25 % n’était pas justifiée à suffisance de droit (voir également point 480 ci‑dessus).

508    Il en ressort que, si la Cour a, certes, considéré que le raisonnement ayant conduit la Commission à l’imposition d’un taux de correction financière de 25 % était entaché de certaines erreurs, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a pas exclu la possibilité qu’un taux de correction de 10 %, qu’elle a d’ailleurs évoqué dans son arrêt, fût justifié dans les circonstances de l’espèce. De surcroît, aucune considération dans son arrêt ne donne à penser que seul un taux de correction de 2 % serait justifié. Force est également de constater que, si la République hellénique évoque ce dernier taux de correction, elle n’avance aucun argument précis et circonstancié susceptible d’étayer sa thèse selon laquelle seul ce taux de correction serait justifié en l’espèce.

509    À cet égard, il convient de relever qu’il résulte des orientations que les corrections financières sont calculées en fonction du niveau de manquement de l’État membre à ses obligations et compte tenu des conséquences qui en découlent pour les dépenses de l’Union. L’annexe 2 des orientations prévoit, à cet égard, que, lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières ne peut pas être déterminé, la Commission applique des corrections forfaitaires s’élevant à 2, 5, 10 ou 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.

510    En particulier, lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou le sont si mal ou si rarement qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 10 % des dépenses déclarées dès lors qu’il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

511    Par ailleurs, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de démontrer l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, il revient à l’État membre, une fois cette violation établie, de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I‑9009, point 67).

512    En l’espèce, et ainsi qu’il ressort des points 10.2.1 et 10.2.3 du rapport de synthèse, la Commission a constaté des défaillances dans le système de contrôle de la République hellénique et, plus précisément, des défaillances dans les contrôles clés au sens de l’annexe 2 précitée des orientations.

513    La République hellénique n’a pas contesté l’existence de ces défaillances, mais uniquement l’existence d’un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA. Toutefois, sa contestation relative à ce dernier point ne va pas au‑delà d’une simple affirmation, non étayée d’arguments spécifiques ou d’éléments de preuve pertinents.

514    La République hellénique soutient encore que les conséquences financières et environnementales de la correction sont très graves, dès lors que le maintien des oliveraies dans les îles mineures et la survie de la population de ces îles dépendaient de l’octroi des aides, que c’était la première fois que des contrôles avaient été effectués par les services de la Commission et que les autorités helléniques se sont immédiatement conformées aux recommandations de la Commission. Il convient de constater d’emblée que l’allégation de la République hellénique concernant les conséquences financières et environnementales de la correction présente un caractère très vague, dans la mesure ou la République hellénique n’a pas précisé les raisons pour lesquelles l’application d’une correction de 10 % suffirait à mettre en danger le maintien des oliveraies dans les îles mineures et la survie de la population de ces îles. Cette allégation n’est, d’ailleurs, étayée d’aucune preuve. Ensuite, le seul fait que des contrôles sont réalisés pour la première fois dans un domaine déterminé ne constitue pas une justification suffisante pour ignorer les résultats de ces contrôles et ne pas imposer une correction financière appropriée. Enfin, il convient de relever que la République hellénique n’a produit aucun élément de preuve pour étayer son affirmation selon laquelle elle se serait immédiatement conformée aux recommandations de la Commission.

515    Dans ces conditions, les griefs la République hellénique tirés du caractère prétendument disproportionné et excessif de la correction financière imposée ainsi que, en substance, d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans la détermination du taux de correction appliqué doivent être écartés.

516    S’agissant de la référence de la République hellénique à une prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée sur ce point, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la mesure de l’obligation de motiver consacrée par l’article 296 TFUE et l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389 ) dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêts de la Cour du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, Rec. p. I‑3399, point 10, et du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C‑335/03, Rec. p. I‑2955, point 83).

517    Dans le contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes du FEOGA, la motivation d’une décision doit, selon la jurisprudence, être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêts de la Cour du 19 juin 2003, Espagne/Commission, C‑329/00, Rec. p. I‑6103, point 83, et du Tribunal du 4 septembre 2009, Autriche/Commission, T‑368/05, non publié au Recueil, point 149).

518    En l’espèce, il ressort du dossier, en particulier du point 10.2 du rapport de synthèse, que la Commission a indiqué aux autorités helléniques, au cours de la procédure administrative, les griefs sur lesquels elle avait fondé la décision attaquée.

519    Il résulte des constatations qui précèdent que la décision attaquée est motivée conformément à l’article 296 TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux. Le grief en sens contraire de la République hellénique doit, dès lors, être également écarté.

520    Quant au grief selon lequel la correction financière aurait dû se limiter aux seules îles de Lesvos et, subsidiairement, de Rhodes, sur lesquelles des contrôles auraient été effectués par les services de la Commission, et selon lequel la Commission n’aurait pas dû procéder à une extrapolation des constatations de ces contrôles aux autres îles de la mer Égée, il convient de rappeler que l’extrapolation d’une constatation relative à des défaillances dans le système de contrôle d’un État membre de certaines régions à d’autres n’est pas interdite par principe, mais qu’elle doit cependant être justifiée par les faits (arrêt de la Cour du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, C‑344/01, Rec. p. I‑2081, point 61). Ainsi, selon l’annexe 2 des orientations, le principe de l’extrapolation doit être appliqué à l’ensemble du territoire d’un État membre sauf dans la mesure où il y a des raisons de supposer que la portée des défaillances constatées est plus limitée.

521    Les données sur lesquelles la Commission s’est appuyée en décidant d’appliquer une telle extrapolation dans l’affaire en cause doivent constituer des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable que la Commission peut éprouver à l’égard des contrôles ou des chiffres relatifs aux régions non contrôlées (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Finlande/Commission, T‑230/04, non publié au Recueil, point 160).

522    Il appartient donc à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres, afin de démontrer que les doutes de la Commission n’étaient pas fondés. La simple référence au fait que la situation serait différente dans chaque région ne saurait suffire. Il appartient à l’État membre de prouver concrètement que les systèmes de contrôle dans les régions non contrôlées n’étaient pas affectés par les mêmes défauts que ceux que la Commission avait constatés dans les régions contrôlées (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, point 520 supra, point 65, et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, point 126 supra, point 97).

523    En l’espèce, il appartenait à la République hellénique de prouver que les systèmes de gestion et de contrôle concernant les autres îles de la mer Égée n’étaient pas affectés par les mêmes défauts que ceux concernant l’île de Lesvos et celle de Rhodes. Or, elle n’a ni apporté une telle preuve ni même expliqué quelles seraient les spécificités de ces autres îles que la Commission aurait prétendument méconnues en procédant à une telle extrapolation.

524    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le vingt‑et‑unième moyen n’est pas fondé est doit être rejeté.

 Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des viandes ovine et caprine

525    Ayant constaté plusieurs déficiences dans le système de contrôles relatif au régime des primes animales pour les ovins et les caprins, la Commission a appliqué aux dépenses engagées par la République hellénique dans ce domaine des corrections forfaitaires de 10 % portant sur les exercices financiers 2004 à 2006 (demandes des années 2003 et 2004). Ces corrections s’élèvent à un montant de 50 166 591,97 euros.

 Sur le vingt‑deuxième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

526    La République hellénique soutient que la procédure d’apurement des comptes était invalide, en raison de l’incompétence ratione temporis de la Commission pour l’imposition de corrections financières. En effet, selon elle, la Commission lui a communiqué ses conclusions à la suite des contrôles effectués en 2004 et 2005 pour la première fois le 5 août 2009, à savoir cinq ans après le premier contrôle. Il s’ensuivrait que, en raison du dépassement du délai raisonnable par la Commission, celle‑ci serait incompétente ratione temporis pour l’imposition d’une correction financière en la matière.

527    Il convient, d’abord, de vérifier, en tenant compte de la jurisprudence mentionnée aux points 489 et 490 ci‑dessus, si un délai raisonnable a été respecté par la Commission en l’espèce.

528    Il convient de relever, à cet égard, que les services de la Commission ont effectué des enquêtes du 22 au 26 mars 2004 et du 21 au 25 février 2005 et ont communiqué les résultats de ces vérifications aux autorités helléniques, respectivement, les 5 août 2004 et 23 juin 2005. La République hellénique a répondu par lettres, respectivement, des 5 octobre 2004 et 26 août 2005. Par lettres, respectivement, des 9 février 2005 et 2 mai 2006, la Commission a invité la République hellénique à deux réunions qui se sont finalement tenues, respectivement, les 11 mars 2005 et 7 juin 2006. Les comptes rendus des réunions susvisées ont été transmis à la République hellénique, respectivement, les 22 juin 2005 et 22 septembre 2006. Par lettres, respectivement, des 21 juillet 2005 et 20 octobre 2006, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur ces comptes rendus. Par lettre du 5 août 2009, la Commission a formellement communiqué ses conclusions à la République hellénique. Celle‑ci a ensuite saisi l’organe de conciliation, qui a rendu son rapport final le 15 janvier 2010. Le 15 juillet 2010, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. La décision attaquée a été adoptée le 4 novembre 2010.

529    Sur la base des éléments résumés au point 528 ci-dessus, force est de constater que la procédure contradictoire a, en l’espèce, été incontestablement très longue. En particulier, il convient de faire remarquer que la Commission a laissé écouler une période de deux ans et dix mois environ, entre la réception de la lettre des autorités helléniques du 20 octobre 2006 et l’envoi de la lettre du 5 août 2009 par laquelle elle a formellement communiqué à celle‑ci ses conclusions, conformément à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90).

530    Néanmoins, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, le dépassement du délai raisonnable en matière de FEOGA n’implique pas automatiquement l’incompétence ratione temporis de la Commission pour l’imposition d’une correction financière. En effet, selon la jurisprudence rappelée au point 500 ci‑dessus, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision de corrections financières que lorsqu’il a été établi qu’il a porté atteinte aux garanties dont doit disposer l’État membre concerné pour présenter son point de vue. Or, en l’espèce, la République hellénique n’a ni expressément soutenu que, en raison du dépassement du délai raisonnable, elle a été empêchée de faire valoir son point de vue, ni invoqué des éléments concrets et circonstanciés susceptibles d’étayer une telle conclusion. Elle s’est limitée à rappeler qu’elle avait avancé un argument analogue dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, point 130 supra, et qu’elle avait introduit un pourvoi contre cet arrêt au motif, notamment, que le rejet de cet argument était entaché d’une erreur de droit. Il convient, toutefois, de relever que, entre-temps, ce pourvoi a été rejeté comme non fondé par l’arrêt de la Cour du 7 avril 2011, Grèce/Commission (C‑321/09 P, non publié au Recueil).

531    Quant au grief selon lequel la Commission se serait elle‑même engagée à ce que la durée de la procédure d’apurement des comptes ne dépasse pas 645 jours, engagement qui résulte du document de la DG « Agriculture et développement rural » de la Commission intitulé « La procédure d’apurement des comptes », publié sur son site Internet, il convient de le rejeter pour les raisons mentionnées au point 503 ci‑dessus.

532    Il ressort des considérations qui précèdent que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le vingt‑troisième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits et de la violation du principe de proportionnalité

533    La République hellénique invoque une appréciation erronée des faits ainsi qu’une violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne l’évaluation du risque que présentaient pour le FEOGA les défaillances constatées par les services de la Commission.

–       Constatations des services de la Commission lors de la procédure administrative

534    Lors des missions effectuées en 2004 et en 2005, les services de la Commission ont constaté certaines carences dans le système grec de gestion et de contrôle des primes versées dans le secteur des viandes ovine et caprine.

535    En premier lieu, ils ont constaté des lacunes persistantes et généralisées dans la mise en œuvre des registres prévus par la directive 92/102/CEE, du Conseil, du 27 novembre 1992, concernant l’identification et l’enregistrement des animaux (JO L 355, p. 32), dans la mesure où ceux‑ci n’étaient pas convenablement tenus à jour par les exploitants. Les services de la Commission ont souligné que le problème était tant le non‑respect des règles par les exploitants que l’absence de toute action des autorités helléniques visant à sanctionner, sur le plan administratif ou sur le plan financier, les exploitants qui ne remplissaient pas leurs obligations en la matière. D’ailleurs, pour les services de la Commission, les efforts pour améliorer la situation étaient largement insuffisants (point 11.2.1 du rapport de synthèse).

536     En deuxième lieu, les services de la Commission ont constaté que les contrôles sur place présentaient des défaillances importantes. Premièrement, les contrôles seraient limités à de simples comptages des animaux présents le jour du contrôle, sans vérification du respect de la période de rétention. Deuxièmement, contrairement aux exigences de l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du SIGC relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement n° 3508/92 (JO L 327, p. 11), et malgré les instructions de contrôles des autorités helléniques, le contrôle des documents justificatifs n’aurait été effectué dans aucun des contrôles observés par les services de la Commission. Troisièmement, en raison des insuffisances dans la tenue des registres, aucun contrôle ne serait effectué concernant les animaux pour lesquels des demandes d’aides auraient été présentées au cours des 12 mois précédant le contrôle. Quatrièmement, en raison des délais nécessaires pour saisir l’ensemble des demandes d’aides et conduire l’analyse des risques, les contrôles sur place ne démarreraient que durant la deuxième moitié de la période de rétention de 100 jours. Cette pratique créerait une période pendant laquelle presque aucun contrôle ne serait effectué, ce qui ne serait pas conforme aux règles générales sur l’efficacité des contrôles sur place prévue à l’article 15 du règlement n° 2419/2001. Cinquièmement, les rapports des contrôles auraient été insuffisants et jetteraient un doute sur la qualité et l’homogénéité des contrôles sur place (point 11.2.1 du rapport de synthèse).

537    En troisième lieu, les services de la Commission ont constaté que les contrôles administratifs étaient eux aussi insuffisants. Premièrement, ils ont constaté des incohérences entre la demande d’aide et la copie du registre qui y est jointe. Deuxièmement, ayant adopté une interprétation large de la notion d’erreur manifeste, les autorités helléniques modifieraient d’office les demandes de primes, en procédant à des corrections postérieures d’erreurs formelles sur les demandes relatives à la prime supplémentaire pour les zones défavorisées. Troisièmement, ils ont constaté des erreurs de saisie (point 11.2.1 du rapport de synthèse).

538    En quatrième lieu, les services de la Commission ont constaté que les contrôles de second niveau n’ont pas été mis en œuvre de manière suffisante pour compenser ces faiblesses. Leurs résultats partiels confirmeraient les défaillances des contrôles de premier niveau (point 11.2.1 du rapport de synthèse).

539    En cinquième lieu, les services de la Commission ont constaté une absence de prise en compte des critères spécifiques au supplément pour les zones défavorisées, pour les demandes de l’année 2003 (point 11.2.1 du rapport de synthèse).

540    S’agissant du taux de correction applicable en l’espèce, sur la base des constatations susmentionnées, les services de la Commission ont noté que les autorités helléniques avaient été régulièrement avisées depuis 1995 que l’absence de mise en œuvre des registres avait nui au déroulement global des contrôles et que ce fait, associé aux autres déficiences graves constatées dans la gestion et la surveillance du régime, avait généré un risque pour le FEOGA. Pour les demandes des années 1995 à 2000, un taux de correction forfaitaire de 5 % aurait été appliqué par le biais de décisions antérieures (point 11.2.3 du rapport de synthèse).

541    Pour les demandes des années 2001 et 2002, il a cependant été considéré que la persistance des faiblesses des contrôles avait accru le risque pour le FEOGA, car le risque que des éleveurs déposent des demandes irrégulières augmente lorsque le système de contrôle et de sanction est insuffisant. En conséquence, une correction forfaitaire de 10 % avait été proposée pour les demandes des années 2001 et 2002 (point 11.2.3 du rapport de synthèse).

542    Les services de la Commission ont souligné que les missions réalisées en 2004 et 2005 n’avaient pas montré d’amélioration claire de la situation en Grèce pour les demandes des années 2003 et 2004 concernant les problèmes principaux et, en particulier, concernant les graves défaillances des registres des exploitations qui rendaient l’ensemble du système de contrôle inopérant. Cela serait aggravé par la qualité insuffisante des contrôles sur place, ce qui serait confirmé par les autorités helléniques elles‑mêmes lors de leurs contrôles de second niveau mis en place en 2003. Les services de la Commission considèrent que, pour les demandes des années 2003 et 2004, le système de gestion et de contrôle des primes ovines et caprines en Grèce ne permettait pas de contrôler certains critères d’éligibilité tels que la détention des animaux tout au long de la période de rétention et l’âge des animaux demandés à la fin de la période de rétention (point 11.2.3 du rapport de synthèse).

543    Sur le fondement des carences susmentionnées, les services de la Commission ont proposé l’application d’une correction forfaitaire de 10 % pour les demandes des années 2003 et 2004, ce taux ayant été considéré comme correspondant au risque accru tel qu’il a été décrit ci‑dessus. Pour la détermination dudit taux de correction, les services de la Commission se sont fondés sur les orientations (points 11.2.3 et 11.2.5 du rapport de synthèse).

–       Sur la tenue des registres et l’imposition de sanctions

544    Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/102 prévoit :

« [T]out détenteur d’ovins et de caprins dont l’exploitation est inscrite sur la liste prévue à l’article 3, paragraphe 1, [sous] a), garde un registre comprenant au moins le nombre total d’ovins et de caprins présents sur l’exploitation chaque année à une date à fixer par l’autorité compétente.

Ce registre doit également contenir :

–        un relevé à jour du nombre de femelles de plus de douze mois ou ayant mis bas avant cet âge et présentes sur l’exploitation,

–        les mouvements (nombre d’animaux concernés par chaque opération d’entrée et de sortie) des ovins et des caprins sur la base minimale des flux, avec mention, selon le cas, de l’origine ou de la destination des animaux, de leur marque et de la date des flux. »

545    L’article 9 de la directive 92/102 dispose :

« Les États membres prennent les mesures administratives et/ou pénales nécessaires pour sanctionner toute infraction à la législation vétérinaire communautaire lorsqu’il est constaté que le marquage ou l’identification des animaux ou la tenue de registre prévue à l’article 4 n’ont pas été effectués dans le respect des exigences de la présente directive. »

546    Il résulte de l’article 11 de la directive 92/102 que les États membres avaient jusqu’au 1er janvier 1995 pour transposer en droit interne les exigences relatives aux ovins et aux caprins prévues par cette directive.

547    L’article 15 du règlement (CE) n° 21/2004 du Conseil, du 17 décembre 2003, établissant un système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine et modifiant le règlement n° 1782/2003 et les directives 92/102 et 64/332/CE (JO 2004, L 5, p. 8), a modifié, notamment, les articles 4 et 11 de la directive 92/102. Conformément à l’article 17, deuxième alinéa, du règlement n° 21/2004, l’article 15 s’applique à partir du 9 juillet 2005. Par conséquent, les dispositions de la directive 92/102 étaient encore applicables aux demandes des années 2003 et 2004.

548    Les services de la Commission ont constaté que, en Grèce, les dispositions de la directive 92/102 étaient rarement respectées. Tout comme les années précédentes, la situation des registres en Grèce pendant les campagnes 2003 et 2004 n’aurait pas été satisfaisante. Lors du contrôle en Crète, en 2004, sur 25 exploitations, deux seulement auraient été en mesure de présenter un registre correctement tenu. Sur les 23 autres exploitations, 2 n’auraient pas de registre, 7 disposeraient du registre adéquat, mais celui‑ci serait totalement vierge, 13 rempliraient sommairement leurs registres, c’est‑à‑dire qu’ils mentionneraient uniquement les mouvements des animaux éligibles et que tous les mouvements de l’année, à savoir les naissances, les ventes et les décès d’animaux, seraient inscrits le même jour sur une seule et même ligne, et , enfin, un registre serait entièrement complété, mais il ne serait pas à jour, dès lors que le nombre total des animaux qui y serait mentionné ne correspondrait pas à la situation existante dans l’exploitation le jour du contrôle.

549    Selon la Commission, en Achaïe et en Corinthie, en 2005, 17 exploitations auraient fait l’objet d’un contrôle. Sur les 8 registres contrôlés en Achaïe, 7 contiendraient une seule ligne par année, qui correspondrait au recensement annuel du troupeau effectué à la date du dépôt de la demande d’aide, mais qui n’indiquerait aucun déplacement, et un registre n’aurait pas pu être contrôlé, dès lors qu’il se trouverait depuis 3 mois chez le vétérinaire pour la commande des marques auriculaires. Les 9 registres contrôlés en Corinthie auraient été sommairement complétés, dans la mesure où ils contiendraient les mouvements des animaux éligibles ainsi que des modifications intervenues dans l’année, à savoir les naissances, les ventes et les décès d’animaux, inscrits le même jour et sur une seule et même ligne.

550    En outre, il aurait été constaté que les primes versées n’étaient pas adaptées en cas d’écart entre le nombre d’animaux comptés et le nombre inscrit dans les registres. Selon la Commission, lorsque les registres ne sont pas correctement tenus, l’organisme de paiement ne peut pas être certain du respect des critères d’éligibilité fixés à l’article 3 du règlement (CE) n° 2529/2001 du Conseil, du 19 décembre 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine (JO L 341, p. 3), et à l’article 7 du règlement (CE) n° 2550/2001, de la Commission, du 21 décembre 2001, établissant les modalités d’application du règlement n° 2529/2001 en ce qui concerne les régimes de primes et modifiant le règlement n° 2419/2001 (JO L 341, p. 105), pour les animaux qui font l’objet des demandes et qui soit n’ont pas été détenus dans l’exploitation pendant toute la durée de la période de rétention, soit n’ont pas été détenus au début de la période de rétention, c’est-à-dire au moment du dépôt de la demande, soit n’ont pas atteint l’âge de 12 mois, soit n’ont pas mis bas avant la fin de la période de rétention. Compte tenu de la situation constatée en Grèce, les services de la Commission sont d’avis que le risque que des aides soient demandées pour des animaux non éligibles est élevé. Les contrôles effectués en 2004 et en 2005 auraient montré que, tout comme dans le passé, les autorités helléniques considéreraient que le fait que les registres n’étaient pas tenus ou ne l’étaient pas correctement constitue une question relevant de l’exercice, par les autorités vétérinaires helléniques, de leur mission de surveillance, non susceptible, par elle‑même, d’influer sur le versement des primes.

551    La République hellénique soutient que, en ce qui concerne la tenue des registres et l’imposition de sanctions, des améliorations importantes ont été apportées pour les demandes des années 2003 et 2004.

552    Premièrement, elle soutient qu’elle a procédé à l’information systématique des éleveurs concernant l’obligation de tenir et de remplir correctement le registre, conformément à la directive 92/102 et aux dispositions nationales pertinentes.

553    Deuxièmement, elle aurait procédé à la diminution des sanctions nationales prévues en la matière, pour faciliter leur application et, ainsi, assurer leur caractère dissuasif.

554    Troisièmement, en ce qui concerne le système de gestion et de contrôle, elle aurait modifié ses dispositions nationales en mai 2003 afin de prévoir le marquage des animaux dès leur naissance par une marque auriculaire dans chaque oreille, la constitution d’une base centrale de données, la fourniture à tous les producteurs d’un nouveau registre d’exploitation sous forme de livre et la systématisation des contrôles.

555    Quatrièmement, à la suite d’un appel d’offres, un organisme privé se serait vu attribuer le programme vétérinaire de marquage par deux marques auriculaires et d’enregistrement des caprins et ovins dans un nouveau registre‑livre spécial ainsi que l’inscription des données du recensement sur la base de données vétérinaire.

556    Cinquièmement, la République hellénique aurait décidé la réalisation de contrôles sur place, couvrant chaque année au moins 5 % des exploitations de chaque département, sur la base d’une analyse des risques.

557    Au regard de ces arguments, il importe de rappeler, à titre liminaire, que, lorsque la Commission a présenté un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable éprouvé à l’égard du système de contrôle en cause d’un État membre, il incombe, par la suite, à cet État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir points 72 à 74 ci‑dessus).

558     En l’espèce, premièrement, il convient de relever que la simple invocation, par la République hellénique, des dispositions nationales qu’elle avait adoptées en la matière et de la campagne d’information qu’elle aurait systématiquement menée pour rappeler aux éleveurs leur obligation de tenir et de remplir correctement le registre, ne suffit pas pour démontrer que ceux‑ci se sont effectivement conformés à leurs obligations en la matière et, partant, ne remet pas en doute les constatations des services de la Commission lors des contrôles effectués.

559    Deuxièmement, il en va de même de l’invocation des dispositions nationales prévoyant des sanctions à l’égard d’exploitants qui ne tiennent pas ou ne tiennent pas correctement le registre du troupeau, tant que la preuve d’une application effective et efficiente de ces dispositions n’est pas apportée.

560    Troisièmement, ainsi qu’il ressort par la lettre de l’Opekepe à la Commission du 26 août 2005, l’achèvement du programme vétérinaire de marquage par deux marques auriculaires et d’enregistrement des caprins et ovins dans un nouveau registre‑livre spécial ainsi que l’inscription des données du recensement sur la base de données vétérinaire étaient prévus pour 2005. Il s’ensuit, à défaut d’argument en sens contraire invoqué par la République hellénique, que ce nouveau système n’était pas pleinement opérationnel lors de la période litigieuse, à savoir pour les demandes des années 2003 et 2004. L’argument qu’en tire la République hellénique doit donc être écarté comme dépourvu de pertinence.

561    Quatrièmement, contrairement à l’allégation de la République hellénique mentionnée au point 556 ci‑dessus, la réalisation de contrôles sur place, couvrant chaque année au moins 5 % des exploitations de chaque département, sur la base d’une analyse des risques, ne saurait pallier la défaillance affectant l’élément structurel du système de contrôle que constitue la tenue régulière des registres du troupeau. Ainsi que la Cour l’a déjà précisé dans l’arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission (C‑387/03, non publié au Recueil, point 119), la tenue et la mise à jour régulière des registres de mouvements de cheptel sont à la base du fonctionnement du système de contrôle relatif à l’octroi des primes animales. L’absence ou la tenue irrégulière des registres du troupeau sape ainsi tout le système de contrôle des primes, sans que le taux élevé des contrôles sur place puisse y apporter remède.

562    Il s’ensuit que la République hellénique n’est pas parvenue à remettre en question les constatations des services de la Commission relatives aux carences des autorités helléniques concernant les contrôles sur la tenue des registres et la non‑imposition de sanctions.

–       Sur les contrôles sur place et les contrôles administratifs

563    S’agissant des contrôles sur place et des contrôles administratifs, la République hellénique considère qu’elle a largement respecté les exigences réglementaires.

564    Il y a lieu de rappeler que l’article 15 du règlement n° 2419/2001 dispose :

« Les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides. »

565    L’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001, intitulé « Calendrier des contrôles sur place », prévoit notamment ce qui suit :

« [D]ans les États membres où le système établi par la directive 92/102/CEE en ce qui concerne les ovins et les caprins, et notamment l’identification des animaux et la tenue convenable des registres, n’est pas totalement mis en place et appliqué, le nombre minimal de contrôles sur place doit être effectué en totalité tout au long de la période de rétention. »

566    L’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001, applicable aux faits de l’espèce, prévoit que les contrôles sur place comportent notamment :

« [E]n ce qui concerne les régimes d’aides aux ovins et caprins, des vérifications visant à déterminer à l’aide du registre si tous les animaux ayant fait l’objet d’une demande d’aide au cours des douze derniers mois précédant la date du contrôle sur place ont été détenus dans l’exploitation durant toute la période de rétention et des vérifications concernant l’exactitude des inscriptions du registre, effectuées par échantillonnage de documents justificatifs tels que les factures d’achat et de vente et les certificats vétérinaires. »

567    Aux termes de l’article 3 du règlement n° 2529/2001, applicable aux faits de l’espèce :

« Aux fins du présent titre, on entend par :

[…]

c)      ‘brebis’ : toute femelle de l’espèce ovine ayant mis bas au moins une fois ou âgée d’un an au moins ;

d)      ‘chèvre’ : toute femelle de l’espèce caprine ayant mis bas au moins une fois ou âgée d’un an au moins. »

568    L’article 2 du règlement n° 2550/2001, applicable aux faits de l’espèce, prévoit :

« 1.      En complément aux exigences prévues dans le cadre du système intégré par les règlements (CEE) n° 3508/92 et (CE) n° 2419/2001, le producteur doit indiquer dans sa demande de prime s’il commercialise du lait de brebis ou des produits laitiers à base de lait de brebis au cours de l’année pour laquelle la prime est demandée.

2.      Les demandes de prime au bénéfice des producteurs de viande ovine et/ou caprine sont déposées auprès de l’autorité désignée par l’État membre pendant une période fixée à l’intérieur d’une période commençant le 1er novembre avant le début de l’année et se terminant le 30 avril suivant le début de l’année au titre de laquelle les demandes sont présentées.

[…] 

3.      La période de rétention pendant laquelle le producteur s’engage à maintenir sur son exploitation le nombre de brebis et/ou de chèvres pour lesquelles le bénéfice de la prime est demandé est de 100 jours à partir du premier jour suivant le dernier jour de la période de dépôt des demandes visée au paragraphe 2. »

569    L’article 7 du même règlement, intitulé « Éligibilité », prévoit :

« 1.      Les primes sont versées au producteur sur la base du nombre de chèvres et/ou de brebis qu’il maintient sur son exploitation en permanence pendant toute la période de rétention visée à l’article 2, paragraphe 3.

2.      Les animaux remplissant les conditions prévues par les définitions visées à l’article 3 du règlement […] n° 2529/2001 au dernier jour de la période de rétention sont réputés éligibles. »

570    S’agissant des contrôles sur place et des contrôles administratifs, en premier lieu, la République hellénique soutient que l’information des autorités compétentes par l’Opekepe concernant les dates de présentation des demandes et de rétention obligatoire des animaux, associée à la politique suivie par les autorités helléniques qui consistait à réaliser une grande partie des contrôles sur place après le milieu de la période de rétention obligatoire et surtout de manière inopinée, protégeait les ressources de l’Union et visait à obliger les producteurs à conserver leurs animaux jusqu’à la fin de la période de rétention obligatoire. Elle ajoute que le fait que les producteurs ignoraient s’ils seraient contrôlés et quand ils le seraient les obligeait à respecter leurs obligations en matière de rétention des animaux durant toute la période de rétention obligatoire. Selon elle, le fait que les contrôles aient eu lieu pendant la seconde moitié de cette période, et cela à un taux particulièrement plus élevé (15,66 % en 2003, 15,20 % en 2004) que celui prévu par le droit de l’Union, garantissait le respect des obligations par les bénéficiaires et protégeait les intérêts du FEOGA. Enfin, sur le total des contrôles sur place réalisés en 2003 et en 2004, portant respectivement, ainsi qu’il vient d’être dit, sur 15,66 % et 15,20 % des exploitations, un nombre important de contrôles, concernant environ 5 % des exploitations, aurait été réalisé dès le début de la période de rétention obligatoire. Au vu de ces éléments et compte tenu du fait que, d’une part, l’analyse des risques serait fondée sur l’évaluation des résultats de l’année précédente et que, d’autre part, les contrôles sur place auraient lieu durant la période de rétention obligatoire et à un taux nettement supérieur à celui prévu par le règlement, la Commission ne pourrait pas soutenir qu’il existe un risque de pertes pour le FEOGA.

571    À cet égard, il convient de relever que les services de la Commission font grief aux autorités helléniques de ne pas avoir effectué des contrôles sur place pendant la première moitié de la période de rétention des animaux. Ils constatent aussi que ces contrôles tardifs sont devenus la règle, permettant aux exploitants grecs d’anticiper la période durant laquelle ils ne sont pas soumis à des contrôles sur place, ce qui accroît le risque que les animaux ne se trouvent pas effectivement dans l’exploitation au début de la période de rétention.

572    Il ressort de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 que, s’agissant des États membres pour lesquels la tenue des registres n’est pas assurée conformément à l’article 4 de la directive 92/102, les contrôles sur place doivent être effectués au cours de la période de rétention. Ces dispositions sont applicables à la République hellénique, eu égard aux défaillances constatées dans cet État membre concernant la mise à jour des registres par les producteurs d’ovins et de caprins (arrêt du Tribunal du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑352/05, non publié au Recueil, point 308).

573    L’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 2419/2001 fournit une précision additionnelle, selon laquelle, s’agissant des États membres susmentionnés, le nombre minimal de contrôles sur place doit être effectué en totalité « tout au long » de la période de rétention. L’utilisation de l’expression « tout au long » corrobore le bien‑fondé du grief des services de la Commission portant sur l’absence de contrôles sur place par les autorités helléniques durant la première moitié de la période de rétention (arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 572 supra, point 309).

574    Au regard des dispositions et de la jurisprudence mentionnées aux points 572 et 573 ci-dessus, il convient d’écarter l’argumentation de la République hellénique résumée au point 570 ci-dessus. Il ressort, en effet, de ces dispositions et de cette jurisprudence que des contrôles doivent être réalisés également lors de la première moitié de la période de rétention et que leur non-réalisation implique un risque pour le FEOGA qui ne saurait être entièrement exclu, même dans l’hypothèse où les contrôles réalisés plus tard dépasseraient le minimum requis.

575    En tout état de cause, il y a lieu de relever que l’application par la Commission des dispositions législatives susmentionnées et son appréciation doivent se faire à la lumière de l’article 15 du règlement n° 2419/2001, prévoyant que les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides (arrêt du 28 septembre 2011, Grèce/Commission, point 572 supra, point 310). Il s’ensuit que la question de savoir si la Commission était fondée à faire grief aux autorités helléniques de ne pas avoir effectué des contrôles sur place durant la première moitié de la période de rétention et de ne pas avoir réparti ces contrôles sur toute la période de rétention constitue une question d’ordre factuel dépendant des autres appréciations de la Commission, également d’ordre factuel, concernant l’efficacité du système grec de contrôles des primes octroyées dans le secteur des viandes ovine et caprine. Le grief précité, formulé par la Commission, vient corroborer les autres griefs relatifs au système de contrôle grec dans le secteur des viandes ovine et caprine, griefs dont il a été jugé qu’ils étaient fondés.

576    Sur le fondement des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter cette argumentation de la République hellénique comme étant non fondée.

577    En deuxième lieu, la République hellénique soutient que les contrôleurs comptaient soigneusement tous les animaux, éligibles ou non, présents dans l’exploitation, puis comparaient les résultats avec les inscriptions au registre. Les cas dans lesquels certains contrôleurs ne complétaient pas suffisamment toutes les rubriques des rapports de contrôle seraient isolés. Dans tous les cas, les contrôleurs réclameraient les documents justifiant les ventes, les achats ou les morts d’animaux, afin de les examiner, et le fait que ces documents ne soient pas tenus correctement entraînerait des sanctions.

578    Force est de constater que la République hellénique se limite à des affirmations vagues non étayées d’éléments de preuve, alors même que, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 72 à 74 ci‑dessus, c’est à elle qu’il incombe de démontrer que les constatations de la Commission qu’elle conteste sont inexactes.

579    De surcroît, il convient de relever qu’il ressort du point 11.2.1 du rapport de synthèse que le contrôle des documents justificatifs n’a été effectué dans aucun des 25 contrôles observés par les services de la Commission lors de leurs missions en Grèce. En effet, les éleveurs ne disposaient pas, en général, des documents justificatifs des déplacements des animaux, en violation des dispositions de l’article 25, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2419/2001. Les registres n’ayant pas été correctement complétés, le contrôle des animaux ayant fait l’objet d’une demande d’aide pendant les douze mois précédant le contrôle ne pouvait pas être effectué.

580    S’agissant des fautes concernant les rapports de contrôles, il ressort du point 11.2.1 du rapport de synthèse que l’analyse des 120 rapports de contrôles a montré des cas où les inspecteurs n’avaient pas rempli correctement les rapports ou n’avaient pas réalisé toutes les vérifications prévues par la législation. En particulier, dans 9 cas sur 40 dossiers en Crète et dans 9 cas sur 40 dossiers en Corinthie, le champ correspondant à la vérification des registres n’avait pas été rempli. Dans 3 cas en Crète, le champ correspondant à l’existence d’écarts entre le nombre d’animaux déclaré et le nombre d’animaux compté sur place avait été rempli alors qu’il n’y avait pas d’écart en réalité. Dans 5 cas en Achaïe, sur 40 dossiers, certains champs n’étaient pas remplis, par exemple le lieu de comptage, le nom du demandeur ou la case indiquant si le contrôle avait été annoncé. Enfin dans 3 cas, en Crète, les rapports de contrôle concernant la production de lait présentaient des ambiguïtés. Il résulte de ces constatations que les cas dans lesquels certains contrôleurs ne complétaient pas suffisamment toutes les rubriques du formulaire de contrôle n’étaient pas isolés, puisqu’ils représentaient des taux compris entre 12,5 et 37,5 % des dossiers contrôlés.

581    Il en ressort que l’argumentation de la République hellénique résumée au point 577 ci‑dessus doit être écartée.

582    En troisième lieu, la République hellénique soutient que, dans le cas où un contrôle de second niveau était effectué et où le producteur ne pouvait pas prouver par des documents ou par le registre de l’exploitation les changements intervenus dans le nombre des animaux admissibles de son troupeau déclarés et constatés lors du contrôle de premier niveau, afin de protéger le budget de l’Union, seuls les résultats du contrôle de second niveau étaient pris en compte pour le paiement de la prime, ainsi que la Commission l’admet elle‑même dans le rapport de synthèse.

583    À cet égard, il convient de relever qu’il est, certes, vrai que, depuis 2003, les autorités helléniques ont mis en place un système de répétition des contrôles (contrôles de second niveau) dans le but de confirmer et d’harmoniser les contrôles sur place de premier niveau. Ces contrôles de vérification devraient être effectués par les directions régionales de l’Opekepe et devraient couvrir 10 % des vérifications effectuées par les autorités compétentes pour les contrôles de premier niveau.

584    Toutefois, force est de constater que, selon le point 11.2.1 du rapport de synthèse, au niveau national, le pourcentage de ces contrôles de vérification a été de 9 % en 2003 et de 5,7 % en 2004. En Crète, en 2003, en raison du manque d’effectifs, la moitié des contrôles de second niveau a été effectué en même temps que les contrôles sur place de premier niveau. En outre, la répartition des contrôles de second niveau entre les différents départements de la Grèce n’était pas homogène. En particulier, aucun contrôle de second niveau n’a été effectué dans neuf départements. Dans douze départements, il n’existait aucune différence entre le résultat du contrôle sur place de premier niveau et celui du contrôle de second niveau. Enfin, dans quatorze départements, plus de 40 % des contrôles de second niveau avaient mis en évidence un nombre d’animaux inférieur à celui du contrôle de premier niveau.

585    Au regard de ces constatations et à défaut d’arguments spécifiques et circonstanciés de la République hellénique susceptibles de remettre en cause les carences constatées par les services de la Commission, il convient de conclure que la réalisation des contrôles de second niveau n’était aucunement suffisante pour écarter tout risque pour le FEOGA résultant desdites carences.

586    Par conséquent, il convient de rejeter l’argumentation de la République hellénique relative aux contrôles sur place et aux contrôles administratifs.

–       Sur la prime supplémentaire des zones défavorisées

587    S’agissant de la prime supplémentaire des zones défavorisées, la République hellénique soutient qu’il n’y a eu aucune irrégularité dans l’enregistrement ou le paiement des primes dans les régions montagneuses qui aurait pu constituer un risque pour le FEOGA.

588    À cet égard il convient de rappeler que l’article 5 du règlement n° 2529/2001, intitulé « Prime supplémentaire », dispose qu’une prime supplémentaire est versée aux producteurs dans les zones où la production d’ovins et de caprins constitue une activité traditionnelle ou contribue d’une manière significative à l’économie rurale. Les États membres définissent lesdites zones. En tout état de cause, la prime supplémentaire est réservée aux producteurs dont l’exploitation est située pour au moins 50 % de la superficie utilisée à des fins agricoles dans les zones défavorisées définies par le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le FEOGA et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80). La prime supplémentaire est également accordée à tout producteur pratiquant la transhumance, à condition, d’une part, qu’il fasse pâturer pendant au moins 90 jours consécutifs dans une zone éligible au minimum 90 % des animaux au titre desquels la prime est demandée et, d’autre part, que le siège de son exploitation soit situé dans des zones géographiques bien définies pour lesquelles il a été établi par l’État membre que la transhumance correspond à une pratique traditionnelle de l’élevage ovin et/ou caprin et que ces mouvements d’animaux sont rendus nécessaires par l’absence de fourrage en quantité suffisante pendant la période où la transhumance a lieu. La prime supplémentaire est octroyée aux mêmes conditions que celles prévues pour l’octroi de la prime à la brebis et à la chèvre.

589    Conformément à l’article 4 du règlement n° 2550/2001, pour pouvoir bénéficier de la prime supplémentaire, un producteur dans l’exploitation duquel au minimum 50 %, mais moins de 100 % de la superficie utilisée à des fins agricoles est située dans des zones visées à l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 2529/2001 présente une déclaration ou des déclarations indiquant la localisation de ses terres conformément aux règles suivantes. Premièrement, un producteur qui est tenu de soumettre chaque année au moyen d’un formulaire de demande d’aide « surfaces » prévu à l’article 6 du règlement n° 2419/2001 une déclaration de la superficie agricole utile totale de son exploitation devra indiquer dans cette déclaration les parcelles utilisées à des fins agricoles qui sont situées dans des zones visées à l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 2529/2001. Deuxièmement, un producteur qui n’est pas tenu de présenter la déclaration susmentionnée devra présenter chaque année une déclaration spécifique qui se réfère, le cas échéant, au système d’identification des parcelles agricoles prévu dans le cadre du système intégré. Cette déclaration doit indiquer la localisation de l’ensemble des terres qu’il possède, qu’il loue ou dont il a l’usage par quelque moyen que ce soit, avec une indication de leur superficie et la mention de celles utilisées à des fins agricoles qui sont situées dans des zones visées à l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 2529/2001. Les États membres peuvent prévoir que cette déclaration spécifique est incluse dans la demande de prime à la brebis et/ou à la chèvre. Les États membres peuvent également demander que la déclaration spécifique soit faite au moyen d’un formulaire de demande d’aide « surfaces ». L’article 5 du règlement n° 2550/2001 prévoit des conditions spécifiques pour l’octroi des primes supplémentaires aux producteurs pratiquant la transhumance.

590    S’agissant du système de contrôle applicable à la prime supplémentaire des zones défavorisées, il convient de rappeler que le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355 p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1593/2000 du Conseil, du 17 juillet 2000 (JO L 182, p. 4), a imposé aux États membres l’obligation de créer un SIGC. Conformément à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement, pour être admis au bénéfice notamment du régime d’aide aux ovins et caprins, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d’aides « surfaces » indiquant les parcelles agricoles, y compris les superficies fourragères, les parcelles agricoles faisant l’objet d’une mesure de retrait de terres arables, celles qui ont été mises en jachère et toute autre information nécessaire. Aux termes de l’article 7 dudit règlement, « [l]e [SIGC] porte sur l’ensemble des demandes d’aides présentées, notamment en ce qui concerne les contrôles administratifs, les contrôles sur place et, le cas échéant, les vérifications par télédétection aérienne ou spatiale ». Conformément à l’article 8 dudit règlement, l’État membre procède à un contrôle administratif des demandes d’aides. Les contrôles administratifs sont complétés par des contrôles sur place portant sur un échantillon des exploitations agricoles. Pour l’ensemble de ces contrôles, l’État membre établit un plan d’échantillonnage.

591    Conformément à l’article 15 du règlement n° 2419/2001, les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides. L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 2419/2001 dispose que, « [s]’il est prévu que certains éléments du contrôle sur place peuvent être mis en œuvre sur la base d’un échantillon, celui‑ci doit assurer un niveau de contrôle fiable et représentatif », que « [l]es États membres établissent les critères de sélection de l’échantillon » et que, « [s]i le contrôle de l’échantillon révèle des irrégularités, la taille et la base de l’échantillon sont élargies en conséquence ». Conformément à l’article 19 du règlement n° 2419/2001, dans sa version initiale, applicable pour les demandes de l’année 2003, les exploitants soumis à des contrôles sur place sont sélectionnés par l’autorité compétente sur la base d’une analyse des risques ainsi que de la représentativité des demandes d’aide introduites. L’analyse des risques tient compte, notamment, des exploitants qui se situent immédiatement au-dessus ou au‑dessous des limites pertinentes pour l’octroi des aides.

592    Les services de la Commission ont constaté qu’il n’existait pas de critères de risques précis pour les contrôles relatifs aux primes supplémentaires dans les régions défavorisées pour l’année 2003. Jusqu’en 2004, il n’aurait pas existé de contrôles spécifiques, visant à localiser les exploitations qui avaient soumis une demande de prime supplémentaire. À partir de 2004, des critères de risque précis ont été pris en compte pour la sélection des contrôles sur place. Un pourcentage de 8 % des exploitations sélectionnées aurait été des exploitations dont le pourcentage de superficie se trouvant dans des régions défavorisées était proche du seuil prévu de 50 %. Sur cet échantillon, dans 21,7 % des cas, les contrôles auraient révélé des irrégularités qui se seraient avérées rétrospectivement représenter un risque qui n’aurait pas été couvert les années précédentes (points 11.2.1 et 11.2.5 du rapport de synthèse).

593    La République hellénique soutient que les producteurs en cause demandaient et recevaient l’aide supplémentaire après contrôle. Ces éleveurs devaient, conformément aux dispositions internes de l’Opekepe, compléter les renseignements cartographiques de toutes les superficies utilisées dans l’agriculture auprès de l’organisme de réception des demandes pour le SIGC. Les contrôles destinés à vérifier l’exactitude des éléments déclarés auraient été réalisés au moyen du programme SIGC. Les déclarations des producteurs auraient été soumises à des contrôles administratifs, puis insérées dans les demandes globales afin d’en extraire l’échantillon des contrôles sur place. À défaut de déclaration de superficies dans le cadre du SIGC ou lorsque les contrôles réalisés prouvaient que le pourcentage minimal de 50 % des superficies dans des zones défavorisées n’était pas atteint, les producteurs concernés ne recevaient pas la prime supplémentaire et les sanctions appropriées leur étaient imposées.

594    À cet égard, en premier lieu, force est de constater que la République hellénique, par la lettre de l’Opekepe du 21 juillet 2005, adressée à la Commission, a admis qu’elle avait effectué une analyse des risques seulement pour les demandes de l’année 2004 concernant la prime supplémentaire des zones défavorisées.

595    En deuxième lieu, il convient également de constater que la République hellénique ne conteste pas, en substance, le véritable grief des services de la Commission, à savoir leur constatation selon laquelle elle n’a effectué aucun contrôle spécifique et aucune analyse des risques pour la sélection de l’échantillon des contrôles relatifs aux demandes de l’année 2003 concernant la prime supplémentaire des zones défavorisées. Elle se limite à affirmer, en substance, que ses services vérifiaient, à l’aide du programme informatique SIGC, que les superficies déclarées par le producteur concerné se situaient bien dans les zones défavorisées. Or, la véracité de chaque déclaration, tenant à la question de savoir si le producteur concerné utilisait effectivement les superficies déclarées et s’il n’utilisait pas des superficies différentes, ne saurait être vérifiée à travers un tel contrôle. Des contrôles sur place étaient nécessaires à cet égard et la sélection d’un échantillon approprié sur la base des critères prévus constituait un préalable administratif nécessaire à la réalisation de tels contrôles. C’est précisément sur ces deux dernières questions, à savoir la réalisation de contrôles sur place et la sélection d’un échantillon approprié pour de tels contrôles, que portent les reproches faits par la Commission aux autorités helléniques.

596    En troisième lieu, force est de constater que la République hellénique n’avance aucun argument pour remettre en question les constatations de la Commission selon lesquelles les contrôles nationaux de 2004 ont révélé des irrégularités qui se sont avérées rétrospectivement représenter un risque n’ayant pas été couvert les années précédentes.

597    La République hellénique soutient encore que de nombreux producteurs âgés, éleveurs traditionnels dont le cheptel ne varie pas, ne complétaient pas, par inadvertance, la case pertinente dans leur demande de prime supplémentaire des zones défavorisées. Les fonctionnaires de l’autorité compétente, qui connaîtraient ces éleveurs, complèteraient de bonne foi cette case dans leur demande, afin d’éviter qu’ils ne subissent un préjudice. D’ailleurs, les mauvaises conditions climatiques empêcheraient les intéressés de se déplacer pour corriger eux‑mêmes leur demande.

598    À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 12 du règlement n° 2419/2001, « une demande d’aide peut être rectifiée à tout moment après son introduction en cas d’erreur manifeste reconnue par l’autorité compétente ».

599    Toutefois, il ressort du point 11.2.1 du rapport de synthèse que le reproche fait aux autorités helléniques au sujet de la correction d’office des prétendues erreurs manifestes portait sur les corrections des demandes dans lesquelles l’éleveur concerné avait ou n’avait pas coché la case concernant la prime supplémentaire pour les zones défavorisées lorsque la base de données contenait une information allant dans le sens contraire. Dans ces cas, les autorités helléniques modifieraient d’office la demande, considérant qu’il s’agissait de la correction d’une erreur manifeste.

600    Or, si l’article 12 du règlement n° 2419/2001 permet la correction d’erreurs manifestes même après l’expiration du délai pour l’introduction de la demande, il ne ressort ni du libellé ni de l’esprit de cette disposition que de telles corrections peuvent être apportées d’office, sans la demande ou même la connaissance et l’accord de l’éleveur concerné qui, en définitive, doit assumer la responsabilité des déclarations contenues dans sa demande et en subit les conséquences dans l’hypothèse où celles‑ci s’avèrent fausses.

601    Les arguments de la République hellénique résumés au point 597 ci‑dessus ne sauraient remettre en cause cette considération. Certes, rien ne s’oppose à ce que les services compétents, lorsqu’ils constatent, sur le fondement des informations contenues dans la base de données pertinente et des connaissances personnelles de leurs fonctionnaires, qu’un éleveur susceptible d’avoir droit à la prime supplémentaire ne l’a pas demandée à la suite d’une erreur manifeste, attirent son attention sur cette erreur et l’invitent à la rectifier. En revanche, une telle constatation ne saurait permettre auxdits fonctionnaires d’effectuer d’office la rectification. Les éventuelles difficultés empêchant les éleveurs de se présenter aux bureaux de l’autorité compétente pour effectuer la rectification en personne ne justifient pas une conclusion contraire, dans la mesure où une demande de rectification peut être soumise à distance, à travers les moyens techniques de communication dont, par exemple, le téléphone, sous condition qu’une trace écrite appropriée de la rectification ainsi effectuée soit conservée.

602    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la République hellénique n’est pas non plus parvenue à remettre en question les constatations des services de la Commission relatives à la prime supplémentaire des zones défavorisées.

–       Sur le taux de la correction financière imposée

603    La République hellénique fait valoir que le taux de correction de 10 % imposé n’est pas justifié au regard du risque de pertes pour le FEOGA résultant des constatations litigieuses des services de la Commission.

604    Premièrement, la République hellénique relève que la Commission a admis avoir constaté des améliorations dans le déroulement des contrôles par rapport aux enquêtes précédentes. Par conséquent, selon elle, la Commission ne pouvait pas conclure qu’il existait des insuffisances répétées justifiant l’imposition d’un taux de correction financière de 10 %. Ce pourcentage serait disproportionné et aurait dû être fixé à 5 %.

605    Deuxièmement, le règlement n° 21/2004 aurait modifié le cadre réglementaire relatif aux primes pour les caprins et ovins. Par conséquent, toute prétendue omission relative à la tenue des registres et à la procédure des contrôles qui aurait pu être constatée dans le cadre d’enquêtes antérieures, c’est‑à‑dire par rapport au régime réglementaire antérieurement applicable, n’aurait pas dû être considérée comme un fait répété, ni être prise en compte et constituer une base juridique pour justifier un taux de correction financière de 10 % dans le cadre de l’enquête en cause. Par conséquent, dans le cadre de cette enquête, la Commission aurait dû imposer une correction financière de 5 %.

606    Troisièmement, les autorités compétentes auraient pris toutes les mesures nécessaires pour appliquer correctement les règlements de l’Union relatifs à la tenue des registres des exploitations. Quant aux défaillances constatées par la Commission lors des contrôles, elles seraient dues à des difficultés objectives d’adaptation de l’ensemble des éleveurs, âgés pour la plupart, et il aurait fallu davantage de temps pour les surmonter. La Commission n’aurait pas pris en compte ces difficultés objectives quand elle a imposé la correction financière de 10 %, qui est excessive et disproportionnée et aurait dû être de 5 %.

607    Quatrièmement, les ressources du FEOGA n’auraient pas été exposées à un risque pouvant justifier l’imposition d’un pourcentage de correction de 10 %, compte tenu, d’une part, des améliorations relevées en matière d’information et de sensibilisation des éleveurs, de comptage des animaux et de réglementations relatives à l’imposition de sanctions et, d’autre part, du fait que le paiement des aides tiendrait compte des résultats plus sévères des contrôles de second niveau. La Commission n’aurait pas apprécié correctement ces données pour déterminer le niveau de risque pour le FEOGA, afin que le taux des corrections soit proportionnel à ce risque.

608    À cet égard, il convient de relever qu’il résulte des orientations que les corrections financières sont calculées en fonction du niveau de manquement de l’État membre à ses obligations et compte tenu des conséquences qui en découlent pour les dépenses de l’Union.

609    En application de l’annexe 2 des orientations, lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières ne peut pas être déterminé, la Commission applique des corrections forfaitaires s’élevant à 2, 5, 10 ou 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.

610    En particulier, conformément à l’annexe 2 des orientations, lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou le sont si mal ou si rarement qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 10 % des dépenses déclarées dès lors qu’il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

611    Il convient, par ailleurs, de rappeler la jurisprudence selon laquelle, s’il appartient à la Commission de démontrer l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, il revient à l’État membre, une fois cette violation établie, de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêt du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, point 511 supra, point 67).

612    En l’espèce, les services de la Commission ont constaté un certain nombre de défaillances caractérisant le système hellénique de contrôle des primes dans le secteur des viandes ovine et caprine, parmi lesquelles figurent le non-respect, par les exploitants, de leurs obligations relatives à la tenue d’un registre, qui n’a pas fait l’objet de sanctions appropriées de la part de l’État membre concerné. Selon ces services, le non-respect desdites obligations présente un lien avec les autres carences constatées, telles que celles liées à l’absence de vérification du respect de la période de rétention, à l’absence de vérification de l’âge des animaux pour lesquels une demande a été introduite à la fin de la période de rétention, aux retards concernant les contrôles sur place et à l’absence de vérification par les contrôleurs nationaux de l’exactitude des inscriptions contenues dans les registres du troupeau, aboutissant ainsi à l’absence de tout système de contrôle viable. La mauvaise qualité des contrôles sur place n’a fait qu’aggraver la situation, aggravation qui a été confirmée par les contrôles de second niveau effectués en 2003 par les autorités helléniques.

613    Ainsi qu’il a déjà été relevé, la République hellénique n’est pas parvenue à remettre en question l’exactitude matérielle des constatations des services de la Commission.

614    En ce qui concerne la gravité des carences constatées, le Tribunal a déjà noté l’importance que revêt la tenue régulière du registre du troupeau dans le système de contrôle des primes animales. Une carence à ce niveau affecte la réalisation d’un contrôle clé au sens des orientations, en ce sens qu’elle fait obstacle au contrôle des éléments conditionnant l’éligibilité aux primes animales. En effet, ainsi que la Commission le souligne, ledit registre sert à attester du nombre d’animaux éligibles présents dans l’exploitation pendant toute la période de rétention, sur la base duquel la prime à la brebis et la prime à la chèvre sont octroyées.

615    S’agissant de l’argument de la République hellénique tiré des améliorations dans le déroulement des contrôles prétendument constatées par la Commission par rapport aux enquêtes précédentes (point 604 ci‑dessus), il convient de relever que la Commission n’a constaté que des améliorations d’une importance mineure, en matière de comptage des animaux. Au contraire, ainsi qu’il ressort du point 11.2.3 du rapport de synthèse, les contrôles qui ont eu lieu en 2004 et en 2005 n’ont pas montré que la situation s’était nettement améliorée en Grèce en 2003 et en 2004 en ce qui concerne les principaux problèmes, notamment les graves carences dans les registres des exploitations qui rendent inefficace l’ensemble du système de contrôle et l’absence de sanctions. La mauvaise qualité des contrôles sur place n’aurait fait qu’aggraver la situation.

616    Pour ce qui est de l’argument selon lequel les carences relatives à la tenue du registre auraient à tort été qualifiées de répétées (point 605 ci‑dessus), il convient de préciser, d’emblée, que la Commission n’a pas appliqué en l’espèce une majoration de taux en raison de la récurrence des carences. Ainsi qu’il ressort du point 11.2.3 du rapport de synthèse, elle a appliqué une correction à hauteur de 10 % pour les motifs évoqués à l’annexe 2 des orientations (voir point 610 ci‑dessus). Les références de la Commission à la persistance des faiblesses visaient seulement à étayer sa conclusion selon laquelle la situation, durant les années litigieuses, ne s’était pas améliorée par rapport aux années précédentes. Dans ces conditions, l’argument en cause de la République hellénique est fondé sur une prémisse erronée et doit être écarté.

617    Dans la mesure où la République hellénique invoque de prétendues difficultés objectives d’adaptation de l’ensemble des éleveurs à leurs obligations de tenue des registres, il suffit de relever que de telles difficultés, à les supposer établies, n’excluent pas l’existence d’un risque pour le FEOGA résultant des carences constatées et, partant, ne sauraient faire obstacle à l’imposition d’une correction financière appropriée. En tout état de cause, il convient de rappeler que la Commission avait également constaté que les autorités helléniques avaient omis d’imposer les sanctions appropriées pour assurer le respect des obligations relatives à la tenue du registre.

618    Du reste, il convient de relever que l’argumentation de la République hellénique résumée aux points 606 à 607 ci‑dessus ne constitue que la simple répétition des arguments visant à contester les constatations de la Commission qui ont déjà été examinés et rejetés. Quant à l’affirmation selon laquelle le taux de correction financière appropriée s’élèverait à seulement 5 %, elle n’est étayée d’aucune précision ou justification.

619    À défaut d’autres arguments en sens contraire avancés par la République hellénique, il convient de conclure que cette dernière n’est pas parvenue à démontrer que l’imposition, par rapport aux dépenses litigieuses, d’un taux de correction de 10 % serait entachée d’une quelconque illégalité.

620    Le vingt‑troisième moyen doit donc également être rejeté et, dès lors, le recours dans son entièreté.

 Sur les dépens

621    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

622    La République hellénique ayant succombé et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2012.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des cultures arables

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du tabac brut

Sur la correction relative aux obligations en matière de conditionnalité

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

Sur la correction appliquée aux dépenses effectuées dans le cadre des mesures spécifiques pour certains produits agricoles en faveur des îles mineures de la mer Égée

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des viandes ovine et caprine

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des cultures arables

Constatations des services de la Commission lors de la procédure administrative

Sur le premier moyen, tiré de l’inexistence d’une base juridique valable pour l’application, en l’espèce, des lignes directrices de la Commission pour le calcul de corrections forfaitaires

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité du fait de l’application du taux de correction prévu dans les orientations

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit de l’Union du fait de l’imposition d’une correction forfaitaire en raison de l’absence d’actualisation du SIPA‑SIG

Sur le quatrième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du tabac brut

Constatations des services de la Commission lors de la procédure administrative

Sur le cinquième moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées des dispositions de l’article 31 du règlement no 1290/2005

Sur le sixième moyen, tiré d’une exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 2848/98

Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Sur le huitième moyen, tiré de l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la livraison tardive du tabac

Sur le neuvième moyen, relatif à la cession de certains contrats de culture

Sur le dixième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 5 et de l’article 6, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 2075/92

Sur la correction relative aux obligations en matière de conditionnalité

Constatations de la décision attaquée

Cadre juridique

Sur le onzième moyen, tiré de l’absence d’une base juridique valable pour l’imposition de corrections en matière de conditionnalité

Sur le douzième moyen, tiré de l’application prétendument rétroactive du document AGRI/2005/64043 de la Commission

Sur le treizième moyen, tiré de la violation de l’obligation de coopération et de l’équité

Sur le quatorzième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits

– Sur l’absence de preuve de la réalisation de contrôles efficaces dans les secteurs de l’environnement et des BCAE

– Sur l’absence de contrôle de l’intégralité des agriculteurs sélectionnés

– Sur l’absence de réalisation des contrôles relatifs aux exigences ayant trait à l’identification et à l’enregistrement des porcins

– Sur le caractère prétendument imprécis et lacunaire des lignes directrices communiquées par les autorités helléniques aux contrôleurs

– Sur la non‑imposition de réductions et d’exclusions

– Sur les faiblesses dans la réalisation des contrôles secondaires

– Sur l’avis de l’organe de conciliation

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

Sur le quinzième moyen, tiré d’une interprétation erronée des dispositions pertinentes du règlement n° 1621/1999 et d’erreurs de fait

– Cadre juridique

– Sur le rendement minimal des parcelles destinées à la production du raisin sec et sur sa réduction par les autorités helléniques

– Sur la spécialisation des parcelles

Sur le seizième moyen, tiré des erreurs de fait et de droit ayant entaché la détermination du taux de correction financière à imposer en ce qui concerne la sultanine

Sur le dix‑septième moyen, tiré d’une appréciation erronée du taux de correction financière à imposer en ce qui concerne les raisins secs de Corinthe

Sur le dix‑huitième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits relative aux carences du casier vitivinicole

Sur le dix‑neuvième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits relative aux faiblesses en matière de gestion et de contrôle

Sur la correction forfaitaire appliquée aux dépenses déclarées par la République hellénique pour les exercices financiers 1999 à 2001 (secteur du stockage public) relatives aux aides communautaires au maintien des oliveraies dans les îles mineures de la mer Égée

Sur le vingtième moyen, tiré de la violation de l’article 264 et de l’article 266, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’autorité de la chose jugée

Sur le vingt‑et‑unième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999 et du délai raisonnable

Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des viandes ovine et caprine

Sur le vingt‑deuxième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

Sur le vingt‑troisième moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits et de la violation du principe de proportionnalité

– Constatations des services de la Commission lors de la procédure administrative

– Sur la tenue des registres et l’imposition de sanctions

– Sur les contrôles sur place et les contrôles administratifs

– Sur la prime supplémentaire des zones défavorisées

– Sur le taux de la correction financière imposée

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.