Language of document : ECLI:EU:T:2014:956

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

11 novembre 2014 (*)

« Recours en annulation – Réforme du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne – Réduction substantielle du nombre des jours de congé annuel pour des fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑23/14,

Mark Bos, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Ankara (Turquie),

Estelle Kadouch, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Jérusalem (Israël),

Siegfried Krahl, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant Lago Sul (Brésil),

Eric Lunel, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Dakar (Sénégal),

représentés par Me F. Krenc, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par M. L. Visaggio et Mme E. Taneva, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et A. Bisch, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours en annulation, introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, à l’encontre de l’article 1er, point 70, du règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l'Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO L 287, p. 15), en ce que celui-ci modifie l’annexe X du règlement n° 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le règlement n° 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385), dans sa version applicable jusqu’au 1er janvier 2014 (ci-après le « statut »), contient une annexe X relative aux dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers.

2        L’article 6 de l’annexe X du statut prévoyait ce qui suit :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de trois jours et demi ouvrables par mois de service. »

3        L’article 6 de l’annexe X du statut, tel que modifié par l’article 1er, point 70, sous a), du règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO L 287, p. 15), applicable à partir du 1er janvier 2014, prévoit :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de deux jours ouvrables par mois de service.

Nonobstant le premier alinéa du présent article, les fonctionnaires déjà affectés dans un pays tiers au 1er janvier 2014 ont droit :

–        à trois jours ouvrables du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

–        à deux jours ouvrables et demi du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. »

4        Le premier requérant, M. Mark Bos, est agent contractuel de la Commission européenne [direction générale (DG) « Élargissement », affecté à Ankara (Turquie). La deuxième requérante, Mme Estelle Kadouch, est un agent contractuel de la Commission (DG « Développement et coopération »,), affecté à Jérusalem (Israël). Le troisième requérant, M. Siegfried Krahl, est un fonctionnaire de la Commission (DG « Développement et coopération »,) affecté à Brasilia (Brésil). Le quatrième requérant, M. Eric Lunel, est un agent contractuel de la Commission (DG « Affaires maritimes et pêche »), affecté à Dakar (Sénégal).

5        Jusqu’au 1er janvier 2014, les requérants avaient droit, au titre de leur affectation dans un État tiers, à un congé annuel de trois jours et demi par mois de service.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête introduite au greffe du Tribunal le 6 janvier 2014, les requérants ont introduit le présent recours.

7        Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement les 4 et 16 avril 2014, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont, chacun, soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

8        Le 4 juin 2014, les requérants ont déposé leurs observations sur les exceptions soulevées par le Conseil et le Parlement.

9        Dans leur requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement n° 1023/2013, en ce qu’il modifie l’annexe X du statut (article 1er, point 70) ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

10      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

11      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2014, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

 En droit

13      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur la compétence pour connaître d’un recours ou sur la recevabilité de celui-ci sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

14      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

15      Par le présent recours, les requérants visent à obtenir l’annulation de l’article 1er, point 70, du règlement n° 1023/2013, en ce que celui-ci modifie l’annexe X du statut.

16      À l’appui de leur demande en annulation, les requérants soulèvent six moyens. Le premier est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, des articles 20, 21 et de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le deuxième est pris de la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est consacré par l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et par l’article 7 de la charte des droits fondamentaux, et de la violation de l’article 31, paragraphe 2, de ladite charte. Le troisième moyen est pris d’une violation du principe de proportionnalité. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime. Le cinquième moyen est pris de la violation de l’article 10 du statut, des articles 12, 27 et 28 de la charte des droits fondamentaux et de l’article 11 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Enfin, le sixième moyen est tiré de la violation des principes de bonne législation et, en particulier, du devoir de minutie et de motivation.

17      Le Parlement et le Conseil soulèvent, chacun, l’irrecevabilité du recours. Ils font valoir que le recours ne répond pas aux exigences édictées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, en ce que, alors qu’il vise formellement l’annulation de l’article 1er, point 70, du règlement n° 1023/2013 dans sa totalité, les arguments des requérants sont uniquement relatifs aux modifications introduites par l’article 1er, point 70, sous a), du règlement n° 1023/2013 à l’article 6 de l’annexe X du statut. Ils soutiennent, en outre, que les requérants n’ont pas la qualité pour agir, dans la mesure où ils ne sont pas affectés individuellement par l’article 1er, point 70, sous a), du règlement n° 1023/2013.

 Sur la violation de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure

18      Selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêt du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, Rec, EU:T:2012:480, point 107).

19      En l’espèce, il ressort du premier chef de conclusions des requérants que ces derniers visent à obtenir l’annulation de l’article 1er, point 70, du règlement n° 1023/2013, en ce que celui-ci a modifié l’annexe X du statut. L’objet de la demande d’annulation a été confirmé par les requérants, au point 11 de la requête, dans la partie relative à la recevabilité du recours, où il est précisé que « le présent recours vise le règlement n° 1023/2013 en ce qu’il modifie l’annexe X du statut et concerne spécialement les requérants ».

20      À cet égard, il convient de relever que l’article 1er, point 70, sous a) à g), du règlement n° 1023/2013 a modifié, les articles 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13 et 23 de l’annexe X du statut.

21      Or, il ressort de la requête que les arguments et moyens soulevés à l’appui du premier chef de conclusions sont uniquement relatifs à l’article 1er, point 70, sous a), du règlement n° 1023/2013, en ce que celui-ci a modifié l’article 6 de l’annexe X du statut concernant le droit au congé annuel des fonctionnaires affectés sur le territoire d’un État tiers.

22      Dès lors, force est de constater que la requête ne répond pas aux exigences édictées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et que le recours doit, partant, être rejeté comme irrecevable, en ce qu’il vise l’article 1er, point 70, sous b) à g), du règlement n° 1023/2013.

23      Partant, c’est uniquement au regard de l’article 1er, point 70, sous a), du règlement n° 1023/2013, qu’il convient d’apprécier la qualité pour agir des requérants sur le fondement de l’article 263 TFUE.

 Sur l’absence de qualité pour agir

24      Le Parlement et le Conseil soutiennent que la disposition attaquée n’affecte pas les requérants de façon individuelle. Ils soutiennent, en substance, que la disposition attaquée a un caractère général et a donc vocation à s’appliquer à tous les fonctionnaires qui se trouvent ou se trouveront dans l’avenir, objectivement, dans la même situation de droit et de fait que les requérants.

25      À cet égard, il convient de rappeler que le règlement n° 1023/2013 a été adopté sur le fondement de l’article 336 TFUE, conformément à la procédure législative ordinaire. Dès lors, force est de constater qu’il relève de la catégorie des actes de portée générale, de nature législative, à l’égard desquels l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, soumet la recevabilité des recours en annulation, introduits par les personnes physiques ou morales, au respect des conditions d’affectation directe et d’affectation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, points 56 à 60).

26      Il convient également de rappeler que la disposition attaquée est applicables par analogie aux agents contractuels en vertu de l’article 118 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, qui renvoie à l’annexe X du statut en ce qui concerne les agents contractuels affectés dans les pays tiers.

27      Il y a donc lieu de vérifier si, en l’espèce, les requérants répondent aux conditions d’affectation directe et d’affectation individuelle à l’égard de l’article 1er point 70, sous a), du règlement n° 1023/2013.

 Sur l’affectation individuelle

28      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec, EU:C:2011:368, point 52, et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:C:2013:625, point 72).

29      Les requérants soutiennent que leur seule qualité de fonctionnaire leur confère la qualité pour agir à l’encontre des dispositions modifiant le statut.

30      À l’appui de cette thèse, ils font valoir que l’article 263, quatrième alinéa, du TFUE, doit être lu et interprété à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective, tel qu’il est consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, en particulier lorsque les moyens d’annulation invoqués sont tirés, comme en l’espèce, de la violation des droits fondamentaux. Le droit à une protection juridictionnelle effective impliquerait, pour les particuliers, de bénéficier d’un recours directement et immédiatement accessible et apte à redresser la violation en cause. Or, en l’espèce, d’une part, l’exigence d’une affectation individuelle priverait les requérants de la possibilité, inhérente à une Union de droit, d’introduire un recours direct contre les dispositions du statut, qui les concernent et affectent leur situation de manière substantielle. D’autre part, le règlement attaqué étant un acte du droit de l’Union à l’état pur, qui n’appelle pas de mesures d’exécution par les États membres, les requérants seraient privés de la possibilité d’agir devant le juge national en sollicitant de sa part un renvoi préjudiciel en appréciation de validité. Cette situation constituerait un déni de justice et révélerait une faille évidente dans le système de protection juridictionnelle. Selon les requérants, ni la possibilité de provoquer une décision explicite de l’administration à leur égard, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut ni la possibilité de contester la légalité des dispositions du statut par le biais d’une exception d’illégalité ne constitueraient des remèdes suffisants à cette situation. Au demeurant, selon les requérants, la thèse défendue par le Parlement et le Conseil rendrait impossible l’introduction de recours en annulation à l’encontre d’un règlement dès lors qu’un tel acte ne peut, par hypothèse que viser des catégories générales et abstraites.

31      Les requérants soutiennent également que, en tout état de cause, ils sont spécialement et personnellement concernés par les dispositions du règlement n° 1023/2013, qui modifient l’annexe X du statut, dans la mesure où ils sont affectés dans des pays tiers.

32      À cet égard, premièrement, il convient de rejeter d’emblée la thèse des requérants selon laquelle leur seule qualité de fonctionnaire suffirait à leur octroyer la qualité pour agir à l’encontre de la disposition attaquée. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus, le règlement n° 1023/2013 relève, conformément à la jurisprudence, de la catégorie des actes à l’égard desquels l’article 263, quatrième alinéa, TFUE soumet la recevabilité des recours en annulation, introduits par des personnes physiques ou morales, au respect des conditions d’affectation directe et d’affectation individuelle.

33      Les arguments des requérants selon lesquels le fait de soumettre la recevabilité d’un recours en annulation introduit par un particulier à l’égard d’un acte tel que le règlement n° 1023/2013 au respect des conditions d’affectation directe et d’affectation individuelle serait, en substance, contraire à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux doivent être rejetés.

34      En effet, eu égard à la protection conférée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, il convient de relever que cet article n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant les juridictions de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE, et à l’article 52, paragraphe 7, de la charte des droits fondamentaux, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:C:2013:625, point 97).

35      Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, du traité FUE, doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:C:2013:625, point 98).

36      Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale sont protégées contre l’application à leur égard de tels actes. Lorsque la mise en œuvre desdits actes appartient aux institutions de l’Union, ces personnes peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application, dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et invoquer, en vertu de l’article 277 TFUE, à l’appui de ce recours, l’illégalité de l’acte général en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, elles peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de l’Union en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, en vertu de l’article 267 TFUE, à cet égard, la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:C:2013:625, point 93).

37      En l’espèce, le règlement n° 1023/2013 a pour objet de modifier le statut des fonctionnaires de l’Union. Sa mise en œuvre appartient donc aux institutions de l’Union. La protection des particuliers, qui ne remplissent pas les conditions de recevabilité posées par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à l’égard du règlement n° 1023/2013 est assurée par la possibilité d’introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application dudit règlement.

38      L’application du règlement n° 1023/2013 prendra la forme de la mise en œuvre par les institutions de l’Union des dispositions du statut, qu’il a modifiées ou introduites, à l’égard des fonctionnaires de l’Union.

39      S’agissant des conditions dans lesquelles un fonctionnaire de l’Union peut contester la légalité des actes d’application du statut par l’administration à son égard, le traité a prévu une voie de recours spécifique. En effet, conformément à l’article 256 TFUE ainsi qu’à l’article 1er de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et en application de l’article 91 du statut, le Tribunal de la fonction publique est compétent pour connaître en première instance des litiges entre l’Union et ses agents en vertu de l’article 270 TFUE. C’est dans ce cadre que les requérants pourront, le cas échéant, contester la légalité du règlement n° 1023/2013 et, en particulier, de l’article 6 de l’annexe X dudit règlement, sur le fondement de l’article 277 TFUE.

40      Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérants, le fait de soumettre la recevabilité d’un recours introduit par des fonctionnaires de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE aux conditions d’affectation directe et d’affectation individuelle ne porte pas atteinte à leur protection juridictionnelle effective.

41      Deuxièmement, il convient également de rejeter l’argument des requérants selon lequel ils sont individuellement concernés par la disposition attaquée au seul motif qu’ils sont affectés sur le territoire d’un État tiers.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la possibilité de déterminer, au moment de l’adoption de la mesure contestée, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause. D’autre part, il ne suffit pas que certains opérateurs soient économiquement plus affectés par un acte de portée générale que d’autres pour les individualiser par rapport à ces autres opérateurs, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (voir arrêt du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, Rec, EU:T:2010:54, point 106 et jurisprudence citée).

43      Or, force est de constater que les requérants sont affectés par la disposition attaquée dans leur capacité objective en tant que fonctionnaire ou agent contractuel de l’Union affecté sur le territoire d’un État tiers au même titre que tout autre fonctionnaire ou agent contractuel de l’Union placé dans cette situation, visée par l’article 6 de l’annexe X du statut. Dès lors, même si, à l’époque de l’entrée en vigueur de la disposition attaquée, les requérants avaient fait partie d’un groupe restreint de fonctionnaires ou d’agents contractuels de l’Union, ce qui n’est pas démontré en l’espèce, affectés sur le territoire d’un État tiers, cette seule circonstance ne suffirait pas à les individualiser de manière analogue à celle dont un destinataire le serait par rapport à l’ensemble des autres fonctionnaires visés par l’article 6 de l’annexe X du statut.

44      Les requérants restent donc en défaut de démontrer qu’ils sont individuellement affectés par la disposition attaquée.

45      Les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée étant cumulatives, il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner si les requérants sont, en l’espèce, directement affectés par la disposition attaquée, force est de constater que les requérants n’ont pas démontré leur qualité pour agir à l’encontre de cette dernière.

46      Dès lors, le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

47      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention déposée par la Commission, le 16 avril 2014, au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens et ceux du Parlement et du Conseil, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mark Bos, Mme Estelle Kadouch, MM. Siegfried Krahl et Eric Lunel supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention de la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 11 novembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : le français.