Language of document : ECLI:EU:T:2008:427

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 octobre 2008(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative représentant une palette – Motif absolu de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans les affaires jointes T‑387/06 à T‑390/06,

Inter-Ikea Systems BV, établie à Delft (Pays-Bas), représentée par MJ. Gulliksson, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet les recours formés contre quatre décisions de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 26 septembre 2006 (affaires R 353/2006-1, R 354/2006-1, R 355/2006-1 et R 356/2006-1), concernant quatre demandes d’enregistrement de marques figuratives consistant en des représentations graphiques d’une palette,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij (rapporteur), président, V. Vadapalas et L. Truchot, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 20 décembre 2006,

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal le 27 mars 2007,

vu l’ordonnance du 4 juin 2007 portant jonction des affaires T-387/06 à T-390/06,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

à la suite de l’audience du 5 mars 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 octobre 2004, la requérante, Inter-Ikea Systems BV, a présenté quatre demandes de marques communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) (ci-après l’ « Office »), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les demandes de marques visaient les signes figuratifs suivants :

–        dans l’affaire T-387/06 :

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–        dans l’affaire T-388/06 :

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–        dans l’affaire T-389/06 :

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–        dans l’affaire T-390/06 :

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3        Les produits et services pour lesquels ces enregistrements ont été demandés relèvent des classes 6, 7, 16, 20, 35, 39 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Métaux communs et leurs alliages; matériaux de construction métalliques ; constructions transportables métalliques ; matériaux métalliques pour les voies ferrées ; câbles et fils métalliques non électriques ; serrurerie et quincaillerie métalliques ; tuyaux métalliques ; coffres-forts ; produits métalliques non compris dans d’autres classes ; minerais ; tendeurs de bandes métalliques (étriers de tension) ; entretoises métalliques ; bretelles métalliques pour la manutention de fardeaux ; récipients métalliques (stockage, transport) ; palettes de chargement métalliques ; porte-charges et palettes de chargement métalliques pour l’emballage et le transport ; gabarits de chargement métalliques ; coffres métalliques ; bandes métalliques de tension pour la manutention de fardeaux ; palettes de transport métalliques » ;

–        classe 7 : « Machines et machines-outils ; moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres) ; accouplements et organes de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; couveuses pour les œufs; machines d’emballage ; porte-outils ; appareils de chargement et de déchargement » ;

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; caractères d’imprimerie ; clichés ; papier d’emballage ; emballage en carton ou en plastique pour bouteille ; matières à cacheter ; boîtes pour la papeterie ; couvertures (papeterie) ; papier ; pellicules en matières plastiques pour l’emballage ; pellicules en matières plastiques adhérentes, extensibles, pour la palettisation ; pellicules en matières plastiques thermo-rétractables pour l’emballage et le transport » ;

–        classe 20 : « Meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits, non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques ; tendeurs de bandes de fer non métalliques (étriers de tension) ; bretelles non métalliques pour la manutention de fardeaux ; récipients d’emballages en plastique ; emballages en bois ; récipients non métalliques pour le stockage ; fermetures de récipients non métalliques ; récipients non métalliques (stockage, transport) ; palettes de chargement non métalliques ; porte-charges et palettes de chargement non métalliques pour l’emballage et le transport ; gabarits de chargement non métalliques pour palettes de chargement ; coffres non métalliques; palettes de transport non métalliques » ;

–        classe 35 : « Consultation professionnelle d’affaires pour l’emballage, le transport et le stockage ; consultation professionnelle d’affaires pour la conception, la fabrication et l’utilisation de porte-charges » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; portage ; services d’expédition ; informations en matière d’emballage, d’entreposage et de transport ; services de conseil en matière de systèmes de chargement et d’emballage ; consultation professionnelle, non commerciale, en matière d’emballage, de transport et d’entreposage ; déchargement de marchandises ; entreposage de marchandises ; courtage de transport ; transport de meubles ; emballage de marchandises ; transport de marchandises ; location de conteneurs d’entreposage ; location de palettes de chargement ; porte-charges et machines de manutention pour le chargement ; livraison de marchandises ; informations et conseils logistiques » ;

–        classe 42 : « Services juridiques ; recherches scientifiques, industrielles et techniques ; analyses industrielles ; programmation informatique ; services de dessinateurs pour emballages ; dessin industriel ; services de recherche et développement de nouveaux produits ; gérance de droits d’auteur ; informations en matière de construction ; consultation professionnelle, non commerciale, en matière de conception, de fabrication et d’utilisation de porte-charges ; essai de matériaux ; étude de projets techniques ; recherches industrielles et techniques ; services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; concession de licences de services ; exploitation de brevets ; concession de licences de propriété intellectuelle ».

4        Par quatre décisions du 20 janvier 2006, l’examinateur a rejeté les demandes d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, au motif que les marques demandées étaient dépourvues de caractère distinctif.

5        Le 10 mars 2006, la requérante a formé quatre recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre les quatre décisions de l’examinateur.

6        Par quatre décisions du 26 septembre 2006 (ci-après les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’Office a rejeté ces recours au motif que les marques demandées étaient dépourvues de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Procédure et conclusions des parties

7        Au cours de la procédure orale, la requérante a indiqué au Tribunal qu’elle avait procédé à une limitation de la liste des produits et des services désignés dans les demandes de marques, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’Office aux dépens.

9        L’Office conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

10      La requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

11      La requérante prétend à titre principal, que les marques possèdent suffisamment de caractère distinctif pour pouvoir être enregistrées pour l’ensemble des produits et des services en cause, énumérés au point 3 ci-dessus. À titre subsidiaire, elle fait valoir que les marques ont, en tout état de cause, suffisamment de caractère distinctif pour pouvoir être enregistrées pour les produits et services relevant des classes 20, 35, 39 et 42, énumérés au point 3 ci-dessus.

12      Au soutien de ses prétentions, la requérante conteste que les marques demandées consistent en des représentations fidèles de la palette dénommée « OptiLedge », représentée ci-après :

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13      Selon elle, il s’agirait de marques figuratives stylisées n’ayant qu’une certaine ressemblance avec ce produit, les différences entre les marques demandées et ce produit étant importantes. En effet, les signes en cause ne comprendraient pas les trois pieds positionnés à la base du produit et auraient, sur le bord, des trous ornementaux de forme soit carrée (affaire T-387/06), soit ronde (affaires T-388/06 et T-390/06), soit triangulaire (affaire T-389/06), qui leur conféreraient des qualités esthétiques. En ce qui concerne le signe en cause dans l’affaire T-390/06, il y aurait, en outre, un large espace rectangulaire entre les trous sur la base et sur le bord. Par ailleurs, les formes des marques demandées ne pourraient pas correspondre à des objets pouvant fonctionner en tant que palette de chargement. Les marques demandées seraient donc seulement suggestives.

14      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas attaché suffisamment d’importance aux caractéristiques distinctives des marques demandées, telles que les trous de forme ronde, carrée ou triangulaire et les bords légèrement incurvés sur la tranche et sur la base, qui conféreraient aux signes un caractère suffisamment distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle ajoute que le caractère distinctif des marques doit être apprécié par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

15      En outre, la requérante avance que, même si les marques demandées devaient être considérées comme des représentations graphiques fidèles du produit, celles-ci auraient néanmoins un caractère suffisamment distinctif pour indiquer l’origine commerciale, en raison des caractéristiques particulières mentionnées au point 13 ci-dessus, que la chambre de recours aurait sous-évaluées. La requérante fait valoir que, dans cette hypothèse, il conviendrait de vérifier, d’une part, si le design du produit représenté peut, en lui-même, influer sur la mémoire du public et, d’autre part, si la manière dont le produit est représenté présente une particularité susceptible d’indiquer l’origine du produit. La requérante ajoute que, aux fins de déterminer le caractère distinctif d’une marque figurative consistant en la représentation du produit, la seule question pertinente est celle de savoir si la représentation est de nature à être perçue par le public comme indicative de l’origine du produit.

16      L’Office considère, à titre liminaire, que la distinction faite par la requérante entre la demande principale et la demande subsidiaire doit être rejetée comme irrecevable ou, à défaut, comme manifestement non fondée. En effet, la requérante n’aurait pas avancé la moindre explication justifiant que les signes seraient plus distinctifs en ce qui concerne la seconde série de produits et de services qu’en ce qui concerne la première, son argumentation étant très générale et ne distinguant pas entre les divers produits et services désignés. En outre, la demande subsidiaire serait dénuée de toute pertinence, dans la mesure où elle serait en tout état de cause comprise dans la demande principale et serait, à ce titre, examinée dans le cadre de l’appréciation de l’ensemble des produits et des services.

17      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les marques demandées ne consistent pas en de fidèles représentations d’une palette, mais, au contraire, en des marques figuratives, l’Office considère que les différences entre les marques demandées et la palette en cause ne rendent pas ce produit méconnaissable, dès lors que les éléments omis ou modifiés ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’impression d’ensemble donnée par le produit. Les marques demandées seraient des dessins techniques offrant des représentations précises de la forme du produit, que le public pertinent reconnaîtrait sans équivoque comme étant une sorte de palette ou de plateau de chargement.

18      Il ajoute que, même lorsque la forme dont la protection est demandée possède certaines caractéristiques formelles spécifiques, celles-ci devraient être d’une nature, d’un type et d’une intensité propres à permettre au signe d’être perçu comme une indication d’origine. En outre, lorsque la forme dont la protection est demandée reproduit pour l’essentiel la configuration nécessaire des produits ou ressemble à la forme qu’ils revêtiront le plus vraisemblablement, il appartiendrait à la requérante de démontrer que cette forme se distingue de façon suffisamment significative de la norme ou des habitudes du secteur pour être perçue par le public comme une indication d’origine.

19      L’Office considère que la chambre de recours a examiné avec précision les signes en cause et a retenu à juste titre que les différences entre ceux-ci et la palette ne consistaient qu’en des formes banales, insusceptibles d’être spontanément reconnues par le public pertinent. Ce serait ainsi à bon droit que la chambre de recours a retenu que les signes en cause consistaient en la forme du produit, dans la mesure où ils reproduisaient fidèlement la forme d’une palette.

20      En ce qui concerne la détermination du caractère distinctif des signes en cause eu égard aux produits et aux services pour lesquels les enregistrements sont demandés, l’Office fait observer que, dans les décisions attaquées, la chambre de recours a examiné la catégorie de produits et de services concernés, déterminé le profil et le degré d’attention du consommateur concerné et cité de nombreux exemples portant sur la réaction que l’on peut attendre de la part des consommateurs confrontés au signe. La chambre de recours aurait ainsi établi que les marques demandées étaient perçues par le public pertinent comme la forme d’une palette et non comme indiquant l’origine commerciale de produits ou de services dans les secteurs ayant un lien direct ou indirect avec les palettes. Or, il appartiendrait à la requérante de prouver que cette conclusion ne s’appliquait pas pour certains des produits ou des services désignés.

21      L’Office ajoute que le public n’a pas pour habitude de reconnaître l’origine des produits grâce à la palette sur laquelle ils sont stockés, ni celle des services de transport ou de stockage sur la base du type d’équipement utilisé. De même, le public ne percevrait pas le dessin technique d’une palette comme une marque évoquant l’origine de services de conception de produits ou de services juridiques spécialisés dans le domaine de la propriété intellectuelle.

22      En outre, la requérante ne contesterait pas la qualité ou l’exhaustivité du raisonnement de la chambre de recours dans les décisions attaquées au regard des articles 73 et 74 du règlement n° 40/94, puisqu’elle ne ferait état que de prétendues erreurs d’appréciation et d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Lors de l’audience, l’Office a ajouté que la Cour autorise les motivations globales pour tous les produits et services désignés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (arrêt de la Cour du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, Rec. p. I‑1455, point 37).

23      L’Office conclut que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les marques demandées étaient dépourvues de caractère distinctif au regard de l’ensemble des produits et des services pour lesquels la protection était demandée, de sorte qu’elles ne sont pas susceptibles d’être enregistrées, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Appréciation du Tribunal

24      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, au cours de la procédure orale, la requérante a informé le Tribunal que, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, elle avait retiré de la liste des produits et des services désignés dans les demandes de marques la référence aux « gabarits de chargement non métalliques pour palettes de chargement », relevant de la classe 20.

25      À cet égard, il convient de relever qu’une limitation opérée conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 postérieurement à l’adoption de la décision attaquée peut être prise en considération par le Tribunal lorsque le demandeur se borne strictement à réduire l’objet du litige en retirant certaines catégories de produits ou de services de la liste des produits et des services désignés dans la demande de marque [arrêt du Tribunal du 27 février 2008, Citigroup/OHMI – Link Interchange Network (WORLDLINK), T‑325/04, non publié au Recueil, point 26].

26      En l’espèce, les présentes limitations des produits et des services désignés dans les demandes de marques consistant en une simple réduction de l’objet des litiges, il n’y a pas lieu d’examiner la légalité des décisions attaquées en ce qu’elles concernent le caractère distinctif des signes en cause par rapport aux « gabarits de chargement non métalliques pour palettes de chargement », relevant de la classe 20.

27      Sur le fond, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». Est pourvue d’un caractère distinctif au sens de cette disposition la marque qui permet de distinguer, selon leur origine, les produits ou services pour lesquels l’enregistrement a été demandé. À cet effet, il n’est pas nécessaire qu’elle transmette une information précise quant à l’identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit ou service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 43 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 28].

28      Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑63/01, Rec. p. II‑5255, point 39 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 8 avril 2003, Linde e.a., C‑53/01 à C‑55/01, Rec. p. I‑3161, point 41].

29      Il résulte de la jurisprudence que les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par la représentation graphique du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque constituée par la représentation fidèle du produit lui-même que dans le cas d’une marque verbale, ou dans celui d’une marque figurative ou tridimensionnelle ne représentant pas fidèlement le produit. En effet, alors que le public a l’habitude de percevoir, immédiatement, ces dernières marques comme des signes identificateurs du produit, il n’en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l’aspect du produit lui-même [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Image d’un produit détergent), T‑30/00, Rec. p. II‑2663, point 49]. Il peut donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque constituée par la représentation fidèle du produit lui-même que s’agissant d’une marque verbale, ou d’une marque figurative ou tridimensionnelle ne représentant pas fidèlement le produit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, Rec. p. I‑5677, point 25).

30      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt Storck/OHMI, précité, point 26).

31      En l’espèce, la requérante n’a pas contesté l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent pour les produits et les services pour lesquels l’enregistrement des marques est demandé est composé de professionnels et de consommateurs.

32      Il y a lieu de constater, ensuite, que les signes figuratifs pour lesquels la protection au titre de la marque communautaire est demandée consistent en des représentations graphiques de l’une des pièces principales d’une palette de chargement dénommée « OptiLedge », reproduite au point 12 ci-dessus, un produit dont la conception et le design diffèrent de ceux des palettes de chargement traditionnelles, en bois. Ainsi que la chambre de recours l’a observé dans les décisions attaquées, ces signes sont constitués par les représentations graphiques de plates-formes ou de bases rectangulaires allongées ayant un rebord de la même longueur (affaires T-387/06 à T-389/06) ou d’une longueur supérieure (affaire T-390/06), à angle droit (90°) par rapport à la base, le rebord étant orné de trous de forme soit carrée (affaire T-387/06), soit ronde (affaires T-388/06 et T-390/06), soit triangulaire (affaire T-389/06) (voir point 2 ci-dessus).

33      Aux fins de l’examen de la légalité des décisions attaquées, il convient de distinguer les produits et services désignés dans les demandes d’enregistrement, selon qu’ils sont d’une part, des palettes de chargement ou directement liés à ces produits et, d’autre part, étrangers aux palettes de chargement.

34      S’agissant, en premier lieu, des produits et services désignés dans les demandes d’enregistrement qui consistent en des palettes de chargement ou qui sont directement liés à ces produits, à savoir « les palettes de chargement métalliques », les « porte-charges et palettes de chargement métalliques pour l’emballage et le transport » et les « palettes de transport métalliques », relevant de la classe 6, les « palettes de chargement non métalliques », les « porte-charges et palettes de chargement non métalliques pour l’emballage et le transport » et les « palettes de transport non métalliques », relevant de la classe 20, et les services de « location de palettes de chargement », relevant de la classe 39, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’aucune précision n’est apportée quant aux types de palettes de chargement en cause, de sorte qu’il convient de considérer que tous les types de palettes de chargement sont visés par ces demandes.

35      Il convient d’observer, ensuite, que, si les représentations graphiques en cause dans les demandes d’enregistrement restituent fidèlement l’aspect de l’une des pièces principales de la palette « OptiLedge », elles ne représentent pas l’ensemble de cette palette de chargement, celle-ci étant composée, ainsi qu’il peut être observé au point 12 ci-dessus, d’au moins deux pièces principales et ces dernières étant pourvues de trois pieds positionnés sous leurs bases rectangulaires. Ainsi que la requérante le fait valoir, il n’y a donc pas lieu de considérer que les marques demandées constituent de fidèles représentations d’une palette destinée à déplacer ou à stocker des produits.

36      Force est toutefois de considérer que, dans la mesure où ces représentations graphiques reproduisent précisément la forme de l’un des éléments principaux du produit qu’elles ont vocation à désigner ou du produit auquel les services visés au point 34 ci-dessus ont trait, à savoir une palette potentiellement conçue de la même manière que la palette « OptiLedge », ces signes ne sauraient distinguer les produits et services en cause selon leurs origines commerciales. En effet, ainsi que la chambre de recours tend à l’observer au point 24 des décisions attaquées, les signes demandés représentent une forme susceptible d’être communément utilisée dans le commerce, dans la mesure où, pour des raisons techniques, il en sera nécessairement fait usage dès que seront en cause des palettes de chargement du type de la palette dénommée « OptiLedge ». Pour cette raison, le public pertinent sera potentiellement souvent confronté à cette forme, qui, dès lors qu’elle est susceptible d’apparaître sur des palettes d’origines commerciales diverses, ne sera pas à même d’indiquer l’origine commerciale des produits et services désignés, visés au point 34 ci-dessus.

37      La circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle les représentations graphiques en cause présenteraient des différences avec la palette « OptiLedge » n’est pas, à la supposer établie, de nature à influer sur cette constatation. En effet, la chambre de recours a relevé à juste titre que les caractéristiques à la base de ces différences, telles que les formes carrée, ronde ou triangulaire des trous, ou encore, en ce qui concerne l’affaire T-390/06, l’espace rectangulaire entre les trous et le bord, sont banales et n’ajoutent aucun caractère distinctif aux représentations graphiques. Pour ces raisons, l’argument de la requérante selon lequel les marques demandées tireraient leur caractère distinctif de celui de l’aspect du produit lui-même, dans la mesure où celui-ci présenterait les caractéristiques évoquées ci-dessus, ne saurait davantage prospérer.

38      C’est par conséquent à bon droit que la chambre de recours a estimé que les signes en cause étaient dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, pour autant que sont en cause les « palettes de chargement métalliques », les « porte-charges et palettes de chargement métalliques pour l’emballage et le transport » et les « palettes de transport métalliques », relevant de la classe 6, les « palettes de chargement non métalliques », les « porte-charges et palettes de chargement non métalliques pour l’emballage et le transport » et les « palettes de transport non métalliques », relevant de la classe 20, ainsi que les services de « location de palettes de chargement », relevant de la classe 39.

39      S’agissant, en second lieu, des produits et services restants désignés dans les demandes d’enregistrement, qui sont étrangers aux palettes de chargement, il y a lieu de relever que, au point 20 des décisions attaquées, la chambre de recours a précisé que « la marque demandée [était] la fidèle représentation graphique d’une palette qui serait destinée à déplacer ou stocker des produits ». La chambre de recours a, en conséquence, pris le parti de retenir que, par rapport à l’ensemble des produits et des services, les signes demandés constituaient de « fidèle[s] représentation[s] graphique[s] des produits et services demandés ».

40      Par ailleurs, au point 24 des décisions attaquées, la chambre de recours a considéré que « [les] représentation[s] graphique[s] de la forme de la palette [sont] habituelle[s] et n’[ont] aucune caractéristique spécifique susceptible de distinguer cette forme des autres ». De même, au point 26 des décisions attaquées, la chambre de recours a retenu que « [l]e client moyen sur le marché en question […] percevra la marque demandée comme une simple palette et non comme une indication de l’origine du produit ».

41      Il ressort ainsi clairement de ces considérations que la chambre de recours s’est limitée à examiner le caractère distinctif des marques demandées uniquement en ce qui concerne les palettes, sans procéder à l’examen de ce caractère distinctif par rapport à l’ensemble des produits et des services désignés dans les demandes de marques. Or, l’examen des motifs de refus visés à l’article 7 du règlement n° 40/94 doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé. Par ailleurs, la décision par laquelle l’Office refuse l’enregistrement d’une marque doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir, en ce sens et par analogie, arrêt BVBA Management, Training en Consultancy, précité, point 34).

42      Il y a lieu d’observer, à cet égard, que, si l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (arrêt BVBA Management, Training en Consultancy, précité, point 37), tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, ainsi qu’il a été constaté aux points 39 à 41 ci-dessus, il ressort clairement des décisions attaquées que la chambre de recours s’est limitée à examiner le caractère distinctif des marques demandées en ce qui concerne les palettes uniquement, sans procéder, même globalement, à l’examen de ce caractère distinctif par rapport aux autres produits et services désignés dans les demandes de marques. L’Office ne saurait alléguer, dès lors, que la décision attaquée contient une motivation globale pour l’ensemble des produits en cause qui sont étrangers aux palettes de chargement.

43      Il convient également de rejeter l’assertion de l’Office selon laquelle il aurait appartenu à la requérante de prouver que la conclusion que les signes en cause étaient dépourvus de caractère distinctif ne s’appliquait pas à l’égard de ces produits et services. En effet, il suffit de relever, à cet égard, qu’il revenait en premier lieu à la chambre de recours de démontrer que, concernant ces produits et services, les signes en cause coïncidaient de manière significative avec la norme ou les habitudes du secteur (voir point 30 ci-dessus).

44      Force est donc de constater que, en omettant d’examiner le caractère distinctif des marques demandées par rapport à chacun des produits et services demandés, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en ce qui concerne les produits désignés autres que les palettes de chargement.

45      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les décisions attaquées doivent être annulées dans la mesure où la chambre de recours a considéré que les marques demandées étaient dénuées de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce qui concerne l’ensemble des produits et des services relevant des classes 6, 7, 16, 20, 35, 39, et 42, visés au point 3 ci-dessus, tels qu’ils résultent de la limitation des produits opérée conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, à l’exclusion des « palettes de chargement métalliques », des « porte-charges et palettes de chargement métalliques pour l’emballage et le transport » et des « palettes de transport métalliques », relevant de la classe 6, des « palettes de chargement non métalliques », des « porte-charges et palettes de chargement non métalliques pour l’emballage et le transport » et des « palettes de transport non métalliques », relevant de la classe 20, ainsi que des services de « location de palettes de chargement » relevant de la classe 39.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si elles succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, dans la mesure où les présents recours sont partiellement accueillis, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 26 septembre 2006 (affaires R 353/2006-1, R 354/2006-1, R 355/2006-1 et R 356/2006-1) sont annulées dans la mesure où elles refusent l’enregistrement des marques demandées en ce qui concerne des produits et des services relevant des classes 6, 7, 16, 20, 35, 39 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, à l’exclusion des « palettes de chargement métalliques », des « porte-charges et palettes de chargement métalliques pour l’emballage et le transport » et des « palettes de transport métalliques », relevant de la classe 6, des « palettes de chargement non métalliques », « porte-charges et palettes de chargement non métalliques pour l’emballage et le transport » et des « palettes de transport non métalliques », relevant de la classe 20, ainsi que des services de « location de palettes de chargement », relevant de la classe 39.

2)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Meij

Vadapalas

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij       


* Langue de procédure : l’anglais.