Language of document : ECLI:EU:T:2014:1089

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

4 décembre 2014 (*)

« Concurrence – Action en dommages et intérêts introduite devant une juridiction nationale – Demande de coopération – Article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1/2003 – Décision de la Commission de communiquer des informations à une juridiction nationale – Retrait de la demande – Retrait de la décision – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑164/12,

Alstom, établie à Levallois-Perret (France), représentée initialement par Me J. Derenne, avocat, MM. N. Heaton, P. Chaplin et M. Farley, solicitors, puis par Me Derenne et MM. Heaton et Chaplin,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Antoniadis, MM. N. Khan et P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

National Grid Electricity Transmission plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. A. Magnus, C. Bryant, E. Coulson, solicitors, J. Turner, D. Beard, QC, et Mme L. John, barrister,

partie intervenante,

ayant pour objet l’annulation de la décision de la Commission, communiquée à la requérante par lettre du directeur général de la direction générale de la concurrence de la Commission, du 26 janvier 2012, portant la référence D/2012/006840, de donner suite à la demande de coopération de la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles)], en ce qu’elle implique la divulgation d’informations prétendument couvertes par le secret professionnel figurant dans sa réponse à la communication des griefs dans l’affaire COMP/F/38.899 – Appareillages de commutation à isolation gazeuse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

 Remarque préliminaire

1        Jusqu’au 8 janvier 2004, la requérante, à savoir Alstom, était la société mère d’un groupe auquel appartenaient également Areva T & D Holding SA, Areva T & D SA et Areva T & D AG. Au 8 janvier 2004, elle a cédé ces trois dernières sociétés à Areva, qui les lui a ensuite recédées, le 7 juin 2010. Alstom a renommé les trois sociétés ainsi réacquises respectivement T & D Holding (puis Alstom Holdings, après restructurations internes datées des 30 et 31 mars 2012), Alstom Grid SAS et Alstom Grid AG (ci-après, ensemble et indépendamment de la société mère concernée, les « sociétés Grid »).

 Procédure devant la Commission et devant les juridictions de l’Union européenne

2        Le 3 mars 2004, ABB Ltd a signalé à la Commission l’existence de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des appareillages de commutation à isolation gazeuse (ci-après les « AIG ») et a présenté une demande orale d’immunité des amendes, conformément à la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence »).

3        La demande orale d’immunité des amendes présentée par ABB a été complétée, notamment le 7 mai 2004, par des observations orales et des preuves documentaires. Le 25 avril 2004, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à ABB.

4        Sur la base des déclarations d’ABB, la Commission a entamé une enquête et a mené, les 11 et 12 mai 2004, des inspections dans les locaux de plusieurs sociétés actives dans le secteur des AIG.

5        Entre le 14 et le 25 mai 2004, Areva et les sociétés Grid ont coopéré avec la Commission et lui ont fourni, en vertu de la communication sur la clémence, diverses preuves documentaires ainsi que des informations, qu’elles ont complétées par la suite, à la demande de la Commission.

6        Le 20 avril 2006, la Commission a adopté une communication des griefs dans l’affaire COMP/F/38.899 – AIG à laquelle, d’une part, Alstom a répondu le 30 juin 2006 (ci-après la « réponse d’Alstom » ou la « réponse à la communication des griefs ») et, d’autre part, Areva et les sociétés Grid ont répondu conjointement, le même jour qu’Alstom.

7        Le 24 janvier 2007, la Commission a adopté la décision C (2006) 6762 final dans cette affaire, sanctionnant notamment Alstom, Areva et les sociétés Grid pour leur participation à une entente sur le marché des AIG. Le 18 avril 2007, Alstom, d’une part, et Areva et les sociétés Grid, d’autre part, ont introduit un recours en annulation contre cette décision. Le recours d’Alstom a été enregistré sous la référence T‑117/07, celui d’Areva et des sociétés Grid sous la référence T‑121/07. Par ordonnance du 12 mars 2009, le président de la deuxième chambre a décidé de joindre les deux affaires.

8        Par arrêt du 3 mars 2011, Areva e.a./Commission (T‑117/07 et T‑121/07, EU:T:2011:69), le Tribunal a réformé les amendes infligées à Alstom ainsi qu’à Areva et aux sociétés Grid. Areva, d’une part, et Alstom et les sociétés Grid, d’autre part, ont formé pourvoi contre cet arrêt (affaires jointes C‑247/11 P et C‑253/11 P, Areva/Commission), respectivement, les 24 et 25 mai 2011.

9        Par arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, Rec, EU:C:2014:257), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du Tribunal, réformé les amendes infligées à Alstom ainsi qu’à Areva et aux sociétés Grid et rejeté les pourvois pour le surplus.

 Procédure devant la High Court of Justice (England & Wales)

10      Le 17 novembre 2008, National Grid Electricity Transmission plc (ci-après « NGET ») a intenté une action en dommages et intérêts à l’encontre, notamment, d’Alstom, d’Areva et des sociétés Grid devant la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles)] (ci-après la « High Court »), au motif que les prix qu’elle avait payés pour les AIG achetés entre 1988 et 2004 auprès de sociétés impliquées dans l’entente sur le marché de ces produits étaient excessifs en raison de l’existence de cette infraction.

11      Dans le cadre de cette procédure, NGET a demandé que soient communiquées la réponse d’Alstom et celle d’Areva et des sociétés Grid. La High Court a statué sur cette demande par un jugement et une ordonnance du 4 juillet 2011 puis, après avoir rendu une ordonnance du 11 juillet 2011 établissant un « cercle de confidentialité », dont l’objet était de protéger les informations, par nature, couvertes par le secret professionnel figurant dans les documents rendus accessibles aux parties à la procédure devant elle, cette même juridiction a demandé, par lettre du 13 juillet 2011, la communication par la Commission, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), de la réponse d’Alstom et de celle d’Areva et des sociétés Grid (ci-après la « demande de coopération »). Par lettre du 25 juillet 2011, Alstom et les sociétés Grid ont présenté leurs observations à la Commission au sujet de la demande de coopération.

12      Le 28 octobre 2011, la Commission a envoyé une lettre à la High Court l’informant de son intention de donner suite à sa demande de coopération, en précisant toutefois qu’elle devait en informer auparavant, notamment, Alstom, les sociétés Grid et Areva. Par lettres du 26 janvier 2012 portant la référence D/2012/006840 et la référence D/2012/006863, la Commission a informé respectivement Alstom et les sociétés Grid, d’une part, et Areva, d’autre part, de sa décision de donner suite à la demande de coopération ainsi que des documents qu’elle entendait, dans ce cadre, communiquer à la High Court, si elles ne contestaient pas sa décision devant le juge de l’Union.

13      Le 21 février 2012, Alstom et les sociétés Grid ont informé la Commission de leur intention d’introduire un recours contre sa décision de donner suite à la demande de coopération ainsi qu’une demande en référé devant le président du Tribunal.

 Procédure

14      Le 10 avril 2012, Alstom et les sociétés Grid ont introduit le présent recours, qui a été enregistré sous la référence T‑164/12 et attribué à la quatrième chambre du Tribunal. Par ce recours, Alstom et les sociétés Grid ont demandé l’annulation de la décision de la Commission de donner suite à la demande de coopération, en ce que celle-ci impliquait la divulgation, d’une part, d’informations, par nature, couvertes par le secret professionnel (secrets d’affaires et autres informations confidentielles) figurant dans sa réponse à la communication des griefs et, d’autre part, des éléments d’informations fournis par Areva et les sociétés Grid dans le cadre de la communication sur la clémence, lesquelles figuraient dans la réponse d’Alstom et la réponse d’Areva et des sociétés Grid.

15      Par acte séparé du même jour, Alstom et les sociétés Grid ont déposé une demande en référé visant à suspendre l’exécution de la décision de donner suite à la demande de coopération, conformément aux articles 278 TFUE et 279 TFUE. Cette demande a été enregistrée sous la référence T‑164/12 R.

 Sur le désistement des sociétés Grid et sur l’adaptation des conclusions et des moyens d’Alstom

16      Après réception du recours et de la demande en référé, la Commission a pris acte du grief d’Alstom et des sociétés Grid selon lequel, malgré l’exclusion des éléments fournis dans le cadre de la communication sur la clémence du champ d’application de la demande de coopération, la version de la réponse d’Alstom et de celle d’Areva et des sociétés Grid qu’elle avait décidé de communiquer incluait de tels éléments. Par lettre du 26 avril 2012, la Commission a informé Alstom et les sociétés Grid de sa décision de ne pas communiquer lesdits éléments à la High Court.

17      Le 21 mai 2012, Alstom et les sociétés Grid ont déposé au greffe du Tribunal une lettre l’informant que, à la suite de la décision qui leur avait été communiquée par la Commission le 26 avril 2012, la version modifiée de la réponse d’Areva et des sociétés Grid ne soulevait plus de problèmes importants et que, par conséquent, les sociétés Grid avaient décidé de se désister de la procédure au principal et de retirer leur demande en référé. En outre, prenant acte de la décision de la Commission, Alstom a adapté ses conclusions et ses moyens, compte tenu de la perte de pertinence de certains de ses moyens et documents annexés au soutien de sa demande.

18      Le 29 mai 2012, la Commission a déposé ses observations sur les demandes de désistement et d’adaptation des conclusions et des moyens de la demande en référé.

19      Le 13 juin 2012, le président du Tribunal a adopté une ordonnance de radiation partielle dans l’affaire T‑164/12 R afin d’enlever le nom des sociétés Grid de la liste des parties requérantes.

20      Le 14 juin 2012, la Commission a déposé ses observations sur les demandes de désistement et d’adaptation des conclusions et des moyens du recours au principal.

21      Le 10 juillet 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a supprimé par ordonnance le nom des sociétés Grid de la liste des parties requérantes dans l’affaire au principal et condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par les sociétés Grid, afférents à la procédure au principal et à la procédure de référé.

 Sur la demande d’intervention de NGET et sur la demande de traitement confidentiel de la requérante

22      Le 1er mai 2012, NGET a déposé une demande en intervention dans l’affaire T‑164/12 R au soutien des conclusions présumées de la Commission. Par lettre du 22 mai 2012, la Commission a informé le président du Tribunal qu’elle n’avait pas d’objection à cet égard. Le 23 mai 2012, Alstom a communiqué ses observations sur cette demande, dans lesquelles elle précisait, en substance, ne pas s’opposer à cette intervention. Par acte séparé daté du même jour, Alstom a introduit une demande de traitement confidentiel à l’égard des informations et documents fournis dans le cadre de l’affaire T‑164/12 R. Le 6 juin 2012, NGET a déposé une lettre indiquant qu’un aspect de la procédure nationale avait été présenté de manière incorrecte par Alstom dans ses observations sur la demande en intervention et, à cette occasion, a réitéré l’importance de son admission à intervenir afin qu’elle puisse éclairer le président du Tribunal sur la nature et le statut de la procédure devant la High Court.

23      Le 10 juillet 2012, NGET a déposé une demande en intervention au soutien des conclusions de la Commission dans la présente affaire, qui n’a fait l’objet d’aucune objection ni de la part de la Commission ni de la part de la requérante. Cette dernière a cependant introduit, le 7 août 2012, une demande de traitement confidentiel à l’égard des informations et documents fournis dans le cadre de la présente affaire.

24      Par ordonnance du 4 septembre 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de NGET dans la présente affaire. Le 13 septembre 2012, le président du Tribunal a adopté une ordonnance admettant NGET à intervenir dans le cadre de l’affaire T‑164/12 R. Sans préjudice de l’appréciation du juge des référés quant au bien-fondé de la demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle, préparée par Alstom, des documents fournis dans le cadre de la demande en référé a notamment été transmise à NGET, qui a été invitée à présenter ses observations éventuelles à cet égard.

25      Le 27 septembre 2012, NGET a déposé ses observations sur la demande de traitement confidentiel introduite par Alstom dans lesquelles elle déclarait s’en remettre à l’appréciation du Tribunal quant à la possibilité d’adopter des mesures procédurales permettant de l’entendre sur cette problématique. Le 8 octobre 2012, le greffe du Tribunal a signifié ce document à Alstom et à la Commission.

26      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 29 novembre et le 21 décembre 2012, la requérante a confirmé respectivement que la duplique et les observations de la Commission sur le mémoire en intervention ne contenaient aucune information confidentielle et pouvaient être communiquées, en l’état, à NGET.

 Sur la procédure de référé

27      Le 10 mai 2012, la Commission a déposé ses observations sur la demande en référé.

28      Le 27 septembre 2012, NGET a déposé son mémoire en intervention.

29      Après adaptation de ses conclusions et de ses moyens, la requérante a conclu, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision de la Commission de donner suite à la demande de coopération, en ce qu’elle implique la divulgation d’informations, par nature, couvertes par le secret professionnel figurant dans sa réponse à la communication des griefs, jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au principal ;

–        ordonner le traitement confidentiel, dans le cadre de la procédure de référé, des informations couvertes par le secret professionnel figurant dans sa réponse à la communication des griefs ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission, soutenue par NGET, a conclu en substance à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      Par ordonnance du 29 novembre 2012, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision de la Commission de donner suite à la demande de coopération, en lui communiquant la version confidentielle de la réponse d’Alstom, rejeté la demande en référé pour le surplus et réservé les dépens de la procédure de référé.

 Sur la procédure au principal et conclusions des parties

32      Le 15 mai 2012, après avoir constaté qu’un membre de la quatrième chambre était empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la quatrième chambre.

33      Le 25 juin 2012, la Commission a déposé un mémoire en défense.

34      Le 18 septembre 2012, la requérante a déposé un mémoire en réplique.

35      Le 17 octobre 2012, NGET a déposé un mémoire en intervention.

36      Le 14 novembre 2012, la Commission a déposé un mémoire en duplique.

37      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 5 décembre 2012, la requérante et la Commission ont respectivement fait valoir leurs observations sur le mémoire en intervention.

38      Après adaptation de ses conclusions et de ses moyens (point 17 ci-dessus), la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission, qui lui a été communiquée par la lettre du 26 janvier 2012, de donner suite à la demande de coopération, en ce qu’elle implique la divulgation d’informations, par nature, couvertes par le secret professionnel figurant dans sa réponse à la communication des griefs (ci-après la « décision attaquée ») ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission, soutenue par NGET, conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

40      Le 22 janvier 2013, la Commission a déposé une demande de traitement prioritaire, en vertu de l’article 55, paragraphe 2, du règlement de procédure.

41      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 février 2013, la requérante a confirmé que la demande de traitement prioritaire ne contenait aucune information confidentielle et pouvait être communiquée, en l’état, à NGET.

42      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir du 23 septembre 2013, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

43      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. Les réponses de la requérante et de la Commission aux questions du Tribunal ne contenant pas d’informations confidentielles, elles ont pu être communiquées à NGET.

44      Dans sa lettre en réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 13 février 2014, la Commission a présenté au Tribunal de nouvelles offres de preuves concernant des développements intervenus dans la procédure devant la High Court et qui pourraient priver le présent recours de son objet.

45      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 2014, la requérante a indiqué ne pas s’opposer à ce que les nouvelles offres de preuves présentées dans la lettre du 13 février 2014 soient versées au dossier. Elle a, en outre, indiqué que, selon elle, les derniers développements procéduraux devant la High Court n’avaient pas privé le présent recours de son objet. Enfin, la requérante a confirmé que ces nouvelles offres de preuves ne contenaient aucune information confidentielle et pouvaient être communiquées, en l’état, à NGET.

46      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 mars 2014, la Commission a présenté au Tribunal une nouvelle offre de preuves concernant une demande qu’elle venait d’adresser à la High Court en vue de savoir si, compte tenu des derniers développements procéduraux devant elle, la demande de coopération était devenue superflue.

47      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2014, la requérante a confirmé que la nouvelle offre de preuves présentée dans la lettre du 24 mars 2014 ne contenait aucune information confidentielle et pouvait être communiquée, en l’état, à NGET.

48      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 31 mars 2014, NGET a indiqué ne pas s’opposer à ce que les nouvelles offres de preuves présentées dans la lettre du 13 février 2014 soient versées au dossier. Elle a, par ailleurs, indiqué que les développements procéduraux en cours devant la High Court pourraient aboutir à priver le présent recours de son objet.

49      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 3 avril 2014, la Commission a présenté au Tribunal une nouvelle offre de preuves concernant la réponse de la High Court à sa demande du 2 avril 2014 et par laquelle cette dernière lui confirmait le retrait de sa demande de coopération.

50      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2014, la requérante a confirmé que la nouvelle offre de preuves présentée dans la lettre du 3 avril 2014 ne contenait aucune information confidentielle et pouvait être communiquée, en l’état, à NGET.

51      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2014, la requérante a observé que, nonobstant le retrait de la demande de coopération, elle conservait un intérêt à agir en annulation de la décision attaquée tant que cette dernière n’était pas retirée par la Commission. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2014, NGET a indiqué n’avoir aucune observation à faire sur la nouvelle offre de preuves présentée dans la lettre du 3 avril 2014.

52      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, invité la Commission à lui indiquer si, comme suite au retrait de la demande de coopération, elle avait décidé de retirer la décision attaquée et, le cas échéant, à faire valoir ses observations sur les conséquences qu’il conviendrait d’en tirer pour la présente affaire.

53      Dans sa lettre en réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 11 juin 2014, la Commission a indiqué qu’elle retirait la décision attaquée. Elle a joint, en annexe, la lettre du même jour par laquelle elle notifiait ce retrait à la requérante. Elle a, en outre, demandé, en raison de ce retrait, un non-lieu à statuer dans la présente affaire. Enfin, la Commission a demandé que la requérante soit condamnée à supporter ses propres dépens afférents à la présente procédure et à celle en référé ainsi que les dépens qu’elle a elle-même encourus dans le cadre desdites procédures ou que, à tout le moins, la requérante supporte ses propres dépens afférents à ces mêmes procédures.

54      Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, déposées au greffe du Tribunal le 28 juillet 2014, la requérante a accepté qu’il soit mis fin à la présente procédure. Toutefois, elle a demandé que la Commission soit condamnée à supporter ses propres dépens afférents à la présente procédure et à celle en référé ainsi que les dépens qu’elle a elle-même encourus dans le cadre desdites procédures.

55      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 août 2014, NGET a accepté qu’il soit mis fin à la présente procédure et, en tant qu’intervenante, de supporter ses propres dépens afférents à la présente procédure et à celle en référé.

 En droit

56      Conformément à l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Il résulte de l’article 114, paragraphe 3, de ce même règlement que, sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure est orale.

57      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

58      Il convient de rappeler que le retrait de la décision attaquée en cours d’instance, sauf circonstances exceptionnelles, prive de son objet le recours en annulation dirigé contre ladite décision (voir, en ce sens, ordonnances du 2 septembre 2004, González y Díez/Commission, T‑291/02, EU:T:2004:252, point 16, et du 14 septembre 2011, Regione Puglia/Commission, T‑223/10, EU:T:2011:470, point 24).

59      Le présent recours a pour objet une demande d’annulation de la décision attaquée.

60      Or, postérieurement à l’introduction du présent recours, à savoir le 11 juin 2014, la Commission a confirmé le retrait de la décision attaquée (voir point 53 ci-dessus). Elle considère qu’il n’y a dès lors plus lieu de statuer.

61      De plus, ni la requérante ni l’intervenante ne s’opposent à la demande de non-lieu à statuer.

62      Dans ces conditions, le présent recours est devenu sans objet. Il n’y a, partant, plus lieu de statuer.

 Sur les dépens

63      La Commission demande que la requérante soit condamnée à supporter ses propres dépens afférents à la présente procédure et à celle en référé ainsi que les dépens qu’elle a elle-même encourus dans le cadre desdites procédures ou que, à tout le moins, la requérante supporte ses propres dépens afférents à ces mêmes procédures. Premièrement, elle fait valoir que la présente affaire est purement accessoire à celle devant la High Court, dans laquelle elle n’est ni partie ni intéressée, mis à part le devoir qui lui incombe de répondre à une demande de coopération qui lui a été adressée en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003. Deuxièmement, la Commission soutient que la requérante est à l’origine de la présente affaire, dans la mesure où la demande de coopération était due à l’opposition, légalement non fondée, de celle-ci de communiquer sa réponse à la communication des griefs. Troisièmement, elle observe que la requérante a invoqué, dans le cadre de la présente affaire, des problèmes de confidentialité, liés aux personnes incluses dans le « cercle de confidentialité » (point 11 ci-dessus), qu’elle n’avait pas invoqués dans la procédure devant la High Court. Quatrièmement, la Commission estime manifeste que la requérante a engagé la présente procédure à seule fin de retarder celle devant la High Court. Cinquièmement, elle estime suffisant, au regard du caractère dilatoire de la présente procédure, d’avoir été condamnée à supporter un tiers des dépens exposés par les sociétés Grid dans le cadre de la présente procédure et de celle en référé (point 21 ci-dessus).

64      La requérante demande que la Commission soit condamnée à supporter ses propres dépens afférents à la présente procédure et à celle en référé ainsi que les dépens qu’elle a elle-même encourus dans le cadre desdites procédures. Premièrement, elle fait valoir que ces dernières procédures étaient justifiées afin d’éviter la divulgation non nécessaire, dans la procédure devant la High Court, d’informations, par nature, couvertes par le secret professionnel. Deuxièmement, elle observe qu’elle a eu gain de cause dans la procédure en référé et que, au vu notamment du contenu de l’ordonnance du président du Tribunal du 29 novembre 2012, elle avait également de grandes chances de succès, au fond, dans la présente procédure. Troisièmement, la requérante estime que son comportement dans la présente procédure et dans celle en référé a été irréprochable et, en tout état de cause, nullement abusif. En particulier, l’introduction de la présente procédure et de celle en référé et la poursuite de la présente procédure jusqu’au retrait de la décision attaquée sont légitimes et visent à la seule défense de son droit au respect du secret professionnel dans le cadre de la procédure devant la High Court. Quatrièmement, elle soutient que la circonstance que la décision attaquée ait été adoptée en réponse à une demande de coopération ne fait pas obstacle à l’application, en l’espèce, de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure. Cinquièmement, la requérante avance avoir soulevé, dans le cadre de la procédure devant la High Court, des critiques ou des réserves liées à l’inclusion de certaines personnes dans le « cercle de confidentialité », comme cela a d’ailleurs été constaté dans l’ordonnance du président du Tribunal du 29 novembre 2012.

65      NGET constate qu’aucune autre partie n’a demandé sa condamnation aux dépens. En tant qu’intervenante, elle indique ne pas demander que ses propres dépens soient mis à la charge d’une autre partie.

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

67      En l’espèce, il convient de souligner que la disparition de l’objet du litige est la conséquence de la décision de la Commission de retirer la décision attaquée, elle-même consécutive à la décision de la High Court de retirer sa demande de coopération.

68      Ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, cette dernière décision de la High Court a été motivée par le fait que l’exception soulevée par la requérante, tirée de ce que le droit français lui aurait interdit de donner suite à une ordonnance de divulgation émise conformément au droit anglais, avait été écartée et que, partant, il n’y avait plus d’obstacle à ce qu’elle statue elle-même sur le point de savoir si les parties confidentielles de la réponse d’Alstom devaient être divulguées dans la procédure devant elle.

69      Contrairement à ce que soutient la Commission, il n’est pas établi que la requérante aurait abusé de ses droits en soulevant, dans la procédure devant la High Court, une exception fondée sur une interdiction de divulgation résultant du droit français ou en introduisant la présente procédure ainsi que celle en référé.

70      S’agissant de l’exception fondée sur une interdiction de divulgation résultant du droit français, il ressort des éléments du dossier et, plus précisément, d’un jugement de la High Court du 11 avril 2013, que celle-ci n’a été écartée, comme étant non fondée, qu’au terme d’un examen approfondi des jurisprudences anglaise et française et de rapports d’experts contradictoires et au motif que, à supposer même que la divulgation litigieuse soit interdite par la loi française, il était improbable, en l’état de ce droit, que cette violation donne lieu à des poursuites. Au vu de cet examen et de ce motif, il ne peut être considéré que l’exception soulevée par la requérante était dépourvue, a priori, de tout fondement et que, partant, elle n’a pu être soulevée par celle-ci qu’à des fins purement dilatoires.

71      S’agissant de la présente procédure et de celle en référé, il ressort du dossier que celles-ci ont été introduites par la requérante en vue d’éviter que des informations qu’elle estimait être, par nature, couvertes par le secret professionnel ne soient communiquées à la High Court pour être divulguées au sein du « cercle de confidentialité » dans la procédure devant cette dernière. Au vu de leur objet, visant a priori la défense d’intérêts juridiquement protégés de la requérante, il ne peut être considéré que lesdites procédures ont été introduites par cette dernière à des fins purement dilatoires.

72      Partant, il ne peut être fait grief à la requérante d’avoir, en l’espèce, été à l’origine de l’affaire en soulevant une exception fondée sur une interdiction de divulgation résultant du droit français dans la procédure devant la High Court et en introduisant la présente procédure ainsi que celle en référé.

73      Par ailleurs, il y a lieu d’observer que la décision de la Commission de retirer la décision attaquée n’est que la conséquence inéluctable de la décision de la High Court de retirer sa demande de coopération, laquelle est elle-même liée à de nouveaux développements intervenus dans la procédure devant ladite juridiction (voir, à cet égard, points 67 et 68 ci-dessus), dont ni la Commission ni la requérante ne peuvent être tenues pour responsables.

74      Les circonstances ayant conduit au non-lieu à statuer ayant pour cause un événement indépendant du comportement de la requérante ou de la Commission, il y a lieu de condamner chaque partie principale à supporter ses propres dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure en référé.

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supporte ses propres dépens. En l’espèce, NGET, partie intervenante au soutien de la Commission, supportera ses propres dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure en référé.

Fait à Luxembourg, le 4 décembre 2014.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      H. Kanninen


* Langue de procédure : l’anglais.